II-II (Drioux 1852) Qu.166 a.2



Objections: 1. Il semble que l'étude ne soit pas une partie de la tempérance. Car on est appelé studieux en raison de l'étude. Or, tout homme vertueux en général est appelé studieux, comme on le voit dans Aristote qui se sert souvent de cette expression (1). L'étude est donc une vertu générale et n'est pas une partie de la tempérance.

2. L'étude, comme nous l'avons dit (art. préc.), appartient à la connaissance. Or, la connaissance n'appartient pas aux vertus morales qui sont dans la partie appétitive de l'âme, mais elle appartient plutôt aux vertus intellectuelles, qui sont dans la partie cognitive; ainsi la sollicitude est un acte de la prudence, comme nous l'avons vu (quest. xlvii, art. 9). L'étude n'est donc pas une partie de la tempérance.

3. La vertu qui est une partie d'une vertu principale lui ressemble quant au mode. Or, on n'assimile pas l'étude à la tempérance quant au mode : parce que le mot de tempérance se dit de ce qui met un frein, et par conséquent elle est plutôt opposée au vice qui consiste dans un excès ; le nom de l'étude vient au contraire de l'application de l'esprit à une chose, et il paraît par conséquent plutôt opposé au vice qui consiste dans le défaut, tel que la négligence d'étudier, qu'au vice qui consiste dans l'excès, tel que la curiosité. C'est pour cela que d'après ces analogies saint Isidore dit (Elym. lib. x, ad litt. 5) qu'on appelle studieux celui qui est en quelque sorte curieux d'étudier. L'étude n'est donc pas une partie de la tempérance.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Lib. de mor. Eccl. cap. 21) : On nous défend d'être curieux, ce qui est un grand don de la tempérance. Or, l'étude modérée bannit la curiosité. Cette étude est donc une partie de la tempérance.

CONCLUSION. — L'étude est une partie potentielle de la tempérance, parce qu'elle lui est adjointe comme une vertu secondaire à une vertu principale.

leurs il lui donne lui-même le sens de vertueux (Mag. lUor. lib. i, cap. •!).

(1) Le mot anouScLÏOi est l'expression employée par Aristote, et on peut la traduire aussi bien par le mot probut que par le mot studiosus. D'ail

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. cxli, art. 4,2 et 3), il appartient à la tempérance de régler le mouvement de l'appétit dans la crainte qu'on ne se porte avec excès vers ce que l'on désire naturellement. Or, comme l'homme désire naturellement les plaisirs de la table et les jouissances charnelles par rapport à son corps; de même il désire naturellement, par rapport à son âme, la connaissance des choses. C'est ce qui fait dire à Aristote (Met. in princ.) que tous les hommes désirent naturellement la science. C'est à la vertu de l'étude qu'il appartient de régler ce dernier appétit (1). D'où il résulte que l'étude est une partie potentielle de la tempérance, parce qu'elle lui est secondairement adjointe, comme à une vertu principale, et qu'elle est comprise sous la modestie pour la raison que nous avons donnée plus haut (quest. clx, art. 2).

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la prudence est le complément de toutes les vertus morales, selon l'expression d'Aristote (Eth. lib. vi, cap. ult.). Le nom de l'étude, qui a pour objet propre la connaissance, s'étend donc à toutes les vertus en tant que la connaissance de la prudence leur est à toutes nécessaire.

2. Il faut répondre au second, que l'acte de la vertu cognitive est commandé par la puissance appétitive qui est la force motrice de toutes les facultés de l'âme, comme nous l'avons dit (1* 2", quest. ix, art. 4). C'est pourquoi à l'égard de la connaissance on peut considérer deux sortes de bien. L'un qui se rapporte à l'acte même de la connaissance : ce bien appartient aux vertus intellectuelles, c'est-à-dire qu'il consiste en ce que l'homme a une juste idée sur chaque chose. L'autre bien est celui qui appartient à l'acte de la puissance appétitive, c'est-à-dire qu'il consiste en ce que nous fassions une application convenable de nos connaissances à telle ou telle chose, de telle ou telle manière. C'est ce qui appartient à la vertu de l'étude. Par conséquent on doit la compter au nombre des vertus morales.

3. Il faut répondre au troisième, que, comme le dit Aristote (Eth. lib. ii, cap. ult.), pour que l'homme devienne vertueux, il faut qu'il se préserve des choses pour lesquelles la nature a le plus de penchant. De là il arrive que la nature étant principalement portée à craindre les dangers de mort et à rechercher les jouissances charnelles, il s'ensuit que le mérite de la vertu de la force consiste surtout dans la fermeté avec laquelle on résiste aux dangers , et le mérite de la vertu de tempérance dans la modération avec laquelle on contient les plaisirs de la chair. Mais, par rapport à la connaissance, il y a dans l'homme un penchant contraire. Car, du côté de l'âme, il est porté à désirer la connaissance des choses, et il faut conséquemment qu'il mette un frein légitime à ce désir, dans la crainte qu'il ne s'applique déréglément à cette connaissance; au lieu que du côté de sa nature corporelle, il est excité à éviter la peine qu'exige l'acquisition de la science. Ainsi donc, sous le premier rapport, l'étude consiste à mettre un frein à l'esprit, et elle est à ce point de vue une partie de la tempérance. Sous le second, le mérite de cette vertu consiste dans l'ardeur du désir qui nous porte à acquérir la science, et c'est de là que lui vient son nom. Mais la première chose lui est plus essentielle que la seconde ; car le désir de connaître se rapporte par lui-même à la connaissance qui est l'objet de l'étude, au lieu que la peine que l'on a pour apprendre est un obstacle à la connaissance. Par conséquent elle n'est à l'égard de cette vçrtu qu'un accident, comme tous les obstacles qu'elle peut avoir à surmonter.

(I) Les dent excès opposés à cette vertu sont la négligence, qui pèche par défaut, et la curiosité, qui pèche par excès




. QUESTION 167 DE LA CURIOSITÉ (1).

Nous avons ensuite à parler de la curiosité, et à cet égard deux questions se présentent : 1° Le vice de la curiosité peut-il exister dans la connaissance de l'intellect? — 2° Existe-t-il dans la connaissance sensitive ?


ARTICLE I. — la curiosité peut-elle avoir pour objet la connaissance intellectuelle ?



Objections: 1. Il semble que la curiosité ne puisse pas avoir pour objet la connaissance intellectuelle. Car, d'après Aristote [Eth. lib. ii, cap. 6), dans les choses qui sont bonnes ou mauvaises en elles-mêmes, il ne peut y avoir ni milieu ni extrêmes. Or, la connaissance intellectuelle est bonne en elle- même ; puisque la perfection de l'homme paraît consister en ce que son intelligence passe de la puissance à l'acte ; ce qui se fait par la connaissance de la vérité. Saint Denis dit aussi (De div. nom. cap. 4) que le bien de l'âme humaine c'est d'être conforme à la raison, dont la perfection consiste dans la connaissance de la vérité. Le vice de la curiosité ne peut donc avoir pour objet la connaissance intellectuelle.

2. Ce qui rend l'homme semblable à Dieu et ce qui vient de Dieu ne peut pas être un mal. Or, toute abondance de la connaissance vient de Dieu, d'après ces paroles (Si 1,1) : Toute sagesse vient du Seigneur Dieu. (Sg 7,17) : C'est lui qui m'a donné la vraie science de ce qui est, pour que je sache la disposition de l'univers et la vertu des éléments, etc. Par là même que l'homme connaît la vérité, il devient semblable à Dieu ; parce que tout est à nu et à découvert devant ses yeux, selon l'expression de saint Paul (He 4,13). D'où il est dit (1S 2,3) que Dieu est le seigneur des sciences. Ainsi quelque abondante que soit la connaissance, elle n'est donc pas mauvaise, mais elle est bonne. Et comme le désir de ce qui est bon n'est pas vicieux, il s'ensuit que le vice de la curiosité ne peut avoir pour objet la connaissance intellectuelle de la vérité.

3. Si le vice de la curiosité pouvait avoir pour objet une connaissance intellectuelle, ce serait surtout celle des sciences philosophiques. Or, il ne semble pas que ce soit un vice de s'y appliquer, car saint Jérôme dit (Sup. Dan. cap. l)que ceux qui n'ont pas voulu manger de la table du roi et boire de son vin dans la crainte d'être souillés, s'ils avaient pensé que la sagesse et la science des Babyloniens fût un péché, n'auraient jamais consenti à apprendre ce qui ne leur était pas permis. Et saint Augustin avance (De doct. christ, lib. ii, cap. 40) que si les philosophes ont dit quelques vérités, nous devons les leur ravir, comme à d'injustes possesseurs, et les employer à notre usage. La curiosité vicieuse ne peut donc pas avoir pour objet la connaissance intellectuelle.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Jérôme dit (Sup. illud Ephes. iv, Non ambuletis) : Ne vous semble-t-il pas tombé dans la vanité des sens et l'obscurité de l'esprit, celui qui se tourmente nuit et jour à étudier l'art de la dialectique, ou le physicien observateur qui a toujours les yeux levés au ciel? Or, la vanité des sens et l'obscurité de l'esprit sont des choses vicieuses. La curiosité coupable peut donc avoir pour objet les sciences intellectuelles.

CONCLUSION. — Quoique la connaissance de la vérité ne soit pas vicieuse par elle-même, mais par accident, en tant que le péché d'orgueil la suit, cependant le désir de l'acquérir peut être vicieux et déréglé de différentes manières.

(ULa curiosité dont il s'agit ici n'est que le désir déréglé de connaître.

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. préc. art. 1), l'étude n'a pas directement pour objet la connaissance elle-même, mais le désir de l'acquérir. Or, on ne doit pas juger de la connaissance même de la vérité de la même manière que du désir qu'on a de la connaître. Car la connaissance de la vérité est bonne, absolument parlant ; mais elle peut être mauvaise par accident en raison de ses conséquences; soit qu'on s'enorgueillisse de ce qu'on la possède, d'après ces paroles de l'Apôtre (1Co 8,4) : La science enfle, soit que l'on s'en serve pour pécher. — Mais le désir de connaître la vérité peut êtr e droit ou pervers. 1° Il peut être pervers quand on tend à connaître la vérité, selon que le mal lui est uni par accident. C'est ainsi qu'il y en a qui désirent la science de la vérité pour satisfaire leur orgueil. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (Lib. de mor. Eccles. cap. 21) : Il y en a qui, laissant de côté les vertus et ignorant ce qu'est Dieu et quelle est la majesté de la nature de celui qui reste toujours le même, pensent faire quelque chose de grand, s'ils étudient avec la plus grande curiosité et la plus vive attention toute cette masse de corps que nous appelons le monde. Ils en deviennent si orgueilleux, qu'ils se figurent habiter dans ce ciel qui est l'objet de leurs fréquentes discussions. De même ceux qui s'efforcent d'apprendre quelque chose pour pécher, ont aussi une ardeur vicieuse, d'après ces paroles du prophète (Jr 9,5) : Ils ont appris leur langue à proférer le mensonge, et ils se sont étudiés à faire des injustices. 2° Le désir que l'on a d'apprendre la vérité peut aussi être vicieux de quatre manières par suite de son dérèglement : 1° Lorsqu'on laisse l'étude des choses qu'il est nécessaire de savoir pour s'occuper de l'étude de choses moins utiles. C'est ce qui fait dire à saint Jérôme (Ep. cxlvi ad Damasc.) : Nous voyons les prêtres, après avoir abandonné les Evangiles et les prophètes, lire les comédies et chanter les vers passionnés des poètes bucoliques. 2° Quand on veut apprendre quelque chose de celui qu'on ne doit pas avoir pour maître. Ainsi il est évident que quand on veut savoir l'avenir par les démons, il y a là une curiosité superstitieuse. C'est pourquoi saint Augustin dit (Lib. de ver. relig. cap. 4) : Je ne sais pas si les philosophes seraient détournés de la foi par le vice de la curiosité en interrogeant les démons. 3° Quand l'homme désire connaître la vérité à l'égard des créatures, sans la rapporter à sa fin légitime, qui est la connaissance de Dieu. D'où le même docteur observe (ib. cap. 29) que la contemplation des créatures ne doit pas exciter en nous une curiosité vaine et périssable, mais nous devons en faire un degré qui nous élève aux choses immortelles et immuables. 4° Enfin lorsqu'on cherche à connaître la vérité qui est au-dessus des forces de son propre esprit. Ainsi l'Ecriture dit (Si 3,22) : Ne recherchez point ce qui est au-dessus de vous, ne tâchez pas de pénétrer ce qui surpasse vos forces, et n'ayez pas la curiosité d'examiner la plupart des ouvrages de Dieu. Puis elle ajoute : Car il y en a beaucoup qui se sont laissés séduire par leur fausse opinion et que l'illusion de leur esprit a tenus captifs dans la vanité (1).

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que le bien de l'homme consiste dans la connaissance du vrai ; cependant le souverain bien de l'homme ne consiste pas dans la connaissance d'une vérité quelconque, mais dans la parfaite connaissance de la vérité souveraine, comme on le voit dans Aristote (Eth. lib. x, cap. 7 et 8). C'est pourquoi il peut y avoir un vice dans la connaissance de certaines vérités, et ce vice peut faire que l'appétit ne se rapporte pas de la manière convenable à la connaissance de la vérité souveraine dans laquelle consiste la félicité parfaite.

(1) La curiosité est par elle-même un péché véniel. Mais ce péché peut devenir mortel en raison de la matière, si Pon cherche à connaître ce que le droit naturel ou le droit positif défend d'étudier ; en raison de la fin, si l'on a l'intention de se servir de ses connaissances pour nuire au prochain, et en raison du moyen que l'on emploie si l'on a recours à la magie ou à des actes illicites.

2. Il faut répondre au second, que, quoique ce raisonnement montre que la connaissance de la vérité est bonne en elle-même, néanmoins cela n'empêche pas qu'on ne puisse en abuser pour faire le mal ou qu'on ne puisse la désirer déréglément; car il faut que le désir du bien soit aussi réglé d'une manière convenable.

3. Il faut répondre au troisième, que l'étude de la philosophie est permise et louable en elle-même, à cause de la vérité que les philosophes ont connue parla révélation de Dieu, comme le dit saint Paul (Rm 1). Mais parce que les philosophes abusent de leur science pour attaquer la foi, le même apôtre dit (Col 2,8) : Prenez garde que Von ne vous égare par la philosophie et par des raisonnements trompeurs selon une doctrine toute humaine et non selon J.-C. Et saint Denis dit en parlant de certains philosophes (Epist, ad Polyc.) qu'ils ont l'impiété de se servir des choses divines contre Dieu, en tentant au moyen de sa sagesse de détruire le respect qui lui est dû.


ARTICLE II. — le vice de la curiosité a-t-il pour objet la connaissance sensitive ?


Objections: 1. Il semble que le vice de la curiosité n'ait pas pour objet la connaissance sensitive. Car comme il y a des choses que l'on connaît par le sens de la vue, de même il y en a aussi qu'on connaît par le sens du tact et par celui du goût. Or, le vice de la curiosité ne se rapportepas aux choses qui sont l'objet du tact et du goût; mais c'est plutôt le vice de la luxure et de la gourmandise. Il semble donc que le vice de la curiosité n'ait pas seulement pour objet les choses que l'on connaît par la vûe.

2. Il semble qu'il y ait curiosité à regarder les jeux. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (Conf. lib. vi, cap. 8) que dans un combat tout le peuple ayant poussé un grand cri, Alipius fut vaincu par la curiosité et qu'il ouvrit les yeux. Or, il ne paraît pas que ce soit un mal de regarder les jeux; parce que cette vue est agréable à cause de la représentation dans laquelle l'homme se délecte naturellement, comme le dit Aristote dans sa Poétique (cap. 2). Le vice de la curiosité n'a donc pas pour objet la connaissance des choses sensibles.

3. Il appartient à la curiosité de rechercher les actions des autres, comme le dit le vénérable Bède (Sup. illud I. Joan, ii, Concupiscentia carnis, etc.). Or, il ne semble pas que ce soit un vice de s'occuper de ce que font les autres; puisqu'il est dit (Si 17,12) : que Dieu a ordonné à chacun d'avoir soin de son prochain. Le vice de la curiosité ne consiste donc pas dans la connaissance des choses sensibles en particulier.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Lib. de ver. relig. cap. 38) que la concupiscence des yeux rend les hommes curieux. Or, d'après le vénérable Bède (loc. cit.), la concupiscence des yeux consiste non-seulement à apprendre les arts magiques, mais encore à regarder les spectacles, à connaître et à reprendre les vices du prochain ; et toutes ces choses sont des faits sensibles et particuliers. Par conséquent puisque la concupiscence des yeux est un vice, aussi bien que l'orgueil de la vie et la concupiscence de la chair que saint Jean leur oppose (1Jn 2), il semble que le vice de la curiosité ait pour objet la connaissance des choses sensibles.

CONCLUSION. — La curiosité peut avoir de deux manières la connaissance sensi- tive pour objet, d'abord quand cette connaissance est vaine et qu'elle ne se rapporte à aucune fin utile, ensuite quand elle a pour but une fm mauvaise.

Réponse Il faut répondre que la connaissance sensitive se rapporte à deux fins : 4° Dans les hommes ainsi que dans les autres animaux, elle a pour but de sustenter le corps : parce que c'est par cette connaissance que les hommes et les autres animaux évitent ce qui leur est nuisible, et qu'ils cherchent ce qui leur est nécessaire pour l'entretien de leur vie. 2° Dans l'homme elle se rapporte spécialement à la connaissance intellectuelle, soit spéculative, soit pratique. Ainsi en mettant du zèle pour arriver à la connaissance des choses sensibles on peut donc avoir tort de deux manières : 1° Quand cette connaissance sensitive n'a pas un but utile, mais qu'elle détourne plutôt l'homme de certaine réflexion profitable. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (Conf. lib. x, cap. 35) : Je ne regarde pas un chien courir après un lièvre, quand cela se passe dans le cirque. Mais dans la plaine, si je passe par hasard, cette chasse va me détourner peut-être des pensées les plus graves et fixer sur elle mon attention, et si après m'avoir fait sentir ma faiblesse, vous ne me rappelez pas à vous, je reste stupidement immobile dans ce vain amusement. 2° Quand la connaissance sensitive a pour but quelque chose de mauvais ; comme quand on regarde une femme pour s'exciter à la concupiscence ou qu'on recherche avec soin ce que font les autres dans le dessein d'en médire. — Mais si l'on s'applique convenablement à la connaissance des choses sensibles, parce qu'il est nécessaire de pourvoir à son existence ou par goût pour l'intelligence de la vérité, l'étude qui a pour objet ces sortes de connaissances est une chose louable.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la luxure et la gourmandise ont pour objet les jouissances qui se trouvent dans l'usage des choses que l'on touche ; au lieu que la curiosité se rapporte au plaisir que produit la connaissance qu'on acquiert au moyen de tous les sens. On l'appelle la concupiscence des yeux, parce que, selon la remarque de saint Augustin [Conf. lib. x, cap. 35) : Les yeux sont les organes principaux de la connaissance, et c'est ce qui fait qu'on applique le mot voir à toutes les choses sensibles. Et, comme l'ajoute au même endroit le même docteur, on distingue évidemment par là ce que la volupté et ce que la curiosité produisent au moyen des sens; la volupté recherche les choses qui sont belles, agréables, mélodieuses, qui ont de la saveur et de la douceur, au lieu que la curiosité s'attache à des choses opposées à celles-là, non pour satisfaire la mollesse, mais pour contenter la passion d'expérimenter et de connaître.

2. Il faut répondre au second, que le spectacle devient vicieux selon qu'il porte l'homme aux vices de la luxure ou de la cruauté par les choses qui y sont représentées. C'est ce qui fait dire à saint Chrysostome (Hom. vi in Mt.) que la fréquentation de ces lieux est cause de l'adultère et de l'im- pudicité (1).

3. Il faut répondre au troisième, qu'il est louable d'examiner les actions des autres ou de les étudier dans un bon esprit, soit pour notre utilité propre, pour nous exciter à la vue de leurs bonnes oeuvres à une plus grande perfection; soit dans l'intérêt du prochain lui-même, pour le corriger, comme on le doit, selon la règle de la charité, ou le devoir de la charge qu'on remplit si on trouve qu'il fait quelque chose de vicieux. C'est le sens de ces paroles de l'Apôtre (He 10,24) : Considérez-vous les uns les autres, afin de vous animer à la charité et aux bonnes oeuvres. Mais si l'on s'applique à considérer les vices du prochain, pour le mépriser, ou pour en médire, ou pour satisfaire une vaine curiosité, c'est un mal. C'est pourquoi il est dit (Pr 24,15) : Ne dressez point d'embûches et ne cherchez pas V impiété dans la maison du juste, et ne désolez point son repos.

(I) Saint Chrysostome s'élève en cet endroit contre les spectacles, qui étaient extrêmement dangereux pour les moeurs.




QUESTION 168 DE LA MODESTIE SELON QU'ELLE EXISTE DANS LES MOUVEMENTS EXTÉRIEURS DU CORPS.


Nous avons ensuite à nous occuper de la modestie selon qu'elle consiste dans les mouvements extérieurs du corps. — A cet égard quatre questions se présentent : 1" Peut-il y avoir vertu et vice pour les mouvements extérieurs du corps qui se font sérieusement? — 2°Peut-il y avoir une vertu qui se rapporte aux actions du jeu? — 3° Du péché que l'on commet dans l'excès du jeu. — 4° Du péché qui résulte de son défaut.



ARTICLE I. — v a-t-il une vertu qui existe pour les mouvements extérieurs du corps?



Objections: 1. Il semble qu'il n'y ait pas de vertu qui existe pour les mouvements extérieurs du corps. Car toute vertu appartient à la beauté spirituelle de l'âme, d'après ces paroles du Psalmiste (Ps 44,14) : Toute la gloire de la fille du roi est au dedans, c'est-à-dire, ajoute la glose (interl. Aug.), dans la conscience. Or, les mouvements du corps ne sont pas intérieurs, mais extérieurs. La vertu ne peut donc pas avoir ces mouvements pour objet.

2. Les vertus ne sont pas mises en nous par la nature, comme on le voit (Eth. lib. ii, cap. 1). Or, les mouvements corporels extérieurs viennent de la nature, qui fait que parmi les hommes, les uns ont les mouvements plus rapides et les autres plus lents ; et il en est de même pour les autres différences qui se remarquent dans les mouvements extérieurs. La vertu ne peut donc pas avoir pour objet ces mouvements.

3. Toute vertu morale a pour objet les actions qui se rapportent à autrui, comme la justice, ou les passions, comme la tempérance et la force. Or, les mouvements corporels extérieurs ne se rapportent pas à autrui, et ils ne sont pas non plus des passions. Il n'y a donc pas de vertu qui les ait pour objet.

4. Il faut apporter du soin et de l'étude dans toutes les oeuvres de vertu, comme nous l'avons dit (quest. clxvi, art. 1, arg. 1, et art. 2 ad 2). Or, il est blâmable d'étudier la disposition de ses mouvements extérieurs. Car saint Ambroise dit (De offic. lib. i, cap. 18) : L'allure qui plaît est celle où l'on trouve la dignité du commandement, le poids de la gravité et le reflet d'une âme tranquille, pourvu qu'il n'y ait en elle ni étude, ni affectation, mais que l'on se meuve purement et simplement. Il semble donc que la vertu ne consiste pas dans la composition des mouvements extérieurs.

En sens contraire Mais c'est le contraire. La beauté de l'honnêteté appartient à la vertu. Or, la composition des mouvements extérieurs appartient à l'honnêteté. Car saint Ambroise dit (De offic. lib. i, cap. 19) : Comme je n'aime pas une parole ni une tenue trop molle et trop étudiée, je n'approuve pas non plus des habitudes rustiques ou agrestes. Imitons la nature : son image doit être la forme de l'honnêteté, le type de la bonne éducation. Il y a donc une vertu qui a pour but de régler les mouvements extérieurs.

CONCLUSION. — Puisque les actions et les mouvements extérieurs de l'homme doivent être réglés par la raison, il faut qu'il y ait une vertu qui se rapporte à eux.

Réponse Il faut répondre que la vertu morale consiste en ce que les choses humaines sont réglées par la raison. Or, il est évident que les mouvements

extérieurs de l'homme doivent être réglés par la raison, car c'est cette faculté qui commande aux membres extérieurs de se mouvoir. D'où il est évident que la vertu morale a pour objet de régler ces mouvements. Or, pour les régler, il y a deux choses à observer : 1° la convenance de la personne elle-même; 2° la convenance des autres personnes, des affaires ou des lieux. C'est ce qui fait dire à saint Ambroise (De offîc. lib. i, loc. sup. cit.) que c'est être fidèle à la beauté morale, que de rendre à chaque sexe et à chaque personne ce qui lui convient, ce qui se rapporte à la première de ces conditions. Et il ajoute à l'égard de la seconde, que c'est là le meilleur ordre qu'on puisse suivre dans tout ce que l'on fait; et que c'est là l'ornement qui convient à toute espèce d'action. — C'est pourquoi, à l'égard de ces mouvements extérieurs, Andronic distingue deux choses : V ornement qui se rapporte à la convenance de la personne et qu'il appelle une science qui a pour objet ce qui convient dans les mouvements et les habitudes, et la bonne disposition qui regarde la convenance des différentes affaires et des circonstances. D'où il dit qu'elle est l'expérience qui nous fait discerner ou distinguer les actions.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que les mouvements extérieurs sont des signes de la disposition intérieure, d'après ces paroles (Si 14,27) : Le vêtement du corps, le ris des dents et la démarche de l'homme font connaître ce qu'il est. Et saint Ambroise dit (De offic. lib. i, cap. 18) qu'on voit dans le maintien du corps l'état de l'âme, et que les mouvements du corps sont l'expression de l'esprit.

2. Il faut répondre au second, que quoique l'homme ait naturellement de l'aptitude pour disposer de telle ou telle manière ses mouvements extérieurs, cependant ce qui manque à la nature peut être suppléé au moyen de la raison. C'est pourquoi saint Ambroise dit (De offic. lib. i, cap. 18) que la nature donne le mouvement, mais que s'il y a en elle quelque chose de vicieux, c'est à l'éducation à le réformer.

3. Il faut répondre au troisième, que, comme nous l'avons dit (in resp. ad 1), les mouvements extérieurs sont des signes de la disposition intérieure, qui se considère principalement d'après les passions de l'âme. C'est pourquoi la modération des mouvements extérieurs exige que les passions intérieures soient elles-mêmes réglées. C'est ce qui fait dire à saint Ambroise (De ofíic. lib. i, cap. 18) que d'après nos mouvements extérieurs, on juge si l'homme intérieur qui est caché en nous est léger, vaniteux, plein de trouble, ou s'il a au contraire de la gravité et de la constance, de la pureté et de la maturité. C'est aussi par les mouvements extérieurs que les autres hommes nous jugent, d'après ces paroles de l'Ecriture (Si 19,26) : On connaît une personne à la vue, et on discerne à l'air du visage l'homme de bon sens. C'est pourquoi la modération des mouvements extérieurs se rapporte d'une certaine manière au prochain, suivant cette pensée de saint Augustin (Ep. ccxi) : Que dans tous vos mouvements il n'y ait rien qui blesse les regards de qui que ce soit, mais que tout soit tel qu'il convient à votre sainteté. La modération des mouvements extérieurs peut donc se ramener à deux vertus que le philosophe indique (Eth. lib. iv, cap. 6 et 7). En effet, selon que ces mouvements extérieurs nous mettent en rapport avec nos semblables, leur modération appartient à l'amitié ou à l'affabilité qui a pour objet la joie et la tristesse qui se trouvent dans nos paroles et nos actions, par rapport aux personnes avec lesquelles nous vivons. Si on considère ces mouvements extérieurs comme les signes de la disposition intérieure, leur modération appartient à la vertu de vérité, d'après laquelle on se montre, dans ses paroles et ses actions, tel qu'on est intérieurement.



DE LA MODESTIE. 459

Il faut répondre au quatrième, que dans la composition des mouvements extérieurs, on blâme cette recherche ou cette étude qui fait que l'on use de dissimulation pour paraître extérieurement autre que l'on est d'après ses dispositions intérieures. Néanmoins on doit avoir recours à l'étude pour corriger ce qu'il y a en nous de déréglé. Comme le dit saint Ambroise (De offic. lib. i, cap. 18) : Que l'art manque, mais que la correction ne fasse pas défaut.


ARTICLE II. — peut-il y avoir quelque vertu a jouer (1)?


Objections: 1. Il semble qu'il ne puisse pas y avoir de vertu à jouer. Car saint Ambroise rappelant cette parole de Notre-Seigneur : Malheur à vous qui riez, parce que vous pleurerez, ajoute (De offic. lib. i, cap. 21) : Je pense qu'on doit éviter non-seulement les amusements trop libres, mais encore toute espèce de jeux. Or, on ne doit pas totalement interdire ce que l'on peut faire par vertu. La vertu ne peut donc pas avoir pour objet les jeux.

2. La vertu est ce que Dieu opère en nous sans nous, comme nous l'avons vu (la2', quest. lv, art. 4). Or, saint Chrysostome dit (Hom. vi in Mt.) : Ce n'est pas Dieu qui nous fait jouer, mais c'est le démon. Ecoutez ce qu'ont souffert ceux qui jouaient. Le peuple, dit l'Ecriture, s'est assis pour manger et pour boire, et il s'est levé pour jouer. Il ne peut donc pas y avoir de vertu à l'égard des jeux.

3. Aristote dit (Eth. lib. x, cap. 6) que les opérations du jeu ne se rapportent pas à autre chose. Or, il est nécessaire à la vertu que celui qui la pratique agisse en vue d'une autre chose, comme on le voit (Eth. lib. 11). Il ne peut donc pas y avoir de vertu qui ait pour objet les jeux.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Mus. lib. ii, cap. ult.) : Je veux enfin que vous ayez soin de vous; car la sagesse demande que l'esprit se repose après s'être appliqué aux choses que l'on doit faire. Or, on se procure ce repos de l'esprit par des jeux, soit en paroles, soit en actions. Il est donc permis quelquefois à l'homme sage et vertueux, de s'accorder ces délassements. D'ailleurs, Aristote (Eth. lib. iv, cap. 8) rapporte aussi aux jeux la vertu de l'eutrapélie, que nous pouvons appeler l'urbanité ou la belle humeur.

CONCLUSION. — La vertu qu'on appelle eutrapélie a pour objet les jeux et les plaisanteries qui sont quelquefois utiles pour le délassement de l'esprit.

Réponse Il faut répondre que comme l'homme a besoin d'un repos corporel pour ranimer ses forces, parce qu'il ne peut pas travailler continuellement, n'ayant qu'une force limitée qui est proportionnée à une certaine fatigue, de même il a aussi besoin de repos du côté de l'âme, dont la vertu finie est également proportionnée à des opérations particulières. C'est pourquoi quand elle se livre à certaines opérations au-delà de ce qui convient, il en résulte de la fatigue, surtout parce que dans les travaux intellectuels le corps travaille simultanément avec l'âme, puisque l'intelligence fait usage de facultés qui agissent au moyen des organes corporels. D'ailleurs les biens sensibles sont des biens naturels à l'homme. C'est ce qui fait que quand l'âme s'élève au-dessus de ces biens, pour s'appliquer aux opérations de la raison, il en résulte une fatigue de tout le système organique, soit que l'homme s'applique aux actes de la raison pratique, soit aux actes de la raison spéculative. Cependant la fatigue est encore plus grande s'il se livre à la contemplation, parce qu'il est par là même éloigné davantage des choses sensibles, quoiqu'il y ait une plus grande peine de corps dans certaines opérations extérieures de la raison pratique. Mais, dans les unes et les autres, la fatigue est d'autant plus grande que l'on s'applique plus fortement aux choses rationnelles. Par conséquent comme la fatigue du corps est détruite par le repos matériel, de même il faut que l'on dissipe la fatigue de l'esprit par un repos spirituel. — Or, le repos de lame est la délectation, comme nous l'avons vu en traitant des passions (i* 2*, quest. xxv, art. 2, et quest. xxxi, art. 1 ad 2). C'est pourquoi on doit remédier à la fatigue de l'âme par quelques plaisirs , en cessant de donner toute son attention à l'étude des choses spirituelles. C'est ainsi qu'il est rapporté [Collât. Pat. 24, cap. 21) que quelques individus s'étant scandalisés d'avoir trouvé saint Jean l'Evangéliste jouant avec ses disciples, il pria l'un d'eux qui portait un are de tirer une flèche. Après qu'il en eut tiré plusieurs, il lui demanda s'il pourrait faire continuellement cet exercice. Et comme le chasseur lui répondit que s'il le faisait continuellement, son are se romprait, le bienheureux apôtre ajouta qu'il en était de même de l'esprit de l'homme, qu'il se briserait, si on ne lui accordait jamais le moindre relâche. Or, les paroles ou les actions dans lesquelles on ne cherche qu'à se récréer l'esprit, on les appelle des jeux ou des plaisanteries. C'est pourquoi il est nécessaire d'en faire usage quelquefois, pour reposer en quelque sorte l'esprit. — C'est la pensée d'Aristote, qui dit (Eth. lib. iv, cap. 8) que dans le commerce de la vie, il faut des intervalles de repos et des délassements. On doit donc en user quelquefois. Mais à cet égard il y a trois choses principales à observer : 1° La première et la plus importante, c'est que l'on ne cherche pas ces agréments dans des actions ou dans des paroles honteuses ou funestes. C'est ce qui fait dire à Cicéron (De offic. lib. n, cap. 29) qu'il y a un genre de plaisanterie qui est grossière, effrontée, déshonnête et obscène. 2° Il faut avoir soin de ne pas perdre totalement sa gravité. C'est ce que saint Ambroise exprime par ces paroles (De offic. lib. i, cap. 20) : Prenons garde que quand nous voulons nous délasser, nous ne troublions toute l'harmonie de notre âme et ce concert que produisent les bonnes oeuvres. Et Cicéron dit (loc. cit.) : Que comme nous ne permettons pas aux enfants toutes sortes de jeux, mais seulement ceux qui ne choquent point l'honnêteté; de même il faut que dans les plaisirs de l'homme de bien, on voie briller un rayon de vertu. 3° Il faut que comme dans toutes les autres actions humaines, on observe en jouant ce qui convient à la personne, au temps, au lieu et à toutes les autres circonstances, afin que, selon l'expression de Cicéron, la plaisanterie faite à propos soit digne d'un homme libre. C'est à la raison à régler ces choses, et puisque l'habitude qui agit conformément à la raison est une vertu morale, il
s'ensuit qu'il peut y avoir une vertu qui ait les jeux pour objet. C'est celle qu'Aristote (loc. cit.) désigne sous le nom d'eutrapélie (1). On dit qu'un homme a cette vertu, c'est-à-dire qu'il a l'esprit bien tourné, quand il sait changer les paroles ou les actes en consolation. Cette vertu est comprise sous la modestie, selon qu'elle éloigne l'homme de l'amour immodéré des jeux.

(H) L'Ecriture dit qu'il y a un temps pour chaque chose (Qo 3) : Tempus flendi et tsm- pus ridendi, tempus plangendi et tempus saltandi.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que, comme nous l'avons dit (in corp. art.), les plaisanteries doivent convenir aux choses et aux personnes. C'est ce qui fait dire à Cicéron (Rhet. lib. i) que quand les auditeurs sont

(I) C'est ainsi qu'Aristote désigne l'urbanité, la bonne humeur.

fatigués, il n'est pas inutile de commencer son discours par quelque chose de nouveau ou de piquant, si toutefois la gravité du sujet n'interdit pas l'usage de la plaisanterie. Or, l'enseignement sacré a pour objet les choses les plus élevées, d'après ces paroles du Sage(Pr 8,6) : Ecoutez, parce que je dois vous entretenir sur de grandes choses. Aussi saint Ambroise ne défend pas universellement la plaisanterie dans le commerce ordinaire de la vie, mais il la bannit seulement de l'enseignement sacré. C'est pourquoi il dit auparavant : Quoiqu'il y ait des plaisanteries qui soient honnêtes et agréables, cependant les règlements de l'Eglise les abhorrent; car comment pouvons-nous employer des choses que nous ne rencontrons point dans les saintes Ecritures (1)?

2. Il faut répondre au second, que ces paroles de saint Chrysostome doivent s'entendre de ceux qui se livrent déréglément aux jeux, et surtout de ceux qui mettent leur fin dans ce plaisir, comme ces hommes dont la sagesse dit (Sg 15,12): Ils ont pensé que notre vie est un jeu. C'est contre eux que Cicéron dit (De offic. lib. i, cap. 29) que la nature ne nous a pas mis au jour de manière que nous paraissions faits pour les jeux et les amusements, mais plutôt pour des habitudes sérieuses, pour des goûts plus graves et plus relevés.

3. Il faut répondre au troisième, que les opérations du jeu, considérées dans leur espèce, ne se rapportent pas à une fin; mais le plaisir qu'on y trouve a pour but de récréer l'âme et de la reposer, et par conséquent il est permis d'en user, si on le fait modérément. C'est pourquoi Cicéron dit (loc. cit.) qu'il nous est permis d'user du jeu et des amusements, mais comme on use du sommeil et de tout autre délassement, après avoir satisfait à nos affaires graves et sérieuses.



II-II (Drioux 1852) Qu.166 a.2