Discours 1994 - Samedi 15 janvier 1994


AU TRIBUNAL DE LA ROTE ROMAINE POUR L'INAUGURATION DE L'ANNÉE JUDICIAIRE

Vendredi 28 janvier 1994




1. Je vous suis extrêmement reconnaissant, Mgr le doyen, des nobles sentiments que vous venez de m'exprimer au nom de tous ceux qui sont ici présents. Je vous salue cordialement, ainsi que le collège des prélats auditeurs, les officiers et tous ceux qui sont au service du tribunal de la Rote, ainsi que les membres du Studio de la Rote et les avocats. A tous, mes voeux les plus fervents dans le Seigneur!

Mgr le doyen, je voudrais encore vous adresser personnellement mes souhaits tout particuliers de travail serein et profitable, à vous qui assumez depuis peu de temps l'honneur et la charge de diriger ce tribunal, après avoir succédé à Mgr Fiore, dont je garde affectueusement le souvenir. Que Notre-Dame du Bon Conseil. Siège de la Sagesse, vous assiste chaque jour dans l'accomplissement de votre important service ecclésial.



2. J'ai écouté avec un vif intérêt les profondes réflexions que vous avez développées sur les racines humaines et évangéliques qui sont la base de l'activité de ce tribunal, et soutiennent son engagement au service de la justice. Plusieurs de ces thèmes mériteraient d'être repris et développés. Mais l'allusion toute spéciale que vous avez faite à ma récente encyclique Veritatis splendor m'incite à m'entretenir avec vous ce matin du rapport suggestif qui existe entre la splendeur de la vérité et celle de la justice. En tant que participation à la vérité, la justice possède elle aussi sa splendeur, capable de susciter chez le sujet une réponse libre, non purement extérieure, mais qui vient du plus intime de la conscience.

Déjà, s'adressant à la Rote, mon grand prédécesseur le pape Pie XII donnait cet avertissement autorisé: «Le monde a besoin de la vérité qu'est la justice, et de cette justice qui est la vérité» (supra, p. 23). La justice de Dieu et la loi de Dieu sont le reflet de la vie divine. Mais la justice humaine doit elle aussi s'efforcer de refléter la vérité, en participant à sa splendeur. «Quandoque iustitia veritas vocatur», rappelle saint Thomas (Summa theologiae, II-II II-II 58,4 Summa theologiae, II-II 58,4 ad 1m ). Il en voit le motif dans l'exigence que la justice soit mise en oeuvre selon la droite raison, c'est-à-dire selon la vérité. Il est donc légitime de parler de la «splendor legis»: en effet, la fonction de tout ordre juridique est le service de la vérité, «unique fondement solide sur lequel peut s'appuyer la vie personnelle, conjugale et sociale» (supra, p. 221). Il faut donc que les lois humaines s'efforcent de refléter la splendeur de la vérité. Evidemment, cela vaut aussi pour leur application concrète, qui est également confiée à des hommes.

L'amour de la vérité ne peut pas ne pas se traduire par un amour de la justice et par un effort subséquent pour établir la vérité dans les relations à l'intérieur de la société humaine; et, chez les sujets, il doit exister un amour de la loi et du système judiciaire, qui représentent l'effort humain destiné à présenter des normes concrètes pour résoudre les cas pratiques.



Les droits de chacun et les devoirs de tous

3. Aussi est-il nécessaire que tous ceux qui administrent la justice dans l'Eglise parviennent, grâce à un entretien assidu avec Dieu dans la prière, à entrevoir sa beauté. Entre autres choses, cela les disposera à apprécier la richesse de vérité du nouveau Code de droit canonique, reconnaissant que sa source d'inspiration se trouve dans le Concile Vatican II, dont les directives n'ont pas d'autre but que de promouvoir la communication vitale de chaque fidèle avec le Christ et avec ses frères.

La loi ecclésiastique se préoccupe de protéger les droits de chacun dans le contexte des devoirs de tous à l'égard du bien commun. A cet égard, le Catéchisme de l'Eglise catholique fait la remarque suivante: «Envers les hommes, la justice dispose à respecter les droits de chacun et à établir dans les relations humaines l'harmonie qui promet l'équité à l'égard des personnes et du bien commun» (CEC 1807).

Quand les pasteurs et les ministres de la justice encouragent les fidèles, non seulement à exercer leurs droits ecclésiaux mais à prendre également conscience de leurs devoirs pour les accomplir fidèlement, c'est bien à cela qu'ils veulent les amener: faire l'expérience personnelle et immédiate de la «splendor legis». En effet, le fidèle qui reconnaît, sous l'impulsion de l'Esprit, la nécessité d'une profonde conversion ecclésiologique, transformera l'affirmation et l'exercice de ses droits en une acceptation des devoirs d'unité et de solidarité en vue de la mise en oeuvre des valeurs supérieures du bien commun (supra, p. 165).

En revanche, l'utilisation de la justice au service d'intérêts individuels ou pastoraux, peut-être sincères mais qui ne sont pas fondés sur la vérité, aura pour conséquence la création de situations sociales et ecclésiales de défiance et de suspicion, qui exposeront les fidèles à la tentation de n'y voir qu'une lutte entre intérêts rivaux, et non pas un effort commun pour vivre selon le droit et la justice.



4. Toute l'activité du juge ecclésiastique, comme l'exprima déjà mon vénéré prédécesseur Jean XXIII, consiste dans l'exercice du «ministerium veritatis» (supra, p. 74). Dans cette perspective, il est facile de comprendre que le juge ne peut se passer d'invoquer le «lumen Domini», afin de pouvoir distinguer en chaque cas la vérité. Mais, à leur tour, les parties intéressées ne devraient pas manquer de demander pour elles-mêmes, dans la prière, la disposition d'accepter de manière radicale la décision définitive, même si c'est après avoir épuisé tout moyen légitime pour contester ce que, en conscience, ils pensent ne pas correspondre, dans le cas précis, à la vérité et à la justice.

Si les administrateurs de la loi s'efforcent d'observer une attitude de pleine disponibilité aux exigences de la vérité, avec un rigoureux respect des normes de la procédure, les fidèles pourront garder la certitude que la société ecclésiale développe sa vie sous le régime de la loi, que les droits ecclésiaux sont protégés par la loi, que la loi, en dernière analyse, est l'occasion d'une réponse amoureuse à la volonté de Dieu.



La justice, la miséricorde et la vérité

5. Mais la vérité n'est pas toujours facile: son affirmation apparaît parfois très exigeante. Cela n'empêche pas qu'elle doit toujours être respectée dans la communication et les relations entre les hommes. Cela vaut aussi pour la justice et pour la loi: elles aussi n'apparaissent pas toujours faciles. La tâche du législateur — universel ou local — n'est pas aisée.

Puisque la loi concerne le bien commun — «Omnis lex ad bonum commune ordinatur» (Summa theologiae, I-II I-II 90,2) —, il est bien compréhensible que, s i cela est nécessaire, le législateur demande aux individus des sacrifices parfois lourds. De leur côté, les individus y répondront par l'adhésion libre et généreuse de celui qui sait reconnaître, non seulement ses propres droits, mais aussi les droits des autres. Il s'ensuivra une réponse forte, soutenue par un esprit d'ouverture sincère aux exigences du bien commun, en étant conscients des avantages qui, en définitive, en découlent pour la personne elle-même.

Vous connaissez bien la tentation de réduire, au nom d'une conception erronée de la compassion et de la miséricorde, les lourdes exigences qui découlent de l'observance de la loi. A cet égard, il faut réaffirmer que, s'il s'agit d'une violation qui ne touche que la personne, il suffit de se reporter à l'injonction: «Va et, désormais, ne pêche plus» (Jn 8,11). Mais, si sont en jeu les droits d'autrui, la miséricorde ne peut être donnée ou reçue sans faire face aux obligations qui correspondent à ces droits.

Il est également nécessaire de mettre en garde contre la tentation de se servir des preuves et des normes processuelles pour parvenir à une fin «pratique», que l'on pense peut-être être «pastorale», au détriment pourtant de la vérité et de la justice.

Il y a quelques années, m'adressant à vous, j'ai fait allusion à une «déformation» dans la vision du caractère pastoral du droit ecclésial: elle «consiste à attribuer une portée et des intentions pastorales uniquement aux aspects de modération et d'humanité qui sont immédiatement en rapport avec l'aequitas canonica: c'est-à-dire à penser que seuls les exceptions aux lois, le non recours éventuel aux procès et aux sanctions canoniques, l'allégement des formalités juridiques, ont véritablement une importance pastorale». Mais j'avertissais que, de cette manière, on oublie facilement que «eux aussi, la justice et le droit au sens strict — et par conséquent les normes générales, les procès, les sanctions et les autres manifestations typiques de l'ordre judiciaire, chaque fois qu'elles s'avèrent nécessaires — sont requis dans l'Eglise pour le bien des âmes et sont donc des réalités intrinsèquement pastorales» (supra, p. 219).

Il demeure qu'il n'est pas toujours facile de résoudre un cas selon la justice, mais la charité ou la miséricorde — rappelais-je en la même occasion — «ne peuvent faire abstraction des exigences de la vérité. Un mariage valide, même s'il connaît de graves difficultés, ne pourrait pas être considéré comme invalide sans que l'on fasse violence à la vérité et en minant, de cette manière, l'unique fondement solide sur lequel peut s'appuyer la vie pastorale, conjugale et sociale» (ibid., p. 221).

Ce sont là des principes que je ressens le devoir de réaffirmer avec une particulière fermeté en cette Année de la famille, alors que l'on perçoit toujours plus clairement les risques qu'une mauvaise «compréhension» fait encourir à l'institution familiale.



6. Enfin, une juste attitude à l'égard de la loi tient également compte de sa fonction d'instrument au service du bon fonctionnement de la société humaine et, en ce qui concerne l'Eglise, de l'affirmation de la «communion».

Pour nourrir cette authentique «communion,» telle que le Concile Vatican II l'a décrite, il est absolument nécessaire de susciter un sens correct de la justice et de ses exigences raisonnables.

Aussi une des préoccupations du législateur et des administrateurs de la loi sera, respectivement, de créer et d'appliquer des normes qui soient fondées sur la vérité de ce que l'on doit faire dans les relations sociales et personnelles. L'autorité légitime devra ensuite s'efforcer de promouvoir la formation correcte de la conscience personnelle (cf. Veritatis splendor VS 75) pour que, bien formée, la conscience adhère naturellement à la vérité et ressente en elle un principe d'obéissance qui la pousse à se conformer aux directives de la loi (cf. ibid., 60; cf. encyclique Dominum et vivificantem de Jean-Paul II, 18 mai 1986, dans AAS, 78 [1986], PP 859-860, n° 43).



7. Ainsi, que ce soit dans le domaine individuel ou dans le domaine social, et plus spécifiquement ecclésial, la vérité et la justice pourront déployer leur splendeur: plus que jamais, toute l'humanité a aujourd'hui besoin de cela pour trouver la voie droite et son but final qui est Dieu.

Quelle importance a donc votre travail, illustres prélats auditeurs et chers collaborateurs de la Rote romaine! J'espère que les quelques considérations que je viens de vous exposer seront pour vous un stimulant et un soutien dans l'accomplissement de votre activité, pour laquelle je vous exprime mes voeux les plus cordiaux tandis que je vous assure de mon spécial souvenir dans la prière.

Pour confirmer ces sentiments, je vous accorde bien volontiers ma bénédiction, que je voudrais étendre aussi à tous ceux qui, dans l'Eglise, travaillent à cette tâche délicate de l'administration de la justice.



Février 1994

AU NOUVEL AMBASSADEUR DU JAPON PRÈS LE SAINT-SIÈGE, S. Exc. M. TADAO JOHANNES ARAKI, À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Jeudi 10 février1994




Monsieur l’Ambassadeur,



Soyez le bienvenu au Vatican, où j’ai le plaisir de recevoir Votre Excellence à l’occasion de la présentation des Lettres qui l’accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Japon près le Saint-Siège.

En vous remerciant vivement des paroles très courtoises que vous m’avez adressées et qui témoignent de nobles sentiments, je tourne en premier lieu ma pensée vers Leurs Majestés l’Empereur et l’Impératrice du Japon, que j’ai eu la joie d’accueillir en septembre dernier à Castelgandolfo. Dans l’agréable souvenir de cette rencontre, je vous demanderai, Monsieur l’Ambassadeur, de leur présenter mes salutations déférentes et de leur renouveler mes sentiments d’estime ainsi que mes meilleurs souhaits pour leurs personnes et leur santé. Je salue également les membres du Gouvernement et j’invoque l’aide de Dieu sur tous les hauts responsables qui sont au service de la nation japonaise. Enfin, je suis heureux de pouvoir adresser, à travers vous, un salut chaleureux à l’ensemble de vos compatriotes; je leur offre mes voeux de bonheur et de prospérité.

Dans votre aimable allocution, vous avez bien voulu évoquer l’engagement du Siège Apostolique en faveur de la paix dans le monde, et la contribution qu’il s’efforce d’apporter au développement intégral des peuples de la terre. J’ai été sensible à ces marques d’appréciation et je vous en sais gré: elles sont pour moi, et aussi pour mes collaborateurs, un encouragement à poursuivre notre service de l’homme dans ce monde reçu de Dieu, dont nous sommes les intendants et dont nous cherchons à mettre en valeur les biens, selon les desseins du Créateur, pour les partager avec tous les membres de la grande famille humaine.

Il me plaît de vous entendre dire que votre pays, dont on attend évidemment beaucoup dans le cercle des nations, est prêt à participer activement à la réalisation des objectifs poursuivis par la Communauté internationale. Je souhaite que le Japon d’aujourd’hui continue à se faire le défenseur des idéaux les plus élevés, qu’il soit un messager d’universalité et qu’il stimule l’entente sereine entre les peuples, en premier lieu dans les autres pays d’Asie.

Ainsi que l’a déclaré le deuxième Concile du Vatican, « tout élément de la famille humaine porte, en lui-même et dans ses meilleures traditions, quelque élément de ce trésor spirituel que Dieu a confié à l’humanité, même si beaucoup en ignorent l’origine » [1]. Certes, s’il convient de chercher à offrir à l’homme les avantages matériels qui sont les fruits de l’admirable dynamisme et du savoir-faire de grande qualité de votre peuple, il importe en même temps de promouvoir le plein épanouissement spirituel de la personne humaine. Votre présence en ces lieux, Monsieur l’Ambassadeur, est un signe que votre pays apprécie les valeurs religieuses et les motivations qu’elles suscitent au coeur de l’être humain pour perfectionner son existence et la vie communautaire.

Vous avez fait allusion, Excellence, au voyage pastoral que la providence m’a donné d’accomplir sur votre sol en 1981 et qui demeure bien présent dans ma mémoire. En effet, cette visite m’a d’abord procuré la joie de faire la connaissance de vos compatriotes et d’être témoin de leurs vénérables traditions culturelles, notamment de leur délicate attention à la vie mystérieuse de la nature, à ses changements et à sa beauté; également, j’ai pu apprécier l’estime véritable qu’ils portent à la vie spirituelle. En m’adressant aux diplomates en poste à Tokyo, j’avais fait observer que la base de toute activité féconde pour favoriser des rapports pacifiques entre les nations est à coup sûr la capacité d’évaluer avec pertinence et sympathie les qualités spécifiques des uns et des autres. Et j’ajoutais que votre pays, par son histoire et sa culture, constituait une véritable école de compréhension, pour le bénéfice des relations humaines. J’aime à reprendre ces propos en m’adressant à vous aujourd’hui.

Ce voyage m’avait aussi permis de constater que le christianisme, malgré le petit nombre de ses adhérents au Japon, était un certain point de référence, une route reconnue vers la divinité, la route tracée par le Christ lui-même, « Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Vous me permettrez, Monsieur l’Ambassadeur, de saisir l’occasion de cette cérémonie officielle pour saluer cordialement les membres de l’Eglise catholique au Japon. En leur redisant ma sollicitude, je les invite à grandir dans la foi, convaincus qu’une vie de témoignage demeure le premier des apostolats. Egalement, je forme le voeu que, sous la conduite de leurs évêques, ils continuent à collaborer au service de la nation et que, notamment en cette « Année internationale de la Famille », ils s’efforcent de développer les valeurs familiales, pour le bien de la société dans laquelle ils vivent.

Au moment où commence votre mission, je vous offre mes voeux les meilleurs pour l’heureux accomplissement de votre tâche. Je ne doute pas qu’elle contribuera à accroître les liens d’amitié existant déjà entre le Japon et le Saint-Siège. Soyez assuré que vous trouverez ici l’accueil attentif et compréhensif dont vous pourrez avoir besoin.

Sur Votre Excellence, sur Leurs Majestés l’Empereur et l’Impératrice, sur le gouvernement et le peuple japonais, j’invoque de grand coeur l’abondance des Bénédictions divines.

[1] Gaudium et Spes, GS 86.




À L'OCCASION DU 150e ANNIVERSAIRE DE L'HISTOIRE DES VOCATIONS DU COLLÈGE BELGE

Chapelle «Redemptoris Mater», Samedi 12 février 1994






… Je suis heureux de saluer aussi les membres des familles et les amis, venus participer aux différentes célébrations. Je voudrais leur rappeler la place spécifique des parents, des frères, des soeurs et de l’entourage dans l’éveil des vocations sacerdotales et dans leur croissance, puis dans le soutien des prêtres au long de leur ministère pastoral.

Je n’oublie pas la grande grâce qui m’a été donnée de pouvoir accomplir au Collège belge une partie de mes études théologiques et de bénéficier du soutien d’une communauté sacerdotale fraternelle et fervente, nécessaire pour la fécondité de la formation intellectuelle, pour la vie spirituelle et pour l’action pastorale.

Dans quelques mois, je me rendrai dans votre pays à l’occasion de la béatification du Père Damien de Veuster. Nous prions donc au cours de cette Eucharistie pour vos compatriotes, et particulièrement pour les prêtres et les séminaristes. Demandons au Christ de faire descendre son Esprit sur les ministres de l’Eglise, pour que tous ceux qui ont une charge pastorale l’exercent véritablement selon l’exemple que le Seigneur nous livre dans l’Evangile de ce jour. En étant attentifs à leurs contemporains qui ont faim et soif de la Bonne Nouvelle, qu’ils aient toujours à coeur de leur transmettre, avec un esprit de service, la parole de vérité et de vie, et de leur communiquer, par les sacrements, les grâces dont ils ont besoin pour remplir leur vocation baptismale! Ainsi, tous ensembles, avec l’aide du Sauveur ils construiront l’Eglise, Corps du Christ, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.




AUX ÉTUDIANTS DU LYCÉE «SAINT-THOMAS D'AQUIN» D'OULLINS, EN FRANCE

Lundi 28 février 1994




Chers jeunes,

1. Je suis heureux de vous accueillir dans la maison du Successeur de Pierre, au cours de votre pèlerinage à Rome, vous qui venez de Lyon, terre de martyrs dans laquelle je me suis rendu en 1986.

Je souhaite que votre séjour dans cette ville, où Pierre et Paul ont donné leur vie, soit une occasion de raviver votre foi au Christ par une adhésion qui soit raisonnable et amoureuse. La philosophie que vous apprenez au lycée Saint-Thomas d’Aquin vous ouvre la possibilité d’une intelligence du mystère chrétien. Mais pour suivre totalement le Seigneur, il faut aussi s’engager à sa suite avec tout son coeur. Rappelez-vous que le Christ veut faire réussir votre vie et qu’il vous envoie au milieu de vos frères pour leur annoncer que Dieu nous aime infiniment. Lui, Jésus, est venu habiter chez nous pour nous dire que notre demeure est près de Lui, selon la formule du Pape Léon le Grand. Prenez conscience de la responsabilité qui est la vôtre dans le monde et dans l’Église, le Corps du Christ! Sachez que vous pouvez compter sur l’aide de l’Église qui a aussi besoin de vous.

Nous sommes dans le temps de Carême, temps de pénitence, pour nous disposer à mieux accueillir le mystère de la Résurrection; le Seigneur nous invite au pardon. N’ayez pas peur de vous approcher de ce grand sacrement par lequel nous sommes réconciliés avec Dieu, qui nous redit ainsi qu’aucun acte ne peut définitivement altérer notre beauté originelle, présente au fond de notre être.

Au terme de notre rencontre, pour vous accompagner dans votre démarche, particulièrement en ce moment où vous vous apprêtez à faire des choix qui engageront toute votre existence, je vous accorde de grand coeur ma Bénédiction Apostolique et je l’étends volontiers à ceux qui vous accompagnent, prêtre et laïcs, ainsi qu’à toutes vos familles, qui sont pour chacun un don précieux.


Mars 1994



AUX ÉTUDIANTS DE LA FACULTÉ ORTHODOXE DE THÉOLOGIE DE THESSALONIQUE

Samedi 5 mars 1994



Chers amis,



«A vous grâce et paix»[1]: avec ces paroles de l’Apôtre Paul aux Thessaloniciens, je vous souhaite la bienvenue, à vous, étudiants de la faculté de théologie de Thessalonique.

A Rome, vous découvrez un patrimoine chrétien, sans doute différent du vôtre, mais complémentaire; vos contacts personnels favoriseront le partage fraternel des démarches théologiques et spirituelles, qui est une contribution et un enrichissement pour la vie de nos Eglises en vue de l’unité, ainsi que pour la construction de l’Europe des peuples et de la foi. Dans cette perspective, l’oeuvre des saints Cyrille et Méthode, que j’ai voulu proclamer patrons de l’Europe avec saint Benoît, est pour nous exemplaire; en partant de votre cité, ils sont venus à Rome, avant d’aller dans la région du Danube pour annoncer l’Evangile, dans le respect des cultures rencontrées. A la suite des saints frères de Thessalonique, puissiez-vous être comme des traits d’union entre nos deux traditions et entre nos Eglises!

Des liens spirituels et historiques nous unissent. En effet, à Thessalonique comme à Rome, Paul a prêché l’Evangile. Ses Lettres aux Thessaloniciens et aux Romains demeurent un appel vigoureux à saisir, grâce à l’intelligence, la profondeur du mystère de Dieu, pour y adhérer pleinement. Vos recherches en théologie doivent pouvoir vous conduire jusqu’à une compréhension toujours plus profonde de la Parole vivante, pour en être les témoins auprès des hommes de notre temps, qui attendent de connaître le Sauveur du monde.

Dès votre retour dans votre patrie, je vous demande de transmettre mon salut cordial à vos évêques, en particulier au Métropolite Panteleimon de Thessalonique, ainsi qu’à l’ensemble des professeurs et des étudiants de la faculté de théologie. En terminant, je vous confie à la miséricorde de la sainte Trinité et à l’intercession de la Theotokos, en reprenant les paroles de l’Apôtre Paul: «Nous faisons mention de vous dans nos prières, sans cesse, nous gardons le souvenir de votre foi active, de votre amour qui se met en peine, et de votre persévérante espérance, qui nous viennent de notre Seigneur Jésus-Christ»[2].

[1] 1Th 1,1.
[2] 1Th 1,2-3.





AUX PARTICIPANTS AU XIVème CONGRÈS MONDIAL ORGANISÉ PAR L'OFFICE INTERNATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE

Samedi 5 mars 1994



Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Chers amis,



1. Je suis heureux de vous accueillir, vous qui participez au XIVème Congrès mondial de l’« Office international de l’Enseignement catholique », sur le thème: « L’Ecole catholique au service de tous ». Votre présence à Rome manifeste votre souci constant de remplir votre mission éducative dans l’esprit de l’Evangile et selon les enseignements du magistère, ainsi que votre désir de renforcer sans cesse vos liens avec le Saint-Siège. J’adresse un salut particulier à votre Président, Monseigneur Angelo Innocent Fernandes, et à votre Secrétaire général, le Père Andrés Delgado Hernandez, que je remercie vivement pour le travail accompli avec dynamisme et avec dévouement, en poursuivant la ligne du Frère Paulus Adams, mort récemment et que nous confions au Seigneur. Je ne veux pas oublier les fondateurs de votre association, et tout spécialement Monseigneur Michel Descamps, qui s’est longuement dépensé dans le service de l’Enseignement catholique.

2. Au nom de toute l’Eglise, je désire vous adresser mes profonds remerciements et ma vive gratitude pour votre action, et, à travers vous, ces remerciements vont à tous ceux qui oeuvrent dans l’Enseignement catholique, dans tous les continents. Votre bulletin témoigne de l’élan missionnaire qui anime la communauté éducative catholique. J’apprécie aussi votre attachement et votre fidélité à suivre les orientations données par l’Eglise en matière d’éducation et de formation. En effet, les différents documents sur l’éducation qui émanent du magistère, spécialement depuis le Concile, sont pour vous une source importante d’inspiration.

Vous remplissez une des missions essentielles de l’Eglise tout entière: éduquer des jeunes pour les conduire, à travers les différentes étapes de leur croissance, jusqu’à la maturité humaine et chrétienne. Saint Jean Chrysostome résumait cette charge par deux commandements conjoints: « Chaque jour, regardez les jeunes attentivement » et « Elevez des athlètes pour le Christ » [1].

3. Comme le rappelle le thème de votre Congrès, votre désir légitime est de permettre à tous les jeunes, indépendamment de leurs convictions religieuses et de leur race, de recevoir l’éducation spécifique à laquelle ils ont droit, en vertu même de leur dignité personnelle [2]. Selon le principe de subsidiarité auquel l’Eglise demeure très attachée [3], les parents doivent pouvoir choisir l’école, publique ou privée, à laquelle ils veulent confier leurs enfants. Il appartient aux gouvernements, qui ont la lourde charge d’organiser le système éducatif, de rendre concrètement possible l’exercice de cette liberté.

Votre perspective est de faire en sorte que, chez les jeunes, la longue période de la formation serve à la croissance de tout l’homme et de tout homme, en évitant une vision élitiste de l’Ecole catholique, car celle-ci est appelée à donner à chacun les chances nécessaires pour la construction de sa personnalité, de sa vie morale et spirituelle, comme pour son insertion dans la société. Cette perspective s’appuie sur les principes évangéliques qui guident votre action d’éducateurs. L’attention de l’Ecole catholique à ceux qui n’ont pas toujours les moyens de recevoir l’éducation à laquelle ils peuvent prétendre est aussi une manifestation de la mission maternelle de l’Eglise. Ceux qui ont des moyens économiques faibles, qui sont privés d’assistance, qui n’ont pas la foi ou qui n’ont pas de familles doivent pouvoir être parmi les bénéficiaires privilégiés de l’Enseignement catholique [4].

4. L’Ecole catholique ne peut se contenter de donner une formation intellectuelle aux jeunes générations. En effet, l’institution scolaire est pour chacun, enseignants et élèves, un lieu chaleureux, une grande famille éducative [5] où chaque jeune est respecté au-delà de ses capacités et de ses possibilités intellectuelles, qui ne peuvent être considérées comme les seules richesses de sa personne. C’est la condition essentielle pour que les talents de chacun puissent croître. En effet, la mission primordiale de l’Ecole catholique est de former des hommes et des femmes, qui, dans le monde de demain, pourront donner le meilleur d’eux-mêmes pour le bien de la société et de l’Eglise. Les différents établissements scolaires catholiques ne doivent jamais perdre de vue la tâche particulière qui leur incombe. Hormis la nécessité de dispenser un enseignement de qualité, les enseignants et les éducateurs doivent aussi s’attacher à former aux valeurs morales et spirituelles, essentielles pour toute existence humaine, et à témoigner eux-mêmes du Christ, source et centre de toute vie. Ils auront toujours à coeur de rendre compte de l’espérance qui est en eux [6]. La formation de l’intelligence doit nécessairement s’accompagner de la formation de la conscience et du développement de la vie morale par la pratique des vertus, ainsi que de l’apprentissage de la vie sociale et de l’ouverture au monde. Cette indispensable éducation intégrale de l’homme est la voie du développement et de la promotion de la personne et des peuples, le chemin de la solidarité et de l’entente fraternelle, la route du Christ et de l’Eglise [7].

Dans la société moderne, l’éducation aux valeurs est sans doute le défi le plus grave pour l’ensemble de la communauté éducative que vous formez. Transmettre une culture ne peut se faire sans la transmission, dans le même temps, de ce qui en est le fondement et l’âme la plus intérieure, la vérité et la dignité, révélées par le Christ, de la vie et de la personne humaine, qui trouve en Dieu son origine et sa fin. Ainsi, les jeunes découvriront le sens profond de leur existence et pourront entretenir en eux l’espérance.

5. Votre longue tradition et votre grande expérience de formateurs vous donnent une place reconnue dans le monde international de l’éducation; c’est l’occasion de faire entendre la voix de l’Eglise, dont le souci premier est le développement intégral de la personne, et non, comme la société actuelle est tentée de le penser et de le réaliser, la rentabilité du sujet au sein d’un système politique et économique. Je vous invite donc volontiers à poursuivre et à intensifier les différentes formes possibles de collaboration avec les Conférences épiscopales, pour que votre mission soit pleinement intégrée aux démarches pastorales mises en oeuvre par les pasteurs, ainsi que des collaborations avec les Organisations internationales et avec les différentes associations continentales et nationales qui sont au service de la promotion de l’enseignement et de la formation de la jeunesse. Votre présence est aussi requise auprès des dirigeants des nations, pour que les préoccupations de l’Eglise en matière de formation, d’éducation et de respect des valeurs morales soient toujours mieux prises en compte, spécialement dans les périodes où les programmes d’enseignement sont revus et adaptés aux nouvelles normes scientifiques. Aujourd’hui, des pays ont plus particulièrement besoin de votre soutien. Je pense aux pays du Tiers-Monde, dans lesquels se développent des programmes d’alphabétisation et d’éducation de base, ainsi qu’aux pays de l’Est et aux pays en guerre. La réorganisation du système éducatif est une des voies privilégiées de la reconstruction nationale et de la participation à la vie internationale.

6. Au terme de notre rencontre, je voudrais vous assurer de mon soutien, de ma confiance et de ma prière pour l’oeuvre inlassable accomplie par votre Organisation. Je vous souhaite de repartir confortés à la fin de vos travaux, afin de poursuivre votre mission éducative. En vous confiant à l’intercession de saint Jean Bosco, apôtre de la jeunesse, je vous donne de grand coeur ma Bénédiction Apostolique, que j’étends volontiers à tous les membres de l’Office international de l’Enseignement catholique et à leurs familles, ainsi qu’aux jeunes qui sont les bénéficiaires de vos soins constants.

[1] S. Ioannis Chrysostomi De Institutione parvulorum, 22.19.
[2] Gravissimum Educationis, GE 1.
[3] Ioannis Pauli PP. II Gratissimam Sane, 16.
[4] Cfr. Gravissimum Educationis, GE 8.
[5] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Gratissimam Sane, 16.
[6] Cfr. 1P 3,15.
[7] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Redemptor Hominis, RH 14.






Discours 1994 - Samedi 15 janvier 1994