Discours 1992 - Chambre du Commerce de Dakar, Samedi 22 février 1992

LORS DE SA VISITE À LA POUPONNIÈRE DES SOEURS FRANCISCAINES MISSIONNAIRES DE MARIE

Dakar, Samedi 22 février 1992


Chères Soeurs,
Infirmières,
Membres de la Pouponnière et du Centre de Promotion Féminine,

Je vous adresse un salut chaleureux, à vous toutes qui, en ces lieux, travaillez au service de la vie, sous une de ses formes les plus aimables, l’accueil et l’accompagnement des nouveau-nés.

La Pouponnière des Soeurs Franciscaines Missionnaires de Marie se présente comme une réponse à divers appels, venus des familles ou d’institutions civiles du pays. Elle manifeste l’estime en laquelle est tenu l’être humain dès les premières étapes de son existence. Elle témoigne d’un authentique souci d’entraide, qui est à l’honneur des Sénégalais. Que le Seigneur, qui a tant aimé les tout petits, protège cette maison et bénisse les Religieuses ainsi que les personnes qui se dévouent avec elles!

Je demande également au Seigneur d’accorder ses bienfaits et ses grâces à toutes les personnes en formation au foyer. Que sous le regard de Marie, elles prennent conscience de leur dignité, qu’elles se préparent à leurs fonctions d’épouses et de mères, et qu’elles cherchent à s’épanouir pleinement comme femmes. L’homme et la femme, avec leurs qualités particulières, expriment ensemble la totalité de l’humain: puissent les jeunes filles du centre apprendre à être féminines dans tout ce qu’elles font, pour une meilleure qualité de la vie sociale et le progrès de l’Afrique nouvelle!

Enfin, je voudrais saisir l’occasion de cette visite pour lancer un appel afin qu’on cherche à mieux prévenir les accidents mortels dont les femmes sont victimes durant la grossesse et l’accouchement. Je souhaite que se multiplient, en Afrique et dans le tiers-monde, des réseaux de dispensaires et de maternités où seraient pris en charge les problèmes de santé féminins et l’information des couples, notamment en ce qui concerne l’usage de médicaments aux effets lointains encore mal connus. L’Église se doit d’agir pour promouvoir la vie de celles qui donnent la vie.

De grand coeur, je vous donne à toutes ma Bénédiction Apostolique ainsi qu’aux enfants confiés à vos soins.



CÉRÉMONIE DE CONGÉ

Aéroport Yoff de Dakar (Sénégal), Dimanche 23 février 1992


Monsieur le Président,

Après les journées très denses que je viens de passer au Sénégal, je vous remercie de m’accompagner au moment où je pars pour une nouvelle étape de mon voyage pastoral. Je suis sensible à la présence de nombreux représentants distingués du Gouvernement et des Corps constitués de la République.

Ma gratitude est grande pour l’accueil que Votre Excellence et ses compatriotes m’ont réservé avec beaucoup de délicatesse, dans la noble tradition de la téranga, chère à votre peuple.

Cette visite, je désirais l’accomplir depuis des années. Voici que mon attente est comblée. À la suite de nombreux contacts, j’avais déjà pu apprécier les qualités humaines profondes des Sénégalais et des Sénégalaises. Mais maintenant, je repars avec des souvenirs vivants et concrets. C’est dans la mémoire de mon coeur que resteront gravés les visages, les regards ou les voix de tant d’hommes et de femmes de toutes les générations venus à ma rencontre au long de mon parcours. Dakar, Ziguinchor et Poponguine seront désormais pour moi bien plus que des lieux riches d’histoire, des cités où j’ai été heureux de découvrir un peuple chaleureux avec son précieux patrimoine ancestral, son sens spirituel et sa détermination courageuse de bâtir l’avenir.

Monsieur le Président, en ce moment d’émotion, ma pensée se porte vers tous vos compatriotes que j’aurais aimé saluer personnellement, spécialement vers ceux qui n’ont pu participer à nos rassemblements festifs, empêchés par la distance, ou encore retenus par la maladie et bien d’autres circonstances douloureuses. Je les assure de ma vive sympathie.

Pour le Sénégal tout entier, je forme des voeux ardents. Dans son désir de convivialité, que la nation renforce sans cesse sa cohésion pour affronter les difficultés et poursuivre la construction déjà entreprise grâce aux talents remarquables de ses fils! J’espère que vous atteindrez ensemble une prospérité plus grande, en unissant toutes vos forces dans une vie publique rendue dynamique par son climat de liberté et de tolérance mutuelle. Héritiers d’une culture que vous avez su faire rayonner bien au-delà de vos frontières, vous êtes également accueillants aux apports de la modernité; retenant le meilleur du patrimoine reçu de vos ancêtres, votre sagesse vous permettra de fonder votre société sur les valeurs les plus dignes de l’homme, sans vous laisser envahir par les fléaux contemporains qui défigurent l’humanité.

J’espère aussi que la solidarité des nations plus favorisées dans le monde vous aidera à poursuivre le développement du pays, notamment pour donner les meilleures chances aux jeunes par l’éducation, pour préserver le sol si menacé dans cette zone sahélienne à laquelle, vous le savez, je suis très attaché.

C’est à l’Église catholique au Sénégal que ma visite était d’abord consacrée. J’ai été le témoin heureux de sa ferveur dans la foi et dans la prière commune. Ma gratitude est vive pour le déroulement des magnifiques liturgies et des autres rencontres qui ont jalonné ces journées. C’est le fruit visible d’une préparation spirituelle intense. Ainsi, chers Frères et Soeurs, cette visite pastorale de l’Évêque de Rome pourra vous donner un nouvel élan pour accomplir votre commune mission de disciples du Christ. Pour tout ce qui a été réalisé, j’adresse d’abord mes remerciements chaleureux à vos Pasteurs, le Cardinal Hyacinthe Thiandoum, Archevêque de Dakar, Monseigneur Théodore-Adrien Sarr, Président de la Conférence épiscopale, et les autres évêques. Je leur souhaite de voir leurs communautés diocésaines devenir de jour en jour plus vivantes, dans la lumière de la foi, le dynamisme de l’espérance et l’ardeur de la charité.

Une joie particulière m’a été donnée, celle d’avoir pu faire le pèlerinage de Poponguine, votre sanctuaire national, où j’ai prié avec vous Notre-Dame de la Délivrande, en la remerciant de veiller sur ses enfants du Sénégal.

J’offre mes voeux affectueux et mes encouragements à tous ceux qui se sont mis au service de l’Église ici, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux catéchistes et à l’ensemble des laïcs engagés. Je salue très cordialement tous les baptisés vivant dans ce pays. Après ma visite, vous êtes plus proches de moi et, à Rome, vous resterez présents dans ma prière.

J’ai pu me rendre compte de votre loyauté à la patrie et de votre désir de contribuer généreusement à sa prospérité et à l’épanouissement humain de vos concitoyens. Que Dieu soutienne vos efforts désintéressés en faveur de la société sénégalaise!

Je tiens aussi à adresser un salut particulier aux Sénégalais et aux Sénégalaises qui appartiennent à d’autres traditions religieuses. J’ai apprécié leur désir de dialogue et de coopération avec leurs compatriotes catholiques. Qu’il soit donné à tous de demeurer dans des sentiments de respect mutuel et d’amitié!

Tout au long de mon séjour, j’ai été sensible à la prévenance avec laquelle des dispositions ont été prises par les Autorités civiles pour faciliter les déplacements et assurer le bon déroulement de nos divers rassemblements. Aux responsables des services et à leurs collaborateurs, qui ont travaillé avec discrétion et avec efficacité, j’exprime toute ma gratitude. Je voudrais aussi remercier tout spécialement les journalistes et les techniciens des médias qui se sont dépensés afin de permettre à un très grand nombre de personnes de suivre les événements successifs de ma visite, au Sénégal comme au-delà de ses frontières.

Monsieur le Président, en prenant congé, je vous renouvelle de grand coeur ma déférente gratitude pour les égards dont vous m’avez entouré. Je vous souhaite de tout coeur la satisfaction d’accomplir avec succès votre charge au service de la nation.

Que le Tout-Puissant comble le Sénégal de ses bénédictions!


MESSAGE DE JEAN-PAUL II DIFFUSÉ AVANT SON ARRIVÉE EN GUINÉE

Banjul (Gambie), Lundi 24 février 1992


Chers Frères et Soeurs de Guinée,

C’est avec beaucoup de joie que je me prépare à vous rendre visite et je remercie Dieu de diriger mes pas vers votre cher pays.

Je vous salue tous cordialement: responsables de la nation et citoyens de la Guinée. J’adresse mes salutations chaleureuses à la vaillante communauté catholique pour qui j’ai beaucoup d’affection car je sais tout ce qu’elle a enduré pour le nom du Christ. Je salue de grand coeur les membres de la communauté musulmane et des autres croyances.

Je viens vers vous en homme de Dieu et en artisan de paix. Je souhaite que mon séjour parmi vous contribue à promouvoir la concorde et l’unité, dans le respect de la dignité des personnes.

Egalement, je forme le voeu que grandisse entre vous la solidarité. Comme vous le dites, un homme peut fabriquer tout seul un toit de paille, mais il ne peut pas le poser tout seul. Nous avons besoin les uns des autres.

Je confie mon voyage à Notre-Dame de Guinée. Ensemble, nous la prions pour votre chère patrie.
Que Dieu vous bénisse tous et vous garde!


CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport «Gbessia» de Conakry (Guinée), Lundi, 24 février 1992


Monsieur le Président,

1. Dieu soit béni qui me donne la joie d’être en Guinée, au cours de ce huitième voyage pastoral sur la terre d’Afrique! Je salue respectueusement Votre Excellence et je La remercie de ses paroles de bienvenue auxquelles j’ai été très sensible.

J’adresse également un salut déférent aux personnalités gouvernementales qui vous entourent et, à travers votre personne, c’est tout le cher peuple de Guinée que je suis heureux de saluer à mon arrivée dans le pays.

2. De grand coeur, je salue maintenant Monseigneur Robert Sarah, Archevêque de Conakry et Président de la Conférence épiscopale de Guinée, ainsi que mes Frères dans l’épiscopat. L’Évêque de Rome, dans la mesure du possible, se fait un devoir de répondre aux invitations qui lui sont adressées de venir exercer son ministère de successeur de Pierre auprès des Églises locales: aussi, j’éprouve une grande satisfaction à rencontrer les pasteurs et les fidèles de l’Église catholique qui est en Guinée.

3. On dit que, pendant longtemps, le mot de «Guinée» a été synonyme de «paradis» et qu’autrefois, en Europe, on qualifiait de «guinéen» tout produit exotique de qualité exceptionnelle. C’est vous dire combien je me réjouis de faire la connaissance d’un pays dont on parle en termes si élogieux.

Hélas, la récente histoire de la Guinée témoigne qu’une terre heureuse peut temporairement se transformer en vallée de larmes. Cependant, Monsieur le Président, vous avez su entreprendre avec sagesse et énergie une oeuvre courageuse de redressement national malgré bien des difficultés. Des espaces de liberté ont été établis. Les initiatives privées et collectives ont repris. Un cadre juridique a été élaboré qui consacre l’égalité et la fraternité de tous les fils du pays sans distinction de race, d’origine ou de religion. En décembre dernier, la constitution a été promulguée et le pluripartisme a vu le jour. De plus, une amélioration se fait sentir dans les conditions économiques générales du pays, notamment dans la vie quotidienne du paysan.

Dieu veuille qu’avec la collaboration sincère de tous les Guinéens se poursuivent, dans la cohésion, les efforts pour promouvoir les droits de l’homme, la justice et la démocratie!

Dans la communauté internationale, la Guinée rencontre sympathie et soutien. Je souhaite qu’elle entretienne des relations de plus en plus fructueuses avec ses partenaires en Afrique et dans le monde.

4. Et maintenant, je salue tout particulièrement les catholiques de Guinée. Je me réjouis de venir célébrer avec eux et au milieu d’eux la foi qui nous est commune et qui est toute notre raison de vivre. Je viens les voir afin de les affermir dans leur religion, de les encourager dans l’annonce de l’Évangile, dans l’édification de l’Église, ainsi que dans le patient labeur de pardon et de réconciliation. Je souhaite que ma visite permette à l’Église de Guinée de se renouveler et de se sanctifier afin de donner un témoignage toujours plus fidèle de Jésus Christ.

5. Je salue enfin cordialement les Guinéens musulmans, qui constituent la grande majorité de la population guinéenne. Je viens les visiter en ami des hommes et en messager de paix. Je rends grâce au Tout-Puissant du climat de convivialité pacifique qui existe, dans ce pays, entre les Musulmans, les Chrétiens et ceux qui appartiennent à d’autres traditions religieuses.

Nous savons l’importance de la dimension spirituelle dans l’épanouissement de la personne et dans la construction de la société. L’avenir de la Guinée est fonction de la qualité spirituelle de ses habitants. Puissent-ils, dans le respect d’autrui, promouvoir ardemment un climat de paix, d’unité et d’amour fraternel!

6. Merci, Monsieur le Président, de votre accueil qui me touche. D’avance, je vous sais gré de faciliter ma visite et mes rencontres avec les populations. J’invoque de grand coeur les bénédictions de Dieu sur toute la Guinée et sur son avenir. Que le Très-Haut donne à tous la joie et l’espérance!



AUX JEUNES DE GUINÉE

Palais du Peuple de Conakry (Guinée), Lundi 24 février 1992


Chers Jeunes de Guinée,


1. Je suis heureux de vous voir rassemblés si nombreux. Vous me montrez toute la vie, toute l’amitié de votre peuple. Merci de votre accueil. Parmi vous, de nombreux jeunes Musulmans sont venus accompagner les jeunes Catholiques pour cette rencontre avec le Pape. Je suis sensible à votre présence qui montre votre sympathie pour vos camarades chrétiens et le respect mutuel que vous avez pour la foi religieuse de chacun.

Merci à vos porte-parole qui m’ont dit ce qu’il y a dans votre coeur, vos joies et vos inquiétudes, et aussi votre volonté de bâtir pour l’avenir un monde fraternel.

2. Vous le savez, j’ai la charge de veiller à l’unité de l’Église catholique et de confirmer mes frères et soeurs dans la foi. Je dois être un témoin de Dieu qui s’est révélé aux hommes par Jésus Christ, son Fils, Seigneur et Sauveur. C’est dans cet esprit que je viens à vous. Je désire partager avec vous un peu de la sagesse spirituelle et de l’expérience humaine que nous héritons des disciples de Jésus qui se sont succédé dans une longue histoire.

Alors, vous ne serez pas étonnés que je ne vienne pas vous proposer des plans d’action pour répondre tout de suite aux problèmes de la jeunesse guinéenne. Ce que je voudrais, c’est plutôt vous aider à réfléchir un moment sur le sens de votre vie, parce que je vous sens inquiets, en cette époque où le monde change vite. Il y a des bouleversements dans votre continent et ailleurs. En même temps, on ne voit pas venir assez vite plus de justice et plus de fraternité. Mais si je veux vous parler de votre avenir, c’est parce que je vous crois capables de faire face à vos difficultés, avec toutes les ressources de votre jeunesse, parce que c’est vous qui ferez avancer l’histoire.

3. En vous regardant, je me dis que c’est une chance d’être homme ou femme. Y avez-vous pensé? La vie est un don merveilleux. La vie d’une personne humaine est digne d’un grand respect. Quand la personne humaine est humiliée ou quand on ose porter atteinte à la vie, on tombe dans la barbarie.

En particulier, prenez conscience de l’égale dignité de l’homme et de la femme, du garçon et de la fille. Trop souvent, dans la société, la femme est considérée comme un objet au service de l’homme. Dans vos relations mutuelles, reconnaissez la grandeur de la vocation féminine. Entre autres, c’est une façon d’honorer celle qui vous a mis au monde.

Il faut aussi que chacun respecte sa propre vie, il en est responsable. La personne humaine a un esprit, un coeur, un corps. Le jeune qui forme sa personnalité doit développer son esprit et son intelligence; il doit purifier les affections qui montent dans son coeur; il doit être attentif à la santé et à l’épanouissement de son corps. Parce que ces éléments inséparables de notre être sont notre bien précieux, nous n’avons pas le droit de les avilir. Nous croyons que notre vie humaine est le don de Dieu, et même le reflet de la beauté de Dieu. Et notre privilège, c’est d’avoir une conscience et une liberté.Faire en conscience un bon usage de sa liberté, voilà en somme le premier devoir, pour honorer les parents qui ont transmis la vie et Dieu qui en est l’origine.

4. Vous insistez beaucoup sur votre formation, spécialement sur l’école dont vous regrettez les moyens insuffisants. Je vous comprends d’autant mieux que l’Église catholique a toujours apporté la meilleure contribution possible à l’éducation. Et j’espère que le système scolaire pourra se développer dans votre pays. Pour ma part aujourd’hui, je voudrais vous interroger sur ce que vous attendez, au fond de vous-mêmes.

Qu’est-ce que vous désirez? Le savoir, bien sûr: acquérir une compétence, pas tellement pour vous donner de la puissance, mais pour être capables de servir vos proches et votre peuple. Et quelle réussite cherchez-vous? L’accès aux biens et aux plaisirs qu’offre le monde moderne? Je vous rappellerai une parole de Jésus: «Que sert donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même?»[1].

Il faut y réfléchir. Si vous êtes sincères, vous découvrirez qu’il n’est pas facile de choisir la meilleure part. Saint Paul l’a bien dit: «Je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je déteste»[2]. Il souffre de constater que, trop souvent, il se «laisse gouverner par la loi du mal». Il nous montre qu’il faut en sortir et devenir, par la raison, les serviteurs de la loi de Dieu[3]. Autrement dit, pour former votre personnalité, vous devez surmonter la division en vous-mêmes par une volonté droite, sans rien concéder à ce qui est faux ou indigne de l’homme.

Alors, vous pourrez avancer, en accord avec vous-mêmes et la conscience en paix, vers une vie claire et pure. Très vite, vous vous rendrez compte que la clé du bonheur, c’est de faire le bonheur des autres.

5. Parmi les signes de votre espérance, vos porte-parole ont mis en bonne place une réelle envie de réussir votre vie de couple. En même temps, ils ont dit la souffrance que cause la séparation dans les familles. Toujours le contraste entre le bonheur et le malheur! Mais ce n’est pas inévitable. Jeunes, préparez sérieusement votre avenir familial. C’est dès maintenant qu’il convient d’apprendre à ne pas se laisser dominer par ses instincts. C’est maintenant qu’il faut apprendre à respecter la personne de l’autre. Pour cela, il est essentiel de savoir partager ses espoirs, sa vision du monde, et la façon dont on souhaite élever ses enfants, y compris en ce qui concerne l’éducation religieuse. Ainsi, le jour venu, vous prendrez un engagement sérieux. Mari et femme, vous vous promettrez fidélité pour la vie, vous mettrez en commun le meilleur de vous-mêmes, et vous aurez la joie de donner, à votre tour, la vie à des enfants que votre bonheur rendra heureux.

La Bible nous dit que l’homme et la femme sont créés par Dieu pour être unis en une seule chair. S’il leur arrive de se blesser l’un l’autre, ils sont appelés au pardon et à la réconciliation, comme Dieu pardonne et réconcilie les pécheurs. Ne redoutez pas l’engagement du mariage. Par leur fidélité, les époux vivent une alliance qui s’appuie sur l’alliance de Dieu avec les hommes. Vous avez reçu avec la vie la générosité de l’amour, vous ferez fructifier ce don par la générosité de votre future vie de famille.

6. Chers amis, vous portez sur la société de votre pays un regard d’inquiétude. Vous appréciez l’ouverture à la liberté de ces dernières années, mais les conditions économiques restent précaires. Pourtant vous espérez une réussite professionnelle à la mesure de vos talents. Cela ne sera pas facile, dans ce monde qui peine à réaliser un développement profitable à tous les hommes, spécialement dans votre continent. Il est normal que vous attendiez des pouvoirs publics l’amélioration de votre situation. Mais soyez bien convaincus que le développement ne se fera pas sans vous, sans la solidarité réelle des Guinéens, des Africains, et aussi des autres peuples du monde, comme je le redis constamment.

Que pouvez-vous faire: Je vous l’ai dit, il ne me revient pas de proposer un programme. Mais je vous invite à vous préparer à vos responsabilités dans la vie sociale, bien convaincus qu’il s’agit d’une vie commune et d’un bien commun. Si chacun défend égoïstement ses intérêts, la communauté entière en souffre et la justice se perd. Si vous savez vous réunir, dans un esprit de solidarité, avec le souci de ne laisser personne sur le bord du chemin, alors vous progresserez. Vous vous réjouissez de la renaissance des mouvements de jeunesse, chrétiens ou autres. En y participant, faites l’apprentissage de l’action commune dans un esprit constructif et animée par un vrai idéal. Ensemble, vous trouverez le courage de résister à toutes les formes de corruption ou d’exploitation qui nuisent à un grand nombre de gens. Vous apprendrez à vous associer pour des entreprises profitables à vos villages agricoles, pour citer votre propre exemple. Et vous serez prêts à prendre une part active à la vie de toute la nation.

N’oubliez pas non plus que la vie sociale unit toutes les générations. Jeunes, ne vous isolez pas des adultes. En reconnaissant ce qu’ils ont réalisé, souvent dans les difficultés, profitez de leur expérience. Recueillez aussi auprès d’eux le meilleur des traditions historiques et de la culture ancestrale de votre peuple. Vous avez un héritage à faire fructifier. En même temps, vous devez inventer et bâtir avec dynamisme la société plus fraternelle dont vous rêvez.

Vous connaissez la règle d’or que l’Évangile a reprise: «Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux»[4]. Oui, pour bien vivre dans la société, il faut agir, et agir pour les autres.

7. J’aimerais maintenant dire un mot pour les plus jeunes d’entre vous, les nombreux enfants de ce peuple. C’est ma joie de les voir se joindre aux aînés, particulièrement quand je viens en Afrique. Ils ont droit à toute l’affection et au dévouement de leurs parents qui ont souvent bien du mal à satisfaire tous leurs besoins. Aussi, c’est toute la société qui doit être solidaire pour aider les enfants dans leur croissance et pour assurer leur éducation dans de bonnes conditions.

Les enfants – est-il besoin de le dire? – sont des personnes à part entière. Ils ont des droits et, à leur niveau, aussi des devoirs: ils aiment grandir ensemble, jouer ensemble: aidez-les à faire de leurs temps de loisirs un bon apprentissage de la vie commune. D’autre part, même petits, ils ont la capacité de connaître Dieu: accompagnez-les attentivement dans leur découverte de sa présence et de ses dons.

8. Chers jeunes, pour tous les aspects de votre vie dont nous avons parlé, où trouvez-vous la vraie lumière? Vous sentez bien que la réponse à toutes vos questions ne peut pas venir seulement des hommes. Il nous est donné de connaître et de prier Dieu infiniment grand, infiniment bon et beau. Nous savons qu’il nous aime malgré nos faiblesses. Nous pouvons compter sur son pardon, qui nous donne la force de pardonner, à notre tour, à nos frères et de marcher délibérément vers un avenir renouvelé. Nous croyons qu’au terme de l’histoire, il veut nous rassembler dans une communauté où il n’y aura plus de mal et plus de mort. Dès maintenant, il nous appelle à être ses disciples, c’est-à-dire à croire en lui et à chercher à faire sa volonté.

Vous appartenez à des traditions religieuses différentes, mais vous êtes là ce soir, je le disais au début, dans le respect mutuel que se doivent des frères. Avec le sens de la palabre qui vous caractérise, continuez votre dialogue pour mieux vous connaître dans votre vie religieuse. Que chacun s’attache à chercher la vérité et à vivre selon la vérité!

Aux jeunes catholiques, je dis toute ma confiance. Jeunes disciples de Jésus Christ, l’Église compte sur vous pour que vous avanciez fermement dans la foi et l’espérance. Soyez fidèles à la prière et aux rassemblements de la communauté: c’est là que vous recevrez en plénitude le message du salut. Mettez en pratique la Parole de Dieu qui vous montre le sens de votre vie. Gardez dans vos coeurs la loi du bonheur: «Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, heureux les miséricordieux, heureux les coeurs purs, heureux les artisans de paix»[5].

Que Notre-Dame de Guinée vous montre sa tendresse et vous conduise vers son Fils, Notre Seigneur!

Et encore avant de terminer je voudrais bien vous remercier pour votre présence pour les paroles de sagesse prononcées par votre porte-parole et pour le spectacle que vous avez préparé avec les chants, avec les gestes, les danses. Tout cela est pour moi non seulement un grand plaisir mais surtout une leçon parce que ce que nous vivons est une rencontre, rencontre ça veut dire un dialogue. Je suis venu ici en Guinée pour apprendre qui sont les Guinéens, l’âme guinéenne, l’âme de la jeunesse guinéenne. Et vous m’avez un peu révélé votre âme, votre intelligence, vos talents, vos chants, vos traditions. C’est très précieux pour moi, à travers ce dialogue l’Évangile est toujours porté au coeur de la culture des peuples, au coeur de la culture et comme ça l’Évangile commence à faire partie de cette culture et la culture humaine s’évangélise, ça veut dire s’évangélise, l’évangélisation c’est la divinisation de la culture humaine parce que Dieu est beau, Dieu est bon et il voulait diviniser notre vie humaine et dans cette divinisation de notre existence humaine, de notre nature humaine il voulait nous rendre heureux pour l’éternité. C’est pour cela qu’est venu Jésus-Christ pour nous montrer le chemin pour être pour nous la vérité et la vie. Suivez-le, suivez Jésus-Christ ayez confiance en Lui, une profonde confiance, que la Mère du Seigneur que vous aimez acclamer par le nom de Vierge de Guinée, Notre Vierge de Guinée, vous rapproche du Seigneur son fils et notre Sauveur. Merci.

Pour vous tous, chers jeunes de Guinée, j’invoque la bénédiction de Dieu clément et miséricordieux.

[1] Lc 9,25.
[2] Rm 7,15.
[3] Cfr. ibid. Rm 7,17 Rm 7,25.
[4] Mt 7,12.
[5] Cfr. ibid. Mt 5,3-9.



AUX CATÉCHISTES ET AUX MEMBRES DES CONSEILS PAROISSIAUX

Collège Sainte-Marie de Dixin, Conakry, Mardi 25 février 1992


Chers amis,

1. Avec vous, dans cette belle assemblée, où se rejoignent les adultes et les jeunes, j’ai vraiment l’impression de me trouver en famille et j’en suis très heureux. Je vous remercie de votre accueil si sympathique et je vous salue de tout coeur. Monseigneur Philippe Kourouma a chaleureusement présenté les catéchistes de Guinée et les membres des Conseils paroissiaux, je lui dis mon amicale gratitude pour ses paroles. Merci aussi au Frère Supérieur du Collège Sainte-Marie pour son exposé de l’histoire et de la vie de cette maison, à laquelle il associe l’ensemble des religieux et des laïcs éducateurs, à l’oeuvre dans votre pays.

2. Chers catéchistes, je m’adresse d’abord à vous, parce que vous méritez une place d’honneur dans l’Église en Guinée. Depuis la venue des premiers missionnaires, vous avez permis à l’Église de s’enraciner en beaucoup de lieux où les prêtres ne pouvaient pas être toujours présents. Vous avez pris au sérieux votre vocation de baptisés pour devenir à votre tour des porteurs de la Bonne Nouvelle et des animateurs fraternels des communautés naissantes. Et tous savent avec quel zèle persévérant vous avez traversé les années d’épreuve, en soutenant la ferveur de vos frères et soeurs, souvent privés de la visite régulière des quelques pasteurs restés dans le pays. Pour toute cette oeuvre – ô combien admirable! –, accomplie avec modestie, je tiens à vous rendre hommage et à vous exprimer la gratitude de toute l’Église.

3. Comme catéchistes, dans le cadre de la mission propre de l’Église du Christ, vous accomplissez de nombreuses tâches qui se complètent. De façon exemplaire, vous répondez à la vocation des fidèles chrétiens qui prennent leurs responsabilités de baptisés dans la communauté ecclésiale et dans le monde. Vous entraînez vos frères pour constituer ensemble le peuple de Dieu vivant dans la foi, l’espérance et la charité.

Par l’instruction religieuse et la préparation aux sacrements, par l’animation de la prière commune, vous aidez les baptisés à progresser dans la piété et le sens chrétien de leur vie, en même temps que vous ouvrez la voie du baptême aux catéchumènes. Ainsi, vous apportez une contribution importante à la construction de l’Église et à l’affermissement du peuple de Dieu. Vous participez à diverses formes de l’apostolat, notamment dans les mouvements. Mais vous êtes les premiers à comprendre que cet édifice reçoit sa véritable structure grâce aux ministres ordonnés auxquels le Seigneur a confié le pouvoir de célébrer son sacrifice rédempteur et de transmettre la grâce du pardon. Je pense que vous partagez ma joie d’avoir pu ordonner prêtres, ce matin même, trois fils de votre peuple.

Catéchistes, vous êtes présents à la vie quotidienne de vos villages ou de vos quartiers. Vous y êtes des témoins de l’Évangile dans la façon honnête et généreuse de remplir vos tâches d’hommes, de témoigner d’un esprit de service généreux et d’un souci constant de bonne entente et d’entraide. C’est essentiellement par l’action des laïcs que l’Église désire servir loyalement la promotion de l’homme, le respect de la vie et la paix sociale. Votre action personnelle et votre influence d’animateurs vous placent au premier rang pour le travail de transformation positive du monde que les disciples du Christ souhaitent réaliser.

4. Vos pasteurs mettent une grande confiance en vous, qui vous dépensez infatigablement. Je sais que vous faites face fidèlement et avec discrétion à vos nombreuses obligations. Je voudrais saluer ici vos familles qui acceptent beaucoup de sacrifices pour que vous soyez disponibles; elles consentent en particulier à une réelle pauvreté. Elles méritent toute notre estime pour cette manière de participer à votre mission. Elles donnent un bel exemple de foyers ouverts aux autres. Que vos épouses et vos enfants en soient remerciés!

J’ajouterai encore un mot pour vous, chers catéchistes: trouvez dans la prière personnelle et familiale la force de continuer votre service désintéressé; soyez les familiers du Christ, les familiers de sa Parole; méditez les dons de Dieu en prenant pour guide et Mère la Vierge Marie. Elle vous soutient dans l’espérance et dans l’amour de vos frères; comme j’aime à le dire, elle vous précède dans le pèlerinage de la foi qui est le chemin de l’homme.

5. Dans votre assemblée, il y a aussi les membres des conseils paroissiaux. Chers amis, je saisis cette occasion pour vous dire un mot d’encouragement. Chez vous, les paroisses sont grandes, avec des communautés locales nombreuses et souvent éloignées les unes des autres. Il est bon que leurs représentants se rencontrent, sous la conduite du curé, car cela permet de coordonner les actions. Les conseils pastoraux ont été voulus par l’Église, spécialement depuis le Concile Vatican II, parce que la mission évangélique ne peut être remplie qu’avec l’ensemble des frères: chacun prend sa part du fardeau, chacun apporte son expérience. Les conseils sont un lieu exemplaire pour la collaboration des laïcs avec les prêtres, bergers du troupeau au nom du Christ. Bien conçus, vos conseils peuvent être une de ces articulations du Corps du Christ dont parle saint Paul dans un passage de la Lettre aux Ephésiens que je vous laisse méditer: «Vivant selon la vérité et dans la charité, nous grandirons de toutes manières vers Celui qui est la Tête, le Christ, dont le Corps tout entier reçoit concorde et cohésion par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l’actionnent selon le rôle de chaque partie, opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même dans la charité»[1].

6. Nous sommes réunis dans une maison consacrée à l’éducation. Cela se voit bien, chers jeunes qui nous entourez. Vous avez peut-être trouvé austère ce que je viens de dire à vos aînés. Mais je suis content d’avoir pu rencontrer des laïcs chrétiens responsables dans une école. Ils vous font découvrir la joie que représente le service de leurs frères.

Vous venez de lieux différents; beaucoup d’entre vous ne partagent pas notre foi, mais vous entrez ici dans une vraie communauté éducative. Dans ce qui m’a été dit, j’ai remarqué le souci de travail commun des éducateurs et des parents avec vous, les jeunes. Votre formation ne serait pas complète si vous n’aviez pas une bonne possibilité de dialogue avec les adultes. Vous venez chercher le savoir, bien sûr, mais vous apprenez aussi à vivre ensemble. Vous devez vous préparer à être utiles, à servir les autres. Vous vous posez certainement aussi des questions sur le sens de votre vie: d’où vient-elle? Où vous mène-t-elle? Les adultes sont là pour vous aider à découvrir des réponses aux interrogations les plus importantes. Hier soir, j’ai parlé de plusieurs aspects de la vie avec un grand nombre de jeunes, vous étiez sans doute là. Alors, je me contente ici de vous dire: bon travail, bon courage pour construire votre avenir! Et que Dieu vous éclaire tous les jours!

En votre nom, je voudrais aussi dire merci aux Frères du Sacré-Coeur, ainsi qu’aux professeurs et aux éducateurs laïcs du collège, pour leur travail et leur dévouement. Je les assure, ainsi que tous les religieux et religieuses en mission d’éducation en Guinée, que l’Église apprécie le service qu’ils rendent à la jeunesse, en continuant une longue tradition toujours vivante. J’espère qu’ils recevront le soutien nécessaire pour développer encore leur oeuvre.

Au moment où je dois vous quitter, je voudrais vous offrir à tous mes voeux cordiaux. Je confie vos responsabilités et votre avenir à l’intercession de Sainte Marie, la Mère de Jésus, patronne de cette Maison. Et je vous bénis au nom du Dieu vivant.

[1] Ep 4,15-16.





Discours 1992 - Chambre du Commerce de Dakar, Samedi 22 février 1992