III Pars (Drioux 1852) 564

ARTICLE IV. — la mère de dieu a-t-elle fait vœu de virginité (3)?

564
1 Il semble que la mère de Dieu n'ait pas fait vœu de virginité. Car il est dit (Deut. vii, 14) : Il n'y aura personne de stérile parmi vous, ni de l'un, ni de l'autre sexe. Or, la stérilité est une conséquence de la virginité. L'observation de cette vertu était donc contraire au précepte de la loi ancienne. Et comme la loi ancienne était encore en vigueur, avant que le Christ ne vienne au monde, la bienheureuse Vierge n'a donc pas pu licitement faire vœu de virginité à cette époque.

(H) Cette opinion a été celle d'Origène (in Matth, cap. Xlii , de saint Epiphane (Iloeres. 78), d'Eusèbe (//iit. cccl. lib. n, cap. •)), de saint Hilaire (in cap. i Matth.).
(2) Alphée ou Cléophas était le frère de saint Joseph l'époux delà sainte Vierge.
(H) Calvin, Bèze et d'autres protestants ont nié, en faveur de leur système, que la sainte Vierge eut fait vœu de virginité, mais saint Grégoire de jNvssc, saint Augustin, saint Anselme, saint Bernard, et en général tous les Pères, sont du sentiment que saint Thomas soutient ici.

2
L’Apôtre dit (1Co 7,25) : Pour ce qui est des vierges, je n'ai point de commandement à proposer de la part du Seigneur, mais je leur donne un conseil. Or, la perfection du conseil a dû commencer par le Christ qui est la fin de loi, selon l'expression de saint Paul (Rm 10). Il n'a donc pas été convenable que la bienheureuse Vierge fasse vœu de virginité.

3 La glose de saint Augustin dit (1. Tim. super illud : Habentes damnationem, etc., et h ab. in Lib. de bon. viduit. cap. 9) que pour ceux qui ont fait vœu de chasteté, c'est une faute damnable non-seulement de se marier, mais encore de le vouloir. Or, la mère du Christ n'a commis aucune faute de cette nature, comme nous l'avons vu (quest. xxvii, art. 4). Par conséquent puisqu'elle a été mariée, comme on le voit (Lc 1), il semble qu'elle n'ait pas fait vœu de virginité.

20 Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Lib. de sanct. Virg. cap. 4) : que Marie répondit à l'ange qui lui annonçait le mystère de l'Incarnation : Comment cela se fera-l-il? Puisque je ne connais point d'homme? Ce que sans doute elle n'aurait pas dit, si elle n'avait pas auparavant fait vœu à Dieu d'être vierge.


CONCLUSION. — Avant son mariage la mère de Dieu n'a pas absolument fait vœu de virginité, mais après il a été convenable qu'elle consacrât à Dieu perpétuellement sa virginité par un vœu.

21
Il faut répondre que, comme nous l'avons vu (2* 2", quest. lxxxviii, art. 6), les œuvres de perfection sont plus louables, si on s'y engage solennellement par un vœu. Or, la virginité a dû briller principalement dans la mère de Dieu, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (art. 1 huj. quaest.). C'est pourquoi il a été convenable qu'elle fût consacrée à Dieu par un vœu. — Cependant, parce que sous la loi il fallait que les femmes aussi bien que les hommes s'appliquassent à la génération(l),et parce que le culte de Dieu se propageait selon l'origine de la chair, avant que le Christ ne naquît de ce peuple ; on ne croit pas que la mère de Dieu, avant d'épouser saint Joseph, ait fait vœu de virginité absolument ; mais quoiqu'elle en ait eu le désir, elle a néanmoins soumis à cet égard sa volonté au bon plaisir de Dieu. Mais ensuite, après s'être mariée comme les mœurs du temps l'exigeaient, elle a fait vœu de virginité simultanément avec son époux (2).

31
Il faut répondre au premier argument, que, comme il paraissait défendu par la loi de ne pas travailler à laisser des enfants sur la terre, la mère de Dieu ne fit pas pour ce motif vœu absolu de virginité, mais elle le fit conditionnellement, c'est-à-dire s'il était agréable à Dieu; et quand elle sut que Dieu l'agréait, elle fit un vœu absolu, avant que l'ange vînt lui annoncer qu'elle serait mère de Dieu.

32
Il faut répondre au second, que comme la plénitude de la grâce a existé parfaitement dans le Christ et que néanmoins son commencement a existé antérieurement dans sa mère, de même l'observation des conseils qui est l'effet de la grâce a commencé parfaitement dans le Christ, mais elle a aussi commencé d'une certaine manière dans la Vierge sa mère.

(1) Sur la fin des temps, cette loi n'était pas observée aussi strictement, car on voit que parmi les juifs il y avait des femmes qui s'engageaient d'elles-mêmes à rester perpétuellement vierges (Vid. Phil. De vita contemplât iv A).
(2) Lo P. Pétau croit qu'elle a fait ce vœu avant d'épouser saint Joseph, parce que Dieu lui avait fait voir à l'avance qu'elle obtiendrait facilement le consentement da son mari. Cependant l'opinion de saint Thomas est la plus généralement admise parmi les théologiens du moyen âge.

33
Il faut répondre au troisième, que ce passage de l’Apôtre doit s'entendre de ceux qui font absolument vœu de chasteté : ce que la mère de Dieu n'a pas fait avant d'épouser saint Joseph : mais après leur mariage, de leur commun consentement ils ont fait ensemble ce vœu.




QUESTION 29: DU MARIAGE DE LA MÈRE DE DIEU.

580
Après avoir parlé de la virginité de la sainte Vierge, nous devons nous occuper de son mariage. — A ce sujet deux questions se présentent : 1" Le Christ a-t-il dû naître d'une femme mariée? — 2" Y a-t-il eu entre Marie et Joseph un véritable mariage?



ARTICLE I. — LE CHRIST A-T-IL DU NAITRE D'UNE VIERGE MARIÉE (4)?

581
1 Il semble que le Christ n'ait pas dû naître d'une vierge mariée. Car le mariage a pour but l'union charnelle. Or, la mère du Seigneur n'a jamais voulu faire usage de cette union, parce que c'eût été dérogé à la virginité de son âme. Elle n'a donc pas dû être mariée.

2
Ce fut par miracle que le Christ naquit d'une vierge. D'où saint Augustin dit (Epist. 437 ad Foliis.) que c'est la puissance de Dieu qui a fait sortir le corps de cet enfant du sein virginal de Marie, sans porter atteinte à sa virginité, comme c'est elle qui plus tard a fait entrer ce corps devenu grand dans le cénacle les portes fermées. Il n'y aurait rien en cela d'admirable, ajoute-t-il, si on en pouvait rendre raison, ni rien de singulier, s'il y en avait des exemples. Or, les miracles se font pour la manifestation de la foi, et par conséquent ils doivent être évidents. Puisque le mariage a voilé ce miracle, il semble qu'il n'ait pas été convenable que le Christ naquît d'une vierge mariée.

3
Saint Ignace le martyr, d'après saint Jérôme (Sup. Matth, cap. 4, sup. illud : Cum esset desponsata), a donné pour raison du mariage de la sain te Vierge qu'il avait eu pour fin de cacher au diable son enfantement, en lui faisant croire que son fils était engendré non d'une vierge, mais d'une femme ordinaire. Mais cette raison paraît nulle, soit parce que le diable connaît par sa perspicacité naturelle ce qui se fait corporellement ; soit parce que les démons ont ensuite connu le Christ d'une certaine manière par une foule de signes évidents. D'où il est dit (Mc 1,24) : Qu'un homme possédé d'un esprit immonde s'écria en disant : Qu'y a-t-il entre vous et nous, Jésus de Nazareth ? Etes-vous venu pour nous perdre? Je sais que vous êtes le saint de Dieu, il ne semble donc pas qu'il ait été convenable que la mère de Dieu fût mariée.

4 Saint Jérôme en donne une autre raison (/oc. cit.), et il prétend que c'était pour empêcher que la mère de Dieu ne fût lapidée par les Juifs, comme adultère. Or, cette raison ne semble pas fondée; car si elle n'avait pas été mariée, elle n'aurait pu être condamnée pour adultère. Par conséquent il ne paraît pas raisonnable que le Christ soit né d'une vierge mariée.

cl libiest, mulier (Jean, u)? Mulier,ecce filius tuus (ibid. x). Misit Deus Filium suum, natum ex muliere (
Ga 4).

(t) Cet article est opposé à l'erreur de quelques manichéens modernes, qui ont nié que Marie fût une femme ; ce qui est en opposition avec une multitude de passages de l'Ecriture : Quid mihi

20 Mais c'est le contraire. On lit dans saint Matthieu (1, 18) : Quand Marie, mère de Jésus, eut épousé Joseph, et dans saint Luc (1, 26) : L'ange Gabriel

i ut envoyé à la Vierge Marie qui était mariée à un homme appelé Joseph.


CONCLUSION. — Il a été convenable que le Christ naquit d'une vierge mariée, soit pour cacher au diable son enfantement, soit pour être à l'abri du supplice et de infamie, soit enfin pour être la ligure de l'Eglise, qui, étant vierge, est néanmoins mariée à un homme qui est le Christ.

21
Il faut répondre qu'il était convenable que le Christ naquit d'une vierge mariée, soit à cause de lui, soit à cause de sa mère, soit à cause de nous. A cause de lui pour quatre raisons : 1° De peur qu'il ne fût repoussé par les infidèles, comme étant né d'une manière illégitime. D'où saint Ambroise dit (Sup. Luc. cap. i) : Qu'aurait-on pu dire aux Juifs ou à Hérode, s'ils avaient cru persécuter un enfant né de l'adultère? 2° Pour qu'on pût dresser sa généalogie, comme de coutume, selon la ligne masculine. C'est pourquoi le même docteur ajoute (ibid. cap. 3) : En venant dans le monde il a dû en suivre les usages. Or, quand il s'agit de quelqu'un qui revendique une dignité dans le sénat et dans les autres emplois de la cité, on recherche toujours ce qu'ont été ses pères. L'Ecriture a suivi cette coutume, puisqu'elle recherche toujours l'origine des hommes. 3° Pour qu'il fût sous la tutelle de quelqu'un pendant son enfance et que le démon ne s'efforçât pas trop vivement de lui nuire. C'est pour cette raison que saint Ignace dit que la bienheureuse Vierge a été mariée, pour cacher au démon son enfantement (I). 4° Pour qu'il fût nourri par saint Joseph, qui a été appelé son père, comme étant son nourricier. — Ce fut aussi convenable de la part de la Vierge : 1° parce que par-là elle a été soustraite à la peine de la loi ; puisque sans cela, comme le dit saint Jérôme (loc. sup. cit.), elle aurait pu être lapidée par les Juifs comme adultère. 2° Pour la délivrer par-là de toute infamie. C'est pourquoi saint Ambroise dit (Sup. Luc. cap. 4, super illud : In mense sexto) : que Marie a été mariée, de peur qu'elle ne fût accusée d'avoir laissé porter atteinte à sa virginité, parce que la grossesse paraît une marque de corruption. 3° Pour que saint Joseph lui fût utile par ses bons offices, d'après saint Jérôme (loc. cit.). — Enfin cet acte fut aussi convenable par rapport à nous : î° Parce qu'il a été prouvé par le témoignage de saint Joseph que le Christ est né d'une vierge. D'où saint Ambroise dit ( loc. sup. cit. ) : Nous avons pour témoin de la pureté de Marie, son époux, qui aurait pu se plaindre de l'injure qui lui a été faite, demander vengeance de l'opprobre qu'il a reçu, s'il n'avait reconnu qu'il y avait là un mystère sacré. 2U Parce que les paroles de la Vierge mère qui atteste sa virginité deviennent plus croyables. C'est ce qui fait dire au même docteur (loc. cit.) que les paroles de Marie méritent par là une foi plus grande, parce qu'elle n'avait pas de motif pour mentir. Car si elle eût été enceinte sans être mariée, il paraîtrait qu'elle a voulu voiler sa faute par un mensonge. Mais étant mariée, eue n'avait pas de motif pour mentir, puisque la récompense du mariage et la grâce des noces, c'est la fécondité de la femme. Ainsi ces deux choses contribuent à affermir notre foi. 3° Pour enlever toute excuse aux jeunes filles qui laissent perdre leur réputation, parce qu'elles manquent de veiller sur elles. C'est pourquoi saint Ambroise dit encore (ibid.) : Il n'eût pas été convenable que les filles qui ont mauvaise réputation pussent alléguer pour excuse que la mère de Dieu a été elle-même mal famée. 4" Parce que ce mystère est une figure de l'Eglise universelle qui, quoique vierge, a cependant été mariée à un époux qui est le Christ, selon la remarque de saint Augustin (De sanct. Virg. cap. 12). On peut encore donner une cinquième raison, c'est que la mère du Seigneur a été mariée et qu'elle est vierge pour honorer dans sa personne la virginité et le mariage contre les hérétiques qui ont attaqué l'un ou l'autre. &

j I) Cette raison, donnée d'abord par saint Ignace (Ep. ad Ephes.), se trouve reproduite par Origine (Ilom. M in Luc.), par saiut Basile (Orat, de nativ. Dom.), par saint Jérôme, saint Augustin, saint Bernard cl tous les autres l'ères.

21
Il faut répondre au premier argument, que l'on doit croire que la bienheureuse Vierge, mère de Dieu, a voulu être mariée d'après l'inspiration particulière de l'Esprit-Saint, se confiant dans le secours divin pour que son mariage n'arrive jamais à l'union charnelle. Elle a laissé cela à la volonté de Dieu, et par conséquent sa virginité n'a point eu à en souffrir.

32
Il faut répondre au second, que, comme le dit saint Ambroise (loc. cit.), le Seigneur a mieux aimé que quelqu'un doutât de son origine que de la pureté de sa mère. Car il savait ce qu'il y a de délicat dans l'honneur et ce qu'il y a de fragile dans la réputation, et il n'a pas pensé que la foi en sa naissance dût s'élever au détriment de sa mère. Mais il est à remarquer que parmi les miracles il y en a qui sont l'objet de la foi, comme le miracle de l'enfantement du Christ par une vierge, celui de sa résurrection et celui du sacrement de l'autel (1). C'est pourquoi le Seigneur a voulu que ces miracles fussent plus cachés pour que leur foi fût plus méritoire. Mais il y a d'autres miracles qui ont pour but de prouver la foi; ceux-là doivent être manifestes.

33
Il faut répondre au troisième, que, comme le dit saint Augustin (De Trin. lib. m, implie. cap. 7 et 8), le diable peut, par la vertu de sa nature, beaucoup de choses dont il est néanmoins empêché par la vertu divine. Ainsi on peut dire que le diable pouvait connaître par la vertu de sa nature que la mère de Dieu n'avait pas été corrompue, mais qu'elle était vierge ; mais que Dieu l'a empêché de connaître le mode de sa conception divine. Il n'y a pas de répugnance d'ailleurs que le démon ait ensuite connu de quelque manière qu'il était le Fils de Dieu: parce qu'alors il était temps que le Christ montrât sa vertu contre le diable et qu'il souffrît la persécution soulevée par lui. Mais il fallait pendant son enfance empêcher la malice du diable de le poursuivre trop vivement, quand le Christ n'était disposé ni à souffrir, ni à déployer sa puissance, mais qu'il se montrait en tout semblable aux autres enfants. C'est pourquoi le pape saint Léon dit (in serm. de Epipli. iv, cap. 3) que les mages virent et adorèrent l'enfant Jésus qui était petit de taille, ayant besoin du secours des autres, ne pouvant pas parler et n'étant en rien différent de ce qui caractérise en général les autres enfants. Cependant saint Ambroise(/oc. cit.) paraît plutôt rapporter ce passage aux membres du démon. Car ayant mis en avant cette raison, c'est-à-dire qu'il s'agissait de tromper le prince du monde, il ajoute : Mais il a plutôt trompé le prince du siège ; car la malice des démons saisit encore facilement les choses secrètes, au lieu que ceux qui sont occupés des vanités du siège ne peuvent pas savoir les choses divines.

34
Il faut répondre au quatrième, que d'après la loi on lapidait comme adultères non-seulement les femmes qui étaient mariées, mais encore celles qui étaient gardées dans la maison de leur père, comme vierges, pour être mariées un jour. D'où il est dit (Dt 22,20): S'il se trouve que la fille qu'il a épousée n'était pas vierge, les habitant& de cette ville la lapideront, et elle mourra; parce qu'elle a commis un crime dans Israël, étant tombée en fornication dans la maison de son père. — Ou bien on peut dire, d'après quelques-uns, que la bienheureuse Vierge était de la race d'Aaron, et que par conséquent elle était parente d'Elisabeth, comme on le voit (Lc 1). Or, une vierge de la race sacerdotale était mise à mort pour cause de fornication. Car on lit (Lv 21,9) : Si la fille d'un prêtre se souille par la fornication et qu'elle déshonore le nom de

(I) Ce sont «les dogmes qui reposent sur la vérité de la révélation, et la vérité de la révélation se démontre d'après des faits miraculeux qui tombent sous les sens, comme la résurrection d'un mort, la guérison subite d'un malade, sans le concours de l'art et des remèdes.

son père, elle sera brûlée vive. D'autres entendent la lapidation dont parle saint Jérôme de l'infamie.



ARTICLE II — y a-t-1l eu un véritable mariage entre marie et joseph (1)?

582
1 Il semble qu'il n'v ait pas eu un mariage véritable entre Marie et Joseph. Car saint Jérôme dit contre Helvidius (cap. 2) que saint Joseph a été le gardien de Marie plutôt que son époux. Or, s'il y avait eu un véritable mariage, Joseph aurait été véritablement son mari. Il semble donc qu'il n'y ait pas eu un véritable mariage entre Marie et Joseph.

2
Sur ces paroles (Matth,1) : Jacob engendra Joseph V époux de Marie, saint Jérôme dit : Quand vous entendez parler d'époux, ne croyez pas qu'il s'agisse là de noces, mais rappelez-vous que, selon la coutume de l'Ecriture, on donne le nom d'époux (sponsus) aux hommes et celui d'épouses (sponsa) aux femmes. Or, ce ne sont pas les fiançailles (sponsalia) qui produisent un vrai mariage, mais les noces. II n'y a donc pas eu de mariage véritable entre la bienheureuse Vierge et saint Joseph.

3
L'Evangile dit (Mt 1,49) que Joseph son époux étant juste, ne voulut pas la traduire, c'est-à-dire l'emmener dans sa maison pour cohabiter ensemble constamment-, mais il voulut la renvoyer en secret, c'est-à-dire changer le temps des noces, comme l'explique saint Remi (liab. in Cat. aur. D. Thom.). Il semble donc que les noces n'ayant pas encore été célébrées, le mariage n'était pas véritable; surtout quand on observe qu'après le mariage contracté il n'est plus permis à quelqu'un de renvoyer son épouse.

20 Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (De consensu Evangel. lib. ii, cap. 4) : L'évangéliste ne pouvait penser que Joseph devait se séparer de Marie son épouse, parce qu'elle n'a pas enfanté le Christ de son union avec lui, mais qu'elle l'a enfanté étant vierge. Car cet exemple apprend de la manière la plus éclatante aux fidèles mariés qu'ils peuvent rester ensemble, en observant de leur consentement réciproque la continence, et qu'il y a mariage sans qu'il y ait union charnelle.


CONCLUSION. — Entre la mère du Christ et saint Joseph il y a eu un mariage véritable et légitime, bien qu'ils n'aient pas consenti absolument à leur union chamelle.

21
Il faut répondre que le mariage est appelé véritable par là même qu'il atteint sa perfection. Or, il y a dans une chose deux sortes de perfection ; une perfection première et une perfection seconde. La perfection première d'une chose consiste dans la forme d'où elle tire son espèce. La perfection seconde consiste dans l'opération par laquelle une chose atteint d'une certaine manière sa fin. Or, la forme du mariage consiste dans cette union indivisible des âmes, par laquelle l'un des époux est tenu de conserver inviolablement à l'autre sa foi. Le mariage a pour fin d'engendrer et d'élever des enfants. On atteint la première de ces choses par l'union conjugale; on arrive à la seconde par les autres œuvres de l'homme et de la femme, au moyen desquelles ils s'aident réciproquement à nourrir leurs enfants. — Ainsi on doit dire que quant à la perfection première, le mariage de la bienheureuse Vierge, mère de Dieu, et de saint Joseph a été véritable, parce qu'ils ont consenti l'un et l'autre à l'union conjugale; mais ils n'ont pas consenti expressément à l'union charnelle, sinon sous la condition que cela plairait à Dieu(l). D'où l'ange appelle Marie l'épouse de Joseph en disant à celui-ci (Matth,1, 20) : Ne craignez pas de recevoir Marie votre épouse • ce que saint Augustin explique en disant (De nupt. etconcup. lib. i, cap. 2) qu'elle est appelée son épouse en vertu de la foi du mariage qu'ils s'étaient donnée, quoiqu'il ne l'ait pas connue et qu'il n'ait pas dû la connaître d’une manière charnelle. Mais quant à la perfection seconde qui est produite par l'acte du mariage, si on la rapporte à l'union charnelle par laquelle l'enfant est engendré, ce mariage n'a pas été consommé. C'est ce qui fait dire à saint Ambroise (Sup. Luc. cap. 1, sup. illud : Inmense sexto) : Ne soyez pas surpris que l'Ecriture donne souvent à Marie le nom d'épouse, car la célébration des noces ne porte pas atteinte à la virginité, mais elle atteste seulement le mariage. — Toutefois ce mariage a eu la perfection seconde par rapport à l'éducation de l'enfant. C'est pourquoi saint Augustin dit (De nupt. et concup. lib. i, cap. 2) : Tous les biens qui appartiennent au mariage ont été accomplis dans les parents du Christ, c'est-à-dire, les enfants, la fidélité, le sacrement. Nous trouvons pour enfant Jésus-Christ lui-même; la fidélité en ce qu'il n'y a pas eu d'adultère, et le sacrement en ce qu'il n'y a pas eu de divorce. Il n'y a que le commerce qu'ont ensemble les personnes mariées qui y ait manqué.

M; d'après la conclusion de cet article, on peut réfuter l'erreur des adaniicns, des taticus et des cathares, qui mit condamné le mariage , comme mauvais en lui-même ou comme un péché mortel.

31
Il faut répondre au premier argument, que saint Jérôme prend en cet endroit le mot mari, selon qu'il signifie l'acte d'un mariage consommé.

32
Il faut répondre au second, que le même Père entend par noces le commerce des époux.

33
II faut répondre au troisième, que, comme le dit saint Chrysostome (alius auctor sup. Matth, hom. i, in op. imper f.), la bienheureuse Vierge a été mariée à saint Joseph, de manière qu'elle habitait dans sa maison. Car comme on croit que la femme qui conçoit dans la demeure de son mari est enceinte de lui, de même on suspecte la légitimité des relations de celle qui conçoit hors de sa maison. Ainsi on n'aurait pas suffisamment pourvu à la réputation de la bienheureuse Vierge par son mariage, si elle n'avait pas cohabité dans la maison de son mari. Par conséquent ces paroles : et il ne voulut pas la traduire, signifient qu'il ne voulut pas la diffamer en public, plutôt qu'elles ne nous donnent à entendre qu'il ne voulut pas l’amener dans sa demeure. C'est pourquoi l'évangéliste ajoute qu't7 voulut la renvoyer en secret. Mais quoiqu'elle eût habité dans la maison de Joseph en raison de la foi première du mariage, cependant la célébration solennelle des noces n'avait pas encore eu lieu, et c'est pour cela qu'ils ne s'étaient pas encore unis charnellement. Aussi, comme l'observe saint Chrysostome (Hom iv in ), l'évangéliste ne dit pas: avant qu'elle fit conduite dans la maison de son époux, car elle y était déjà, puisque les anciens avaient la coutume d'avoir souvent leurs fiancées dans leur maison. C'est pour ce motif que l'ange dit à Joseph : Ne craignez pas de recevoir Marie votre épouse; c'est- à-dire ne craignez pas de célébrer avec solennité ses noces. — Quoique d'autres auteurs disent qu'elle n'avait pas encore été amenée dans la maison de saint Joseph, mais qu'elle lui était seulement fiancée; cependant le premier sentiment paraît plus d'accord avec 1’Evangile (2).

(t) C'est-à-dire à moins que Dieu ne leur en donnât l'ordre, parce que, dans ce cas, l'obéissance aurait dû passer avant tout. Cette condition ne fait pas qu'ils aient consenti à l'union charnelle, pas plus, comme l'observe Cajétan, qu'on ne pourrait dire d'un père qu'il consent au meurtre de son t’ils, s'il est dans la disposition de le tuer, dans le cas où Dieu le lui ordonnerait.
(2) Cajétan croit qu'après l'annonciation, la bienheureuse Vierge alla avec saint Joseph, son époux, visiter sainte Elisabeth, et que l'on crut qu'elle était devenue enceinte de Joseph pendant son voyage. Ce fut ou retour de ce voyage qu'arriva l'événement que rapporte l'Evangile.







QUESTION 30 DE L'ANNONCIATION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE.

600
Après avoir parlé du mariage, nous devons nous occuper de l'annonciation delà bienheureuse Vierge. — A cet égard, quatre questions se présentent : 1° A-t-il été convenable de lui annoncer ce qui devait s'accomplir en elle? — 2° Par qui ce mystère devait-il lui être annoncé? — 3- De quelle manière devait-on le lui annoncer ? — 4" De l'ordre de l'annonciation.



ARTICLE I. — A-T-IL ÉTÉ NÉCESSAIRE «'ANNONCER A LA BIENHEUREUSE VIERGE CE QUI DEVAIT S'ACCOMPLIR EN ELLE (4)?

601
1 Il semble qu'il n'ait pas été nécessaire d'annoncer à la bienheureuse Vierge ce qui devait s'accomplir en elle. Car l'annonciation ne parait avoir été nécessaire que pour obtenir le consentement de la Vierge. Or, son consentement ne paraît pas avoir été nécessaire ; parce que sa conception a été annoncée à l'avance par la prophétie de la prédestination, qui s'accomplit sans notre assentiment, comme le dit la glose (
Mt 1, ord. sup. illtid : Ut adimpleretur quod dictum est). Il n'a donc pas été nécessaire que cette annonciation se fit.

2 La bienheureuse Vierge avait la foi de l'incarnation, sans laquelle personne ne pouvait être sauvé-, parce que, comme le dit L’Apôtre (Rm 3,22), la justice de Dieu se répand sur tous par la foi en Jésus- Christ. Or, on n'a pas besoin d'être instruit ultérieurement de ce que l'on croit avec certitude. Par conséquent il n'a pas été nécessaire à la bienheureuse Vierge que l'incarnation du Fils de Dieu lui fut annoncée.

3 Comme la bienheureuse Vierge conçoit le Christ corporellement, de même toute âme sainte le conçoit spirituellement. C'est ce qui fait dire à l’Apôtre( Gal. Ga 4,9) : Mes enfants, vous que j'enfante de nouveau, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous. Or, cette conception n'est pas annoncée à ceux qui doivent concevoir le Christ spirituellement. On n'aurait donc pas dû annoncer à la bienheureuse Vierge qu'elle concevrait dans son sein le Fils de Dieu.

20 Mais c'est le contraire. L'Evangile rapporte que l'ange lui dit (Lc 1) : Voilà que vous concevrez dans votre sein et que vous enfanterez un Fils.

CONCLUSION. — Pour que la bienheureuse Vierge conçût le Christ dans son esprit avant de le concevoir dans sa chair, il a été convenable de lui annoncer qu'elle allait le mettre au monde.

21 Il faut répondre qu'il a été convenable d'annoncer à la bienheureuse Vierge qu'elle concevrait le Christ : 1° Pour conserver l'ordre convenable de l'union du Fils de Dieu avec la Vierge, c'est-à-dire pour que son esprit en fût instruit avant qu'elle ne le conçût dans sa chair. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (De virg. cap. 3) : Marie est plus heureuse en percevant la foi du Christ qu'en concevant sa chair. Puis il ajoute : Sa qualité de mère qui la rapprochait tant de Jésus ne lui aurait servi de rien, si elle ne l'eût porté plus heureusement dans son cœur que dans son corps. 2° Pour pouvoir être plus sûre de ce mystère, du moment qu'elle en avait été instruite de la part de Dieu. 3° Pour offrir à Dieu le présent volontaire de son obéissance, s'étant montrée toute prête à faire sa volonté en disant : Voilà la servante du Seigneur. 4° Pour montrer qu'il y a un mariage spirituel entre le Fils de Dieu et la nature humaine. C'est pourquoi par l'annonciation on sollicitait le consentement de la Vierge, au lieu de celui de la nature humaine entière (2).

(I) Il ne s'agit pas ici d'une nécessité absolue, niais seulement d'une nécessité de convenance.
(2) Comme Eve, dit Bossuet, a travaillé à notre ruine par une action de sa propre volonté, it

31
Il faut répondre au premier argument, que la prophétie de la prédestination s'accomplit sans que notre volonté en soit la cause, mais non sans que notre volonté y consente.

32
Il faut répondre au second, que la bienheureuse Vierge avait la foi expresse dans l'incarnation future ; mais parce qu'elle était humble, elle ne pensait pas d'elle d'aussi grandes choses, et c'est pour cela qu'elle devait en être instruite.

33
Il faut répondre au troisième, que la conception spirituelle du Christ, qui s'opère par la foi, est précédée de l'annonciation qui se fait par la prédication de la foi elle-même, selon que la foi vient de rouie, d'après saint Paul (Rm 10,47). A la vérité on ne sait pas avec certitude que l'on a la grâce, mais on sait que la foi que l'on a reçue est véritable.


ARTICLE II. — l'annonciation de la bienheureuse vierge a-t-elle dû être faite par un ange (1)?

602
1 Il semble que l'annonciation n'ait pas dû être faite à la bienheureuse Vierge par un ange. Car les anges les plus élevés reçoivent les révélations de Dieu immédiatement, comme le dit saint Denis (De coelest. hier. cap. 7). Or, la mère de Dieu a été élevée au-dessus de tous les anges. Il semble donc que le mystère de l'Incarnation ait dû lui être annoncé par Dieu immédiatement et non par un ange.

2
On aurait dû en cette circonstance conserver l'ordre commun d'après lequel les choses divines sont révélées aux hommes par les anges, et aux femmes par les hommes. D'où l’Apôtre dit (1Co 14,34) : Que les femmes se taisent dans les églises... que si elles veulent s'instruire de quelque chose, elles le demandent à leurs maris dans leur maison. Il semble donc que le mystère de l'Incarnation ait dû être annoncé à la bienheureuse Vierge par un homme, surtout parce que saint Joseph, son époux, l'a appris d'un ange, comme on le voit (Mt 1).

3 Personne ne peut convenablement annoncer ce qu'il ignore. Or, les anges supérieurs n'ont pas connu pleinement le mystère de l'Incarnation, D'où saint Denis dit (Coelest. hier, vu) que c'est à eux que l'on doit rapporter cette question (Is 63,4) : Quel est celui qui vient d'Edom? Il semble donc que l'annonciation de l'incarnation n'ait pu être faite convenablement par aucun ange.

4 Les plus grandes choses doivent être annoncées par les envoyés les plus éminents. Or, le mystère de l'Incarnation est la plus grande de toutes les choses qui aient été annoncées aux hommes par les anges. Il semble donc que s'il a dû être annoncé par un ange, cet ange a dû être de l'ordre le plus élevé. Cependant Gabriel n'est pas de l'ordre le plus élevé, puisqu'il est de l'ordre des archanges qui est le pénultième; car l'Eglise chante : Nous savons que l'archange Gabriel vous a parlé de la part de Dieu. Il n'a donc pas été convenable que celte annonciation se fit par l'archange Gabriel.

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Mais c'est le contraire. L'Evangile dit (Lc 1,26) : L'ange Gabriel a été envoyé de Dieu, etc.


CONCLUSION. — Puisque le gouvernement divin demande que les choses divines parviennent aux hommes par l'intermédiaire des anges, il a été convenable que le mystère de l'Incarnation du Verbe fut annoncé à la mère de Dieu par un ange.

(I) Saint Thomas entre, selon sa coutume, dans tous les détails du récit de l'Evangile, et il tient à en justifier jusqu'aux moindres circonstances.

fallait que la bienheureuse Marie coopérât de même à notre salut (Quatrième sermon pour la fête de V Annonciation, tom, iv, p. 254, édit. de \ers.).

21 Il faut répondre qu'il a été convenable que le mystère de l'Incarnation fût annoncé à la mère de Dieu par un ange pour trois raisons : 4° Pour conserver en cela l'ordre du gouvernement de la Providence, d'après lequel les choses divines arrivent aux hommes par l'intermédiaire des anges. D'où saint Denis dit (Decoel. hier. cap. 4) : que les anges ont d'abord été instruits du mystère divin de la miséricorde du Christ, et qu'ensuite la grâce de la connaissance est arrivée à nous par leur intermédiaire. C'est ainsi que l'ange Gabriel (1) a appris à Zacharie que le prophète Jean naîtrait de lui, et qu'il a annoncé à Marie, comment le mystère divin do l'incarnation ineffable de Dieu s'opérerait en elle. 2° Ce fut convenable par rapport à la réparation humaine qui devait s'opérer par le Christ. D'où le vénérable Bède dit (Hom. in festo Annunc.) : La régénération de l'homme a convenablement commencé par l'envoi d'un ange, qui est venu de la part de Dieu pour annoncer l'enfantement divin de la Vierge, puisque la chute d'Adam avait eu pour première cause le serpent que le démon avait envoyé pour tromper la femme par l'esprit d'orgueil (2). 3° Parce que cela convenait à la virginité de la mère de Dieu. C'est pourquoi saint Jérôme dit (alius auctor, in serm. Assumptionis) : C'est avec raison qu'on envoie un ange à la bienheureuse Vierge, parce que la virginité est ce qui se rapproche le plus des anges. Car vivre dans la chair en dehors de la chair, ce n'est pas une vie terrestre, mais céleste.

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Il faut répondre au premier argument, que la mère de Dieu était supérieure aux anges quant à la dignité à laquelle la Providence l'avait élevée ; mais quant à l'état de la vie présente, elle leur était inférieure. Carie Christ, en raison de sa vie passible, a été lui-même placé un peu au-dessous des anges, comme on le voit (He 2,9). Cependant parce que le Christ fut tout à la fois voyageur et voyant, il n'avait pas besoin de recevoir des anges la connaissance des choses divines. Mais sa mère n'étant pas encore dans l'état de ceux qui voient Dieu, elle devait pour ce motif être instruite des desseins de la Providence par les anges.

32 Il faut répondre au second, que, comme le dit saint Augustin (alius auctor, in serm. de Assump. cap. 4), la Vierge Marie a été exceptée avec raison de certaines règles générales (3); ainsi elle n'a pas eu plusieurs enfants, elle n'a point été sous puissance de mari, et elle a conçu le Christ dans ses chastes entrailles par l'opération de l'Esprit-Saint. C'est pourquoi elle n'a pas dû être instruite du mystère de l'Incarnation par l'intermédiaire d'un homme, mais par celui d'un ange. C'est pour cette raison qu'elle a été instruite avant saint Joseph; car elle a été instruite avant sa conception, tandis que saint Joseph l'a été après.

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Il faut répondre au troisième, que, comme on le voit d'après le passage de saint Denis (cit. in corp. art.), les anges ont connu le mystère de l'Incarnation. Néanmoins ils interrogeaient le Christ, désirant savoir de lui d'une manière plus parfaite les raisons de ce mystère, qui sont incompréhensibles à tout entendement créé. D'où saint Maxime dit : qu'il n'est pas douteux que les anges n'aient connu l'incarnation future. Mais ils ont ignoré la conception ineffable du Seigneur, son mode, comment il était tout entier dans son Père et tout entier en toutes choses, et comment il avait été renfermé dans le sein virginal de sa mère.

(1) C'est le même ange qui fut envoyé à Daniel, l'homme de désirs, pour lui apprendre l'arrivée du Saint des saints, qui devait être oint et immolé.
(2) Sur les rapports qui existent entre Eve et la sainte Vierge, voyez le tableau magnifique qu'en trace iîossuet d'après les Pères ( Troisième sermon pour la ( l'Annonciation, t. xv, p.2ó8, éilit. de Vers.).
(3) Combien y a-t-il de lois générales dont Mme a été dispensée? N'est-ce pas une nécessité commune à toutes les femmes d'enfanter avec tristesse et dans le péril de leur vie? Marie en a été exemptéo. N 'a-t-il pas été prononcé , etc. (N oy. cet éloquent passage, Premier sermon sur la Conception de la sainte Vierge, tome xv, p. H, éd. de Vers.).

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Il faut répondre au quatrième, qu'il y a des auteurs qui prétendent que Gabriel est de l'ordre supérieur des anges. C'est pour cela que saint Grégoire dit [llom. xxxiv in Ev.) qu'il était convenable que l'ange le plus élevé vînt annoncer la plus grande des nouvelles. Mais il ne résulte pas de là qu'il ait été le plus élevé entre tous les ordres célestes, mais seulement le premier des anges. Car il fut de l'ordre des archanges, puisque l'Eglise elle- même lui donne ce nom, et d'après saint Grégoire lui-même (Hom. de centum ovibus, /oc. cit.), on appelle archanges ceux qui annoncent les plus grandes choses. Il est donc assez probable qu'il est le plus élevé dans l'ordre des archanges, et, comme le dit le même Père (ibid.), ce nom convient à son office. Car Gabriel veut dire force de Dieu. C'était donc par la force de Dieu, continue saint Grégoire, que devait être annoncé le Seigneur des vertus, et le fort dans les combats qui venait pour renverser toutes les puissances de l'air.



III Pars (Drioux 1852) 564