Discours 1992 - Samedi, 9 mai 1992


AUX PARTICIPANTS À L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LES LAÏCS

Jeudi, 14 mai 1992




Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l’Épiscopat,
Chers amis,

1. Au terme de deux réunions complémentaires, je suis heureux d’accueillir ensemble les membres du Conseil pontifical pour les Laïcs et les représentants de quelque quatre-vingt-dix associations ou mouvements laïcs. Après l’Assemblée plénière du dicastère au Vatican, la semaine dernière, consacrée à l’approfondissement des aspects fondamentaux de la spiritualité des fidèles laïcs, le thème des Journées internationales d’étude de Rocca di Papa en a été un prolongement naturel, puisque vous avez réfléchi à votre expérience de la pratique missionnaire des associations de fidèles, en choisissant pour titre la belle et dense parole de Paul: «Annoncer aux païens l’insondable richesse du Christ»[1]. Se placer ainsi sous le patronage de l’Apôtre des Nations, c’est déjà un véritable engagement.

2. Je remercie M. le Cardinal Eduardo Pironio de m’avoir présenté à la fois les travaux du dicastère qu’il préside, assisté de Mgr Paul Cordes, et les échanges du colloque de Rocca di Papa. Ma gratitude va à tous les membres et collaborateurs du Conseil pontifical pour les Laïcs qui accomplissent, au nom du Saint-Siège, un service très utile d’accueil et d’écoute, de dialogue et de collaboration, d’orientation et de soutien à l’égard des fidèles laïcs, groupés pour prendre ensemble leur part de la mission de l’Église. Par leur vie et leur action commune, ils contribuent à présenter au monde le signe de l’union avec Dieu et de l’unité du genre humain qu’est l’Église, pour m’inspirer des termes mêmes du Concile Vatican II, au début de la constitution sur l’Église[2].

Vous qui êtes venus de tous les continents, je vois en vous une manifestation claire de l’attitude catholique qui sait réunir les personnes nombreuses et très diverses que sont les fidèles laïcs dans l’Église, et qui sait rester ouverte aux appels du monde. Vous témoignez de la richesse des dons que l’Esprit répand parmi les fidèles, des «charismes» qui sont à la source de toute véritable expérience associative. Il s’agit pour vous de servir l’unité dans la foi, à travers les multiples manières d’exprimer sa foi et de la vivre. Votre réunion manifeste aussi la liberté des personnes et la liberté d’association à l’intérieur d’un même mystère de communion, en cette «nouvelle époque d’association des fidèles laïcs» que soulignait l’exhortation post-synodale Christifideles Laici[3]. Votre action suscite, chez les baptisés, de nombreuses formes de participation responsable à l’édification de l’Église, afin que se renforce en eux l’élan missionnaire qui répond à la «grâce qui nous a été confiée d’annoncer aux païens l’insondable richesse du Christ»[4].

Travaillant ensemble de plus en plus, dans le cadre de la rencontre qui s’achève comme dans vos diverses régions, vous faites un chemin fort utile qui vous conduit à mieux vous connaître, à accueillir avec reconnaissance les dons et les fruits portés dans d’autres expériences associatives. On se rend compte que bien des préjugés ou des oppositions ont été dépassés. Pour tous, il s’agit de s’unir pour vivre de manière plus transparente la communion, pour s’enrichir mutuellement et pour prendre plus activement chacun sa part dans l’unique mission de l’Église. Je vous sais gré d’avoir répondu positivement à l’invitation du Conseil pour les Laïcs, donnant ainsi une nouvelle preuve de votre fidélité au Successeur de Pierre, inséparable de votre fidélité confiante au ministère des évêques qui, en communion avec le Pape, président les Églises particulières dans le monde entier.

3. Votre rassemblement de nombreux mouvements laïcs n’a évidemment pas pour objectif de présenter une force que nous croirions imposante. Ce serait vouloir se rassurer d’une manière malheureuse, en se trompant sur la véritable force qui nous anime. L’Apôtre qui inspire vos réflexions ne s’est-il pas écrié: «Je sais en qui j’ai mis ma foi»[5]? Il importe avant tout de se rappeler qu’«il n’y a qu’un seul Seigneur, Jésus Christ»[6] et qu’«il n’y a pas d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés»[7]: tel est le motif premier de votre expérience associative, de votre témoignage communautaire et de l’évangélisation que vous êtes appelés à poursuivre. Nous n’adorons pas d’autres «dieux», nous ne suivons pas d’autres «seigneurs». La puissance paradoxale de l’Église – et donc de vos associations – réside dans le mystère de l’Incarnation, quand le Fils de Dieu se fait notre frère, pour sauver et transfigurer notre vie par la richesse insondable de son amour. La rencontre du Christ est si belle et si féconde qu’il faut la communiquer partout, à tout «prochain», en famille, dans son quartier, à l’école, au bureau, à l’usine, dans tous les milieux. Se mettre à la suite du Christ est une expérience si radicale pour ceux à qui elle a été donnée qu’il faut en transmettre la joie, dans l’espérance du salut ouvert à tous les hommes. Ce serait rendre un piètre service que de réduire les «richesses» du message chrétien à «une sagesse purement humaine, en quelque sorte une science pour bien vivre»[8], à des codes de comportement incapables de guérir le «coeur» de l’homme et de le mettre sur la voie de la plénitude de la vie.

4. Chers amis, alors que la foi n’est plus aujourd’hui un patrimoine commun, mais seulement une semence souvent oubliée, souvent menacée par les «dieux» et les «seigneurs» de ce monde, vos associations et vos mouvements ont beaucoup à faire pour prendre soin de cette semence et la faire croître, pour qu’elle puisse porter des fruits en abondance, en somme, pour «planter» l’Église en tout lieu humain. Cette mission résulte de la grâce baptismale, en vertu de laquelle aucun des Christifideles ne devrait rester inactif dans la vigne du Seigneur qu’est le monde. Cette mission est toujours à reprendre, allant de personne à personne, d’expérience en expérience. Elle peut s’exercer dans tous les milieux et dans tous les domaines de la vie sociale où vous avez été placés.

Dans la dynamique missionnaire animée par la grâce, vous êtes appelés et envoyés pour annoncer Jésus Christ dans de nombreux «aréopages» d’un monde qui s’éloigne de son Créateur et Sauveur. Suivez l’exemple des premiers témoins et des premiers disciples, après la Pentecôte; rendus forts par l’Esprit du Seigneur, ils surmontent les obstacles et franchissent les frontières!

La mission commence où l’on vit. Mais la mission ad gentes est plus que jamais demandée aux fidèles laïcs aussi, à leurs associations et à leurs mouvements. Que la grâce qui vous a été confiée vous convertisse en pèlerins, capables de quitter vos maisons et votre sécurité pour aller partager les insondables richesses du Christ là où le Seigneur vous appelle, là où l’Église a besoin de vous. Je pense à l’oeuvre missionnaire accomplie dans de nombreux pays où Jésus Christ reste un inconnu, où parfois la présence institutionnelle de l’Église est interdite et comporte de réels dangers. Je pense aux communautés chrétiennes qui entreprennent leur reconstruction, après le temps où l’on a tenté d’éteindre le sens religieux et de faire taire la Bonne Nouvelle. Je pense aussi à tant de lieux où les pauvres attendent une solidarité active pour obtenir la justice et la dignité humaine, grâce à la charité créative qui témoigne de la vérité et de la fécondité humaine du message de salut.

Sous toutes ses formes, l’engagement missionnaire ne peut être absent aujourd’hui de la participation des fidèles laïcs à la vie de l’Église, en raison même de leur confirmation. Il faut donc faire progresser la conscience que la mission concerne tous les chrétiens, les diocèses et les paroisses, les institutions et les associations ecclésiales. Plus que jamais, la foi doit être proposée à la libre adhésion de tout homme, en tout peuple et nation, parce que «les multitudes ont le droit de connaître la richesse du mystère du Christ, dans laquelle nous croyons que toute l’humanité peut trouver, avec une plénitude insoupçonnable, tout ce qu’elle cherche à tâtons au sujet de Dieu, de l’homme et de son destin, de la vie et de la mort, de la vérité»[9].

5. In your presence I wish to affirm once more the importance which I attach to World Youth Day by reason of its significance in creating among young people a sense of belonging to the Church, God’s pilgrim people, gathered from every nation, race and culture. The last World Meeting of Youth, held at Czêstochowa last August, was a wonderful and particularly fruitful ecclesial and missionary experience. I am confident that, with the combined efforts of the associations and movements which you represent, the next Meeting, to be held in Denver in the United States in August 1993, will likewise be a time of grace. I pray that it will enable many young people to gain a deeper awareness of their role and responsibility in extending the kingdom of our Lord and Saviour Jesus Christ in the world. The theme, "I came that they may have life, and have it abundantly"[10], points to the profound spiritual content of the reflection, discernment and commitment which the Meeting is intended to propose to the youth of the world. The Council for the Laity, in cooperation with the Church in the United States, will coordinate the great effort involved in preparing the successful celebration of this important event.

6. Antes de terminar este encuentro, deseo agradecer vivamente el trabajo llevado a cabo por el Pontificio Consejo sobre la espiritualidad de los laicos, objeto principal de la asamblea plenaria celebrada estos días. En efecto, el tema responde a una necesidad real: toda participación auténtica en la comunión y la misión eclesial requiere, por parte de los fieles, el encuentro con Cristo, la adhesión de la propia fe madurada en la vida espiritual, según la vocación de cada uno. Conviene, por tanto, que todos los bautizados tengan acceso a una experiencia espiritual que alimente su fe, dé sentido a su vida e inspire su acción. Los miembros de las asociaciones y movimientos que están en contacto con el Pontificio Consejo para los Laicos deben contribuir a esta reflexión común con la aportación del propio carisma. Ya desde ahora, os manifiesto mi gratitud por vuestras valiosas aportaciones, que serán de gran ayuda para todos.

En vous saluant tous cordialement, je reprends le souhait de saint Paul: «Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec vous»[11]!

De grand coeur, j’invoque sur vous et sur l’ensemble des fidèles que vous représentez la Bénédiction de Dieu.

[1] Ep 3,8.
[2] Cf. Lumen gentium, n. LG 1.
[3] N. CL 29.
[4] Ep 3,8.
[5] 2Tm 1,12.
[6] 1Co 8,6.
[7] Ac 4,12.
[8] Redemptoris missio, n. RMi 11.
[9] Pauli VI, Evangelii nuntiandi, n. EN 53; cf. Redemptoris missio, n. RMi 7.
[10] Jn 10,10.
[11] 1Th 5,28.



AUX ÉVÊQUES DU RWANDA EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Samedi, 16 mai 1992



Chers Frères dans l’Episcopat,

1. Je vous accueille avec joie en cette demeure où vous conduit la traditionnelle visite «ad limina». C’est la première fois que nous nous retrouvons tous depuis mon voyage pastoral au pays des mille collines en septembre 1990, qui m’avait permis d’apprécier la chaleureuse hospitalité de votre peuple et son attachement au Successeur de Pierre. Je suis heureux que cette nouvelle rencontre resserre encore les liens de communion entre Rome et l’Église qui est au Rwanda.

Je remercie vivement le Président de votre Conférence épiscopale, Monseigneur Thaddée Nsengiyumva, Évêque de Kabgayi, de l’adresse très aimable qu’il vient de prononcer en votre nom. J’offre mes voeux de fécond ministère pastoral au nouvel Évêque de Kibungo, Monseigneur Frédéric Rubwejanga, ainsi qu’au premier Évêque du diocèse de Gikongoro, récemment créé, Monseigneur Augustin Misago.

Je souhaite que votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres Pierre et Paul, à qui nous devons la première annonce de la foi, vous donne un élan nouveau au service du peuple confié à votre sollicitude pastorale.

2. Dans votre prière de pèlerins, j’imagine sans peine que c’est l’inestimable don de la paix que vous demandez instamment au Seigneur, en cette période dramatique de l’histoire du Rwanda.
En effet, hélas, à peine avais-je quitté votre sol, qu’en octobre 1990 la guerre éclatait, causant des pertes en vies humaines et apportant son triste cortège de destructions et de misère. Des populations entières ont dû fuir et chercher refuge dans des lieux moins menacés.

Au début de l’année dernière, des massacres se sont produits qui ont ajouté encore à la souffrance des familles et qui ont fait monter la tension entre les groupes sociaux. Tout récemment, des incursions nocturnes et des attentats ont encore coûté la vie à d’innocentes victimes. Et l’on redoute de nouveaux drames alors qu’on aimerait pourtant savoir révolu à tout jamais le règne de la violence.

Soyez assurés, chers Frères, que ma prière s’unit à la vôtre pour demander au Seigneur que votre pays, qui s’est mis sur la voie des réformes auxquelles aspirent les Rwandais, connaisse une paix durable, et que se développe, entre membres d’une même nation, un dialogue constructif et fructueux. À ce propos, c’est avec satisfaction que j’ai eu connaissance des accords auxquels on est parvenu dernièrement pour la formation du gouvernement, et je souhaite que le Rwanda continue à progresser sur la voie de la démocratie dans un climat d’unité nationale.

3. Comme je vous y exhortais dans mon message de Kigali, le 9 septembre 1990, poursuivez coûte que coûte votre difficile et patient labeur en vue de l’unité entre frères et soeurs rwandais! Pour cela, vous avez les ressources de l’Évangile. En effet, seule la foi chrétienne peut réussir à balayer les préjugés ethniques, à instaurer un climat de fraternité en purifiant le regard porté sur autrui. C’est pourquoi je vous redis: «Que chaque Rwandais comprenne que le prochain que Jésus demande d’aimer, ce n’est pas seulement l’homme du même groupe social, c’est tout homme rencontré sur la route»[1].

Je vous encourage de tout coeur à poursuivre plus que jamais votre oeuvre d’artisans de paix et de bons samaritains. Je sais que, dans l’assistance aux victimes de la guerre, aux réfugiés et aux personnes les plus démunies de la population, vous accomplissez de véritables miracles avec le concours des prêtres, des religieux, des religieuses et d’autres personnes de bonne volonté. Que Dieu bénisse ces élans de générosité et de compassion!

Assurément, votre première tâche est d’apporter la lumière et l’amour du Christ dans les esprits et dans les coeurs. Dans la période de réformes politiques où est engagé votre pays, c’est ce que vous faites, entre autres, par des messages destinés à former les consciences, comme celui du 21 novembre 1991 aux prêtres, religieux et religieuses.

En ce temps pascal, où nous ressentons plus vivement la présence active de l’Esprit Saint, don du Seigneur Ressuscité, je souhaite que vous vous renouveliez dans votre belle mission de porteurs d’espérance et de réconfort, à l’image de Celui que nous invoquons, le jour de la Pentecôte, comme le «Consolateur souverain». Que les fidèles, loin de se sentir abandonnés et livrés au désarroi, aient le sentiment d’être soutenus, encouragés et conduits par des guides éclairés et compatissants!

4. Dans cet apostolat prioritaire et dans la poursuite des autres activités de l’évangélisation, vous êtes entourés de vos collaborateurs privilégiés: les prêtres. Ils attendent de vous une affection compréhensive, un accueil attentionné, ainsi que des conseils et des encouragements pour leur ministère. La récente exhortation apostolique Pastores Dabo Vobis vous aidera dans cette tâche de grande importance et particulièrement délicate qu’est la formation des futurs prêtres, formation qui doit se prolonger la vie durant, pour favoriser la sanctification personnelle dans le ministère et une constante mise à jour de l’engagement pastoral[2].

La constatation que la majorité des Rwandais professent la religion catholique ne doit pas faire oublier l’urgence d’annoncer l’Évangile et d’approfondir la foi reçue. Ainsi que le faisait remarquer l’encyclique Redemptoris Missio, l’action missionnaire n’en est qu’à ses débuts et l’Église doit affronter les défis du monde d’aujourd’hui avec le même courage qui animait les missionnaires du passé et la même disponibilité à écouter la voix de l’Esprit[3].

En cette année du centenaire de la mort du Cardinal Lavigerie, dont les fils ont été les premiers à porter la Bonne Nouvelle dans votre pays, il convient de se souvenir des instructions qu’il donnait aux «Pères Blancs»: «Les missionnaires devront donc être surtout des initiateurs, mais l’oeuvre durable doit être accomplie par des Africains eux-mêmes, devenus chrétiens et apôtres» (Allocution à l'occasion du départ de vingt missionnaires pour l'Afrique équatoriale, Alger, 29 juin 1890). Chers frères, faites en sorte que les prêtres de vos diocèses, fortifiés par un renouvellement de leur vie de prière, mûs par un zèle apostolique revigoré et soutenus par une authentique atmosphère de fraternité sacerdotale dans le presbyterium, s’emploient à affermir durablement la foi dans les coeurs, pour la croissance de l’Église et pour le bien de votre nation.

5. Les religieux et les religieuses vous apportent également une aide de choix, non seulement par leur contribution à la pastorale mais par leur vie consacrée elle-même. Ils sont appelés dans l’Église à donner le témoignage visible de leur don total à Dieu et il incombe aux Évêques de les aider à réaliser cette option fondamentale. Comme l’a déclaré le Concile Vatican II, «les religieux, de leur côté, en vertu de leur état, attestent d’une manière éclatante et exceptionnelle que le monde ne peut se transfigurer et être offert à Dieu en dehors de l’esprit des Béatitudes»[4]. En promouvant la vie religieuse, suivant les charismes propres aux divers instituts, les Évêques accomplissent un véritable devoir pastoral.

6. Il est aussi un ministère auquel, de nouveau, je vous invite à prêter une attention spéciale, avec le concours de prêtres compétents: la pastorale de l’élite du pays. À tous les baptisés et, spécialement, à ceux qui occupent des postes de responsabilité pour la marche de la nation, offrez l’aide nécessaire afin que les valeurs évangéliques, auxquelles ils croient depuis leur entrée dans la communauté chrétienne, imprègnent leurs manières de penser et leurs modes d’agir. Ils ont désormais la possibilité de lire la Parole de Dieu dans leur propre langue: le premier exemplaire de la traduction de la Bible en kinyarwanda m’est parvenu l’an passé. Appréciant le labeur que représente une telle publication, je saisis l’occasion de cette rencontre pour féliciter l’équipe de prêtres et de laïcs, biblistes et linguistes, avec leur président, Monseigneur André Perraudin, Archevêque-Évêque émérite de Kabgayi, pour ce grand service offert aux chrétiens de langue, rwandaise.

Enfin, je souhaite que les fidèles laïcs se familiarisent de plus en plus avec l’enseignement social de l’Église afin que les membres de la société rwandaise façonnent pour eux-mêmes et pour leurs enfants un avenir digne et prospère. C’est d’autant plus nécessaire, en la présente étape de la vie de la nation, qu’il faut porter remède à la situation économique du pays, notamment face à l’insuffisance des terres et en raison des problèmes sociaux que doivent affronter les personnes ayant des responsabilités.

7. Dans une nation comme la vôtre, où la moitié de la population est composée de personnes de moins de 18 ans, la pastorale de la jeunesse mérite un soin particulier. À ceux et celles qui représentent le Rwanda de demain, et qui sont avides de connaître la vérité, ainsi que je l’ai constaté lors de ma rencontre au stade Amahoro, il convient de communiquer ce qui donne sens à la vie et de présenter avec enthousiasme le message du Christ, transmis par son Église. Sinon, ces jeunes, à qui nous devons témoigner notre affection et notre confiance, risquent de devenir la proie de la mentalité néo-païenne ambiante et ils seront tentés de voir dans le développement économique le seul but de l’existence.

Devant la fragilité du tissu familial, vous êtes amenés à mettre en oeuvre une pastorale appropriée pour aider ces mêmes jeunes à fonder un foyer suivant le projet de Dieu. De saines règles de conduite morale sont nécessaires pour édifier solidement une famille chrétienne: puisse votre voix se faire entendre clairement, en sorte que les jeunes apprennent à estimer le mariage et se préparent à faire face à leurs responsabilités d’époux et de parents! Rappelez-leur que la santé de la société s’enracine dans la famille, où l’être humain se pénètre des dispositions fondamentales qui déterminent son comportement d’adulte. En effet, c’est dans la famille que s’éveillent la foi et le sens civique.

8. Parmi les difficultés graves que connaît votre peuple, il en est une qui n’est pas sans lien, du reste, avec la dégradation de la vie morale: l’épidémie du Sida. Les malades doivent faire l’objet de toute notre sollicitude, sans discrimination, et se sentir enveloppés dans la charité des disciples du Christ. Avec toutes les ressources dont vous disposez, continuez à éclairer et à assister efficacement jeunes et adultes dans les écoles catholiques et les dispensaires. Encouragez-les à une manière de vivre digne et fidèle à l’Évangile, afin de ne compromettre ni leur propre vie, ni celle de leur prochain.

9. En terminant, je voudrais vous demander de transmettre mes salutations cordiales et mes encouragements aux prêtres de vos diocèses respectifs. Je forme les meilleurs voeux, accompagnés de ma prière, pour les candidats au sacerdoce.

Je salue également les religieux et les religieuses en les encourageant à faire progresser encore davantage la communion ecclésiale entre les diocèses par leur témoignage de personnes consacrées et leur présence dans l’oeuvre de l’évangélisation.

Enfin, à tous les fidèles, et en particulier à vos compatriotes dans l’épreuve, redites l’affection du Pape; assurez-les de sa prière pour que chacun ait de quoi vivre, que les familles restent réunies et que leur existence quotidienne se déroule dans la paix.

De grand coeur, je vous bénis ainsi que chacune de vos communautés diocésaines.


[1] No. 5.
[2] Cf. no. PDV 2.
[3] Cf. no. RMi 30.
[4] Lumen Gentium, no. LG 31.




AUX MEMBRES DE LA DÉLÉGATION DE LA RÉPUBLIQUE HÉLLENIQUE À L'OCCASION DES CÉLÉBRATIONS EN L'HONNEUR DES SAINTS CYRILLE ET MÉTHODE

Jeudi, 21 mai 1992



Madame,
Je suis heureux de recevoir au Vatican la délégation officielle du Gouvernement grec placée sous la conduite de Votre Excellence, venue à Rome pour représenter la Grèce aux célébrations en l’honneur des saints Cyrille et Méthode, qui se déroulent, comme de coutume, à la basilique paléochrétienne de Saint-Clément. Nous apprécions hautement cette participation qui donne toute sa force et tout son sens à l’hommage rendu à ces saints: nés en Grèce, à Salonique, ils ont annoncé la bonne nouvelle du Christ au-delà des frontières de leur patrie, en particulier aux peuples slaves. Dans l’Encyclique «Slavorum Apostoli», j’ai voulu souligner leur contribution «à la cause de la réconciliation, de la convivialité amicale, du développement humain et du respect de la dignité intrinsèque de chaque nation»[1]. C’est donc à juste titre qu’ils sont les co-patrons de l’Europe, de cette Europe qui doit s’inspirer de leur message pour raffermir son âme chrétienne et son identité spirituelle et même y trouver les racines de son unité.

La Grèce est sensible à ce message et elle le prouve par sa présence active au sein de la communauté européenne et des organismes de ce continent. Elle manifeste ainsi sa fidélité aux principes fondamentaux qui ont inspiré les conceptions philosophiques et culturelles dont la Grèce antique sut faire bénéficier les peuples, en jetant les fondements d’une convivialité pacifique et d’une collaboration mutuelle. Les vérités professées par tous les chrétiens doivent donner un contenu et une dimension plus spirituels à ces conceptions. Je souhaite que le témoignage de foi et le message des frères Cyrille et Méthode soient l’âme du développement humain et social de la Grèce et du continent tout entier.

Ils sont encore les saints Patrons et les inspirateurs des efforts oecuméniques de toutes les Églises du monde chrétien qui, dépassant des incompréhensions et des difficultés transitoires, contribuent à l’édification d’une Europe enracinée dans la justice et dans la solidarité. Les catholiques de Grèce peuvent être légitimement fiers d’être fidèles à ces idéaux et aux principes qui inspirent la vie civile de leur pays.

En vous remerciant de votre visite, Madame, je désire vous exprimer mes voeux fervents pour la prospérité et le bien spirituel et social du cher peuple de Grèce. J’invoque sur lui et sur ceux qui le gouvernent l’abondance des Bénédictions divines.

[1] Ioannis Pauli PP. II Slavorum Apostoli, 1.



AUX PARTICIPANTS À LA XXe ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU CENTRE CATHOLIQUE INTERNATIONAL POUR L’UNESCO

Jeudi, 21 mai 1992



Chers amis,

À l’occasion de votre XXème assemblée générale, et 45 ans après la fondation du Centre catholique international pour l’UNESCO, je suis heureux de vous accueillir à Rome. Je remercie votre Président, Monsieur André Aumônier, pour sa présentation de vos activités et de vos projets, qui montre le dynamisme de votre Centre et son désir d’étendre encore sa compétence et son action.

Votre présence à Rome pour des journées de réflexion me donne l’occasion de vous manifester une nouvelle fois la gratitude du Saint-Siège pour les nombreux services que vous lui rendez. En effet, nous savons pouvoir compter sur le Centre pour assister les délégations du Saint-Siège dans diverses rencontres internationales. De même, pour des projets concernant les grandes préoccupations de l’Église dans le monde actuel, votre collaboration est acquise à plusieurs Conseils pontificaux qui bénéficient de vos compétences, notamment pour organiser d’importants colloques ou pour prévoir la participation du Saint-Siège aux conférences traitant de problèmes de société qui nous tiennent à coeur. Je n’oublie pas non plus l’appui que votre Centre apporte aux Organisations internationales catholiques dans leur rôle auprès de l’UNESCO. De tout cela, soyez remerciés.

Comme l’atteste votre reconnaissance par un statut canonique, le Centre fait partie des instances qui permettent aux laïcs catholiques d’exercer leurs responsabilités afin de rendre l’Église présente dans les aréopages où sont débattues maintes questions importantes à l’heure actuelle.

Lorsque vous évoquez cet ensemble d’activités, il ressort clairement que, si l’on se préoccupe de la culture, on se trouve au carrefour de plusieurs éléments essentiels dans la société dont les chrétiens ne peuvent se désintéresser. Que l’on pense d’abord à l’éducation: l’accès au savoir demeure très inégalement assuré; depuis l’alphabétisation jusqu’aux formations supérieures et à la recherche scientifique, il est nécessaire de bien comprendre les besoins des peuples et de susciter les coopérations qui permettront à chaque personne de mettre en valeur ses talents, d’utiliser sagement les ressources de la terre, d’assurer la vie de sa famille par le travail, de contribuer à la prospérité de son pays, de vivre et de partager sa foi. Ce simple rappel montre bien l’interaction qui existe entre la culture et l’économie, si évidente lorsque l’on considère les inégalités de développement du Nord au Sud de la planète.

Vous travaillez aussi en vue de la prochaine Année de la Famille, décidée par les Nations Unies. Promouvoir la famille, et souvent la défendre, cela doit mobiliser les compétences et l’énergie de tous ceux qui peuvent agir pour améliorer ses conditions de vie. Il faut assurer la cohérence des études démographiques, sanitaires, sociologiques, sans jamais perdre de vue le droit de la famille à son épanouissement et la morale qui lui donne sa dignité proprement humaine. Les chrétiens ont particulièrement à coeur d’oeuvrer dans cet esprit.

Le service de la culture apporte aussi une contribution importante à la construction de la paix. Les nations ne parviendront à une paix solide que si les hommes et les femmes conservent le meilleur de leur propre patrimoine culturel tout en respectant celui de leurs frères et soeurs; les relations entre les peuples gagneront en dynamisme constructif si chacun d’eux développe ses plus nobles capacités, celles des individus et celles des communautés.

Chers amis, dans les limites de cette rencontre, je ne puis qu’évoquer ces diverses préoccupations. Cela permet au moins de souligner l’opportunité du travail d’information et de communication qui est la vocation de votre Centre. Pour ce que vous accomplissez, je vous dis une fois encore merci, et je vous charge d’exprimer aussi ma gratitude aux personnes qui soutiennent généreusement votre activité. Je souhaite que le Centre catholique international pour l’UNESCO continue son oeuvre, à la lumière de la Bonne nouvelle du Christ et de la Tradition de l’Église, pour en faire toujours mieux un service rendu fraternellement à l’homme.

De tout coeur, j’appelle sur vous, sur vos collaborateurs et vos proches, la Bénédiction de Dieu.



AUX PARTICIPANTS À LA RÉUNION DES REVUES DU GROUPE «COMMUNIO»

Vendredi, 29 mai 1992



Monsieur le Cardinal,
Chers amis,

Je remercie Monsieur le Cardinal Ratzinger de m’avoir présenté les revues «Communio» auxquelles il a largement contribué. C’est avec plaisir que je vous accueille, vous qui prenez part à la réunion internationale des rédactions. À l’occasion du vingtième anniversaire de la fondation de la revue, vous avez voulu tenir votre réunion annuelle à Rome. Vous soulignez ainsi votre attachement au successeur de Pierre et votre communion avec l’Église universelle.

L’idée du consortium des «Revues catholiques internationales» est née ici même à Rome. Et nous évoquons avec gratitude le souvenir de deux de ses initiateurs, théologiens éminents de la catholicité, le Cardinal Henri de Lubac et le Père Hans Urs von Balthasar.

Dans l’article publié en tête de chaque nouvelle édition qui s’agrège à «Communio», article qui constitue le projet que se fixe la revue, le Père von Balthasar avait formulé une charte dont les revues du groupe doivent s’inspirer pour promouvoir la communion ecclésiale. Pour faire oeuvre constructive, il rappelle que l’exigence absolue est celle de l’amour, amour pour le Christ et pour son Église, amour de l’autre avec lequel il faut se solidariser et entrer en dialogue, mais sans compromission car il n’existe pas de double vérité. Les fondateurs de la revue, à partir de leur rencontre intime avec le Seigneur, savaient harmoniser culture et foi, pour annoncer l’Évangile. Ils ont allié l’audace d’une pensée créative avec la plus filiale et la plus humble fidélité à l’Église et à sa vivante Tradition.

Les collaborateurs de vos revues vivent dans cet esprit de la communion dans la charité sur laquelle s’édifie l’Église, une et diversifiée, en un mot catholique. Ecclésiastiques, religieux, et laïcs, hommes et femmes, provenant de plus de quinze nations, vous êtes un signe de cette catholicité. Entre vous, vous expérimentez le dialogue pour travailler à une oeuvre commune. Dans la communion à la même foi et au même Seigneur, avec le désir ardent de faire pénétrer l’Évangile dans les cultures de notre temps, vous créez avec vos contemporains une confrontation exigeante par une démarche rationnelle qui favorise la découverte du mystère divin et accompagne l’adhésion de foi qui, seule, permet la rencontre personnelle avec le Maître de l’Histoire.

Que cet esprit de communion demeure votre souci principal! Plus encore, grâce à vos revues, soyez un ferment de communion et d’unité dans un monde, et parfois aussi dans des communautés chrétiennes, marquées par des tensions et des divisions! Comme l’écrivait le père von Balthasar, soyez des hommes et des femmes de cet «amour absolu qui englobe les adversaires. En lui, se trouvent réconciliés malgré tout ceux qui ne se comprennent pas, qui peut-être ne peuvent plus se souffrir». Le vrai prédicateur de l’Évangile est celui qui, par amour du Christ et de ses frères, est désireux de rendre compte rationnellement de la vérité chrétienne et, en même temps, a le souci de promouvoir l’unité et la compréhension mutuelle, plutôt que d’entretenir des polémiques, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Église. À cet amour, nous dit saint Jean, «tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples»[1].

C’est avec joie que j’ai appris que plusieurs éditions sont en préparation dans des pays d’Europe centrale et orientale, récemment libérés du communisme. Elles viendront s’ajouter à l’édition croate et à l’édition polonaise, déjà anciennes. Comme archevêque de Cracovie, j’avais eu l’occasion d’encourager et de promouvoir l’édition polonaise qui a contribué à l’intelligence de la foi dans un pays où la recherche intellectuelle de la vérité a longtemps rencontré bien des obstacles. À l’heure actuelle, il est important qu’un échange vigoureux s’instaure entre des chrétiens qui ont vécu l’expérience de la répression et de la persécution et ceux qui ont pu exprimer leur foi en toute liberté. Cela donnera un élan nouveau à la recherche théologique, ainsi qu’à l’expression et à l’annonce du mystère chrétien dans le monde contemporain. Saint Paul rappelait que l’échange de biens matériels et l’entraide sont une expression fondamentale de la charité et de la communion ecclésiales. Le partage des biens spirituels et intellectuels traduit également l’amour qui nous vient du Seigneur.

Au terme de cet entretien, je vous souhaite de poursuivre avec le même amour qui est dans le Christ Jésus, avec la même exigence spirituelle et avec la même rigueur intellectuelle que les Pères et les Docteurs de l’Église. Pour cette tâche qui vous attend, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction Apostolique.

[1] Jn 13,35.



Discours 1992 - Samedi, 9 mai 1992