II-II (Drioux 1852) Qu.65 a.2

ARTICLE II. — est-il permis aux pères de frapper leurs enfants, ou aux maîtres leurs serviteurs (4) ?


Objections: 1. Il semble qu'il ne soit pas permis aux pères de frapper leurs enfants, ni aux maîtres leurs serviteurs. Car l'Apôtre dit (Ep 6,4) : Vous, pères, n'irritez point vos enfants, et plus loin il ajoute : Vous, maîtres, usez-en de même à l'égard de vos serviteurs, et n'employez pas les menaces. Or, les coups excitent à la colère, et ils sont beaucoup plus graves que les menaces. Les pères ne doivent donc pas frapper leurs enfants, ni les maîtres leurs serviteurs.

2. Aristote dit (Eth. lib. x, cap. ult.) que la parole du père doit être seulement un avertissement, mais non une contrainte. Or, il y a contrainte quand on en vient aux coups. Il n'est donc pas permis aux parents de frapper leurs enfants.

3. Il est permis à chacun de faire la correction à un autre ; car ceci appartient à l'aumône spirituelle, comme nous l'avons dit (quest. xxxii, art. 2). Si donc il est permis aux parents de frapper leurs enfants pour les corriger, pour la même raison il sera permis à tout le monde de frapper qui que ce soit; ce qui est évidemment faux. Donc, etc.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Car il est dit (Pr 13,24) : Celui qui épargne la verge hait son fils, et plus loin (Pr 23,13) : N'épargnez point la correction à l'enfant. Car si vous le frappez avec la verge, il ne mourra point. C'est à vous à le frapper, et vous délivrerez son âme de l'enfer. Et ailleurs (Qo 33,28) : La torture et les fers au serviteur qui a de mauvaises intentions.

CONCLUSION. — Puisque le fils est soumis à la puissance du père et le serviteur à celle du maître, il est quelquefois permis aux pères de frapper leurs enfants, et aux maîtres leurs serviteurs.

Réponse Il faut répondre qu'en frappant quelqu'un on ne nuit pas à son corps, ou du moins c'est d'une autre manière qu'en le mutilant. Car la mutilation détruit l'intégrité du corps, tandis que les coups lui font seulement éprouver de la douleur; par conséquent, ils lui nuisent beaucoup moins que la mutilation. Mais il n'est permis de nuire à quelqu'un qu'à titre de châtiment pour un motif de justice. Or, on ne punit justement quelqu'un qu'autant qu'on a sur lui juridiction. C'est pourquoi il n'y a que celui qui a puissance sur un autre qui ait le droit de le frapper. Et parce que le fils est soumis à la puissance du père; le serviteur à celle du maître; le père peut licitement frapper son fils et le maître son serviteur pour le corriger (2).

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la colère étant le désir de la vengeance, elle est surtout excitée quand on se croit injustement blessé, comme on le voit (Rhet. lib. ii, cap. 2). C'est pourquoi en interdisant aux pères d'irriter leurs enfants, on ne leur défend pas de les frapper pour les corriger, mais seulement de le faire immodérément. Et quand on recommande aux maîtres de ne pas menacer leurs serviteurs, cette parole peut s'entendre de deux manières: 1° elle peut signifier qu'on doit user de ce moyen avec discrétion, ce qui se rapporte à la modération de la correction ; 2° elle peut avoir pour objet d'empêcher de tenir toujours les menaces qu'on a faites; ce qui provient de ce que le jugement dont on a menacé quelqu'un à titre de châtiment est quelquefois adouci par la miséricorde.

2. Il faut répondre au second, qu'une plus grande puissance doit avoir un ou plus grande force de coaction. Ainsi l'Etat étant une société parfaite, le chef de l'État doit avoir une puissance coercitive qui soit parfaite aussi. C'est pourquoi il peut infliger des peines irréparables, comme la mort, ou la mutilation. Mais le père et le maître, qui sont les chefs de la famille qui est une société imparfaite, n'ont qu'une puissance coercitive imparfaite et ne peuvent infliger que des peines légères (1) qui ne produisent pas un tort irréparable; comme la fustigation.

3. Il faut répondre au troisième, qu'il est permis à chacun de faire la correction à celui qui y consent. Mais corriger celui qui n'y consent pas, c'est un droit qui n'appartient qu'à celui qui est chargé du soin des autres. Ainsi on ne peut corriger quelqu'un en le frappant qu'autant qu'on a juridiction sur lui.

(1) Cet article est opposé au droit ancien qui accordait pouvoir de vie et de mort aux parents sur leurs enfants.
(2) Le maître peut aussi frapper ses élèves, parce qu'il tient la place de leurs parents ; mais dans la famille, l'aîné ne peut frapper ses frères qu'autant que le père l'en a chargé, ou que, par suite de sa mort ou de son absence, il se trouve en quelque sorte le chef de la famille.
(1) Si la faute demande une peine plus grave, le coupable doit être déféré à la puissance publique, qui statue sur son sort.



ARTICLE III. — est-il permis de mettre un homme en prison?


Objections: 1. Il semble qu'il ne soit pas permis de mettre un homme en prison. Car un acte qui a pour objet une matière illégitime est mauvais dans son genre, comme nous l'avons dit (I-II, quest. xviii, art. 2). Or, l'homme étant naturellement libre ne peut pas être légitimement soumis à l'incarcération qui répugne à la liberté. Il est donc illicite d'incarcérer quelqu'un.

2. La justice humaine doit être réglée par la justice divine. Or, comme le dit l'Ecriture (Si 15,14) : Dieu a abandonné l'homme dans la main de son conseil. Il semble donc qu'on ne doive pas enchaîner ou incarcérer quelqu'un.

3. On ne doit empêcher quelqu'un que de mal agir, et tout individu peut licitement en empêcher un autre de faire le mal. Si donc il était permis d'incarcérer quelqu'un, pour l'empêcher de mal agir, il serait permis à tout le monde d'infliger cette peine, ce qui est évidemment faux. Donc, etc.

En sens contraire Mais c'est le contraire. On lit (Lv 24) qu'on jeta un individu en prison pour avoir blasphémé.

CONCLUSION. — Il est permis d'incarcérer un homme ou de le retenir par force, conformément à l'ordre de la justice ; mais contrairement à cet ordre, c'est une chose défendue.

Réponse Il faut répondre que parmi les biens du corps, il y en a de trois ordres à considérer. 1° Il y a l'intégrité de la substance corporelle à laquelle on nuit par le meurtre ou la mutilation. 2° Il y a la délectation ou le repos des sens qui a pour contraire la fustigation ou tout ce qui produit le sentiment de la douleur. 3° Enfin il y a le mouvement et l'usage des membres qu'on empêche au moyen des chaînes ou de la prison, ou par toute autre espèce de détention. C'est pourquoi il est défendu d'incarcérer quelqu'un ou de le tenir captif de quelque manière, si on ne le fait selon l'ordre de la justice, soit pour le punir, soit pour éviter un plus grand mal.

Réponse Il faut répondre au premier argument, que l'homme qui abuse de la puissance qui lui a été donnée, mérite delà perdre. C'est pourquoi l'homme qui en péchant abuse du libre usage de ses membres, devient un sujet qui mérite d'être incarcéré.

2. Il faut répondre au second, que Dieu selon l'ordre de sa sagesse empêche quelquefois les pécheurs de pouvoir consommer leurs péchés, d'après cette parole de Job (Jb 5,12) : Il dissipe les pensées des méchants et les empêche d'achever ce qu'ils avaient commencé. D'autres fois il leur permet de faire ce qu'ils veulent. De même, selon la justice humaine, les hommes ne sont pas incarcérés pour toute espèce de faute, ils ne le sont que dans certains cas.

3. Il faut répondre au troisième, qu'il est permis à chacun de retenir un individu pendant un temps (1) pour l'empêcher de faire immédiatement une action mauvaise; comme quand on retient quelqu'un pour l'empêcher de se tuer ou de frapper un autre individu. Mais quand il s'agit d'enfermer ou d'enchaîner quelqu'un absolument, c'est un droit qui n'appartient qu'à celui qui peut universellement disposer des actes et de la vie d'un autre ; parce que par là on empêche non-seulement de faire le mal, mais encore de faire le bien.

(I) Les parents et les maîtres peuvent, pendant un temps, tenir enfermés dans leur maison leurs enfants et leurs domestiques pour les corriger, mais ils ne peuvent les faire enfermer dans une prison d'État que sur l'arrêt de la puissance publique.




ARTICLE IV. — le péché est-il aggravé parce que les injures qu'on a faites se rapportent à des personnes unies à d'autres?


Objections: 1. Il semble que le péché ne soit pas aggravé parce que les injures dont nous venons de parler se rapportent à des personnes unies à d'autres. Car ces injures sont coupables, selon qu'elles nuisent à quelqu'un contrairement à sa volonté. Or, le mal qui s'adresse à l'individu lui-même est plus opposé à sa volonté que celui qui frappe une personne avec laquelle il est uni. L'injure faite à une personne avec laquelle on est uni est donc moindre.

2. Dans l'Ecriture sainte on reprend surtout ceux qui font injure aux orphelins et aux veuves. Ainsi il est dit (Si 35,17) : Il ne méprisera point l'orphelin qui le prie, ni la veuve qui répand devant lui ses gémissements. Or, la veuve et l'orphelin ne sont pas des personnes unies à d'autres. On n'aggrave donc pas son péché en injuriant les personnes unies à d'autres.

3. La personne qui est unie à d'autres a sa volonté propre, aussi bien que la personne principale. C'est pourquoi ce qui est contraire à la volonté de la personne principale peut être conforme à la sienne, comme on le voit à l'égard de l'adultère qui plaît à la femme et qui déplaît à l'époux. Or, ces injures sont coupables en raison de ce qu'elles consistent dans une commutation involontaire. Par conséquent, celles qui sont ainsi consenties sont moins répréhensibles.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Il est dit pour montrer le plus grand des malheurs (Dt 28,32) : Vos fils et vos filles seront livrés à un autre peuple sous vos propres yeux.

CONCLUSION. — Celui qui blesse quelqu'un qui est uni à beaucoup d'autres pèche plus grièvement, toutes choses égales d'ailleurs, que celui qui blesse un individu qui est uni à un plus petit nombre de personnes, à moins que ce dernier ne soit élevé en dignité, ou que le tort qui lui a été causé ne soit plus considérable.

Réponse Il faut répondre que plus les individus sur lesquels une injure retombe sont nombreux, toutes choses égales d'ailleurs, et plus le péché est grave. Ainsi le péché est plus grave, si l'on frappe un prince, que quand on frappe un simple particulier, parce qu'alors la faute retombe sur toute la multitude, comme nous l'avons dit (la 2e, quest. lxxiii, art. 9). Or, quand on fait injure à une personne unie à une autre de quelque manière, cette injure s'adresse à deux individus ; c'est pour ce motif que, toutes choses égales d'ailleurs, le péché est plus grave. Cependant il peut arriver que d'après certaines circonstances, le péché que l'on commet contre une personne qui n'est unie à aucune autre soit plus grave, à cause de la dignité de la personne, ou de l'étendue du tort qui lui a été causé.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que l'injure faite à une personne unie à d'autres nuit moins à celui auquel elle est attachée que si elle se rapportait immédiatement à lui, et sous ce rapport le péché est moindre. Mais ce qui regarde l'injure faite à l'individu auquel la personne est unie s'ajoute à la faute commise contre cette dernière, qu'on a blessée en elle- même.

2. Il faut répondre au second, que les injures faites contre les orphelins et les veuves sont plus graves, soit parce qu'elles sont plus opposées à la miséricorde; soit parce que le même tort causé à ces malheureux est plus grave, par là même qu'ils n'ont personne pour leur venir en aide.

3. Il faut répondre au troisième, que par là même que l'épouse consent volontairement à l'adultère, le péché est moindre et l'injure aussi par rapport à la femme. Car il serait plus grave si l'adultère la violentait. Cependant l'injure à l'égard des l'époux n'est pas pour cela détruite; parce que le corps de la femme n'est point en sa puissance, mais en celle de son mari, comme le dit l'Apôtre (1Co 7,4). Il faut raisonner de même des autres choses. À l'égard de l'adultère, comme il n'est pas seulement contraire à la justice, mais encore à la chasteté, nous aurons l'occasion d'en parler dans notre traité de la tempérance (quest. cnv, art. 8).




QUESTION LXY1.

DES PÉCHÉS OPPOSÉS A LA JUSTICE ET D'ABORD DU VOL ET DE LA RAPINE.


Après avoir parlé de l'homicide et des autres péchés par lesquels on fait tort au prochain dans son corps, nous devons nous occuper des péchés opposés à la justice par lesquels on nuit au prochain dans ses biens; c'est-à-dire du vol et de la rapine. — A cet égard neuf questions se présentent : 1° La possession des choses extérieures est-elle naturelle à l'homme ? — 2° Est-il permis à quelqu'un de posséder une chose en propre? — 3° Le vol est-il l'acceptation secrète de la chose d'autrui? — 4° La rapine est- elle un péché d'une autre espèce que le vol ? — 5° Tout vol est-il un péché ? — 6° Le vol est-il un péché mortel ? — 7° Est-il permis de voler dans le cas de nécessité? — 8° Toute rapine est-elle un péché mortel? — 9° La rapine est-elle un péché plus grave que le vol?



ARTICLE I. — la possession des choses extérieures est-elle naturelle à l'homme (1)?


Objections: 1. Il semble que la possession des choses extérieures ne soit pas naturelle à l'homme; car personne ne doit s'attribuer ce qui est à Dieu. Or, le domaine de toutes les créatures est la propriété de Dieu, d'après ces paroles du Psalmiste (Ps 23,1) : La terre est au Seigneur, etc. La possession des choses extérieures n'est donc pas naturelle à l'homme.

2. Saint Basile, expliquant la parole du riche qui dit (Lc 12) : J'abattrai mes greniers, et j'en rebâtirai de plus grands où j'amasserai toute ma récolte et tous mes biens, s'écrie : Dites-moi quels sont vos biens? D'où les avez-vous pris? Or, ce que l'homme possède naturellement, il peut à juste titre l'appeler sien. L'homme ne possède donc pas naturellement les biens extérieurs.

3. Comme le dit saint Ambroise (De Trin. lib. i) : Le mot Seigneur exprime la puissance. Or, l'homme n'a pas de pouvoir sur les choses extérieures; car il ne peut changer leur nature. La possession de ces choses ne lui est donc pas naturelle.

4. Mais c'est le contraire. Il est dit en parlant de l'homme (Ps 8,8) : Vous avez tout placé sous ses pieds.

CONCLUSION. — L'homme a naturellement la possession des choses extérieures, non quant à leur nature, mais quant à leur usage, et il peut en user pour son avantage et son utilité selon la raison et la volonté.

Réponse Il faut répondre qu'on peut considérer les choses extérieures de deux manières : 1° Quant à leur nature. Elle n'est pas soumise à la puissance humaine, mais seulement à la puissance divine à laquelle tous les êtres obéissent à volonté. 2° Quant à leur usage. Sous ce rapport, l'homme a naturellement empire sur les choses extérieures, parce que parla raison et la volonté il peut s'en servir pour son utilité propre, comme ayant été faites pour lui (1); car ce qui est imparfait existe toujours pour ce qui est parfait, comme nous l'avons vu (quest. lxiv, art. 1). Aristote conclut de là (Pol. lib. i, cap. 5) que la possession des choses extérieures est naturelle à l'homme. Cet empire naturel sur les autres créatures qui convient à l'homme, conformément à la raison qui est l'image de Dieu, se manifeste dans la création d'Adam, lorsqu'il est dit (Gn 1,25) : Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance, qu'il préside aux poissons de la mer, etc.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que Dieu a le domaine principal (2) de tout ce qui existe, et d'après sa providence il y a des choses qu'il a destinées au soutien corporel de l'homme; c'est pourquoi l'homme est naturellement maître de ces choses, dans le sens qu'il a le pouvoir d'en l'aire usage.

2. Il faut répondre au second, que ce riche est blâmé parce qu'il croyait que les biens extérieurs étaient à lui principalement, comme s'il ne les eût pas reçus d'un autre, c'est-à-dire de Dieu.

3. Il faut répondre au troisième, que ce raisonnement repose sur la possession des choses extérieures considérées quant à leur nature. Ce domaine n'appartient qu'à Dieu, comme nous l'avons dit (in ccrp. art.).

(I) Cet article établit que le domaine de l'homme sur les choses extérieures est de droit naturel quant à l'usage.
(1) L’usage actuel du domaine suppose que l’on jouit de sa raison. Ainsi les enfants et les insensés n’ayant pas cet usage, ils ne possèdent que le domaine habituel.
(2) Ce domaine est propre à Dieu ; il ne peut pas plus le communiquer à la créature que ses autres attributs.




ARTICLE II. — est il permis à quelqu'un de posséder une chose en propre (3)?


Objections: 1. Il semble qu'il ne soit pas permis à quelqu'un de posséder une chose en propre; car tout ce qui est contre le droit naturel est illicite. Or, d'après le droit naturel, tout est commun, et la propriété des possessions est contraire à cette communauté. Il est donc défendu à l'homme de s'approprier les choses extérieures.

2. Saint Basile, expliquant la parole du riche que nous avons citée (art. préc. arg. 2), dit que comme celui qui arrive le premier à un spectacle empêcherait les autres d'en jouir en s'appropriant ce qui a été fait pour la jouissance commune, ainsi il en est des riches qui considèrent comme leurs biens les choses communes dont ils se sont emparés les premiers. Or, il serait illicite de fermer aux autres la voie et de les empêcher de jouir des biens qui sont communs. Il est donc également illicite de s'approprier les choses qui sont communes.

3. Saint Ambroise dit (Serm. lxiv de temp.) et le Droit porte (Decret. dist. xlvii, cap. Sicut hi) : que personne n'appelle son bien propre ce qui est commun. Or, il entend par ce qui est commun toutes les choses extérieures, comme on le voit d'après ce qu'il dit précédemment. Il semble donc qu'il soit défendu de s'approprier une chose extérieure.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Lib. de haeres. haeres. 40) : On appelle apostoliques ceux qui se sont donné ce nom avec ostentation, parce qu'ils ne reçoivent pas dans leur communion ceux qui ont des femmes et qui possèdent des biens en propre, tels que les moines et une foule de clercs qui appartiennent à l'Eglise catholique. Or, ces sectaires sont hérétiques, parce qu'en se séparant de l'Eglise, ils regardent comme damnés ceux qui font usage de ces biens dont ils sont dépourvus. C'est donc une erreur de dire qu'ils n'ont pas permis à l'homme de posséder quelque chose en propre.

CONCLUSION. — Quoiqu'il ne convienne pas que l'homme ait quelque chose en propre quant à l'usage, cependant il est impie et erroné d'affirmer qu'il ne peut rien posséder en propre quant à la puissance qu'il a de disposer des choses ou de les vendre.

Réponse Il faut répondre qu'à l'égard des biens extérieurs il y a deux choses qui conviennent à l'homme. 1° Le pouvoir de se procurer et de dispenser ces biens, et sous ce rapport il lui est permis de les posséder en propre. Le droit de propriété est aussi nécessaire à la vie humaine pour trois raisons : 1° parce qu'on est plus soigneux, quand il s'agit de cultiver ce que l'on possède en propre que ce qui est commun à tous ou à plusieurs-, car chacun fuit le travail et laisse à un autre ce qui regarde le bien commun, comme il arrive quand il y a une multitude de ministres; 2° parce que les choses humaines sont mieux disposées quand chacun est chargé de s'occuper des intérêts propres de sa famille, tandis qu'il y aurait confusion si tout le monde s'occupait de tout indistinctement; 3° parce que la paix est par là même plus facilement conservée quand chacun est content de ce qu'il a. Aussi voyons-nous que souvent des querelles s'élèvent parmi ceux qui possèdent quelque chose en commun et d'une manière indivise (1). — 2° La seconde chose qui convient à l'homme, à l'égard des biens extérieurs, c'est leur usage. A cet égard, l'homme ne doit pas posséder les choses extérieures, comme si elles lui étaient propres, mais comme étant communes, afin de les donner facilement pour venir en aide à ceux qui sont dans la nécessité (2). C'est ce qui fait dire à l'Apôtre (1Tm 6,17) : Dites aux riches de ce siècle … d'accorder facilement, de répandre de leurs biens, etc.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, qu'on attribue la communauté des biens au droit naturel (3), non que le droit naturel dise qu'on doit tout posséder en commun et rien en propre, mais parce que, d'après le droit naturel, les possessions ne sont pas distinctes, elles le sont plutôt d'après une convention qui appartient au droit positif, comme nous l'avons dit (quest. lvii, art. 2 et 3). Par conséquent, la propriété des possessions n'est pas contraire au droit naturel, mais elle y a été surajoutée par les lumières de la raison humaine.

2. Il faut répondre au second, que celui qui, arrivant le premier au spectacle, en prépare l'entrée aux autres, ne fait pas une action illicite; il n'est coupable qu'autant qu'il empêche les autres d'approcher. De même le riche ne fait pas une mauvaise action, si, prenant le premier possession d'une chose qui était commune dans le principe, il en fait part aux autres; mais il pèche, s'il les empêche absolument d'en jouir. Aussi saint Basile ajoute (loc. cit.) : Pourquoi êtes-vous dans l'abondance et ce malheureux est-il réduit à la mendicité? sinon pour que vous obteniez le mérite d'une sage dispensation de vos biens, et qu'il obtienne une couronne en récompense de sa patience.

3. Il faut répondre au troisième, que quand saint Ambroise dit qu'on n'appelle pas propre ce qui est commun, il parle de la propriété quant à l'usage. C'est pourquoi il ajoute : que le superflu, on ne l'acquiert que par la violence (1).

(3) Ce n’est pas seulement de nos jours que la propriété a été attaquée. Aristote la défend contre Platon dans sa Politique (lib. n. cap. I et seq.), et saint Augustin cite les pseudo-apostoliques, qui prétendaient, comme les communistes actuels, que les apôtres avaient fait une obligation aux fidèles de mettre tous leurs biens en commun.
(1) Ces raisons sont celles que donne Aristote dans sa réfutation du communisme de Platon. d’ailleurs l’expérience est là pour prononcer entre les deux systèmes.
(2) On sera peut-être surpris de retrouver cette théorie si large et si satisfaisante sur la propriété dans Aristote lui-même. Il la résume en quelques mots : Ce qu’il y a de préférable, dit-il, c’est que la propriété soit particulière et que l’usage seul la rende commune.
(3) De droit naturel tout est commun. Le droit naturel n’exige pas que les propriétés soient divisées, mais il y engage, comme à ce qu’il y a de plus convenable. Le droit des gens a consacré cette division; c’est pourquoi il est dit (lib. I Digest.): Ex hoc jure gentium discentes esse gentes, régna condita, dominia distincta, agris terminos positos. Le droit civil a ensuite réglé ce qui consacre le droit des propriétés particulières, et c’est ce qui fait dire à saint Augustin (Tract, vi in ) : Quod haec villa sit mea, et illa tua, est ex jure imperatorum.
(I) Voyez ce que nous avons dit à cet égard de la doctrine des Pères de l'Eglise au sujet de l'aumône (pag. 283 et suiv.).




ARTICLE III. — Est-il de l'essence du vol de prendre en secret ce qui est à autrui (2) ?


Objections: 1. Il semble qu'il ne soit pas de l'essence du vol de prendre la chose d'autrui en cachette; car ce qui diminue le péché ne paraît pas appartenir à son essence. Or, le péché fait en secret est moins grave, puisque pour montrer l'énormité des fautes de certains pécheurs, le prophète dit (Is 3,9) : Ils ont publié hautement leur péché comme Sodome, ils ne Vont pas caché. Il n'est donc pas de l'essence du vol de prendre en secret ce qui est à autrui.

2. Saint Ambroise dit (Serm. lxiv de temp.) et on lit dans le Droit canon (Decret. dist. xlvii, cap. Sicut hi) : qu'on n'est pas moins coupable d'enlever à autrui ce qui lui appartient, que de refuser à ceux qui sont dans le besoin, quand on peut leur donner et qu'on est dans l'abondance. Donc, comme le vol consiste dans l'acceptation d'une chose qui appartient à un autre, de même il consiste aussi dans sa détention.

3. Un homme peut furtivement enlever à un autre ce qui est le sien, par exemple ce qu'il a mis en dépôt chez un autre ou ce qui lui a été ravi injustement. Il n'est donc pas de l'essence du vol qu'il soit l'acceptation secrète de la chose d'autrui.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Isidore dit (Etym. lib. x ad litt. F) : Le mot voleur (fur) vient du mot furvum, c'est-à-dire fuscum (fard), parce que c'est pendant la nuit qu'il agit.

CONCLUSION. — Le vol est l'enlèvement secret de la chose d'autrui. Il faut répondre qu'il y a trois choses qui concourent à l'essence du vol. La première lui convient selon qu'il est contraire à la justice, qui accorde à chacun le sien ; et par là même il consiste à usurper ce qui est à autrui. La seconde lui appartient selon qu'on le distingue des péchés qui sont contre la personne, comme l'homicide, l'adultère; et sous ce rapport le vol doit avoir pour objet une possession. Car si quelqu'un reçoit ce qui est à autrui, non comme sa possession, mais comme une partie de lui-même (comme si on amputait un membre à quelqu'un), ou comme une personne qui lui est unie (comme si on enlevait à quelqu'un sa fille ou son épouse), il n'y a pas, dans ce cas, vol proprement dit. La troisième différence, qui complète la nature même du vol, consiste à s'emparer en secret de ce qui appartient à un autre. D'après cela, on peut dire que l'essence propre du vol consiste dans l'acceptation secrète de la chose d'autrui (1).

Réponse Il faut répondre au premier argument, que le secret est quelquefois une cause de péché; par exemple, quand quelqu'un en use pour pécher, comme il arrive pour la fraude et le dol. De cette manière il ne diminue pas, mais il constitue l'espèce du péché, et il en est ainsi à l'égard du vol. Dans d'autres cas, le secret est une simple circonstance du péché, et alors il le diminue, soit parce qu'il est le signe de la honte, soit parce qu'il enlève le scandale.

2. Il faut répondre au second, que la détention de ce qui appartient à un autre cause le même tort que son acceptation injuste. C'est pourquoi, sous l'acceptation injuste on comprend la détention injuste elle-même.

3. Il faut répondre au troisième, que rien n'empêche que ce qui appartient absolument à un seul individu n'appartienne relativement à un autre. C'est ainsi que le dépôt appartient absolument à celui qui le fait, tandis qu'il appartient à celui qui l'a reçu relativement à la garde, et que ce qui a été ravi par rapine n'appartient pas au ravisseur absolument, mais seulement quant à la détention.

(2) Cet article a pour but d'établir la différence qu'il y a entre le vol et la rapine.
(I) Les théologiens définissent ordinairement le vol en général : injusta rei alienoe oblatio; saint Thomas ajoute le mot occulta, parce que c'est là ce qui établit une différence entre le vol et la rapine.



ARTICLE IV. — le vol et la rapine sont-ils des péchés d'une espèce différente (2)?


Objections: 1. Il semble que le vol et la rapine ne soient pas des péchés qui diffèrent d'espèce. Car le vol et la rapine diffèrent en ce que l'un est caché et l'autre manifeste. En effet, le vol implique une acceptation secrète, tandis que la rapine suppose une acceptation violente et ouverte. Or, dans les autres genres de péchés, ces circonstances ne changent pas l'espèce. Le vol et la rapine ne sont donc pas des péchés d'espèce différente.

2. Les choses morales tirent leur espèce de leur fin, comme nous l'avons dit (I-II, quest. i, art. 3, et quest. xviii, art. 0). Or, le vol et la rapine se rapportent à la même fin, c'est-à-dire à la possession de ce qui est à autrui. Ils ne différent donc pas d'espèce.

3. Comme on ravit une chose pour la posséder, de même on ravit une femme pour en jouir. C'est ce qui fait dire à saint Isidore (Etym. lib. x ad litt. Ii.) que le ravisseur (raptor) s'appelle corrupteur (corruptor), et celle qui a été ravie (rapta) corrompue (corrupta). Or, il y a rapt, soit qu'on enlève une femme publiquement, soit qu'on le fasse en secret. Donc la chose possédée est également ravie, soit qu'on la prenne en secret, soit qu'on la prenne publiquement. Par conséquent le vol et la rapine ne sont pas différents.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Aristote (Eth. lib. v, cap. 2) distingue le vol de la rapine en disant que l'un est fait secrètement, tandis que dans l'autre on emploie la violence.

CONCLUSION. — Le vol et la rapine ne sont pas de la même espèce, mais ils sont d'espèce différente, parce que le vol implique dans sa nature qu'il y ait ignorance dans celui auquel on fait injure, tandis que la rapine suppose qu'on lui fait violence.

Réponse Il faut répondre que le vol et la rapine sont des vices opposés à la justice, dans le sens qu'on fait souffrir à quelqu'un une injustice. Comme personne ne souffre volontairement ce qui est injuste, selon la remarque d'Aristote (Eth. lib. v, cap. 9), il s'ensuit que le vol et la rapine sont coupables en ce qu'ils sont une acceptation qui est involontaire de la part de celui qui subit le dommage qui en résulte. Or, on distingue deux sortes d'involontaire : celui qui est l'effet de l'ignorance et celui qui résulte de la violence, comme on le voit (Eth. lib. m, cap. 1). C'est pourquoi la rapine est un péché d'une autre nature que le vol, et par conséquent leur espèce est différente.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que, dans les autres genres de péché, on ne considère pas la nature du péché d'après ce qui est involontaire, comme on le fait à l'égard des péchés opposés à la justice. C'est pourquoi ici dès qu'il y a différente espèce de volontaire, il y a différente espèce de péché.

2. Il faut répondre au second, que la fin éloignée de la rapine et celle du vol est la même. Mais cela ne suffit pas pour qu'il y ait identité d'espèce, parce qu'il y a diversité dans les fins prochaines. Car celui qui fait une rapine veut posséder par sa propre puissance, tandis que celui qui l'ait un larcin veut arriver là par l'astuce.

3. Il faut répondre au troisième, que le rapt d'une femme ne peut pas être secret par rapport à la femme qu'on ravit. C'est pourquoi, s'il est secret relativement aux autres personnes, il va du côté de la femme à laquelle on fait violence de quoi constituer la rapine.

(2) Il y a encore d'autres espèces de vols, mais le catéchisme du concile de Trente fait remarquer que toutes les autres se rapportent à ces deux-là : De his duobus, furto et rapinis, dixisse satis erit ; ad quae tanquam ad caput reliqua referuntur (Cal. conc. Trid. de praecepto vii).



ARTICLE V.—le vol est-il toujours un péché?


Objections: 1. Il semble que le vol ne soit pas toujours un péché. Car aucun péché n'est commandé par la loi de Dieu, puisqu'il est dit (Si 15,21) que le Seigneur n'a commandé à personne de mal faire. Or, on trouve que Dieu a commandé le vol ; d'après ces paroles (Ex 12,35) : Les enfants d'Israël ont fait comme le Seigneur avait commandé à Moïse et ils ont dépouillé les Egyptiens. Le vol n'est donc pas toujours un péché.

2. Celui qui trouve une chose qui n'est pas à lui, s’il la prend, paraît faire un vol, parce qu'il s'empare de ce qui est à autrui. Or, il semble que cet acte soit licite d'après l'équité naturelle, comme disent les jurisconsultes (§ xviii, xxxix et xlvi de rer. divis.). Il semble donc que le vol ne soit pas toujours un péché.

3. Celui qui reçoit ce qui lui appartient ne paraît pas pécher, puisqu'il n'agit pas contre la justice et qu'il n'en détruit pas l'égalité. Cependant on l'ait un larcin quand on vient à s'emparer en secret d'une chose dont on est le propriétaire, mais qui était retenue ou gardée par un autre. Il semble donc que le vol ne soit pas toujours un péché.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Il est dit (Ex 20,15) : Vous ne ferez pas de larcin.

CONCLUSION. — Le larcin étant toujours opposé à la justice, est nécessairement toujours un péché.

Réponse Il faut répondre que si on considère la nature du larcin, on trouve en lui deux causes de péché : 1° Il est coupable parce qu'il est contraire à la justice, qui rend à chacun ce qui est à lui. Ainsi il est opposé à la justice, parce qu'il consiste dans l'acceptation d'une chose qui appartient à autrui. 2° Il est coupable en raison du dol ou de la fraude que le voleur commet en s'emparant à la dérobée, et pour ainsi dire perfidement, de ce qui est à un autre. D'où il est manifeste que tout larcin est un péché.

(4) On entend par là le bien surnaturel.
(2) La charité n'est pas la forme intrinsèque et essentielle de la foi ; elle en est seulement la forme extrinsèque et accidentelle, en ce sens que c'est la charité qui la met en rapport avec la íin dernière surnaturelle, et qui rend ses actes méritoires. C'est de là qu'est venue la distinction que les théologiens établissent entre la foi vive et la foi morte ou informe.
(I) C'est ainsi que la nature humaine qui se trouve dans divers individus est la même spécifiquement, quoiqu'elle soit différente numériquement.
(1) C'est-à-dire ce qui repose sur le motif le plus sûr et le plus infaillible.
(2) Il est à remarquer que saint Thomas ne veut pas dire par là que nous sommes moins sûr» d'une chose quand elle nous est connue par la lumière naturelle que par la lumière de la foi, car il serait alors en contradiction avec lui-même, mais il veut seulement dire que nous connaissons
(I) Mais cette hypothèse est insoutenable. Car du moment que l'on admet que l'ange et l'homme ont été créés dans la grâce, il est nécessaire qu'ils aient connu l'objet de la foi, et c'est ce que démontre l'argument qui suit.
(I) Cette obscurité est celle qui résulte de l'imperfection et delà faiblesse de leur nature, qui est 'nécessairement bornée.
(1) Car Dieu qui est l'objet de la foi est aussi la fin de la volonté.
(2) Dans ce cas on croit d'après des preuves extérieures qui produisent l'évidence extrinsèque.
(5) Ils n'ont par conséquent qu'une foi naturelle qui n'a rien de méritoire.
(4) Le châtiment des infidèles et des pécheurs qui tombent tous les jours dans l'enfer sont pour eux une preuve évidente de la vérité des choses que l'Eglise enseigne.
(1) Par la foi formée on entend la foi que la charité anime, et par la foi informe, celle qui existe sans cette vertu.
(2) C'est ce que disait saint Augustin aux manichéens (cont. Faust, lib. xvii, cap. 5) : Qui
(I) Cet article est une réfutation de l'erreur des pélagiens et des semi-pélagiens, qui voulaient que le commencement de la foi vînt de nous, et que sa consommation seule vint de Dieu. Le concile de Trente a ainsi condamné cette erreur (sess, v, can. 3) : Si quis dixerit sine praeve
(I) La crainte servile est produite par la foi informe ou imparfaite, parce qu'elle ne se rapporte qu'au châtiment. Mais quand on a la charité, on ne craint plus Dieu de cette même crainte, on le craint d'une crainte filiale, c'est-à-
(I) La foi ne délivre donc pas l'entendement de cette obscurité; elle le purge seulement de
(1) Le don d'intelligence a principalement pour objet les choses spéculatives, et il se rapporte subsidiairement aux choses pratiques.
(2) En raison de leur foi et de leur règle, elles sont surnaturelles, et par conséquent elles sont l'objet propre du don de l'intelligence, qui est surnaturel lui-même.
(1) Quand on a une juste idée de la fin dernière, on la préfère à tout, on y rapporte toutes ses actions, on s'y attache inébranlablement ; ce
(I) Il ne s'agit ici que des choses créées qui se rapportent à Dieu, car le don de sagesse est surnaturel aussi bien que les autres.
(1) Par conséquent cette pureté n'appartient pas au don d'intelligence qui se rapporte à l'entendement.
(2) Cette pureté parfaite dépouille l'entendement de toutes les folles pensées de la terre, et nous fait mépriser les choses terrestres
(I) Le don d'intelligence nous fait percevoir, uénétrer les vérités «le foi, et le don de science
(1) La science que l'Esprit-Saint nous communique étant purement intuitive, absolue, ceci nous explique comment les fidèles peuvent avoir une connaissance très-claire des vérités de la religion et une certitude très-ferme, (sans pouvoir les démontrer discursivement et sans savoir les exposer aux autres.
(2) La science considérée comme grâce gra
(1) Par convertibles on entend des' choses qui s'impliquent réciproquement et qui se disent l'une de l'autre, comme homme et raisonnable.
(2) Ainsi, dans l'homme, le mot animal exprime le genre, le mot raisonnable exprime le propre. Pour désigner un animal raisonnable, on a formé un mot spécial, homme, et le mot animal est resté aux êtres inférieurs, qui sont seulement sensitifs.
(5) Dans l'article précédent, saint Thomas a établi la différence qu'il y avait entre le don de
(1) En un mot, les sciences tirent plutôt leur nom «le leur moyen «le connaître que des choses qu'elles connaissent.
(2) Cet article établit avec précision le rapport «le la foi aux oeuvres, et montre par là même
(I) Ce n'est donc pas ala science spéculative que répond le don des larmes, mais c'est à la science pratique.
(1) Les théologiens distinguent deux sortes d'infidélité coupable : l'infidélité privative et l'infidélité contraire. L'infidélité privative est celle d'un homme qui a été suffisamment instruit des vérités de la foi et qui ne veut pas les croire, bien qu'il ne parle pas contre elles. L'infidélité contraire va plus loin, elle afíirme'des choses opposées à la foi et les soutient. Saint Thomas a désigné ces deux sortes d'incrédules, en disant que l'un attaque, et l'autre méprise ou dédaigne.
(I) L'Ecriture nous indique toute Iii gravité de ce péché (Jn 8) : Dixi vohbis quia moriemini in peccatis vestris ; si enim non cre
(1) Nous avons vu que cette foi était suffisante (Pa«- 42).                               .
(2) Tous les théologiens reconnaissent qu'il y a différentes espèces d'infidélité, mais ils sont divisés'á l'égard de la nature de cette distinction.
(2) Comme celui qui dit qu'il n'est pas juste, qu'il n'est pas miséricordieux.
(1)(3) Comme quand on dit qu'il est un tyran, qu'il est cruel, etc.
(2)(4) Lc blasphème est alors accompagné d'hérésie si en proférant des paroles contraires à la
(1) Dans ce cas, on blasphème contre Dieu indirectement. On fait aussi un blasphème quand on maudit les créatures les plus excellentes de Dieu, l'homme, le ciel, la terre, l'océan.
(2) Le blasphème est un péché mortel exige
(1) Leur volonté reste toujours attachée au mal, et c'est ce qui explique l'éternité de leurs peines.
(I) Saint Athanase (in tract, partie, super illud Matth, xn : Qui dixerit verbum contra Filium hominis), saint Hiiafre (can. 12 in Mt.), saint Ambroise (in Luc. super illud cap. 12 : Qui verbum in Spiritum sanctum
il Les commentateurs modernes disent <iuc le péché contre l'F.sprit-Saint c'est le péché
(1) Ce livre ©st de saint Fui gence.
(2) Le désespoir nous fait croire qu'il y a impossibilité absolue d'être pardonné.
(5) En considérant l'acte du péché, on peut être frappé de ce qu'il a de bas et de honteux,
(1) On ne pourrait avancer qu'il y a des fautes irrémissibles absolument sans être hérétique. Ce serait l'erreur des novatiens, qui prétendaient que l'Eglise n'avait pas le pouvoir de remettre
(1) Celui qui fait une injustice par élection, c'est celui qui trouve son plaisir à agir de la sorte, et il ne peut en Être ainsi qu'autant qu'on a en soi l'habitude de l'acte que l'on fait.
(i) c'est-à-dire le péché que l'on commet contre la personne de l'Esprit-Saint.
(2) Car par l'impénitence finale on entend précisément cet encbaineinenj. de fautes qui se prolonge jusqu'à l'éternité.
(3) Ainsi les progrès que fera un homme ordinaire seront parfaits dans leur genre, dans le
(I) Ainsi ce vice est coupable, s'il est volontaire, et s'il provient de ce qu'on ne songe qu'à la bonne chère et qu'on néglige par là même l'étude et la méditation des choses spirituelles.
(1) La loi nouvelle, aussi bien que l'ancienne, présuppose la foi en l'existence et l'unité de Dieu! Car si on ne croyait pas à l'existence de Dieu, il ne serait pas possible d'accepter ses ordres.
(2) Ainsi, dans l'idée de Dieu il y a beaucoup de vérités que la raison ne peut percevoir d'elle-
(1) le peuple ne les connaissait qu'en figure, il était réservé aux sujets de la loi nouvelle d'en connaître la réalité.
(2) La foi au Christ ou à l'Eglise, qui le représente sur la terre, renferme implicitement l'acquiescement à toutes les vérités révélées.
(I) Si l'action est bonne quand elle est conforme à la raison humaine, elle est bien meilleur lorsqu'elle est conforme à la raison divine.
(1) L'amour étant une vertu unitive a toujours pour ternie un individu étranger, au lieu que l'espérance est un mouvement de l'appétit qui a pour terme le bien de son propre sujet. f
(2) Notis devons même la demander à Dieu pour lui par nos prières.
(1) Les saints ne manquent jamais d'intercéder, en raison de leur grande charité.
(2) Ce manque de bonne volonté est une preuve de l'égoïsnic le plus étroit.
(o) On peut définir l'espérance : Habitus
(I) On tombe dans la présomption, si l'on espère obtenir la béatitude sans l'aire aucune bonne oeuvre, et l'on tombe dans le désespoir si on ne veut pas faire pénitence ; mais celui qui espère comme il doit, en comptant sur le secours de
(1) Ces trois vertus ont matériellement le même objet, qui est Dieu, mais elles se rapportent h lui d'une manière différente. Ainsi la foi l'envisage selon qu'il est vrai, l'espérance selon qu'il est bon pour nous, et la charité selon qu'il est bon en lui-même.
(2) Parce que dans ce cas ce n'est plus Io même objet formel, et c'est d'après la forme que les habitudes se distinguent.
(2) Cet amour est l'amour de concupiscence.
(3) L'espérance n'est qu'on amour de concupiscence. On ne peut trop admirer avec quelle sagacité et quelle pénétration notre illustre docteur analyse tous les sentiments et toutes les idées.
(4) Cette crainte servile est donc une bonne chose, comme le concile de Trente l'a établi contre Luther (sess, vi, cap. 6).
(I) C'est pour ce motif qu'ils ont nécessairement pour objet un bien sensible.
(1) On l'espère pour soi premièrement et secondairement pour les autres. Du moment que l'objet premier et principal de l'espérance vient à manquer, il n'est plus possible que cette vertu existe : elle ne peut donc pas se rapporter secondairement à autre chose.
(2) La gloire du corps n'est que son objet secondaire, et on peut faire ici le raisonnement que
(1) Los Ames du purgatoire ont la certitude d'arriver à la béatitude. Il en était de même de celles des patriarches dans les limbes ; mais cette certitude n'est pas incompatible avec l'espérance.
(2) Il s'agit alors d'une espérance purement naturelle, et non de l'espérance considérée comme une vertu théologale.
(5) Cet effet résulte de ce qu'ils ne sont plus in viii.
(1) Cet article est très-important pour bien comprendre la doctrine de la justification que le concile de 't rente établit contre les protestants (sess, vi, cap. C, can. 9, et sess, xiv, cap. 4, can. 5).
(I) Lc commencement de la sagesse humaine, ce sont les vérités premières que nous connaissons par la raison, mais le commencement «lc la sagesse surnaturelle, ce sont les premiers princi
(1) La crainte servite n'est ainsi qu'un moyen, une préparation qui nous mène à la charité, elle peut par conséquent exister sans elle, au lieu que la crainte initiale ne peut pas exister sans la charité, ou «lu moins sans la charité imparfaite.
(2) L'objet propre «le la crainte initiale est le péché ou l'offense faite contre Dieu- ce qui prouve qu'elle est substantiellement la même que la crainte filiale qui aie même objet.
(1) La crainte humaine ou mondaine ne peut être un don de Dieu, puisqu'elle est toujours mauvaise.
(2) La crainte servile vient de Dieu, parce qu'elle ébranle utilement le pécheur et le dispose à la pénitence, comme l'a délini le concile de Trente (sess, vi, cap. 6, et sess, xiv, cap.
(i) Elle conserve toujours un certain attache
(1) Ainsi une première différence qu'il y a entre la crainte filiale ici-bas et cette même crainte dans le ciel, c'est qu'une fois arrivé à la gloire on n'a plus à craindre d'être séparé de Dieu par le péché.
(2) Cette crainte est produite en eux par un
(I) Saint Paul n'a pas voulu «lire que toutes les choses qui appartiennent à la sagesse du monde sont cause de la folie du péché.
(I) Celui qui indique un chemin n'est pas cause que ce chemin existe.
(1) Ce tic questio!! a pour but la division du genre dans ses espèces.
(I) Celle Yie ne convient naturellement qu'aux anges et aux esprits purs.
(2) La prudence n'en est donc pas moins une vertu directive.

Réponse Il faut répondre au premier argument, qu'il n'y a pas de larcin à prendre la chose d'un autre secrètement ou publiquement, d'après la sentence du juge qui l'autorise, parce que par là même qu'une chose nous a été adjugée judiciairement, elle nous est due. Par conséquent la spoliation des Egyptiens (1 ) par les Israélites fut loin d'être un vol, puisque ce fut le Seigneur qui le leur ordonna pour les dédommager des maux que les Egyptiens leur avaient fait souffrir sans raison. Aussi le Sage dit-il expressément (Sg 10,20) que les justes ont dépouillé les impies.

2. Il faut répondre au second, qu'à l'égard des choses que l'on trouve il faut distinguer. Car il v en a qui n'ont jamais appartenu à personne, comme les pierres précieuses et les perles qu'on trouve sur le bord de la mer. Celles-là appartiennent à celui qui en est le premier possesseur. Il faut raisonner de même à l'égard des trésors qui ont été cachés dans la terre depuis longtemps et qui n'ont plus de maître ; à moins que la loi civile n'oblige celui qui les découvre à en donner moitié au propriétaire du champ (2), si on les a trouvés dans le champ d'un autre. C'est pourquoi l'Evangile dit (Mt 13), en parlant de celui qui a trouvé un trésor caché dans un champ, qu'il a acheté le champ pour avoir le droit de posséder le trésor entier.— Mais on trouve aussi des choses qui ont eu tout récemment un possesseur. Alors, si on les prend sans avoir l'intention de les garder, mais dans la disposition de les restituer au maître qui ne les a pas abandonnées (3), on ne fait pas de larcin. De môme, si on considère ces choses comme ayant été abandonnées, et que celui qui les trouve en soit persuadé, il lui est permis de les garder, en cela il n'y a pas de vol. Mais autrement on commet un larcin. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (Serm. xix de verb. apost, cap. 8) : Si vous avez trouvé une chose et que vous ne la rendiez pas, vous avez fait un vol.

3. Il faut répondre au troisième, que celui qui prend furtivement la chose qu'il a déposée chez un autre, charge le dépositaire qui est tenu de rendre cette chose ou de démontrer que, s'il l'a perdue, il n'y a pas de sa faute. D'où il est évident qu'il pèche et qu'il est tenu de décharger le dépositaire de l'obligation qui pèse sur lui. — Quant à celui qui reprend furtivement son bien dont un autre s'était emparé injustement, il pèche aussi, non parce qu'il charge celui qui est en possession de l'objet — et c'est pourquoi il n'est pas tenu de le lui rendre ou de lui faire un dédommagement — mais il pèche contre la justice générale, parce qu'il se fait juge dans sa propre cause, sans se soumettre aux formalités du droit (4). C'est pour ce motif qu'il est tenu de satisfaire à Dieu et de travailler à apaiser le scandale qu'il aurait pu donner.

(1) Dieu agit dans cette circonstance en vertu de son souverain domaine sur tout ce qui existe (Voy. tom. iii, pag. 4-12).
(2) La loi civile n'oblige dans ce cas qu'après la sentence du juge.
(3) Si la chose est importante, l'inventeur doit faire connaître qu'il la trouvée, afin que le possesseur puisse la lui réclamer. Si l'on ne peut découvrir le maître de l'objet qu'on a trouvé, il vaut mieux l'employer en aumônes ou en oeuvres pies que de le garder. Cependant si l'inventeur se l'approprie, il y a des théologiens très-graves qui disent qu'il ne fait pas d'injustice. Soto, Navarre, Sa, Hannod, sont de ce sentiment ; les théologiens de Salamanque, Lessius, de Lugo, Vasquez, Leymann, regardent cette opinion comme probable.
(4) Il y a cependant des circonstances où la plupart des théologiens permettent d'user de compensation. Ils veulent pour cela : 1e que l'on soit sur que la chose est à soi ; 2° qu'on ne puisse pas la recouvrer par d'autres moyens ; 3° qu'il n'y ait aucun danger de scandale et de déshonneur en la reprenant ; 4° qu'on ne soit pas exposé à recevoir un double payement ; 5° qu'il ne s'agisse pas d'un dépôt, parce que les lois sont contraires. Saint Antonin, Cajétan, Bannès, Sylvius, Wiggers et tous les autres thomistes, sont de ce sentiment.





II-II (Drioux 1852) Qu.65 a.2