III Pars (Drioux 1852) 787

ARTICLE VII. — cette colombe sous laquelle l'esprit-saint s'est manifesté était-elle un animal véritable?

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1 Il semble que cette colombe sous laquelle l'Esprit-Saint a apparu n'ait pas été un animal véritable. Car ce qui se montre selon la ressemblance ne paraît exister qu'en apparence. Or, l'Evangile dit (
Lc 3,21) que l'Esprit-Saint est descendu sur le Christ, comme une colombe, sous une forme sensible. La colombe n'a donc pas été véritable, mais c'était une apparence ou la ressemblance de cet animal.

2 Comme la nature ne fait rien en vain, de même Dieu non plus, ainsi qu'on le voit (De caelo, lib. i, text. 32; lib. ii, text. 59). Or, puisque cette colombe n'a paru que pour signifier une chose et disparaître ensuite, comme ledit saint Augustin (De Trin. lib. ii, cap. 6), il eût été inutile qu'elle fût véritable. Car on pouvait obtenir le même résultat par la ressemblance d'une colombe. Elle n'a donc pas été un animal véritable.

3
Les propriétés d'une chose mènent à la connaissance de sa nature. Si donc cette colombe avait été un animal véritable, ses propriétés auraient signifié la nature d'un véritable animal, mais non l'effet de l'Esprit-Saint. Il ne semble donc pas que cette colombe ait été un animal véritable.

20
Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Lib. de Jgon. christ, cap. 22) :

Nous ne prétendons pas que Jésus-Christ N  être -Seigneur ait eu seul un corps véritable, et que l'Esprit-Saint se soit manifesté aux yeux des hommes d'une manière fausse; mais nous croyons que ces deux corps sont vrais.


CONCLUSION. — Comme le Fils de Dieu a pris un corps véritable, de même l'Es- prit-Saint a formé une véritable colombe sous laquelle il s'est manifesté, quoiqu'il ne l'ait pas prise de manière à ne faire avec elle qu'une personne.

21
Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. v, art. lj, il ne convenait pas que le Fils de Dieu, qui est la vérité du Père, usât de fiction. C'est pourquoi il ne prit pas un corps fantastique, mais un corps véritable. Et comme l'Esprit-Saint est appelé Y Esprit de vérité, ainsi qu'on le voit (Jn 16), il a formé pour ce motif une colombe véritable sous laquelle il s'est manifesté, quoiqu'il ne l'eût pas prise dans l'unité de sa personne. C'est pour cela qu'après le passage cité saint Augustin ajoute : Comme il ne fallait pas que le Fils de Dieu trompât, les hommes, de même il ne fallait pas non plus que l'Esprit-Saint les induisît en erreur. D'ailleurs il n'était pas difficile au Dieu tout-puissant, qui a créé de rien le monde entier, de former le corps d'une véritable colombe, sans le secours des autres colombes; comme il ne lui a pas été difficile de former un corps véritable dans le sein de Marie sans l'action de l'homme; puisque la créature corporelle obéit à l'ordre et à la volonté du Seigneur, pour former l'homme dans les entrailles de la femme et pour mettre au monde la colombe.

31 II faut répondre au premier argument, qu'on dit que l'Esprit-Saint est descendu sous la forme ou la ressemblance d'une colombe, non pour signifier que la colombe n'était pas véritable, mais pour montrer qu'il n'a pas apparu sous la forme de sa substance.

32
II faut répondre au second, qu'il n'a pas été inutile de former une colombe véritable pour que le Saint-Esprit parût sous la forme de cet oiseau, puisque la vérité même de la colombe désigne la vérité de l'Esprit-Saint et de ses effets.

33
Il faut répondre au troisième, que les propriétés de la colombe servent tout à la fois à manifester sa nature et à faire connaître les effets de l'Esprit-Saint. Car, par là même que la colombe a ces propriétés, on voit qu'elle est la figure de l'Esprit-Saint.



ARTICLE VIII. — est-il cjf nvenaiile qu'après le baptême du christ on ait entendu la voix du père qui le reconnaissait pour son fils?

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1 Il ne semble pas convenable qu'après le baptême du Christ on ait entendu la voix du Père qui le reconnaissait pour son Fils. Car on dit que le Fils et l'Esprit-Saint ont été visiblement envoyés, selon qu'ils se sont manifestés d'une manière sensible. Or, il ne convient pas au Père d'être envoyé, d'après saint Augustin (De Trin. lib. u, cap. 12). Il ne lui convient donc pas non plus de se manifester.

2
La voix est l'expression du "Verbe conçu dans le coeur. Or, le Père n'est pas le Verbe. C'est donc à tort qu'il s'est manifesté par la voix.

3
l'homme-Christ n'a pas commencé à être le Fils de Dieu dans le baptême, comme quelques hérétiques l'ont pensé ; mais il l'a été dès le commencement de sa conception. La voix du Père eût donc dû attester la divinité du Christ plutôt à sa naissance qu'à son baptême.

20
Mais c'est le contraire. L'Evangile dit (Mt 3,17): On entendit du ciel une voix qui disait : Celui-là est mon Fils bien-aimé dans lequel j'ai mis toutes mes complaisances.


CONCLUSION. — Pour montrer par le baptême du Christ cc qui s'accomplit dans le n  être , il a été convenable qu'après que le Christ a été baptisé on entendit la voix du Père qui le reconnaissait pour son Fils.

21 II faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. 6 huj. quaest.) dans le baptême du Christ, qui fut le type du n  être, on a dû démontrer ce qui s'accomplit dans le n  être . Or, le baptême que les fidèles reçoivent est consacré par l'invocation et la vertu de la Trinité, d'après ces paroles (Mt 28 Mt 19) : Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. C'est pourquoi dans le baptême du Christ, comme le dit saint Jérôme (Sup. illud Mt 3, Et ecce aperti, etc.), on a une démonstration du mystère de la Trinité. Car c'est le Seigneur qui est baptisé dans la nature humaine ; l'Esprit-Saint est descendu sur lui sous la forme d'une colombe, et on a entendu la voix du Père, qui rendait témoignage à son Fils. Il a donc été convenable que le Père se manifestât alors par cette voix.

31 Il faut répondre au premier argument, que la mission visible ajoute quelque chose à l'apparition; elle y ajoute l'autorité de celui qui envoie. C'est pourquoi on dit que le Fils et le Saint-Esprit, qui viennent d'un autre, sont visiblement envoyés, et qu'ils n'apparaissent pas seulement; au lieu que le Père, qui ne procède pas d'un autre, peut apparaître, mais il ne peut pas être envoyé visiblement.

32
Il faut répondre au second, que le Père ne se montre dans la voix que comme l'auteur de cette voix ou comme parlant par elle. Et parce qu'il est propre au Père de produire le Verbe, ce qui consiste à dire ou à parler, il s'ensuit qu'il est très-convenable que le Père se soit manifesté par la voix qui signifie le Verbe. Par conséquent, c'est la voix elle-même sortie du Père qui atteste la filiation du Verbe, et comme la forme de la colombe, sous laquelle 0'est montré l'Esprit-Saint, n'est pas la nature même de cet Esprit ; et que d'ailleurs la forme humaine sous laquelle s'est montré le Fils lui-même, n'est pas la nature du Fils de Dieu : de même la voix n'appartient pas non plus à la nature du Verbe ou du Père qui parle. D'où le Seigneur dit, en parlant de gon Père (Jn 5,37) : fous n'avez jamais entendu sa voix, ni vu sa forme. par là, comme le dit saint Chrysostome (Sup. Jean. hom. xxxix), il les mène insensiblement aux véritables notions philosophiques, en leur montrant que Dieu n'a ni voix, ni forme sensible, mais qu'il est en dehors de toute figure et de tout langage. Et comme c'est la Trinité entière qui a produit la colombe et la nature humaine prise par le Christ, de même c'est elle qui a formé cette voix. Mais dans la voix il n'y a que le Père qui soit annoncé comme parlant, comme il n'y a que le Fils qui ait pris la nature humaine, et comme il n'y a que le Saint-Esprit qui se soit montré sous la forme d'une colombe, comme on le voit par saint Augustin (Fulgentius, Lib. de fid. ad Pet. cap. 9).

33 Il faut répondre au troisième, que la divinité du Christ n'a pas dû être manifestée à tout le monde dans sa naissance; elle a dû plutôt être voilée sous les défauts de l'enfance. Mais quand il est arrivé à l'âge mûr, alors qu'il fallait qu'il enseignât, qu'il fît des miracles, et qu'il convertit à liú les hommes, sa divinité devait être manifestée par le témoignage du père, pour que sa doctrine fût plus digne de foi. C'est pourquoi il dit lui- même (Jn 5,37) : Mon Père qui m'a envoyé rend lui-même témoignage de moi. Et c'est ce qui arrive principalement dans le baptême par lequel les hommes renaissent pour être les fils adoptifs de Dieu. Les fils de Dieu par adoption sont établis d'après la ressemblance qu'ils ont avec son fils naturel, d'après ces paroles de saint Paul (Rm 8,29) : Ceux qu'il a connus dans sa prescience, il les a aussi prédestinés pour être conformes à V image de son f Us. D'où saint Hilaire dit (Sup. Matth, Mt 2) que l'Esprit-Saint descendit sur

Jésus après son baptême, et qu'on entendit la voix du Père qui disait : < elui-là est mon Fils bien-aimé, afin que d'après ce qui s'est passé dans le Christ nous sussions qu'après le baptême l'Esprit-Saint accourt des portes célestes en nous, et que nous devenons les enfants de Dieu par l'adoption du Père éternel.









QUESTION 40: DE LA MANIÈRE DONT LE CHRIST A VÉCU.

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Après avoir parlé de ce qui regarde l'entrée du Christ dans ce monde ou de ses commencements, nous avons maintenant à considérer ce qui se rapporte à son développement. — Nous traiterons : 1° de sa manière de vivre; T de sa tentation; 3" de sa doctrine; 4° de ses miracles. — Sur la première de ces considérations quatre questions se présentent : 1" Le Christ a-t-il dû mener une vie solitaire ou vivre parmi les hommes? — 2° A-t-il dû être austère dans sa nourriture et ses habits, ou vivre de la vie commune à tout le monde? —3° A-t-il dû rester en ce monde dans l'abjection ou vivre dans les richesses et les honneurs? — 4° A-t-il dû vivre conformément à la loi?


ARTICLE I. — a-t-ii. été convenable que le christ vécut parmi les hommes (i)?

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1 Il semble que le Christ n'ait pas dû vivre parmi les hommes, mais mener une vie solitaire. Car il fallait que le Christ montrât par sa manière de vivre, non-seulement qu'il est homme, mais encore qu'il est Dieu. Or, il ne convient pas que Dieu vive parmi les hommes, puisque le prophète dit (
Da 2,41) : Excepté les dieux, qui riont point de commerce avec les hommes. Et Aristote observe (Pol. lib. i, cap. 2) que celui qui mène une vie solitaire est une bête sauvage, s'il le fait à cause de son humeur farouche, ou bien il est un Dieu, s'il le fait pour contempler la vérité. Il semble donc qu'il n'ait pas été convenable que le Christ vécût parmi les hommes.

2 Le Christ a dû mener la vie la plus parfaite, tant qu'il a vécu dans un corps mortel. Or, la vie la plus parfaite est la vie contemplative, comme nous l'avons dit (2* 2*, quest. clxxxii, art. 4 et 2). La solitude étant ce qui convient le mieux à la vie contemplative, d'après ces paroles du prophète (Os 2,44) : Je le conduirai dans la solitude, et je parlerai à son coeur; il semble que le Christ ait dû mener une vie solitaire.

3 La vie du Christ a dû être uniforme, parce qu'on a toujours dû voir en lui ce qu'il y a de plus parfait. Or, quelquefois le Christ cherchait les lieux solitaires en s'éloignant de la foule. D'où saint Remi dit (Sup. Matth, Mt 5, hab. in Cat. div. Thom.) : L'Evangile nous apprend que le Seigneur a eu trois sortes de refuge : une barque, la montagne et le désert; il se retirait dans l'un de ces asiles toutes les fois que la foule le pressait. Il eut donc dû mener toujours une vie solitaire.

20 Mais c'est le contraire. Le prophète dit (Ba 3,38) : On l'a vu sur la terre et il a conversé avec les hommes (2).


CONCLUSION. — Puisque le Christ est venu en ce monde pour manifester la vérité et sauver les pécheurs, et que par lui nous avons accès vers Dieu, il a été convenable qu'il menât ici-bas une vie sociale; cependant il a mené pendant un temps la vie solitaire pour donner l'exemple de l'une et de l'autre.

21 Il faut répondre que la vie du Christ a dû être telle qu'elle convînt à la fin de l'incarnation pour laquelle il est venu dans le monde. Or, il y est venu : 4° pour manifester la vérité, comme il le dit lui-même (Jn 18,37) : C'est pour cela que je suis né et que je suis venu dans le monde, afin de rendre témoignage à la vérité. C'est pourquoi il ne devait pas se cacher, en menant une vie solitaire, mais se produire en public, en prêchant publiquement. D'où il dit à ceux qui voulaient le retenir (Lc 4,43) : Il faut que je prêche aux autres villes le royaume de Dieu, parce que c'est pour cela que j'ai été envoyé. 2° Il est venu pour délivrer les hommes du péché, d'après ces paroles de saint Paul (1Tm 1, IS ) : Jésus-Christ est venu en ce monde sauver les pécheurs. C'est pour cela, comme le dit saint Chrysostome (hab. in Cat. aur. D. Th. super illud Lc 4, Quia et aliis civitatibus), quoique le Christ en restant dans le même lieu ait pu attirer à lui tout le monde pour entendre sa prédication, cependant il ne l'a pas fait, nous apprenant par son exemple à courir et à aller chercher celui qui périt, comme le pasteur court après la brebis perdue, comme le médecin va trouver le malade. 3° Il est venu pour que nous ayons par lui un facile accès près de Dieu, comme le dit encore saint Paul (Rm 5). C'est pourquoi il a été convenable qu'en conversant familièrement avec les hommes, il leur inspirât la confiance nécessaire pour approcher de lui. D'où l'Evangile dit (Mt 9,40) que Jésus étant à table dans une maison, il y vint beaucoup de publicains et de pécheurs qui mangèrent avec lui et ses 'disciples, ce que saint Jérôme explique en disant que les pécheurs ont vu que le publicain, converti à de meilleurs sentiments, avait enfin trouvé moyen de faire pénitence, et qu'ils ont appris par là à ne pas désespérer de leur salut.

M i Cet article a pour objet de montrer que le Christ a dû mener une vie sociale plutôt qu'une vie solitaire.

1.2 Saint Jean montre l'accomplissement de cotte prophétie par ces paroles : l'ortum caro ((ictum ett, et habitavit in nobis.

31 Il faut répondre au premier argument, que le Christ a voulu manifester sa divinité par son humanité. C'est pourquoi en vivant avec les hommes (ce qui est propre à chacun d'eux ) il a manifesté à tous sa divinité par ses prédications, ses miracles, sa vie innocente et juste (4).

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II faut répondre au second, que, comme nous l'avons dit (2" 2", quest. clxxxii, art. 4, et quest. clxxxviii, art. 6), la vie contemplative est absolument meilleure que la vie active qui a pour objet les actes corporels ; mais la vie active par laquelle on transmet aux autres par l'enseignement et la prédication ce que l'on a contemplé est plus parcite que la vie qui se borne à la contemplation seule, parce que cette vie présuppose que l'on contemple beaucoup. C'est pourquoi le Christ a choisi celle-là.

mus, et manus nostrae contrectaverunt, de verbo vitae... annuntiamus vobis (
1Jn 1).

(I) C'est ce qui permettrait aux apôtres île dire : Quod fuit ab initio, quod audivimus, quod vidimus oculis nostris, quod perspexi

33 Il faut répondre au troisième, que les actions du Christ ont eu pour objet notre instruction. C'est pourquoi pour donner aux prédicateurs l'exemple de ne pas se donner toujours en public, il a voulu quelquefois s'éloigner de la foule. On voit qu'il l'a fait pour trois motifs : 1° Quelquefois pour se reposer corporellement. Ainsi l'Evangile rapporte (Mc 6,31) que le Seigneur dit à ses disciples : Venez à l'écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu; car comme il y avait plusieurs personnes qui venaient vers lui, les unes après les autres, ils ne pouvaient pas seulement trouver le temps de manger. 2° D'autres fois c'était pour prier. Ainsi il est dit ailleurs (Lc 6,42) : En ce temps-là Jésus s'en étant allé sur une montagne pour prier, il y passa toute la nuit en prières; ce qui fait dire à saint Ambroise qu'il nous apprend par ses exemples à suivre ses préceptes. 3° Dans d'autres circonstances c'était pour nous apprendre à éviter la faveur humaine. C'est pourquoi à l'occasion de ces paroles (Mt 5, Videns Jésus turbas) saint Chrvsostome dit (Ilom. xvi in ) : En refusant de s'arrêter dans la ville et sur la place publique pour se retirer sur la montagne et dans la solitude, il nous a appris à ne rien faire avec ostentation et à nous éloigner du tumulte, et surtout quand il faut parler de ce qui est nécessaire.


ARTICLE II. — le christ a-t-il dû mener ici-bas une vie austère?

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1 Il semble que le Christ ait dû mener ici-bas une vie austère. Car le Christ a beaucoup plus prêché la vie parfaite ([lie Jean. Or, mené une vie austère pour porter les hommes à la perfection par son exemple; puisque l'Evangile dit (
Mt 3,4) que Jean avait un vêtement de poils de chameau et une ceinture de cuir autour de ses reins, qu'il vivait de sauterelles et de miel sauvage; ce que saint Chrysostome explique en disant (Ilom. x in ): Qu'il était admirable de voir dans un homme tant de patience et que c'est là ce qui attirait le plus les Juifs à lui. Il semble donc qu'une vie austère aurait à plus forte raison convenu au Christ.

2 L'abstinence se rapporte à la continence; car il est dit (Os 4,10) : lis mangeront et ils ne seront pas rassasiés; ils s'abandonneront à la fornication et ne cesseront de le faire. Or, le Christ a observé la continence en lui- même et il a proposé aux autres de la garder, quand il dit (Mt 19,12) : Il y en a qui se sont faits eunuques pour le royaume des cieux ; qui peut comprendre ceci, le comprenne. Il semble donc que le Christ ait dû mener une vie austère parmi ses disciples.

3 Il paraît ridicule qu'on commence à mener une vie très-resserrée et qu'ensuite on se relâche; caroli peut faire dire à son désavantage (Lc 14,30) : Cet homme a commencé à bâtir et il n'a pu achever. Or, le Christ a commencé à mener la vie la plus austère après son baptême, en demeurant dans le désert et en y jeûnant pendant quarante jours et quarante nuits. Il semble donc qu'il n'ait pas été convenable qu'après une vie aussi sévère il soit retourné à une vie commune.

20 Mais c'est le contraire. L'Evangile dit (Mt 11,19) : Le Fils de l'homme est venu buvant et mangeant.


CONCLUSION. — Puisqu'il a été convenable que le Christ vécût avec les hommes, il est évident qu'il convenait absolument qu'il but et mangeât comme tous les autres.                    '

21 II faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. préc.), il convenait à la fin de l'incarnation que le Christ ne menât pas une vie solitaire, mais qu'il vécût avec les autres hommes. Or, il est très-convenable que celui qui vit avec d'autres se conforme à leur manière de vivre, d'après ces paroles de l’Apôtre(1Co 9,22) : Je me suis fait tout à tous. C'est pourquoi il convenait que le Christ bût et mangeât communément comme le font tous les autres hommes. D'où saint Augustin observe (Cont. Faust, lib. xvi, cap. 31) qu'on dit que Jean ne buvait, ni ne mangeait, parce qu'il ne faisait pas usage de la même nourriture que les Juifs. Par conséquent si le Seigneur n'en eût pas fait usage, on n'aurait pas dit par rapport à lui qu'il mangeait et buvait.

31 Il faut répondre au premier argument, que dans sa vie le Seigneur a donné l'exemple de la perfection pour toutes les choses qui appartiennent par elles-mêmes au salut. Mais l'abstinence du boire et du manger n'appartient pas par elle-même au salut, d'après ces paroles de saint Paul (Rm 14,17) : Le royaume de Dieu ne consiste ni dans le boire, ni dans le manger. Et saint Augustin (De quaest. Evang. quest. xi) expliquant ce passage de l'Evangile (Mt 11) : Justiftcata est sapientia à filiis suis, dit que les saints apôtres ont compris (pie le royaume de Dieu ne consiste ni dans le boire, ni dans le manger, mais dans cette égalité d'âme qui fait qu'on ne se laisse pas enorgueillir par la fortune, ni abattre par l'indigence. Et ailleurs le même docteur ajoute (De doct. christ, lib. iii, cap. 12) : Dans tout cela ce n'est pas l'usage des choses, mais c'est la passion de celui qui s'en sert qui est coupable. Ainsi ces deux vies sont l'une et l'autre louables et permises ; c'est-à-dire que l'on peut faire abstinence après s'être séparé de la société des hommes, et celui qui est appelé à vivre au milieu d'eux peut mener la vie commune. C'est pour cela que le Seigneur a voulu donner l'exemple de l'une et l'autre. Quant à Jean, comme l'observe saint Chrysostome (Sup. Matth, hom. xxxviii), il n'avait pour se faire connaître que sa vie et sa justice, au lieu que le Christ avait ses miracles pour lui rendre témoignage. Ayant donc laissé Jean se distinguer par le jeûne, il marcha dans une voie contraire et il s'assit à la table des publicains où il but et mangea.

32 Il faut répondre au second argument, que comme les autres hommes obtiennent par l'abstinence la vertu de se contenir, de même le Christ comprimait la chair dans ses disciples par la vertu de sa divinité. C'est pour cela que l'Evangile dit (Matth,9) : que les pharisiens et les disciples de Jean jeûnaient, mais qu'il n'en était pas de même des disciples du Christ. Ce que Bède explique en disant (cap. 12 in Mare, et Ambros. super illud Luc. i: Ne timeas, Maria) : que Jean ne but ni vin, ni liqueur forte, parce que l'abstinence augmente le mérite de celui qui n'a sur le corps aucun pouvoir par nature. Mais le Seigneur ayant naturellement le pouvoir de pardonner les péchés, pourquoi aurait-il délaissé ceux qu'il pouvait rendre plus purs que ceux qui font abstinence?

(2; Saint Grégoire ajoute une troisième raison que saint Thomas a rapportée précédemment iVov. loin. > , p. 318,.

(I Bossue! exprime la même pensóí«, 13' se- niaiue, élevât. I.

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Il faut répondre au troisième, que, comme le dit saint Chrysostome (Sup. Matth, hom. xiii), pour nous apprendre combien le jeûne est grand et de quel secours il est contre le démon, et parce qu'après le baptême il ne faut pas se livrer à la bonne chère, mais à la mortification (1 ), le Christ lui-même a jeûné, non qu'il en eût besoin, mais pour notre instruction. Cependant il n'a pas jeûné plus de temps que Moïse et Elie pour ne pas rendre incroyable son incarnation. Selon l'interprétation mystique de saint Grégoire (Hom. xvi inEvang.), à l'exemple du Christ nous jeûnons quarante jours, parce que la vertu du Décalogue est remplie par les quatre livres de l'Evangile; car le nombre dix répété quatre fois donne quarante. Ou bien parce que dans ce corps mortel nous subsistons d'après les quatre éléments et que c'est en voulant le satisfaire que nous allons contre les préceptes du Seigneur qui nous sont transmis par le Décalogue (2). — Ou encore d'après saint Augustin (Quaest. lib. Lxxxui, quaest. 81) : Toute la science de la sagesse consiste à connaître le Créateur et la créature. Le Créateur est la Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Il y a des créatures qui sont invisibles, comme l'âme à laquelle on attribue le nombre ternaire ; car nous devons aimer Dieu de trois manières, de tout notre coeur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Il y en a d'autres qui sont visibles, comme le corps, auxquels se rapporte le nombre quaternaire, à cause du chaud, de l'humide, du froid et du sec. Par conséquent, le nombre dix qui embrasse la science de la sagesse tout entière étant multiplié par quatre, c'est-à-dire par le nombre qu'on attribue au corps, il produit le nombre quarante. C'est pourquoi le temps pendant lequel nous gémissons et nous faisons pénitence comprend une période de quarante jours. Néanmoins il était convenable qu'après avoir jeûnée taprês av'1!' Vceu dans le désert, le Christ revint à la vie commune. Car ceci con- n K'iit à la vie qui a pour objet de transmettre aux autres ce qu'on a contemple et qui est celle que le Christ a prise. Il faut d'abord qu'on se livre à la contemplation et qu'ensuite on paraisse en public pour vivre avec les autres. C'est ce qui fait dire au vénérable Bédé (Super Mare, n et Ambros. lac. sup. citat.) : Le Christ a jeûné pour que vous ne puissiez pas vous soustraire à ce précepte; il a mangé avec les pécheurs pour qu'en voyant sa grâce vous reconnaissiez sa puissance.



ARTICLE III. — le christ a-t-il dû mener une vie pauvre en ce monde (1 ) ?

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1 Il semble que le Christ n'ait pas dû mener une vie pauvre en ce monde. Car il a dû prendre la vie qui est la plus préférable. Or, la vie la plus préférable est celle qui tient le milieu entre les richesses et la pauvreté. Et le Sage dit (
Pr 30,8) : Ne me donnez- ni la pauvreté, ni les richesses; accordez-moi seulement ce qui m'est nécessaire pour vivre. Le Christ n'a donc pas dû mener une vie pauvre, mais une vie moyenne.

2 Les richesses extérieures se rapportent à l'usage du corps, quant à la nourriture et au vêtement. Or, le Christ a mené une vie commune pour la nourriture et le vêtement, selon les habitudes de ceux avec lesquels il vivait. Il semble donc qu'il ait dû aussi pour les richesses et la pauvreté prendre le mode de vie le plus commun, sans tomber dans l'indigence la plus profonde.

3
Le Christ a invité principalement les hommes à imiter son humilité, en disant (Matth,11, 29) : Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. Or, c'est surtout dans les riches que l'humilité est louable. D'où l’Apôtre dit (1Tm 6 1Tm 47) : Commandez aux riches de ce siège de ne point s'enorgueillir. Il semble donc que le Christ n'ait pas dû mener une vie pauvre.

20 Mais c'est le contraire. L'Evangile dit (Mt 8,20) : Le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête; c'est comme si le Christ disait, d'après saint Jérôme (in illud Matth, viii : Accedens unus scriba) : Pourquoi désirez-vous me suivre à cause des richesses et des profits du siède, puisque je suis si pauvre que je n'ai pas même une maison et que ce n'est pas sous mon toit que je m'abrite. Et (^l'occasion de ces autres paroles (Mt 17) : Ut non scandalizemus eos, vade ad mare, saint Jérôme dit : Ces paroles édifient celui qui les entend, quand il apprend que le Seigneur était tellement pauvre qu'il n'avait pas de quoi payer le tribut pour lui et pour l’Apôtre saint Pierre.


CONCLUSION. — Le Christ a mené ici-bas une vie pauvre, soit parce que ce genre de vie convenait au ministère de la prédication, soit pour nous distribuer les richesses spirituelles, soit ensuite pour que sa prédication ne fût pas attribuée à la cupidité.

secutus est hominem inopem et mendicum. 'Hier. Thren. cap. m) : Recordare paupertatis meae, absinthii et fellis.

: I) Les prophètes avaient annoncé que te Christ mènerait une vie pauvre (Ps 1,19): Ego vero egenus et pauper sum. (Is 28, Ego unum mendicus sumet pauper. (Ps 108): Per

21 Il faut répondre qu'il a été convenable que le Christ menât une vie pauvre en ce monde. 4° Parce que c'était convenable à l'office de la prédication pour lequel il dit qu'il est venu (Mc 1,38) : Allons dans les bourgs et les cités du voisinage, car c'est pour cela que je suis venu. En effet il faut que ceux qui prêchent la parole de Dieu soient absolument délivrés du souci des choses du siège, pour se livrer totalement à leur ministère; ce que ne peuvent faire ceux qui possèdent des richesses. D'où le Seigneur envoyant ses apôtres prêcher leur dit (Mt 10,9) : Ne possédez ni or, ni argent, et c'est pour cela que les apôtres disent eux-mêmes (Ac 6,2) : Il n'est pas raisonnable que nous quittions la parole de Dieu pour le service des tables. 2° Parce que comme il a pris la mort corporelle pour nous donner la vie spirituelle, de même il s'est soumis à la pauvreté du corps pour nous donner les richesses de l'âme, d'après ces paroles de saint Paul (2Co 8,9) : vous savez la grâce que vous a fait Notre-Seigneur Jésus-Christ qui s'est rendu pauvre à cause de nous, afin que vous devinssiez riches par sa pauvreté. 3° De peur que s'il eût possédé des richesses, on eût attribué sa prédication à la cupidité. C'est ce qui fait dire à saint Jérôme (Sup. Matth, in illud cap. 10 : Nolite possidere aurum), que si les disciples avaient eu des richesses, ils auraient paru prêcher non pour sauver les hommes, mais pour faire fortune; et on peut appliquer au Christ le même raisonnement. 4° Afin que sa divinité se manifestât avec d'autant plus d'éclat que par sa pauvreté il paraissait plus abject. D'où il est dit (in quod. serm. Ephes. concil., pars, iii, cap. 9) : Il a choisi tout ce qu'il y a de pauvre et de vii, tout ce qu'il y a de médiocre et d'obscur, pour que l'on sût que sa divinité avait transformé le monde. C'est pourquoi il a choisi une mère pauvre, une patrie plus pauvre encore, et qu'il a vécu sans ressources, comme on le voit dans la crèche (1).

31 Il faut répondre au premier argument, que ceux qui veulent vivre vertueusement doivent éviter l'excès des richesses et la mendicité, selon qu'ils sont des occasions de pécher. Car l'excès des richesses est une occasion de s'enorgueillir; et la mendicité est une occasion de voler, de mentir ou de se parjurer. Mais parce que le Christ n'était pas capable de pécher, il ne devait pas éviter la mendicité pour la raison qui portait Salomon à la fuir. D'ailleurs toute mendicité n'est pas une occasion de vol et de parjure, et Salomon paraît le dire plus loin; mais il n'y a que celle qui est contraire à la volonté. On vole et l'on se parjure pour l'éviter. Mais la pauvreté volontaire (2) n'a pas ce danger, et c'est celle-là que le Christ a choisie.

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Il faut répondre au second, que l'on peut mener une vie commune quant à la nourriture et au vêtement non-seulement en possédant des richesses, mais encore en recevant des femmes et des riches le nécessaire. C'est ce que le Christ a fait. Car l'Evangile dit (Lc 8,2) : Il y avait des femmes qui suivaient le Christ et qui l'assistaient de leurs biens. Car, comme le dit saint Jérôme (Sup. Matth, cap. 27 : Erant ibi mulieres), c'était la coutume parmi les Juifs; et on ne trouvait pas mauvais d'après les moeurs antiques que les femmes se servissent de leurs biens pour nourrir et pour vêtir leurs maîtres. Mais comme les gentils pouvaient s'en scandaliser, saint Paul dit qu'il ne l'a pas fait. Ainsi on pouvait donc mener une vie commune sans avoir les soucis qui empêchent le ministère de la prédication, et cependant sans posséder de richesses (3).

33 Il faut répondre au troisième, que dans celui qui est pauvre par nécessité, l'humilité n'est pas très-recommandable; mais dans celui qui est pauvre volontairement (comme l'a été le Christ) la pauvreté elle-même est la marque de la plus grande humilité.

(1) C'est en effet une des preuves les plus remarquables de la divinité de la religion.
(2) Cajétan fait remarquer que par la pauvreté volontaire saint Thomas entend celle qu'on accepte sans peine, mais non la pauvreté dont on a fait voeu , parce que si l'on a regret de son voeu, la pauvreté qu'on s'est engagé à garder devient lorcée et involontaire.
(3) Voyez sur la mendicité du Christ ce que nous avons dit(tom. v,pag.G3li.


ARTICLE IV. — le christ a-t-il vécu en cette vie selon la loi?

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1 II semble que le Christ n'ait pas vécu conformément à la loi. Car la loi ordonnait de ne rien faire dans le sabbat, comme Dieu s'est reposé le septième jour de toutes les oeuvres qu'il avait faites (
Gn 2). Or, il a guéri un homme le jour du sabbat et lui a ordonné de porter son lit. Il semble donc qu'il n'ait pas agi selon la loi.

2 Le Christ a fait ce qu'il a enseigné d'après ces paroles de l'Ecriture (Act. 1,l): Jésus commença à faire et à enseigner. Or, l'Evangile dit (Mt 15,2) ; Que tout ce qui entre dans la bouche ne soiálle pas l'homme; ce qui est contraire au précepte de la loi qui disait que l'homme devenait impur par la nourriture qu'il prenait, comme on le voit (Lv 11). Il semble donc qu'il ne se soit pas conformé à la loi.

3 Il semble qu'on doive juger de même celui qui fait l'action et celui qui y consent, d'après ces paroles de saint Paul (liom. i, 32) : Non-seulement ceux qu’à font l'action, mais encore ceux qui y consentent. Or. le Christ a consenti à l'action de ses disciples qui transgressaient la loi en arrachant des épis le jour du sabbat et il les a excusés (Mt 12). Il semble donc qu'il n'ait pas vécu selon la loi.

20 Mais c'est le contraire. Le Seigneur dit lui-même (Mt 5,17) : Ne pensez pas que je sois venu détruire la loi ou les prophètes. Ce que saint Chrysostome explique en disant (Hom. xvi in ) : Il a accompli la loi, d'abord en ne transgressant aucune des observances légales, ensuite en justifiant par la foi, ce que la loi prise à la lettre ne pouvait pas faire.


2 CONCLUSION. — Le Christ a vécu en ce monde suivant les préceptes de la loi pour approuver la loi ancienne, la consommer en lui-même en l’observant et enlever aux Juifs l'occasion de calomnier.

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Il faut répondre que le Christ s'est conformé en tout aux préceptes de la loi. La preuve en est qu'il a voulu   être  circoncis ; car la circoncision est un engagement que l'on prend de suivre la loi, d'après ces paroles de saint Paul (Ga 5,3) : Je déclare à tout homme qui se fait circoncire qu'il s'oblige à garder toute la loi. Et il a voulu vivre ainsi conformément à la loi : 1° pour l'approuver-, 2° pour la consommer en lui-même en l'observant et la mener à sa fin, en montrant qu'elle se rapportait à lui; 3° pour enlever aux Juifs l'occasion de le calomnier ; 4° pour délivrer les hommes de la servitude de cette loi, suivant ces autres paroles du même apôtre  (Ga 4,4) : Dieu a assujetti son Fils à la loi pour racheter ceux qui étaient sous la loi.

31 Il faut répondre au premier argument, que le Seigneur prouve lui-même qu'il n'a pas transgressé la loi de trois manières : 1° Parce que le précepte qui ordonne la sanctification du sabbat n'interdit pas l'oeuvre divine, mais l'oeuvre humaine. Car quoique Dieu ait cessé le septième jour de créer de nouvelles créatures, cependant il opère toujours pour conserver et gouverner celles qu'il a créées. Les miracles que le Christ faisait étaient des oeuvres divines. C'est pour cela qu'il dit ( Jean, Jn 5,17) : Mon Père ne cesse d'agir et j'agis toujours aussi. 2° Il se justifie parce que la loi ne défend pas les oeuvres qui sont nécessaires au salut, même au salut corporel. D'où le Seigneur dit (Lc 13,15) : Y a-t-il quelqu'un de vous qui ne délie pas son boeuf ou son âne le jour du sabbat et qui ne les tire pas de l'étable pour les mener boire. Et plus loin (14, 5) : Qui est celui d'entre vous, dont l'âne ou le boeuf soit tombé dans un puits et qui ne l'en retire pas aussitôt le jour du sabbat. Or, il est évident que les miracles que le Christ faisait appartenaient au salut du corps et de l’âme. 3° Parce que la loi ne défend pas les oeuvres qui appartiennent au culte de Dieu. D'où il est dit (Mt 12,5): N'avez-vous pas lu dans la loi qu'aux jours du sabbat les prêtres violent le sabbat dans le temple sans être coupables. Et ailleurs (Jn 17,23) : On circoncit un homme le jour du sabbat. En commandant au paralytique de porter son lit le jour du sabbat, cette action appartenait au culte" de Dieu, c'est-à-dire à la louange de la vertu divine. Ainsi il est évident que le Christ n'a pas transgressé le sabbat, quoique les Juifs le lui aient faussement reproché en disant (Jean,9, 16) : Cet homme n'est point envoyé de Dieu, puisqu'il n'observe pas le sabbat.

32 Il faut répondre au second, que le Christ a voulu montrer par ces paroles que l'âme de l'homme ne devient pas immonde par suite de l'usage qu'il fait de certains aliments considérés d'après leur nature, mais seulement d'après leur signification. Et si dans la loi il y avait des aliments qu'on considérait comme immondes, c'était d'après leur signification. D'où saint Augustin dit [Cont. Faust, lib. vi, cap. 7) : Si on nous interroge sur le porc et l'agneau, nous dirons qu'ils sont l'un et l'autre purs par leur nature, parce que toute créature de Dieu est bonne-, mais par rapport à la signification, l'agneau est pur, le porc est immonde.

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Il faut répondre au troisième, que les disciples, quand ils arrachaient des épis le jour du sabbat pour se nourrir, ne transgressaient pas la loi, parce qu'ils étaient pressés par la faim. C'est ainsi que David n'a pas transgressé la loi, quand, par nécessité, il a mangé les pains sacrés qu'il ne lui était pas permis de toucher.





QUESTION 41: DE LA TENTATION DU CHRIST.

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III Pars (Drioux 1852) 787