II-II (Drioux 1852) Qu.119 a.3

ARTICLE III. — la prodigalité est-elle un péché plus grave que l'avarice?


Objections: 1. Il semble que la prodigalité soit un péché plus grave que l'avarice. En effet par l'avarice on nuit au prochain auquel on ne fait pas part de ses biens; tandis que par la prodigalité on se nuit à soi-même. Car Aristote dit (Eth. lib. iv, cap. 1), que celui qui anéantit les richesses qui étaient son moyen d'existence, se détruit en quelque sorte lui-même. Or, celui qui se nuit à lui-même fait le péché le plus grave, d'après ce mot de l'Ecriture (Si 14,5) : Celui qui est méchant pour lui, pour qui sera-t-il bon? La prodigalité est donc un péché plus grave que l'avarice.

2. Le dérèglement qui est accompagné d'une circonstance louable est moins vicieux. Or, le dérèglement de l'avarice est quelquefois dans ces conditions, comme on le voit à l'égard de ceux qui ne veulent pas dépenser ce qu'ils ont, dans la crainte d'être contraints de recevoir ce qui est à autrui. Le désordre de la prodigalité est au contraire accompagné de circonstances blâmables, et c'est pour cela qu'on l'attribue aux intempérants, comme le dit Aristote (Eth. lib. iv, cap. 4). Elle est donc un péché plus grave que l'avarice.

3. La prudence est la première des vertus morales, comme nous l'avons vu (quest. lvi, art. 4 ad 4, 614* 2ae, quest. lxi, art. 2 ad 4). Or, la prodigalité est plus opposée à la prudence que l'avarice. Car il est dit (Pr 21,20) : Il y a un trésor précieux et de l'huile dans la maison du juste; mais l'homme imprudent dissipera ce qu'elle renferme. Et Aristote dit (Eth. lib. iv, cap. 6) : que c'est le fait de l'insensé de donner par excès et de ne pas recevoir. La prodigalité est donc un péché plus grave que l'avarice.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Aristote dit (Eth. lib. iv, cap. 4) que le prodigue paraît être beaucoup meilleur que l'avare.

CONCLUSION. — Puisque le prodigue s'éloigne moins du libéral que l'avare, qu'il est utile à beaucoup de monde et qu'on peut plus facilement le corriger, il s'ensuit que la prodigalité est une faute moins grave que l'avarice.

Réponse Il faut répondre que la prodigalité, considérée en elle-même, est un péché moindre que l'avarice, et cela pour trois raisons : 4° Parce que l'avarice diffère davantage de la vertu opposée ; car il appartient plus au libéral de donner que de recevoir ou de conserver, et c'est à l'égard du don que le prodigue pèche par excès, au lieu que l'avare pèche de la sorte en acquérant et en gardant. 2° Parce que le prodigue est utile à une multitude d'individus auxquels il donne, tandis que l'avare n'est utile à personne ; il ne l'est pas même à lui-même, comme le dit Aristote (Eth. lib. iv, cap. 4). 3° Parce que la prodigalité est un vice que l'on peut facilement guérir. On le perd à mesure que l'on avance vers la vieillesse qui est contraire à ce défaut; on le perd encore parce que l'on arrive facilement à l'indigence, quand on dissipe inutilement une foule de biens, et alors, quand on est pauvre, il n'y a plus lieu de donner avec excès. Enfin on le perd parce qu'on acquiert facilement la vertu de la libéralité, à cause de la ressemblance qu'il a avec elle. Au contraire, l'avare n'est pas facile à convertir, pour la raison que nous avons donnée (quest. préc. art. 5 ad 3) (2).

(I) Car ils pratiquent en cela les conseils de la perfection chrétienne.
(2) De là il résulte que la prodigalité n'est qu'un péché véniel en elle-même, puisqu'elle est moins grave que l'avarice. Mais Billuart fait observer qu'elle peut être un péché mortel, si l'on prodigue ses biens pour une lin mauvaise, comme la luxure, ou si l'on devient, par suite de ses prodigalités, incapable de payer ses dettes ou de subvenir aux besoins de sa famille.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la différence qu'il y a entre l'avare et le prodigue ne consiste pas en ce que l'un pèche contre lui-même et l'autre contre le prochain; car le prodigue pèche contre lui-même, en dissipant les biens avec lesquels il devrait vivre, et il pèche contre les autres en perdant les biens avec lesquels il devrait venir en aide à ses semblables. Ceci est surtout évident pour les clercs qui sont les dispensateurs des biens de l'Eglise. Ces biens appartenant aux pauvres, ils frustrent ces derniers, s'ils les dépensent avec prodigalité. De même, l'avare pèche contre les autres en ce qu'il ne donne pas assez, et il pèche contre lui-même en ce qu'il ne fait pas les dépenses qu'il devrait faire. D'où il est dit (Ecoles. 6, 2) : Malheur à celui qui a reçu de Dieu des richesses et qui n'a pas le pouvoir d'en jouir. Toutefois, le prodigue l'emporte en ce que, tout en nuisant à soi-même et aux autres, il est cependant utile à quelques-uns ; au lieu que l'avare n'est utile ni aux autres, ni à lui, parce qu'il n'ose pas faire usage de ses biens pour son utilité.

2. Il faut répondre au second, que quand nous parlons des vices en général, nous en jugeons d'après leurs propres raisons. Ainsi à l'égard de la prodigalité, nous considérons qu'elle dissipe les richesses d'une manière superflue, et à l'égard de l'avarice, qu'elle les conserve de la même manière. Si on les dissipe avec excès par intempérance, il y a là plusieurs fautes qui existent simultanément, et par conséquent ces prodigues sont les plus vicieux, comme l'observe Aristote (loc. cit.). Mais si l'avare s'abstient de recevoir des autres quelque chose, quoique cette action paraisse louable en elle-même, cependant elle est blâmable à cause du motif qui la lui fait faire, puisqu'il ne veut rien des autres, uniquement pour ne pas être contraint de leur donner.

3. Il faut répondre au troisième, que tous les vices sont opposés à la prudence, comme aussi toutes les vertus sont dirigées par elle. C'est pourquoi un vice est regardé comme plus léger par là même qu'il n'est opposé qu'à la prudence.




QUESTION 120: DE L'ÉPIKIE OU DE L'ÉQUITÉ.


Il ne nous reste plus à parler en dernier lieu que de l'épikie. — A cet égard nous avons deux questions à examiner : 1° L'épikie est-elle une vertu? — 2° Est-elle une partie de la justice?


ARTICLE I. — l'épikie est-elle une vertu (1)?


(1) Voyez ce que nous avons dit à cet égard, tome ui, p. 428-429.

Objections: 1. Il semble que l'épikie ne soit pas une vertu. Car aucune vertu n'en détruit une autre. Or, l'épikie détruit une autre vertu, parce qu'elle enlève ce qui est juste légalement, et elle paraît opposée à la sévérité. L'épikie n'est donc pas une vertu.

2. Saint Augustin dit (Lib. de ver. relig. cap. 31) : Quoique les hommes soient juges des lois temporelles, puisqu'ils les établissent, cependant une fois qu'elles ont été établies et confirmées, il n'est pas permis au juge de les juger, mais il doit les prendre pour règle. Or, l'épikie paraît juger la loi elle-même, quand elle décide qu'on ne doit pas l'observer dans certain cas. Elle est donc plutôt un vice qu'une vertu.

3. Il paraît qu'il appartienne à l'épikie de considérer l'intention du législateur, comme le dit Aristote (Eth. lib. v, cap. 10). Or, il n'appartient qu'au prince d'interpréter l'intention du législateur. C'est ce qui fait dire à l'empereur (in Codic. de leg. et Const. princ. leg. i) : Entre l'équité et le droit il est nécessaire que nous ayons le droit d'interprétation, et il faut qu'il n'y ait que nous qui le possède. L'acte de l'épikie n'est donc pas permis et par conséquent ce n'est pas une vertu.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Aristote en fait une vertu [Eth. loc. cit.).

CONCLUSION. — L'épikie dirigeant les lois, selon que la raison de la justice et l'utilité commune le demandent, on doit la compter parmi les vertus.

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (1*2*, quest. xcvi, art. 6) en traitant des lois, les actes humains que les lois règlent consistant dans des choses contingentes qui peuvent varier d'une infinité de manières, il n'a pas été possible d'établir une règle légale qui ne fût défectueuse dans aucun cas. Les législateurs considèrent ce qui arrive le plus souvent, et d'après cela ils portent leur loi. Cependant l'observation de la loi peut être, dans certains cas, contraire à l'égalité de la justice et au bien commun que le législateur se propose. Ainsi la loi décide que l'on doit rendre les dépôts, parce que c'est une chose juste ordinairement. Néanmoins il arrive quelquefois que ce serait nuisible; comme si un furieux qui a mis un glaive en dépôt le redemandait au moment où il est en furie, ou bien si on redemandait un dépôt pour combattre sa patrie. Dans ces circonstances et dans d'autres semblables, c'est un mal de suivre la loi établie. Par conséquent, en mettant de côté les paroles de la loi, c'est un bien de suivre ce que demande la raison de la justice et l'utilité commune; et c'est là le but de l'épikie, à laquelle nous donnons le nom d'équité. Il est donc évident qu'elle est une vertu.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que l'épikie n'abandonne pas le juste absolument, mais le juste que la loi détermine. Elle n'est pas non plus opposée à la sévérité qui suit les paroles de la loi, quand il le faut. Mais c'est un vice de les suivre, quand il ne le faut pas. D'où il est dit (in Cod. de leg. et Const. princ. leg. v) : qu'il n'est pas douteux qu'il aille contre la loi, celui qui en suit les paroles et qui va contre la volonté du législateur.

2. Il faut répondre au second, qu'il juge de la loi celui qui dit qu'elle n'a pas été bien faite. Mais celui qui dit que les paroles de la loi ne doivent pas être observées dans tel ou tel cas, ne juge pas de la loi; mais il juge d'une affaire particulière qui se présente.

3. Il faut répondre au troisième, que l'interprétation a lieu dans les choses douteuses où il n'est pas permis de s'écarter des paroles de la loi, sans que le prince ait prononcé; mais pour les choses évidentes on n'a pas besoin de l'interprétation, il faut l'exécution.


ARTICLE II. — l'épikie est-elle une partie de la justice ?



Objections: 1. Il semble que l'épikie ne soit pas une partie de la justice. Car, comme nous l'avons vu (quest. lviii , art. 7), il y a deux sortes de justice, l'une particulière et l'autre légale. Or, l'épikie n'est pas une partie de la justice particulière, parce qu'elle s'étend à toutes les vertus comme la justice légale. Elle n'est pas non plus une partie de la justice légale, parce qu'elle opère en dehors de ce que la loi a établi. Il semble par conséquent qu'elle ne soit pas une partie de la justice.

2. Une vertu principale n'est pas considérée comme une partie d'une vertu secondaire, puisque les vertus secondaires se rattachent aux vertus cardinales ou principales, à titre de parties. Or, il semble que l'épikie soit une vertu plus principale que la justice, comme le nom l'indique. Car ce mot vient de Im qui signifie au-dessus et de Síxatov qui veut dire juste. L'épikie n'est donc pas une partie de la justice.

3. Il semble que l'épikie soit la même chose que la modestie. Car quand l'Apôtre dit [Philip, 4, 5) : Que votre modestie soit connue de tous les hommes, il y a dans le grec èmeuceia. Or, d'après Cicéron (De invent. lib. n), la modestie est une partie de la tempérance. L'épikie n'est donc pas une partie de la justice.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Aristote dit (Eth. lib. v, cap. 10) que l'épikie est une chose juste.

CONCLUSION. — L'épikie est contenue dans la justice, comme l'espèce dans son genre, et elle est une règle supérieure des actes humains, puisque c'est elle qui dirige la justice légale.

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. xlviii), une vertu a trois sortes de parties : les parties subjectives, les parties intégrantes et les parties potentielles. La partie subjective est celle dont le tout (1) se dit essentiellement et qui est moins que lui-, ce qui a lieu de deux manières. Car tantôt une chose se dit de plusieurs sous le même rapport, c'est ainsi que l'animal se dit du cheval et du lion, et tantôt elle se dit d'après un ordre d'antériorité et de postériorité ; c'est ainsi que l'être se dit de la substance et de l'accident. L'épikie est donc une partie de la justice, en général, parce qu'elle est une sorte de justice, comme le dit Aristote (loc. cit.). D'où il est évident qu'elle est une partie subjective de la justice, et la justice se dit d'elle avant de se dire de la justice légale, puisqu'elle doit diriger la justice légale elle-même. Elle est donc en quelque sorte la règle supérieure des actes humains.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que l'épikie correspond proprement à la justice légale; elle est contenue sous elle d'une certaine manière, et d'une autre manière elle la surpasse. Car si on appelle justice légale celle qui obéit à la loi, soit par rapport aux paroles, soit par rapport à l'intention du législateur, ce qui est préférable, alors l'épikie est la partie la plus importante de la justice légale. Mais si on entend par justice légale exclusivement, celle qui suit le texte de la loi, dans ce cas l'épikie n'en est pas une partie, mais elle est une partie de la justice en général, que l'on distingue par opposition à la justice légale, comme étant plus élevée (2).

2. Il faut répondre au second, que comme le dit Aristote (Eth. lib. v, cap. 10), l'épikie est meilleure que la justice légale qui observe les paroles de la loi; mais parce qu'elle est elle-même une justice, elle ne vaut pas mieux que tout ce qui est juste.

3. Il faut répondre au troisième, qu'il appartient à l'épikie d'user d'une certaine modération, par exemple, à l'égard de l'observance des paroles de la loi; au lieu que la modestie, qui est une partie de la tempérance, règle la vie extérieure de l'homme et le modère dans sa démarche, dans son maintien, etc. Toutefois, il peut se faire que le mot d'épikie désigne en grec, par analogie, toute espèce de modération.

par les paroles mêmes de la loi, et l'autre extrinsèque et plus élevée, qui se rapporte au bien général. C'est à cette dernière que l'épikie se rapporte. '






QUESTION 121: DE LA PIÉTÉ.


Nous avons maintenant à examiner le don qui correspond à la justice, c'est-à-dire le don de piété. — A cet égard nous avons deux questions à traiter: 1° La piété est- elle un don de l'Esprit-Saint? — 2° Qu'y a-t-il dans les béatitudes et les fruits qui lui corresponde P


ARTICLE I. — la piété est-elle un don ?


Objections: 1. Il semble que la piété ne soit pas un don. Car les dons diffèrent des vertus, comme nous l'avons vu (1" 2*, quest. lxviii, art. 4). Or, la piété est une vertu, comme nous l'avons dit (quest. ci, art. 3). Elle n'est donc pas un don.

2. Les dons sont plus excellents que les vertus et surtout que les vertus morales, comme nous l'avons vu (I[3]2", quest. lxviii, art. 8). Or, parmi les parties de la justice, la religion l'emporte sur la piété. Par conséquent, si une partie de la justice devait être un don, il semble que la religion devrait avoir la préférence sur la piété.

3. Les dons restent dans le ciel ainsi que leurs actes, comme nous l'avons vu (1* 2*, quest. lxviii, art. 6). Or, l'acte de la piété ne peut pas subsister dans le ciel. Car saint Grégoire dit [Mor. lib. i, cap. 15) que la piété du coeur remplit de bonnes oeuvres les entrailles de la miséricorde ; par conséquent il n'y aura plus d'acte de piété dans le ciel, puisqu'il n'y aura plus de misère. La piété n'est donc pas un don.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Isaïe met la piété au nombre des dons (Is 11).

CONCLUSION. — La piété qui nous fait rendre à Dieu, comme à notre père, d'après l'impulsion de l'Esprit-Saint, le culte et les devoirs qui lui sont dus, est un don de ce même Esprit.

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (1* 2ae, quest. lxviii, art. 1, et quest. lxix, art. 1 et 3), les dons de l'Esprit-Saint sont des dispositions habituelles de l'âme qui la rendent apte à suivre facilement l'impulsion de l'Esprit-Saint. Or, entre autres choses, l'Esprit-Saint nous meut pour que nous ayons une affection filiale envers Dieu, d'après ces paroles de l'Apôtre (Rm 8,15) : Vous avez reçu l'esprit de l'adoption des enfants, par lequel nous crions : Abba, notre Père. Et parce que le propre de la piété est de rendre un devoir et un culte à nos parents, il s'ensuit que la piété par laquelle nous rendons un culte et des devoirs à Dieu comme à notre père par l'impulsion de l'Esprit-Saint, est un don de l'Esprit-Saint lui-même.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la piété qui rend un devoir et un culte aux parents selon la chair est une vertu ; mais la piété par laquelle nous rendons ces mêmes hommages à Dieu comme à notre père est un don.

2. Il faut répondre au second, qu'il est plus noble de rendre un culte à Dieu comme créateur, ce que fait la religion, que de rendre un culte aux parents, comme le fait la piété, qui est une vertu. Mais rendre un culte à Dieu comme à notre père est encore une chose plus noble que de le lui rendre comme à notre créateur et maître. Par conséquent la religion l'emporte sur la vertu de la piété, et la piété, considérée comme don, l'emporte sur la religion.

3. Il faut répondre au troisième, que comme par la piété, qui est une vertu, on rend un hommage et un culte non-seulement à son père, mais encore à tous ses parents, selon qu'ils appartiennent à celui de qui on a reçu le jour, de même la piété, considérée comme un don, ne rend pas seulement un culte et des hommages à Dieu, mais elle le fait encore à l'égard de tous les hommes, selon qu'ils appartiennent à Dieu (1). C'est pourquoi il lui appartient d'honorer les saints, de ne pas contredire l'Ecriture, soit que nous l'entendions, soit que nous ne l'entendions pas, comme le dit saint Augustin (De doct. christ, lib. ii, cap. 7). Elle vient conséquemment en aide à ceux qui sont dans la misère. Et quoique cet acte n'ait pas lieu dans le ciel, surtout après le jour du jugement, elle pourra cependant toujours exercer son acte principal, qui consiste à révérer Dieu d'une affection filiale, ce qui se fera principalement alors, d'après ces paroles du Sage (Sg 5,8) : Les voilà placés au rang des enfants de Dieu. Les saints s'honoreront mutuellement, et maintenant en attendant le jour du jugement ils ont compassion de ceux qui vivent ici-bas dans un état de misère.

ARTICLE II. la seconde béatitude :\b Bienheureux ceux qui sont doux, \Brépond-elle au don de piété?


Objections: 1. Il semble que la seconde béatitude : Bienheureux ceux qui sont doux, ne réponde pas au don de piété. Car la piété est un don qui répond à la justice, à laquelle appartient plutôt la quatrième béatitude : Bienheureux ceux qui ont soif et faim de la justice, ou la cinquième : Bienheureux ceux qui sont miséricordieux; parce que, comme nous l'avons dit (art. préc. arg. 3), l'oeuvre de la miséricorde appartient à la piété. La seconde béatitude n'appartient donc pas à ce don.

2. Le don de piété est dirigé par le don de science qui lui est adjoint dans l'énumération que fait le prophète (Is 11). Or, celui qui dirige et celui qui exécute se rapportent au même. Par conséquent, puisque la troisième béatitude : Bienheureux ceux qui pleurent, appartient à la science, il semble que la seconde n'appartienne pas à la piété.

3. Les fruits répondent aux béatitudes et aux dons, comme nous l'avons vu (I* 2', quest. lxx , art. 2). Or, parmi les fruits, la bonté et la bienfaisance paraissent plutôt s'harmoniser avec la piété que la mansuétude, qui appartient à la douceur. La seconde béatitude ne répond donc pas au don de piété.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (lib. i in serm. Dom. in mont. cap. 4) : La piété convient à ceux qui sont doux.

CONCLUSION. — La seconde béatitude : Bienheureux ceux qui sont doux, répond au don de piété, si nous considérons cette convenance selon la raison de l'ordre ; mais ce sont la quatrième et la cinquième qui y correspondent, si on la considère d'après la nature propre du don et de la béatitude.

Réponse Il faut répondre que dans le rapport des béatitudes aux dons on peut considérer deux sortes de convenance. L'une repose sur la raison d'ordre (2) que saint Augustin paraît avoir suivi. Ainsi il attribue la première béatitude au don le plus infime, c'est-à-dire au don de crainte; et il attribue la seconde : Bienheureux ceux qui sont doux, au don de piété, et ainsi des autres. — La convenance peut aussi se considérer d'après la nature propre du don et de la béatitude. De cette manière il faut faire correspondre les béatitudes aux dons d'après leurs objets et leurs actes. En ce sens, la quatrième (3) et la cinquième béatitude (4) répondent à la piété plutôt que la seconde. Cependant la seconde béatitude a quelque convenance avec la piété, en tant que la douceur détruit ce qui empêche la piété d'exercer ses actes.

de suite Jusqu'au premier don, qui se rapporte à la dernière béatitude, qui est la plus parfaite.

(5) Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice.
(4) Bienheureux ceux qui pratiquent des oeuvres de miséricorde. Ces deux béatitudes répondent au don de piété, parce que, comme lui, leurs actes se rapportent ad alterum.

Solutions: 1. La réponse au premier argument est par là même évidente.

2. Il faut répondre au second, que, selon la nature propre des béatitudes et des dons, la même béatitude doit nécessairement répondre à la science et à la piété; mais, selon la raison d'ordre, des béatitudes différentes leur correspondent, tout en tenant compte cependant d'une certaine convenance, comme nous l'avons dit (in corp. art.).

3. Il faut répondre au troisième, que pour les fruits on peut attribuer directement la bonté et la bienfaisance à la piété, et indirectement la douceur, en ce sens qu'elle détruit ce qui empêche la piété d'agir, comme nous l'avons dit (in corp. art.).



QUESTION 122: DES PRÉCEPTE9 DE LA JUSTICE.


Nous avons à nous occuper en dernier lieu des préceptes de la justice. — A cet égard six questions sont à examiner : 1° Les préceptes du Décalogue sont-ils des préceptes de justice? — 2° Du premier précepte. — 3° Du second. — 4° Du troisième. — 5° Du quatrième. — 6° Des six autres préceptes.

ARTICLE I. — les préceptes du décalogue sont-ils des préceptes de justice (1) ?


Objections: 1. Il semble que les préceptes du Décalogue ne soient pas des préceptes de justice. Car l'intention du législateur est de rendre les citoyens vertueux en leur faisant pratiquer toutes les vertus, comme on le voit (Eth. lib. ii, cap. 4). D'où il est dit (Eth. lib. v, cap. 1) que la loi ordonne des actes de toutes les vertus. Or, les préceptes du Décalogue sont les principes premiers de toute la loi divine. Ces préceptes n'appartiennent donc pas-exclusivement à la justice.

2. Les préceptes judicieux, que l'on distingue des préceptes moraux, paraissent appartenir principalement à la justice, comme nous l'avons vu (la 2% quest. xcix, art. 4). Or, les préceptes du Décalogue sont des préceptes moraux, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (la 2% quest. c, art. 3). Ils ne sont donc pas des préceptes de justice.

3. La loi donne principalement des préceptes à l'égard des actes de justice qui appartiennent au bien général, par exemple, ce qui regarde les charges publiques et d'autres choses semblables. Or, il n'est pas fait mention de ces actes dans les préceptes du Décalogue. Il semble donc que ces préceptes n'appartiennent pas proprement à la justice.

4. Les préceptes du Décalogue sont divisés en deux tables, selon l'amour de Dieu et l'amour du prochain ; ce qui se rapporte à la vertu de charité. Ils appartiennent donc à la charité plutôt qu'à la justice.

En sens contraire Mais c'est le contraire. La justice seule paraît être la vertu qui règle nos rapports avec les autres. Or, tous les préceptes du Décalogue nous mettent en rapport avec autrui, comme on le voit en les examinant successivement en particulier. Ils appartiennent donc tous à la justice.

CONCLUSION. — Tous les préceptes du Décalogue appartiennent à la justice.

Réponse Il faut répondre que les préceptes du Décalogue sont les premiers principes de la loi, ceux auxquels la raison naturelle donne immédiatement son assentiment comme aux principes les plus évidents. Or, la raison de chose due que requiert le précepte se montre le plus évidemment dans la justice qui se rapporte à autrui. Car, pour les choses qui le regardent lui-même, il semble au premier aspect que l'homme soit son maître et qu'il lui soit permis de faire tout ce qu'il veut. Au lieu que pour celles qui se rapportent à un autre, il est évident qu'il est obligé de lui rendre ce qu'il lui doit. C'est pourquoi les préceptes du Décalogue ont dû appartenir à la justice. Ainsi les trois premiers ont pour objet les actes de religion, qui est la première partie de la justice; le quatrième ordonne les actes de piété, qui en est la seconde partie; enfin les six derniers portent sur les actes de cette vertu qu'on désigne communément sous le nom de justice et qui s'observe entre égaux.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la loi a pour but de rendre tous les hommes vertueux, mais d'après un certain ordre, c'est-à-dire qu'elle leur donne d'abord des préceptes pour les choses qui sont le plus évidemment des choses dues et obligatoires, comme nous l'avons dit [in corp. art.).

2. Il faut répondre au second, que les préceptes judicieux sont des déterminations des préceptes moraux, selon qu'ils se rapportent au prochain; comme les préceptes cérémoniels sont des déterminations de ces mêmes préceptes, selon qu'ils se rapportent à Dieu. D'où il résulte que les préceptes judicieux et cérémoniels ne sont contenus, ni les uns ni les autres, dans le Décalogue. Néanmoins ils sont des déterminations des préceptes du Décalogue, et par conséquent ils appartiennent à la justice.

3. Il faut répondre au troisième, que ce qui appartient au bien général doit être réglé de différentes manières, selon la diversité des hommes (1). C'est pourquoi on n'a pas dû mettre ces choses au nombre des préceptes du Décalogue, mais au nombre des préceptes judicieux.

4. Il faut répondre au quatrième, que les préceptes du Décalogue appartiennent à la charité comme à leur fin, d'après ces paroles de saint Paul (1Tm 1,5): La fin de la loi est la charité. Mais ils appartiennent à la justice, en ce sens que ce sont les actes de cette vertu qui sont leur objet immédiat.


ARTICLE II. — LE PREMIER PRÉCEPTE DU DÉCALOGUE EST-IL CONVENABLEMENT EXPRIME (2) ?



Objections: 1. Il semble que le premier précepte du Décalogue ne soit pas convenablement rendu. Car l'homme est plus obligé envers Dieu qu'envers son père selon la chair, d'après ces paroles de l'Apôtre (He 12,9) : Combien plus devons-nous être soumis à celui qui est le père des esprits, afin de jouir de la vie. Or, le précepte de la piété qui nous fait honorer nos parents est affirmatif, puisqu'il est dit : Honorez votre père et votre mère. Par conséquent à plus forte raison le premier précepte de la religion qui nous fait honorer Dieu aurait-il dû être affirmatif ; surtout quand on considère que l'affirmation est naturellement avant la négation.

2. Le premier précepte du Décalogue appartient à la religion, comme nous l'avons dit (art. préc.). La religion étant une vertu unique n'a qu'un seul acte. Or, dans le premier précepte on défend trois actes. Car on dit : 1° Vous n'aurez pas de dieux étrangers en ma présence; 2° vous ne ferez pas d'images ciselées ; 3° vous ne les adorerez pas, ni vous n'aurez pas de culte pour elles. Le premier précepte n'est donc pas convenablement exprimé.

vres saints, ce que saint Thomas a déjà fait à propos du récit de la Genèse et dans une foule d'autres circonstances.

3. Saint Augustin dit (Lib. de decem cordis, cap. que le premier précepte exclut le vice de la superstition. Or, il y a beaucoup d'autres superstitions funestes indépendamment de l'idolâtrie, comme nous l'avons dit (quest. xcii, art. 2). Il ne suffit donc pas de défendre l'idolâtrie exclusivement.

En sens contraire Mais c'est le contraire. L'autorité de l'Ecriture est là pour l'établir.

CONCLUSION. — En donnant à l'homme une loi divine, il était convenable que le premier de ces préceptes mit de côté le culte des faux dieux.

Réponse Il faut répondre qu'il appartient à la loi de rendre les hommes bons ; c'est pourquoi il faut que les préceptes soient ordonnés conformément à l'ordre de génération, d'après lequel l'homme devient vertueux. Or, dans l'ordre delà génération il y a deux choses à examiner. 1° C'est que le premier rang appartient à la partie qui est constituée la première. Ainsi dans la génération d'un animal, l'organe le premier formé est le coeur; et dans une maison ce qu'on pose d'abord, c'est le fondement. Pour la bonté de l'âme la première partie est la bonté de la volonté, qui met l'homme à même de faire un bon usage de toute autre bonté. Or, la bonté de la volonté se considère par rapport à son objet qui est la fin qu'elle se propose. C'est pourquoi à l'égard de l'homme que la loi devait former pour la vertu, il a fallu d'abord établir en lui le fondement de la religion, par laquelle il est mis légitimement en rapport avec Dieu qui est la fin dernière de la volonté humaine. — 2° Il faut considérer dans l'ordre de la génération qu'il y a des obstacles et des contraires qu'on détruit avant tout. Ainsi le laboureur purge d'abord son champ, puis il l'ensemence, d'après ces paroles du prophète (He 4,3) : Préparez- vous avec soin une terre nouvelle et ne semez pas sur des épines. C'est pourquoi, pour rendre l'homme religieux, il fallait tout d'abord écarter ce qui fait obstacle à la vraie religion. Le principal obstacle à la religion étant l'attachement à une fausse divinité, d'après ces paroles de l'Evangile (Mt 6,24) : Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon, il s'ensuit que le premier précepte devait défendre le culte des faux dieux.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, qu'à l'égard de la religion il n'y a qu'un précepte affirmatif : Souvenez-vous de sanctifier le jour du sabbat. Il a dû être précédé de préceptes négatifs qui écartent ce qui fait obstacle à cette vertu. Car quoique l'affirmation soit naturellement avant la négation ; cependant, dans l'ordre de génération, la négation qui écarte les obstacles est antérieure, comme nous l'avons dit (in corp. art.), et surtout dans les choses divines où les négations sont préférées aux affirmations (1), à cause de notre faiblesse, comme le dit saint Denis (De coelest. hier. cap. 2).

2. Il faut répondre au second, que le culte des dieux étrangers s'observait de deux manières. Car il y a eu des peuples qui adoraient des créatures sans les représenter sous des images. Ainsi Varron (2) rapporte que les anciens Romains ont longtemps adoré leurs dieux sans avoir d'idoles. Ce culte est défendu par ce premier article : Vous n'aurez pas de dieux étrangers. D'autres peuples ont adoré les fausses divinités sous des images. C'est pourquoi il était à propos de défendre de faire des images en disant : Vous ne vous ferez pas d'idoles ciselées, et il importait aussi d'empêcher qu'on ne leur offrit un culte en ajoutant : Vous n'aurez pas de culte pour elles. Il faut répondre au troisième, que toutes les autres superstitions proviennent d'un pacte tacite ou exprès qu'on a fait avec les démons. C'est pourquoi elles sont toutes comprises dans ces paroles : Vous n'aurez pas de dieux étrangers.


chose dans Pline (lib. XXXIV, cap. 4), dans Plutarque (Vie de Numa), et les Pères de l'Eglise ont rapporté ces mêmes faits (Clém. Alex. Strom. lib. 1 ; Tertul. Apolog. cap. 25).



ARTICLE III. — le second précepte du décalogue est-il convenablement exprimé (1)?


(1) Le second commandement est ainsi conçu : Non assumes nomen Dei tui in vanum. Nec enim habebit insontem Dominus eum qui assumpserit nomen Dei sui frustra, (Ex 20,7).

Objections: 1. Il semble que le second précepte du Décalogue ne soit pas convenablement ordonné. Car ce précepte : Vous ne prendrez pas le nom de votre Dieu en vain est ainsi interprété dans la glose (interl. Ex. 20) : Ne croyez pas que le Fils de Dieu soit une créature -, par là on défend une erreur contre la foi. En expliquant ces mêmes paroles (Dt 5) la glose (interl.) dit encore : Vous ne prendrez pas le nom de Dieu en vain, en l'attribuant au bois ou à la pierre ; et par là on défend une fausse confession, qui est un acte d'infidélité aussi bien qu'une erreur. Or, l'infidélité étant avant la superstition, et la foi avant la religion, il s'ensuit que ce précepte aurait dû être mis avant le premier qui défend la superstition.

2. On emploie le nom de Dieu pour beaucoup de choses. Ainsi on s'en sert pour louer, pour faire des miracles, et en général pour tout ce que nous disons ou ce que nous faisons, d'après ces paroles de saint Paul (Col 3,47) : Quelque chose que vous fassiez en parlant ou en agissant, faites-le au nom du Seigneur. Le précepte par lequel on défend de prendre en vain le nom de Dieu, paraît donc être plus universel que celui par lequel on défend la superstition, et par conséquent on aurait dû le mettre avant.

3. La glose (interl.) expliquant ce précepte (Ex 20) : Vous ne prendrez pas le nom de votre Dieu en vain, ajoute, c'est-à-dire en jurant pour rien. II semble donc que l'on défende par-là les vains serments qui se font sans jugement. Or, le faux serment qui est sans vérité et le serment injuste qui est sans justice sont bien plus graves. On aurait donc dû plutôt défendre ceux-là par ce précepte.

4. Le blasphème ou toute parole ou toute action injurieuse à Dieu est un péché beaucoup plus grave que le parjure. On aurait donc dû surtout défendre par ce précepte le blasphème et les autres fautes de cette nature.

5. Dieu a beaucoup de noms. On n'aurait donc pas dû dire d'une manière vague : Vous ne prendrez pas le nom de votre Dieu en vain.

En sens contraire Mais c'est le contraire. L'autorité de l'Ecriture est formelle.

CONCLUSION. — Le premier précepte ayant enlevé un premier empêchement contraire à la vertu de religion, qui est le vice de la superstition, il était convenable que le second précepte, qui défend de prendre le nom de Dieu en vain, en écartât un autre qui est le mépris de Dieu.

Réponse Il faut répondre qu'avant d'établir la véritable religion, il faut d'abord écarter ce qui empêche de pratiquer cette vertu. Or, il y a deux sortes d'obstacles qui sont opposés à la véritable religion. L'un pèche par excès ; quand on rend, par exemple, des devoirs religieux à quelqu'un à qui on n'en doit point; ce qui appartient à la superstition. L'autre pèche par défaut; comme quand on méprise Dieu, ce qui appartient au vice de l'impiété, comme nous l'avons vu (quest. xcvu). La superstition est un obstacle à la religion dans le sens qu'elle empêche qu'on s'attache à Dieu pour l'adorer.

Car celui dont le coeur est attaché à un culte illégitime, ne peut plus en même temps offrir à Dieu le culte qui lui est dû, d'après ces paroles du prophète (Is 28,20) : Le lit est si resserré qu'il n'y a pas déplacé pour un second, c'est-à-dire que le Dieu véritable ou les fausses divinités doivent être hors du coeur de l'homme ; la couverture est trop étroite pour les envelopper l'un et Vautre. — L'impiété est un obstacle à la religion dans le sens qu'elle empêche d'honorer Dieu, après qu'on l'a admis. Et parce qu'il faut admettre Dieu pour lui offrir un culte, avant que de l'honorer, lorsqu'on l'a admis, il s'ensuit que le premier précepte qui défend la superstition est mis avant le second précepte qui défend le parjure qui appartient à l'impiété et à l'irréligion.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que ces interprétations sont mystiques. L'interprétation littérale de ces paroles (Dt 5) : Vous ne prendrez pas le nom de voire Dieu en vain, c'est de ne pas jurer pour une chose qui n'est pas.

2. Il faut répondre au second, que ce précepte ne défend pas absolument de faire usage du nom de Dieu, mais il défend proprement de l'employer par manière de serment pour confirmer une chose que l'on a dite, parce que les hommes l'emploient trop souvent de cette manière. Cependant on peut entendre conséquemment que l'on défend par là tout emploi déréglé de ce nom sacré. Et c'est de là que viennent les différentes interprétations dont il est parlé (in arg. 1).

3. Il faut répondre au troisième, qu'on dit qu'il jure pour rien celui qui jure pour ce qui n'est pas; ce qui appartient au faux serment qu'on désigne principalement sous le nom de parjure, comme nous l'avons dit (quest. xcvin, art. 1 ad 3). Car, quand on fait un faux serment, alors le serment est vain par lui-même parce qu'il ne repose pas sur la vérité; au lieu que quand on jure sans jugement par légèreté, si le serment est vrai, la vanité ne tombe pas sur le serment lui-même, mais sur celui qui le fait.

4. Il faut répondre au quatrième, que, comme on propose d'abord des principes généraux à celui qui est instruit dans une science ; de même la loi qui forme l'homme à la vertu lui a proposé dans le Décalogue ses premières règles de conduite, en lui défendant ou en lui commandant les choses qui arrivent le plus communément dans le cours de la vie humaine. C'est pourquoi parmi ces préceptes se trouve la défense du parjure qui est une faute bien plus commune que le blasphème, dans lequel l'homme tombe plus rarement.

5. Il faut répondre au cinquième, qu'on doit respecter les noms de Dieu par rapport à la chose qu'ils signifient et qui est une ; mais non en raison des mots qui l'expriment et qui sont multiples. C'est pourquoi il est dit au singulier : Fous ne prendrez pas le nom de votre Dieu en vain; parce que le parjure est le même, quel que soit le nom de Dieu qu'on emploie.

ARTICLE IV. — le troisième précepte qui regarde la sanctification du sabbat, a-t-il été convenablement conçu (1)?


II-II (Drioux 1852) Qu.119 a.3