Discours 1992 - Collège Sainte-Marie de Dixin, Conakry, Mardi 25 février 1992

AUX CHEFS RELIGIEUX MUSULMANS AU PALAIS DU PEUPLE

Conakry (Guinée), Mardi 25 février 1992


1. Je voudrais vous dire combien je suis heureux de vous rencontrer, vous tous dignitaires et membres de la communauté musulmane en Guinée. À travers vous, je salue tous ceux qui auraient souhaité être ici aujourd’hui, mais que la distance ou la maladie ont empêché de venir. Je vous demande de leur transmettre mes salutations fraternelles.

Chrétiens et Musulmans, nous sommes tous éclairés par le soleil de Dieu, présent et agissant dans l’histoire des hommes et des peuples. Chrétiens et Musulmans, nous croyons en Dieu, Créateur de l’homme et de l’univers tout entier, nous l’adorons et nous nous efforçons de nous soumettre à sa volonté.

De cette foi découlent bien des points communs entre le Christianisme et l’Islam: la place importante donnée à la prière, l’estime pour la morale, le sens de la dignité humaine qui se trouve à la base des droits fondamentaux de tout homme.

2. Ici, en Guinée, il faut tenir compte d’un autre lien, celui du sang. Au sein de la même famille peuvent se retrouver des Chrétiens, des Musulmans, et des croyants de la religion traditionnelle. C’est le lieu de saluer avec satisfaction le climat exceptionnel de convivialité qui caractérise les relations entre personnes de différentes religions. Ne perdez jamais cet héritage. Que ce sens de la solidarité se fortifie, dans le respect mutuel des convictions de chacun manifesté quotidiennement, afin que vous puissiez travailler la main dans la main pour le développement intégral de l’homme dans la nation guinéenne!

3. Comme dit un proverbe africain: «Une seule main ne peut ficeler un paquet». Aussi me permettrez-vous de souligner l’importance de la collaboration dans la reconstruction de ce pays qui a vu beaucoup de mutations au cours de son histoire. Bien des champs s’ouvrent à cette collaboration: de l’entraide au niveau des villages pour la construction de maisons, d’écoles ou d’autres bâtiments d’utilité publique, jusqu’à la coopération dans le domaine des services sociaux: santé, éducation, promotion féminine.

Ce développement, auquel Chrétiens et Musulmans doivent être encouragés à participer, devrait profiter à la population tout entière. Il faudrait veiller aussi à ce qu’il profite en particulier aux pauvres. Pour cela, il faut lutter avec courage et constance contre toute forme de corruption et contre toute entrave à la promotion de la justice et de l’unité du pays.

4. Cette reconstruction doit commencer par la base, par la famille. En disant cela, je suis certain que vous êtes conscients de l’importance des valeurs familiales, souvent menacées aujourd’hui, et que vous souhaitez collaborer avec les Chrétiens pour essayer de sauvegarder et renforcer ces valeurs. Dans ce domaine, l’éducation des jeunes est une préoccupation prioritaire. Car la jeunesse est comme une nouvelle houe pour continuer à travailler la terre que vous a léguée le Créateur, que vos ancêtres ont cultivée, que vous cultivez vous-mêmes, et que vous transmettez à la génération suivante afin qu’elle la cultive à son tour. Comme je l’ai dit dans mon discours aux jeunes Musulmans, à Casablanca, en 1985: «C’est en travaillant ensemble que l’on peut être efficace. Le travail bien compris est un service des autres. Il crée des liens de solidarité»[1]. Il faut que les adultes fassent confiance aux jeunes et les aident à assumer pleinement leurs responsabilités, mais, en même temps, il faut que les jeunes soient prêts à collaborer avec les adultes[2]. Préparez donc les jeunes à comprendre leur époque, à dialoguer avec leurs aînés et avec les autres jeunes pour l’édification de ce pays et de son unité. Car tout ce qui est semé en profondeur au coeur de la jeunesse porte à long terme des fruits durables et récompense largement les sacrifices consentis.

Je souhaite que se développe le respect de la liberté de conscience et de culte pour tout être humain. Dans la tâche capitale de la formation de la conscience, la famille joue un rôle de premier plan.

Les parents ont le grave devoir d’aider leurs enfants, dès le plus jeune âge, à chercher la vérité et à vivre selon la vérité, à chercher le bien et à le promouvoir.

5. Permettez-moi de souligner encore un autre domaine où Chrétiens et Musulmans peuvent collaborer, à savoir la recherche de la paix. À ce thème, «Croyants unis pour construire la paix», j’ai consacré cette année mon message pour la Journée mondiale de la paix. J’y ai souligné la nécessité de la prière: «Une prière intense et humble, confiante et persévérante, si l’on veut que le monde devienne finalement une demeure de paix: la prière est la force nécessaire pour l’implorer et pour l’obtenir». Car la prière «encourage et soutient celui qui aime et veut promouvoir ce bien selon ses possibilités dans les divers lieux où il lui est donné de vivre. Tandis qu’elle ouvre à la rencontre avec le Très-Haut, elle prépare aussi à la rencontre avec le prochain, aidant à établir avec tous, sans aucune discrimination, des relations de respect, de compréhension, d’estime et d’amour»[3]. Dans ce même message, j’ai rappelé ce jour mémorable du 27 octobre 1986, à Assise, où des représentants de toutes les religions se sont rassemblés autour de moi afin de prier pour la paix. Il faut «maintenir vivant “l’esprit d’Assise” non seulement par devoir de cohérence et de fidélité, mais encore pour offrir aux générations futures une raison d’espérer»[4]. Je vous invite donc à prier pour la paix, dans le continent africain et dans le monde entier.

6. Je voudrais terminer en rendant grâce à Dieu, encore une fois, pour la grande cordialité des relations entre Chrétiens et Musulmans dans ce pays. Il me plaît de rappeler la forte relation d’amitié qui existait entre le Grand Chérif Cheick Fanta Mady, Chérif de Kankan, et Monseigneur Raymond Lerouge, le Vicaire apostolique. Cette relation s’est concrétisée dans la construction de l’église de Kankan. Il faut rendre hommage au Cheick Fanta Mady. Il fut un homme de foi, de fraternité, d’ouverture, de paix. Il reste dans l’histoire religieuse de la Guinée un point de référence sur le chemin du dialogue islamo-chrétien.

Je vous invite tous à continuer dans ce chemin, et je prie le Seigneur de vous accorder ses plus abondantes bénédictions.


[1] Ioannis Pauli PP. II Albae domi, in Marochio, allocutio ad iuvenes muslimos, 6, die 19 aug. 1985: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VIII, 2 (1985) 502.
[2] Cfr. ibid. 7: l.c., p. 503 s.
[3] Ioannis Pauli PP. II Nuntius ob diem ad pacem fovendam dictatum pro a. D. 1992, 4, die 8 dec. 1991: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XIV, 2 (1991) 1334.
[4] Ibid. 4.



DEVANT LA GROTTE DE NOTRE-DAME DE LOURDES

Archevêché de Conakry (Guinée) Mardi 25 février 1992

Chers Frères et Soeurs,

1. Alors que ma visite pastorale prend fin, nous voici rassemblés dans l’enceinte de l’archevêché de Conakry, à la grotte édifiée en 1911 par Monseigneur Lerouge. C’est un lieu qui vous est cher et je suis heureux d’y être avec vous. Chaque année, le 8 décembre, les fidèles des quatre paroisses de la ville de Conakry s’y réunissent pour célébrer l’Immaculée Conception, fête de l’archidiocèse, et anniversaire de la consécration de la Guinée à Marie.

Vous aimez venir prier en cet endroit et y offrir des cierges. Dans l’Église catholique, on fait un constant usage de cierges ou de lampes: à chaque messe; devant le Saint Sacrement; devant les statues des saints; pendant la nuit pascale; au baptême; autour du corps d’un défunt. Chez les chrétiens, la lumière est toujours présente. Elle est signe de fête et de joie. Elle est signe de respect. Elle indique que quelqu’un est présent: c’est le cas de la lampe du sanctuaire. Pour vous qui venez allumer un cierge devant la statue de la Madone, la flamme symbolise la prière de votre coeur qui cherche à monter vers Dieu avec l’aide de Marie, quand vous vous sentez dans la nuit.

Surtout, la lumière nous rappelle le Christ, le Fils de Marie. L’Évangile raconte que, le jour où Jésus fut présenté au Temple par ses parents, un homme juste et religieux, appelé Syméon, prit l’enfant dans ses bras et bénit Dieu en proclamant Jésus: «Lumière pour éclairer les nations païennes»[1].

2. C’est le Christ-Lumière que nous avons célébré au cours de nos rencontres d’hier et d’aujourd’hui. C’est vers le Christ-Lumière que je voudrais vous inviter de nouveau à regarder, avec l’aide de Marie sa Mère.

Pendant les années de tempête, la Guinée a pu conserver la lumière du Christ grâce à la prière. Vous avez tenu bon parce que, avec l’aide des catéchistes notamment, vous avez continué dans vos villages à prier, à lire la Bible et à connaître Dieu. La prière vous a maintenus dans le courage et dans la dignité, par l’espérance. Maintenant, les temps ont changé. Dans votre pays où tout est à reconstruire, vous avez retroussé vos manches et vous vous êtes mis au travail. Vous avez déjà retrouvé le plus important: l’espoir de vivre, l’assurance d’être aimés.

Certes, il y a encore de l’angoisse, de la peur, de l’incertitude, mais vous pouvez désormais en toute liberté faire monter votre prière vers le Seigneur par la Vierge Marie. Demandez à Notre Dame de raviver en chacun et en chacune de vous tout ce qu’il y a de bon, car le Seigneur a déposé des talents en chaque coeur guinéen.

3. A l’exemple de Marie, dont saint Luc nous dit qu’elle retenait tous les événements concernant Jésus «et les méditait dans son coeur»[2], approfondissez votre foi de manière à devenir des personnes responsables. Parmi les moyens que l’Église propose pour grandir dans la foi, il y a le chapelet. Je sais que le chapelet a été récité quotidiennement dans vos paroisses et dans vos communautés chrétiennes de base pour préparer la visite du Pape. Après mon départ, continuez à le réciter en cherchant à en faire toujours davantage une méditation personnelle sur les grands événements du salut. Repassez dans votre mémoire ce que nous avons vécu ensemble et méditez dans votre coeur les enseignements reçus hier et aujourd’hui.

Le chapelet est une prière merveilleuse de simplicité et de profondeur. Nous répétons les paroles de l’archange Gabriel et celles d’Elisabeth à Notre Dame. Sur cet arrière-fond de «Je vous salue Marie», les principaux épisodes de la vie de Jésus défilent, réunis en mystères joyeux, douloureux et glorieux. Avec l’aide de Marie, nous entrons en communion avec le Seigneur Jésus. En même temps, nous introduisons dans ces dizaines du chapelet les événements qui nous tiennent le plus à coeur: ceux de notre vie personnelle, de notre vie familiale et de notre vie nationale. Nous offrons à Dieu, par Marie, «les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, [qui] sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ»[3].

Je vous exhorte, chers Frères et Soeurs, à redécouvrir mieux encore la valeur du chapelet, comme prière personnelle, familiale et paroissiale, afin de grandir dans la foi.

4. Grandir dans la foi: tel est l’appel auquel vous devez répondre, avec tous vos frères et soeurs catholiques du continent africain. C’est un long chemin où l’on reçoit la grâce de croire, où l’on approfondit sa confiance en Dieu, où l’on apprend à vivre selon sa Parole. En la compagnie de Marie, vous découvrirez que c’est d’une manière progressive que se développe en nous la vie chrétienne.Le même évangéliste saint Luc nous décrit Marie qui accueille et garde en son coeur l’annonce du salut. Il nous la montre aussi cheminant par étapes sur la voie de la foi. Lorsque Jésus fut retrouvé au Temple, «chez son Père», ses parents «ne comprirent pas ce qu’il leur disait»[4]. La foi de Marie a grandi avec le temps; jusqu’à l’épreuve du Calvaire et la plénitude de la Pentecôte. Maintenant, elle nous précède et nous entraîne sur le même chemin.

Vous aussi, chers Frères et Soeurs, sachez être patients et apprenez en tous domaines à agir d’une manière progressive, en vous mettant à l’écoute les uns des autres. Qu’il y ait non pas révolution mais évolution harmonieuse!

5. Enfin, demandez à la Vierge que ne se perde pas en votre peuple cette grande qualité d’âme qu’est la capacité de pardonner. Chrétiens et chrétiennes de Guinée, proclamez de plus en plus le message de la réconciliation. C’est la tâche centrale de l’Église: réconcilier l’homme avec Dieu, avec lui-même, avec ses frères et avec toute la création. Les chemins de la réconciliation, vous les connaissez, ils passent par la conversion du coeur et la victoire sur le péché, que ce soit l’égoïsme, l’injustice, l’exploitation d’autrui, l’attachement aux biens matériels ou la recherche effrénée du plaisir.

Pour bâtir une réconciliation profonde, prenez appui sur les trois piliers que sont la Vérité, la Justice et l’Amour. De la sorte, votre cher pays connaîtra une paix durable. C’est cette paix qu’ensemble nous allons demander en renouvelant notre consécration à Notre Dame de Guinée.

[1] Lc 2,32.
[2] Cfr. ibid. Lc 2,19.
[3] Gaudium et Spes, GS 1.
[4] Cfr. Lc 2,50.



CONSÉCRATION DE LA GUINÉE À NOTRE-DAME, PRIÈRE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II

Conakry (Guinée), Mardi, 25 février 1992


O Marie, Notre-Dame de Guinée,
tes fils et tes filles de Guinée
viennent devant toi
renouveler aujourd’hui leur consécration.

Nous t’offrons nos corps, nos coeurs
et nos esprits;
nous t’offrons cette terre de Guinée
et ses habitants,
ses familles et ses enfants,
leurs projets et leurs rêves de bonheur.

O Marie, Mère des hommes,
nous remettons entre tes mains
le destin de ce pays
et nous te prions pour toutes
les personnes de bonne volonté
qui travaillent à sa reconstruction.

O Marie, femme attentive à Cana,
tu as été au milieu de ton peuple en Guinée,
l’accompagnant de ta prière et de ta tendresse
dans sa marche douloureuse vers la liberté.
Tu connais la souffrance et la misère de tes enfants:
entends les cris des pauvres
qui réclament plus de justice et plus de dignité.
Sois notre avocate auprès de ton Fils,
le Rédempteur de l’homme.
Intercède pour tes enfants
et demande pour eux la justice et la paix.

Protège-nous des divisions mortelles.
Apprends-nous à renoncer à nos ambitions égoïstes
pour rechercher généreusement
ce qui est utile à tous nos frères.

O Marie, Mère des nations,
supplie le Père d’envoyer l’Esprit Saint
sur les enfants de ce pays
pour éclairer leur chemin;
qu’Il mette en leur coeur
un amour vrai pour leur patrie
et pour chacun de leurs frères;
qu’Il inspire ceux qui font les lois
afin que tous les Guinéens soient respectés
dans leur personne, leurs droits,
et leurs aspirations.

O Marie, Mère de l’Église,
fortifie la communauté des baptisés,
soutiens le zèle missionnaire
de l’Église en Guinée,
pour qu’elle soit sel de la terre
et lumière du monde
et qu’elle témoigne de l’amour de Dieu
pour tout homme,
sans distinction d’ethnie, de classe sociale,
de religion ou d’opinion.

Obtiens à tous les enfants de ce pays
de connaître des jours tranquilles,
pour qu’il leur soit possible de progresser
et de bâtir une Guinée nouvelle
dans la fraternité, la tolérance
et la cohésion nationale.

O Marie, Notre-Dame de Guinée,
clémente, miséricordieuse et douce,
Mère de Dieu et notre Mère,
tu nous précèdes sur le chemin de la foi,
garde en nous l’espérance,
fais-nous partager fraternellement l’amour de Dieu.

Amen.



CÉRÉMONIE DE CONGÉ

Aéroport «Gbessia» de Conakry, Mardi, 25 février 1992




Monsieur le Président,
Chers Frères dans l’épiscopat,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis de Guinée,

1. Voici venu le terme d’un voyage qui, pour la huitième fois, m’a conduit sur la terre d’Afrique que j’apprends à connaître et à aimer toujours davantage.

Monsieur le Président, j’ai été sensible aux paroles que vous venez de m’adresser. C’est à vous que j’exprime tout d’abord mes remerciements, ainsi qu’à Madame Henriette Conté. En cet instant, marqué par l’émotion et par quelque nostalgie, mais qui fait suite à de belles heures de joie partagée, je vous sais gré d’avoir tenu à m’accompagner.

Avec vous, je remercie également de leur présence les hautes Autorités du pays, Messieurs les membres du Gouvernement et des Corps constitués.

J’apprécie vivement la présence ce matin des membres du Corps diplomatique accrédité auprès de la Guinée qui sont venus m’accueillir et qui ont la courtoisie de prendre part à cette cérémonie de congé.

Au moment de quitter la Guinée je désire dire ma vive gratitude à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont contribué à la réussite de mon séjour, en mettant leur énergie, leur expérience et leur dévouement au service d’une chaleureuse et généreuse hospitalité qui m’a beaucoup touché. Je dis un merci cordial aux personnels des services de sécurité qui ont travaillé efficacement au bon déroulement de cette visite. J’associe à ces remerciements les représentants des médias qui ont donné un large écho aux différents événements de cette belle journée.

2. À vous, mes chers Frères dans l’épiscopat, je tiens à dire aussi toute ma gratitude et ma grande satisfaction d’avoir pu passer quelque temps avec vous sur la terre de votre apostolat. C’est toujours une vraie joie pour le successeur de Pierre de rencontrer ses Frères du collège épiscopal, mais il est particulièrement heureux de leur rendre visite sur les lieux mêmes où ils vivent pour annoncer l’Évangile et servir l’Église. Avec les catholiques de Guinée, vous m’avez réservé un accueil qui traduisait bien l’affection et le respect que vous avez pour le Pape. De tout cela, soyez encore une fois vivement remerciés!

Il est sans doute trop tôt pour tirer les conclusions ou esquisser un bilan de ces deux journées si riches en événements. Pourtant, je garderai dans la mémoire de mon coeur les émouvantes rencontres avec les forces vives de l’Église de Guinée: les jeunes, les catéchistes, les personnes consacrées et les laïcs engagés, avec leurs pasteurs. Je souhaite que les baptisés, raffermis dans leur foi, vivent davantage encore dans la concorde et la communion fraternelle dont la source est en Dieu. Je leur redis volontiers les paroles de saint Paul: «Mes frères bien-aimés, soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus active à l’oeuvre du Seigneur, car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donnez ne sera pas stérile»[1].

3. Enfin, je forme le voeu que tous les habitants de Guinée, Chrétiens, Musulmans ou Animistes, s’efforcent de vivre dans la paix, dans l’unité, dans le respect des personnes et de leur dignité! Je les assure que je porterai devant Dieu leurs soucis et leurs espoirs.

Un adage ancien de la Ville de Rome, où je retourne, disait: «Que le salut du peuple soit la loi suprême». Je le reprends volontiers ici: que le bonheur, que le salut du peuple soit le but recherché avec persévérance par ceux et celles qui président aux destinées de la nation! Et que chaque citoyen ait le souci de faire fructifier ses talents, dans le respect des droits d’autrui, afin que progresse le bien-être de tous sur la voie d’un développement qui réponde aux aspirations des coeurs!

En vous renouvelant mes remerciements, Monsieur le Président, je vous souhaite de poursuivre heureusement votre haute mission.

Que Dieu bénisse la Guinée!

[1] 1Co 15,58.



AUX PARTICIPANTS AU Ier CONGRÈS MONDIAL DE PASTORALE DES SANCTUAIRES ET DES PÈLERINAGES

Vendredi, 28 février 1992


Chers Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
chers amis, Recteurs de sanctuaires et Directeurs de pèlerinages,

1. Après vous avoir rencontrés, au cours de mes voyages apostoliques et encore ces jours–ci en Afrique, dans les sanctuaires où vous servez, j’ai la joie de vous accueillir aujourd’hui, près de la Confession de saint Pierre, pour le premier congrès mondial de pastorale des sanctuaires et des pèlerinages, organisé par le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement. Vous avez choisi pour thème: «Marche vers la splendeur, ton Dieu marche avec toi». Vous rappelez ainsi que tout pèlerin, à l’image des hommes de la Bible, est à la recherche de Dieu qui nous convoque en sa présence pour nous faire «participants de la nature divine»[1].

Vous représentez les sanctuaires du monde catholique, les plus célèbres comme les plus humbles, depuis les plus vénérables jusqu’aux plus récemment fondés, ceux qui touchent aux lieux mêmes où vécut le Seigneur Jésus, comme ceux qui honorent la Mère de Dieu et les saints de notre histoire. Quelle joie sacerdotale de vous voir confier la mission d’être les gérants des sanctuaires. Vous êtes ainsi les témoins privilégiés de l’absolue gratuité de Dieu telle qu’elle s’est manifestée et se manifeste encore dans les lieux dont vous avez la charge.

Depuis longtemps, vous avez réfléchi, dans vos organisations respectives, aux exigences du service qui vous est demandé. L’échange que permet une rencontre à l’échelle de l’Église universelle donne, aujourd’hui, sa dimension plénière à votre action missionnaire.

2. Dans un sanctuaire, tous peuvent découvrir qu’ils sont également aimés, également attendus, à commencer par les meurtris de la vie, les pauvres, les personnes éloignées de l’Église. Chacun peut y redécouvrir son éminente dignité de fils ou de fille de Dieu, même s’il l’avait oubliée. «Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents, et de l’avoir révélé aux tout–petits»[2]. Les «petits» ne s’y trompent pas, eux qui viennent, de plus en plus nombreux, chercher un sens à leur vie, fortifier leur foi, renouveler leur charité et retremper leur espérance. Dieu parle de manière simple aux simples, par la grâce des saints qui ont vécu les Béatitudes de pauvreté, de miséricorde, de justice et de paix.

3. On a parfois jeté le doute sur ce qu’il est convenu d’appeler «la religion populaire» dont vous avez fait, heureusement, le thème de ce premier congrès mondial. «La religiosité populaire, rappelait Paul VI, a certainement ses limites..., [mais] elle traduit une soif de Dieu que seuls les simples et les pauvres peuvent connaître... Elle engendre des attitudes intérieures rarement observées ailleurs au même degré: patience, sens de la croix dans la vie quotidienne, détachement, ouverture aux autres, dévotion»[3]. Cette piété populaire, religion du geste et de l’émotion plus que de la démarche rationnelle, a autant besoin d’être judicieusement accueillie que d’être respectueusement éclairée pour que les pauvres soient évangélisés. De nombreux saints nous ont montré que la vie sensible permet de rejoindre les profondeurs du mystère divin si elle est, avec l’aide de la grâce, sans cesse purifiée par un effort de la volonté et de l’intelligence.

4. Vous êtes attentifs aux «temps» et aux rythmes de tout pèlerinage: le départ, l’arrivée, la «visite» au sanctuaire et le retour. Autant de moments de leur démarche que les pèlerins confient à votre sollicitude pastorale. Vous avez la charge de les conduire à l’essentiel: Jésus-Christ Sauveur, terme de toute marche et source de toute sainteté. C’est par lui, avec lui et en lui que nous accédons au Père. Il vous revient d’annoncer, «à temps et à contretemps», le noyau et le centre de la Bonne Nouvelle du salut, «ce grand don qui est libération de tout ce qui opprime l’homme mais qui est surtout libération du péché et du Malin, dans la joie de connaître Dieu et d’être connu de lui, de le voir, d’être livré à lui»[4]. Ainsi, transformés par la rencontre de la divine Trinité d’amour, à travers la prédication, la célébration des sacrements et l’expérience de la vie ecclésiale, les pèlerins deviennent à leur tour des envoyés de la Bonne Nouvelle.

5. «L’Église ne recevra son achèvement que dans la gloire céleste, lorsque viendra le temps de la restauration universelle»[5]. Si les sanctuaires de la terre sont les images de la Jérusalem céleste, le pèlerinage est l’image de notre vie humaine. Face à un monde qui croit pouvoir élaborer une espérance à partir de ses certitudes scientifiques, il nous rappelle concrètement que «nous n’avons pas ici–bas de cité permanente»[6] et que nous avons déjà part, en espérance, au Royaume à venir. C’est dans la divine humanité du Christ, et en elle seule, que l’homme est uni «à la divinité de Celui qui a pris notre humanité», comme nous le disons à l’Offertoire de la Messe.

Le pèlerinage est une expérience fondamentale et fondatrice de la condition du croyant, «homo viator», homme en route vers la Source de tout bien et vers son accomplissement. En mettant tout son être en marche, son corps, son coeur et son intelligence, l’homme se découvre «chercheur de Dieu et pèlerin de l’Éternel». Il s’arrache à lui–même pour passer en Dieu. Il est délivré des fausses certitudes, rendu à sa condition naturelle de fils prodigue appelé au pardon par la tendresse du Père qui l’attend. Ces choses simples s’apprennent mieux dans l’expérience de la marche que dans les livres!

6. Vous avez souligné, dans les travaux préparatoires à ce congrès, que des populations migrantes, riches d’une tradition de rassemblements dans leurs sanctuaires, se retrouvaient transplantées sur d’autres continents dans des Églises locales qui ne connaissent pas, ou peu, cette forme de piété. Cependant, pour ces chrétiens déracinés, les pèlerinages sont des occasions de rencontre dans la foi. Leurs communautés se raffermissent en exprimant leur identité culturelle et spirituelle. Je ne saurais trop vous recommander de veiller à ce que ces peuples puissent manifester, dans le langage qui est le leur, la piété et l’amour de Dieu qui les habitent. Les communautés chrétiennes locales qui les accueillent et leurs pasteurs s’honorent en répondant à l’attente légitime de ceux qui, ayant perdu leurs racines géographiques, veulent maintenir leurs racines spirituelles.

7. Éveiller la conscience d’être pèlerin dans le coeur du simple visiteur est parfois une mission délicate. Il vous revient de conduire ce visiteur jusqu’à l’unique Sauveur, et de faire germer, en lui, l’Évangile. Vous avez besoin de la patience de Dieu et de l’exemple des saints. Imitez inlassablement Bernadette Soubirous, la voyante de Lourdes qui disait: «Je ne suis pas chargée de vous le faire croire; je suis chargée de vous le dire». Aussi, comme elle, «il nous est impossible de ne pas dire ce que nous avons vu et entendu»[7], que le Christ est le chemin du salut, qu’il est le Salut. C’est votre responsabilité, sous la conduite de vos Évêques, de permettre à chacun d’entendre ce message dans sa propre langue.

Tout pèlerin, au terme de la marche où son coeur tout brûlant aspire à voir la face de Dieu, est appelé à reconnaître le Sauveur dans le pardon reçu et le pain partagé. La célébration de la pénitence et du sacrement de l’Eucharistie, sommet de la vie chrétienne, devient le point de départ d’un envoi en mission: retourner dans la vie quotidienne pour devenir témoins du Christ ressuscité.

8. Pour conclure cet entretien, tournons notre regard vers l’Évangile de Jean et l’admirable rencontre entre Jésus et la Samaritaine, au puits de Jacob. Une femme vient puiser de l’eau. Elle est désorientée par les vicissitudes de sa propre vie. Et Jésus lui propose l’eau qui donne la vie. La femme lui fait remarquer: «Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où l’as–tu donc, l’eau vive?»[8]. Ainsi êtes–vous souvent devant des foules égarées. Souvenez–vous de Jésus: lui seul est l’eau vive. Nous ne sommes que les gardiens du puits, chargés d’en faciliter l’accès et de laisser surgir, claire et désaltérante, la «source d’eau jaillissant en vie éternelle».

Je vous confie, vous–mêmes et votre ministère, à la garde de Marie, médiatrice des grâces divines, consolatrice des affligés, étoile de la mer, secours des chrétiens, refuge des pécheurs, mère des pèlerins qui vont de cette terre au royaume éternel. De tout coeur je vous donne, ainsi qu’à tous ceux qui coopèrent à la pastorale des sanctuaires et des pèlerinages, ma Bénédiction Apostolique.

[1] 2P 1,4.
[2] Mt 11,25.
[3] Pauli VI Evangelii Nuntiandi, EN 48.
[4] Ibid., EN 9.
[5] Lumen Gentium, LG 48.
[6] He 13,14.
[7] Ac 4,20.
[8] Jn 4,11.



Mars 1992



AUX ÉVÊQUES DE LA RÉGION APOSTOLIQUE «ÎLE-DE-FRANCE» EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Vendredi, 6 mars 1992



Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l’Épiscopat,

1. Après avoir achevé mon voyage en Afrique, où j’ai pu mesurer la vigueur des jeunes Églises qui doivent beaucoup à l’oeuvre des missionnaires de votre pays, je suis heureux de vous rencontrer. Vous êtes venus à Rome, sur les traces des Apôtres Pierre et Paul, pour être affermis dans la mission que vous avez reçue et pour vivre, de manière plus étroite, en communion avec l’Église universelle, par la grâce de mon ministère de Successeur de Pierre.

Je remercie votre Président de région, le Cardinal Jean-Marie Lustiger, de nous proposer une analyse lucide des attitudes de la Jeunesse dans vos diocèses et des signes d’espérance que vous voyez apparaître, signes qui sont autant de réconfort pour la conduite pastorale. Votre visite et vos rapports me permettent de m’associer aux difficultés et aux Joies de votre ministère. Votre région «Île-de-France» est un ensemble spécifique avec une population très mobile, où se côtoient des cultures issues des quatre points de la planète. La vie intellectuelle, la technologie de haut niveau, la recherche médicale, pour ne citer que quelques aspects, font de vos diocèses des pôles attractifs pour beaucoup de gens. Mais cette concentration sociale crée de nouvelles pauvretés. Face à cela, les besoins pastoraux sont considérables; ils invitent à une collaboration suivie et renforcée entre vos diocèses.

2. Les préoccupations que vient d’exprimer, en votre nom, le Cardinal Lustiger m’offrent l’occasion de m’entretenir avec vous de la Pastorale des jeunes auxquels vous accordez une attention toute particulière, car ils sont la société de demain. Ils sont l’espérance de l’Église. Vous constatez, dans la société française, une sécularisation qui tend à se généraliser, avec le retrait, conscient ou non, de références religieuses, de la part de groupes ou d’institutions; et cela va de pair avec un individualisme croissant. Cette situation est rude pour les jeunes qui, bien souvent, n’ont pas de bases spirituelles sur lesquelles construire leur vie et leur personnalité. Beaucoup d’entre eux considèrent leur avenir avec appréhension. La polarisation sur la seule réussite scolaire et l’acquisition d’un savoir ne sont pas suffisantes pour permettre la réalisation d’un idéal de vie. L’éclatement de nombreuses familles rend les enfants psychologiquement et spirituellement fragiles. La société de consommation propose une vie facile, mais sans lendemain. L’augmentation du nombre de ceux qui se laissent entraîner dans les réseaux de drogue ou qui font des tentatives de suicide a de quoi inquiéter. Face à ces fléaux des temps modernes que vous avez évoqués, la rencontre de Jésus Christ, la culture chrétienne et l’héritage des valeurs évangéliques offrent des réponses et contribuent à la structuration et à la maturation des jeunes qui ont besoin de se sentir aimés et encouragés par les adultes.

Dans un monde tenté de s’organiser comme si Dieu n’existait pas, seule la révélation du visage de Dieu Amour donne des raisons de croire, d’espérer et d’aimer. Comme je le rappelais récemment, l’Église doit, sans cesse, réaliser un profond travail éducatif, telle une mère aimante qui veut offrir à ses enfants leur part de l’héritage chrétien afin de permettre à chacun d’épanouir sa personnalité et d’accéder à la plénitude de son humanité[1]. L’amour du Christ nous presse d’ouvrir les jeunes à la joie de connaître la Parole qui sauve. L’amour de Dieu nous invite à leur faire découvrir, à temps et à contretemps, le sens et la grandeur de l’homme, dans son être mystérieux et dans sa vie, que seul le Christ révèle totalement.

3. Vous me confiez que les rassemblements locaux, nationaux et internationaux, les pèlerinages, et en particulier le Fraternel qui est devenu dans votre Région apostolique une tradition, attirent bon nombre de jeunes. Cela manifeste leur soif d’absolu, leur foi secrète qui ne demande qu’à se purifier et à s’épanouir, ainsi que leur désir de vivre un temps communautaire qui les sorte de l’isolement. La convivialité à laquelle ils aspirent est une requête légitime. Elle est un moyen pour parfaire leur exercice de la responsabilité et de la liberté. C’est aussi un premier pas dans la volonté de suivre le Christ, et il faut savoir l’accompagner avec patience et souci d’instruire. Je salue les efforts qui sont faits, avec, par exemple, le colloque du «Futuroscope» de Poitiers, pour que les jeunes des mouvements et des paroisses soient partenaires de la construction de l’Église, car ils veulent devenir les premiers évangélisateurs de leurs compagnons. Ils apprécient ces temps de rencontre où, en dépit des sensibilités spirituelles et pastorales, ils se retrouvent, avec des adultes, pour faire l’expérience d’une communauté chrétienne, dans le partage, la réflexion, la prière et la célébration eucharistique. Les mouvements éducatifs ou de spiritualité ont une pédagogie éprouvée au service de la croissance globale des jeunes qui peuvent y faire l’apprentissage de la vie collective, de la vie en Église, bienfaisantes pour la construction de la personnalité; les adolescents y apprennent à se dépasser; ils partagent leurs aspirations, leurs doutes et leur foi. Ces groupements sont aussi des pépinières de vocations sacerdotales, religieuses et laïques. Dans le respect des intuitions particulières de chaque mouvement, avec le discernement nécessaire qui vous revient, ils seront associés à la mission diocésaine. Je me réjouis, avec l’Église de France, de l’audace des jeunes dans leur vie spirituelle. Portez-leur la salutation cordiale du Pape.

4. Vous notez que de nombreux parents, après avoir délaissé la vie chrétienne, sont poussés, grâce aux interrogations de leurs jeunes enfants, à reprendre la question de Dieu. En effet, dès son plus jeune âge, l’enfant est capable de Dieu, capable d’atteindre au plus profond du mystère divin. Ceux qui sont chargés d’accompagner les familles doivent s’attacher à éduquer le désir spirituel qui habite le coeur du tout-petit, et qui peut se réaliser dans une vie de prière familiale authentique. Ainsi, les plus jeunes participent à l’évangélisation de tous les membres de la famille.

La famille est le creuset de la vie humaine et spirituelle, personnelle et sociale. Il lui revient, en particulier, d’éveiller et de former la conscience des enfants. Face aux difficultés des jeunes, les parents sont souvent désemparés et peuvent avoir la tentation de démissionner de leur responsabilité. Que, dans vos diocèses, on s’attache toujours à donner aux familles les moyens de remplir leur mission de première communauté éducative ainsi que leur ministère d’évangélisation et du don de la foi.

5. La découverte de Dieu se poursuit pendant l’enfance. Des prêtres, des religieux et des laïcs se dépensent sans compter pour que, dans le cadre scolaire ou dans les paroisses, la formation catéchétique soit dispensée au mieux. J’adresse un salut spécial à ceux qui se dévouent pour enseigner la miséricorde infinie de Dieu aux enfants handicapés. Dans le catéchisme en général, vous vous attachez à renouveler les parcours de formation afin que, en conformité avec la tradition vivante de l’Église, on puisse présenter l’intégralité du mystère chrétien. Dans les aménagements d’horaires de la semaine scolaire auxquels on procède pour donner aux écoliers un meilleur équilibre de vie, vous estimez, à juste titre, qu’un espace suffisant, correctement situé dans l’emploi du temps, doit être réservé pour satisfaire le droit des enfants à bénéficier d’une éducation religieuse, comme le prévoit d’ailleurs la législation. Il y va de l’exercice effectif de la liberté de religion. Je sais que l’Épiscopat de France n’a pas manqué d’alerter les pouvoirs publics sur ce problème et je ne peux qu’encourager la poursuite du dialogue. Je voudrais dire ici mon estime à tous ceux et celles qui donnent le meilleur d’eux-mêmes à cette belle tâche de la transmission de la foi, même s’ils n’en voient pas immédiatement les fruits. L’Église ne peut grandir si l’effort de l’enseignement de la foi n’est pas constant et soutenu par toute la communauté.

6. Après une période d’indifférence, vous signalez l’intérêt d’un nombre croissant d’adolescents pour la vie en aumônerie scolaire et universitaire, tout en reconnaissant que les résultats ne sont pas encore à la hauteur des efforts entrepris. Que tous ceux qui les accompagnent gardent confiance, car la présence de communautés chrétiennes, si petites soient-elles, est essentielle, Dans un monde qui se sécularise de plus en plus, les aumôneries manifestent le visage du Christ, par leur présence, par les célébrations et l’approfondissement de la foi chrétienne, et par le partage fraternel entre jeunes et adultes. Elles sont des lieux privilégiés pour que des jeunes, dont les connaissances intellectuelles sont de plus en plus poussées, puissent acquérir une intelligence de la foi qui leur permettra de conduire un dialogue fructueux entre la Révélation chrétienne et les sciences.

Ainsi pourra naître une génération de croyants qui seront davantage armés pour résister aux tentations du fidéisme et du scientisme, ou aux séductions illusoires des multiples sectes. L’éducation religieuse est salutaire, non seulement pour l’Église, mais encore pour la société qui ne peut s’édifier sans référence à des principes spirituels et à sa culture chrétiennes.

7. Dans l’éducation, je n’oublie pas l’immense travail réalisé, avec ténacité, par l’Enseignement catholique. La formation humaine et chrétienne qui y est dispensée dans vos diocèses relève de votre charge pastorale. Les partenaires de l’École libre ont conscience de cette communion avec les évêques, qui doit les aider à maintenir la spécificité éducative et religieuse de leurs établissements, tout en continuant leur tradition d’ouverture et d’accueil, dans un réel souci de participation au service public de l’enseignement. Leur mission comporte la transmission des valeurs chrétiennes et l’annonce de l’Évangile tant par la catéchèse que par la formation scolaire et universitaire. Chaque jeune pourra ainsi faire réussir et épanouir les richesses de son humanité. Je salue chaleureusement les Instituts religieux qui mettent au service de la communauté ecclésiale la grande tradition éducative liée au charisme de leurs fondateurs. Vous me dites leur inégalable contribution à la mission diocésaine. Mes encouragements vont aussi à ceux qui se consacrent aux enfants en difficultés scolaires et aux jeunes malades, handicapés, ou blessés de la vie. Par leur amour, ils révèlent la tendresse de Dieu. Ma pensée affectueuse rejoint les responsables des Écoles, les enseignants, les parents et tous les éducateurs qui coopèrent pour offrir aux jeunes une éducation globale de la personne humaine, à travers l’enseignement de la culture religieuse ou des matières littéraires, philosophiques, scientifiques et techniques.

8. Mais il convient de souligner que ces différentes communautés éducatives, à elles seules, ne donnent pas aux jeunes la possibilité d’une expérience complète de la foi et de l’Église. Les communautés paroissiales ont à porter le souci d’un accueil de qualité et doivent être le terreau d’une croissance spirituelle des jeunes, en les intégrant à part entière. Pour mûrir humainement et spirituellement, les jeunes ont besoin de vivre, de témoigner et de célébrer Jésus Christ, au milieu des adultes. S’ils ne trouvent pas ces témoins qui seront des grands frères chrétiens, comment pourront-ils eux-mêmes avoir le goût d’une pratique chrétienne régulière qui nourrisse une foi personnelle?

Avec l’extension de la période de l’adolescence, vous avez le souci d’une pédagogie progressive de la foi et des sacrements. Par une attention accrue à la formation chrétienne des jeunes, qui ne sont pas toujours dans un milieu chrétien et pour lesquels la catéchèse antérieure a souvent été pauvre ou inexistante, vous répondez à leurs aspirations. Vous leur ouvrez les trésors de l’insondable mystère de Dieu et vous les initiez à la vie chrétienne et à la prière. Je me réjouis de leur prise de conscience croissante du sens et de la nécessité des sacrements de baptême et de pénitence, par lesquels Dieu le Père fait de nous ses fils, nous éduque à la liberté et nous rend forts dans la lutte contre le péché. Vous soulignez les bénéfices des préparations sérieuses et des célébrations du sacrement de confirmation chez des jeunes qui, dans leur adolescence, s’engagent délibérément et personnellement à suivre le Christ. L’accompagnement spirituel, si nécessaire à la maturation et à l’unification de la personnalité, est une suite heureuse de cette démarche. Chaque diocèse a le devoir de proposer, pour une vie spirituelle personnelle et communautaire, des structures favorables qui permettent aux jeunes d’être des chrétiens à part entière et de mûrir une décision libre pour trouver leur place dans le monde et dans l’Église.

9. Chers Frères, en terminant cet entretien, je voudrais vous apporter mon soutien pour la sollicitude dont vous faites preuve dans votre ministère apostolique pour unifier et intensifier la pastorale des jeunes afin de leur annoncer le message du bonheur du Christ ressuscité. Transmettez aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux éducateurs, aux parents et aux jeunes, les encouragements et l’assurance de la prière du successeur de Pierre. Je vous confie à la tendresse de la Mère de Dieu et des saints de votre terre, qui sont pour nous des exemples vivants, et j’invoque sur vous et sur vos communautés diocésaines la Bénédiction de Dieu.

[1] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Centesimus Annus, CA 36.




Discours 1992 - Collège Sainte-Marie de Dixin, Conakry, Mardi 25 février 1992