III Pars (Drioux 1852) 143

ARTICLE III. — la foi A-t-elle existé DANS le Christ?

143
1 Il semble que la foi ait existé dans le Christ. Car la foi est une vertu plus noble que les vertus morales, telles que la tempérance et la libéralité. Or, ces vertus ont existé dans le Christ, comme nous l'avons dit (art. préc.). A plus forte raison la foi y a-t-elle existé aussi.

2
Le Christ n'a pas enseigné les vertus qu'il n'a pas eues, d'après ces paroles : Il a commencé à faire et à enseigner. Or, il est dit du Christ (He 12) qu'il est l'auteur et le consommateur de la foi. Il a donc eu éminemment cette vertu.

3 Tout ce qui est imparfait est exclu des bienheureux. Or, la foi existe dans les bienheureux; car sur ces paroles de saint Paul (Rm 1,17) : La justice de Dieu nous est révélée en lui comme venant de la foi et se perfectionnant par elle, la glose dit (ord. loc. cit. in respons.) : il semble donc que la foi ait existé dans le Christ, puisqu'elle n'implique aucune imperfection.

20 Mais c'est le contraire. Saint Paul dit (He 11,1) que la foi est l'argument des choses que l'on ne voit pas. Or, il n'y a rien eu de caché pour le Christ d'après ce que lui dit saint Pierre (Jn 21,17) : Vous savez tout. La foi n'a donc pas existé dans le Christ.



21 Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (II-II 1,4), l'objet de la foi est une chose divine que l'on ne voit pas. L'habitude d'une vertu, comme toute autre, tirant son espèce de son objet, il s'ensuit que si l'on suppose que l'essence divine est vue, on détruit la nature de la foi. Or, le Christ a vu pleinement Dieu dans son essence dès le premier instant de sa conception, comme nous le dirons (III 34,4). La foi n'a donc pas pu exister en lui.

31 Il faut répondre au premier argument, que la foi est une vertu plus noble que les vertus morales, parce qu'elle a pour objet une matière plus noble. Cependant elle implique un défaut (1) par rapport à cette matière, et ce défaut n'a pas existé dans le Christ. C'est pourquoi la foi n'a pas pu exister en lui, quoiqu'il ait eu les vertus morales, qui n'impliquent pas de défaut semblable dans leur essence par rapport à leurs matières.

32
Il faut répondre au second, que le mérite de la foi consiste en ce que l'homme par obéissance pour Dieu donne son assentiment à ce qu'il ne voit pas, d'après ces paroles de saint Paul (Rm 1,5) : Pour soumettre à la foi toutes les nations à la gloire de son nom. Or, le Christ a pratiqué l'obéissance envers Dieu de la manière la plus parfaite, d'après ces autres paroles du même Apôtre (Ph 2,8) : Il s'est fait obéissant jusqu'à la mort (2). Par conséquent, il n'a rien enseigné de ce qui appartient au mérite, sans l'avoir accompli de la manière la plus excellente.


(1) Voyez ce que nous avons dit de ces vertus (torn. m, p. fí3 et suiv.).
(2) Voyez sur la continence ce que dit saint Thomas lui-même (tom. v, p. 377).


33 II faut répondre au troisième, que, comme le dit la glose (Aug. lib. ii, Quaest. evang. quaest. 39, in princ.), la foi proprement dite est une vertu par laquelle on croit ce qu'on ne voit pas. Mais on appelle foi dans un sens impropre l'acte de l'intelligence qui a pour objet les choses que l'on voit, et on se sert de ce nom par analogie relativement à la certitude ou à la fermeté de l'adhésion.



ARTICLE IV. — l'espérance a-t-elle existé dans le christ?

144
1 Il semble que l'espérance ait existé dans le Christ. Car David lui fait dire (
Ps 30,1) : J'ai espéré en vous, Seigneur. Or, la vertu d'espérance est celle par laquelle l'homme espère en Dieu. Cette vertu a donc existé dans le Christ.

2 L'espérance est l'attente de la béatitude future, comme nous l'avons vu (II-II 17,5 ad 3). Or, le Christ attendait quelque chose qui ( appartient à la béatitude, c'est-à-dire la gloire du corps. Il semble donc que l'espérance ait existé en lui.

3 Chacun peut espérer ce qui appartient à sa perfection, si c'est une chose à venir. Or, il y avait quelque chose à venir qui appartient à la perfection du Christ, d'après ces paroles de l’Apôtre (Ep 4,12) : Afin qu'ils travaillent à la perfection des saints, qu'ils s’appliquent aux fonctions de leur ministère, et qu'ils édifient le corps du Christ. Il semble donc qu'il convenait au Christ d'avoir l'espérance.

20 Mais c'est le contraire. l’Apôtre dit (Rm 8,24) : Comment espérerait-on ce qu'on voit déjà ? Ainsi il est évident que, comme la foi a pour objet ce qu'on ne voit pas, de même aussi l'espérance. Or, la foi n'a pas existé dans le Christ, ainsi que nous l'avons vu (art. préc.). Donc l'espérance non plus.


CONCLUSION. — Puisque le Christ a eu pleinement la jouissance dès le commencement de sa conception, il a été impossible qu'il eut l'espérance, sinon pour les choses qu'il n'avait pas pleinement obtenues : ainsi il espérait l'immortalité et la gloire de son corps.

(2) Ainsi, sans avoir la foi, il a eu ce qui la rend méritoire.
(4) Ce défaut consiste en ce que l'on ne voit qu'obscurément, et comme à travers des énigmes, les choses qui sont de foi.

21 Il faut répondre que, comme il est de l'essence de la foi qu'on donne son assentiment à ce que l'on ne voit pas ; de même il est de l'essence de l'espérance qu'on attende ce qu'on n'a pas encore : et comme la foi, en tant que vertu théologale, n'a pas pour objet tout ce que l'on ne voit pas, mais seulement ce qui regarde Dieu; de même l'espérance, en tant que vertu théologale, a aussi pour objet Dieu lui-même, dont l'homme attend principalement la jouissance par la vertu d'espérance. Conséquemment celui qui a la vertu d'espérance peut encore attendre le secours divin pour d'autres choses, comme celui qui a la vertu de la foi ne croit pas seulement en Dieu au sujet des choses divines, mais encore pour toutes les autres choses qu'il lui a révélées. Or, le Christ dès le commencement de sa conception a eu pleinement la jouissance de Dieu, comme nous le dirons plus loin (III 34,4); c'est pourquoi il n'a pas eu la vertu d'espérance. Cependant il l'a eue par rapport à certaines choses qu'il ne possédait pas encore, quoiqu'il n'ait eu la foi par rapport à quoi que ce soit ; parce que, quoiqu'il connût pleinement toute chose, ce qui excluait totalement la foi, cependant il n'avait pas encore pleinement tout ce qui appartenait à sa perfection, comme l'immortalité et la gloire du corps qu'il pouvait espérer (d).

31 Il faut répondre au premier argument, qu'on ne dit pas que le Christ a eu l'espérance qui est une vertu théologale, mais on dit seulement qu'il a espéré certaines choses qu'il n'avait pas encore, comme nous l'avons observé (in corp. art.).

32
Il faut répondre au second, que la gloire du corps n'appartient pas à la béatitude, comme l'objet dans lequel la béatitude consiste principalement, mais elle n'existe que comme un reflet de la gloire de l'âme, ainsi que nous l'avons vu (1* 2", quest. iv, art. 6). Par conséquent," l'espérance, en tant que vertu théologale, ne se rapporte pas à la béatitude du corps (2), mais à la béatitude de l'âme qui consiste dans la jouissance divine.

33
Il faut répondre au troisième, que l'édification de l'Eglise par la conversion des fidèles n'appartient pas à la perfection moderne du Christ, mais elle lui appartient selon qu'il porte les autres à participer à sa perfection. Et parce que l'espérance proprement dite se rapporte à une chose que celui qui espère s'attend à posséder, on ne peut pas dire que la vertu d'espérance convienne proprement au Christ dans le sens que l'on allègue.



ARTICLE V. — les dons ont-ils existé dans le christ (3)?

145
1 Il semble qu'il n'y ait pas eu de dons dans le Christ. Car, comme on le dit communément, les dons sont accordés pour être les auxiliaires des vertus. Or, ce qui est parfait en soi n'a pas besoin de secours extérieur. Par conséquent, puisque dans le Christ il y a eu des vertus parfaites, il semble qu'il n'y ait pas eu de dons.

2
Il ne semble pas qu'il appartienne au même de donner les dons et de les recevoir : parce que donner est le propre de celui qui a, et recevoir est le propre de celui qui n'a pas. Or, il convient au Christ de les donner, d'après ces paroles (Ps 67,19) : Il a accordé aux hommes les dons. Il ne lui convient donc pas de recevoir les dons de l'Esprit-Saint.

3 Il y a quatre dons qui paraissent appartenir à la contemplation ici- bas, ce sont: la sagesse, la science, l'intellect et le conseil qui appartient à la prudence. D'où Aristote (Eth. lib. vi, cap. 3) les compte parmi les vertus intellectuelles. Or, le Christ a eu la contemplation céleste. Il n'a donc pas eu ces dons.

20
Mais c'est le contraire. Le prophète dit (Is 4,1) : Sept femmes prendront un homme, c'est-à-dire d'après la glose (interl, et or d. Hier.) : Les sept dons de l'Esprit-Saint reposeront sur le Christ.

(4) Cet acte par lequel le Christ désirait la gloire de son propre corps, était un acte qui procédait de l'habitude de la charité par laquelle le Christ s'aime lui-même, et ce n'est que dans un seùs large et impropre qu'on peut le considérer comme un acte d'espérance.
(2) La vertu d'espérance a pour objet premier et formel la possession de Dieu, et pour objet secondaire, la gloire du corps, son immortalité, etc.
(3) Le prophète dit (Is 11) : Requiescat super eum Spiritus Domini, spiritus sapientiae et intellectus, spiritus concilii et fortitudinis, spiritus scienlioe et pietatis, et replebitur eum spiritus timoris Domini.


CONCLUSION. — Puisque le Christ était mû de la manière la plus parfaite par 1 Esprit-Saint, les dons de cet Esprit ont été en lui de la manière la plus excellente.

21 Il faut répondre que, comme nous l'avons vu (I-II 18,4), les dons sont proprement des perfections des puissances de l'âme, selon qu'elles sont aptes à être mues par l'Esprit-Saint. Or, il est évident que l'âme du Christ était mue de la manière la plus parfaite par l'Esprit-Saint, d'après ces paroles (Lc 4,4) : Jésus étant plein de l'Esprit-Saint s'éloigna du Jourdain, et cet Esprit le poussa dans le désert. D'où il est manifeste que les dons ont été dans le Christ de la manière la plus excellente.

31 Il faut répondre au premier argument, que ce qui est parfait selon l'ordre de sa nature, a besoin d'être aidé par ce qui est d'une nature plus élevée. Ainsi l'homme, quelque parfait qu'il soit, a besoin d'être aidé par Dieu. C'est aussi de la sorte que les vertus qui perfectionnent les puissances de l'âme selon qu'elles sont conduites par la raison, quelque parfaites qu'elles soient, ont besoin d'être aidées par les dons qui perfectionnent les puissances de l'âme, selon qu'elles sont mues par l'Esprit-Saint.

32
Il faut répondre au second, que ce n'est pas sous le même rapport que le Christ reçoit et donne les dons de l'Esprit-Saint. Il les donne comme Dieu et les reçoit comme homme. D'où saint Grégoire dit (Mor. lib. n, cap. ult.) que l'humanité du Christ n'a jamais été abandonnée par l'Esprit-Saint qui procède de sa divinité.

33
Il faut répondre au troisième, que le Christ n'a pas eu seulement la connaissance du ciel, mais il a encore eu celle de la voie qui y mène (4), comme nous le dirons (quest. xv, art. 40). D'ailleurs les dons de l'Esprit- Saint existent d'une certaine manière dans le ciel, comme nous l'avons vu (I-II 86,6).



ARTICLE VI. — y a-t-il eu dans le christ le don de crainte (2)?

146
1 Il semble que le don de crainte n'ait pas existé dans le Christ. Car l'espérance paraît l'emporter sur la crainte; puisque l'objet de l'espérance est le bien, tandis que celui de la crainte est le mal, comme nous l'avons vu (
I-II 40,4, et I-II 42,4). Or, la vertu de l'espérance n'a pas existé dans le Christ, comme nous l'avons dit (art. 4 huj. quaest.). Le don de crainte n'a donc pas existé non plus en lui.

2 Par le don de crainte on craint ou d'être séparé de Dieu, ce qui appartient à la crainte chaste, ou d'être puni par lui, ce qui appartient à la crainte servile, comme le dit saint Augustin (Sup. canonic. Jean, tract, ix). Or, le Christ n'a pas craint d'être séparé de Dieu par le péché, ni d'être puni de lui à cause de ses fautes, puisqu'il lui était impossible de pécher, comme nous le dirons (III 15,4 et 2). La crainte n'ayant pas pour objet ce qui est impossible, il n'y a donc pas eu de don de crainte.

3 Saint Jean dit (1Jn 4,48) : Que la charité parfaite met dehors la . crainte. Or, le Christ est la charité la plus parfaite, d'après ces paroles de saint Paul (Ep 3,49) : La charité du Christ surpasse toute connaissance. Le don de crainte n'a donc pas existé en lui.

20 Mais c'est le contraire. Le prophète dit (Is 11,3) : Il sera rempli de l'esprit de la crainte du Seigneur.

d'Abeilard, qui prétendait que l'esprit de crainte n'avait pas existé dans le Christ (Vid. saint Bernard, Epist. CXC).


CONCLUSION. — Quoique le Christ n'ait craint ni la faute, ni la peine, il a mieux possédé que tous les autres hommes la crainte par laquelle il révérait la majesté divine.

21 Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (I-II 42,1), la crainte se rapporte à deux objets, dont l'un est le mal qui est redoutable et l'autre celui qui a le pouvoir de faire du tort, comme on craint un roi, parce qu'il a le pouvoir d’ôter la vie. Or, on ne craindrait pas celui qui peut nuire, s'il n'avait une supériorité de puissance à laquelle on ne peut pas facilement résister ; car nous ne craignons pas de repousser ce qui ne nous offre pas de difficulté. Par conséquent il est évident qu'on n'est craint que parce qu'on l'emporte sur les autres en puissance. Ainsi on doit dire que la crainte de Dieu a été dans le Christ, non selon qu'elle a pour objet l'appréhension d'être séparé de Dieu par le péché, ni selon qu'elle se rapporte à la peine que le péché mérite, mais selon qu'elle regarde l'éminente Majesté de Dieu (1); en ce sens l’âme du Christ était pénétrée par l'Esprit-Saint du sentiment le plus profond de révérence envers Dieu. C'est ce qui fait dire à L’Apôtre (He 5,7) qu'il a été exaucé à cause de son humble respect pour son Père. Car le Christ, comme homme, a eu ce sentiment de respect pour Dieu plus pleinement que tous les autres hommes. Et c'est pour ce motif que l'Ecriture lui attribue la plénitude de la crainte du Seigneur.

(1) Cette crainte se trouve dans les bienheureux et dans tous les anges eux-mêmes ; c'est ce que l'Eglise chante (in praefat.) : Maiestatem tuam - tremunt Potestates.

31 Il faut répondre au premier argument, que les habitudes des vertus et des dons se rapportent proprement et par elles-mêmes au bien, mais elles se rapportent au mal par voie de conséquence. Car il appartient à l'essence de la vertu de rendre bonne l'œuvre qu'on fait, comme le dit Aristote [Eth. lib. ii, cap. 6). C'est pourquoi le don de crainte ne se rapporte pas essentiellement au mal que la crainte a pour objet, mais il se rapporte au bien éminent, c'est-à-dire au bien divin, qui a le pouvoir d'infliger quelque mal. Au contraire, l'espérance, comme vertu, ne se rapporte pas seulement à l'auteur du bien, mais encore au bien lui-même selon qu'on ne le possède pas. C'est pour cela qu'on n'attribue pas la vertu d'espérance, mais le don de crainte au Christ qui était déjà en possession du bien parfait de la béatitude.

32
Il faut répondre au second, que ce raisonnement s'appuie sur la crainte, selon qu'elle a le mal pour objet.

33
Il faut répondre au troisième, que la charité parfaite met de côté la crainte servile qui a la peine pour objet principal. Cette sorte de crainte n'a pas existé dans le Christ.



ARTICLE VII. — y a-t-il dans le christ des grâces gratuitement données (2) ?

147
1 Il semble qu'il n'y ait pas eu dans le Christ de grâces gratuitement données. Car il ne convient pas à celui qui a une chose dans la plénitude de la posséder par participation. Or, le Christ a eu la grâce selon la plénitude, d'après l'Evangile qui dit (
Jn 1,14) : qu'il était plein de grâce et de vérité. Comme les grâces gratuitement données paraissent des participations divines accordées d'une manière particulière et séparée à divers individus, d'après ces paroles de saint Paul (1Co 12,4) : Les grâces sont divisées, il semble que les grâces gratuitement données n'aient pas existé en lui.

(2) Cet article n'est que l'explication de ces paroles de l'Ecriture (Jn 1,2) j Vidimus gloriam ejus, gloriam quasi Unigeniti à Patre, plenum gratia et veritatis. (Jean i) : De plenitudine ejus nos omnes accepimus.

2 Il semble qu'on ne donne pas gratuitement une chose à quelqu'un, quand elle lui est due. Or, il était dû au Christ, comme homme, d'être rempli de sagesse et de science dans ses discours, de se montrer puissant par ses œuvres et de faire toutes les autres choses qui appartiennent aux grâces gratuitement données; puisqu'il est lui-même la vertu de Dieu, la sagesse de Dieu, selon les expressions de saint Paul (1Co 1). Il n'était donc pas convenable que le Christ eût les grâces gratuitement données.

3 Les grâces gratuitement données ont pour but l'intérêt des fidèles, d'après ces paroles de saint Paul (1Co 12,7) : Les dons visibles de l'Esprit-Saint sont donnés à chacun pour l'utilité de l'Eglise. Or, il semble que les habitudes ou toute autre disposition ne soient utiles aux autres qu'autant que celui qui les a en fait usage, suivant ce mot du Sage (Si 20,32) : Si la sagesse demeure cachée et que le trésor ne soit pas visible, quel fruit tirera-t-on de l'un et de l'autre? Or, on ne voit pas que le Christ ait fait usage de toutes les grâces gratuitement données, surtout par rapport aux dons des langues. Toutes ces sortes de grâce n'ont donc pas existé en lui.

20 Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit [Epist, ad Dardanum cclxxxvii) : que comme dans la tête il y a tous les sens, de même toutes les grâces ont existé dans le Christ.


CONCLUSION. — Puisque le Christ a été le premier et le principal docteur de la foi, il a fallu que toutes les grâces gratuitement données fussent en lui.

21
Il faut répondre que, comme nous l'avons vu (la 2", quest. exi, art. 4 et 4), les grâces gratuitement données ont pour but la manifestation de la foi et de l'enseignement spirituel. Car il faut que celui qui enseigne ait le moyen de manifester sa doctrine; autrement sa science serait inutile. Or, le Christ est le premier et le principal maître de l'enseignement spirituel et de la foi, d'après ce passage de saint Paul (He 2,3) : La parole du salut ayant été d'abord annoncée par le Seigneur, a été ensuite confirmée parmi nous par ceux qui Vont entendue, Dieu appuyant leur témoignage par des miracles, des prodiges, etc. D'où il est évident que toutes les grâces gratuitement données ont existé dans le Christ, de la manière la plus excellente, comme dans le premier et principal docteur de la foi.

31 Il faut répondre au premier argument, que, comme la grâce sanctifiante a pour but les actes méritoires intérieurs aussi bien qu'extérieurs ; de même la grâce gratuitement donnée se rapporte à des actes extérieurs qui manifestent la foi, tels que le don des miracles et les autres. Or, le Christ a eu la plénitude de ces sortes de grâces. Car, selon que son âme était unie à la divinité, elle avait plein pouvoir pour produire tous ces actes; au lieu que les autres saints qui sont mus par Dieu, non comme des instruments qui lui sont unis, mais comme des instruments séparés, reçoivent en particulier le pouvoir de faire tels ou tels actes. C'est pourquoi dans les autres saints ces grâces sont divisées, tandis qu'il n'en est pas de même dans le Christ.

32
Il faut répondre au second, qu'il est dit que le Christ est la vertu de Dieu et la sagesse de Dieu selon qu'il est le Fils éternel de Dieu. Sous ce rapport il ne lui convient pas de recevoir la grâce, mais plutôt de la donner; mais il lui convient de la recevoir selon sa nature humaine.

33
Il faut répondre au troisième, que le don des langues a été accordé aux apôtre s parce qu'ils étaient envoyés pour enseigner toutes les nations; au lieu que le Christ n'a voulu prêcher en personne qu'à la seule nation des Juifs, d'après ces paroles de l'Evangile (Mt 15,24) : Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de la maison d'Israël qui sont perdues : et L’Apôtre dit (Rm 15,8) : Je dis que Jésus-Christ a été le ministre de la circoncision (1). C'est pourquoi il n'a pas été nécessaire qu'il parlât plusieurs langues. Toutefois il n'a pas manqué de les connaître toutes, puisqu'il savait les secrets des cœurs, comme nous le dirons plus loin (quest. x, art. 2, et quest. xii, art. 4), dont les paroles sont les signes. Néanmoins cette connaissance ne lui fut pas inutile; comme il n'est pas inutile d'avoir une habitude dont on ne fait pas usage dans un temps inopportun.



ARTICLE VIII. — le christ a-t-il eu le don de prophétie?

148
1 Il semble que la prophétie n'ait pas existé dans le Christ. Car la prophétie implique une connaissance obscure et imparfaite, d'après ces paroles de l'Ecriture (
Nb 12,6) : S'il se trouve parmi vous un prophète du Seigneur, je me ferai connaître à lui en vision et je lui parlerai en songe. Or, le Christ a eu une connaissance pleine et entière beaucoup plus parfaitement que Moïse, dont il est dit (ibid.) : qu'il a vu Dieu clairement et non en énigmes. Le don de prophétie n'a donc pas dû se trouver dans le Christ.

2 Comme la foi a pour objet les choses qu'on ne voit pas et l'espérance celles qu'on ne possède pas; de même la prophétie a pour objet celles qui ne sont pas présentes, mais éloignées. Car on appelle prophète celui qui parle de loin (2), pour ainsi dire. Or, dans le Christ il n'y a ni la foi, ni l'espérance, comme nous l'avons vu (art. 3 et 4 huj. quaest.). On ne doit donc pas supposer le don de prophétie en lui.

(2) Procul fans, par allusion à la signification du mot, plutôt qu'à son étymologie. Voyez ce que nous avons dit à ce sujet (tora. V, p. 473).

3
Le prophète est d'un ordre inférieur à l'ange. C'est pour cela qu'il est dit de Moïse (Ac 7), qui fut le premier des prophètes, comme nous l'avons vu (II-II 174,4), qu'il s'entretint avec l'ange dans la solitude. Or, le Christ n'est pas au-dessous des anges relativement à la connaissance de son âme, il ne l'est que par rapport à la passibilité de son corps, comme on le voit (He 2). Il semble donc qu'il n'ait pas été un prophète.

20 Mais c'est le contraire. Il est dit du Christ (Dt 18,18) : Le Seigneur votre Dieu vous suscitera un prophète, comme lui, d'entre vos frères. Et le Christ dit de lui-même (Mt 13,57, et Jn 4) : Un prophète n'est sans honneur que dans son pays.


CONCLUSION. — Puisque le Christ a été tout à la fois en possession de la vision de Dieu et voyageur, il a été nécessaire que la lumière de la prophétie fût en lui par rapport aux choses qu'ignoraient ceux au milieu desquels il se trouvait.

21 Il faut répondre que le prophète est ainsi appelé parce qu'il parle ou qu'il voit de loin, dans le sens qu'il connaît et qu'il dit ce qui est loin des sens ou des perceptions des hommes, comme l'observe saint Augustin (Cont. Faustum, lib. xvi, cap. l8). Or, il est à remarquer qu'on ne peut pas donnera quelqu'un le nom de prophète, parce qu'il connaît et qu'il annonce des choses qui sont loin des autres hommes avec lesquels il ne se trouve pas. Ce qui est évident par rapport au lieu et par rapport au temps. Car si un individu qui se trouve dans la Gaule, connaissait et annonçait à ses compatriotes ce qui se passe alors en Syrie, ce serait une prophétie. C'est ainsi qu'Elisée dit à Giézi (2R 5) comment l'homme était descendu de son char et comment il était allé à sa rencontre. Mais si quelqu'un qui est en Syrie disait ce qui se fait là, il n'y aurait en cela rien de prophétique. La même chose est manifeste relativement au temps. En effet, ce fut une prophétie quand Isaïe annonça à l'avance que Cyrus, le roi des Perses, devait rebâtir le temple de Dieu (Is 44). Mais il n’y en eut pas quand Esdras raconta cet évènement au temps où il s’accomplit. Par conséquent si Dieu ou les anges ou les bienheureux connaissent et annoncent ce qui est loin de notre connaissance, il n'y a point en cela de prophétie (1), parce qu'ils ne sont nullement dans notre état. Mais le Christ était dans notre état avant sa passion ; car non-seulement il était en possession de l'essence divine, mais il était encore voyageur. C'est pourquoi la connaissance qu'il avait des choses qui sont loin de la connaissance des autres hommes ici-bas et ce qu'il en disait étaient autant de prophéties. C'est dans ce sens qu'on dit qu'il a été prophète.

31 Il faut répondre au premier argument, que ce passage ne prouve pas qu'il est de l'essence de la prophétie que la connaissance soit énigmatique, comme celle que l'on a en songe et par vision ; mais il établit seulement un parallèle entre les autres prophètes qui ont reçu les choses divines en songe et par vision, et Moïse qui a vu Dieu ouvertement et en énigme. Il n'en est pas moins appelé un prophète, d'après ces paroles de la. loi (Dent. 34. 10) : Depuis il ne s'est pas élevé dans Israël de prophète comme Moïse. Toutefois, on peut dire que quoique le Christ ait eu une connaissance pleine et entière quant à la partie intellectuelle, il a eu néanmoins, dans la partie imaginative, des images' dans lesquelles il pouvait aussi contempler les choses divines ; parce qu'il n'était pas seulement en possession de la gloire, mais il était encore voyageur.

32
Il faut répondre au second, que la foi a pour objet les choses que ne voit pas celui qui croit, et l'espérance celles que ne possède pas celui qui espère; au lieu que la prophétie a pour objet les choses qui sont loin du sentiment commun des hommes, au milieu desquels le prophète vit et avec lesquels il communique ici-bas. C'est pourquoi la foi et l'espérance répugnent à la perfection de la béatitude du Christ, tandis qu'il n'en est pas de même de la prophétie (2).

33
Il faut répondre au troisième, que l'ange étant en possession delà gloire, est au-dessus du prophète, qui est un simple voyageur; mais il n'est pas au-dessus du Christ, qui est tout à la fois voyageur et voyant.


ARTICLE IX. — la plénitude de la grâce a-t-elle existé dans le christ?

149
1 Il semble que la plénitude de la grâce n'ait pas existé dans le Christ. Car les vertus découlent de la grâce, comme nous l'avons dit (1* 2", quest. ex, art. 4 ad 1). Or, toutes les vertus n'ont pas existé dans le Christ, car il n'a eu ni la foi, ni l'espérance, comme nous l'avons prouvé (art. 3 et 4). Il n'a donc pas eu la plénitude de la grâce.

2
Comme on le voit d'après ce que nous avons dit (1" 2", quest. exi, art. 2), la grâce se divise en grâce opérante et coopérante. Or, on appelle opérante celle par laquelle l'impie est justifié ; ce qui n'a pas eu lieu dans le Christ, qui n'a été sujet à aucun péché. La plénitude de la grâce n'a donc pas existé en lui.

3
Saint Jacques dit (Jc 1,17) : Toute grâce excellente et tout don parfait vient d'en haut et descend du Père des lumières. Or, on possède d'une manière particulière et non d'une manière pleine ce qui descend d'en haut. Par conséquent aucune créature et l'âme du Christ elle-même ne peut avoir la plénitude des dons de la grâce.

faites au sujet de sa résurrection, de la ruine de Jérusalem, de la prédication de ses apôtre s et de la fin du monde.

20 Mais c'est le contraire. Saint Jean dit (Jn 1,14) : Nous l'avons vu plein de grâce et de vérité.


CONCLUSION. — Puisque l'âme du Christ a été unie à la divinité dès le commencement de sa conception et qu'elle a été le principe universel de tous ceux qui ont la grâce, il a été nécessaire que la plénitude de toutes les grâces se trouvât en lui.

21 Il faut répondre que l'on dit qu'on a pleinement ce qu'on possède parfaitement et totalement. Or, la totalité et la perfection peuvent se considérer de deux manières : 1° Quant à l'étendue de l'intensité; par exemple, je dirai qu'une chose est parfaitement blanche, si elle l'est autant qu'elle peut l'être. 2° Selon la vertu (1) ; ainsi on dit que quelqu'un est pleinement vivant, parce qu'il a la vie selon tous ses effets ou toutes ses opérations. De cette façon on dit qu'un homme est pleinement vivant, mais on ne le dit pas d'un animal ou d'une plante. Le Christ a eu la plénitude de la grâce de ces deux manières : D'abord il l'a eue au souverain degré, de la manière la plus parfaite qu'on puisse la posséder. Ce qui est évident : 1° parce que l'âme du Christ était le plus rapprochée de la cause de la grâce. Car nous avons dit (art. 1 huj. quaest.) que plus ce qui reçoit est près de la cause qui donne et plus ce qu'il en retire est abondant. C'est pourquoi l'âme du Christ, qui est plus étroitement unie à Dieu que toutes les créatures raisonnables, reçoit les plus riches influences de sa grâce. 2° C'est aussi ce qui résulte de la comparaison de la grâce du Christ avec l'effet qu'elle a produit. Car l'âme du Christ recevait la grâce de manière qu'elle se répandît d'elle d'une certaine manière sur les autres (2). C'est pourquoi il a fallu qu'elle eût la plus grande grâce ; comme le feu qui est la cause de la chaleur dans tout ce qui est échauffé, est ce qu'il y a de plus chaud. — De même quant à la vertu de la grâce, il l'a eue pleinement (3), parce qu'il l'a eue pour en produire toutes les opérations et tous les effets, et cela parce qu'elle lui était conférée comme au principe universel dans l'ordre ou le genre de tous ceux qui devaient la posséder. Or, la vertu du premier principe d'un genre quelconque s'étend universellement à tous les effets de ce genre. Ainsi le soleil étant la cause universelle de la génération, comme le dit saint Denis [De div. nom. cap. 4), sa vertu s'étend à tout ce qui peut être engendré. C'est de la sorte que la seconde plénitude de grâce se considère dans le Christ, selon qu'elle s'étend à tous les effets de la grâce, qui sont les vertus, les dons (4), etc.

31
Il faut répondre au premier argument, que la foi et l'espérance désignent des effets de la grâce qui existent avec une certaine imperfection dans celui qui les reçoit; ainsi la foi a pour objet ce qu'on ne voit pas, et l'espérance ce qu'on ne possède pas. Par conséquent il ne faut pas que dans le Christ, qui est l'auteur de la grâce, il y ait eu les défauts que la foi et l'espérance impliquent. Mais tout ce qu'il y a de perfection dans la foi et l'espérance (S), a existé d'une manière beaucoup plus parfaite en lui ; comme dans le feu on ne trouve pas tous les modes de chaleur dont l'imperfection tient à la nature imparfaite du sujet, mais il y a tout ce qui appartient à la perfection de la chaleur.

32
Il faut répondre au second, qu'il appartient à la grâce opérante par elle-même de rendre juste; mais que d'un impie elle fasse un juste, c'est un accident qui tient au sujet dans lequel le péché se trouve. Par conséquent l'âme du Christ a été justifiée par la grâce opérante (4), dans le sens que par elle a été rendue juste et sainte dès le commencement de sa conception; mais cela ne signifie pas qu'auparavant elle était dans l'état de péché ou qu'elle n'était pas juste.

(\) Selon la vertu on l'extension. (2) Il avait ainsi la grâce, comme chef de l'humanité qu'il était venu racheter.
(o) Ainsi il l'a eue pleinement, et quant à l'intensité et quant à l'extension.

Les grâces gratuites, les béatitudes et les fruits.
Ce qu'il y a de perfection dans la foi, c'est la certitude, et ce qu'il y a de perfection dans l'espérance, c'est la fermeté. Ces deux choses se sont rencontrées éminemment dans le Christ.

33
Il faut répondre au troisième, que la plénitude de la grâce est attribuée à l'âme du Christ, selon la capacité de la créature, mais non pas de manière que cette plénitude puisse être comparée à la plénitude infinie de la bonté divine (2).



ARTICLE X. — la plénitude de la grâce est-elle propre au christ (3)?

150
1 Il semble que la plénitude de la grâce ne soit pas propre au Christ. Car ce qui est propre à quelqu'un ne convient qu'à lui seul. Or, on attribue à d'autres d'être pleins de grâce; car il est dit de la bienheureuse Vierge (
Lc 1,28) : Je vous salue, pleine de grâce. On dit aussi de saint Etienne (Ac 6,8) qu'il était plein de grâce et de force. La plénitude de la grâce n'est donc pas propre au Christ.

2 Ce qui peut être communiqué aux autres par le Christ ne semble pas lui être propre. Or, il peut leur communiquer la plénitude de la grâce ; car l’Apôtre dit (Ep 3,19) : Afin que vous soyez remplis dans toute la plénitude de Dieu. La plénitude de la grâce n'est donc pas propre au Christ.

3 L'état de cette vie paraît être proportionné à l'état du ciel. Or, dans le ciel il y aura une certaine plénitude ; et comme dans cette patrie où se trouve la plénitude de tout bien, quoiqu'il y ait des dons qui l'emportent sur d'autres, on ne possède rien d'une manière particulière, comme le dit saint Grégoire (Hom. xxxiv in Evang.), il s'ensuit qu'ici-bas, chaque homme a la plénitude de la grâce, et que par conséquent cette plénitude n'est pas propre au Christ.

20
Mais c'est le contraire. La plénitude de la grâce est attribuée au Christ, selon qu'il est le Fils unique du Père, d'après ces paroles de l'Evangile (Jn 1,14) : Nous le voyons comme le Fils unique du Père, plein de grâce et de vérité. Or, il est propre au Christ d'être le Fils unique du Père. Par conséquent il lui est propre d'être plein de grâce et de vérité.


CONCLUSION. — La plénitude de la grâce quant à son essence et quant à sa vertu relativement à ses effets est propre au Christ : on ne l'attribue aux autres qu'en raison d'une certaine intensité et d'une certaine extension de la grâce conforme à la condition du sujet.

21 Il faut répondre que la plénitude de la grâce peut se considérer de deux manières : 1° par rapport à la grâce elle-même ; 2° par rapport à celui qui la possède. Du côté de la grâce, on dit qu'il y a plénitude quand on est parvenu au degré le plus élevé, et quant à l'essence et quant à la vertu, c'est-à-dire quand on a la grâce d'une manière aussi éminente qu'on peut l'avoir, et dans sa plus grande extension relativement à tous ses effets. Cette plénitude de grâce est propre au Christ. — Par rapport au sujet on dit qu'il a la plénitude de la grâce, quand il la possède pleinement selon sa condition, soit en intensité, selon qu'elle existe en lui jusqu'au terme que Dieu lui a fixé, d'après ces paroles de saint Paul (Ep 4,7) : La grâce a été donnée à chacun de nous, selon la mesure du don du Christ ; soit en vertu ou en extension dans le sens que la grâce lui donne la faculté de faire tout ce qui appartient à son office ou à son état. C'est ainsi que l’Apôtre disait (Ep 3,8) : Cette grâce m'a été conférée à moi qui suis le plus petit d'entre les saints, d'annoncer, etc, Cette plénitude de grâce n'est pas propre au Christ, mais il la communique aux autres.


(o) Cet article a pour objet de préciser en quel sens on dit de la sainte Vierge et des saints qu'ils boni pleins de grâce.

31 Il faut répondre au premier argument, qu'il est dit que la bienheureuse Vierge est pleine de grâce, non par rapport à la grâce elle-même, parce qu'elle n'a pas eu la grâce au degré le plus élevé où l'on puisse la posséder ; elle ne l'a pas eue non plus par rapport à tous ses effets. Mais on dit qu'elle a été pleine de grâce par rapport à elle, ce qui signifie qu'elle avait la grâce suffisante pour l'état pour lequel Dieu l'avait choisie, c'est-à-dire pour être la mère de son Fils unique. De même on dit que saint Etienne était plein de grâce, parce qu'il avait la grâce suffisante pour être un ministre capable et pour être le témoin de Dieu, c'est-à-dire pour les choses pour lesquelles il avait été choisi. On doit en dire autant des autres. Cependant l'une de ces plénitudes l'emporte sur l'autre, selon que l'on a été destiné par Dieu à un état plus ou moins élevé (1).

32
Il faut répondre au second, que L’Apôtre parle en cet endroit de la plénitude de la grâce, que l'on considère par rapport au sujet, comparativement au but que Dieu lui a marqué à l'avance. Ce but est ou une chose commune à laquelle tous les saints sont destinés à l'avance, ou quelque chose de spécial qui appartient à la supériorité de quelques-uns. D'après cela il y a une plénitude de grâce qui est commune à tous les saints, et qui fait qu'ils ont la grâce suffisante pour mériter la vie éternelle, qui consiste dans la pleine jouissance de Dieu. Et c'est cette plénitude que l’Apôtre désire aux fidèles auxquels il écrit.

33
Il faut répondre au troisième, que les dons qui sont communs dans le ciel, c'est-à-dire la vision, la compréhension, la jouissance et les autres choses semblables, ont des dons qui leur correspondent ici-bas et qui sont, aussi communs à tous les saints. Néanmoins, dans le ciel et sur la terre, il y a des saints qui ont certaines prérogatives que tous ne possèdent pas(2).




III Pars (Drioux 1852) 143