III Pars (Drioux 1852) 1486

ARTICLE VI. — doit-on mêler de l'eau au vin (3)?

1486
1 Il semble qu'on ne doive pas mêler de l'eau au vin. Carie sacrifice du Christ a été figuré par l'oblation de Melchisédech qui, d'après la Genèse (
Gn 14), n'offrit que du pain et du vin. Il semble donc qu'on ne doive pas ajouter de l'eau au vin dans l'eucharistie.

2 Les matières des divers sacrements sont diverses. Or, l'eau est la matière du baptême. On ne doit donc pas l'employer pour la matière de l'eucharistie.

3
Le pain et le vin sont la matière de l'eucharistie. Or, on n'ajoute rien au pain. On ne doit donc non plus rien ajouter au vin.

20
Mais c'est le contraire. Le pape Alexandre Ier (Epist. i ad omnes orth. cap. 4) : Que dans l'oblation des sacrements que Ton offre au Seigneur dans la messe solennelle, on n'offre en sacrifice que du pain et du vin mélangé d'eau (4).


CONCLUSION. — Il est convenable qu'on consacre l'eucharistie avec du vin mêlé d'eau, comme on croit que le Christ l'a fait.

21
Il faut répondre qu'on doit mêler de l'eau au vin que l'on offre dans l'eucharistie. 1° A cause de l'institution. Car on croit avec probabilité que le Seigneur a institué l'eucharistie avec du vin mêlé d'eau selon la coutume de ce pays (5). D'où il est dit(Pr 9,5): Buvez te vin que je vous ai mélangé. <2? Parce que ce mélange convient pour représenter la passion du Seigneur. D'où le pape Alexandre 1er dit (loc. cit.) : On ne doit pas offrir dans le calice du Seigneur du vin seul ou de l'eau seule, mais on doit offrir l'un et l'autre mélangé; parce que nous lisons que l'un et l'autre sont sortis du côté du Christ à sa passion. 3° Parce que cela est convenable pour signifier l'effet de l'eucharistie qui est l'union du peuple chrétien avec le Christ. Car, comme le dit le pape Jules (hab. Deconsecr. dist. 2, cap. Cum omne crimen), nous voyons que l'eau est le symbole du peuple, et le vin montre le sang du Christ. Par conséquent puisque l'eau est mêlée au vin dans le calice, le peuple est uni au Christ (1). 4° Parce que cela est en harmonie avec le dernier effet du sacrement de l'eucharistie qui est l'entrée dans la vie éternelle. D'où saint Ambroise dit (Lib. de sacram, lib. v, cap. 4) : L'eau tombe dans le calice et rejaillit jusqu'à la vie éternelle.

Si vinum coeperit acescere, vel corrumpi, vel fuerit aliquantum aere, disent les rubriques du missel romain, conficitur sacramentum, sed conficiens graviter peccat.

Le moût ou le vin doux est une matière valide, mais sa consécration est gravement illicite. Voyez les rubriques du missel romain De defectibus.

Cet ARTICLE est une réfutation des luthériens et des calvinistes, qui ne font usage que du vin dans la cène, et qui prétendent que la coutume contraire suivie par l'Eglise romaine est sans fondement.

(4) Le concile de Florence dit : Materia est... vinum de vite cui ante consecrationem aqua modicissima admisceri debet.
(3) C'est ce que rapportent les liturgies de saint Jacques et de saint Basile.

31 Il faut répondre au premier argument, que, selon la pensée de saint Ambroise (loc. cit.), comme le sacrifice du Christ a été figuré par l'offrande de Melchisédech, de même il l'a été par l'eau qui est sortie du rocher dans le désert, d'après ces paroles de saint Paul (1Co 10,4) : Ils tiraient leur breuvage de la pierre spirituelle qui les accompagnait.

32 Il faut répondre au second, qu'on se sert de l'eau dans le baptême pour l'ablution, au lieu que dans l'eucharistie on l'emploie pour renouveler les forces, suivant le passage du Psalmiste (Ps 22,2) : Il m'a conduit sur des eaux qui me raniment.

33 Il faut répondre au troisième, que le pain est fait d'eau et de farine ; c'est pour cela qu'en mêlant de l'eau au vin, ils n'existent ni l'un ni l'autre sans eau.



ARTICLE VII. — le mélange d'eau et de vin est-il nécessaire au sacrement de l'autel (2) ?

1487
1 Il semble que le mélange d'eau soit nécessaire à l'eucharistie. Car saint Cyprien dit à Cécilius (lib. ii, epist, iii) : Il faut que le calice du Seigneur ne soit pas de l'eau seule, ni du vin seul, mais un mélange de l'un et de l'autre, comme on ne peut consacrer le corps du Christ avec de la farine seule, si on ne joint ensemble de la farine et de l'eau. Or, le mélange d'eau avec la farine est nécessaire pour que la consécration ait lieu. Le mélange de l'eau avec le vin est donc aussi nécessaire pour le même motif.

2
Dans la passion du Seigneur, dont l'eucharistie est le mémorial, le sang est sorti de son côté aussi bien que l'eau. Or, le vin, qui est le sacrement du sang, est nécessaire à l'eucharistie. Donc, par la même raison, l'eau est nécessaire aussi.

3
Si l'eau n'était pas nécessaire à l'eucharistie, il serait indifférent qu'on ajoutât une eau quelconque. Par exemple, on pourrait ajouter de l'eau de rose ou toute autre eau semblable, ce que l'usage de l'Eglise n'admet pas. L'eau est donc nécessaire à ce sacrement.

20
Mais c'est le contraire. Saint Cyprien dit (lib. ii, epist, m) : Si quelqu'un de nos prédécesseurs a manqué par ignorance ou simplement de mêler de l'eau au vin dans le sacrement de l'eucharistie, on peut le pardonner à sa simplicité; ce qu'il ne dirait pas, si l'eau était nécessaire au sacrement, comme le vin ou le pain l'est. Le mélange de l'eau n'est donc pas nécessaire au sacrement.


CONCLUSION. — Puisque la participation à l'eucharistie par les fidèles n'appartient pas à l'essence de ce sacrement, il s'ensuit que le mélange de l'eau avec le vin, que l'on fait pour signifier cette participation, n'est pas nécessaire au sacrement.

(1) Ces raisons ont été reproduites par le concile de Florence et par le concile de Trente (sess, xxii, cap. 7).
(2) Il n'est pas nécessaire pour la validité du sacrement qu'on mette de l'eau avec le vin. C'est pourquoi il est dit dans les rubriques du missel : Si celebrans ante consecrationem calicis advertat non fuisse appositam aquam, tunc imponat eam et proferat verba consecrationis. Si id advertat post consecrationem calicis, nullo modo apponat, quia non est de necessitate sacramenti.

21
Il faut répondre qu'on doit juger d'un signe d'après la chose qu'il signifie. Or, on ajoute de l'eau au vin pour signifier que les fidèles participent à ce sacrement, entant que l'eau mêlée au vin signifie l'union du peuple avec le Christ, comme nous l'avons dit (art. préc.). D'ailleurs, l'eau qui est sortie du côté du Christ attaché sur la croix se rapporte à la même chose, parce qu'elle signifie l'ablution des péchés, qui était produite par la passion du Christ. Or, nous avons dit (quest. préc. art. 4 ad 3) que l'eucharistie est parfaite par la consécration de la matière, et que l'usage des fidèles n'est pas nécessaire à ce sacrement, mais qu'il en est une conséquence (1). C'est pourquoi il s'ensuit que le mélange de l'eau n'est pas nécessaire au sacrement.

31
Il faut répondre au premier argument, que le passage de saint Cyprien doit s'entendre dans le sens qu'on dit qu'une chose ne peut pas être du moment qu'elle ne peut avoir lieu convenablement. Ainsi, cette comparaison se rapporte à ce que l'on doit faire, mais non à ce qui est nécessaire; car l'eau est de l'essence du pain, tandis qu'elle n'est pas de l'essence du vin.

32
Il faut répondre au second, que l'effusion du sang appartenait directement à la passion même du Christ. Car, quand le corps d'un homme a été blessé, il est naturel qu'il en sorte du sang, tandis que l'effusion de l'eau n'a pas été nécessaire à la passion; elle a eu lieu seulement pour en démontrer l'effet, qui consiste à effacer les péchés, et à tempérer l'ardeur de la concupiscence. C'est pourquoi, dans l'eucharistie, on n'offre pas l'eau séparément du vin, comme on offre le vin séparément du pain, mais on offre l'eau mêlée au vin pour montrer que le vin appartient par lui-même à ce sacrement, comme une chose nécessaire, tandis que l'eau ne lui appartient qu'autant qu'elle est jointe au vin.

33
Il faut répondre au troisième, que parce que le mélange de l'eau avec le vin n'est pas nécessaire au sacrement, il n'importe pas, pour la validité de la consécration, que l'eau qu'on ajoute soit de l'eau naturelle ou de l'eau artificielle comme de l'eau de rose ; quoique, sous le rapport de la convenance, celui qui ajoute une autre eau que l'eau naturelle et véritable pèche (2); parce que c'est de l'eau véritable qui est sortie du côté du Christ attaché sur la croix, et non de l'humeur flegmatique, comme quelques-uns l'ont dit, pour montrer que le corps du Christ était véritablement composé des quatre éléments, comme par le sang qu'il répandait il montrait qu'il était formé des quatre humeurs, selon la pensée d'Innocent III (Decr. lib. ur, tit. 41, cap. 8). Mais parce qu'il est nécessaire pour la validité de la consécration qu'on mélange de l'eau véritable avec de la farine, pour en former la substance du pain; si on y mélangeait de l'eau de rose, ou toute autre liqueur que de l'eau véritable, on ne pourrait consacrer, parce que ce ne serait pas du vrai pain.

(1) C'est ce qu'exprime ainsi le concile de Trente (sess, iii, cap. 5) : Illud in eucharistia excellens et singulare reperitur; quod reliqua sacramenti tunc primum sanctificandi vim habent, cum quis illis utitur; at in ea ipse sanctitatis auctor ante usum est.

(2) ISinon fuerit admixta aqua, vel fuerit admixta aqua rosacea seu alterius distilla- tionis , disent les rubriques du missel romain, conficitur sacramentum, sed conficiens gr a- vilerpeccat.



ARTICLE VIII. — doit-on ajouter de l'eau en grande quantité (3)?

1488
1 Il semble qu'il faille ajouter de l'eau en grande quantité. Car, comme le sang a coulé sensiblement du côté du Christ, de même aussi l'eau. D'où

(3) Il ne faut pas qu'on mette une telle quantité d'eau qu'elle altère la substance du vin. Le concile de Tribur a défendu, sur la fin du ixe siède, d'en mettre plus d'un tiers.

il est dit (
Jn 14,35), que celui qui a vu a rendu témoignage. Or, l'eau ne pourrait pas exister sensiblement dans l'eucharistie, si on n'y en mettait pas en grande quantité. Il semble donc qu'on doive l'ajouter en grande quantité.

2 Si on ajoute un peu d'eau à une grande quantité de vin, elle est corrompue. Or, ce qui est corrompu n'existe plus. Par conséquent, mettre un peu d'eau dans l'eucharistie, c'est comme si on n'y en mettait point. Et puisqu'il n'est pas permis de n'en point mettre, il s'ensuit qu'il n'est pas permis non plus d'en mettre peu.

3
S'il suffisait d'en mettre peu, par conséquent ce serait assez d'une goutte d'eau pour un tonneau entier, ce qui paraît ridicule. Il ne suffit donc pas d'en ajouter une petite quantité.

20
Mais c'est le contraire. Le droit dit (extra, Decr. lib. iii, text. 4i, cap. Perniciosum) : Un usage pernicieux s'est introduit dans vos contrées, c'est que dans le sacrifice on met plus d'eau que de vin, tandis que, d'après la coutume raisonnable de l'Eglise universelle, on doit mettre plus de vin que d'eau.



CONCLUSION. — En consacrant le sacrement de l'eucharistie on doit mettre un peu moins d'eau que de vin pour que l'espèce du vin ne soit pas détruite.

21
Il faut répondre qu'à l'égard de l'eau qu'on ajoute au vin, il y a trois opinions, comme le dit le pape In nocent III (in Decret. cap. CumMarth. De celebrat. mis.). En effet, les uns disent que l'eau ajoutée au vin subsiste par elle-même, lorsque le vin est changé en sang. Mais cette opinion est insoutenable, parce que, dans le sacrement de l'autel, après la consécration il n'y a que le corps et le sang du Christ. Car, comme le dit saint Ambroise (hab. in lib. De initiand. cap. 9) : Avant la consécration, c'est l'espèce qu'on désignerais après, c'est le corps du Christ qui est signifié; autrement on n'adorerait pas le tout de l'adoration de latrie. C'est pourquoi d'autres ont dit que, comme le vin se change en sang, de même l'eau se change en l'eau qui est sortie du côté du Christ. Mais ce sentiment n'est pas raisonnable, parce qu'alors l'eau serait consacrée séparément du vin, comme le vin l'est séparément du pain. C'est pour ce motif que, comme le dit Innocent III (loc. cît.), il est plus probable de dire que l'eau se change en vin et le vin en sang (1), ce qui ne pourrait avoir lieu, si on ne prenait pas si peu d'eau qu'elle fût changée en vin. C'est pourquoi il est toujours plus sûr de mettre peu d'eau, surtout si le vin est faible; parce que, si on y en ajoutait une si grande quantité que l'espèce du vin fût détruite, on ne pourrait plus consacrer. D'où le pape Jules Ier (hab. De consecr. dist. 2, cap. Cum omne crimen) reprend des prêtres qui conservaient pendant toute l'année une étoffe de lin trempée dans du vin doux, et qui, au moment du sacrifice, en lavaient une partie avec de l'eau, et offraient ainsi.

31
Il faut répondre au premier argument, qu'il suffit pour la signification de ce sacrement que l'eau soit sensible quand on l'ajoute au vin : mais il n'est pas nécessaire qu'elle soit sensible après le mélange.

32
Il faut répondre au second, que si on n'ajoutait point du tout d'eau, on exclurait totalement la signification ; mais lorsque l'eau se change en vin, elle indique que le peuple est incorporé au Christ.

(t) Cette opinion est certaine, mais cependant elle n'est pas de foi ; car, comme l'observe Billuart, les deux autres opinions que rejette saint Thomas n'ont pas été condamnées, et l'illustre docteur ne les signale pas comme contraires à la foi. Le sentiment de saint Thomas a été suivi par le catéchisme du concile de Trente, qui dit (cap. 16) : Ecdesiasticorum scriptorum sen- tentiá et iudicio aqua illa in vinum convertitur; par le Pontifical romain, où on lit (p. -J, tract, x, cap. 12) : Aqua quae in calice vino admiscetur, debet esse in modica quantitate, quia eam in vinum converti oportet.

33
Il faut répondre au troisième, que si on ajoutait de l'eau à un tonneau, cela ne suffirait pas pour la signification du sacrement, mais il faut que l'on ajoute l'eau au vin pour la célébration même du sacrement.




QUESTION 75: DE LA CONVERSION DU PAIN ET DU VIN AU CORPS ET AU SANG DU CHRIST.

1500
Nous devons maintenant nous occuper de la conversion du pain et du vin au corps et au sang du Christ. — A cet égard huit questions se présentent : 1° Le corps du Christ est-il véritablement dans l'eucharistie ou s'il y est seulement en figure ou comme dans un signe? — 2° La substance du pain et du vin subsiste-t-elle après la consécration dans ce sacrement? — 3° La substance du pain ou du vin est-elle anéantie après la consécration, ou si elle se résout en son ancienne matière? — 4° Le pain peut-il être changé au corps du Christ? — 5° Dans l'eucharistie après la conversion les accidents du pain et du vin subsistent-ils ? — 6° Après la consécration, la forme substantielle du pain est-elle dans le sacrement? — 7° Cette conversion se fait- elle instantanément? — 8" Est-il faux de dire : que du pain (ex pane) se fait le corps du Christ ?



ARTICLE I. — le corps du christ existe-t-il véritablement dans l'eucharistie (1)?

1501

1 Il semble que le corps du Christ n'existe pas véritablement dans l'eucharistie, mais qu'il n'y existe qu'en figure ou comme dans un signe. Car l'Evangile rapporte (
Jn 6,54) que quand le Seigneur eut dit : Si vous ne mangez le corps du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, beaucoup de ses disciples s'écrièrent après l'avoir entendu : Celte parole est dure, et il leur répondit : C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien, comme s'il eût dit d'après l'explication de saint Augustin (sup. Ps. Ps 98) : Comprenez spirituellement ce que je vous ai dit ; vous ne mangerez pas ce corps que vous voyez et vous ne boirez pas le sang que doivent répandre ceux qui me crucifieront, mais c'est le sacrement que je vous ai recommandé qui, étant compris spirituellement, vous vivifiera, tandis que la chair ne sert de rien.

2 Le Seigneur dit (Mt 28 Mt 20) : Voilà que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des sièdes; ce que saint Augustin explique encore en disant (Tract, xxx in ) : Jusqu'à la fin des sièdes le Seigneur est au ciel, mais cependant sa vérité est avec nous. Car le corps dans lequel il est ressuscité doit être dans un seul lieu, tandis que sa vérité est répandue partout. Le corps du Christ n'est donc pas véritablement dans l'eucharistie, il n'y est que comme dans le signe qui le représente.

3 Aucun corps ne peut être simultanément dans plusieurs lieux, puisque cela ne convient pas même aux anges. Car d'après cela il pourrait être partout. Or, le corps du Christ est un corps véritable et il est dans le ciel. Il semble donc qu'il ne soit pas véritablement dans le sacrement de l'autel, mais qu'il n'y soit que comme dans un signe.

4
Les sacrements de l'Eglise existent pour l'utilité des fidèles. Or, d'après saint Grégoire (Hom. xxviii in Evang.), l'officier du roi est blâmé de ce qu'il cherchait la présence corporelle du Christ. Ce qui empêchait aussi les apôtres de recevoir l'Esprit-Saint, c'est qu'ils étaient attachés à sa présence corporelle, comme le dit saint Augustin à l'occasion de ces paroles du Seigneur (Jn 16) : Si je ne m’en vais, le Paradet ne viendra pas à vous. Le Christ n'est donc pas au sacrement de l'autel selon sa présence corporelle.

(t) Il est de foi que le Christ est véritablement tout entier dans l'eucharistie. L'Ecriture, les Pères, les conciles et toute la tradition le proclament, et le concile de Trente l'a ainsi défini (sess- xiii, can. 1) : Si quis negaverit in sanctissima! eucharistiae sacramento contineri vere, realiter et substantialiter, corpus et sanguinem, una cum anima, et divinitate Domini nostri Jesu Christi, ac proindi totum Christum, sed dixerit tantummodà esse in eo, ut in signo, vel figura, aut virtute; anathema sit.

20 Mais c'est le contraire. Saint Hilaire dit (De Trin. lib. viii): Il n'y a pas lieu de douter de la vérité de la chair et du sang du Christ; car, maintenant, dei aveu du Seigneur lui-même et d'après notre foi, sa chair est véritablement notre nourriture et son sang est véritablement notre breuvage. Et saint Ambroise ajoute (De sacr. lib. vi, cap. 4 ) : que comme le Seigneur Jésus-Christ est Je véritable Fils de Dieu, de même c'est la véritable chair du Christ que nous recevons et c'est son sang véritable que nous buvons.


CONCLUSION. — Quoique les sens ne puissent reconnaître que le corps et le sang du Christ sont véritablement dans l'eucharistie, cependant notre foi s'appuyant sur l'autorité divine, nous devons le croire, puisque cela convient à la perfection de la loi nouvelle, que cela est très-conforme à la charité du Christ et tout à fait d'accord à la foi que nous avons dans son humanité.

21
Il faut répondre que ni les sens, ni l'entendement, ne peuvent reconnaître que le corps et le sang du Christ sont véritablement dans l'eucharistie, mais nous le savons par la foi seule qui s'appuie sur l'autorité divine. C'est pourquoi au sujet de ces paroles (Lc 22) : Ceci est mon corps qui sera livré pour vous, saint Cyrille dit (hab. in eat. div. Thom.): Ne doutez pas de la vérité de ce qui est dit là, mais recevez plutôt les paroles du Sauveur avec foi ; car, puisqu'il est la vérité, il ne ment pas. Or, il est convenable qu'il en soit ainsi : 1° pour la perfection de la loi nouvelle. Car les sacrements de l'ancienne loi ne contenaient qu'en figure le sacrifice véritable de la passion du Christ, d'après ces paroles de saint Paul (He 10,1): La loi n'avait que l'ombre des biens à venir et non la vérité même des choses. C'est pourquoi il a fallu que le sacrifice de la loi nouvelle institué par le Christ eût quelque chose de plus, c'est-à-dire qu'il contînt le Christ qui a souffert non-seulement comme sa signification ou sa figure (1), mais encore en réalité. Et c'est pour cela que ce sacrement qui contient réellement le Christ lui-même, comme le dit saint Denis (De ecdes. hier. cap. 3), est le complément de tous les autres dans lesquels on participe à la vertu du Christ. 2° Cela convient à la charité du Christ qui lui a fait prendre un corps humain véritable pour notre salut. Et parce que le propre de l'amitié est surtout de vivre avec ses amis, selon la remarque d'Aristote(M. lib. ix, cap. 12, et lib. viii, cap. 5), il nous promet sa présence corporelle comme récompense en disant (Mt 24,28) : Où sera le corps, là aussi se rassembleront les aigles. Cependant en attendant il ne nous a pas privés de sa présence corporelle pendant ce pèlerinage, mais il s'est uni à nous dans l'eucharistie par son corps et son sang véritable. D'où il dit (Jn 6,57) : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Ce sacrement est donc le signe de la charité la plus grande, et il excite notre espérance par suite de l'union intime et familière qu'il établit entre nous et le Christ. 3° Cela convient à la perfection de la foi qui a pour objet la divinité du Christ aussi bien que son humanité, d'après ces paroles (Jn 14,4): Fous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Et parce que la foi a pour objet ce qu'on ne voit pas, comme le Christ nous montre sa divinité d'une manière invisible, ainsi il nous présente aussi sa chair d'une manière invisible dans l'eucharistie. — Il y a des auteurs qui, sans faire attention à ces considérations, ont supposé que le corps et le sang du Christ n'étaient dans l'eucharistie que comme dans un signe, ce qui doit être rejeté comme une hérésie, parce que cela est contraire aux paroles du Christ. C'est pourquoi Bérenger (1), qui avait été le premier auteur de cette erreur, fut ensuite contraint de la rétracter et de confesser la vérité de la foi (ut hab. cap. Ego Berengarius, De consecrat, dist. 2).

(1) C'est ce qu'ont enseigné positivement Calvin et Socin, et ce que leurs sectaires priassent encore actuellement.

31 Il faut répondre au premier argument, que ce passage a été une occasion d'erreur pour les hérétiques qui ont mal compris les paroles de saint Augustin. Car quand ce docteur dit (loc. cit.): Vous ne mangerez pas ce corps que vous voyez, il n'a pas l'intention de nier la vérité du corps du Christ, mais il veut seulement dire qu'on ne devait pas le manger dans l'état où on le voyait. Et quand il ajoute: Le sacrement que je vous ai recommandé étant compris spirituellement vous vivifiera, il ne veut pas dire que le corps du Christ n'est dans l'eucharistie que selon sa signification mystique, mais il dit qu'il y est spirituellement, c'est-à-dire invisiblement et par la vertu de l'Esprit-Saint. Aussi, en expliquant ces paroles (Tract, xxvii in ): La chair ne sert de rien, il dit : Comment ont-ils compris? Ils ont cru qu'il s'agissait de la chair telle qu'on la prendrait sur un cadavre ou qu'on la voit dans une boucherie, mais non la chair telle que l'esprit l'anime. Que l'esprit s'ajoute à la chair, et alors elle est-très utile ; car si la chair ne servait de rien, le verbe ne se serait pas fait chair pour habiter parmi nous.

32
Il faut répondre au second, que cette parole de saint Augustin et toutes les autres semblables doivent s'entendre du corps du Christ considéré dans sa propre espèce, dans le sens que le Seigneur comprenait lui-même quand il disait (Mt 26,11): Vous ne m'aurez pas toujours avec vous. Mais il est invisiblement sous les espèces eucharistiques partout où l'on consacre ce sacrement.

33 Il faut répondre au troisième, que le corps du Christ n'est pas dans l'eucharistie, comme un corps est dans un lieu lorsqu'il est mesuré par lui avec ses dimensions, mais il y est d'une manière spéciale qui est propre à ce sacrement (2). Ainsi nous disons que le corps du Christ est dans divers autels, non comme en des lieux divers, mais comme dans un sacrement, et par là nous ne comprenons pas que le Christ soit là seulement comme dans un signe, quoique un sacrement soit du genre des signes; mais nous comprenons que le corps du Christ est là, ainsi que nous l'avons dit (m corp. art.), selon le mode qui est propre à ce sacrement.

34
Il faut répondre au quatrième, que ce raisonnement s'appuie sur la présence du corps du Christ, selon qu'il est présent à la manière d'un corps, c'est-à-dire selon qu'il existe sous sa forme visible, mais non selon qu'il existe spirituellement, c'est-à-dire d'une manière invisible et par la vertu de l'esprit. C'est ce qui l'ait dire à saint Augustin (Tract, xxvii in ) : Si vous avez compris spirituellement les paroles du Christ à l'égard de sa chair, elles sont pour vous esprit et vie-, si vous les avez entendues charnellement, elles sont encore esprit et vie, mais elles ne le sont pas pour vous.

(t) Dans les premiers sièdes les hérétiques qui ont nié la vérité du corps du Christ ont aussi nié indirectement sa présence réelle dans 1 eucharistie, mais Bérenger est le premier qui Fait attaquée directement. U vivait au milieu du Xic siède, et il fut condamné au concile de Verceil par le pape Léon IX en 1033, par le concile de Tours (1033), celui de Rouen (1003), celui de Poitiers (1073), par les conciles tenus à Rouen par saint Grégoire VII en 1078 et 1079. Il fit sa soumission au pape Nicolas II en 1039, mais son erreur a été renouvelée par Pierre de Bruis (1126), par les vaudois(l 170), les wideffistes (1312), et les réformateurs du xvi* siède.
(2) Le mode sacramentel consiste en ce qu'il est là d'une manière qui n'est ni sensible, ni passible, ni mobile par elle-même; il y est d'une manière indivisible, substantielle, surnaturelle, de telle sorte qu'il est tout entier dans toute l'hostie et dans chaque partie de l'hostie, à la façon des substances spirituelles.



ARTICLE II. — la substance du pain et du vin subsiste-t-elle dans l'eucharistie après la consécration (1)?

1502
1 Il semble que la substance du pain et du vin subsiste dans l'eucharistie après la consécration. Car saint Jean Damascène dit (De orth. /id. lib. iv, cap. 14) que les hommes ayant la coutume de manger du pain et de boire du vin, Dieu a uni à ces choses sa divinité en en faisant son corps et son sang, de telle sorte que le pain de la communion n'est pas un pain simple, mais un pain uni à la divinité. Or, l'union a lieu entre des choses qui existent en acte. Le pain et le vin existent donc simultanément dans l'eucharistie avec le corps et le sang du Christ.

2
Il doit y avoir une certaine conformité entre les sacrements de l'Eglise. Or, dans les autres sacrements la substance de la matière subsiste ; •ainsi la substance de l'eau reste dans le baptême et la substance du chrême dans la confirmation. La substance du pain et du vin subsiste donc aussi dans l'eucharistie.

3
On emploie le pain et le vin dans le sacrement de l'autel, selon qu'ils signifient l'unité de l'Eglise : en ce que le même pain est fait de beaucoup de grains et le même vin est produit par beaucoup de raisins, comme le dit saint Augustin (Tract, xxvi in ). Or, ceci appartient à la substance même du pain et du vin. Par conséquent, la substance de l'un et de l'autre subsiste dans l'eucharistie.

20
Mais c'est le contraire. Saint Ambroisedit (Lib. de sacram, lib. iv, cap. 4, et lib. vi, cap. 1 ) : Quoiqu'on voie la figure du pain et du vin, cependant on doit croire qu'après la consécration il n'y a rien autre chose que la chair et le sang du Christ.


CONCLUSION. — Puisque le corps du Christ ne peut commencer à exister dans l'eucharistie que par la conversion de la substance du pain au corps du Christ lui- même, on doit reconnaître que la substance du pain et du vin ne subsiste plus dans ce sacrement.

21
Il faut répondre qu'il y en a qui ont supposé qu'après la consécration la substance du pain et du vin subsistait dans l'eucharistie. Mais cette opinion est insoutenable. 1° Parce que dans cette hypothèse on détruit la vérité de l'eucharistie, qui consiste en ce que ce sacrement contient véritablement le corps du Christ qui n'était pas là avant la consécration. Or, une chose ne peut être là où elle n'était pas auparavant que par un changement de lieu, ou par la conversion d'une autre chose en elle-même. C'est ainsi que dans une maison où il n'y avait pas de feu il commence à y en avoir, soit parce qu'on y en porte, soit parce qu'on y en produit. Il est évident que le corps du Christ ne commence pas à exister dans l'eucharistie par un mouvement local. 1° Parce qu'il s'ensuivrait qu'il cesserait d'être au ciel. Car ce qui est mû localement n'arrive dans un lieu qu'en quittant celui qu'il occupait auparavant. 2° Parce que tout corps qui est mù localement passe à travers tous les milieux, ce qu'on ne peut pas dire ici. 3° Parce qu'il est impossible que le même mouvement du même corps mû localement ait simultanément pour termes divers lieux. Et puisque le corps du Christ dans l'eucharistie commence à être simultanément en plusieurs lieux, il faut qu'il ne puisse commencer à être dans ce sacrement que par le changement delà substance du pain en lui-même. Et comme ce qui se change en quelque chose ne subsiste plus, après que la conversion est faite, il s'ensuit que la substance du pain ne pourrait subsister après la consécration, sans compromettre la vérité du sacrement. — 2° Parce que cette hypothèse est contraire à la forme du sacrement dans laquelle on dit : Ceci est mon corps, ce qui ne serait pas vrai, si la substance du pain restait; car la substance du pain n'est jamais le corps du Christ : mais on devrait plutôt dire : Celui-ci est mon corps (Hic est corpus meum). — 3° Parce qu'il serait contraire au respect du sacrement, s'il y avait là une substance créée qu'on ne pût adorer de l'adoration de latrie. — 4° Cette opinion est contraire au rite de l'Eglise d'après lequel il n'est pas permis de recevoir le corps du Christ après avoir pris une nourriture corporelle, quoique cependant il soit permis de prendre une seconde hostie consacrée après qu'on en a pris une* première. On doit donc rejeter ce sentiment comme hérétique (4).

(1) Widef a prétendu que la substance matérielle du pain et du tin restait dans le sacrement de l'autel. Lutber et Carlostad ont été du même sentiment. Au xie et au xiie siède on trouve aussi quelques auteurs particuliers qui ont avancé cette erreur, qui a d'ailleurs été condamnée expressément dans les conciles tenus par saint Grégoire VII, par le concile général de Latran, sous Innocent III, par le concile de Constance, par le concile de Florence et par le concile de Trente.

31
Il faut répondre au premier argument, que Dieu a uni sa divinité, c'est-à- dire sa vertu divine au pain et au vin, non pour qu'ils restent dans l'eucharistie, mais pour qu'ils soient changés en son corps et en son sang.

32
Il faut répondre au second, que le Christ n'existe pas réellement dans les autres sacrements comme dans l'eucharistie; c'est pourquoi la substance de la matière reste dans les autres sacrements, tandis qu'il n'en est pas de même pour celui-là.

33
Il faut répondre au troisième, que les espèces qui restent dans l'eucharistie, comme nous le dirons (quest. lxxvii, art. 3 et 4), suffisent pour la signification de ce sacrement. Car c'est par les accidents qu'on connaît la nature de la substance.



ARTICLE III. — la substance du pain ou du vin est-elle anéantie après la consécration (2)?

1503
1 Il semble que la substance du pain soit anéantie après la consécration ou qu'elle soit réduite en son ancienne matière. Car ce qui est corporel doit être quelque part. Or, la substance du pain qui est une chose corporelle ne subsiste pas dans l'eucharistie, comme nous l'avons dit (art. préc.), et on ne peut pas assigner un lieu où elle soit. Elle n'est donc pas quelque chose après la consécration et par conséquent elle n'a pas été anéantie, ou bien elle a été réduite à une matière antérieure.

2
Ce qui est le terme à quo dans un changement ne subsiste que dans la puissance de la matière; comme quand de l'air on fait du feu, la forme de l'air ne subsiste que dans la puissance de la matière, et il en est de même quand du blanc on fait du noir. Or, dans l'eucharistie la substance du pain ou du vin est comme le terme à quo, tandis que le corps ou le sang du Christ est comme le terme ad quem. Car saint Ambroise dit (hab. Lib. de initiand. cap. 9): Avant la consécration c'est l'espèce qui est désignée, et après c'est le corps du Christ qui est signifié. Par conséquent, après la consécration la substance du pain et du vin ne subsiste qu'autant qu'elle s’est résolue en sa matière.

(I) Le concile de Trente condamne cette hérésie en ces termes (sess. xlii, can. 2) : Si quis dixerit in sacrosancto Eucharistiae sacramento, remanere substantiam panis et vini un à cum corpore et sanguine Domini nostri Jesu Christi, negaveritque mirabilem illam et singularem conversionem totius substantiae panis in corpus et totius substantiae vini in sanguinem, manentibus duntaxat speciebus panis et vini, quam quidem conversionem catholica Ecdesia aptissime transsubstantiationem appellat; anathema sit.
(2) Cet ARTICLE est la conséquence de celui qui précède. Car, du moment qu'il y a transsubstantiation il v a conversion d'une substance en une autre, et, par conséquent, il n'y a pas annihilation, puisque l'annihilation a pour terme le néant, tandis que la transsubstantiation a ici pour terme le corps du Christ.

3
De deux contradictoires il faut que l'une soit vraie. Or, celle-ci est fausse : Après la consécration la substance du pain ou du vin est quelque chose. Donc celle-ci est vraie : La substance du pain ou du vin n'est rien.

20
Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Quaest. lib. lxxxiti, quaest. 21): Dieu n'est pas une cause qui tend au néant. Or, ce sacrement est produit par sa vertu divine. La substance du pain et du vin n'est donc pas anéantie dans ce sacrement.



CONCLUSION. — Puisque le corps du Christ commence à exister dans l'eucharistie par conversion et non d'une autre manière, après la consécration la substance du pain ou du vin ne se résout pas dans une matière qui existe préalablement et elle n'est pas anéantie, mais elle est convertie au corps véritable du Christ.

21
Il faut répondre que parce que la substance du pain ou du vin ne reste pas dans l'eucharistie, il y en a qui croyant impossible que la substance du pain ou du vin se change au corps ou au sang du Christ, ont supposé que la substance du pain ou du vin était par la consécration réduite en une matière préexistante ou qu'elle était anéantie. Or, la matière préexistante dans laquelle les corps mixtes peuvent se résoudre comprend les quatre éléments. Car elle ne peut se résoudre dans la matière première de telle sorte qu'elle existe sans forme, parce qu'une matière particulière ne peut exister sans une forme. Mais puisqu'après la consécration il ne reste rien sous les espèces du sacrement que le corps et le sang du Christ, il faudrait dire que les éléments dans lesquels la substance du pain et du vin a été résolue s'écartent de là par un mouvement local-, ce qui serait perçu par les sens. De plus la substance du pain et du vin subsiste jusqu'au dernier instant de la consécration. Et dans ce dernier instant de la consécration la substance du corps ou du sang du Christ est déjà là, comme dans le dernier instant de la génération la forme existe déjà. Par conséquent on ne peut pas indiquer un instant où la matière préexistante se trouverait là. Car on ne peut pas dire que la substance du pain ou du vin se résout peu à peu en cette matière préexistante ou qu'elle sort successivement du lieu des espèces : parce que si cela commençait à se faire au dernier instant de la consécration, le corps du Christ serait simultanément avec la substance du pain sous quelque partie de l'hostie, ce qui est contraire à ce que nous avons dit précédemment (in isto rt. et art. praec.). D'un autre côté, si on suppose que cela commence à se faire avant la consécration, il y aurait un temps où sous une partie de l'hostie il n'y aurait ni la substance du pain, ni le corps du Christ, ce qui répugne, et c'est ce que les auteurs de ce sentiment paraissent eux-mêmes avoir compris. C'est pourquoi ils ont fait une disjonction en disant ou qu'elle était anéantie ou qu'elle se résolvait en une matière préexistante. Mais il ne peut en être ainsi : parce qu'on ne peut assigner un mode par lequel le corps du Christ commence à être véritablement dans ce sacrement, sinon par la conversion de la substance du pain au corps lui-même, et cette conversion est détruite du moment que Ton suppose que la substance du pain est anéantie ou qu'elle se résout dans une matière préexistante. On ne peut pas non plus dire ce qui produit dans l'eucharistie cette résolution ou cet anéantissement, puisque l'effet d'un sacrement est signifié par sa forme, et que dans ces paroles de la forme de l'eucharistie : Ceci est mon corps, il n'y a rien qui signifie l'une ou l'autre de ces deux choses. D'où il est évident que cette opinion est fausse (1).

31
Il faut répondre au premier argument, que la substance du pain et du vin, après la consécration, ne subsiste ni sous les espèces du sacrement, ni ailleurs; mais il ne s'ensuit cependant pas qu'elle soit anéantie; car elle est convertie au corps du Christ : comme il ne s'ensuit pas que l'air dont le feu a été engendré soit anéanti, parce qu'il n'est ni là, ni ailleurs.

32
Il faut répondre au second, que la forme qui est le terme à quo ne se convertit pas en une autre forme, mais une forme succède à une autre dans le sujet. C'est pourquoi la forme première ne subsiste que dans la puissance de la matière. Mais ici la substance du pain est convertie au corps du Christ, comme nous l'avons dit (in corp. et art.praec.). Par conséquent cette raison n'est pas concluante.

33
Il faut répondre au troisième, que quoique après la consécration il soit faux de dire : La substance du pain est quelque chose; cependant ce en quoi la substance du pain a été changée est quelque chose, et c'est pour cela que la substance du pain n'a pas été anéantie (2).




III Pars (Drioux 1852) 1486