Discours 1993 - 29 janvier 1993


VOYAGE APOSTOLIQUE AU BÉNIN, UGANDA ET KHARTOUM


CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport international de Cotonou, Mercredi 3 février 1993



Monsieur le Président,

1. C’est avec beaucoup de joie que j’inaugure mon dixième voyage pastoral en Afrique par une nouvelle visite au Bénin, qui ne sera pas, comme en 1982, une brève escale. Ma joie est partagée par mes proches collaborateurs ici présents, le Cardinal Angelo Sodano, le Cardinal Joseph Tomko et, particulièrement, le Cardinal Bernardin Gantin, fils de ce pays, que je suis heureux d’avoir aujourd’hui à mes côtés.

Je salue respectueusement Votre Excellence et je La remercie vivement des paroles de bienvenue qu’Elle vient de m’adresser et auxquelles j’ai été très sensible.

Je salue également avec déférence les hautes personnalités ici présentes, les Parlementaires, les membres du Gouvernement et des grands Corps de l’Etat, ainsi que les membres du Corps Diplomatique, qui ont eu l’obligeance de venir à ma rencontre: aux uns et aux autres, je sais gré de cette marque de courtoisie.

À travers votre personne, Monsieur le Président, c’est tout le Peuple béninois, sans distinction d’ethnie ni de religion, que je tiens à saluer de grand coeur dès mon arrivée dans ce pays qu’une situation géographique particulière a toujours rendu ouvert et accueillant.

2. Mes salutations cordiales vont maintenant à mes Frères dans l’épiscopat: à Monseigneur Lucien Monsi-Agboka, Evêque d’Abomey et Président de la Conférence épiscopale du Bénin, ainsi qu’à tous les autres Evêques qui l’entourent. En vos personnes, chers Frères, c’est la communauté catholique que je salue avec affection et avec des sentiments d’estime, car l’Eglise catholique au Bénin a déjà une longue et belle histoire.

3. En arrivant dans votre pays, je sais que j’entre en contact avec un peuple qui aspire à développer toutes ses ressources matérielles et humaines en vue de mener une vie toujours plus digne. Le Bénin a entrepris un vaste effort de renouvellement et stimule, pourrait-on dire, les autres membres de la famille des nations du continent africain. En particulier, je sais l’estime que vous portez à l’« Etat de droit » et les efforts entrepris pour vous doter d’institutions pleinement aptes à faire prévaloir l’arbitrage de la loi sur l’arbitraire des hommes. C’est ainsi qu’une authentique vie démocratique peut prendre son véritable essor.

En parlant jadis de votre pays, on aimait dire qu’il était le « quartier latin de l’Afrique »: en effet, la scolarisation y commença dès l’arrivée des missionnaires, et vous pouvez vous féliciter de posséder une élite précieuse capable de façonner l’avenir. Je souhaite que toutes les forces vives de la nation s’unissent afin que, dans une démocratie dûment instituée et bien gérée, vos compatriotes puissent épanouir leur personnalité et accomplir leur vocation à partager la vie divine.

4. Parmi les populations béninoises, je serai amené à rencontrer des personnes de diverses religions. C’est pourquoi je voudrais, dès maintenant, saluer cordialement tous les croyants de ce pays, en particulier ceux qui pratiquent les religions africaines traditionnelles et les membres des communautés musulmanes.

Je forme le voeu que ma visite contribue à resserrer les liens de fraternité entre tous, qu’elle encourage la tolérance et la convivialité, la paix et l’amour du prochain.

5. Quant à vous, Frères et Soeurs catholiques du Bénin, je suis très heureux de me retrouver au milieu de vous et c’est en messager de l’Evangile que je viens de Rome. Pour emprunter les paroles de l’Apôtre Paul, « j’ai un vif désir de vous voir, afin de vous communiquer quelque don spirituel, pour vous affermir... De là mon empressement à vous porter l’Evangile à vous aussi »[1].

Je viens vous inviter à renouveler votre foi, votre espérance et votre charité. Dans plusieurs continents, des initiatives sont prises pour assurer une évangélisation plus profonde et plus éclairée afin que le monde ait d’authentiques témoins de l’amour de Dieu et que se développent de vrais réseaux d’amour fraternel entre les hommes.

L’Afrique, elle aussi, est appelée à répondre aux appels de l’Esprit de Dieu: les importantes assises synodales qui se préparent mettront en lumière la mission d’évangélisation de l’Eglise sur votre terre, dans la perspective de l’an 2000.

C’est pourquoi, catholiques du Bénin, il faut que vous deveniez des messagers de plus en plus actifs de notre Seigneur Jésus-Christ et des témoins rayonnants de la charité qui est dans votre coeur, avec un constant respect pour l’identité religieuse des personnes avec qui vous vivez.

Enfin, je souhaite que, inspirés par la doctrine sociale de l’Eglise, vous apportiez, aux côtés de vos compatriotes, une contribution utile et généreuse à l’édification de la société béninoise.

6. Monsieur le Président, je vous renouvelle l’expression de ma gratitude pour vos souhaits de bienvenue et je vous remercie des dispositions que vous avez prises en vue de faciliter cette visite pastorale que j’accomplis avec beaucoup d’espérance. Je demande au Seigneur de bénir toutes les personnes qui portent d’importantes responsabilités au service de la nation et j’invoque l’abondance des bienfaits divins sur tout le Peuple béninois.


[1] Rm 1,11-15.



AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU BÉNIN

Archevêché de Cotonou (Bénin), Mercredi, 3 février 1993


Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Au terme de ma première journée sur le sol béninois, il m’est particulièrement agréable d’avoir cette rencontre fraternelle avec vous, pasteurs des communautés diocésaines du pays, et je remercie cordialement Monseigneur Lucien Monsi-Agboka, Evêque d’Abomey et Président de la Conférence épiscopale, de ce qu’il m’a aimablement exprimé en votre nom à tous.

«La nouvelle évangélisation» tel est le thème général que vous avez choisi pour la visite du pape au Bénin. C’est donc sur ce sujet d’actualité que porteront mes propos, qui s’inscrivent dans la ligne de l’encyclique Redemptoris Missio: « De même que le Seigneur ressuscité confia le précepte de la mission universelle au collège apostolique, avec Pierre à sa tête, de même cette responsabilité incombe avant tout au collège des évêques »[1].

2. Sur la fonction des évêques, en tant que collège comme en tant que pasteurs conduisant personnellement les différents diocèses, le Concile Vatican II s’exprime ainsi: « Parmi les charges principales des évêques, la prédication de l’Evangile est la première »[2]. Aujourd’hui plus que jamais, le monde a besoin de la proclamation de la Bonne Nouvelle. Elle veut porter l’Evangile non seulement dans les aires géographiques où il n’est pas encore parvenu mais aussi et surtout dans tous les milieux de la famille humaine, qu’il est destiné à vivifier du dedans. Le but de l’évangélisation est donc bien, avec l’accueil de la foi, le changement intérieur, la conversion de la conscience personnelle et collective des hommes.

3. Après les initiatives des premiers missionnaires et de leurs successeurs, l’Eglise au Bénin a grandi avec l’aide des Béninois eux-mêmes. Elle a désormais ses prêtres, ses évêques ainsi qu’un Cardinal, à qui a été confiée à Rome la responsabilité d’un dicastère de grande importance et dont j’apprécie la collaboration.

Les vocations sacerdotales qui mûrissent sont un témoignage de la vitalité des communautés chrétiennes. Le grand séminaire Saint-Gall, dont l’Eglise au Bénin peut être fière, a fourni à plusieurs diocèses de l’Afrique de l’Ouest des générations de prêtres à la vie spirituelle profonde et animés d’un grand zèle missionnaire. Laissez-moi, au nom de l’Eglise, vous exprimer ma gratitude pour le travail accompli à Ouidah, dans ce centre de préparation à la vie sacerdotale. Je souhaite que, grâce à une collaboration toujours plus fructueuse entre les évêques et le corps professoral, une formation de qualité soit donnée aux séminaristes et que l’on continue à faire preuve de prudence pour l’appel aux Ordres: certes, l’Eglise souhaite avoir des prêtres en grand nombre, mais non pas à n’importe quel prix, car seuls des prêtres selon le coeur du Christ peuvent répondre aux immenses besoins de la moisson.

Au Bénin, comme en d’autres pays africains, les laïcs engagés et les valeureux catéchistes sont aux côtés des pasteurs pour donner aux communautés chrétiennes des assises toujours plus solides. Continuez, chers Frères, à faire prendre plus vivement conscience aux fidèles laïcs de leur place et de leur mission dans l’Eglise; développez en eux le sens de la co-responsabilité dans l’oeuvre jamais achevée de l’évangélisation.

4. Au cours des années difficiles qu’a connues votre pays, vous n’avez pas manqué d’apporter la lumière de l’Evangile à votre peuple. En 1989, vous l’avez invité à la conversion dans un document qui, au dire de beaucoup, a profondément marqué la vie nationale; vous l’avez encouragé à participer au redressement du pays; et, il y a un an, vous l’avez aidé à réfléchir sur les exigences de la démocratie.

Je souhaite que vous continuiez patiemment et inlassablement votre oeuvre de bons samaritains; en effet, la longue période d’un régime heureusement disparu aujourd’hui a fortement éprouvé vos compatriotes et affaibli leur capacité de réaction: l’homme blessé doit retrouver toutes les ressources de son humanité. Les Béninois ont besoin de votre présence compréhensive et de votre sollicitude pastorale. Aidez-les à se reprendre en mains et à rassembler leurs énergies, pour le bien commun!

5. Je suis heureux du grand service que la hiérarchie de ce pays, en la personne de Monseigneur Isidore de Souza, a rendu à la nation à une heure importante et je vous en félicite. D’une manière générale, je forme le voeu que celui qui a cru devoir accepter exceptionnellement, par esprit évangélique, une mission temporaire d’ordre politique revienne sans tarder à sa mission propre, la charge d’âmes, pour laquelle il a reçu l’ordination.

En effet, dans ce domaine, il convient que le relais soit passé aux fidèles laïcs dès que possible, selon ce que déclare le Catéchisme de l’Eglise catholique: « Il n’appartient pas aux pasteurs de l’Eglise d’intervenir directement dans la construction politique et dans l’organisation de la vie sociale. Cette tâche fait partie de la vocation des fidèles laïcs, agissant de leur propre initiative avec leurs concitoyens »[3]. Puissent les catholiques au Bénin se pénétrer de la doctrine sociale de l’Eglise pour être vraiment lumière, sel et levain, et être en mesure d’animer avec un zèle chrétien toutes les réalités temporelles!

6. L’évangélisation, qui est au coeur du ministère épiscopal, passe par l’inculturation de la foi. C’est un thème qui vous est cher et qui fait l’objet de vos réflexions, ne serait-ce que dans la perspective de l’Assemblée spéciale du Synode des évêques pour l’Afrique.

Le message évangélique joue un rôle prophétique et critique. Il veut régénérer, passer au crible ce qui serait ambigu ou terni, tant dans les coutumes ancestrales que dans les pratiques récemment importées de l’étranger. Ainsi pourra être assumé tout ce qui est bon, noble et vrai, afin que le mystère chrétien soit exprimé selon le génie africain. Cette entreprise d’inculturation demande beaucoup de temps, de lucidité théologique, de discernement spirituel. Il a fallu du temps à l’Europe, la première hors du Moyen-Orient à bénéficier de l’annonce de la Bonne Nouvelle par les Apôtres, pour que l’Evangile y fasse éclore une culture chrétienne. Il faudra du temps à l’Afrique pour faire de même.

Le Concile Vatican II a donné un triple critère de discernement pour l’assomption des valeurs culturelles des peuples, à savoir: leur aptitude à contribuer à la gloire du Dieu Créateur; leur aptitude à mettre en lumière la grâce du Sauveur; et enfin leur aptitude à dûment ordonner la vie chrétienne[4].

Fondée sur la tradition apostolique et ecclésiastique, l’inculturation apparaît comme le grand défi de l’Eglise catholique en Afrique, à la veille du troisième millénaire. A partir de la sève chrétienne, il s’agit de produire des fruits authentiquement africains, en union avec les autres Eglises particulières du continent et avec l’Eglise universelle. Pour vous, pasteurs au Bénin, il s’agit de voir comment un Béninois peut être chrétien dans tout son être.

7. Il est un autre aspect de la vocation épiscopale qu’il convient de méditer: les évêques sont, dans leurs diocèses et en dehors, des artisans de l’unité catholique. Ils font leur, à un titre particulier, la prière suprême de Jésus pour les siens: « Père saint, garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m’as donné en partage, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes »[5].

Au moment de la consécration épiscopale, chacun de nous a reçu, par l’imposition des mains, l’Esprit qui nous confère la plénitude du sacerdoce et fait de nous les pasteurs du peuple saint. Et le Seigneur m’a donné, au milieu de vous, la charge de vous affermir dans cette mission, afin qu’ensemble nous assurions l’unité de l’Eglise, sa fidélité et sa croissance: cette fonction personnelle de Successeur de Pierre, j’ai la joie de la remplir par cette visite pastorale au Bénin et, une fois encore, je vous remercie de m’en donner l’occasion.

«Soyez les bergers du troupeau de Dieu qui vous est confié»[6]. Le berger a la charge de rassembler et de guider: c’est ce que fait l’évêque. Il le fait quand il préside l’Eucharistie, sacrement qui édifie l’Eglise. Il le fait quand il envoie les baptisés dans le monde pour être témoins de l’Evangile.

Je sais qu’il existe un climat d’unité et de collaboration fraternelle entre vous, et j’en remercie Dieu. A cet égard, je voudrais rendre hommage au prédécesseur de Monseigneur Lucien Monsi-Agboka dans la charge de Président de la Conférence épiscopale; Monseigneur Christophe Adimou, Archevêque émérite de Cotonou, dont la sagesse, la sérénité, le sens pastoral et la clairvoyance à des heures difficiles sont pour beaucoup dans la bonne entente qui règne entre vous aujourd’hui.

8. Chers Frères, partagez avec vos communautés diocésaines ce trésor d’unité et cette cohésion, « afin que le monde croie »[7]. De la sorte, vous pourrez mieux faire face à l’assaut des sectes, qui se sont multipliées et qui donnent une idée déformée du christianisme.

Continuez également à témoigner de votre unité en vous entraidant: les diocèses du Nord ont besoin des diocèses du Sud. Dans certaines régions, le Bénin est encore au stade de la pré-évangélisation et vous ressentez le manque d’agents pastoraux. Je sais que des prêtres du Sud se dévouent au Nord: je vous félicite de ces initiatives généreuses et désintéressées. En outre, comme certains d’entre vous en ont fait l’expérience, le travail pastoral gagne en intensité et porte davantage de fruit lorsqu’on ouvre résolument à l’universel la portion d’Eglise dont on a reçu la responsabilité.

9. Dans votre mission, vous avez la joie d’être assistés par des religieux et des religieuses, actifs et contemplatifs. Leurs vies de personnes consacrées les disposent à être également, dans votre sillage, des artisans d’unité, luttant pour briser les barrières entre les hommes.

Je souhaite qu’au Bénin, comme ailleurs en Afrique, se développent entre les personnes consacrées et les pasteurs une intelligence cordiale et une estime réciproque. A cette fin, il serait utile de présenter aux séminaristes une information sérieuse sur l’état religieux. Je souhaite également que les structures de concertation déjà existantes entre évêques et supérieurs religieux soient redynamisées pour une compréhension toujours plus grande et une collaboration plus active dans la pastorale d’ensemble.

Ayez à coeur de considérer comme faisant partie de votre charge pastorale une promotion éclairée de la vie religieuse: son implantation est à la fois un signe que l’évangélisation s’enracine dans l’Eglise particulière et un gage d’approfondissement de la foi pour les membres de la communauté diocésaine.

En pratique, plutôt que de multiplier les fondations, contribuez à l’affermissement de celles qui existent déjà. Aidez les personnes consacrées à demeurer fidèles au charisme de leur fondateur et à leurs voeux, afin qu’elles donnent l’exemple du don total au Seigneur. Les jeunes générations ont besoin d’avoir sous les yeux, pour façonner leur propre vie, des modèles d’engagement définitif, comme réponse au Dieu d’amour qui a contracté avec les hommes une alliance nouvelle et éternelle.

10. Attentive à un évident « signe des temps », l’Eglise considère que le dialogue s’intègre naturellement dans son programme d’action. « Le dialogue interreligieux fait partie de la mission évangélisatrice de l’Eglise. Entendu comme méthode et comme moyen en vue d’une connaissance et d’un enrichissement réciproques, il ne s’oppose pas à la mission ad gentes, au contraire il lui est spécialement lié et il en est une expression »[8].

Dans la conviction que la charité du Christ peut surmonter tous les obstacles[9], continuez à développer avec les croyants d’autres religions une atmosphère susceptible de préserver pour tous les conditions d’une adhésion à la foi donnée en pleine liberté. Encouragez la connaissance et le respect mutuels, dans une recherche commune de l’épanouissement de la personne humaine, qui ne peut être atteint sans une détermination à éviter toute violence psychologique, morale ou physique.

Sur ce point, qui vous concerne à un titre particulier au Bénin, permettez-moi de vous inviter à méditer ce qui a été dit lors de ma rencontre du 19 août 1985 avec la jeunesse musulmane à Casablanca, ainsi que le document « Dialogue et annonce » publié en mai 1991 par le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux et la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples.

11. À l’exemple du Sauveur, rempli de miséricorde et de compassion pour ses frères, ayez pour tous, et plus spécialement pour les jeunes, une parole d’espérance. Votre peuple, vous le reconnaissez, a besoin d’être libéré de peurs anciennes: peur des ancêtres auxquels on aurait été infidèle, peur des sorciers, peur des gris-gris; il a besoin de s’entendre dire qu’il est aimé de Dieu, qu’il est libéré par le Christ des maux qui affligent l’humanité et qu’il a des talents particuliers à développer, au profit de l’Afrique et du reste du monde.

«La vertu d’espérance répond à l’aspiration au bonheur placée par Dieu dans le coeur de tout homme; elle assume les espoirs qui inspirent les activités des hommes; elle les purifie pour les ordonner au Royaume des cieux: elle protège du découragement; elle soutient en tout délaissement: elle dilate le coeur dans l’attente de la béatitude éternelle. L’élan de l’espérance préserve de l’égoïsme et conduit au bonheur de la charité»[10].

Redonnez espoir à votre peuple et ravivez sa foi en l’avenir. Comme vous l’écrivez dans votre lettre pastorale de février 1992, consolidez ce qui a été « semé dans la peine, les larmes, avec le soutien de Dieu ». Votre pays compte en grand nombre des femmes et des hommes courageux, dévoués au bien commun, vivant de foi, « qui travaillent comme si tout dépendait d’eux et qui prient comme si tout dépendait de Dieu ». De grand coeur, je leur renouvelle ma Bénédiction Apostolique; et vous-mêmes, pasteurs de ce cher peuple de Dieu, je vous confie à la sollicitude maternelle de Notre-Dame et je vous bénis également en toute affection fraternelle.

[1] N. RMi 63.
[2] Lumen gentium, LG 25.
[3] N. CEC 2442.
[4] Cf. Ad gentes, AGD 22.
[5] Jn 17,11.
[6] 1P 5,2.
[7] Jn 17,21.
[8] Redemptoris missio, RMi 55.
[9] Cf. Rm 12,21.
[10] Catéchisme de l’Eglise catholique, CEC 1818.


RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DE LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE AU «CENTRE DÉPARTEMENTAL D’ALPHABÉTISATION DU BORGOU»

Parakou (Bénin), Jeudi, 4 février 1993



Messieurs les Dignitaires,
Représentants des Communautés musulmanes du Bénin,

1. Je suis heureux de vous rencontrer au cours de ma deuxième visite au Bénin. Je rends grâce à Dieu qui m’a souvent donné l’occasion, lors de mes voyages apostoliques, de rencontrer des chefs religieux musulmans et des croyants de l’Islam. Personne ne s’étonnera que des frères, croyant en un seul Dieu, désirent mieux se connaître et partager leurs expériences. Je vous remercie pour les nobles paroles que vous venez de m’adresser.

Bien des points communs entre musulmans et chrétiens sont liés à la piété envers Dieu, tels que la place importante donnée à la prière, l’estime pour la morale, le sens de la dignité de la personne humaine ouverte à la transcendance. Nous reconnaissons là certaines des sources des droits essentiels de l’homme. Vous comprenez pourquoi le Pape, en tant que chef et pasteur de l’Eglise, en visitant la communauté catholique du Bénin, ne pouvait manquer de rencontrer des représentants des communautés musulmanes.

2. Au Bénin, Chrétiens et Musulmans vivent depuis longtemps côte à côte. Je ne peux qu’encourager les efforts que les uns et les autres font pour progresser dans la connaissance et le respect mutuels. Votre pays a connu des périodes de gloire et des temps de graves difficultés. Le moment est venu où tous les Béninois, sans distinction de tribu ou de religion, sont appelés à conjuguer leurs efforts pour sa reconstruction. Le développement du Bénin, auquel doivent participer Musulmans, Chrétiens et membres de la Religion traditionnelle, devrait profiter à toutes les couches de la population, à l’abri de toutes les formes de violence morale, physique ou psychologique.

3. Cette nouvelle construction du Bénin doit partir de la base, de la famille. Je suis sûr que tous êtes conscients de l’importance des valeurs familiales, souvent menacées aujourd’hui, et que vous souhaitez collaborer avec les chrétiens pour sauvegarder et renforcer ces valeurs. Dans cette optique, l’éducation de la jeunesse restera toujours une priorité.

Au cours de ma rencontre avec des jeunes musulmans à Casablanca, en août 1985, je disais que « c’est en travaillant ensemble qu’on peut être efficace. Le travail bien compris est un service des autres. Il crée des liens de solidarité »[1]. Il faut que les adultes fassent confiance aux jeunes et les aident à assumer pleinement leurs responsabilités mais, en même temps, il faut que les jeunes soient prêts à collaborer avec les adultes. Car on ne peut pas sculpter un nouveau masque sans consulter l’ancien. Préparez donc les jeunes à comprendre leur époque, à dialoguer avec leurs aînés et avec d’autres jeunes pour le bien de ce pays et pour son unité.

Dans la tâche fondamentale de la formation de la conscience, la famille joue un rôle de premier plan. Les parents ont le grave devoir d’aider leurs enfants, dès le plus jeune âge, à chercher la vérité et à vivre selon la vérité, à désirer le bien et à le promouvoir. Ils les prépareront ainsi à pratiquer le respect de la liberté de conscience et de culte, condition essentielle pour la vie commune de la nation.

4. Permettez-moi d’évoquer à mon tour un autre domaine dans lequel Chrétiens et Musulmans peuvent travailler la main dans la main: il s’agit de la recherche de la paix. Car « la voie de ceux qui croient en Dieu et désirent le servir n’est pas celle de la domination. Elle est la voie de la paix: la paix de l’union avec notre Créateur, qui trouve son expression dans l’accomplissement de sa volonté; la paix à l’intérieur de l’univers créé, en utilisant ses richesses sagement et au bénéfice de tous; la paix au sein de la famille humaine, en oeuvrant ensemble pour créer de forts liens de justice, de fraternité et d’harmonie dans nos sociétés; la paix dans le coeur des individus »[2]. Combien de pays, en Europe comme en Afrique et en bien des régions du monde, ont soif et faim de cette paix sans laquelle le développement d’un peuple devient impossible!

J’ai souligné, l’an dernier, la nécessité de la prière des croyants pour l’avènement de la paix. En effet, une prière intense et humble, confiante et persévérante, est nécessaire si l’on veut que le monde devienne finalement une demeure de paix. La prière « ouvre à la rencontre avec le Très-Haut, elle prépare aussi à la rencontre avec le prochain, aidant à établir avec tous, sans aucune discrimination, des relations de respect, de compréhension, d’estime et d’amour »[3].

5. Je désire aussi insister sur cette autre condition de la Paix: l’élimination de la pauvreté, comme l’a développé cette année mon message pour la Journée de la Paix. Surtout quand elle devient misère, la pauvreté est une menace contre la paix.

Le Concile Vatican II, qui nous inspire et nous guide aujourd’hui, affirmait: « La paix ne peut s’obtenir sur terre sans la sauvegarde du bien des personnes... La ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples ainsi que leur dignité, la pratique assidue de la fraternité sont absolument indispensables à la construction de la paix »[4]. Nous le savons, ce respect des autres et cette fraternité active commencent par l’élimination de la pauvreté: les efforts que Musulmans et Chrétiens déploient à cette fin dans votre pays sont très appréciables.

Je vous invite donc à prier pour que le bienfait de la paix soit accordé à votre pays, au continent africain et au monde entier.

En terminant, je voudrais vous assurer de ma prière, pour vous-mêmes, pour vos familles et pour votre pays. Que Dieu vous accorde en abondance sa bénédiction!

[1] Ioannis Pauli PP. II Albae domi, in Marochio, allocutio ad iuvenes muslimos, 6, die 19 aug. 1985: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VIII, 2 (1985) 502.
[2] Eiusdem Nuntius Muslimis missus occasione oblata conclusionis mensis v.d. «Ramadan», 5, die 3. apr. 1991: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XIV, 1 (1991) 701.
[3] Eiusdem Nuntius ob diem ad pacem fovendam dicatum pro a. D. 1992, 4, die 8 dec. 1991: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XIV, 2 (1991) 1335.
[4] Gaudium et Spes, GS 78.



RENCONTRE AVEC UNE DÉLÉGATION DES DISCIPLES DU VAUDOU

Siège du « Comité pour l’Organisation et le Développement des Investissements en Afrique et à Madagascar » (CODIAM) à Cotonou, Jeudi 4 fév.


Chers Amis,

1. Je suis heureux d’avoir cette occasion de vous rencontrer et je vous salue très cordialement. Comme vous le savez, je suis venu au Bénin, en premier lieu, pour rendre visite aux communautés catholiques, afin de les encourager et de les confirmer dans leur foi. Cependant, j’ai toujours considéré que le contact avec des personnes appartenant à des traditions religieuses différentes était une partie importante de mon ministère.

En effet, l’Eglise catholique est favorable au dialogue: dialogue avec les chrétiens d’autres Eglises et Communautés ecclésiales, dialogue avec les croyants d’autres familles spirituelles, et dialogue aussi avec ceux qui ne professent aucune religion. Elle désire établir des rapports positifs et constructifs avec les personnes et avec les groupes humains de diverses croyances en vue d’un enrichissement mutuel.

2. Le Concile Vatican II, qui a tracé la route de l’Eglise pour la fin de ce millénaire, a reconnu que dans les diverses traditions religieuses il y a du vrai et du bon, des semences du Verbe. Il a encouragé les disciples du Christ à découvrir « quelles richesses Dieu, dans sa munificence, a dispensées aux nations »[1].

Tels sont les fondements d’un dialogue fructueux, comme le déclarait l’Apôtre Paul aux premiers chrétiens: « Tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le à votre compte »[2]. D’où notre attitude de respect: respect pour les vraies valeurs, où qu’elles soient, respect surtout pour l’homme qui cherche à vivre de ces valeurs l’aidant à bannir la crainte.

Vous êtes fortement attachés aux traditions que vous ont léguées vos ancêtres. Il est légitime d’être reconnaissant envers des aînés qui ont transmis le sens du sacré, la croyance en un Dieu unique et bon, le goût de la célébration, l’estime pour la vie morale et l’harmonie dans la société.

3. Vos frères chrétiens apprécient, comme vous, tout ce qui est beau dans ces traditions, car ils sont, comme vous, des fils du Bénin. Mais ils sont également reconnaissants à leurs « ancêtres dans la foi », depuis les Apôtres jusqu’aux missionnaires, de leur avoir apporté l’Evangile. Ces missionnaires leur ont fait connaître la « Bonne Nouvelle » que Dieu est Père et s’est rendu proche des hommes par son Fils, Jésus-Christ, porteur d’un joyeux message de libération.

Si nous remontons plus loin dans l’histoire, nous constatons que les ancêtres de ces missionnaires venus d’Europe avaient eux-mêmes reçu l’Evangile alors qu’ils avaient déjà une religion et un culte. En accueillant le message de Dieu, ils n’ont rien perdu. Au contraire, ils ont gagné de connaître Jésus-Christ et de devenir, en lui, par le baptême, fils et filles du Dieu d’Amour et de Miséricorde.

4. Tout cela s’est fait dans la liberté. En effet, les Evangiles soulignent que Jésus n’a forcé personne. Aux Apôtres, le Christ a dit: « Si tu veux, suis-moi »; aux malades: « Si tu veux, tu peux être guéri ». Chacun doit répondre à l’appel de Dieu, librement et en toute responsabilité. L’Eglise considère la liberté religieuse comme un droit inaliénable, un droit qui s’accompagne du devoir de rechercher la vérité. C’est dans un climat de respect pour la liberté de chacun que le dialogue inter-religieux peut se développer et porter du fruit.

5. Ce dialogue n’est pas tourné seulement vers les valeurs du passé ou du présent. Il regarde aussi l’avenir. Il implique la collaboration en vue de « protéger et de promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté »[3]. Ces paroles du Concile Vatican II, bien que situées dans un contexte différent, tracent tout un programme pour les croyants d’un pays comme le vôtre, où les chrétiens et les musulmans côtoient les membres de la religion traditionnelle africaine.

Le Bénin, pour se développer, a besoin du concours de tous ses fils et personne ne doit se renfermer sur soi. Chrétiens, membres de la religion traditionnelle et musulmans sont appelés à retrousser leurs manches afin d’oeuvrer ensemble pour le bien du pays. Cette action solidaire des croyants est importante pour le développement intégral, la justice et la libération humaine. Elle se fera d’autant mieux qu’elle sera accompagnée d’une prière ardente envers Dieu, Créateur et Père, source de tout bien. Que les voix de tous s’unissent pour demander à Dieu d’accorder la prospérité et la paix à tous les habitants de ce cher pays!

Pour ma part, soyez-en assurés, je porte devant le Seigneur vos soucis et vos espoirs. Que Dieu vous bénisse ainsi que toutes vos familles!


[1] Ad Gentes, AGD 11.
[2] Ph 4,8.
[3] Nostra Aetate, NAE 3.



RENCONTRE AVEC LES PRÊTRES, LES RELIGIEUX, LES SÉMINARISTES ET LES LAÏCS

Cathédrale de Notre Dame des Miséricordes à Cotonou, Jeudi 4 février 1993



«Dieu a voulu faire connaître quelles sont les richesses et la gloire de ce mystère parmi les païens: Christ au milieu de vous, l’espérance de la gloire!»[1].

1. C’est avec joie que je reprends ces paroles de l’Apôtre Paul que nous avons écoutées au cours de l’office du soir dans votre cathédrale. Prêtres, religieux et religieuses, fidèles laïcs engagés, représentant tous les diocèses du Bénin, nous rendons grâce: « Le Christ est au milieu de vous ».

Je vous remercie de votre accueil chaleureux. Merci à Monseigneur Monsi-Agboka de ses paroles de bienvenue. Oui, nous voulons rendre grâce car, après les premiers contacts anciens avec le christianisme, l’Eglise a été réellement implantée sur votre terre dès 1861, quand sont arrivés les Pères Borghero et Fernandez, alors qu’un de leurs compagnons avait déjà donné sa vie, uni aux « épreuves du Christ ». Parmi tant d’ouvriers de l’Evangile, je voudrais rendre hommage aux premiers évêques, Monseigneur Dartois, Monseigneur Steinmetz et Monseigneur Parisot: ils ont affermi l’édifice et l’ont confié aux fils du Bénin qui ont tôt accédé au sacerdoce puis à l’épiscopat; je pense à celui que le Pape Paul VI appela ensuite à Rome, le Cardinal Gantin présent auprès de moi, comme aux évêques de vos six diocèses réunis ici.

2. À travers les délégués qui remplissent cette cathédrale, je voudrais encourager toutes les communautés ecclésiales au Bénin dans leur fidélité à l’Evangile, comme le faisait saint Paul: « Par la foi, tenez, solides et fermes; ne vous laissez pas détourner de l’espérance que vous avez reçue »[2]. Ces paroles s’adressent aux laïcs, aux catéchistes, aux vice-présidents des Conseils pastoraux, aux responsables d’oeuvres et de mouvements. Par leur témoignage et par les services rendus, ils ont joué un rôle considérable pour le développement et la vitalité de l’Eglise sur cette terre. Leur activité demeure fondamentale dans le peuple de Dieu. Chers amis laïcs, continuez à servir vos paroisses et vos diocèses, avec la foi et la générosité qui ont été un grand don du Seigneur au cours des années difficiles. Mais n’oubliez pas non plus que vous êtes les premiers à pouvoir apporter l’esprit de l’Evangile dans vos milieux de travail, dans toutes les instances de la société, pour les tâches exigeantes de la reconstruction de votre patrie. Par la compétence, la probité et le désintéressement, les chrétiens laïcs ont le devoir d’être de vrais artisans du bien commun avec tout leur peuple.

3. Saint Paul nous dit qu’il désire annoncer le Christ « en toute sagesse, afin de rendre chacun parfait en Christ »[3]. On ne saurait mieux exprimer le but de l’évangélisation: « Rendre chacun parfait en Christ ». Cela veut dire accueillir au plus profond de soi-même les dons de Dieu et développer sa vie spirituelle. Un tel appel concerne aussi bien les personnes engagées dans le sacerdoce ou la vie religieuse que les fidèles laïcs. Nul ne pourrait se sentir responsable dans l’Eglise sans avoir le souci constant de puiser inspiration et force aux sources de la prière: la Parole de Dieu, la Liturgie des Heures, les Sacrements, qui sont d’essentielles rencontres avec le Seigneur dans la grâce rédemptrice, et tout particulièrement l’Eucharistie, par laquelle se constitue la communauté ecclésiale. Que chacun, selon les exigences de sa vocation, se laisse attirer par le Seigneur, dans le coeur à coeur de la prière; qu’il se laisse guider par la Mère de Jésus, qui retenait en son coeur les merveilles du salut! Que tous s’entraînent mutuellement à accueillir la Bonne Nouvelle et à la partager comme le bien le plus précieux, en famille, en communauté, et avec les frères et soeurs qui ne la connaissent pas encore!

4. Religieux et religieuses, vous avez un rôle particulier dans l’évangélisation, car vous êtes appelés à être des témoins entièrement donnés. Je rends grâce pour la floraison des vocations religieuses dans ce pays, et aussi pour l’heureuse collaboration entre ceux et celles qui sont venus d’autres régions du monde, dès les débuts de la mission, et les Béninois qui répondent à leur tour à l’appel du Seigneur dans les différents Instituts locaux et internationaux. En vivant selon les divers charismes de vos Ordres et Congrégations, vous montrez la voie de cette « perfection dans le Christ » à laquelle nous devons tous tendre, à la suite de Paul; votre vocation vous amène au don total de vous-mêmes pour le Royaume de Dieu et vous rend témoins, pour vos frères et soeurs, de l’engagement courageux de toute une vie à la suite du Christ. Vous prenez votre part dans les différentes formes du service évangélique: le service de la louange et de l’intercession est au premier plan pour la vie monastique, heureusement implantée au Bénin; pour les tâches pastorales quotidiennes, pour l’éducation, le soin des malades et des pauvres, les religieux apostoliques sont d’irremplaçables animateurs et de bons exemples. Poursuivez votre action avec la générosité de votre consécration au Seigneur et sachez toute l’estime que vous porte le successeur de Pierre, en union avec ses frères dans l’épiscopat. Et je voudrais ajouter aussi que les religieux africains, se souvenant que la vie religieuse, sous sa forme monastique, est née sur leur continent, peuvent apporter beaucoup à leurs frères et soeurs d’autres régions du monde à cause de la fraîcheur de leur engagement, de leur détachement des biens matériels comme de la simplicité de leur style de vie: qu’ils sachent que toute l’Eglise compte sur eux!

5. Et vous les prêtres, autour de vos évêques, vous assurez véritablement l’existence de l’Eglise par les multiples formes de votre ministère que nous avons célébré hier au cours de l’ordination. Grâce à Dieu, les prêtres béninois sont désormais les plus nombreux dans le pays, alors que les premiers Dahoméens ordonnés sont déjà entrés dans la paix du Royaume. Je tiens à vous encourager avec affection et avec confiance: votre tâche est lourde, mais exaltante: pour le peuple de Dieu, vous êtes dispensateurs des dons, guides et maîtres dans la foi. Cela exige de vous les premiers une fidélité toujours renouvelée, dans l’amour du Seigneur et du prochain: vivez le célibat comme un signe essentiel de votre disponibilité pour servir, de votre dépouillement et de votre liberté à l’égard des biens matériels aussi bien qu’à l’égard du prestige humain. Soyez des collaborateurs loyaux des évêques, et collaborez vous-mêmes avec les laïcs dans un esprit ouvert et respectueux. Nous sommes dans la cathédrale Notre-Dame de Miséricorde, cela peut nous rappeler que votre ministère doit être de miséricorde, de consolation, de pacification, d’unité. Vous êtes, par tout votre être, des signes de la présence vivifiante et libératrice du Sauveur.

6. Beaucoup de ce que je viens de dire s’applique aussi à vous, les séminaristes.C’est une joie de vous voir nombreux, la belle communauté De Ouidah – le séminaire que je regrette de ne pouvoir visiter –, avec vos amis en « propédeutique » et les plus jeunes qui sont dans les petits séminaires. Séminaristes, vous vivez un temps de formation et surtout de discernement: en dialogue avec vos formateurs, soutenus par la vie de communauté et par votre intimité avec le Seigneur dans la méditation et l’oraison, cherchez la vérité de votre vocation. Soyez pleinement disposés à accueillir l’appel de l’Eglise: c’est elle qui, par l’Evêque, authentifie votre vocation. Soyez prêts au don de vous-mêmes, et, il faut le dire, au sacrifice: avec la générosité intrépide de la jeunesse, soyez sensibles aux besoins de vos frères, en commençant par les plus démunis; préparez-vous à être auprès d’eux, comme le Seigneur, pauvres aux yeux du monde et riches des dons de Dieu qui vous seront confiés pour les transmettre. Soyez prêts à résister à bien des tentations, à porter votre part des souffrances des hommes, comme le dit saint Paul, « en faveur du Corps du Christ qui est l’Eglise »[4]. Alors, vous entendrez le Seigneur vous dire: « Serviteur bon et fidèle,...entre dans la joie de ton Maître »[5].

7. Des représentants d’autres Communautés ecclésiales ont bien voulu nous rejoindre ce soir. Je tiens à vous remercier de votre présence et je vous salue cordialement. Je souhaite vivement que vous poursuiviez vos échanges et votre prière commune avec vos frères catholiques. Il est bon de se mettre ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu pour en être des témoins plus crédibles dans le monde. Il est utile aussi de s’associer pour mettre en oeuvre une véritable charité évangélique. Que le Seigneur bénisse vos démarches oecuméniques!

8. Chers amis, prêtres, religieux, religieuses, fidèles laïcs, votre expérience spirituelle et pastorale va contribuer aux réflexions du Synode des Evêques pour l’Afrique. Je vous invite à prier afin que ces assises soient fécondes et stimulantes pour la mission d’évangélisation confiée à l’Eglise dans ce continent. Votre rassemblement est déjà un signe d’espérance. Je souhaite que chacun de vous réponde toujours mieux à sa vocation propre et puisse dire de son labeur, comme l’Apôtre Paul, qu’il l’a « mené avec la force du Christ qui agit puissamment en moi »[6]. Au nom du Seigneur, je vous bénis de tout coeur.


[1] Col 1,27.
[2] Col 1,23.
[3] Col 1,28.
[4] Col 1,24.
[5] Mt 25,23.
[6] Col 1,29.




Discours 1993 - 29 janvier 1993