Discours 1992 - III


AUX PARTICIPANTS À L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL «IUSTITIA ET PAX»

Jeudi, 12 novembre 1992



Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l’Épiscopat,
Chers amis,

1. L’Assemblée plénière du Conseil pontifical «Justice et Paix» me donne l’heureuse occasion de vous rencontrer, vous qui consacrez ces journées à étudier le thème: «La doctrine sociale de l’Église au service de la "nouvelle évangélisation"». Je remercie Monsieur le Cardinal pour sa présentation de vos travaux, et j’ai le plaisir de saluer les membres du Conseil, venus de toutes les parties du monde, ainsi que Monseigneur le Vice-Président et le personnel permanent du dicastère.

Votre présence ravive en ma mémoire les célébrations qui, l’année dernière, ont marqué le Centenaire de la publication de l’encyclique Rerum Novarum. Et je voudrais vous remercier pour vos contributions à la célébration de cette Année de la doctrine sociale, tant sur le plan international que dans vos pays respectifs. De nombreuses initiatives ont aidé à faire valoir la richesse inépuisable et les exigences toujours actuelles du premier document de l’enseignement social de l’Église à l’époque moderne.

2. L’année centenaire a provoqué un nouvel examen de la présence et de l’influence de cette doctrine dans les Églises particulières, et aussi de nouveaux engagements pour la diffuser plus largement et de manière plus approfondie dans les milieux les plus divers. Car l’enseignement social de l’Église doit être proclamé sur les toits: il s’agit du bien de chaque peuple et de la communauté internationale; il s’agit de rendre la société plus conforme à l’éternel dessein de Dieu créateur et aux appels exigeants de l’Évangile, à commencer par la justice et la charité qui sont des conditions essentielles pour que la paix puisse être instaurée partout dans le monde.

La mission de réflexion et d’animation de votre Conseil vous amène à rappeler aux chrétiens les responsabilités que la doctrine sociale souligne; et, pour que son application entre dans la vie quotidienne, cette doctrine doit avoir sa place dans la catéchèse, dans la prédication, dans l’éducation scolaire, dans les séminaires et les universités, dans la formation permanente des pasteurs et des laïcs.

3. En parcourant le programme de votre session, je suis heureux de constater que vous ne vous limitez pas à un bilan, au lendemain du centenaire de Rerum Novarum. Mais vous cherchez à bien situer la doctrine sociale dans la mission d’évangélisation, primordiale pour l’Église: est-elle considérée partout comme un «instrument d’évangélisation», ainsi que je le souhaitais dans l’encyclique du centenaire[1]? Est-elle comprise et acceptée dans les milieux culturels et pastoraux si diversifiés que l’on trouve dans l’Église?

Et si l’on est convaincu que cette doctrine est destinée, par sa nature même, à aider à la construction d’une société juste, sur le plan national comme sur le plan international, ne doit-on pas s’interroger sur ce que l’on fait pour qu’elle parvienne à ceux et celles dont dépend le sort de ces sociétés, au-dedans et en dehors de l’Église? Elle est l’un des instruments privilégiés que l’Esprit Saint a donnés à l’Église pour qu’elle puisse être adéquatement présente dans le monde et le servir efficacement. Tout en maintenant l’identité évangélique foncière de la doctrine sociale et sa cohérence, les chrétiens ont à en adapter l’application en fonction des divers milieux et de leurs évolutions dans le temps. Les besoins ne sont pas toujours les mêmes, ni, par conséquent, les manières d’y faire face.


4. Depuis 1989, comme je le disais dans Centesimus Annus[2], nous avons été confrontés à de nouveaux défis. Le «socialisme réel», ainsi qu’on l’appelait, étant dépassé et abandonné, et la vision de l’homme et du monde dont il s’inspirait étant de moins en moins crédible, va-t-on se tourner maintenant vers de nouvelles idolâtries? Si ce n’est plus l’idolâtrie de la classe et le prestige équivoque et ambigu de l’idéologie marxiste, vont-ils céder la place au culte du succès économique individuel et de la liberté sans normes ni limites? Ne risque-t-on pas de remplacer un asservissement par un autre?

Les grandes mutations dont nous avons été témoins lancent donc à la doctrine sociale de l’Église de nouveaux défis. Et, comme vous le savez bien, ces défis sont différents selon que l’on se situe dans les sociétés prospères du Nord, qui cachent pourtant bien des misères, ou dans le Sud, qui n’arrive pas à sortir des abîmes du sous-développement avec son cortège de pauvreté toujours croissante, ou encore dans l’Est et le Centre de l’Europe, et même ailleurs, dans les sociétés libérées des régimes marxistes, où l’on ne voit pas clairement la voie à suivre.

C’est bien dans ces situations diverses et préoccupantes que votre rôle de pasteurs et de laïcs particulièrement chargés de la diffusion de la doctrine sociale de l’Église doit s’exercer, pour en faire un «instrument d’évangélisation» susceptible d’aider à retrouver le chemin qui conduit au bonheur temporel, digne image du bonheur éternel auquel Dieu nous convie. C’est un vrai service que l’Église vous confie et qui exige de vous, comme de tous ceux qui travaillent dans le même sens, de persévérer dans l’étude et dans l’application de l’enseignement social traditionnel, de pratiquer un discernement vigilant pour l’adapter, sans en trahir le véritable sens ni la cohérence interne, aux cultures diverses comme aux situations nouvelles. Le Concile Vatican II n’a-t-il pas enseigné, dans sa Constitution pastorale Gaudium et Spes, qu’«une manière adaptée de proclamer la parole révélée doit demeurer la loi de toute évangélisation»[3].

Le Conseil pontifical «Justice et Paix» est là pour animer et accompagner cette tâche exaltante, que je n’hésite pas à appeler une mission.

Je tiens à remercier ici ses responsables, ses consulteurs, tous ses collaborateurs qui, par leur discret service quotidien, rendent possible l’accomplissement de cette mission au service du Saint-Siège, mais aussi au service de toute l’Église et, finalement, du monde dans lequel nous vivons et où nous avons tous notre part de responsabilité.

Pour vous soutenir dans vos travaux et dans vos engagements pour la doctrine sociale, j’invoque sur vous tous la Bénédiction du Seigneur.

[1] Centesimus Annus, n. CA 54.
[2] Cf. en particulier le chapitre III.
[3] N. GS 44.



AUX DIX NOUVEAUX AMBASSADEURS ACCRÉDITÉS PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Salle Clémentine, Samedi, 14 novembre 1992




Messieurs les Ambassadeurs,

C’est avec grand plaisir que j’accueille aujourd’hui Vos Excellences pour recevoir les Lettres qui Les accréditent auprès du Siège Apostolique comme Ambassadeurs de leurs nations et de leurs gouvernements respectifs.

Sans doute les circonstances ne m’ont-elles pas donné l’occasion de vous recevoir séparément pour m’entretenir avec chacun de vous des grandes questions qui préoccupent actuellement ses concitoyens. Néanmoins, notre rencontre me permet d’évoquer, même brièvement, la diversité des États et des cultures auxquels vous appartenez. De l’Italie jusqu’aux pays les plus géographiquement éloignés de la Ville Eternelle, vous venez de régions que ma pensée rejoint souvent, parfois dans le souvenir de voyages déjà accomplis. Deux d’entre vous, les Ambassadeurs de Bulgarie et de Slovénie, représentent des pays qui, grâce à l’évolution récente qu’a connue le continent européen, viennent de nouer des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Qu’ils sachent qu’en les accueillant aujourd’hui, c’est à leurs nations tout entières que j’adresse mes voeux chaleureux.

Vos pays d’origine ont à faire face à leurs difficultés propres, mais, entre autres problèmes, je pense plus particulièrement ici à la douloureuse question de la faim et de la malnutrition qui, sur le continent africain notamment, affectent des millions de personnes et les privent de la plus élémentaire dignité en les soumettant à des conditions de misère imméritée. Plus que jamais, il faut que, d’un continent à l’autre, les nations mettent en commun leurs ressources et leur savoir-faire pour apporter des remèdes durables à des fléaux dont notre société, riche de techniques nouvelles, a les moyens de se libérer.

Ici comme en d’autres domaines, les catholiques ont un rôle à jouer et je forme le voeu qu’ils prennent toute leur place dans l’édification de la cité terrestre. Je souhaite qu’ils se sentent toujours plus encouragés à agir dans l’intérêt de leurs concitoyens, afin de mettre en pratique le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain, coeur et centre du message évangélique. Les chrétiens ne demandent pas de privilèges dans leur vie quotidienne; ce qu’ils désirent, c’est de pouvoir professer et pratiquer librement leur religion. Ils sont par ailleurs tout disposés à oeuvrer au service du bien commun en accomplissant leurs devoirs civiques, dans le respect des lois de l’État et des convictions de tous leurs compatriotes.

Assurer à chacun les moyens de mener une vie décente, c’est travailler au service de la paix dont le monde ne cessera jamais d’avoir besoin. Or, le service de la paix, que saint Augustin définissait comme la «tranquillité de l’ordre», constitue l’une de vos principales préoccupations. Si l’Église proclame que la paix véritable vient du Christ, elle considère que tout ce qui contribue à la recherche de la paix doit être poursuivi avec ardeur, par tous les moyens légitimes et dans l’espérance de voir un jour prendre fin les conflits qui continuent à ensanglanter notre planète. Votre haute mission d’Ambassadeurs vous place au centre des démarches multiples qui visent à préserver ou à instaurer cette paix, dans l’intérêt de l’humanité tout entière et de chaque personne en particulier. Soyez assurés que vous trouverez chez mes collaborateurs la disponibilité requise pour vous apporter l’aide nécessaire à l’accomplissement de cette tâche exaltante et ardue.

Messieurs les Ambassadeurs, je vous livre ces quelques réflexions que m’inspire votre présence, heureux augure d’une collaboration fructueuse entre le Siège Apostolique et vos gouvernements. Laissez-moi vous redire le prix que j’attache à votre action. En vous souhaitant de vous sentir accueillis comme il convient dans cette Ville chargée d’histoire qui demeure aujourd’hui un carrefour de nations, je demande à Dieu de bénir vos personnes, vos familles, les autorités de vos pays et les peuples dont je salue en vous les dignes représentants.



À S. E. MONSIEUR ŠTEFAN FALEŽ, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE SLOVÉNIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi, 14 novembre 1992




Monsieur l’Ambassadeur,

C’est avec joie que je reçois des mains de Votre Excellence les Lettres qui L’accréditent auprès du Siège Apostolique en qualité de premier Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Slovénie. Cet acte constitue un jalon important pour les relations entre le Saint-Siège et la nation slovène, dont le peuple, depuis des siècles, aspirait à l’indépendance et à la liberté, afin de pouvoir mieux épanouir les richesses culturelles et spirituelles dont il était porteur.

Je suis sensible au message déférent des autorités civiles et aux sentiments d’affection de vos compatriotes à l’égard du Successeur de Pierre, dont vous vous êtes fait l’interprète. Je vous saurai gré d’exprimer mes remerciements à Son Excellence Monsieur Milan Kucan, Président de la Présidence de la République de Slovénie, ainsi qu’aux membres du Gouvernement de votre pays. Puissiez-vous porter aussi à tous vos concitoyens mon salut cordial et mes voeux fervents en ce tournant de l’histoire nationale!

Vous avez rappelé, Monsieur l’Ambassadeur, les racines chrétiennes qui sont la fierté des Slovènes. Les saints Cyrille et Méthode, ardents missionnaires et apôtres du centre de l’Europe, ont favorisé une culture authentiquement slave. Ils ont ainsi contribué à faire de toutes les nations de cette partie du continent des peuples frères. Vous avez vous-même évoqué, dans l’histoire de votre pays, l’influence des valeurs morales et spirituelles du christianisme qui a été un ferment d’espérance et un élément de la cohésion nationale, particulièrement dans les heures les plus sombres et les plus douloureuses de la vie et de l’histoire du peuple slovène. Entre le baptême des Princes de la Grande Carantanie au VIIIème siècle et la chute des régimes totalitaires, les générations successives ont su entretenir l’espérance jusqu’au jour de l’accession à la liberté. Avec l’évolution de la Fédération yougoslave et avec la chute du communisme dans les pays de l’Est, la Slovénie trouve son indépendance. L’identité du peuple se réalise peu à peu, alors même que s’affermit l’État démocratique qui veut faire du pays une terre où il fait bon vivre pour les hommes de ce temps et pour les générations futures. La culture commune fait concourir les aspirations personnelles et collectives à l’édification de la patrie. Elle permet d’unifier les différentes composantes de la population et de donner la conscience d’appartenir à une nation. Elle est aussi un appel aux citoyens à porter leur attention au-delà des frontières pour entretenir des relations et pour vivre des collaborations fructueuses avec d’autres communautés humaines. Les liens ne sont pas totalement rompus avec les frères de l’ancienne Fédération de Yougoslavie. On pense particulièrement aux réfugiés et à ceux qui sont dans des situations extrêmes de pauvreté et de précarité parce que cruellement touchés par la guerre. Avec le sens de la solidarité et de l’accueil qui caractérisent profondément l’âme slave, vous vous efforcez sans vous lasser, en commun avec d’autres Nations d’Europe et du monde, de subvenir aux besoins les plus immédiats des personnes déplacées ou expulsées.

Vous avez bien voulu faire allusion, Monsieur l’Ambassadeur, à la présence active du Saint-Siège dans la vie internationale; son souci est de permettre à chaque peuple de vivre en paix à l’intérieur de ses frontières; il travaille avec persévérance pour que la voix de tout homme soit entendue et que soient reconnues la dignité et la liberté fondamentales de tout être humain. S’inspirant du Christ et du message évangélique, l’Église catholique proclame l’indispensable liberté des personnes et des peuples. Elle souhaite aider les nations dans les efforts pour vaincre l’injustice et les inégalités de tous ordres, avec les armes de la paix, du dialogue fraternel et de la négociation, afin de trouver des consensus nécessaires à la construction d’un monde où tout homme, indépendamment de sa race et de sa religion, puisse trouver le bonheur auquel il aspire. Il m’est agréable de vous entendre déclarer que les initiatives du Siège Apostolique pour promouvoir la paix et la justice, pour résoudre les désaccords et pour intensifier les relations constructives entre les peuples ont trouvé un écho favorable auprès des autorités civiles de votre pays et de l’ensemble de vos concitoyens. En s’engageant sur cette voie, à la place qui lui revient, chaque citoyen du continent est un partenaire dans la vie politique, économique et sociale de son pays comme dans l’Europe renouvelée. Il pourra donner le meilleur de lui-même pour le bien de ses frères en humanité.

L’Église catholique exerce en terre slovène sa mission spécifique d’annoncer l’Évangile. Cette charge spirituelle nécessite une réorganisation de l’administration des diocèses que les Évêques s’efforcent de réaliser, avec les moyens matériels qui sont mis à leur disposition et grâce à la liberté que l’État reconnaît à l’Église. La communion entre les Pasteurs se manifeste au sein de la nouvelle Conférence épiscopale slovène. La vocation spécifique de l’Église s’exprime aussi à travers des oeuvres pastorales, caritatives et sociales dans lesquelles les communautés chrétiennes sont fortement engagées, comme les écoles, les instituts d’État, les hôpitaux, les prisons et l’armée. Je saisis cette occasion pour adresser, par votre entremise, mes chaleureuses salutations à tous les catholiques de votre pays. Par leurs initiatives, ils s’attachent à aider leurs frères et soeurs à approfondir le sens spirituel de leur existence; ils désirent contribuer à la construction d’une société toujours plus juste et plus solidaire, dans le respect des convictions et des pratiques religieuses de chacun. En mettant des lieux de culte à la disposition des communautés orthodoxes et protestantes, ils ont l’occasion de leur manifester leur solidarité, par un accueil fraternel. Avec tous les Slovènes, les Pasteurs de l’Église ont particulièrement le souci d’enseigner les valeurs humaines et spirituelles fondamentales aux jeunes qui sont la richesse de la nation et qui demain seront les acteurs de la société. Dans les différentes actions engagées, ils ont à coeur d’intensifier les liens avec les autorités par un dialogue permanent, en vue d’aboutir à des accords stables, afin que, dans le cadre des compétences de chacun, une collaboration fructueuse puisse se poursuivre pour le service de tous.

Au moment où commence votre mission de Représentant de la République de Slovénie auprès du Saint-Siège, je vous offre, Monsieur l’Ambassadeur, mes voeux les meilleurs. Par sa position stratégique aux confins de l’Europe de l’Ouest et des Balkans, votre pays a vocation pour relier des cultures longtemps éloignées à cause des événements. Pour leur part, les nouvelles relations diplomatiques font apparaître au grand jour des liens qui sont restés vivants et confiants à travers les vicissitudes de l’histoire. Dans vos fonctions, soyez assuré que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs, que vous connaissez bien grâce à votre longue familiarité avec la Curie romaine, le soutien attentif et la compréhension cordiale dont vous aurez besoin.

Sur Votre Excellence, sur le peuple slovène et sur ses dirigeants, j’invoque de grand coeur l’abondance des Bénédictions divines.




À S. E. MONSIEUR KIRIL KIRILOV MARITCHKOV, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE BULGARIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi, 14 novembre 1992


Monsieur l’Ambassadeur,

Je suis heureux d’accueillir Votre Excellence à l’occasion de la présentation des Lettres qui L’accréditent comme premier Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Bulgarie auprès du Siège Apostolique. Cette rencontre constitue un jalon important pour les relations entre le Saint-Siège et la noble nation bulgare.

Je suis sensible aux paroles chaleureuses que vous m’avez adressées. Je vous remercie en particulier pour le message d’estime que vous m’avez transmis de la part des autorités de votre pays. Je vous demanderai de leur adresser en retour mes salutations déférentes et les voeux que je forme pour ceux qui ont la haute charge de servir la nation et leurs compatriotes.

Vous avez vous-même évoqué les liens féconds qui ont rapprochés depuis plus d’un millénaire le Siège Apostolique et la Bulgarie, nation au riche passé culturel et religieux. Les saints Cyrille et Méthode, évangélisateurs de l’Europe centrale, sont particulièrement honorés par votre peuple et par ses dirigeants. Ils font partie de votre histoire et de votre tradition. Le pèlerinage annuel à l’église Saint-Clément de Rome, effectué par vos compatriotes, témoigne de l’attachement profond de tout un peuple à ceux qui ont permis que s’affermisse une culture authentiquement slave en annonçant l’Évangile de Jésus Christ dans la langue accessible à tous. Au long des siècles et dans les générations successives, cette culture d’Europe centrale a favorisé la prise de conscience d’appartenir à des populations ayant à réaliser leur unité nationale et capables d’apporter une part spécifique à la cohésion renouvelée dans le continent.

Vous avez rappelé, Monsieur l’Ambassadeur, des événements personnels liés à la présence de Monseigneur Angelo Roncalli dans votre pays. Vos souvenirs rendent manifestes l’affection du peuple bulgare envers la personne de mon vénéré Prédécesseur et la confiance qu’inspirait son oeuvre infatigable. On en trouve un signe dans le fait qu’aujourd’hui une rue de la capitale bulgare porte son nom. Votre témoignage fait apparaître aussi une des dimensions essentielles de la vie ecclésiale au sein des sociétés où l’Église exerce sa mission spirituelle, à savoir l’exercice de la charité et de la solidarité nationale. En effet, Monseigneur Roncalli, d’abord Visiteur Apostolique puis Délégué Apostolique à Sofia, a grandement favorisé les oeuvres caritatives en faveur des réfugiés et des plus pauvres. On se souvient en particulier qu’il a contribué à aider les victimes du tremblement de terre de 1928. Le futur Pape Jean XXIII, avant de terminer sa mission en Bulgarie, affirmait: «Je quitte votre pays comme un ami... J’emporte avec moi de merveilleux souvenirs de Bulgarie». La hiérarchie et le peuple catholique s’inscrivent dans cette tradition de fraternité et d’amitié. L’Église souhaite se doter de structures diocésaines adéquates en ayant les moyens matériels suffisants pour accomplir sa mission spirituelle d’annoncer l’Évangile, dans le respect fraternel et dans un esprit de collaboration avec la hiérarchie et les communautés orthodoxes.

Les catholiques de Bulgarie sont certes peu nombreux. Mais ils souhaitent participer activement à la vie sociale, grâce à la bienveillance que leur portent vos compatriotes et au bon accueil que leur ont réservé les autorités, et contribuer à promouvoir des relations toujours plus cordiales entre tous les habitants de la terre bulgare, quelles que soient leur origine sociale et ethnique ou leur confession religieuse, en vue d’affermir la conscience nationale qui s’est déjà largement manifestée dans la transition pacifique vers la démocratie. Avec leurs concitoyens, ils désirent promouvoir l’entente cordiale avec les nations voisines, pour que chaque peuple puisse jouir de la paix et de la liberté enfin retrouvées grâce aux changements politiques intervenus récemment dans les Balkans. Les nombreuses années de souffrance et d’épreuve vécues par beaucoup de vos compatriotes n’ont pas étouffé leur dynamisme. Ils possèdent les ressources de ténacité, d’espérance et d’audace nécessaires pour bâtir une société fraternelle. Des personnes d’autres cultures peuvent bénéficier de la proverbiale hospitalité slave et être intégrées dans la nation. Elles apportent leur aide et leur savoir-faire à la vie du pays. Il est important qu’elles soient toujours respectées et reconnues selon les principes qu’inspirent le sens de la justice et le partage équitable de la terre entre les hommes.

Ma pensée rejoint en ce jour tous vos concitoyens. J’exprime le voeu fervent que chaque nation du continent européen connaisse, dans ses frontières, l’unité et la paix auxquelles tous aspirent et participe ainsi à l’édification de la Communauté internationale. Pendant la longue période où le joug communiste a gravement pesé sur de nombreux peuples, vous le savez, l’Église n’a cessé de rappeler à temps et à contretemps le droit des personnes et des peuples de voir leur autonomie reconnue et de jouir de la liberté d’association, d’entreprise et de pratique religieuse. Le Saint-Siège a le souci de favoriser les relations entre les peuples et entre les dirigeants des nations, afin que s’instaure un dialogue constructif et afin que grandisse la confiance entre les États, éléments indispensables à la construction d’un monde fraternel, où chacun pourra avoir la place qui lui revient.

Au moment où commence votre mission de Représentant de la République de Bulgarie auprès du Saint-Siège, je vous offre, Monsieur l’Ambassadeur, mes voeux les meilleurs. Je souhaite que les découvertes de l’histoire romaine que vous pourrez faire vous permettent d’être comme un pont entre la culture latine et la culture slave, pour que se rapprochent et dialoguent intensément des frères du même continent. Pour leur part, les nouvelles relations diplomatiques traduisent des liens qui sont restés vivants à travers les vicissitudes de l’histoire. J’espère qu’ils s’affermiront et s’intensifieront dans la confiance mutuelle. Soyez assuré que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs le soutien attentif et la compréhension cordiale dont vous aurez besoin pour que votre activité soit fructueuse et vous apporte les satisfactions attendues.

Sur Votre Excellence, sur le peuple bulgare et sur ses dirigeants, j’invoque de grand coeur l’abondance des Bénédictions divines.



À S. E. MONSIEUR SAMUÈL LAHADY, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE MADAGASCAR PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi, 14 novembre 1992


Monsieur l’Ambassadeur,

C’est avec joie que j’accueille Votre Excellence au Vatican en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Madagascar près le Saint-Siège.

Je vous remercie vivement de m’avoir transmis les salutations de Son Excellence Monsieur Didier Ratsiraka, Président de la République de Madagascar, et, en retour, je vous prierai de bien vouloir lui exprimer, avec les voeux que je forme pour sa personne, mes vifs souhaits pour l’accomplissement de sa tâche en vue du bien de tout le peuple malgache. Je salue également les membres du gouvernement et j’invoque l’aide de Dieu sur tous les hauts responsables qui sont au service de la nation.

Dans votre allocution, vous avez bien voulu évoquer les efforts du Siège Apostolique en faveur de la paix, de la justice en Afrique et dans le monde: je vous sais gré de l’appréciation que vous m’avez manifestée en termes très aimables.

Votre présence en ces lieux, Monsieur l’Ambassadeur, témoigne d’une réelle estime pour les motivations d’ordre religieux et je vous en exprime ma satisfaction. En effet, si l’on veut maintenir et développer entre les peuples des relations justes et pacifiques, il importe, entre autres choses, de mettre à profit le dynamisme des valeurs spirituelles.

Vous me permettrez, Monsieur l’Ambassadeur, de saisir l’occasion de cette rencontre pour adresser, par votre intermédiaire, un salut cordial aux membres de l’Église catholique malgache, qui m’avaient réservé un accueil si chaleureux lors de ma visite pastorale de 1989. Des plus jeunes aux plus âgés, ils m’avaient manifesté la profondeur de leur foi et leur intention de vivre fraternellement, en travaillant pour le bien-être de tous leurs compatriotes. Je puis vous assurer que, sous la conduite de leurs Évêques, les fidèles de Madagascar sont désireux d’apporter leur concours à cette oeuvre de longue haleine qu’est l’édification d’une nation prospère où chaque citoyen puisse mener une vie conforme à sa dignité d’être humain. Stimulés par leur foi chrétienne et leur amour de la patrie, ils continueront, dans la mesure de leurs propres moyens, à se prodiguer, entre autres, dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’entraide sociale, en collaborant avec leurs concitoyens d’autres traditions religieuses. Dans leur propos d’être eux-mêmes artisans de l’édification de leur propre patrie, ils contribueront au maintien des valeurs sociales de la Grande Ile, qu’exprime bien le célèbre «fihavanana» qui cherche à étendre entre tous les membres de la société l’harmonie existant au sein de la famille! Sans doute, de nouvelles solidarités sont à inventer aujourd’hui dans le monde scolaire et urbain, le monde du travail et de l’économie. Je souhaite que ces nouvelles solidarités s’enracinent profondément dans l’esprit des valeurs anciennes, si heureusement illustrées, entre autres, par Victoire Rasoamanarivo, que j’ai eu la joie de béatifier à Antananarivo.

Avant de conclure, j’exprime le voeu fervent que les populations de votre pays ne connaissent pas la hantise de la survie quotidienne mais puissent manger à leur faim, être en bonne santé, vivre de leur travail, jouir de la richesse de leur patrimoine ancestral et en faire bénéficier la famille des nations.

Alors que vous inaugurez votre mission, je vous offre mes voeux les meilleurs et je vous assure que vous trouverez toujours ici un accueil attentif et une compréhension cordiale auprès de mes collaborateurs.

Sur Votre Excellence, sur le peuple malgache et sur ses dirigeants, j’invoque de grand coeur l’abondance des Bénédictions divines.


AUX MEMBRES DU CONSEIL EXÉCUTIF DE L'ORGANISATION MONDIALE DU TOURISME

Jeudi, 26 novembre 1992



Madame le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames, Messieurs,

1. Je suis heureux d’accueillir aujourd’hui le Conseil exécutif de l’Organisation Mondiale du Tourisme après avoir été si aimablement reçu, voici dix ans, à son siège central de Madrid. Cette rencontre me donne l’occasion de redire l’estime que je porte à son travail. La présence d’un Observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’Organisation ainsi que les relations établies entre son Secrétariat général et le Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement en sont le signe et le gage.

2. Les documents publiés à l’issue de vos Assemblées générales de Manille et de Sofia, sans oublier les recommandations de la Déclaration de La Haye, manifestent à l’évidence votre attention croissante aux contributions que le tourisme peut apporter au développement de l’homme. Comme le demande le Code du tourisme, il faut, dans l’intérêt même des générations présentes et futures, veiller à la protection de l’environnement touristique, car, en raison de ses composantes humaines, naturelles, sociales et culturelles, il fait partie de l’héritage de tous les habitants d’un pays. S’il est vrai que le tourisme, par son importance économique croissante, peut représenter un élément moteur dans la croissance des peuples, «un vrai développement, selon les exigences propres de l’être humain... implique... une vive conscience de la valeur des droits de tous et de chacun, et aussi de la nécessité de respecter le droit de chacun à la pleine utilisation des avantages offerts par la science et la technique»[1]. Cela importe particulièrement dans le cas des pays en voie de développement, nouvelles destinations de vacances.

3. Le tourisme, qui connaît de nos jours une grande expansion, ne saurait perdre de vue son but essentiel: l’homme, l’homme plus ouvert au monde, plus capable de rencontrer les autres traditions de sagesse ou de pensée religieuse. Parlant de la place centrale de l’homme dans l’activité économique, j’écrivais dans l’encyclique «Centesimus Annus»: «Il ne s’agit pas seulement d’élever tous les peuples au niveau dont jouissent aujourd’hui les pays les plus riches, mais de construire, par un travail solidaire, une vie plus digne, de faire croître réellement la dignité et la créativité de chaque personne, sa capacité de répondre à sa vocation et donc à l’appel de Dieu»[2]. La chance que représente le tourisme pour l’homme aujourd’hui est précisément de permettre, par une éducation bien menée, que «le voyage attentif et respectueux des uns et l’hospitalité ouverte des autres puissent transformer de simples visites en d’authentiques visitations»[3]. C’est donc à juste titre que vous avez inscrit la question de l’éducation à votre ordre du jour: éducation aux métiers du tourisme, mais aussi éducation au voyage.

4. Je dois ici faire écho aux paroles de certains Évêques d’Asie, émus par le fait dégradant du tourisme sexuel. Des jeunes, garçons et filles, sont attirés dans cette industrie qui les traite en purs objets. Avec vous, j’entends la voix de centaines de milliers d’enfants abusés et détruits dans leur dignité morale et physique: ils demandent que leur soit réellement assurée la protection affirmée par les accords internationaux et requise par la conscience humaine.

5. Avec vous aussi, je forme des voeux pour que le tourisme, justement maîtrisé, puisse servir au développement harmonieux des nations et à la découverte des dons que le Créateur et Père de tous a semés à profusion dans l’univers et dans le coeur des hommes de toute race, de toute langue et de toute culture. Ce sont là des chemins de paix.

Que le Dieu de la concorde et de la paix vous bénisse et vous garde! Qu’il vous assiste dans vos travaux et vous accompagne chaque jour!

[1] Ioannis Pauli PP. II Sollicitudo Rei Socialis, SRS 33.
[2] Eiusdem Centesimus Annus, CA 29.
[3] Eiusdem Allocutio ad IVum Conventum de pastorale excursionismi, 3, die 17 nov. 1990: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XIII, 2 (1990) 1206.



Discours 1992 - III