Discours 1991 - Nonciature Apostolique de Varsovie, Samedi, 8 juin 1991


AUX JOURNALISTES DU QUOTIDIEN FRANÇAIS «LA CROIX»

Jeudi, 13 juin 1991



Chers pèlerins,



C’est avec joie que je vous accueille en ces lieux et je remercie Monsieur Bernard Porte, Président du Directoire de Bayard-Presse, de m’avoir présenté votre groupe en donnant le sens de votre démarche. A travers vous, je salue tous les lecteurs de «La Croix» ainsi que l’équipe des rédacteurs de ce quotidien catholique.

Un pèlerinage à Rome est une grâce que je qualifierais volontiers de «pascale»: en effet, dans le sillage des premiers chrétiens, qui ont témoigné, par le don de leur vie, de la seigneurie à jamais victorieuse du Christ ressuscité, vous êtes venus ici pour donner une vigueur nouvelle a votre foi, afin que, a votre tour, vous manifestiez haut et clair votre attachement au Christ, à l’Église et au successeur de Pierre, en retrouvant l’élan missionnaire et le dynamisme joyeux du christianisme naissant.

Chers amis, je souhaite que, comme membres de la grande famille de «La Croix», et éclairés par de solides critères religieux, vous poursuiviez activement vos engagements de baptisés dans votre propre milieu. En un temps où il faut que le Peuple de Dieu rassemble ses énergies sur l’essentiel et soit «lancé vers l’avant», comme dit saint Paul [1], soyez des artisans de paix et d’unité, d’abord entre ceux qui professent la même foi, puis entre tous les hommes. Proclamez sereinement vos convictions, dans le respect attentif des personnes. Dans la charité du Christ, aimez profondément vos pasteurs; avec eux, soyez des passionnés de l’Évangile, et maintenez ensemble la communion qui vivifie. Prenez généreusement votre part dans les tâches urgentes qui s’imposent à l’Église.

Cultivez l’amour fraternel afin que l’on puisse reconnaître en vos communautés chrétiennes l’estampille des disciples du Christ: «Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres» [2]. Par la qualité de la recherche spirituelle, par l’éthique chrétienne manifestée dans tous les domaines de la vie quotidienne, vous aurez une influence réelle sur la société française et la société européenne, dans la conviction qu’il n’est pas possible de comprendre l’histoire de l’homme sans le Christ.

Cette année est spécialement consacrée a la doctrine sociale de l’Église et je sais que vous avez fait un bon accueil a l’encyclique «Centesimus Annus». Je vous encourage à en approfondir le message, à le répandre dans les termes propres à éclairer vos compatriotes; et je vous invite à vous en inspirer dans l’exercice des diverses responsabilités qui vous sont confiées.

A vous-mêmes et à vos proches, aux rédacteurs et à tout le personnel de «La Croix», je donne de grand coeur ma Bénédiction Apostolique.

[1] Ph 3,14.
[2] Jn 13,14.



AUX JOURNALISTES CATHOLIQUES DE BELGIQUE

Jeudi, 27 juin 1991


Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,



Je tiens d’abord à remercier Monsieur Gleissner, nouveau Président de l’Association des Journalistes catholiques de Belgique, pour ses aimables paroles, exprimant les sentiments de tous à l’égard du Pape, et je forme des voeux pour l’heureux accomplissement de la charge qui lui a été confiée.

En vous accueillant avec plaisir ce matin, il me semble à propos de remarquer que les Églises locales, suivant les pays dans lesquels elles sont enracinées, ont chacune leur manière d’aimer l’Église universelle et de la servir. C’est un peu comme dans les familles humaines, les enfants traduisent différemment leur affection à l’égard des parents. Depuis plus d’un siècle, la presse catholique belge a inventé et maintenu ce que vous appelez «les Étrennes pontificales» qui représentent une forme du Denier de Saint-Pierre. Et chaque année, les responsables de l’Association ont la délicatesse de venir remettre personnellement cette magnifique offrande, aux environs de la fête de l’Apôtre Pierre. Le symbole ecclésial de votre démarche n’en est que plus évident. Soyez une fois de plus vivement félicités, vous et la foule des «lecteurs-donateurs», pour les «Étrennes» de 1991.

Ensemble, vous accomplissez avec intelligence et avec persévérance votre rôle de laïcs chrétiens. Le Concile, dans sa Constitution dogmatique sur l’Église, a su mettre en lumière la condition des laïcs dans le Peuple de Dieu et les stimuler à coopérer au progrès de l’Église dont ils sont des membres vivants et actifs[1]. Si l’apostolat local dans vos diocèses belges vous mobilise déjà - n’exercez-vous pas votre profession de journalistes catholiques dans cet esprit? - vous savez également entretenir en vous et chez vos lecteurs la volonté de subvenir avec générosité aux besoins du Siège Apostolique de Rome, centre d’unité et d’animation de toute l’Église. Votre collecte annuelle est, pour sa part, une sorte de défi à une partie de l’opinion publique qui, mal éclairée, fait toujours état des «richesses du Vatican». Elle ne voit que l’héritage du passé, d’ailleurs non productif, que nous avons le devoir de respecter comme patrimoine culturel de l’humanité. En réalité, la vie du Siège de Rome et de son Évêque, Pasteur de l’Église universelle, se déploie à travers une bonne trentaine d’organismes devenus indispensables à son ministère de Successeur de Pierre en notre temps. Le travail considérable qui s’y accomplit au bénéfice des Pasteurs et des fidèles du monde entier requiert leur soutien. C’est pourquoi j’apprécie hautement, comme mes prédécesseurs, les efforts consentis, sous diverses formes, par les Églises particulières afin de permettre au Pontife romain et aux organismes centraux de l’Église de remplir au mieux leur mission doctrinale, pastorale et caritative. Je vous remercie de répercuter cette vision du Siège Apostolique de Rome auprès de vos lecteurs.

Que votre séjour romain soit très bénéfique à votre vie dans la foi, à votre rôle de laïcs actifs, à vos familles, à vos diocèses respectifs, à vos lecteurs. Je demande pour vous tous la grâce croissante d’aimer l’Église d’aujourd’hui et de toujours, qui, forte des promesses du Christ demeurant avec elle jusqu’à la fin des siècles, désire se mettre courageusement au service de l’oeuvre de la Rédemption. Au nom du Christ Seigneur, je vous bénis et j’étends cette Bénédiction à la chère Association des Journalistes catholiques de Belgique, ainsi qu’aux lecteurs et aux amis de leurs journaux.

[1] Cfr. Lumen Gentium, LG 33.


AUX PARTICIPANTS À LA XLIIème SESSION ORDINAIRE DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L'UNION EUROPÉENNE DE RADIODIFFUSION

Salle du Synode, Vendredi, 28 juin 1991



Mesdames, Messieurs,

1. Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue dans la Salle du Synode, devenue pour la circonstance le siège des travaux de la XLIIème session ordinaire de l’Assemblée générale de l’Union européenne de Radiodiffusion. Et je voudrais d’abord remercier Monsieur Albert Scharf, qui se consacre depuis des années avec dévouement votre Organisation, pour les paroles aimables qu’il m’a adressées en votre nom à tous.

Je salue les membres du Conseil d’Administration, les Présidents des différentes commissions, le Secrétaire général et les responsables des services permanents de l’Union. J’adresse aussi mes salutations aux représentants des Unions soeurs qui font entendre dans votre Assemblée la voix des autres continents du globe. Cette rencontre n’est pas la première qu’il m’ait été donné d’avoir avec l’Union européenne de Radiodiffusion; en 1981, la Commission des programmes radiophoniques a été l’hôte de Radio Vatican et, en 1984, ce fut le cas de la Commission technique.

Mais cette année, pour le LXème anniversaire de la fondation de la «Radio du Pape», l’Union européenne de Radiodiffusion a voulu donner cette commémoration tout son relief par sa présence au plus haut niveau en la Cité du Vatican.

2. L’Église, conformément à sa mission, est particulièrement attentive au destin et à la dignité de la personne humaine. «L’homme ? ai-je écrit dans ma première encyclique ? est la route de l’Église». Cette même conviction a inspiré la rédaction de l’encyclique récente «Centesimus Annus», dans laquelle j’ai renouvelé la présentation de la doctrine sociale de l’Église à la lumière de l’évolution qu’a connue la situation du monde contemporain. De ce point de vue, il est facile de comprendre la sollicitude et l’intérêt avec lesquels l’Église considère l’ensemble des médias qui se sont désormais imposés dans la vie quotidienne, exerçant une influence croissante sur la pensée et le comportement des citoyens.

En s’exprimant sur ce phénomène typiquement moderne, l’Église ne peut taire les questions de nature morale qu’il suscite. Mais on présente parfois dans une perspective unilatérale et incomplète ces rappels des règles morales que, dans ce domaine comme en d’autres, l’Église adresse aux responsables car il s’agit pour elle d’un devoir auquel elle ne peut renoncer. Il arrive ainsi que l’on ne comprenne pas l’esprit dans lequel elle exerce son rôle d’enseignement: en effet, elle agit dans le bien intégral de l’homme. Dans d’autres cas, son avertissement est bien respecté dans l’abstrait, mais il est ensuite relativisé ou vidé de son sens concret parce qu’il ne tiendrait pas compte de la situation des médias et des lois qui régissent leur action.

La vérité est différente: non seulement l’Église n’ignore pas le «pouvoir» qui est entre vos mains, non seulement elle tient compte des responsabilités spécifiques de ceux qui travaillent dans votre secteur, mais elle a conscience aussi des difficultés, des limites, des conditions auxquelles vous êtes soumis. L’Église sait et reconnaît que, dans le domaine des médias, il y a des milieux où les exigences morales ne sont pas prises en considération ou même sont tournées en ridicule, ce qui rend parfois très difficile d’agir en toute fidélité à sa conscience.

3. En un temps de grandes transformations culturelles, sociales et politiques, de nouveaux problèmes sont apparus pour les opérateurs du service public de radiodiffusion. Jusqu’à ces dernières années, ce service a été respecté, et en un sens protégé, en raison de la mission qui lui était assignée; à présent, il doit entrer en compétition, sur un terrain qui se transforme rapidement en marché. Mais si, dans le cadre de la compétition économique, l’assouplissement peut être profitable, cela peut devenir dangereux pour une activité comme la communication, si liée à des facteurs éthiques qu’elle ne peut être réduite purement et simplement à la logique du marché.

Dans la situation difficile que connaissent des degrés divers certains de vos pays, les pouvoirs publics sont appelés faire preuve d’une lucidité et d’une énergie exceptionnelles pour conduire la délicate période de transition actuelle. Heureusement, malgré les défauts qui demeurent, il semble que l’on s’oriente aujourd’hui vers la réalisation de systèmes mixtes plus équilibrés où coexistent harmonieusement le service public et les organismes privés, avec une répartition équitable des charges et des ressources, en cherchant avant tout l’intérêt de la communauté.

Cela paraît d’autant plus nécessaire en cette période où, libérés des systèmes totalitaires, les pays d’Europe centrale et orientale, qui s’efforcent de construire une société nouvelle, se tournent vers l’Occident dans l’espoir de trouver non pas des exemples de compétition sauvage, mais des modèles de communication dignes de démocraties avancées.

4.  … en anglais

5.


À LA DÉLÉGATION DE CONSTANTINOPLE ENVOYÉE PAR SA SAINTETÉ DIMITRIOS Ier

Solennité des saints Pierre et Paul. Samedi, 29 juin 1991


Frères très aimés dans le Christ,


«Voyez! Qu’il est bon, qu’il est doux d’habiter en frères tous ensemble»[1].

Ce sentiment spontané exprimé par le psalmiste résonne en moi au moment d’accueillir la délégation des dignes représentants envoyés par Sa Sainteté Dimitrios Ier. Je vous demande de lui redire ma fraternelle affection dans le Christ et de transmettre mes cordiales salutations aux membres du Saint-Synode et à tous les fidèles du Patriarcat oecuménique.

C’est vraiment, pour moi, une grande joie de vous souhaiter une chaleureuse bienvenue, ici à Rome, en ce jour où nous fêtons les saints martyrs Pierre et Paul. Encore une fois, vous êtes venus participer à cette célébration: cela montre qu’elle nous devient commune. Votre présence parmi nous témoigne visiblement, aux yeux des fidèles de nos deux Églises, que nous partageons déjà une profonde communion.

De plus, cette année, notre rencontre prend une signification particulière puisqu’elle se déroule au lendemain du Consistoire où 22 Cardinaux ont été créés. Ce sont mes collaborateurs immédiats. Certains d’entre eux seront appelés à vous côtoyer de plus près en raison de la charge pastorale qui leur a été confiée. Je pense ici tout spécialement à Son Éminence le Cardinal Edward Idris Cassidy, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, dont vous avez pu apprécier l’action inlassable au cours de ces 18 derniers mois. Son élévation au cardinalat est, entre autres, le signe de la grande importance que l’Église catholique attache à la cause de l’unité. Mais il est évident que tous les nouveaux Cardinaux, par fidélité au désir profond du Christ et à ce que demande l’Église, auront à coeur de favoriser une réconciliation et une fraternité croissantes entre tous les chrétiens, et principalement, dans les circonstances actuelles, avec leurs frères orthodoxes. La discipline récente de l’Église catholique indique clairement notre devoir: «Il appartient en premier lieu au Collège des évêques tout entier et au Siège Apostolique d’encourager et de diriger chez les catholiques le mouvement oecuménique dont le but est de rétablir l’unité entre tous les chrétiens, unité que l’Église est tenue de promouvoir de par la volonté du Christ» [2].

Votre présence m’amène aussi à parler du dialogue théologique que nous avons entrepris depuis plus de dix ans maintenant. Vous savez combien l’Église catholique y tient.

Les résultats positifs déjà atteints fournissent sans aucun doute une base solide pour régler les problèmes résultant de la nouvelle situation en Europe centrale et orientale. Comme je viens de le mentionner dans la lettre que j’ai envoyée le 31 mai à tous les évêques du continent européen, je suis persuadé que le dialogue reste «l’instrument le plus adapté pour se livrer à un échange fraternel tendant à résoudre le contentieux dans un esprit de justice, de charité et de pardon» [3]. La prière et le dialogue sont les seules façons d’agir qui conviennent entre chrétiens, notamment dans les périodes de tension. Il n’est que temps de mettre en oeuvre l’exhortation de l’Apôtre Pierre, que nous fêtons aujourd’hui: «Soyez tous dans de mêmes dispositions, compatissants, dans l’amour fraternel, la miséricorde, la simplicité. Ne rendez pas le mal pour le mal, ou l’insulte pour l’insulte; au contraire, bénissez, car c’est à cela que vous avez été appelés, afin d’hériter la bénédiction» [4].

Je suis donc intimement convaincu qu’avec l’aide de l’Esprit Saint nous sortirons encore plus forts des épreuves actuelles et davantage raffermis dans notre résolution d’avancer sur les chemins qui conduisent à l’unité parfaite que Dieu veut pour son Église.

Dans l’Évangile de saint Matthieu, nous pouvons lire que Jésus, marchant au bord du lac de Galilée, a appelé deux pêcheurs, Pierre et son frère André. Ceux-ci, laissant aussitôt leurs filets, le suivirent et devinrent «pêcheurs d’hommes» [5]. Ce passage est devenu l’heureuse image de la voie que les Églises de Rome et de Constantinople - dont les deux frères sont les saints patrons respectifs - veulent suivre ensemble pour «faire des disciples de toutes les nations» [6].

Telle est notre fervente prière: que le Seigneur nous permette bientôt d’atteindre cette unité tant désirée, pour sa gloire et le salut du monde!

[1] Ps 133,1 (132), 1.
[2] Codex Iuris Canonici, CIC 755; cfr. etiam Codex Canonum Ecclesiarum Orientalum, .
[3] Ioannis Pauli PP. II Nuntius scripto datus universis Europae espiscopis missus, 2, die 31 maii 1991: vide supra, p. 1379.
[4] 1P 3,8-9.
[5] Mt 4,19.
[6] Ibid. Mt 28,19.

Juillet 1991





AU NOUVEAU CARDINAL ROBERT COFFY, ARCHEVÊQUE DE MARSEILLE

Lundi, 1er juillet 1991



Monsieur le Cardinal,

Au lendemain du Consistoire, j’éprouve un vif plaisir à vous retrouver, entouré de vos proches, des représentants de votre communauté diocésaine de Marseille. Je salue cordialement les personnalités civiles qui ont tenu à vous accompagner au nom du Gouvernement français, de la Région et de la Ville de Marseille.

Je suis heureux de vous compter désormais parmi les conseillers proches de l’Évêque de Rome, car vous apporterez ici les fruits d’une culture théologique et d’une expérience pastorale particulièrement vastes. Et j’aime à rappeler que, expert apprécié de vos confrères de l’épiscopat français, vous savez faire partager votre réflexion approfondie notamment sur l’Église et sur les sacrements.

En la personne de son Pasteur, c’est aussi la grande Cité phocéenne que je voudrais saluer, ville riche d’histoire, ville ouverte sur le monde méditerranéen et au-delà, lieu de rencontres entre les peuples et les traditions religieuses diverses.

Je forme les meilleurs voeux pour vous-même, Monsieur le Cardinal, pour les prêtres, les religieux, les religieuses et pour toute la communauté diocésaine qui parcourt en ce moment la route synodale que vous lui avez ouverte, ainsi que pour l’ensemble de vos concitoyens de Marseille. Que la Bénédiction de Dieu vous soit en aide!



AU NOUVEAU CARDINAL, FRÉDÉRIC ETSOU-NZABI- BAMUNGWABI, ARCHEVÊQUE DE KINSHASA

Mardi, 2 juillet 1991




Monsieur le Cardinal,

Alors que vous rejoignez le Collège des Cardinaux, c’est une joie pour moi de vous accueillir comme «en famille», avec vos proches, les représentants des fidèles du Zaïre et ceux des autorités civiles.

Voici donc que vous prenez le relai du regretté Cardinal Malula, pour assurer la présence de l’Église qui est au Zaïre, et particulièrement du grand diocèse de Kinshasa, dans le conseil qui entoure l’Évêque de Rome. Je suis heureux que vous nous apportiez ici votre large expérience pastorale et missionnaire. Je pense notamment à la préparation qui se poursuit actuellement de l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques. Vous pourrez donner votre témoignage très qualifié du chemin parcouru, dans la prière et dans l’action, pour annoncer la Bonne Nouvelle et enraciner l’Église dans la belle terre du Zaïre.

Votre présence me fait évoquer mes deux visites dans votre Pays, Monsieur le Cardinal. Ces souvenirs présents dans mon coeur sont des motifs de plus pour vous assurer de ma prière fidèle pour vous-même, pour tous ceux qui participent à l’animation pastorale de votre grand diocèse, prêtres, religieux, religieuses et laïcs, ainsi que pour l’ensemble de vos compatriotes et leur avenir.

J’invoque à vos intentions l’intercession de la bienheureuse Anwarite et je vous renouvelle de grand coeur ma Bénédiction Apostolique.

Août 1991


AUX MUSICIENS DE L’ORCHESTRE «JEUNES DE LA MÉDITERRANÉE»

Mercredi, 7 août 1991



Au terme de cette soirée que vous avez organisée, je vous remercie, Monsieur le Président, de m’avoir présenté, comme vous l’avez fait, l’Orchestre des «Jeunes de la Méditerranée». Je me tourne vers son chef et vers ses membres afin de leur exprimer ma gratitude pour le plaisir qu’ils nous ont donné en interprétant ces pièces avec la flamme et la générosité de leur jeunesse.

En d’autres temps, un Respighi avait décrit avec bonheur les pins de Rome, un Mendelssohn avait charmé ses contemporains par les accents de sa fougueuse «Symphonie italienne», mais voici que vous venez de nous faire passer de Palerme, évoquée par Giuseppe Verdi, jusqu’à Vienne et Saint-Pétersbourg, grâce aux oeuvres de Ravel et de Moussorgski. Vous avez su traduire musicalement les paroles de Ravel lui-même à propos de La Valse: «Des nuées tourbillonnantes laissent entrevoir par éclaircies des couples de valseurs. Elles se dissipent peu à peu: on distingue une immense salle peuplée d’une foule tournoyante».

Votre formation est un orchestre «symphonique» et cet adjectif souligne l’une des fonctions de la musique. La «symphonie», où les sons se composent en une synthèse harmonieuse, vous permet de vous retrouver, dans l’amitié et le travail commun, alors que vous êtes originaires de pays à l’histoire et à la culture très différentes. Le Bassin méditerranéen, autour de cette mer que les Anciens appelaient «Mare nostrum», a été le berceau d’une civilisation qui s’est développée à partir des trois grandes capitales que furent Jérusalem, Athènes et Rome. Ainsi, l’existence d’un «Orchestre des Jeunes de la Méditerranée» rappelle et favorise des liens qui demeurent et, si je puis dire, le «concert des nations».

Avec la musique, vous avez reçu du Créateur un talent que je ne saurais trop vous inviter à cultiver. Je pense à des propos de mon prédécesseur, le Pape Paul VI, notés par M. Jean Guitton: «La beauté, comme la vérité, c’est ce qui met la joie au coeur des hommes, c’est ce fruit précieux qui résiste à l’usure du temps, qui unit les générations et les fait communier dans l’admiration»[1].

En demandant pour vous l’intercession de sainte Cécile, patronne des musiciens, je prie le Tout-Puissant de vous bénir et de vous donner la force et le courage de rester toujours des messagers de sa lumière et de sa joie.

[1] Jean Guitton, Dialogues avec Paul VI, p.253.





VOYAGE APOSTOLIQUE EN POLOGNE ET HONGRIE


AUX REPRÉSENTANTS DU CORPS DIPLOMATIQUE

Siège de la Nonciature Apostolique (Budapest), Samedi, 17 août 1991




Excellences,
Mesdames, Messieurs,

1. C’est pour moi un motif de vive satisfaction d’accueillir au siège de la Nonciature Apostolique les Représentants de nombreux pays et de plusieurs Organisations internationales, accrédités auprès de la République de Hongrie. Le récent rétablissement des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Hongrie fait partie des conséquences heureuses de l’évolution que ce pays a connue au cours des dernières années et dont nous nous réjouissons. La présence même du Représentant du Siège Apostolique, votre Doyen, est un signe de ce que l’importance de la dimension religieuse est désormais reconnue dans la société hongroise.

Nous avons été avec joie les témoins des événements qui se sont déroulés récemment dans cette région centrale de l’Europe. En même temps que les nations voisines, la nation hongroise a enfin retrouvé sa liberté et sa pleine souveraineté; elle peut aujourd’hui agir en partenaire qui jouit de toute la confiance de la communauté internationale.

Nous vivons une heure historique pour l’Europe: après tant d’années de contraintes et de défiances, les barrières d’une partition contre nature du continent ont cédé devant la puissance réelle d’une véritable irruption du droit, du refus de l’injustice et d’une digne revendication de la liberté. Nous saluons le courage et la clairvoyance d’un peuple qui a manifesté la maturité acquise au temps de l’épreuve et qui a révélé des ressources humaines impressionnantes pour ébranler un système oppressif par son action pacifique. Il peut maintenant construire un avenir plus clair sur les fondements de ses traditions historiques, culturelles et spirituelles.

2. Je tiens à rendre hommage à nouveau devant vous aux chrétiens de ce pays. Pendant trop d’années, ils ont été atteints au plus profond d’eux-mêmes par la négation publique de leur foi, par le démantèlement de leurs institutions, par la dispersion de leurs communautés religieuses, par le silence forcé de nombre de pasteurs. Et j’évoque avec émotion la noble figure de Pasteur qu’a été au milieu d’eux le Cardinal József Mindszenty, maintenant réhabilité, et qui repose depuis peu dans la terre qu’il a passionnément aimée, auprès du peuple à qui il a voué une fidélité qui a inspiré le respect dans le monde entier.

Comme le montre l’accueil réservé dans ce pays à l’Évêque de Rome, l’Église catholique reprend maintenant son activité au grand jour. Je forme le souhait ardent que soit accueilli son désir de contribuer au bien de la société, selon sa vocation spécifique, en lien cordial avec les autres communautés ecclésiales présentes. Sans demander de privilèges, l’Église catholique a besoin d’un minimum de moyens matériels pour accomplir au mieux sa mission; en particulier, cela est nécessaire pour la reprise de la vie religieuse et pour le développement d’oeuvres de caractère social et caritatif. D’autre part, un accès régulier aux médias permettra aux catholiques de s’exprimer comme il convient à une composante significative de la nation. Fidèles à la source vive de l’Évangile, ils manifestent particulièrement le souci d’une exigence morale fondamentale pour la vie humaine, l’ardeur d’une charité fraternelle appelée à se dépasser sans cesse, la soif de l’unité et de la paix dans le respect mutuel des hommes et des femmes tous également aimés par le Créateur et le Christ Sauveur.

3. Le Corps Diplomatique que vous constituez est naturellement un témoin privilégié des pas nouveaux que franchit la Hongrie. Il est aussi agent de réflexion, de coopération et de solidarité internationale. Les Représentants des Nations ne peuvent oublier les leçons de l’histoire si contrastée de ce continent. L’Europe a été maintes fois un champ de bataille où s’affrontaient les empires, les nations et même les religions. Les deux guerres mondiales ont été déclenchées en Europe, désastres dont les conséquences n’ont pas fini de peser sur les peuples. Il faut prendre une conscience réfléchie des motifs qui ont provoqué et entretenu ces tensions et ces conflits et se garder de masquer les rivalités d’intérêts égoïstes que l’on a trop souvent défendus au détriment des droits des autres. En revanche, on doit faire apparaître clairement les valeurs communes et constructives qui fondent une paix juste et durable, condition de l’avenir harmonieux d’un continent en train de retrouver sa cohérence, sous le regard attentif des peuples du monde entier.

Pouvons-nous, au-delà de toute rhétorique, affirmer que l’Europe est réellement une famille, intégrant une grande diversité de cultures et de traditions dans le même ensemble? Sans l’avoir toujours clairement perçu, cette famille de nations était privée d’une partie vitale d’elle-même par l’éloignement des peuples enracinés au centre de l’Europe, empêchés de participer librement aux échanges de toutes natures. Désormais, les divers pays du continent, qui portent des cicatrices encore vives, sauront-ils rétablir une vie commune où les différences sont acceptées et les oppositions surmontées, grâce à l’adhésion aux valeurs fondatrices reçues dans un même héritage?

Les dirigeants des nations européennes se trouvent en face d’appels pressants: l’évolution récente renouvelle et élargit le cadre d’une coopération nécessaire. Il ne s’agit plus du jeu de puissances qui s’affrontent; il s’agit de parvenir à une collaboration toujours plus étroite, dans ce qu’on peut appeler la «liberté internationale», prolongement de la liberté recouvrée par les personnes et les peuples. Vous savez que l’Église catholique considère favorablement les efforts poursuivis pour créer les institutions adaptées à la mise en oeuvre de la solidarité qui s’impose surtout entre les pays d’une même région du monde. Je souhaite vivement que l’on ne se laisse pas arrêter sur cette voie par les replis sur soi dont certains peuvent être tentés, ou par la crainte de perdre quelque prépondérance ou quelque avantage. À l’échelle du continent européen, l’enjeu de la solidarité entre les nations et le souci de la justice à l’égard de millions d’hommes et de femmes longtemps défavorisés constituent des motifs plus dignes d’inspirer l’action que la sauvegarde d’intérêts égoïstes. Pour ne prendre que quelques exemples, on espère que se développeront la circulation des personnes entre les pays, l’échange des savoirs et des technologies, une coopération économique paritaire, sans que cela n’aboutisse à aucune subordination.

4. La Hongrie, comme les autres pays de cette région, se trouve confrontée à des tâches nombreuses et difficiles pour retrouver tout son dynamisme et sa prospérité. L’économie est à rebâtir pour être en mesure de répondre aux besoins vitaux de ses habitants. Le système éducatif doit se renouveler et recevoir des moyens suffisants. La culture doit reprendre possession des richesses de sa propre mémoire historique et bénéficier en même temps des apports désintéressés venus d’autres régions. Dans ces domaines que je ne fais qu’évoquer, vous êtes, Mesdames, Messieurs, les premiers acteurs d’une coopération dont on espère un développement fécond sans retard.

Il n’appartient pas à l’Église, on le sait, d’intervenir dans les domaines qui relèvent de la compétence propre des États. Mais je ressens la nécessité d’appeler les peuples et leurs dirigeants à ne jamais perdre de vue les motifs profonds d’une coopération que l’on ne peut définir seulement en termes de marchés ou même d’échanges culturels. L’aide souhaitée et les collaborations privées ou publiques ont pour but de permettre à ces peuples de se remettre au travail, d’épanouir leurs talents et leurs ressources humaines, de sauvegarder leur écologie, de faire rayonner leur culture, de déployer toutes les virtualités de leur humanité.

En d’autres termes, il importe de ne pas laisser s’établir de cloisons étanches entre les différents domaines. La solidarité, entre les personnes comme entre les peuples, est un principe d’ordre moral avant tout. L’activité humaine, économique, politique ou culturelle, n’atteint la plénitude de son sens que si une régulation d’ordre éthique l’emporte sur d’autres considérations, aussi légitimes soient-elles. En un mot, la personne de l’homme et la «personnalité» d’un peuple sont les réalités que toute action politique doit respecter et servir avant tout. Jamais la conscience droite ne peut être ignorée ou bafouée. Jamais la vie ne peut être méprisée. Il n’est de réel progrès dans la communauté humaine que si le droit, qui résulte de la nature même de l’homme, est reconnu comme un fondement, antérieur à toute transaction, à tout pacte, à toute édification de structures institutionnelles, dans le cadre d’une nation ou de la solidarité de plusieurs nations.

5. Les pays de la région centrale de l’Europe ont commencé à reconstruire un monde de liberté. Nous savons que l’on assiste aussi à la résurgence de tensions entre groupes de nationalités différentes, présents dans une même entité politique. J’ai maintes fois appelé au respect des droits de toutes les nations, de toutes les minorités: elles doivent accepter la constitution du pays qui les abrite, mais les gouvernements doivent aussi leur reconnaître des droits égaux, y compris le droit à l’usage de leur langue maternelle, à la jouissance d’une juste autonomie et au maintien de leur culture propre. Les Hongrois sont sensibles au sort de leurs frères résidant dans plusieurs pays avoisinants; ils souhaitent légitimement garder certaines formes de liens avec eux. Si les frontières sont inviolables, ne faut-il pas affirmer tout autant que les peuples eux-mêmes sont inviolables? Entre minorités et majorités, il est urgent de dépasser les préjugés ou les ressentiments hérités de l’histoire. Grâce à une meilleure connaissance mutuelle, ne peut-on parvenir à surmonter patiemment des antipathies ancestrales auxquelles on ne peut se résigner? Un tel objectif est prioritaire pour les chrétiens: ils ne sauraient y renoncer sans se montrer infidèles à une vérité centrale, celle de l’égalité foncière de tous les êtres humains qui ont pour vocation de vivre dans une unité fraternelle, par-delà toutes les sortes de frontières. Pour approcher du but, il reste un long chemin à parcourir; loin de nous décourager, cela doit nous inciter à prendre la route sans attendre.

6. En un temps où des options décisives sont à faire pour l’avenir du continent européen, j’ai voulu exprimer devant vous quelques convictions que je tiens pour essentielles. Si, à Budapest aujourd’hui, notre attention se porte sur l’Europe qui se transforme, il est bien clair que nous nous gardons de faire abstraction des préoccupations graves que connaissent les autres régions du monde dont beaucoup d’entre vous sont les représentants. Nous espérons que le fossé creusé naguère entre l’Est et l’Ouest va être durablement comblé. Nous espérons de même que tous les partenaires de la communauté internationale accepteront de fournir sans relâche les efforts nécessaires pour intensifier la coopération et la solidarité entre le Nord et le Sud. Car, dans son infinie diversité, la famille humaine est une. Tous ses membres ont une égale dignité. Personne ne peut accepter qu’un seul être humain soit bafoué et privé de ses droits élémentaires. Les dernières générations ont appris, comme jamais on n’avait pu le faire auparavant, à embrasser d’un seul regard l’ensemble de la planète. Mais il reste beaucoup à apprendre et à faire pour parvenir à la solidarité effective entre tous les peuples.

7. Excellences, Mesdames, Messieurs, au terme de notre rencontre, je suis heureux d’offrir à chacun de vous les voeux fervents de l’Evêque de Rome pour vos personnes et pour les peuples que vous représentez. Dans l’espérance de voir le pays qui nous accueille, le continent européen et l’ensemble des nations du monde avancer d’un pas ferme et l’esprit ouvert sur les chemins de la justice et de la paix, j’invoque Dieu tout-puissant pour vous et pour vos nations, afin qu’il répande largement ses dons de sagesse et d’amour.



Septembre 1991


Discours 1991 - Nonciature Apostolique de Varsovie, Samedi, 8 juin 1991