III Pars (Drioux 1852) 820

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Après avoir parlé de la vie du Christ, nous devons nous occuper de sa tentation. — A cet égard quatre questions se présentent : 1° A-t-il été convenable que le Christ fut tenté? — 2° Du lieu de sa tentation. — 3° Du temps. — 4U Du mode et de l'ordre.



ARTICLE I. — a-t-il été convenable que le christ fut tenté?

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1 Il semble qu'il ne convenait pas que le Christ lut tenté. Car tenter c'est faire une expérience : ce qui n'a lieu qu'à l'égard de ce qu'on ne connaît pas. Or, la vertu du Christ était connue des dénions : puisqu'il est dit (
Lc 4,41) : qu'il ne laissait pas parler les démons, parce qu'ils sa- vaient qu'il est le Christ. Il semble donc que le Christ n'ait pas dû être tenté.

2 Le Christ était venu pour détruire l'oeuvre du démon, d'après ces paroles (Jean, iii, 8) : Le Fils de Dieu a paru en ce monde pour détruire les ouvres du démon. Or, il n'appartient pas au même individu de détruire les oeuvres de quelqu'un et de les souffrir. Par conséquent il paraît inconvenant que le Christ ait souffert d'être tenté par le diable.

3
Il y a trois sortes de tentation, l'une qui vient de la chair, l'autre du monde et la troisième du démon. Or, le Christ n'a été tenté ni par la chair, ni par le monde. Il n'a donc pas dû non plus être tenté par le démon.

20
Mais c'est le contraire. L'Evangile dit (Mt 4,1) que Jésus a été conduit par l'esprit dans le désert pour être tenté par le démon.


CONCLUSION. —- Le Christ a voulu être tenté pour nous servir d'exemple et d'aide contre les tentations et nous apprendre de quelle manière nous pourrions les vaincre.

21 Il faut répondre que le Christ a voulu être tenté : 1° Pour nous donner un secours contre les tentations. D'où saint Grégoire dit (Hom. xvi in ) : Il n'était pas indigne de notre Rédempteur, qui était venu pour être mis à mort, de se laisser tenter ; car il était juste qu'il vainquit nos tentations par les siennes, comme il était venu vaincre notre mort par la sienne. 2° Pour que nous fussions sur nos gardes, afin que personne, quelque saint qu'il fut, ne se crût tranquille et à l'abri de la tentation. C'est pour cela qu'il a voulu être tenté par le baptême, parce que, comme le dit saint Hilaire [Sup. Matth, can. m) : Quand nous sommes sanctifiés les efforts du démon redoublent, parce qu'il désire davantage remporter la victoire sur les saints. D'où l'Ecriture dit (Si 2,1) : Mon fils, lorsque vous entrerez au service de Dieu, demeurez ferme dans la justice et dans la crainte, et préparez votre âme à la tentation. *3° A cause de l'exemple, pour nous apprendre le moyen de triompher des tentations du démon. D'où saint Augustin dit (De Trin. lib. iv, cap. 42) : Que le Christ se laissa tenter par le démon pour être notre médiateur et nous aider à surmonter les tentations, non-seulement par son secours, mais encore par son exemple. 4° Pour que nous ayons confiance dans sa miséricorde. D'où saint Paul dit (He 4,15) : Nous n'avons pas un pontife qui ne puisse compatir à nos infirmités, ayant été tenté en toutes choses, et étant semblable à nous, sauf le péché.

31 Il faut répondre au premier argument, que, comme le dit saint Augustin (De civ. Dei, lib. ix, cap. 21 ), le Christ s'est fait connaître aux démons autant qu'il l'a voulu, non par ce qui est la vie éternelle (4), mais par des effets temporels de sa vertu, d'après lesquels ils conjecturaient qu'il était le Fils de Dieu. Mais comme d'ailleurs ils voyaient en lui des signes de faiblesse humaine, ils ne savaient pas avec certitude qu'il était le Fils de Dieu, et c'est pour cela qu'ils voulurent le tenter. C'est ce qu'exprime l'Evangile (Mt 4), quand il dit qu'après que le Seigneur eut faim, le tentateur s'approcha de lui; parce que, selon la remarque de saint Ililaire (loc. sup. cit.), le démon n'aurait pas osé tenter le Christ, s'il n'eût reconnu en lui, d'après l'infirmité de la faim, ce qui appartient à l'homme. Ce qui est évident d'après la manière même dont il l'a tenté, puisqu'il dit : Si tu es le Fils de Dieu; ce que saint Ambroise explique en disant (Lc 4) : Pourquoi emploie-t-il cette manière de s'exprimer, sinon parce qu'il savait que le Fils de Dieu viendrait, mais il ne pensait pas qu'il était venu à cause de cette infirmité corporelle.     e-

32 Il faut répondre au second, que le Christ était venu détruire les oeuvres du démon, non en agissant par sa puissance, mais plutôt en souffrant de lui et de ses membres tous les affronts, de manière à triompher du diable par la justice et non par la force. C'est ainsi que saint Augustin dit (De Trin. lib. xiii, cap. 43) que le diable n'a pas dû être vaincu par la puissance de Dieu, mais par sa justice. C'est pourquoi, à l'égard de la tentation du Christ, il faut considérer ce qu'il a fait par sa volonté propre et ce qu'il a souffert de la part du démon. Ainsi il s'est livré au tentateur par sa volonté propre. D'où il est dit (Mt 4) : Jésus a été conduit dans le désert par l'Esprit pour être tenté par le diable. Saint Grégoire dit (Hom. xvi in Evang.) que ce passage doit s'entendre de l'Esprit-Saint, de manière que son Esprit l'a conduit là où l'esprit malin l'a trouvé pour le tenter. Il a souffert que le démon l'enlevât sur le faîte du temple, ou sur une montagne très-élevée. Il n'est pas étonnant, ajoute le même docteur (ibid.), qu'il lui ait permis de le conduire sur une montagne, puisqu'il a permis à ses membres de le crucifier. On entend qu'il s'est laissé transporter par le démon, non par nécessité, mais, scion l'expression d'Origène (Sup. huc. hom. xxxi), il le suivait pour être tenté, comme un athlète qui s'offre de lui»-méme au combat.

(I) line lui a pas manifesté son essence divine dont la vue est l'objet de la vie éternelle.

33 Il faut répondre au troisième, que, comme le dit L’Apôtre(He 4,45) : Le Christ a voulu être tenté en toutes choses, sauf le péché. La tentation qui vient de l'ennemi peut être sans péché, parce qu'elle est produite uniquement par la suggestion extérieure (4), au lieu que la tentation qui vient de la chair ne peut exister sans péché (2), parce que cette espèce de tentation est produite par la délectation et la concupiscence; et, comme le dit saint Augustin (De civ. Dei, lib. xix, cap. 4), il y a péché quand la chair lutte contre l'esprit. C'est pourquoi le Christ a voulu être tenté par l'ennemi, mais non par la chair.



ARTICLE II. — le christ a-t-il i)u être tenté dans le désert?

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1 Il semble que le Christ n'ait pas dû être tenté dans le désert. Car le Christ a voulu être tenté pour nous servir d'exemple, comme nous l'avons dit (art. préc.). Or, un exemple doit être proposé manifestement à ceux qui doivent le suivre. Il n'a donc pas dû être tenté dans le désert.

2
Saint Chrysostome dit [Sup. Matth, hom. xiii) que le démon se presse plus vivement pour tenter quand il voit des solitaires. C'est pourquoi dans le commencement il a tenté la femme, lorsqu'il l'a trouvée sans son mari; et par là il semble que le Christ en se retirant dans le désert pour être tenté s'est de lui-même exposé à la tentation. Par conséquent puisque sa tentation est l'exemple que nous devons suivre, il semble que les autres devraient aussi s'exposer aux tentations ; ce qui cependant paraît être dangereux, puisque nous devons plutôt en éviter les occasions.

3
Saint Matthieu raconte (iv) que dans la seconde tentation le diable transporta le Christ dans la cité sainte et le plaça sur le sommet du temple ; ce qui n'avait pas lieu dans le désert. Il n'a donc pas été tenté là seulement.

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Mais c'est le contraire. L'Evangile dit (Mare, i, 43) : Que Jésus demeura quarante jours et quarante nuits dans le désert et qu'il y fut tenté par Satan.


CONCLUSION. — Il a été convenable que le Christ fut tenté dans le désert, pour délivrer de l'exil l'homme qui avait été chassé du Jtiradis dans un lieu désert.

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Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. préc. ad 2), le Christ s'est soumis au démon par sa volonté propre pour être tenté, comme aussi il s'est volontairement soumis à ses suppôts pour être mis à mort; autrement le diable n'aurait pas osé venir à lui. Le démon tente plus fortement celui qui est solitaire, parce que, selon la pensée de l'Ecriture (Qo 4,42) : Si quelqu'un a de l'avantage sur l'un, totis les deux lui résistent. D'où il suit que le Christ est allé dans le désert comme dans un champ de bataille, pour y   être  tenté par le diable. C'est ce qui fait dire à saint Ambroise (Sup. Luc. cap. 4) que le Christ se retirait à dessein dans le désert pour y provoquer le démon. Car si le démon n'eût pas combattu, ajoute-t-il, le Christ ne l'aurait pas vaincu pour moi. Il ajoute encore d'autres raisons en disant que le Christ a ainsi agi par mystère pour délivrer de l'exil Adam, qui avait été chassé du paradis dans le désert, et aussi pour nous apprendre par son exemple que le demon porte envie à ceux qui tendent à ce qu'il y a de plus parfait.

(I) La tentation du Christ a été purement extérieure. Saint Grégoire distingue à ce sujet dans toute tentation trois degrés : la suggestion, la délectation et le consentement. Le démon n'a pu aller au delà de la suggestion dans la tentation du Christ.
(2) Cette lutte de la chair contre l'esprit est un péché, parce qu'elle se fait en dehors de la raison.

21 Il faut répondre au premier argument, que le Christ nous est donné à tous pour exemple par la foi, d'après ces paroles de saint Paul (He 12,2) : Ao«s avons les yeux sur Jésus, V auteur et le consommateur de la foi. Or, la loi, comme le dit l’Apôtre(Rm 12,17), vient de l'ouïe, et non de la vue; le Seigneur dit lui -même (Jn 20,29) : Bienheureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru. C'est pourquoi pour que la tentation du Christ nous servit d'exemple, il n'a pas fallu que les hommes la vissent, mais il a suffi de la leur raconter.

32 Il faut répondre au second, qu'il y a deux sortes d'occasion de tentation. L'une vient de l'homme, comme quand quelqu'un s'expose prochainement au péché sans en éviter les occasions. Cette occasion de tentation doit   être  évitée, comme on le voit d'après ces paroles (Gn 19,17) : Ne restez pas dans tout le pays qui est autour de Sodome. L'autre occasion de tentation vient du démon, qui porte toujours envie à ceux qui tendent à la perfection, comme le dit saint Ambroise (loc. sup. cit.). On ne doit pas éviter cette occasion de tentation. D'où saint Chrysostome dit (alius auctor sup. Matth, hom. v, in op. imperf.) que le Christ n'a pas été seul conduit dans le désert par l'Esprit, mais qu'il en est de même de tous les enfants de Dieu qui ont l'Esprit-Saint. Car ils ne se contentent pas de rester oisifs; mais l'Esprit-Saint les pousse à entreprendre une grande chose, qui consiste à se retirer dans le désert relativement au démon, parce qu'il n'y a pas là d'injustice dans laquelle le diable se délecte. D'ailleurs toute bonne oeuvre est déserte quant à la chair et au monde ; parce qu'elle n'est conforme ni à la volonté de la chair, ni à celle du monde. Il n'est pas dangereux de donner au diable cette occasion de tentation; car c'est plutôt un conseil de l'Esprit-Saint, qui est l'auteur de toute perfection, qu'une attaque du diable jaloux.

33 Il faut répondre au troisième, qu'il y en a qui prétendent que toutes les tentations ont eu lieu dans le désert. Quelques-uns d'entre eux disent que le Christ a été conduit dans la cité sainte, non pas réellement, mais en imagination ; d'autres veulent que la cité sainte, c'est-à-dire Jérusalem, ait été appelée le désert, parce que Dieu l'avait abandonnée. Mais il n'est pas nécessaire de recourir à ccfe hypothèses; car saint Mare dit à la vérité que le démon l'a tenté dans le désert, mais il ne dit pas qu'il ne l'ait tenté que là.



ARTICLE III. — la tentation du christ a-t-elle dû avoir lieu après son jeune ?

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1 Il semble que la tentation du Christ n'ait pas dû avoir lieu après son jeûne. Car nous avons dit (quest. préc. art. 2) qu'il ne lui convenait pas d'avoir une vie austère. Or, c'est un acte d'austérité extrême que de rester quarante jours et quarante nuits sans manger. Car c'est ainsi que l'on entend que le Christ a jeûné pendant quarante jours et quarante nuits; puisque, comme le dit saint Grégoire (Hom. xvi in Evang.), pendant tout ce temps il n'a pris aucune nourriture. Il ne semble donc pas qu'un pareil jeûne ait dû précéder sa tentation.

2
L'Evangile dit (Mare, 1, 13) : qui était dans le désert depuis quarante jours et quarante nuits et qu'il était tenté par Satan. Or, il jeûna quarante jours et quarante nuits. Il semble donc qu'il n'ait pas été tenté par le démon après son jeûne, mais pendant qu'il jeûnait.

3
On ne voit pas que le Christ ait jeûné plus d'une fois. Mais il est dit qu'il n'a pas été tenté qu'une fois par le démon, puisque d'après saint Luc (4, 13) : Quand le diable eut achevé toutes ses tentations, il se retira de lui pour un temps. Par conséquent comme le jeûne n'a pas précédé la seconde tentation, de même il n'a pas dû précéder la première.

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Mais c'est le contraire. L'Evangile dit (Mt 4,2) : Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits il eut faim, et alors le tentateur s'approcha de lui.


CONCLUSION. — C'est avec raison que le Christ a voulu être tenté, après avoir jeûné, pour notre exemple et notre instruction, afin de nous apprendre à être humbles, quand nous voyons quelque chose de bien en nous.

21 Il faut répondre que c'est avec raison que le Christ a voulu être tenté après avoir jeûné : 1° A cause de l'exemple; parce que, comme nous l'avons dit (art. 1 huj. quaest.), puisqu'il importe à tous de se tenir en garde contre les tentations, en jeûnant avant la tentation qui devait l'assaillir, il nous a appris que c'était par le jeûne qu'il fallait nous armer contre nos propres tentations. C'est pourquoi l’Apôtre compte le jeûne parmi les armes de la justice (2Co 6). 2° Pour nous montrer que le diable vient tenter ceux qui jeûnent aussi bien que les autres qui se livrent à de bonnes oeuvres. C'est pour cela que le Christ est tenté après son baptême, comme après son jeûne. D'où saint Chrysostome clit (Sup. Matth, hom. xiii) : Pour nous apprendre combien le jeûne est salutaire et de quel secours il est contre le démon et pour nous faire voir qu'après le baptême il ne faut pas s'abandonner au plaisir, mais s'exercer au jeûne; le Christa jeûné, sans avoir besoin de le faire, mais pour notre instruction. 3° Parce qu'après le jeûne il a ressenti la faim, ce qui a donné au démon l'audace de l'attaquer, comme nous l'avons dit (art. i huj. quaest.). Toutefois quand il eut faim, comme le dit saint Hilaire (Sup. Matth, can. iii ), ce ne fut pas par indigence ou par besoin, mais il abandonna l'homme à sa nature, parce que le diable ne devait pas être vaincu par Dieu, mais par la chair que le Verbe a prise. C'est pour cela, ajoute saint Chrysostome (ut sup.), qu'il ne jeûna pas plus longtemps que Moïse et Elie, dans la crainte qu'on ne cessât de croire que sa chair était véritable.

31 Il faut répondre au premier argument, qu'il n'a pas été convenable que la vie du Christ fût austère, pour qu'il se montrât comme ceux auxquels il a prêché. Mais personne ne doit se charger de l'office de la prédication, s'il n'est d'abord pur et d'une vertu parfaite. C'est ainsi qu'il est dit du Christ (Ac 1,4) : Qu'il commença à agir et à enseigner. C'est pourquoi, immédiatement après son baptême, le Christ prit un genre de vie austère, pour nous apprendre que c'est après avoir dompté leur chair, que les autres doivent se livrer à l'office de la prédication, d'après ces paroles de saint Paul (1Co 9,27) : Je châtie mon corps et je le réduis en servitude, de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé.

32 Il faut répondre au second, que ce passage de l'Evangile saint Mare peut signifier que le Seigneur a été dans le désert quarante jours et quarante nuits, pendant lesquels il a jeûné. Ces paroles : Il a été tenté par Satan, ne doivent pas s'entendre des quarante jours et des quarante nuits pendant lesquels il a jeûné; mais du temps qui a suivi, puisque saint Matthieu dit : qu'après avoir jeûné pendant quarante jours et quarante nuits, il eut faim; et c'est de là que le tentateur a pris occasion de s'approcher de lui. Ce qu'il ajoute, en disant (pie les anges le servaient, doit s'entendre du temps qui s'est écoulé après la tentation. C'est ce que prouve saint Matthieu , qui dit (4, 41 ) : Alors le démon le laissa, c'est-à-dire après la tentation , et voici que les anges s'approchèrent et le servirent. Quant à ce que saint Mare intercale, en disant (cap. i, 43), il était avec les bêtes, saint Chrysostome pense (Hom. xiii in ) qu'il a eu pour but de montrer par là quel était ce désert, en faisant voir qu'il était inaccessible aux hommes et rem- pli de bêtes. —Cependant, d'après l'explication de Bède (cap. 5 in Mare.), le Seigneur a été tenté quarante jours et quarante nuits. Mais ceci ne doit pas s'entendre des tentations visibles que rapportent saint Matthieu et saint Luc, qui ont eu lieu évidemment après le jeûne, mais de certaines autres attaques que le Christ a souffertes de la part du démon pendant qu'il jeûnait (4).

33
Il faut répondre au troisième, que, comme le dit saint Ambroise (Sup. Luc. cap. 4, super illud : Et consummata, etc.), le démon s'est éloigné du Christ jusqu'à un temps, parce qu'il n'est plus venu ensuite pour le tenter, mais pour le combattre ouvertement, c'est-à-dire au temps de sa passion (2). Cependant par ces combats il semblait tenter le Christ par rapport à la tristesse et à la haine du prochain, comme dans le désert il le tenta du côté de la gourmandise et du mépris de Dieu par l'idolâtrie.



ARTICLE IV. — l'ordre et le mode de la tentation du christ ont-ils été convenables ?

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1 Il semble que le mode et l'ordre de la tentation n'aient pas été convenables. Car la tentation du démon porte au péché. Or, si le Christ était venu en aide à ceux qui ont faim en changeant les pierres en pain, il n'aurait pas péché ; comme il n'a pas péché en multipliant les pains; ce qui n'en a pas moins été un miracle qu'il a fait pour secourir la foule qui avait besoin. U semble donc qu'il n'y ait point eu là de tentation.

2
Celui qui veut persuader une chose joue mal son rôle, s'il persuade le contraire de ce qu'il s'est proposé. Or, le démon, en élevant le Christ au-dessus du pinade du temple, se proposait de le tenter du côté de l'orgueil et de la vaine gloire. C'est donc à tort qu'il lui a conseillé de se jeter en bas, ce qui est contraire à l'orgueil, ou à la vaine gloire qui cherche toujours à monter.

3
Il est convenable qu'une tentation ne se rapporte qu'à un seul péché. Or, dans la tentation qui a eu lieu sur la montagne, le démon a conseillé deux péchés, la cupidité et l'idolâtrie. Le mode de "Cette tentation ne paraît donc pas avoir été convenable.

4
Les tentations ont les péctés pour but. Or, il y a sept vices capitaux, comme nous l'avons vu (1* 2", quest. lxxxiv, art. 4). La tentation ne s'est rapportée qu'à trois, la gourmandise, la vaine gloire et la cupidité. Le mode de la tentation ne paraît donc pas avoir été suffisant.

5
Après avoir vaincu tous les vices, il reste à l'homme la tentation de l'orgueil ou de la vaine gloire; parce que l'orgueil tend un piège aux bonnes oeuvres pour les faire périr, selon l'expression de saint Augustin (Ep. ccxi). C'est donc à tort que saint Matthieu met en dernier lieu la tentation de la cupidité sur la montagne, et qu'il met au milieu la tentation de vaine gloire dans le temple, surtout puisque saint Luc suit un ordre contraire.

6
Saint Jérôme dit ( Sup. Matth, sup. illud cap. 4 : Non in solo pane), que le but du Christ a été de vaincre le démon par l'humilité et non par la puissance. Il n'aurait donc pas dû le repousser impérieusement en lui disant avec réprimande : Retire-toi en arrière, Satan.

(t) Cajétan fait observer avec raison que oc sentiment du vénérable Bède n'est pas à négliger, parce qu'indépendamment des tentations visibles dont parlent les évangélistes le Christ a pu être souvent tenté sous des formes différentes.
(2) Ce fut dans ce moment que les efforts du démon durent être les plus grands, parce que, comme le dit Bossuet, c'est aux approches de la mort qu'on est le plus tenté : c'est Io temps de la décision, c'est le temps de la faiblesse.

7
Le récit de l'Evangile parait renfermer une chose fausse, car il ne paraît pas possible que le Christ ait pu se tenir sur le sommet du temple sans être vu par d'autres; et il n'y a pas de montagne assez haute, pour qu'on puisse voir de là l'univers entier, et pour qu'il ait été possible de faire voir au Christ tous les royaumes du monde. La tentation du Christ n'a donc pas été convenablement décrite.

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Mais c'est le contraire. Le témoignage de l'Ecriture est irréfragable (Mt 4 et Lc 4).


CONCLUSION. — La triple tentation du Seigneur dans le désert a été exposée par les évangélistes dans un ordre convenable.

21 Il faut répondre que la tentation qui vient du démon se fait par manière de suggestion, comme le dit saint Grégoire [Hom. xvi in Evang.,. On ne peut pas suggérer quelque chose à tout le monde de la même manière; mais on suggère à chaque individu quelque chose, d'après ce qui se rapporte à ses affections. C'est pourquoi le diable ne tente pas immédiatement l'homme spirituel au sujet de péchés graves, mais peu à peu il commence par les plus légers, pour le conduire ensuite aux plus graves. D'où saint Grégoire (.Mor. lib. xxxi, cap. d 7), expliquant ce passage (Jb 39) : Il sent de loin le combat, V exhortation des chefs et le cri de l'armée, dit : C'est avec raison qu'on dit que les chefs exhortent et que l'armée crie; parce que les premiers vices s'insinuent dans l’âme abusée sous une apparence de raison:, mais les fautes innombrables qui suivent, quand ils l'ont pervertie, se précipitent sur elle avec une sorte de clameur bestiale. — C'est aussi ce que le diable a observé dans la tentation du premier homme. En effet, il l'a d'abord excité à manger du fruit défendu, en disant (Gn 3,1) : Pourquoi Dieu vous a-t-il ordonné de ne pas manger des fruits de tous les arbres du paradis? En second lieu, il l'a tenté du côté de la vaine gloire, quand il a dit : Vos yeux seront ouverts. Enfin, en dernier lieu, il l'a tenté du côté de l'orgueil, quand il lui a dit : Fous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal. — Il a conservé cet ordre dans la tentation du Christ; car il l'a tenté : 1° à l'égard de ce que les hommes désirent, quelque spirituels qu'ils soient, c'est-à-dire au sujet de la nourriture qui soutient le corps naturellement. 2° Il est arrivé à ce qui est quelquefois une occasion de chuter pour les hommes spirituels, c'est-à-dire à ce qui fait qu'ils agissent quelquefois par ostentation, ce qui appartient à la vaine gloire. 3° Il a poussé la tentation à ce qui n'appartient déjà plus aux hommes spirituels, mais aux hommes charnels, et qui consiste à rechercher les richesses et la gloire du monde jusqu'au mépris de Dieu. C'est pourquoi, dans les deux premières tentations, il a dit : Si vous êtes le Fils de Dieu, tandis qu'il ne s'est pas servi de cette expression dans la troisième, qui ne peut convenir, comme les deux autres, aux hommes spirituels qui sont les enfants de Dieu par adoption. — Le Christ a résisté à ces tentations par les témoignages de la loi, et non par la puissance de sa vertu; afin d'honorer par-là l'homme davantage et de punir davantage son adversaire, en faisant vaincre l'ennemi du genre humain, non par Dieu, mais par l'homme (1), selon la pensée du pape saint Léon (Serm. i Quadrag. cap. 3).

31 Il faut répondre au premier argument, que faire usage de ce qui est nécessaire pour vivre, ce n'est pas un péché de gourmandise ; mais il appartient à ce vice que l'homme fasse quelque chose de déréglé, d'après le désir qu'il a d'avoir sa subsistance. Or, c'est une chose déréglée que de vouloir se procurer sa nourriture par un miracle, dès qu'on peut avoir recours à moyens humains pour l'entretien de son corps. C'est pourquoi le Seigneur a donné miraculeusement aux Israélites la manne dans le désert où on ne pouvait autrement se procurer de quoi vivre, et le Christ a également nourri par miracle la multitude dans un désert où l'on ne pouvait la nourrir autrement. Mais il pouvait satisfaire sa faim autrement que par un miracle, comme on voit que l'a fait Jean Baptiste (Mt 3,4), ou bien en allant dans les lieux les plus voisins. C'est pourquoi le diable pensait que le Christ pécherait si, étant un homme (1) comme les autres, il cherchait à faire des miracles pour apaiser sa faim.

(I) Voyez sur l'ordre et la nature de ces tentations les Elévations de Bossuet, 25e semaine, élevât. 5 et 4.

32 Il faut répondre au second, qu'on cherche souvent dans l'humiliation extérieure la gloire dont on s'enorgueillit au sujet des biens spirituels. D'où saint Augustin dit [De serm. Dom. in mont. lib. ii, cap. d 9) : Il est à remarquer que l'orgueil ne se rencontre pas seulement dans l'éclat et la pompe des choses corporelles, mais qu'il peut se cacher sous l'extérieur le plus négligé. C'est pour cela que le démon a conseillé au Christ de se jeter corporellement en bas pour rechercher la gloire spirituelle.

33
Il faut répondre au troisième, que c'est un péché de rechercher les richesses et les honneurs de ce monde, quand on le fait dérèglement. C'est ce qui le manifeste principalement, quand pour acquérir ces biens on fait quelque chose qui n'est pas honnête. C'est pourquoi le diable ne s'est pas contenté de conseiller le désir des richesses et des honneurs-, mais il a porté le Christ à l'adorer pour les obtenir, ce qui est le plus grand crime et ce qui est contre Dieu Non-seulement il a dit : Si vous m'adorez, mais il a ajouté : Sivous vous prosternez, parce que, comme le dit saint Ambroise (sup. illud Lc 4, Duxit illum), l'ambition a un danger de servilité-, car pour dominer les autres on sert d'abord soi-même, et on se montre obséquieux pour obtenir des honneurs; et quand on s'abaisse davantage, c'est alors qu'on veut être plus élevé. De même, dans les tentations précédentes, le démon s'est efforcé d'amener le Christ du désir d'un péché dans un autre. C'est ainsi que du désir de la nourriture il s'est efforcé de le faire tomber dans la vaine gloire en l'engageant à faire des miracles sans motif, et du désir de la vaine gloire il s'est efforcé de L’amener à tente? Dieu en se précipitant du haut du temple.

34 Il faut répondre au quatrième, que, selon la remarque de saint Ambroise (Sup. Luc. cap. 4, in illud : Et consummata omni, etc.), l'Ecriture n'aurait pas dit qu'après avoir achevé toutes ses tentations, le diable s'était éloigné de lui, si les trois tentations précédentes n'embrassaient la matière de tous les péchés; parce que les causes de ces tentations sont les causes de toutes les convoitises, c'est-à-dire les jouissances de la chair, l'espérance de la gloire, et l'avidité de la puissance (2).

34
Il faut répondre au cinquième, que, comme le dit saint Augustin (De cons. Evangel. lib. ii, cap. 16) : On ne sait pas quel a été le premier de ces faits. Lui a-t-on montré d'abord les royaumes de la terre et l'a-t-on élevé ensuite sur le faîte du temple, ou bien est-ce ce dernier fait qui s'est passé le premier (3)? Peu importe, du reste, pourvu qu'il soit manifeste que tous ces faits se sont passés. Quant aux évangélistes ils paraissent avoir suivi un ordre différent : parce que quelquefois on va de la vaine gloire à la cupidité et que d'autres fois c'est le contraire.

(t) Car si l'on considère le Christ comme le Seigneur de toutes choses, il est évident qu'il n'aurait pas péché en changeant les pierres en pain, puisqu'il peut usit de sa puissance infinie comme bon lui semble.
(2) C'est ce qu'exprime saint Jean par ces paroles (I. Ep. cap. II, 16) : Omne quod est in mundo concupiscentia carnis est, et concupiscentia oculorum, et superbia vitae.
(5) Cajétan pense qu'il n'y a pas d'incertitude à cet égard, parce que, d'après le texte, on voit quo saint Matthieu suit l'ordre des temps, puisqu'il dit: Iterum assumpsit... tunc assumpsit... iterum, tandis que saint Luc n'emploie pas cette manière de dire.

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Il faut répondre au sixième, que, quand il a souffert l'injure de la tentation, et lorsque le diable lui a dit : Si vous êtes le Fils de Dieu jetez-vous en bas, le Christ ne fut point troublé et il ne gourmanda pas le tentateur. Mais quand le diable eut revendiqué pour lui les honneurs divins en disant : Je vous donnerai toutes ces choses, si vous vous prosternez pour l'adorer, il s'irrita et le repoussa en disant : Retirez-vous, Satan; pour nous apprendre par son exemple à supporter les injures qui nous regardent personnellement avec une grande égalité d'âme, mais à ne pas même vouloir entendre les injures faites à Dieu.

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Il faut répondre au septième, que, comme le dit saint Chrysostome (alius auctor, hom. v, in op. imper f.), le diable élevait le Christ sur le sommet du temple pour le faire voir à tout le monde; mais lui, sans que le diable le sût, faisait qu'il n'était vu de personne. Quant à ces paroles : Il lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, elles ne signifient pas qu'il vit les royaumes eux-mêmes, leurs cités, leurs habitants, l'or ou l'argent qu'ils renferment ; mais le diable montrait du doigt au Christ les parties de la terre dans lesquelles chaque royaume ou chaque cité se trouve, et il le fi décrivait par ses discours la gloire et l'état de chacun de ces empires. réu bien, d'après Origène (Hom. xxx in ), il lui montra comment il régnait lui-même dans le monde par divers vices.   \ ''





QUESTION 42: DE LA DOCTRINE DU CHRIST.

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Nous avons maintenant à nous occuper de l'enseignement du Christ. — A ce sujet il y a quatre questions à examiner : 1° Le Christ n'a-t-il dû prêcher qu'aux Juifs ou s'il a dû encore prêcher aux gentils? — 2" A-t-il dû éviter d'offenser les Juifs dans sa prédication? — 3° A-t-il dû prêcher publiquement ou en secret? — 4° A-t-il dû enseigner seulement par parole ou par écrit? — Nous avons parlé (quest. xxxix, art. 3) du temps où il a commencé à prêcher, quand il s'est «gi de son baptême.



ARTICLE I. — a-t-il ÉTÉ CONVENABLE QUE LE christ prêchât aux juifs et NON aux GENTILS (I)?

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1 Il semble que le Christ ait dû prêcher non-seulement aux Juifs, mais encore aux gentils. Car le prophète dit (Is. xlix, G) : C'est parce que vous me serviez pour rétablir les tribus d'Israël et réparer les ruines de Jacob, que je vous ai établis pour être la lumière des nations et le salut que j'envoie jusqu'aux extrémités de la terre. Or, le Christ a éclairé et sauvé les hommes par sa doctrine. Il semble donc que c'eût été bien peu, s'il ne l'eût précisée qu'aux Juifs et non aux gentils.

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L'Evangile dit (Mt 7,29) : Il les enseignait comme ayant puissance. Or, la puissance de la doctrine se montre surtout dans l'instruction de ceux qui ne savaient absolument rien, comme les gentils. D'où l’apôtre dit (Rm 15,20) : J'ai eu soin de prêcher l'Evangile là où le Christ n'avait point encore été annoncé, pour ne pas bâtir sur le fondement d'autrui. Par conséquent, le Christ eût dû prêcher beaucoup plus aux gentils qu'aux Juifs.

(1) Les prophètes disent dans une foule d'endroits que l'Evangile devait être annoncé d'abord nux Juifs et ensuite aui gentils. C'est pourquoi Paul et Barnabé dirent nus Juifs [Act. 13, itV : I obis oportebat primum loqui verbum Dei;

sed quoniam repellitis illud, et indignos vos judicatis oelernoe vitae, ecce convertimur ad Gentes. Sic enim praecepit nobis Dominus : Posui le in lucem gentibus, ut sis in salutem usque ad extremum terrae.

3 L'instruction d'un grand nombre est plus utile que celle d'un seul, par, le Christ a instruit quelques gentils, comme la Samaritaine (Jn 4) et la Cananéenne (Mt 15). Il semble donc que le Christ eût dû plutôt prêcher à la multitude des nations.

20 Mais c'est le contraire. Le Seigneur dit (Mt 15,24) : Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de la maison d'Israël qui sont perdues. Or, l’apôtre écrie(Rm 10,15) : Comment prêcheront-ils s'ils ne sont envoyés? Le Christ n'a donc dû prêcher qu'aux Juifs.


CONCLUSION. — Il a été convenable que le Christ ne prêchât d'abord le salut qu'aux Juifs, soit par les apôtres, soit par lui-même, afin de montrer que les promesses faites autrefois aux Juifs avaient été accomplies par son avènement.

21 Il faut répondre qu'il a été convenable que le Christ ne prêchât d'abord qu'aux Juifs par lui-même et par ses apôtres. 1° Pour montrer que son avènement était l'accomplissement des promesses faites autrefois aux Juifs et non aux gentils. C'est ce qui fait dire à saint Paul (Rm 15,8) : Je déclare y que Jésus-Christ a exercé son ministère à l'égard du peuple circoncis, c'est-  à-dire qu'il a été l’apôtre et le prédicateur des Juifs, pour montrer que Dieu est vrai et accomplir les promesses faites à nos pères. 2° Pour faire voir que son avènement vient de Dieu. Car ce qui vient de Dieu est ordonné, comme le dit encore saint Paul (Rm 13,1). Or, l'ordre légitime exigeait que la v doctrine du Christ fût d'abord proposée aux Juifs, qui étaient les plus rapprochés de Dieu par la foi et le culte de l'unité de Dieu, et qu'elle fût transmise par eux aux gentils ; comme dans la hiérarchie céleste la lumière divine est transmise par les anges supérieurs aux inférieurs. C'est-pourquoi à l'occasion de ces paroles de l'Evangile (Mt 15) : Je n'ai été envoyé qu'aux brebis d'Israël qui périssaient, saint Jérôme observe que par là il ne dit pas qu'il n'a pas été envoyé aux nations, mais qu'il a été d'abord envoyé vers Israël. D'où le prophète dit (Is 66 Is 19) : J'enverrai aux nations ceux des Juifs qui auront été sauvés, et ils leur annonceront ma gloire. 3° Pour enlever aux Juifs l'occasion de le calomnier. C'est pourquoi sur ces paroles de l'Evangile (Mt 10) : In viam geiZium ne abieritis, saint Jérôme dit : U fallait d'abord que l'arrivée du Christ fût annoncée aux Juifs, pour qu'ils ne puissent pas légitimement s'excuser en disant, qu'ils ont repoussé le Seigneur, parce qu'il a envoyé ses apôtres aux gentils et aux Samaritains. 4° Parce que le Christ a mérité par la victoire de la croix la puissance et l'empire sur les nations. D'où il dit lui-même (Ap 2,26) : Celui qui aura vaincu, je lui donnerai la puissance sur les nations       comme je l'ai reçue de mo7i Père. Et

saint Paul dit de lui (Phil, ii, 8) que parce qu'il s'est rendu obéissant jusqu'à la mort de la croix Dieu l'a élevé, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse et que toute langue le bénisse. C'est pourquoi il n'a pas voulu que sa doctrine fût prêchée aux nations avant sa passion, mais après il a dit à ses disciples (Mt 28 Mt 16) : Allez, enseignez toutes les nations. C'est pour ce motif qu'à la veille de sa passion, des gentils ayant voulu le voir il leur dit (Jn 12,24) : Si le grain de froment ne meurt après qu'on l'a jeté en terre, il demeure seul ; mais quand il est mort, il porte beaucoup de fruit, et, selon la pensée de saint Augustin (Tract, li in ), il se disait le grain que l'infidélité des Juifs devait faire périr et que la foi de tous les peuples devait multiplier.

31 Il faut répondre au premier argument, (pie le Christ a été la lumière et le salut des nations par ses disciples qu'il a envoyés pour prêcher à tous les peuples.

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Il faut répondre au second, qu'il ne faut pas moins de puissance, mais qu'il en faut même davantage pour faire une chose par les autres que par soi- même (1). C'est pourquoi la puissance divine s'est surtout montrée dans le Christ en ce qu'il a donné à ses disciples une doctrine si puissante qu'ils ont converti à lui des nations qui n'avaient jamais entendu son nom. Quant à la puissance du Christ lui-même elle se considère par rapport aux miracles par lesquels il confirmait sa doctrine, par rapport à son efficacité persuasive, par rapport à l'autorité de sa parole, parée qu'il parlait comme ayant une puissance supérieure à la loi, quand il disait : Et moi je vous dis, enfin par rapport à la droiture de sa vertu qu'il manifestait dans sa conduite, en vivant sans péché.

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Il faut répondre au troisième, que comme le Christ n'a pas dû dès le commencement instruire indifféremment tous les gentils de sa doctrine, mais qu'il a dû d'abord faire connaître sa doctrine aux Juifs qui étaient, pour ainsi dire, le premier-né d'entre les peuples; de même il n'a pas dû repousser absolument les gentils, de peur que l'espérance du salut ne leur fût enlevée. C'est pour ce motif qu'il a reçu en particulier quelques gentils à cause de l'excellence de leur foi et de leur dévotion.




III Pars (Drioux 1852) 820