Discours 1995 - Lundi 9 janvier 1995


VOYAGE APOSTOLIQUE AUX PHILIPPINES, EN PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINÉE, AUSTRALIE ET AU SRI LANKA

Xe JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE


AU MONDE UNIVERSITAIRE À L'UNIVERSITÉ SAINT-THOMAS DE MANILLE

Terrains de sport de l'Université, Vendredi 13 janvier 1995




Révérend Père Recteur,
Chers Pères Dominicains,
Enseignants et Étudiants de l'Université « Saint-Thomas »,
Étudiants et Membres de la Faculté de la "University Belt",

1. Je vous suis profondément reconnaissant à tous d'être venus ici, et je remercie le Père Recteur de ses aimables paroles de bienvenue. En tant qu'Université pontificale, « Saint-Thomas » a un droit particulier à l'attention du Pape. C'est en effet la troisième visite qu'un Pape effectue à l'Université la plus ancienne d'Asie : le Pape Paul VI est venu ici en 1970 ; je suis déjà venu en 1981, et aujourd'hui Dieu m'accorde la grâce de pouvoir être à nouveau ici pour rencontrer le « monde universitaire » des Philippines. Ayant été moi-même étudiant et professeur d'université, je me sens tout spécialement proche de vous. Je souhaite vous encourager à vivre l'expérience universitaire avec beaucoup de dévouement et d'engagement, en recherchant l'excellence humaine et académique, avec un sens aigu de la responsabilité qui est la vôtre à l'égard de vos familles et de la société, de votre avenir et celui de votre pays.

2. Une université, plus particulièrement une université catholique, ne peut qu'être sensible au besoin de valeurs authentiques, tellement répandu dans la société, de modèles éthiques sûrs et d'une vision transcendante du sens de la vie. Une université ne devrait donc pas seulement apporter des connaissances selon les principes et méthodes propres à chaque domaine d'étude et avec la liberté de recherche scientifique qui lui appartient; elle devrait également éduquer les hommes et les femmes à être de véritables guides dans les domaines scientifique, technique, économique, culturel et social. Elle doit être une communauté dont la mission consiste à former des guides dans tous les domaines importants de la vie; des guides qui ont fait une synthèse personnelle entre foi et culture, qui sont disposés à exercer des fonctions au service de la communauté et de la société en général, et qui sont capables de les assumer en témoignant de leur foi, que ce soit en privé ou en public. Puisse ma visite servir à encourager la communauté académique philippine à réfléchir à la « priorité de l'éthique sur la technique, à la primauté de l'homme sur les choses, à la supériorité de l'esprit sur la matière » (cf. discours à l'UNESCO, 2 juin 1980, n° 22). La cause de la personne humaine ne pourra être servie que si la connaissance est liée à la conscience, si les hommes et les femmes de science conservent le sens de la transcendance de la personne humaine sur le monde, et de Dieu sur la personne humaine (cf. Ex corde Ecclesiae, 18).

3. La plupart d'entre vous sont encore jeunes, et la jeunesse représente un capital très important dans le livre de la vie : elle est faite d'enthousiasme, d'énergie, d'espérance et d'attente. Les « problèmes de la vie » ne se font pas encore sentir. Vous êtes au contraire en train d'acquérir les capacités et l'expérience qui feront de vous les citoyens mûrs de votre nation et de véritables fils et filles de l'Église, cette Église qui vous aime et qui a besoin de votre coopération.

Que cherche l'Église chez les jeunes Philippins ? Elle cherche de l'aide pour sauver votre génération de la futilité, de la frustration et du vide dans lesquels vivent une grande partie des jeunes de votre génération. Quand je pense à tous les jeunes gens qui devraient être la force, l'espérance et même la conscience de la société, et qui, au contraire, sont pris au piège de l'incertitude ou qui recherchent désespérément le bonheur sur des chemins qui ne peuvent y conduire, alors je prie encore plus pour que les jeunes catholiques de la fin du XXe siècle parviennent à une connaissance toujours plus profonde de Jésus-Christ et pour qu'ils soient convaincus du défi et de l'aventure merveilleuse qu'il représente pour chacun de nous.

4. Vous trouverez dans le Christ et dans son enseignement le « chemin, la vérité et la vie ». Vous trouverez en lui la réponse à toutes les questions fondamentales. Le monde et l'Église ont besoin de jeunes pour lesquels la beauté de la vie consiste à faire don de soi aux autres et à faire le bien autour de soi.

5. Cette université a été fondée en 1611, sous le nom de « Saint-Thomas de Notre-Dame du Rosaire ». La Très Sainte Mère est une enseignante spéciale pour nous tous. Elle nous apprend la leçon la plus importante de toutes : aimer Dieu et aimer son prochain par amour de Dieu. Que Notre-Dame continue à vous aimer tous et à vous protéger ! Puisse-t-elle être proche de vos familles ! Que Dieu vous bénisse tous, qu'il bénisse les jeunes Philippins et votre pays.

C'est un grand privilège pour moi d'être ici et de redécouvrir ce phénomène que j'avais déjà connu dans le passé.

Aujourd'hui, je le connais mieux encore. Ce grand phénomène du monde et de l'Église, pour le monde et pour l'Église, ce phénomène s'appelle : peuple des Philippines. Je suis venu redécouvrir ce phénomène que sont les Philippines et que j'admire. J'aime tous les missionnaires qui sont venus jusqu'à vous, qui vous ont apporté l'Université Saint-Thomas. Je suis heureux de cette expérience particulière, de cette chère Université des Philippines qu'est « Saint-Thomas ». Je me félicite d'être un disciple de ce grand docteur de l'Église. Et enfin, je félicite le cardinal Sin, le cardinal Vidal et tous les évêques de votre Église, cette belle, très belle Église des Philippines. Merci Beaucoup. Merci à Dieu pour vous tous.

Jean-Paul II vous aime et vous bénit.



À LA CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DES PHILIPPINES

Salle Domingo Salazar Hall, Curie de l'Archidiocèse de Manille, Samedi 14 janvier 1995

Chers Frères en Notre Seigneur Jésus-Christ,


1. Mon désir de célébrer la dixième Journée mondiale de la jeunesse à Manille, au moment même où la communauté catholique philippine commémore le IV e Centenaire des archidiocèses de Manille, Cebu, Caceres et Nueva Segovia, ne pouvait manquer de comprendre le souhait d'avoir cette rencontre particulière avec vous, pasteurs de l'Église de Dieu aux Philippines. Rassemblés en son nom (cf. Mt 18,20), nous sommes une icône vivante de la communion qui donne vie à l'Église. Chaque rencontre de l'évêque de Rome avec des membres du Collège des évêques rappelle la joie et l'enthousiasme évangélique de la Pentecôte lorsque « Pierre, avec les onze » (Ac 2,14), a proclamé sans peur la Bonne Nouvelle du salut grâce à la mort et à la résurrection du Seigneur. Aujourd'hui à Manille, dans cette salle consacrée à Domingo Salazar – premier évêque des Philippines –, nous expérimentons à nouveau le même lien de charité et d'affection qui a uni les Apôtres à Jérusalem.

2. Au cours des siècles, le message chrétien s'est profondément enraciné dans l'âme philippine et reste la force qui anime votre société. Plus de quatre siècles et demi après que la foi catholique eût été prêchée ici, l'Esprit, qui a conduit les peuples de cet archipel à embrasser l'Évangile sans abandonner les nombreux éléments positifs de leur héritage culturel, appelle aujourd'hui l'Église à apporter un témoignage renouvelé à la puissance de l'Évangile pour transformer la vie et la culture humaines (cf. GS, GS 58).

Dans le but de promouvoir le « grand printemps du christianisme » (Redemptoris missio, RMi 86) que Dieu prépare à l'approche du troisième millénaire, vos Églises particulières ont de tout coeur consacré leurs énergies spirituelles et pastorales à la nouvelle évangélisation. Le second Concile plénier des Philippines (PCP-II), célébré en accord avec les directives du Concile Vatican II, est une borne décisive dans votre marche vers le grand Jubilé de l'an 2000. Je le demande avec instance à chacun – pasteurs, prêtres, religieuses et laïcs : faites en sorte que la mise en oeuvre des actes et des décrets du Concile plénier et du plan pastoral national soit le soutien de votre vie et de votre apostolat.

La destination sociale du pouvoir et de la richesse

3. Comme vous l'avez reconnu dans votre document conciliaire, l'attention à la catéchèse, est « le premier élément d'une évangélisation renouvelée » (n. 156). La catéchèse de la nouvelle évangélisation a pour but d'appeler les hommes, comme un premier pas, vers une plus profonde conversion du coeur. Cette metanoia, le chemin de la conversion conduisant au grand Jubilé de l'an 2000, entraîne « l'engagement de suivre le dur chemin de la Croix » (ibid. n. 669). Les pasteurs doivent veiller à ce que la prédication et la catéchèse présentent la Bonne Nouvelle pleinement et de manière systématique, sans déformation (cf. Catechesi tradendae CTR 30), particulièrement en ce qui concerne les sacrements, par lesquels la foi de vos fidèles est soutenue et nourrie. Vous avez raison de développer une catéchèse complète et soutenue à cet égard, visant à conduire les fidèles à une célébration plus intériorisée de ces « chefs-d'oeuvre de Dieu » (Catéchisme de l'Église catholique, CEC 1116). De cette façon, la nature spécifiquement surnaturelle de la mission de l'Église sera sauvegardée et d'abondantes énergies spirituelles seront déversées dans la vie des fidèles.

4. Le pèlerinage de l'Église vers le Royaume passe à travers le monde qu'elle s'efforce de servir. Pour être l'instrument divin de l'amour rédempteur au milieu des crises sociales de notre époque, l'Église doit être un signe convaincant de son Seigneur, lui qui « s'est anéanti lui-même, prenant la condition d'esclave » (Ph 2,7). L'Église est appelée à exercer « un rôle véritablement prophétique, condamnant les maux de l'homme à leur source souillée, montrant la racine des divisions et donnant l'espoir de pouvoir vaincre les tensions et les conflits, et d'accéder à la fraternité, à la concorde et à la paix, à tous les niveaux et dans tous les secteurs de la société humaine » (Reconciliatio et paenitentia RP 4). Vous connaissez bien les énormes défis qui se présentent à vous en tant qu'évêques : la perte des nobles idéaux, la confusion de la conscience morale concernant le bien et le mal, un matérialisme et une indifférence religieuse croissants, les injustices inhérentes à certaines mesures économiques et politiques, le fossé croissant entre riches et pauvres. En affrontant ces questions et d'autres encore grâce au pouvoir libérateur de l'Évangile, votre mission pastorale plonge au coeur même de la société philippine. L'évangélisation intégrale doit viser à engendrer et à nourrir une foi qui entraîne une authentique transformation des individus et de la société.

Une situation où la richesse économique et le pouvoir politique sont concentrés entre les mains de quelques-uns est, comme vous l'avez écrit, « un affront à la dignité et à la solidarité humaines » (PCP-II, document conciliaire, n. 296). Trop de familles ne disposent pas de terres à cultiver ou d'un foyer où vivre, et trop de gens sont dépourvus d'emploi et de services de base. Votre tâche doit être de contribuer à créer une nouvelle attitude, une conviction s'inspirant du principe de la destination sociale du pouvoir et de la richesse, principe qui peut conduire à des changements appropriés dans l'ordre actuel.

Les richesses de la création sont le bien commun de toute l'humanité, et ceux qui possèdent les diverses formes de « richesses » dans une société donnée ont le devoir de se regarder comme « des gérants, des ministres chargés de travailler au nom de Dieu » (cf. Tertio Millennio adveniente TMA 13).

Une Église des pauvres

5. Remplissant votre rôle de pasteurs, vous avez engagé l'Église aux Philippines à être une « Église des pauvres ». Vous avez appelé les catholiques à embrasser « l'esprit évangélique de pauvreté, qui allie le détachement des possessions à une profonde confiance dans le Seigneur, comme source de salut » (PCP-II, document conciliaire n. 125). Telle est la voie du Seigneur Jésus, avec son amour particulier pour les souffrants, les marginaux, les petits et les pécheurs. Vous n'êtes pas restés silencieux devant les injustices commises contre les pauvres, mais vous avez au contraire énergiquement défendu leurs droits. Aux Philippines, les pauvres sont appelés à être les agents vigoureux de l'évangélisation et pas simplement ses objets.

Vous avez fermement défendu la vérité sur l'homme dans votre enseignement portant sur la valeur de la vie humaine et la sainteté de la procréation. L'an dernier, dans ma Lettre aux Familles, j'ai écrit que « nous sommes affrontés à une immense menace contre la vie ; non seulement contre la vie des individus mais aussi celle de la civilisation elle-même » (n. 21). Lorsque de puissants intérêts favorisent une politique opposée à la loi morale inscrite dans le coeur de l'homme (cf. Rm 2,15), ils offensent la dignité de l'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu et, ce faisant, ils minent les fondements de la société elle-même. Parce que l'Église estime les dons divins de la vie humaine et de son inaliénable dignité, elle ne peut que s'opposer fermement à toutes les mesures qui, d'une manière ou d'une autre, visent à promouvoir l'avortement, la stérilisation et aussi la contraception.

Votre ferme position contre le pessimisme et l'égoïsme de ceux qui complotent contre la splendeur de la sexualité humaine et de la vie humaine (cf. PCP-II, document conciliaire n. 585) est une exigence essentielle de votre ministère pastoral et de votre service auprès du peuple philippin.

6. Étant donné « que chacun reçoit la manifestation de l'Esprit en vue du bien commun », les « dons divers » et les « services divers » présents dans la communauté chrétienne doivent tous être orientés vers la construction de l'unique Corps du Christ (cf. 1Co 12,4-7). En tant que vos « assistants, fils et amis » (LG 28), les prêtres sont les premiers à avoir droit à votre direction, à vos encouragements et à votre inspiration, de manière qu'ils puissent exercer leur ministère dans la fidélité et la fécondité.

Vos efforts pour donner un nouvel élan à l'évangélisation dépendront pour une bonne part de l'attention que vous porterez au développement spirituel des prêtres et des séminaristes. Je suis heureux de constater que votre Conférence prépare une mise à jour du programme philippin pour la formation des prêtres, programme fondé sur la Ratio fundamentalis et Pastores dabo vobis, et qui met en relief une formation approfondie à la vie spirituelle et la théologie du sacerdoce ministériel (cf. Plan pastoral national, art. 75, 77.1). La communauté tout entière doit ressentir le besoin de promouvoir des vocations sacerdotales, et il vous revient de veiller à ce que « la dimension vocationnelle soit toujours présente dans l'ensemble des travaux pastoraux ordinaires, et soit pleinement intégrée et pratiquement identifiée avec eux » (Pastores dabo vobis PDV 41).

Il va sans dire que les religieux et les religieuses ont un rôle important à jouer dans la nouvelle évangélisation des Philippines, comme du reste ils l'ont eu depuis le commencement de la présence de l'Église ici. Chaque institut est appelé à examiner son charisme particulier à la lumière des signes des temps, mettant ses dons communautaires au service de l'Église (cf. Perfectae caritatis PC 20). La consultation régulière grâce à des canaux ouverts de communication entre évêques et supérieurs majeurs, que vous recommandez dans le Plan pastoral national (cf. n. 89.1), ne peut que rendre plus efficace ce « travail » dans le champ où le Seigneur récoltera sa moisson.

Le Concile Vatican II, qui doit être regardé comme le « grand don de l'Esprit à l'Église à la fin du deuxième millénaire » (Tertio Millennio adveniente TMA 36), a ouvert les portes au laïcat pour qu'il développe une spiritualité propre à son état de vie. Il lui est demandé instamment de participer plus largement aux domaines de la vie de l'Église qui lui revient à juste titre. Les laïcs philippins doivent être encouragés à assumer leur pleine responsabilité en vue de la mission de l'Église dans le monde. Étant donné que leur vocation spécifique est « d'ordonner les affaires temporelles suivant le plan de Dieu » (LG 31), le défi qui leur est lancé est d'être « saints dans toute leur conduite » (cf. 1P 1,15), amenant les autres au Christ par le témoignage convaincant de leur vie dans les activités humaines de chaque jour.

Dans ce but, ils attendent de vous que vous leur assuriez une formation spirituelle et doctrinale capable de répondre aux exigences d'un monde de plus en plus complexe.

La défense de la vie familiale

7. Un défi particulier auquel est confronté votre ministère est celui de défendre la famille et de renforcer la vie familiale. La société philippine a une forte tradition à cet égard, mais de plus en plus – vous en êtes bien conscients – les familles ont besoin d'être aidées pour compenser les effets négatifs sur le plan social et culturel, qui accompagnent les transformations économiques, rapides et profondes, qui ont lieu à travers toute l'Asie. Je voudrais vous remercier pour tout ce que votre Conférence, et en particulier votre Commission de la vie familiale, a fait pour attirer l'attention sur les besoins de la famille au cours de l'Année de la famille, l'an dernier.

De même, les dons et les besoins particuliers des jeunes méritent votre vigilante attention pastorale. Les jeunes sont la source de l'espoir pour l'avenir, comme nous l'avons vu au cours de la X e Journée mondiale de la jeunesse ici même à Manille. Avec leur enthousiasme et leur énergie, ils doivent être encouragés et formés à devenir « des sujets actifs, qui prennent part à l'évangélisation et à la rénovation sociale » (Christifideles laici CL 46). Ils sont des évangélisateurs qui apportent l'Évangile aux autres jeunes, en particulier à ceux qui sont éloignés de l'Église, et qui bien souvent ne peuvent être atteints par des activités pastorales normales. Si les moyens ordinaires d'apostolat auprès des jeunes dans les paroisses doivent continuer à se développer, de manière à ce que les jeunes ne soient pas isolés de l'ensemble de la communauté, il importe d'attirer l'attention sur l'intérêt des associations, des mouvements, des centres et des groupes spéciaux, qui répondent à leurs besoins particuliers (cf. Redemptoris missio, RMi 37). L'Église, qui est toujours jeune, ne cesse de suivre les routes du monde pour rencontrer les membres des jeunes générations, s'inspirant de leur sincère idéalisme, de leurs esprits ouverts et de leurs coeurs généreux.

8. Chers frères évêques : ce sont là quelques-unes des pensées que je voulais partager avec vous qui faites paître le troupeau de Dieu dans la seule nation d'Asie où la majorité des habitants sont des membres de l'Église. Au nom du Seigneur, je vous encourage à répondre à la grâce particulière de votre vocation, à porter l'Évangile au-delà des rivages de ce bel archipel aux autres peuples de ce vaste continent. Une grande moisson attend ceux qui conduiront ces anciennes et nobles civilisations à la découverte du Christ, qui seul est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14,3). L'Asie a besoin de votre aide si on veut qu'elle écoute la Bonne Nouvelle du Christ crucifié et ressuscité.

Vous êtes les pasteurs d'un peuple qui aime Marie. Puisse la Mère du Rédempteur guider votre ministère épiscopal afin que, rassemblé dans le Christ, le peuple de cette nation bien aimée « soit rempli de toute la plénitude de Dieu » (Ep 3,19). Avec ma bénédiction apostolique.



AUX DÉLÉGUÉS DE LA FÉDÉRATION DES CONFÉRENCES ÉPISCOPALES D’ASIE (FABC)

Séminaire San Carlos, Manille, Dimanche 15 janvier 1995



Chers Frères Évêques,

1. Pour me préparer à cette rencontre avec les pasteurs de l’Église en Asie, j’ai prié afin d’être un instrument approprié de l’Esprit Saint qui, en tout temps et en tout lieu, donne vie à l’Église et, selon la promesse du Christ, la conduit vers la plénitude de la vérité (cf. Jn 16,13). J’ai prié afin d’être en mesure – selon les paroles du psaume – de chanter « sa louange dans l’assemblée de ses fidèles » (Ps 149,1). Et, certes, c’est avec au coeur un chant de louange et d’action de grâce, que je m’unis à vous pour célébrer le joyeux événement du XXVe anniversaire de la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie.

Je suis profondément touché des cordiales paroles de bienvenue de Mgr Rozario et je voudrais aussi remercier les autres évêques de leurs profondes observations sur ces questions vitales que sont la proclamation, la vie et l’écologie, qui constituent ces jours-ci l’objet de vos réflexions.

2. Les Assemblées de votre Fédération – et celle-ci est la sixième – ne sont pas seulement un forum pour un échange d’expériences et une discussion de sujets d’intérêt commun. Elles expriment aussi, chose plus importante encore, la profonde communion ecclésiale et la collégialité affective qui unissent les uns aux autres et au Siège de Pierre, les évêques d’Asie du Sud, du Sud-Est et de l’Est. Avec nos frères évêques dans le monde entier, nous nourrissons le troupeau que le Christ a racheté de son sang précieux (cf. 1P 1,19). Tous ensemble, donc, nous rendons grâce à Dieu pour « les liens d’unité, de charité et de paix » qui nous unissent les uns aux autres sous le « pasteur suprême » (1P 5,4), dont nous sommes les serviteurs.

Notre rencontre a lieu dans le sillage de la dixième Journée mondiale de la jeunesse qui vient tout juste de se terminer. Nous sommes tous témoins de la réponse généreuse de la jeunesse à l’appel de l’Église à prendre la Croix de pèlerinage du Christ. À cette occasion, il faut rendre hommage aux évêques philippins qui ont apporté une grande attention à la préparation spirituelle des jeunes participants. En réalité, ce sont ces jeunes – et d’autres comme eux dans le monde entier – qui appellent l’Église, en lançant une invitation à ses pasteurs – à accomplir des efforts toujours plus grands pour qu’elle leur présente le Christ dans la plénitude de sa grâce et de sa vérité. Mes paroles veulent donc être un encouragement fraternel, vous exhortant comme saint Paul exhortait Tite : puisqu’il avait commencé, qu’il mène à son plein accomplissement l’oeuvre généreuse de son ministère (cf. 2Co 8,6). C’est votre ministère d’évêque, et la situation dans laquelle vous l’exercez, qui sont les thèmes fondamentaux des réflexions que je partage avec vous.

Les rapides et profondes transformations de l’Asie

3. Depuis la fondation de votre Fédération, il y a vingt-cinq ans, les progrès technologiques et une croissance économique rapides ont révolutionné le visage de l’Asie. Tout en reconnaissant les bénéfices de ce développement, l’Église doit néanmoins reconnaître d’une manière réaliste le prix payé pour cette modernisation et réfléchir sur les aspects qui représentent « une très grande menace contre la vie, non seulement des individus, mais également de toute la civilisation » (Lettre aux familles LF 21). Plus impressionnante encore que le récent progrès matériel de l’Asie, une transformation du paysage spirituel de l’Asie s’est produite. L’indifférence religieuse et l’individualisme excessif menacent désormais les valeurs traditionnelles qui, en général, donnaient sens et harmonie à la vie des individus et des communautés qu’ils formaient. Les forces de sécularisation tendent à miner votre riche héritage religieux et culturel. Ce grand continent est à un carrefour spirituel.

Une telle situation ne peut que confirmer la résolution de l’Église d’accomplir sa mission fondamentale : l’annonce de Jésus-Christ et la promotion des valeurs du Royaume de Dieu (cf. Redemptoris missio, RMi 34). Et, co-opérant avec toutes les forces qui travaillent au bien, les catholiques de ce continent devraient ressentir l’urgence de construire « la civilisation de l’amour, fondée sur les valeurs universelles de paix, de solidarité, de justice et de liberté, qui trouvent dans le Christ leur plein accomplissement » (Tertio millennio adveniente TMA 52).

4. Jésus-Christ, l’Homme-Dieu, crucifié et ressuscité, est l’espérance de l’humanité. Il est le fondement de notre foi, la raison de notre espérance et la source de notre amour. Le Verbe incarné, Sauveur et Médiateur entre Dieu et l’homme (cf. 1Tm 2,5), est « seul en mesure de révéler Dieu et de conduire à Dieu » (Redemptoris missio, RMi 5). Le Christ est le seul qui puisse révéler pleinement la grandeur et la dignité ultime de la personne humaine et de son destin (cf. Gaudium et spes GS 22). Le mystère de l’amour salvifique de Dieu révélé en Jésus-Christ est une doctrine de foi, et non pas une opinion théologique. Et cette Bonne Nouvelle pousse l’Église à évangéliser ! Elle incite les évêques à promouvoir l’évangélisation comme tâche et responsabilité fondamentales de leur ministère. La magna charta de l’évangélisation demeure l’Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi du Pape Paul VI, avec son complément donné dans l’Encyclique Redemptoris missio que j’ai écrite en 1990 pour défendre et promouvoir le concept d’« évangélisation missionnaire » (RMi 2) ou la mission ad gentes qui, aux yeux de certains, semblait avoir perdu de son intérêt ou même sa validité.

La notion d’évangélisation qui est celle de Paul VI réaffirme fidèlement l’enseignement du Christ, la tradition de l’Église et la vision du Concile Vatican II. C’est une conception complète qui évite les pièges d’une accentuation excessive sur un aspect particulier de cette réalité complexe, aux dépens des autres. Dans la vision du Pape Paul VI, l’évangélisation comprend les activités qui disposent les personnes à écouter le message chrétien, la proclamation du message lui-même, et la catéchèse qui révèle les richesses de la vérité et de la grâce contenues dans le kérygme. L’évangélisation s’adresse en outre non seulement aux individus, mais aussi aux cultures, qui ont besoin d’être régénérées au contact de l’Évangile. Le développement humain et la libération sont partie intégrante de cette mission évangélisatrice mais ils ne lui sont pas identiques, et ne sont pas le but de l’évangélisation. Paul VI a été clair sur le fait que l’évangélisation ne peut être réduite à un pur projet temporel d’amélioration humaine. Elle doit toujours inclure une proclamation – claire et sans ambiguïté – de Jésus-Christ comme Seigneur et Sauveur, qui apporte cette « vie en abondance » (Jn 10,10), laquelle n’est rien d’autre que la vie éternelle en Dieu.

Le besoin de renouveau de la communauté catholique

5. Permettez-moi de faire quelques observations générales sur l’évangélisation de ce continent. Une première exigence de cette tâche ecclésiale est le renouveau de la communauté catholique à tous les niveaux – évêques, prêtres, religieux et laïcs –, de sorte que tous puissent contribuer à la diffusion de la foi que nous professons.

Nous devons prier pour que les prêtres, les religieux et les laïcs confiés à votre sollicitude pastorale ne se dérobent jamais à l’accomplissement de la mission prophétique confiée à chacun. « Chaque disciple est appelé personnellement ; aucun ne peut refuser de donner sa réponse personnelle : "Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile" » (Christifideles laici CL 33). En effet, pour reprendre ce que j’ai eu l’occasion de dire aux évêques italiens, la nouvelle évangélisation « ne naît pas de la volonté de ceux qui décident de devenir des propagateurs de leur foi. Elle naît de l’Esprit, qui pousse l’Église à se répandre » (Discours aux évêques italiens à l’occasion d’une rencontre liturgique, 12 février 1988). Toute personne qui a reçu l’Esprit, toute personne qui a été baptisée et confirmée dans la foi, est appelée à être un évangélisateur.

Sans oublier d’autres facteurs importants de ce renouveau, les « signes des temps » exigent, avec urgence, que l’on permette aux laïcs d’assumer leur rôle spécifique d’apporter les vérités et les valeurs de l’Évangile dans la réalité de la sphère temporelle. En effet, quand nous cherchons à imaginer l’avenir de l’évangélisation en ce continent, ne la voyons-nous pas comme la diffusion d’une foi vibrante, vivante, pratiquée et déclarée par les chrétiens et les communautés chrétiennes, grandes ou petites qui, à part certaines exceptions, forment un pusillus grex au milieu d’un groupe numériquement bien plus important d’« auditeurs » de la Parole ?

« Répandre » la foi suppose un très haut niveau de vie chrétienne – une riche vie de prière, de pratique sacramentelle et d’intégrité morale – de la part de tous..

Proclamer aux autres « la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23), exige de tout membre de l’Église la sainteté et l’intégrité de celui pour qui « vivre, c’est le Christ » (Ph 1,21). La proclamation devient crédible quand elle est accompagnée d’une sainteté de vie, d’une sincérité des intentions et du respect des autres et de toute la création. L’Encyclique Redemptoris missio exhorte les membres de l’Église : « Vous devez être comme les premiers chrétiens et rayonner d’enthousiasme et de courage, dans une généreuse consécration à Dieu et au prochain. En un mot, vous devez emprunter le chemin de la sainteté. Ce n’est qu’ainsi que vous pourrez faire revivre… dans vos pays, l’épopée missionnaire de l’Église primitive » (RMi 91).

C’est là le grand défi que tout évêque doit affronter en tant que principal enseignant et guide des fidèles dans la vérité et la sainteté de vie. Nous trouvons ici aussi la source de notre espérance, de notre certitude et de notre optimisme. L’avenir de l’Église ne sera pas uniquement le résultat de nos efforts humains mais, d’une manière bien plus fondamentale, celui de l’action de l’Esprit divin, auquel nous ne devons pas faire obstacle mais, bien au contraire, que nous devons seconder.

Le nécessaire dialogue avec les cultures anciennes

6. Un autre point à considérer est le milieu culturel dans lequel doit se réaliser l’évangélisation en Asie. Les traditions religieuses de nombreuses cultures anciennes sont toujours des forces très puissantes en Orient et présentent pour vous des défis très particuliers. L’Église considère ces traditions spirituelles comme « l’expression vivante de vastes groupes humains. Elles portent en elle l’écho de millénaires de recherche de Dieu, recherche incomplète mais réalisée souvent avec sincérité et droiture du coeur » (Evangelii nuntiandi EN 53). Alors que l’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces grandes religions (Nostra aetate NAE 2), elle ne peut qu’espérer que, un jour, cette préparation à l’Évangile atteigne sa maturité selon des modes qui soient totalement chrétiens et totalement asiatiques. En tant qu’évêques des Églises en Asie, votre sollicitude doit porter sur la croissance des semences de vérité et de bien qui se trouvent en ces religions. Sous votre supervision pastorale, de grands efforts sont faits pour accroître la compréhension, le respect et la collaboration entre chrétiens et disciples d’autres traditions religieuses et, en de nombreux cas, en collaboration avec le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux. De nombreuses formes de dialogue existent actuellement, qui donnent leurs fruits. Le dialogue interreligieux ne devrait pas demeurer seulement un sujet de discussion théologique. Là où cela est possible, on doit aller en profondeur, en éliminant les incompréhensions qui existent entre les communautés et en promouvant la solidarité dans la construction d’une société plus juste et plus humaine. Ce « dialogue de la vie » doit se poursuivre d’une manière équilibrée, sincère et ouverte (cf. Redemptionis donum, 57), avec la conviction constante qu’on ne parvient à un dialogue authentique qu’en « disant la vérité dans l’amour » (Ep 4,15).

7. De plus, comme évêques, vous avez la tâche exigeante d’obéir à l’invitation de saint Paul de vous faire « tout à tous » (1Co 9,22), en vous identifiant à la vie et aux traditions de votre peuple, afin que la vérité éternelle de la Révélation puisse être exprimée d’une manière significative et convaincante. Vous avez la responsabilité de promouvoir avec sagesse et fidélité les moyens les plus aptes à communiquer l’Évangile aux diverses cultures asiatiques. Plus vous prendrez en considération « les questions, la formation religieuse, la langue, les signes et les symboles de ceux que vous voulez conduire au Christ, plus vous serez efficaces dans le service de la cause de l’évangélisation » (cf. Evangelii nuntiandi EN 63). Aussi ardue que soit cette tentative d’inculturation authentique, nous pouvons trouver une consolation dans l’expérience de l’Église primitive. Bien que la prédication du Christ crucifié et ressuscité fût en contradiction avec la culture religieuse de ceux à qui l’Évangile fut prêché en premier, l’Esprit Saint a guidé la croissance de l’Église.

D’abord à la Pentecôte puis de génération en génération, l’Esprit de vérité a depuis toujours accompagné l’annonce de l’Évangile, conduisant ceux qui écoutaient à « l’obéissance de la foi » (Rm 1,5) ; il a ensuite purifié et élevé leur style de vie, imprégnant les usages et les comportements d’une vision et d’un esprit chrétiens.

Annonce de l’Évangile et développement humain

8. Un autre aspect qui affecte constamment votre activité pastorale est le rapport entre l’annonce et le développement humain. En bref, nous devons reconnaître qu’aucun besoin humain, aucune souffrance humaine, ne peuvent laisser indifférents ou insensibles les disciples du Christ. Cependant, l’Église n’a pas, et elle ne peut prétendre l’avoir, une solution « technique » à tous les maux qui affligent l’humanité.

Au contraire, l’Église elle-même, comme un pèlerin en terre étrangère, avance parmi les difficultés et même les persécutions du monde, forte seulement des consolations de Dieu (cf. Lumen gentium LG 8). En même temps, elle a le devoir de faire entendre sa voix dans les consciences des individus et dans la conscience de la société, en défendant la dignité de toute personne humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, et en soutenant les valeurs de la foi, de la vérité, de la liberté, de la justice et de la solidarité.

Elle sait que les terribles maux qui affligent l’humanité ont leur origine, non seulement dans l’injustice de l’homme à l’égard de l’homme, mais aussi dans l’injustice radicale de l’homme au regard de Dieu. Dans l’exercice de sa mission évangélisatrice, l’Église, donc, ne peut négliger les besoins des pauvres, des affamés, des personnes sans défense, des opprimés et des personnes pauvres culturellement.

Mais les personnes impliquées dans cette mission doivent savoir que leur responsabilité va au-delà de la guérison des blessures de cette vie. Elles doivent aussi communiquer la « vie nouvelle » qui vient de Jésus-Christ. La mission et le destin de l’Église sont de sauver l’homme, de sauver toute l’humanité. À ce niveau, il n’y a pas de distinctions entre les personnes, il n’y a ni juifs ni grecs (cf. Rm 10,12), ni riches ni pauvres. À tous sont offertes la Parole de Dieu et la grâce de la Rédemption, car tous sont pécheurs (cf. Rm 5,12).

Promouvoir une évangélisation vraiment missionnaire

9. Chers Frères évêques, si jamais vous vous sentez découragés devant la tâche apparemment impossible d’une évangélisation plus efficace – peut-être parce que certaines cultures asiatiques ne semblent pas prédisposées à écouter le message de l’Évangile –, je vous demande de vous rappeler que, quand vous proclamerez « le Christ puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1Co 1,24), « ce n’est pas vous qui parlerez mais l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt 10,20).

En même temps, vous devez expliquer avec clarté que « l’acte de foi, et l’accueil dans la communauté de l’Église par le baptême, doivent toujours être complètement libres » (cf. Catéchisme de l’Église catholique, CEC 160). L’évangélisation ne doit jamais être imposée. Elle exige amour et respect pour ceux que l’on évangélise. Tout en insistant sur le droit et le devoir pour l’Église d’annoncer avec joie la Bonne Nouvelle de la miséricorde de Dieu, les catholiques doivent éviter soigneusement tout soupçon de coercition ou de persuasion ambiguë (cf. Dignitatis humanae DH 4). Par ailleurs, les accusations de prosélytisme – qui est très éloigné de l’authentique esprit missionnaire de l’Église – et une manière univoque de comprendre ce qu’est le pluralisme religieux et la tolérance ne devraient pas permettre que faiblisse votre mission à l’égard des peuples de l’Asie.

10. Avant de conclure, je voudrais vous demander de faire tout ce qui est possible pour promouvoir ce que l’on appelle généralement la mission ad gentes. Même si certains tendent à minimiser ce devoir sacré, l’Église ne peut renoncer à sa vocation de « faire des disciples de toutes les nations » (cf. Mt 28,19). Elle ne pourra jamais se contenter d’être une petite minorité ou une communauté préoccupée d’elle-même.

En effet, l’Église croit fermement que toute personne a « le droit de connaître la richesse du mystère du Christ, dans laquelle nous croyons que toute l’humanité peut trouver, avec une plénitude inattendue, tout ce qu’elle cherche à tâtons sur Dieu, sur l’homme et son destin, sur la vie et la mort, sur la vérité » (Evangelii nuntiandi EN 53). À l’approche du troisième millénaire, c’est vers le continent asiatique, en particulier, que « devrait s’orienter principalement la mission ad gentes » (Redemptoris missio RMi 37).

La mission ad gentes, qui fait souvent penser à un voyage vers de nouvelles terres et de nouveaux peuples, signifie aujourd’hui, surtout, se diriger vers de nouvelles zones de la géographie humaine asiatique : vers ces secteurs de la société composés des pauvres des agglomérations urbaines, des émigrants et de leurs familles, souvent abandonnées, des réfugiés, des jeunes et des aréopages modernes des moyens de communication sociale.

Je vous demande d’apporter une grande attention à l’évangélisation missionnaire dans vos programmes pastoraux : dans la catéchèse, la prédication, la formation des prêtres, la préparation des religieux, l’apostolat auprès des familles et des jeunes, la distribution du personnel, le partage des ressources et la prière que les chrétiens doivent toujours offrir pour la diffusion de la foi. Tous les individus, les associations et les communautés devraient se demander s’ils peuvent faire davantage pour ouvrir toutes grandes au Christ les portes de l’Asie.

11. En ces années de préparation au grand Jubilé de l’an 2000, vos Églises particulières sont pleinement engagées à donner une nouvelle impulsion à l’évangélisation de l’Asie. Nous pouvons prier pour que, tout comme au premier millénaire la Croix fut plantée sur le sol européen, au second millénaire sur le sol américain et africain, on puisse, au troisième millénaire, recueillir une grande moisson de foi sur ce continent si vaste et si vivant. Si l’Église en Asie doit accomplir son destin providentiel, l’évangélisation, comme une prédication joyeuse, patiente et progressive de la mort salvifique et de la résurrection de Jésus-Christ, doit être votre priorité absolue.

L’Église doit faire face à toutes ces tâches avec les moyens que le Concile Vatican II lui a donnés, parmi lesquels il y a le Synode des évêques. Dans ma Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, j’ai mentionné également un « projet de Synode continental » pour l’Asie. Je vous demande d’envisager sérieusement un tel événement qui pourrait être d’une grande aide pour mener d’une manière plus ferme l’Église asiatique vers le prochain millénaire.

Vous êtes soutenus dans votre oeuvre par l’exemple et l’intercession des nombreux martyrs qui, par leur sang, ont donné vie à l’Église en Asie. Éclairés par l’amour du Christ et de son Église, ces grands hommes et femmes, provenant de la Chine, du Japon, de Corée, des Philippines, du Viêt Nam et d’ailleurs, furent baptisés « dans l’Esprit Saint et dans le feu » (Lc 3,16). Avec les missionnaires et les saints qui ont témoigné de l’Évangile, ils sont devenus la semence du christianisme dans vos pays.

En terminant, je voudrais faire miennes les paroles que le Pape Paul VI prononça ici, à Manille, il y a vingt-cinq ans : « Jésus-Christ est notre constant enseignement ; c’est son nom que nous proclamons jusqu’aux limites de la terre (cf. Rm 10,18) et dans les siècles (Rm 9,5).

Souvenez-vous de ceci et réfléchissez-y : le Pape est venu parmi vous et il a proclamé Jésus-Christ » (Homélie, 29 novembre 1970).

À vous, chers Frères, cette grâce a été accordée dans l’Asie du Sud, du Sud-Ouest et de l’Est : « Annoncer aux Gentils les insondables richesses du Christ » (Ep 3,8). Je confie vos personnes, votre engagement pastoral et tout votre peuple à Marie, Mère du Rédempteur et Étoile de la nouvelle évangélisation, et je vous accorde avec joie ma bénédiction apostolique.


Février 1995


Discours 1995 - Lundi 9 janvier 1995