III Pars (Drioux 1852) 1424

ARTICLE iv. — est-il de l'office du prêtre de catéchiser et d'exorciser CELUI QUI DOIT ÊTRE BAPTISÉ?

1424
1 Il semble qu'il n'appartienne pas au prêtre de catéchiser et d'exorciser celui qui doit être baptisé. Car il appartient à l'office des ministres d'opérer sur ceux qui sont immondes, comme le dit saint Denis (De coelest. hier. cap. 5). Or, les catéchumènes que l'on instruit dans le catéchisme et les énergumènes que l'on purifie dans l'exorcisme sont comptés au nombre des esprits immondes, comme le dit le même Père (ibid. cap. 3). Il n'appartient donc pas à l'office du prêtre*.mais plutôt à celui des ministres de catéchiser et d'exorciser.

2
Les catéchumènes sont instruits de la foi par l'Ecriture sainte que les ministres lisent dans l'église. Car, comme les lecteurs lisent dans l'église l'Ancien Testament, de même aussi les diacres et les sous-diacres lisent le Nouveau ; et par conséquent il appartient aux ministres de catéchiser. De même il semble qu'il leur appartienne aussi d'exorciser. Car saint Isidore dit (in quad. epist, ad Lavdefred. quae hab. post conc. Tolet. viii) : Il  appartient à l'exorciste de retenir dans sa mémoire les exorcismes et d'imposer les mains sur les énergumènes et les catéchumènes en les exorcisant. Il n'appartient donc pas à l'office du prêtre de catéchiser et d'exorciser.

3
Catéchiser est la même chose qu'enseigner, et enseigner est la même chose que perfectionner; ce qui appartient à l'office des évêques, comme le dit saint Denis (De ecdes. hier, cap, 5). Cette fonction n'appartient donc pas à l'office du prêtre.

20
Mais c'est le contraire. Le pape Nicolas 1er dit (hab. inter ejus Decret. tit. xvi, et cap. 57 De consecrat, dist. iv) : Les prêtres de chaque église peuvent faire le catéchisme à ceux qui doivent être baptisés. D'où saint Grégoire dit (Sup. Evang. hom. xxix) ; Quand los prêtres par la grâce de l'exorcisme imposent les mains à ceux qui croient, que font-ils autre chose que de chasser les démons ?



CONCLUSION. — Le devoir du prêtre est d'instruire dans la foi ceux qui doivent être baptisés.

21
Il faut répondre que le ministre est au prêtre, ce qu'un agent secondaire et instrumental est à l'agent principal, comme le mot de ministre l'indique. Or, un agent secondaire n'agit pas sans l'agent principal, mais il coopère avec cet agent dans ses opérations. Or, plus l'opération est élevée et plus l'agent principal a besoin d'instruments ou de ministres excellents. Et, comme l'opération du prêtre qui confère le sacrement l'emporte sur celle qui a pour objet ses préparatifs, il s'ensuit que ce sont les ministres supérieurs, auxquels on donne le nom de diacres, qui coopèrent avec le prêtre dans la collation des sacrements. Car saint Isidore dit (loc. cit. in arg. 2) qu'il appartient au diacre d'assister les prêtres et de les servir pour tout ce que Ton fait dans les sacrements du Christ, par exemple, pour le baptême, le saint chrême, la patène et le calice. Mais ce sont les ministres inférieurs qui coopèrent avec les prêtres pour les choses qui sont une préparation au sacrement : ainsi les lecteurs l'aident pour le catéchisme, et les exorcistes pour l'exorcisme.

31
Il faut répondre au premier argument, que les ministres opèrent sur ceux qui sont immondes d'une manière secondaire et pour ainsi dire instrumentale, au lieu que l'opération du prêtre est principale.

32
Il faut répondre au second, que les lecteurs et les exorcistes ont l'office de catéchiser et d'exorciser, non d'une manière principale, mais comme étant dans ce cas les auxiliaires du prêtre.

33
Il faut répondre au troisième, qu'il y a plusieurs sortes d'instruction. L'une a pour but de convertir à la foi, c'est celle que saint Denis attribue à l'évêque (De ecdes. hier. cap. 2), et elle peut convenir à tout prédicateur ou même à tout fidèle. Il y en a une autre par laquelle on enseigne les éléments de la foi et la manière dont on doit se conduire en recevant les sacrements. Celle-ci appartient secondairement aux ministres et principalement aux prêtres. Une troisième espèce d'instruction a pour objet la conduite que l'on doit tenir pour vivre chrétiennement; elle appartient aux parrains. Enfin il y a un quatrième genre d'instruction qui porte sur les mystères profonds de la foi et sur la perfection do la vie chrétienne. Elle appartient de droit aux évêques.






QUESTION 72: DU SACREMENT DE CONFIRMATION.

1440
Après avoir parlé du baptême, nous devons nous occuper de la confirmation. — A ce sujet douze questions se présentent : 1" La confirmation est-elle un sacrement ? — T De sa matière. — 3° Est-il nécessaire pour ce sacrement que le chrême ait été auparavant consacré par l'évêque ? —4° De sa forme. — 5° Imprime-t-il caractère?— c°Le caractère de la confirmation présuppose-t-il le caractère baptismal? — 7" Confère-t-il la grâce? — 8° A qui convient-il de recevoir ce sacrement ? — 9° En quelle partie ? — 10° Faut-il quelqu'un qui réponde pour celui qui doit être confirmé? — Il° N'y a-t-il que les évêques qui confèrent ce sacrement ? — 12° De son rite.



ARTICLE I. — la confirmation est-elle un sacrement (1)?

1441
1 Il semble que la confirmation ne soit pas un sacrement. Car les sacrements tirent leur efficacité de l'institution divine, comme nous l'avons dit (quest. lxiv, art. 2). Or, on ne voit pas que le Christ ait institué la confirmation. Elle n'est donc pas un sacrement.

2
Les sacrements de la loi nouvelle ont été figurés à l'avance dans la loi ancienne. Car saint Paul dit (1Co 10,2) : que s'unissant à Moïse, ils ont tous été baptisés dans la nuée et dans la mer, qu'ils ont tous mangé d'une même viande spirituelle et qu'ils ont tous bu le même breuvage spirituel. Or, la confirmation n'a point été figurée à l'avance dans l'Ancien Testament. Elle n'est donc pas un sacrement.

3 Les sacrements ont pour but le salut des hommes. Or, on peut être sauvé sans la confirmation. Car les enfants qui sont baptisés et qui meurent sans être confirmés sont sauvés. Elle n'est donc pas un sacrement.

4
Par tous les sacrements de l'Eglise l'homme est rendu semblable au Christ qui en est l'auteur. Or, on ne voit pas que la confirmation nous rende semblable à lui, puisqu'il n'est pas dit qu'il ait été lui-même confirmé. La confirmation n'est donc pas un sacrement.

20
Mais c'est le contraire. Le pape Melehiade écrit aux évêques d'Espagne (hab. De consecrat, cap. 3, dist. b) : A l'égard de ce que vous demandez, si le sacrement de la confirmation est plus grand que le baptême, sachez qu'ils sont l'un et l'autre de grands sacrements.

(1) Il est de foi que la confirmation est un véritable sacrement. Le concile de Trente a ainsi anatbématisé les novateurs du xvi* siède qui prétendaient le contraire : Si quis dixerit confirmationem baptizatorum otiosam coeremo- niam esse et non potius verum et proprium sacramentum, aut nihil aliud fuisse quam catechesim quamdam qudadolesccntia proximi,, fidei suae rationem exponebant ; anathema sit.


CONCLUSION. — Indépendamment du baptême il y a la confirmation qui est un sacrement spécial par lequel l'homme reçoit la vie spirituelle dans toute sa perfection et dans toute sa force.

21
Il faut répondre que les sacrements de la loi nouvelle ont pour but des effets particuliers de la grâce. C'est pourquoi partout où il se présente un effet spécial de la grâce, il faut un sacrement particulier qui ait pour but de la produire. Et comme les choses sensibles et corporelles portent sur elles une image des choses spirituelles et intelligibles, nous pouvons d'après ce qui se passe dans la vie corporelle nous faire une idée des choses particulières qui se rencontrent dans la vie spirituelle de la grâce. Or, il est évident que dans la vie corporelle il y a une perfection spéciale qui fait arriver l'homme à l'âge parfait et qui lui permet de faire les actions d'un homme mûr. C'est ce qui fait dire à l'Apôtre (1Co 13,11) : Quand je suis devenu homme, je me suis défait de ce qui appartenait à V enfance. D'où il suit qu'indépendamment du mouvement de la génération par lequel on reçoit la vie corporelle, il y a un mouvement d'accroissement par lequel on est amené à l'âge viril. Ainsi donc l'homme reçoit la vie spirituelle par le baptême qui est la régénération spirituelle; au lieu que dans la confirmation il reçoit en quelque sorte l'âge parfait relativement à la vie spirituelle. D'où le pape Melehiade dit (loc. cit.) : L'Esprit Saint qui est descendu sur les eaux du baptême par un mouvement salutaire, leur a accordé dans toute sa plénitude la vertu de nous purifier, au lieu que dans la confirmation il nous accorde l'accroissement de la grâce. Ainsi dans le baptême nous sommes régénérés pour vivre, et après le baptême nous sommes confirmés pour combattre ; dans le baptême nous sommes lavés et après le baptême nous sommes fortifiés (1). La confirmation est donc évidemment un sacrement spécial.

31 Il faut répondre au premier argument, que sur l'institution de ce sacrement il y a deux opinions. Les uns ont dit qu'il n'avait été institué ni par le Christ, ni par les apôtres; mais qu'il l'avait été longtemps après dans un concile (2). Les autres ont pensé qu'il avait été institué par les apôtres. Mais il ne peut en être ainsi, parce que, quand il s'agit d'instituer un nouveau sacrement ceci appartient à la puissance d'excellence qui ne convient qu'au Christ. C'est pourquoi il faut dire que le Christ a établi ce sacrement (3) non pas en donnant l'Esprit-Saint, mais en le promettant (4), d'après ces paroles (Jn 16,7) : Si je ne m'en vais le Paradet ne viendra pas à vous, mais si je m'en vais je vous l'enverrai. Et il en est ainsi parce que dans ce sacrement on confère la plénitude de l'Esprit-Saint qui ne devait pas être accordée avant la résurrection et l'ascension du Christ, d'après ces paroles (Jn 7,39): L'Esprit n'était pas encore donné, parce que Jésus n'était pas encore glorifié.

(f) C'est de là qu'est venu à ce sacrement le nom de Confirmation. In eo datur Spiritus sanctus ad robur, dit le pape Eugène IV, sicut datus est apostolis in die Pentecostes, ut videlicet christianus audacter Christi confiteatur nomen (Decretum ad armenos).
(2) Alexandre de Halès et saint Bonaventure ont enseigné que la confirmation avait été instituée par 1 Eglise au concile de Meaux en l'année 8 i j, quoique on ne trouve rien de semblable dans les canons de ce concile.
(3) Le concile de Trente a décidé que ce sacrement avait été institué, comme les autres sacre- Hi«nls de la nouvelle alliance, par Jésus-Christ (Voyez ce que nous avons dit à ce sujet, tom. vi, page 583, note 1 ). Mais les théologiens sont partagés sur le moment où le Christ a institué ce sacrement. Les uns disent qu'il l'a institué en imposant les mains aux petits enfants (Mt 19), les autres veulent qu'il ait été institué dans la dernière cène; d'autres croient qu'il a été institué dans l'intervalle qui s'est écoulé entre la résurrection et l'ascension.
(¦i) C'est-à-dire le Christ n'a pas administré lui-même ce sacrement, mais il n'a été promulgué que par les apôtres qui l'administraient eux- mêmes, comme on le voit(4c(. viii, -14 et seq.; xix, 6).

32 Il faut répondre au second, que la confirmation étant le sacrement de la plénitude de la grâce, il n'a pas été possible qu'il y eût quelque chose sous l'Ancien Testament qui lui répondît, parce que la loi ii a mené à rien de parfait, selon l'expression de saint Paul (He 7,19).

33 Il faut répondre au troisième, que, comme nous l'avons dit (que«t. lxv, art. 4 ad 3), tous les sacrements sont nécessaires au salut de quelque manière ; mais il y en a sans lesquels on ne peut être sauvé, et il y en a d'autres qui coopèrent à la perfection du salut. C'est de la sorte que la confirmation est nécessaire au salut, quoique sans elle on puisse être sauvé; pourvu cependant qu'on ne néglige pas de la recevoir par mépris pour ce sacrement.

34
Il faut répondre au quatrième, que ceux qui reçoivent la confirmation, qui est le sacrement de la plénitude de la grâce, ressemblent au Christ en ce que dès le premier instant de sa conception il a été plein de grâce et de vérité, comme on le voit (Jn 1). Cette plénitude a été manifestée dans le baptême, quand l'Esprit-Saint est descendu sur lui sous une forme corporelle. D'où il est dit (Lc 4,1): que Jésus étant plein du Saint-Esprit s'éloigna du Jourdain. Mais il ne convenait pas à la dignité du Christ qui est l'auteur des sacrements qu'il reçût d'un sacrement la plénitude de la grâce.




ARTICLE ii. —le chrême est-il la matière convenable de ce sacrement (1)?

1442
1 Il semble que le chrême ne soit pas la matière convenable de ce sacrement. Car ce sacrement, comme nous l'avons dit (art. préc. ad 1), a été institué par le Christ, lorsqu'il promit à ses disciples l'Esprit-Saint. Or, il le leur envoya sans les oindre du saint chrême, et les apôtres conféraient aussi ce sacrement par la seule imposition des mains sans le chrême, puisqu'il est dit (
Ac 8) que les apôtres imposaient les mains sur ceux qui étaient baptisés et qu'ils recevaient l'Esprit-Saint. Le chrême n'est donc pas la matière de ce sacrement, parce que la matière est nécessaire à un sacrement.

2 La confirmation perfectionne d'une certaine manière le sacrement de baptême, comme nous l'avons dit (quest. lxv, art. 3), et elle doit lui être conforme comme la perfection l'est à la chose perfectible. Or, dans le baptême la matière est un élément simple comme l'eau. Le chrême, qui est composé d'huile et de baume, n'est donc pas la matière convenable de ce sacrement.

3
Dans la matière de ce sacrement on emploie l'huile pour oindre. Or, on peut oindre avec toute espèce d'huile, comme celle qu'on fait avec des noix ou avec toute autre chose. On n'est donc pas obligé d'employer de l'huile d'olive pour ce sacrement.

4
Nous avons dit (quest. lxvi, art. 3) que l'on emploie l'eau comme la matière du baptême, parce qu'on la trouve partout facilement. Or, ou ne trouve pas partout de l'huile d'olive et encore moins du baume. Le chrême qui en est composé n'est donc pas la matière convenable de ce sacrement.

20
Mais c'est le contraire. Saint Grégoire dit (lib. iii, epist. 9) : Que les prêtres n'aient pas la présomption de marquer du saint chrême le front des enfants qui sont baptisés. Le chrême est donc la matière de ce sacrement.



CONCLUSION.— Puisqu'on désigne par l'huile la plénitude de l'Esprit-Saint, qui est conférée dans la confirmation pour fortifier celui qui reçoit ce sacrement, l'huile mêlée de baume pour répandre une bonne odeur est la matière qui convient à ce sacrement.

(I) Il y a des auteurs qui font consister la matière de la confirmation dans la seule imposition des mains, tels sont : Auréolus, Sambovius, Llier- minier, Sirmond. D'autres croient que l'onction seule du chrême est essentielle; Bellarmin, Mal- donat, Isambert, sont de ce sentiment. D'autres exigent ces deux rites, mais le plus grand nom bre font consister toute la matière du sacrement dans l'onction du saint chrême et l'imposition des mains qui accompagne naturellement Ponction. Saint Liguori regarde cette opinion comme très-certaine, certissima, et c'est d'ailleurs la doctrine du catéchisme du concile de Trente.

21
Il faut répondre que le chrême est la matière convenable de ce sacrement (1). Car, comme nous l'avons dit (art. préc.), ce sacrement confère la plénitude de l'Esprit-Saint pour que l'on ait la force spéciale qui convient à l'âge viril. Or, l'homme, quand il est parvenu à l'âge viril, commence à communiquer ses actions aux autres, tandis qu'auparavant chacun vit en particulier pour soi. La grâce de l'Esprit-Saint étant désignée par l'huile, il s'ensuit qu'on dit que le Christ a été oint de t'huile de la joie, à cause de la plénitude de l'Esprit-Saint qu'il a eue; c'est pour ce motif que l'huile convient à la matière de ce sacrement. On y ajoute du baume à cause de la bonne odeur qu'il répand sur les autres. D'où l'Apôtre dit (2Co 2,15): Nous sommes devant Dieu la bonne odeur du Christ. — Et quoiqu'il y ait beaucoup d'autres substances odoriférantes, cependant on emploie surtout le baume parce qu'il répand le plus d'odeur, et qu'il rend incorruptible(2). D'où il est dit ( Eccli. Si 24,21) : L'odeur que je répands est comme le baume le plus pur.

31 Il faut répondre au premier argument, que le Christ, par la puissance d'excellence qu'il a dans les sacrements, a conféré aux apôtres la chose de ce sacrement, c'est-à-dire la plénitude de l'Esprit-Saint sans le sacrement, parce qu'ils ont reçu les prémices de l'Esprit-Saint, comme le dit saint Paul (Rm 8). Cependant il leur a manifesté sensiblement quelque chose de conforme à la matière de ce sacrement, en leur conférant l'Esprit-Saint. Car si l'Esprit-Saint est descendu sur eux d'une manière sensible sous la forme du feu, c'était pour signifier la même chose que l'huile, avec cette seule différence que le feu a une force active, au lieu que l'huile a une force passive, en ce sens qu'elle est la matière du feu et son aliment. Ce qui d'ailleurs convenait assez; parce que la grâce de l'Esprit-Saint devait découler par les apôtres sur les autres. L'Esprit-Saint est aussi descendu sur les apôtres sous la forme d'une langue; ce qui a la même signification que le baume, avec cette différence que la langue communique avec les autres par la parole, au lieu que le baume le fait par l'odeur; parce que les apôtres étaient remplis de l'Esprit-Saint comme les maîtres de la foi, tandis que les autres fidèles en sont remplis pour travailler par leurs oeuvres à ce qui appartient à l'édification de l'Eglise. De même, lorsque les apôtres imposaient les mains et qu'ils prêchaient, la plénitude de l'Esprit-Saint descendait sur les fidèles sous des signes visibles, comme elle était descendue dès le commencement sur les apôtres. D'où saint VieTreàit(Jct.x\,\S):Quand j'eus commencé à leur parler, le Saint-Esprit descendit sur eux, comme il était descendu sur nous au commencement. C'est pourquoi la matière sensible du sacrement n'était pas nécessaire, du moment que Dieu faisait paraître miraculeusement des signes visibles. Cependant les apôtres faisaient communément usage du saint chrême, quand ces signes sensibles ne se produisaient pas. Car saint Denis dit (Decoelest. hier. cap. 4) qu'il y a une opération perfective que les apôtres nos chefs appellent l'hostie du saint chrême (3).

32 Il faut répondre au second, que l'on reçoit le baptême pour arriver tout

(1) C'est ce que dit le pape Eugène. IV : Secundum sacramentum est confirmatio; cujus materia est chrisma confectum ex oleo quod nitorem significat conscientia?, et balsamum quod odorem significat bona' famaet. (Décret, ad armenos).
(2)Le catéchisme du concile de Trente attache la même signification à l'huile et au baume (De confirmat, sacram, g 5).
(3) C'est sans doute pour ce motif que les Pères appellent ce sacrement le sacrement du chrême, le chrême du salut, le sceau de l'onction spirituelle. D'ailleurs les grecs ne pratiquent que l'onction, lorsqu'ils confèrent ce sacrement.

simplement à la vie spirituelle ; c'est pourquoi il est convenable que la rr.atlère de ce sacrement soit simple, au lieu que l'on confirme pour qu'on ait la plénitude de l'Esprit-Saint, dont l'opération a plusieurs formes, d'après ces paroles (
Sg 7,22) : II y a dans la sagesse un esprit d'intelligence qui est saint, unique, multiple dans ses effets; et saint Paul dit (1Co 12,4): que les grâces sont divisées, mais que l’ Esprit est le même. C'est pour ce motif qu'il est convenable que la matière de ce sacrement soit composée.

33 Il faut répondre au troisième, que les propriétés de l'huile par lesquelles on désigne l'Esprit-Saint se rencontrent plutôt dans l'huile d'olive que dans toute autre; ainsi l'olive ayant toujours les feuilles vertes signifie mieux la vigueur et la miséricorde de l'Esprit-Saint. Cette huile reçoit proprement le nom d'huile, et on en fait surtout usage partout où l'on peut s'en procurer. Tout autre liquide ne reçoit le nom d'huile que par analogie ; on n'en fait usage ordinairement que pour suppléer à l'huile d'olive dans les pays où l'on n'en a pas. C'est pourquoi c'est la seule huile qu'on emploie (1) pour la confirmation et les autres sacrements.

34
Il faut répondre au quatrième, que le baptême est un sacrement d'une nécessité absolue ; c'est pour cela qu'on doit en trouver la matière partout. Mais quand il s'agit delà matière d'un sacrement qui n'est pas absolument nécessaire, il suffît qu'on puisse facilement la transporter dans tous les lieux du monde.



ARTICLE III. — est-il nécessaire pour le sacrement de confirmation que le chrême ait été auparavant consacré par l'évêque (2)?

1443
1 Il semble qu'il ne soit pas nécessaire à ce sacrement que le chrême qui en est la matière, ait été auparavant consacré par l'évêque. Car le baptême qui remet pleinement les péchés n'est pas moins efficace que ce sacrement. Or, quoique l'eau baptismale soit sanctifiée avant le baptême, cependant elle n'est pas nécessaire au sacrement, puisqu'on peut s'en passer à l'ARTICLE de la mort. Il n'est donc pas nécessaire non plus pour la confirmation que le chrême ait été auparavant consacré par l'évêque.

2
La même chose ne doit pas être consacrée deux fois. Or, la matière du sacrement est sanctifiée dans la collation même du sacrement par la forme des paroles au moyen de laquelle on le confère. D'où saint Augustin dit (Tract, lxxx in ) : La parole s'adjoint à l'élément et le sacrement est produit. Le chrême ne doit donc pas être consacré avant que le sacrement soit administré.

3
Toute consécration qui est produite dans les sacrements a pour but de conférer la grâce. Or, la matière sensible faite d'huile et de baume n'est pas capable de recevoir la grâce. Elle ne doit donc pas être consacrée.

20
Mais c'est le contraire. Le pape Innocent dit (hab. De consecrat, cap. 119, dist. 4, De presbyteris) : Que les prêtres quand ils baptisent oignent ceux qui reçoivent ce sacrement du chrême que l'évêque a consacré, mais qu'ils ne les marquent pas au front avec cette huile; ce qui est réservé aux évêques, quand ils donnent l'Esprit-Saint; ce qui a lieu en effet dans la confirmation. Le chrême consacré par l'évêque est donc nécessaire pour ce sacrement.

(1) L'huile est nécessaire à la validité du sacrement, mais il ne faut que de l'huile d'olive. Le baume est probablement nécessaire aussi ; c'est du moins le sentiment le plus commun, mais il importe peu de quelle contrée il vienne.Cajétan, Soto, Estius, Juenin, Witasse, Tournély.ne le croient pas nécessaire d'une nécessité absolue.

(2) II est certain qu'il est nécessaire de nécessité de précepte que le chrême soit béni et qu'il le soit par l'évêque. Car les l'ères, le sacrement a le de saint Grégoire, les rituels des grecs et des latins, et le concile de Florence, l'exigent positivement; il est aussi très-probable qu'il doit être béni pour la validité du sacrement, quoique les scotistes soient d'un avis différent et que quelques autres théologiens pensent de même.


CONCLUSION. — Puisque le Christ ne s'est point du tout servi d'onctions visibles, le chrême aussi bien que l'huile sainte des infirmes doivent être bénis avant de les employer pour un sacrement.

21
Il faut répondre que toute la sanctification des sacrements découle du Christ, comme nous l'avons dit (quest. lxiv, art. 3). Or, il est à remarquer que le Christ a fait usage lui-même des sacrements qui ont une matière corporelle, comme le baptême et l'eucharistie. C'est pourquoi par là même que le Christ a fait usage de la matière de ces sacrements, il l'a rendue apte à être employée sacramentellement. C'est ce qui fait dire à saint Chrysostome (loc. cit.sup.) que jamais les eaux du baptême ne pourraient purifier les péchés des fidèles, si elles n'avaient été sanctifiées par le contact du corps du Seigneur. De même le Seigneur prit le pain et le bénit; et il en fit autant pour le calice, comme on le voit (Mt 26 et Lc 22). C'est pour ce motif qu'il n'est pas nécessaire pour ces sacrements que leur matière soit auparavant bénite, parce que la bénédiction du Christ suffit. Ou bien si on les bénit, on le fait pour la solennité du sacrement, et non par nécessité. — Quant aux onctions visibles le Christ n'en a pas fait usage, pour ne pas porter injure à l'onction invisible dont il a été oint d'une manière plus excellente que ceux qui lui ont été associés (Ps 44,8). C'est pour cela qu'on bénit le chrême et l'huile sainte des infirmes, avant de les employer pour un sacrement.

31 La réponse au premier argument est évidente d'après ce que nous avons dit (in corp. art.).

32
Il faut répondre au second, que la double consécration du chrême ne se rapporte pas au même but. Car comme un instrument acquiert sa vertu instrumentale de deux manières, d'abord quand il reçoit sa forme d'instrument, et ensuite quand il est mù par l'agent principal pour produire son effet; de même la matière du sacrement a besoin d'une double sanctification : par l'une elle devient la matière propre d'un sacrement et par l'autre elle est appliquée à son effet.

33
Il faut répondre au troisième, qu'une matière corporelle n'est pas capable de la grâce, de manière à en être le sujet, mais elle en est seulement capable comme instrument, ainsi que nous l'avons dit (quest. lxii, art. 1, 2 et 3). La matière du sacrement est consacrée à cet effet, soit par le Christ lui- même, soit par l'évêque qui représente la personne du Christ dans l'Eglise (1).



ARTICLE IV. — cette forme du sacrement de confirmation : je te marque du signe de la croix, etc., est-elle convenable (2)?

1444
1 Il semble que cette forme : Je te marque du signe de la croix et je te confirme par le chrême du salut, au nom du Père, et du Fils, et du Saint- Esprit, ainsi soit-il, ne soit pas convenable. Car l'usage des sacrements vient du Christ et des apôtres. Or, le Christ n'a pas établi cette forme et on ne voit pas que les apôtres s'en soient servis. Cette forme du sacrement de confirmation n'est donc pas convenable.

(1) Plusieurs docteurs pensent cependant que le souverain pontife pourrait déléguer un simple prêtre pour cette consécration.
(2) Ceux qui croient que la matière de la confirmation est dans l'imposition des mains que fait l'évêque, le visage tourné vers le peuple, mettent la forme dans la prière : Omnipotens scmpitcrne Deus, que le pontife fait alors à Dieu, et ils regardent les paroles que l'on prononce en confirmant comme purement accidentelles ; ceux qui veulent pour la matière comprendre cette imposition des mains et l'onction regardent cette prière comme une forme partielle, et ils prétendent que la forme totale est produite par son union avec les paroles qu'on prononce eu faisant l'onction ; mais le sentiment de saint Thomas, qui fait consister la forme uniquement dans ces paroles : Signo le signo crucis, etc., est le plus commun et le plus probable.

2
Comme le sacrement est le même pour tous, la forme doit être aussi la même ; parce que toute chose tire son unité comme son être de sa forme. Or, tous ne se servent pas de cette même formule ; car il y en a qui disent : je te confirme par le chrême de la sanctification. La forme de ce sacrement n'est donc pas convenable.

3
Ce sacrement doit être conforme au baptême, comme la perfection à l'objet perfectible, ainsi que nous l'avons dit (quest. lxv, art. 4, et art.2 huj. quaest. ad 2). Or, dans la forme du baptême il n'est pas parlé de la marque du caractère, ni de la croix du Christ (quoique cependant par le baptême l'homme meure avec le Christ, selon l'expression de saint Paul (Rm 6); il n'est pas non plus fait mention de son effet salutaire, quoique le baptême soit nécessaire pour être sauvé. Dans la forme de ce dernier sacrement on pose seulement l'acte et on exprime la personne de celui qui baptise en disant : Je te baptise, et c'est le contraire qu'on remarque dans la formule précédente. Elle n'est donc pas convenable.

20 Mais c'est le contraire. Car cette forme a pour elle l'autorité de l'Eglise, qui en fait usage communément (1).


CONCLUSION. — Ces paroles : Je te marque du signe de la croix et je te confirme par le chrême du salut, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, exprimant la force spirituelle et sa cause avec le signe qu'on donne au combattant, cette formule convient au sacrement de confirmation.

21
Il faut répondre que cette forme convient à ce sacrement. Car comme la forme d'une chose naturelle lui donne son espèce, de même la forme d'un sacrement doit contenir tout ce qui appartient à l'espèce de ce sacrement. Or, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (art. 4), ce sacrement nous confère l'Esprit-Saint pour nous fortifier et nous rendre aptes à soutenir le combat spirituel. C'est pourquoi il y a trois choses qui sont nécessaires à ce sacrement, et qui sont renfermées dans la formule précédente. La première c'est la cause qui confère la plénitude de la force spirituelle; cette cause est la sainte Trinité qu'on exprime en disant : Au nom du Père, etc. La seconde est la force spirituelle qui est conférée à l'homme pour le salut par la matière visible; ce que l'on indique en disant : Je te confirme avec le chrême du salut. La troisième est le signe qu'on donne au combattant; car, comme dans un combat corporel, les soldats sont revêtus des insignes de leurs chefs, on dit pour ce motif : Je te marque du signe de la croix, par lequel notre roi a triomphé (2), comme le dit saint Paul (Col 2).

(2) Le catéchisme du concile de Trente embrasse le même sentiment que saint Thomas et reproduit littéralement les mêmes raisons (Yid. De confirmat, sacramento, 19).
(I) Le décret d'Eugène IV pour les arméniens est très-exprès : Secundum sacramentum est confirmatio .cujus... forma est : Signo le signo crucis, et confirmo te chrismate salutis, in nomine Patris et Filii et Spiritûs sancti.

31 Il faut répondre au premier argument, que, comme nous l'avons dit (art. 2 huj. quaest. adi), les apôtres conféraient quelquefois l'effet de ce sacrement, c'est-à-dire la plénitude de l'Esprit-Saint, par des signes visibles qui étaient miraculeusement produits par Dieu, qui peut conférer l'effet du sacrement sans le sacrement; et alors ni la matière, ni la forme du sacrement n'étaient nécessaires. D'autres fois ils administraient ce sacrement, comme ministres des sacrements, et dans ce cas ils faisaient usage de la matière et de la forme d'après le précepte du Christ. Car en conférant les sacrements, les apôtres observaient beaucoup de choses qui ne nous ont pas été transmises dans les Ecritures qu'ils nous ont laissées. D'où saint Denis dit (Deecdes. hier. cap. ult.) que pour les paroles par lesquelles les sacrements se confèrent, il n'est pas juste de faire connaître de tout le monde leur sens mystique, ni les vertus que Dieu opère secrètement par leur moyen, mais il faut que notre tradition sainte les enseigne sans éclat, c'est-à-dire en secret. C'est pourquoi l'Apôtre dit en parlant de la célébration de l'eucharistie (1Co 11,34) : Je réglerai les autres choses quand je serai arrivé.

32 Il faut répondre au second, que la sainteté est la cause du salut; c'est pourquoi il revient au même de dire, le chrême du salut et le chrême de la, sanctification. ,

33
Il faut répondre au troisième, que le baptême est la régénération de la vie spirituelle dont l'homme vit en lui-même. C'est pourquoi on ne met dans la forme du baptême qu'un seul acte qui appartient à l'homme qui doit être sanctifié. Or, le sacrement de confirmation n'a pas seulement pour but de sanctifier l'homme en lui-même, mais de le mettre à même de soutenir un combat extérieur. C'est pourquoi il n'est pas seulement fait mention de la sanctification intérieure par ces paroles : Je te confirme par le chrême du salut; mais l'homme est encore enrôlé pour ainsi dire sous l'étendard de la croix (1) pour le combat spirituel; ce qui est désigné par ces paroles: Je te marque du signe de la croix. D'ailleurs par le verbe baptiser, qui signifie l'ablution, on peut entendre la matière qui est l'eau qui purifie et l'effet salutaire; ce que l'on n'entend pas par le verbe confirmer. C'est pourquoi il a fallu mettre ces deux choses. D'ailleurs nous avons dit plus haut (quest. lxvi, art. 5 ad 4) que le mot ego n'est pas nécessaire à la forme baptismale, parce qu'il est compris dans le verbe mis à la première personne. Cependant on l'ajoute pour exprimer l'intention, ce qui n'est pas aussi nécessaire dans la confirmation, qui n'est conférée que par un ministre supérieur, comme nous le dirons (art. M huj. quaest.).




III Pars (Drioux 1852) 1424