Discours 1993 - Cathédrale de Notre Dame des Miséricordes à Cotonou, Jeudi 4 février 1993

CÉRÉMONIE DE CONGÉ

Aéroport international de Cotonou (Bénin), Vendredi 5 février 1993


Monsieur le Président,

1. Au moment où s’achève ma visite pastorale au Bénin, Votre Excellence a bien voulu me raccompagner et m’adresser un message très courtois; je suis sensible à ces attentions, ainsi qu’à la présence des hautes personnalités qui ont tenu à venir jusqu’ici ce matin.

Partant pour une nouvelle étape de mon voyage pastoral, je suis heureux d’avoir pu revenir au Bénin et prendre un contact plus approfondi avec ce pays bien-aimé. La qualité de l’accueil que j’ai reçu de votre part, Monsieur le Président, et de l’ensemble de vos compatriotes m’invite à former des voeux chaleureux pour leur bien-être et le développement de leur pays.

Témoin de l’immense travail entrepris pour donner un nouveau dynamisme à la société béninoise, je souhaite vivement que les progrès dans la prospérité ne tardent pas. La consolidation des institutions, le développement de l’activité économique, l’affermissement du système éducatif comme du réseau de santé, voilà des tâches qui, parmi d’autres, requièrent les qualités, le savoir-faire, l’engagement actif et la solidarité de tous les Béninois. J’ai confiance en votre peuple, il saura être digne de ses nobles traditions.

2. Mais je sais aussi, Monsieur le Président, que le Bénin a besoin, comme l’ensemble des pays africains, de concours dont j’espère qu’ils ne lui seront pas refusés. A notre époque, la situation mondiale est telle que la coopération entre ce qu’on appelle le Nord et le Sud devient de plus en plus nécessaire. On doit comprendre – et souvent l’on comprend mieux en effet – qu’il s’agit d’entrer dans une collaboration généreuse mais respectueuse entre des nations qui se trouvent à des niveaux de développement extraordinairement inégaux.

De trop nombreuses crises dans le monde, en Afrique notamment, nous montrent qu’il est difficile d’édifier la paix lorsque des peuples entiers sont poussés au désespoir par la pauvreté, par les disparités extrêmes des situations, par le mépris des droits élémentaires de la personne, par les limites imposées à la libre expression des opinions. Aussi est-ce un devoir pour la communauté internationale de favoriser en tous lieux le respect du droit et l’amélioration des conditions de vie, et cela, je le répète, grâce à une coopération généreuse entre des partenaires qui se respectent mutuellement.

3. Dans quelques semaines, une Conférence internationale aura lieu à Cotonou même, sous l’égide de l’Organisation de l’Unité africaine et de l’UNESCO, sur le thème de « la Route des Esclaves ». Vous attachez légitimement une grande importance à cette manifestation qui a pour but, d’une part, de prendre en compte avec lucidité un drame qui ne cesse d’habiter douloureusement la mémoire des peuples d’Afrique, et, d’autre part, de faire face au défi du développement de ce continent. L’an dernier au Sénégal, puis à Saint-Domingue, j’ai évoqué les terribles fléaux que furent l’esclavage et ses séquelles. Dans votre pays qui en a durement souffert, je désire redire que ce fut un « péché de l’homme contre l’homme et un péché de l’homme contre Dieu », sombre étape sur le long chemin de la famille humaine, dont les membres ont toujours à apprendre à se respecter et à s’aimer en fils et en filles du même Père céleste [1].

Puissent les réflexions et les échanges qui vont avoir lieu ici prochainement, dans la mémoire du drame, promouvoir l’esprit d’une solidarité fraternelle qui franchit les frontières, afin de permettre au plus grand nombre d’hommes et de femmes du continent africain d’affronter ensemble les défis nouveaux de leur histoire!

4. En quittant le sol de ce pays, je voudrais exprimer mes remerciements affectueux à tous les catholiques Béninois pour leur accueil.

Et j’adresse une pensée particulière â ceux qui n’ont pu prendre part à nos rassemblements à cause de la maladie ou d’autres difficultés; à chacun d’entre eux j’envoie de tout coeur ma Bénédiction.
Frères et Soeurs, j’aimerais que vous gardiez de ces journées, plus que des souvenirs, le sentiment durable d’une communion renforcée avec tous les membres de l’Eglise dans le monde entier. Vivez sous la lumière de la foi, avec la vigueur de l’espérance et la générosité de l’amour fraternel, parce que vous vous savez aimés par Dieu.

Merci à vos Evêques, en particulier Monseigneur Monsi-Agboka qui les préside et Monseigneur de Souza, Archevêque de cette ville, pour leur délicatesse à mon égard et pour la préparation attentive de ma visite. Merci à tous ceux qui ont travaillé à l’organisation pratique et ont permis le climat de ferveur qui a marqué nos rencontres. Avec vous, je demande au Seigneur de faire mûrir les fruits de ces efforts.

Et je voudrais, ici encore, adresser un cordial salut à tous les croyants d’autres confessions chrétiennes, des religions traditionnelles et de l’Islam qui se sont associés fraternellement à leurs amis catholiques au cours de ces journées de fête.

5. Monsieur le Président, en prenant congé, je tiens aussi à exprimer ma gratitude à l’ensemble de vos collaborateurs, les membres du Gouvernement et les membres des différents services qui n’ont pas ménagé leur peine pour assurer la sécurité et le bon déroulement de ma visite. Et ces mêmes sentiments de gratitude vont également à tous les journalistes qui ont permis au plus grand nombre de bien suivre les divers événements à Cotonou et à Parakou.

Je remercie aussi les membres du Corps Diplomatique d’avoir eu la courtoisie de venir jusqu’à l’aéroport pour prendre part à cette cérémonie.

Monsieur le Président, c’est avec une certaine émotion que je quitte le Bénin, mais aussi avec une grande espérance en son avenir. Soyez assuré personnellement de toute ma reconnaissance pour votre accueil et recevez mes voeux fervents pour l’heureux accomplissement de votre mission nationale.

Que Dieu bénisse le Bénin!


[1] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Allocutio apud Dacariam, in Goreana insula habita, 3, die 22 febr. 1992: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XV, 1 (1992) 388.




AUX ÉVÊQUES DU GABON EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Lundi, 15 février 1993




Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Au retour de mon Xème voyage pastoral sur votre continent, c’est avec joie que je vous accueille à Rome et que je retrouve en votre compagnie l’ambiance de l’Afrique.

Soyez les bienvenus dans cette demeure où vous reçoit un pasteur qui se veut proche des attachantes populations africaines, proche de vous et de vos communautés ecclésiales, et qui porte dans son coeur et sa prière la sollicitude de toutes les Eglises particulières, entre autres celles du Gabon que vous êtes venus recommander à l’intercession des saints Apôtres, à l’occasion de la traditionnelle visite ad limina !

Je remercie vivement Monseigneur Basile Mvé Engone, Evêque d’Oyem et Président de la Conférence épiscopale du Gabon, de s’être fait très aimablement votre porte-parole.

2. Nous allons célébrer bientôt la Chaire de saint Pierre, une fête qui s’enracine dans le culte rendu par les chrétiens à leurs pères dans la foi, près des tombes de Pierre au Vatican et de Paul sur la route d’Ostie. Cette fête nous rappelle la mission que le Christ a confiée à Pierre d’affermir la foi de ses frères, de faire l’unité des chrétiens, de présider à la charité et d’amener tous les baptisés à partager le même pain et à boire à la même coupe.

La mission de Pierre aux origines est demeurée au cours des âges celle de ses successeurs sur la Chaire épiscopale de Rome: le Pape, successeur de Pierre, est pour le peuple chrétien le principe et le fondement visible de son unité dans une même foi et une même communion.

Je souhaite que ce pèlerinage romain, accompli dans le sillage de vos Frères membres du collège épiscopal, vous apporte lumière et force, paix et réconfort, en sorte que vous repreniez la route du Gabon remplis d’un zèle nouveau pour votre ministère quotidien.

3. À la veille du troisième millénaire, sur fond de drames et d’espérance, les diocèses d’Afrique joignent leurs recherches et unissent leurs efforts pour faire en sorte que l’Evangile soit encore mieux accueilli et vécu plus profondément en tous lieux et en tous milieux. Tel est, en effet, le but de la prochaine assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques: « L’Eglise en Afrique et sa mission d’évangélisation dans la perspective de l’an 2000 ».

L’évangélisation veut offrir « la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit »[1] à l’humanité entière. Le Christ a été le premier évangélisateur et l’Eglise continue sa mission. L’évangélisation est donc « la vocation propre de l’Eglise, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser, c’est-à-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce, réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans la sainte messe, qui est le mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse »[2].

4. L’Eglise est une famille vivante composée d’évêques, de prêtres, de religieux, de religieuses et de fidèles laïcs: chacun des membres de cette famille, en raison de son baptême, est responsable de la proclamation de l’Evangile. Certes, le rôle principal en revient aux évêques, assistés de leurs collaborateurs immédiats dans le sacerdoce, les prêtres et les diacres. Les religieux et les religieuses se situent dans le dynamisme même de l’évangélisation en incarnant le radicalisme des Béatitudes. Cependant, le laïcat doit être encouragé à assumer sa responsabilité dans la mission évangélisatrice de l’Eglise, et je vous invite, chers Frères, à poursuivre vos investissements dans la formation de laïcs gabonais capables de témoigner authentiquement de leur foi. Offrez-leur les moyens d’acquérir une vraie culture religieuse par des instructions sur la Bible, la vie spirituelle et la doctrine sociale de l’Eglise.

En particulier, encouragez les fidèles laïcs à éduquer chrétiennement leurs enfants: en effet, l’importance que l’enfance et la jeunesse présentent pour l’avenir de l’Eglise est considérable. « Les enfants nous rappellent que la fécondité missionnaire de l’Eglise a sa racine vivifiante non pas dans les moyens ou les mérites humains, mais dans le don absolument gratuit de Dieu »[3].

A l’instar d’autres pays africains, les écoles catholiques au Gabon ont contribué à former l’élite de votre pays. Puissent-elles continuer à dispenser une éducation pour la vie, une formation de la conscience chrétienne, et proposer efficacement les valeurs humaines et spirituelles en harmonie avec la foi!

5. «Parmi les laïcs qui deviennent évangélisateurs se trouvent au premier rang les catéchistes... [Ce sont] des agents spécialisés, des témoins directs, des évangélisateurs irremplaçables, qui représentent la force de base des communautés chrétiennes »[4]. Ils apportent une aide considérable à l’expansion de la foi. Ils sont au centre de l’histoire de l’Eglise en Afrique et de son succès missionnaire.

Puissent-ils recevoir toujours une instruction doctrinale et pédagogique soignée, en même temps que les moyens appropriés au développement de leur vie spirituelle! Préparez-les, notamment à l’aide du « Catéchisme de l’Eglise Catholique », à devenir d’efficaces animateurs de communautés, qui remplissent avec art leur indispensable fonction d’enseignants et de témoins de l’Evangile, sous la direction des pasteurs.

6. La question des vocations dans le clergé séculier et dans le clergé religieux reste pour vous, je le sais, de grande importance. Comme je le faisais remarquer aux Evêques du Bénin rencontrés récemment, « l’Eglise souhaite avoir des prêtres en grand nombre, mais non pas à n’importe quel prix, car seuls des prêtres selon le coeur du Christ peuvent répondre aux immenses besoins de la moisson »[5].

Continuez à apporter toute votre attention à l’éveil des vocations et à la formation des candidats au sacerdoce. Grâce à des équipes d’éducateurs qualifiés, procurez-leur de solides assises doctrinales, spirituelles et disciplinaires. Que dès le séminaire soit donné aux futurs prêtres un esprit de collaboration sincère entre membres du clergé diocésain et religieux! Que leur soient donnés également l’estime de la vie consacrée et le désir de la promouvoir selon le charisme propre à chaque institut, car l’active présence des religieuses dans les domaines paroissiaux, éducatifs et hospitaliers est particulièrement précieuse pour la propagation de la Bonne Nouvelle!

Enfin, selon l’esprit de l’exhortation apostolique Pastores dabo vobis, cherchez à enraciner la conviction que ce sont « tous les membres de l’Eglise, sans en exclure aucun, qui ont la grâce et la responsabilité du souci des vocations »[6]. En effet, le problème des vocations sacerdotales ne doit pas être délégué à certains spécialistes sur lesquels on se déchargerait. C’est un problème vital que tout chrétien aimant vraiment l’Eglise doit porter en son coeur.

Chers Frères, je voulais surtout vous montrer l’intérêt que je porte à vos préoccupations majeures, vous affermir dans votre mission de pasteurs, vous redonner espoir et confiance en l’avenir: « Qui donc est vainqueur du monde? N’est-ce pas celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu? »[7]. En signe d’encouragement, je vous donne de grand coeur ma Bénédiction Apostolique, que j’étends à tous vos collaborateurs et à vos communautés diocésaines.

[1] 2Co 13,13.
[2] Evangelii nuntiandi, n. EN 14.
[3] Christifideles laici, n. CL 47.
[4] Redemptoris missio, n. RMi 73.
[5] Discours aux membres de la Conférence épiscopale du Bénin, n. 3.
[6] N. PDV 41.
[7] 1Jn 5,5.


Mars 1993

À S. E. MONSIEUR TOM TSCHERNING, NOUVEL AMBASSADEUR DE SUÈDE

Jeudi, 18 mars 1993



Monsieur l’Ambassadeur,

C’est avec plaisir que j’accueille aujourd’hui Votre Excellence, à l’occasion de la présentation des Lettres par lesquelles Sa Majesté le Roi de Suède Carl Gustav L’accrédite auprès du Saint-Siège en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume de Suède.

Votre présence auprès du Successeur de Pierre et le fait même de votre résidence dans la Ville éternelle marquent l’attachement des autorités de votre pays et de l’ensemble des Suédois aux liens diplomatiques étroits noués avec le Siège Apostolique et l’estime qu’ils portent à ses activités internationales, en particulier dans les régions du monde où la paix et la justice ne sont pas encore pleinement respectées, et plus spécialement à nos portes où les luttes fratricides qui se déroulent sont comme une écharde dans la chair des Européens.

Vous le savez, Monsieur l’Ambassadeur, dans la vie internationale, l’Eglise catholique ne poursuit pas d’autre dessein que de défendre l’homme, sa vie personnelle, sa liberté spirituelle et la bonne entente entre les peuples, pour que chaque être et chaque communauté humaine puissent trouver leur place, s’épanouir et jouir des richesses et des beautés de la création.

Les paroles que vous venez de m’adresser, et dont je vous remercie vivement, témoignent de l’intérêt primordial que votre nation accorde à la paix, au désarmement, à la résolution pacifique des conflits, à la tolérance, à la solidarité entre les hommes vivant dans un même territoire, entre les nations de l’Est que l’histoire récente a rapprochées et avec lesquelles vous souhaitez construire des relations harmonieuses et entretenir de multiples collaborations. Ces préoccupations rejoignent profondément celles du Saint-Siège. Les buts que poursuit votre pays et les efforts qu’il déploie déjà au sein de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe, l’ont conduit à vouloir adhérer pleinement aux institutions que se donne l’Europe, cherchant à affermir son unité et à la fonder sur les valeurs humaines et spirituelles.

Au moment où commence votre mission, il me plaît de rappeler l’événement oecuménique que nous avons vécu en la basilique Saint-Pierre, le 5 octobre 1991, à l’occasion du VIème centenaire de la canonisation de sainte Brigitte. Cette fête m’a donné l’occasion inoubliable de prier sur la tombe de l’Apôtre Pierre en communion fraternelle avec des évêques catholiques de votre pays et des évêques luthériens, dont le Primat de l’Eglise luthérienne de Suède, le cher Archevêque Bertil Werkström. Comme pour votre lointaine compatriote Brigitte, je souhaite que Rome devienne pour vous, Monsieur l’Ambassadeur, une seconde patrie, pour que puissent se renforcer, comme vous venez de l’exprimer, les bonnes relations entre le Royaume dont vous êtes le représentant et le Saint-Siège.

Dans votre pays, après des années de réorganisation sociale parfois difficile, où tous ont dû faire des sacrifices pour le bien de la collectivité, se tissent entre les personnes de nouvelles solidarités, afin que chacun puisse avoir justement ce qui lui est nécessaire pour vivre dans la liberté et la dignité. Cela a conduit vos concitoyens à faire des choix qui les honorent en vue d’un partage fraternel et plus équitable du travail et des richesses au sein de la communauté nationale.
Je garde vivante en ma mémoire la visite pastorale que j’ai eu la joie de réaliser dans votre pays en 1989, visite au cours de laquelle j’ai pu mesurer une nouvelle fois les qualités d’accueil et de dialogue des Suédois soucieux de faire droit au pluralisme culturel et religieux. À l’exemple de sainte Brigitte qui a travaillé pour le rapprochement entre les différentes confessions religieuses, le service religieux dans la cathédrale d’Upsala témoigne que l’Esprit travaille au coeur des hommes pour le rapprochement entre les peuples.

Pour leur part, les autorités de votre pays s’attachent à ce que chaque communauté chrétienne jouisse de la liberté et des moyens nécessaires à sa mission. Les relations fraternelles dynamiques entre catholiques et luthériens, dans les paroisses comme dans les mouvements, permettent que grandissent l’estime, la reconnaissance et l’amour mutuels. Elles sont la voie nécessaire à l’unité voulue par le Christ, unité à laquelle aspire un bon nombre de Suédois. Ces relations portent aussi des fruits concrets dans les collaborations entre le gouvernement et la Caritas pour venir en aide aux personnes qui en ont le plus besoin dans le tiers monde comme aux réfugiés qui trouvent sur votre terre un lieu où il fait bon vivre.

Vous continuerez, j’en suis sûr, la tâche entreprise par vos prédécesseurs et vous la développerez encore. Pour mener à bien la mission qui vous est confiée, vous savez que vous pouvez compter sur l’accueil et l’aide bienveillante de mes collaborateurs.

Je vous saurais gré de bien vouloir exprimer à Leurs Majestés le Roi Carl Gustav et la Reine Silvia, que j’ai eu la joie de recevoir dans ce palais le 3 mai 1991, mes salutation déférentes et de Les assurer des voeux fervents que je forme pour leurs personnes, pour leur famille et pour tous leurs compatriotes.

J’invoque sur vous-même, sur vos proches et vos collaborateurs, comme sur tous les Suédois, par l’intercession de sainte Brigitte à laquelle tous demeurent fortement attachés, la Bénédiction de Dieu.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE EPISCOPALE DE LA CÔTE D’IVOIRE EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Samedi, 27 mars 1993




Cher Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l’épiscopat,

1. C’est avec une grande joie que je vous accueille dans cette demeure et, en vos personnes, c’est toute l’Église en Côte-d’Ivoire que j’accueille, une Église qui m’a reçu chaleureusement à trois reprises déjà. Je remercie vivement Monsieur le Cardinal Yago, Président de la Conférence épiscopale, de l’aimable adresse qu’il m’a présentée en votre nom.

Mes premières paroles voudraient être des paroles d’action de grâce pour les fruits qu’a portés en terre ivoirienne la bonne graine de l’Evangile, alors que vous vous préparez à célébrer dans la ferveur le premier centenaire de l’évangélisation. C’est en octobre 1895, en effet, que les Pères Hamard et Bonhomme, de la Société des Missions africaines de Lyon, ont débarqué sur vos côtes, à Grand-Bassam, pour annoncer l’Évangile du Christ. Trois ans plus tard arrivaient les religieuses de Notre-Dame des Apôtres. Malgré toutes sortes de difficultés, les Pères et les Soeurs, qui collaboraient avec enthousiasme, ont fait connaître le Seigneur et ont organisé les premières communautés chrétiennes.

Aujourd’hui, la Côte-d’Ivoire compte treize diocèses dont les Évêques sont tous Ivoiriens. Elle a également donné au Pape un proche collaborateur en la personne du cher Cardinal Archevêque d’Abidjan. Je saisis l’occasion de cette rencontre pour saluer cordialement les membres de la Conférence épiscopale qui accomplissent leur première visite « ad limina »: Monseigneur Alexandre Kouassi, Évêque de Bondoukou, Monseigneur Barthélemy Djabla, Évêque de San-Pedro, ainsi que le plus récemment nommé, Monseigneur Joseph Teky, Évêque de Man.

2. Dans le sillage de vos Frères membres du collège épiscopal, vous venez, à votre tour, en pèlerinage aux tombeaux de saint Pierre et de saint Paul afin de raviver votre communion dans la profession de foi sur laquelle ils ont fondé ici l’Église. Votre démarche, faite au nom de vos communautés diocésaines ivoiriennes, témoigne également de votre unité avec le successeur de Pierre et elle aura pour effet, entre autres, d’affermir encore les liens qui vous unissent au sein de la conférence. Votre propre unité ainsi fortifiée, l’annonce de la Bonne Nouvelle pour conduire les hommes à la foi n’en sera que plus efficace: « Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé »[1].

L’unité de l’Église, en effet, ne dépend pas seulement d’une bonne organisation ou d’une ferme discipline. Elle est de l’ordre de la communion, puisque, selon le Concile Vatican II, « l’Église universelle apparaît comme un "peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint" »[2]. L’Église est une aussi de par son fondateur, « car le Fils incarné en personne, prince de la paix, a réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa croix, rétablissant l’unité de tous en un seul peuple et en un seul corps »[3]. Enfin, l’Église est une de par son « âme »: « L’Esprit Saint qui habite dans les croyants, qui remplit et régit toute l’Église, réalise cette attirable communion des fidèles et les unit tous si intimement dans le Christ, qu’il est le principe de l’unité de l’Église »[4].

Chers Frères, je souhaite que votre séjour à Rome vous procure le réconfort, le soutien et le nouvel élan que vous en attendez: c’est la grâce que je demande de grand coeur pour vous, par l’intercession des saints Apôtres.

3. À la lecture du document synthétisant vos rapports quinquennaux, il apparaît que l’un de vos soucis majeurs est la pastorale de la jeunesse. En Côte-d’Ivoire, les jeunes représentent près de soixante-dix pour cent de la population, et les difficultés qu’ils rencontrent, notamment dans le domaine scolaire et universitaire, se sont accentuées au cours de ces dernières années, par suite de la crise économique. Le chômage s’est accru; les villages ont peu d’occupation à leur offrir, ce qui entraîne l’exode rural avec son inévitable cortège de maux.

Je sais que l’Église est présente à ce monde des jeunes, par ses prêtres en particulier. Continuez à être des porteurs d’espérance auprès des nouvelles générations. Encouragez-les à accueillir la Parole de Dieu et à élaborer leur projet de vie sur le fondement inébranlable qu’est le Christ: « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie »[5].

Aidez-les à développer une vraie conscience personnelle et le sens du devoir. Fortifiez en eux les valeurs morales de droiture, de loyauté, de respect d’autrui et de don de soi. Accompagnez-les dans leur lutte contre ce qui menace leur équilibre personnel, comme le libertinage sexuel, l’avortement ou la drogue. Invitez-les à s’engager, individuellement et en équipe, à améliorer le sort de ceux qui les entourent et à poser des gestes concrets d’entraide, si simples soient-ils, dans l’assurance que le Seigneur, dans sa munificence, sait transfigurer les initiatives les plus humbles: l’Évangile ne nous raconte-t-il pas que le Christ a nourri des foules entières à partir de quelques pains d’orge et d’un peu de poisson présentés par un enfant[6]?

4. À l’approche du jubilé de 1995, vous vous proposez d’inviter les fidèles à la conversion, au changement intérieur, au renouvellement de leur identité d’enfants de Dieu. Aussi, dans cette perspective, une autre préoccupation importante pour vous est la formation d’un laïcat adulte et compétent, capable d’assumer pleinement ses responsabilités dans l’Église.

Je sais le grand effort que vous déployez pour que la foi chrétienne, progresse dans votre pays, atteigne vos compatriotes dans leur culture et les engage, quand leur coeur s’est ouvert au don de la foi, à donner un témoignage de vie conforme à ce qu’ils croient. Je vous félicite et je vous encourage à poursuivre cet effort avec les prêtres, vos collaborateurs immédiats; avec les religieux et les religieuses, qui remplissent avec sérieux et efficacité de nombreuses activités: animation rurale, éducation sanitaire, enseignement catholique, catéchèse; enfin avec les catéchistes, qui ont un rôle capital pour la formation chrétienne des jeunes et des adultes et auxquels il convient d’offrir des moyens de se ressourcer, tel le Catéchisme de l’Église Catholique, publié précisément pour contribuer à une meilleure connaissance de la foi.

Que les signes positifs de vie chrétienne dans votre pays, résultats de votre labeur apostolique, vous donnent confiance en l’avenir du christianisme dans la Côte-d’Ivoire!

5. Inspirés par leur foi en Jésus-Christ, les fidèles laïcs, dans l’exercice de leurs tâches temporelles, transforment la société. C’est pourquoi les pasteurs doivent les encourager à être comme le levain dans la pâte. Ils les aideront à demeurer « la bonne odeur du Christ »[7], à imprégner toujours plus vigoureusement de son Esprit les domaines de la famille, de la vie en société et du travail. Ils les stimuleront dans la recherche de meilleures conditions d’existence. Ils leur montreront que c’est ainsi qu’ils préparent la venue du Règne de Dieu[8].

Il convient donc de développer l’action pastorale auprès des élites en leur donnant une bonne connaissance de la doctrine sociale de l’Église. Faites votre possible pour mettre à leur service des prêtres compétents.

6. Vous observez dans votre société une tendance naturelle aux regroupements et aux associations: une meilleure connaissance mutuelle et l’entraide réciproque contribuent à résoudre les problèmes qui se posent au niveau du village ou de la profession. Encouragez une solidarité effective. Cela suppose un effort en faveur d’un ordre social plus juste dans lequel les tensions pourront être mieux résorbées et où les conflits trouveront plus facilement leur issue négociée.

Faites connaître cette conviction chère à l’Église que chaque homme doit devenir l’auteur de son progrès, de même que chaque peuple est appelé à être l’artisan de son destin. Préconisez un développement qui soit intégral, associant les aspects matériels et spirituels, en conformité avec le message évangélique, qui révèle la dignité de tout être humain, créé par Dieu à son image et appelé à vivre dans la communion avec Lui et la fraternité avec ses semblables.

«La vertu de solidarité va au-delà des biens matériels. En répandant les biens spirituels de la foi, l’Église a, de surcroît, favorisé le développement des biens temporels auquel elle a souvent ouvert des voies nouvelles. Ainsi s’est vérifiée, tout au long des siècles, la parole du Seigneur: "Cherchez d’abord le Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît" »[9].

7. C’est avec satisfaction que j’ai relevé dans votre document de synthèse que la formation des grands séminaristes se fait avec sérieux. C’est un domaine d’une très grande importance car il y va de l’avenir de l’Église. Ainsi que l’exprime l’Instrumentum Laboris en vue de l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques, « l’Église en Afrique est bien consciente que si un témoignage efficace de l’Évangile est nécessaire, il faut qu’il y ait des prêtres qui soient eux-mêmes bien formés, qui conduisent une vie authentiquement chrétienne, et qui s’adonnent aux besoins pastoraux des fidèles. Le prêtre est appelé avant tout à donner le témoignage d’une vie sainte. La vie spirituelle profonde est une condition essentielle. Dans le choix des candidats au sacerdoce, la qualité ne doit pas être sacrifiée pour sauver le nombre »[10].

Certes, il y a le problème prioritaire de constituer une bonne équipe de formateurs pour l’accompagnement des candidats au sacerdoce; je vous encourage à continuer à y faire face avec détermination et optimisme. Comme le recommande l’exhortation Pastores dabo vobis[11], je souhaite que le séminaire soit vraiment, au coeur de l’Église locale, une « communauté éducative en cheminement » qui forme les futurs prêtres par l’enseignement et l’action des responsables, mais aussi grâce à la qualité de la vie communautaire dirigée et animée spirituellement par toute l’équipe des formateurs. Plus qu’un groupe d’étudiants, la communauté du séminaire est une communauté de disciples du Christ, unie dans la célébration de l’Eucharistie, dans l’écoute de la Parole de Dieu, dans la charité fraternelle ainsi que dans le partage d’aspirations et de projets apostoliques.

8. Alors que la phase de préparation immédiate à l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques est commencée et que s’intensifie la prière de tous pour le succès des importantes assises à venir, je voudrais, au terme de ce discours, me tourner avec vous vers Notre-Dame et lui confier vos diocèses, comme nous l’avons fait à Yamoussoukro le 10 septembre 1990:

«O Vierge Marie, conduis-nous vers ton Fils, Lui qui est la voie, la vérité et la vie!

Donne aux Pasteurs, aux consacrés, aux fidèles laïcs de faire vivre [ici] l’Église du Christ, avec foi et générosité, rendus forts par la grâce de ton Fils...

...Permets aux fidèles de Côte-d’Ivoire de vivre dans la paix, d’être inlassablement des artisans de paix, en union avec leurs frères et soeurs de cette terre et de tout le continent! »[12].

En signe d’encouragement, je vous donne de grand coeur ma Bénédiction Apostolique que j’étends bien volontiers à vos collaborateurs et à tous vos diocésains.

[1] Jn 17,21.
[2] Lumen Gentium, LG 4.
[3] Gaudium et spes, GS 78.
[4] Unitatis redintegratio, UR 2,
[5] Jn 14,6.
[6] Cf. ibid. Jn 6,5-13.
[7] 2Co 2,15.
[8] Gaudium et spes, GS 39, § 2.
[9] Catéchisme de l'Église catholique, CEC 1942.
[10] N. 27.
[11] Cf. nn. PDV 60-62.
[12] Homélie à la messe pour la Dédicace de la Basilique Notre-Dame de la Paix, 8.



Avril 1993



AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE CENTRAFRICAINE EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Jeudi 1er avril 1993


Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Soyez les bienvenus dans cette demeure où je suis heureux de vous accueillir à l’occasion de la visite ad limina que vous effectuez comme membres de la Conférence Épiscopale Centrafricaine. Je salue cordialement chacun d’entre vous et ma pensée va naturellement vers votre Président, Monseigneur Joachim N’Dayen, Archevêque de Bangui, que la maladie empêche d’être ici. Je forme les meilleurs voeux pour le prompt rétablissement de sa santé.

Je suis heureux de cette rencontre qui renforce les liens de communion entre l’Église de Rome et les Églises particulières de la République centrafricaine, et qui manifeste l’attachement de tout le peuple fidèle de votre pays au successeur de Pierre.

2. Cette année, votre pèlerinage à Rome prend un relief particulier, car il a lieu à la veille des célébrations du centenaire de l’évangélisation en République centrafricaine. Dans votre prière de pèlerins, vous aimerez, j’en suis sûr, rendre grâce à Dieu pour les fruits qu’a portés la Bonne Nouvelle dans votre pays. Egalement, en vous recueillant ensemble à la tombe des saints Apôtres, vous ne manquerez pas non plus de recommander à leur intercession l’approfondissement de la foi au sein de vos familles diocésaines, dans la perspective du témoignage qu’on attend d’elles à la veille de la prochaine Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques.

Au mois de janvier dernier, vous avez fait mémoire de l’arrivée de Monseigneur Augouard à Bangui. L’année 1994 marquera le centième anniversaire du commencement de l’évangélisation puisque c’est en 1894 que les Spiritains fondèrent la première mission sur les bords de l’Oubangui, à Saint-Paul des Rapides. Je sais que vous vous préparez dans la ferveur à commémorer cet événement et je forme les meilleurs voeux pour que ce que vous avez entrepris contribue efficacement à l’avancée du Royaume dans les coeurs, afin que l’Église en Centrafrique soit vraiment, comme vous l’écrivez dans votre lettre pastorale du 15 mars 1992, « porteuse d’une Bonne Nouvelle et d’une Espérance pour les pauvres ».

3. À cette fin, comme de nombreux épiscopats africains, vous apportez beaucoup de soin à la formation des fidèles laïcs. Certes, au sein du peuple confié à votre sollicitude pastorale, il ne manque pas de baptisés qui acceptent de prendre leurs responsabilités, mais le manque de solide culture chrétienne est un obstacle. Vous avez donc fait un effort considérable pour permettre aux catéchistes et aux responsables de communautés de parfaire leurs connaissances. Vous avez créé des centres qui leur offrent des sessions et des stages suffisamment longs. Ainsi, les animateurs de communautés sont mieux préparés à être le levain dans la pâte, tant pour l’évangélisation que pour le développement du village ou du quartier.

Comme partout en Afrique, les Catéchistes sont au coeur de l’histoire de l’Église. Bras droits des missionnaires à l’origine, ils sont devenus des collaborateurs de premier plan pour l’apostolat, avec un rôle prophétique dans la communauté et dans les écoles, que ce soit à la campagne ou en ville. Par votre entremise, je leur exprime ma gratitude pour leur généreux dévouement à la cause de l’Évangile. Je souhaite qu’ils grandissent toujours dans la foi: pour les y aider, vous disposez désormais du Catéchisme de l’Église Catholique, « donné afin de servir de texte de référence sûr et authentique pour l’enseignement de la doctrine catholique..., offert à tous les fidèles qui désirent mieux connaître les richesses inépuisables du salut »[1].

4. Un désir souvent exprimé par les jeunes est celui de pouvoir mieux connaître leur foi. Puissiez-vous répondre le plus pleinement possible à cette attente, dans les structures dont vous disposez, mettant à profit, entre autres, la riche expérience des religieux et des religieuses, à qui l’Église doit tant! Encouragez les jeunes à être des sujets actifs dans l’évangélisation et dans la rénovation sociale en développant chez eux les valeurs de justice, de non-violence, de solidarité auxquelles ils sont naturellement sensibles. « L’Église a tant de choses à dire aux jeunes et les jeunes ont tant de choses à dire à l’Église. Ce dialogue réciproque, qu’il faut mener avec une grande cordialité, dans la clarté, avec courage, favorisera la rencontre des générations et les échanges entre elles, il sera une source de richesse et de jeunesse pour l’Église et pour la société civile »[2].

5. À propos de l’enfance et de la jeunesse et, en particulier, des activités destinées à les former, l’Instrumentum laboris préparatoire à l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques, reprenant une déclaration de Familiaris Consortio, remarque au n. 36: « Il faut cependant répéter qu’il n’existe aucun substitut à la famille comme premier milieu éducatif ».

C’est pourquoi, la promotion de la famille chrétienne est pour vous un objectif de très grande importance. Dans ce domaine, comme d’ailleurs pour toute la pastorale sacramentelle, il convient que les membres de la Conférence Episcopale se concertent et élaborent un plan d’ensemble afin de rendre plus efficace l’action évangélisatrice et afin d’éviter, d’une circonscription ecclésiastique à l’autre, des disparités qui pourraient entraîner une certaine confusion parmi les fidèles. A cet égard, je forme le voeu que se développent les liens d’unité entre vous afin de « réaliser une sainte harmonie des forces en vue du bien commun des Églises »[3] et afin que les prêtres, qui ont besoin de soutien ou de ressourcement, bénéficient efficacement de votre sollicitude épiscopale.

Continuez à aider les futurs époux ou les couples à vaincre les obstacles de certaines coutumes et à se préparer librement à accueillir la grâce du sacrement de mariage pour un don total, exclusif et ouvert à la vie. « En outre, la famille, comme l’Église, se doit d’être un espace où l’Évangile est transmis et d’où l’Évangile rayonne... Les parents non seulement communiquent aux enfants l’Évangile mais peuvent recevoir d’eux ce même Évangile profondément vécu. Et une telle famille se fait évangélisatrice de beaucoup d’autres familles et du milieu dans lequel elle s’insère »[4].

6. En lien avec la promotion d’authentiques familles chrétiennes, se présente pour vous la préoccupation assurément prioritaire des vocations sacerdotales, qui naissent la plupart du temps dans des foyers chrétiens. De même, vous avez à résoudre les problèmes que posent leur accompagnement et, ensuite, la formation permanente des prêtres.

Les évêques sont les premiers responsables de la formation de leurs futurs collaborateurs, les prêtres. C’est pourquoi je vous invite à rester fermes dans l’admission des candidats: présentez-leur d’emblée les exigences de la vie sacerdotale et ayez le plus grand souci de leur procurer des formateurs compétents, témoins irrécusables du sacerdoce ministériel, dont une des tâches principales sera le discernement de la vocation tout au long des années de formation.

À la suite de Jésus, le Bon Pasteur, les prêtres ont la charge de conduire le peuple de Dieu: ils annoncent la Parole dont eux-mêmes sont invités à témoigner dans le monde; ils communiquent la grâce par les sacrements qu’ils confèrent; ils célèbrent et président l’Eucharistie, où leur ministère trouve son accomplissement.

Dans le sillage de celui des Apôtres, le ministère des prêtres est tout à la fois pastoral, sacramentel et missionnaire. Choisis par Dieu à l’intérieur de son peuple, c’est au sein de ce peuple qu’ils entendent son appel, dont l’authenticité est vérifiée par l’Église. Le sens des besoins de la mission, l’appel à animer les communautés ecclésiales, constituent des chemins par lesquels est perçue la vocation sacerdotale. Pour y répondre positivement, il faut un climat de prière et de générosité spirituelle. Outre la communauté du séminaire, on peut dire que c’est tout le peuple de Dieu qui a la responsabilité d’entretenir les conditions qui permettent à ces vocations d’éclore et de s’épanouir, pour son propre service.

Plus spécialement, je vous encourage à aider votre clergé à demeurer fidèle à ses engagements et à écarter toute tentation de mener une double vie. A cette fin, je souhaite que vous partagiez avec vos collaborateurs immédiats dans le sacerdoce les réflexions et la prière que j’ai ajoutées à la lettre que j’adresse aux prêtres du monde entier à l’occasion du Jeudi Saint 1993.

7. En République Centrafricaine, comme sur l’ensemble du continent africain, un grand nombre de sectes lancent un défi pastoral à l’Église catholique. Ce problème a fait l’objet de votre réflexion et vous avez publié en janvier 1990 un document pour aider les pasteurs et les fidèles à faire face au prosélytisme des « nouveaux groupes religieux ».

Parmi les personnes les plus vulnérables à l’influence des sectes, il faut mentionner les jeunes, volontiers attirés par la nouveauté qu’elles présentent ou par la sécurité qu’elles prétendent donner; il y a aussi les femmes, les gens isolés dans les zones urbaines ou dans les banlieues. Ces personnes peuvent être attirées par des offres de guérison corporelle ou spirituelle, ou par la promesse de solutions immédiates à leurs problèmes, voire de réussite professionnelle ou économique. Parfois, l’accent est mis sur une conversion spirituelle entendue dans un sens étroit, qui n’est pas conforme à l’Évangile et qui veut ignorer les responsabilités sociales ou politiques.

Tout en cherchant, à l’exemple du Christ, à entrer en relation avec tous, et en s’efforçant au dialogue chaque fois que c’est possible, il convient, comme vous le faites, de développer ce qu’il y a de meilleur dans l’Église. Une fois encore, il faut souligner l’importance du travail de formation. En outre, les petites communautés chrétiennes, dont la vitalité est chez vous remarquable, contribueront à développer le sens de l’accueil, la fraternité chaleureuse et l’attention personnalisée, auxquels nos contemporains sont particulièrement sensibles.

8. Dans votre pays, les musulmans, qui augmentent en nombre, sont des partenaires importants: ils sont porteurs d’authentiques valeurs religieuses. Toutefois, le manque de concepts communs peut rendre le dialogue difficile. En outre, certaines méthodes de conversion à l’Islam ne sont pas sans poser des problèmes.

C’est sans doute au niveau de la famille, entendue dans son sens large, et de la vie commune au village qu’une bonne entente a des chances de progresser. Je souhaite que, notamment avec le concours des religieux et des religieuses, dont le dévouement dans les oeuvres de miséricorde et le témoignage d’une vie consacrée à Dieu sont grandement appréciés des milieux musulmans, une collaboration fructueuse et pacifique s’instaure dans le domaine du développement et qu’on oeuvre ensemble pour plus de justice dans la société.

9. Et j’en reviens à ce qui me semble un aspect particulièrement urgent de votre mission, aujourd’hui, en Centrafrique: donner de l’espoir à votre peuple. En effet, lorsque se fait sentir la tentation d’un diagnostic global de faillite, il faut prendre conscience des réalités positives qui sont sources de dynamisme pour l’avenir. Dans le sillage des pères et frères missionnaires d’antan, poursuivez l’engagement social qui a tant favorisé le rapprochement des populations et développez l’esprit de service. L’Église en Centrafrique peut faire naître et entretenir une espérance réelle dans les coeurs: par certaines réalisations, telle la protection maternelle et infantile, bien enracinée chez vous; par le travail d’animation dans les villages et dans les villes; par le souci des pauvres, dont l’Église témoigne éloquemment en Centrafrique; par l’insistance sur le respect de la conscience professionnelle chez les chrétiens jeunes et adultes ainsi que par leur engagement à oeuvrer au développement du pays en servant la cause de la justice et de la paix.

10. En conclusion, je voudrais vous adresser, à vous-mêmes et à vos communautés diocésaines, mes voeux de renouveau dans la foi à l’occasion de l’année du centenaire. J’invoque la lumière et la force de l’Esprit Saint spécialement sur ceux et celles qui sont chargés d’animer les diverses activités destinées à raviver l’engagement des baptisés à suivre le Christ et à témoigner authentiquement de l’Évangile dans leur vie.

Je confie les souhaits que je forme pour vous tous à Notre-Dame, Reine des Apôtres. Puisse-t-elle vous conduire, pasteurs et fidèles, vers son Fils Jésus et vous donner un nouvel élan missionnaire pour annoncer l’Évangile!

De grand coeur, je vous donne ma Bénédiction Apostolique, que j’étends à vos collaborateurs et aux fidèles de vos diocèses.


[1] Const. ap. Fidei depositum.
[2] Christifideles laici, CL 46.
[3] Concile Vatican II, Décret Christus Dominus, CD 37.
[4] Evangelii nuntiandi, EN 71.



Discours 1993 - Cathédrale de Notre Dame des Miséricordes à Cotonou, Jeudi 4 février 1993