III Pars (Drioux 1852) 1304

ARTICLE iv. — tous les sacrements sont-ils nécessaires au salut?

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1 Il semble que tous les sacrements soient nécessaires au salut. Car ce qui n'est pas nécessaire paraît être superflu. Or, aucun sacrement n'est superflu ; parce que Dieu ne fait rien en vain. Tous les sacrements sont donc nécessaires au salut.

2
Comme il est dit du baptême (Jn 3,5) : Si on ne renaît de Veau et de V Esprit-Saint on ne peut entrer dans le royaume de Dieu, de même il est dit de l'eucharistie (Jn 6,54) : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Par conséquent, comme le baptême est un sacrement nécessaire, de même aussi l'eucharistie.

3 Sans le sacrement de baptême on peut être sauvé, pourvu que ce ne soit pas le mépris de la religion, mais la nécessité qui empêche de recevoir ce sacrement, ainsi que nous le dirons (quest. lxviii, art. 1 et 2). Or, en tout sacrement le mépris de la religion empêche le salut de l'homme. Donc, pour la même raison, tous les sacrements sont nécessaires au salut.

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Mais c'est le contraire. Car les enfants sont sauvés par le baptême seul sans les autres sacrements.


CONCLUSION. — Il y a trois sacrements nécessaires au salut : le baptême l'est absolument; la pénitence pour celui qui est dans le péché mortel, l'ordre par rapport à l'Eglise; tous les autres sacrements sont nécessaires dans le sens que par leur moyen on opère plus aisément son salut.

(2) Si quis negaverit confeisionem sacramentalem, vel institutam, vel ad salutem necessariam esse , jure divino, anathema sit (Conc. Trid. sess, xiv, can. 0).
(t) Si quis dixerit baptismum liberum esse, hoc est, non necessarium ad salutem; anathema sit (Conc. Trid. sess. VU, can. ii).

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Il faut répondre qu'on dit qu'une chose est nécessaire de deux manières par rapport à la fin dont nous parlons maintenant : 1° Elle est nécessaire quand on ne peut sans elle arriver à cette fin. C'est ainsi que la nourriture est nécessaire à la vie de l'homme. Ce qui est ainsi nécessaire pour une fin, l'est absolument. 2° On dit qu'une chose est nécessaire, quand on ne peut sans elle arriver convenablement à sa fin. C'est ainsi qu'un cheval est nécessaire pour voyager. Dans ce cas la nécessité n'est pas absolue. Il y a trois sacrements qui sont nécessaires de la première manière; deux se rapportent à l'individu : le baptême qui est simplement et absolument nécessaire (1), et la pénitence qui l'est dans le cas où l'on vient à pécher mortellement après le baptême (2). Le sacrement de l'ordre est nécessaire à l'Eglise, parce que, selon la pensée du Sage (Pr 11, U) : Où il n'y a personne pour gouverner, le peuple périt. Les autres sacrements sont nécessaires de la seconde manière. Car la confirmation est dans un sens le perfectionnement du baptême, l'extrême-onction celui de la pénitence, et le mariage conserve la société de l'Eglise en la propageant.

31 Il faut répondre au premier argument, que, pour qu'une chose ne soit pas superflue, il suffit qu'elle soit nécessaire de la première ou de la seconde manière; et de la sorte tous les sacrements sont nécessaires, comme nous l'avons dit (in corp. art.).

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Il faut répondre au second, que cette parole du Seigneur doit s'entendre de la manducation spirituelle et non de la manducation sacramentelle exclusivement (1), comme le dit saint Augustin (Tract, xxvi sup. Jean. ).

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Il faut répondre au troisième, que, quoique le mépris de tous les sacrements soit contraire au salut, cependant il n'y a pas mépris d'un sacrement quand quelqu'un ne prend pas soin de s'en approcher, lorsqu'il n'est pas nécessaire au salut. Autrement tous ceux qui ne reçoivent pas l'ordre et qui ne se marient pas feraient mépris de ces sacrements,




QUESTION 66. DES CHOSES QUI APPARTIENNENT AU SACREMENT DE BAPTÊME.

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Après avoir parlé des sacrements en général, nous devons nous occuper de chaque sacrement en particulier. Nous nous occuperons : l° du baptême; V de la confirmation ; 3" de l'eucharistie; 4° de la-pénitence; 5" de l'extrême-onction; 6" de l'ordre; 7° du mariage. — Sur le baptême deux sortes de considérations se présentent. Nous traiterons : 1° du baptême lui-même; 2° de la préparation au baptême. — A l'égard du baptême lui-même il faut examiner quatre choses : 1° ce qui appartient au sacrement de baptême ; 1" le ministre de ce sacrement ; 3° ceux qui le reçoivent; 4° ses effets. — Pour ce qui appartient au baptême douze questions se présentent : 1" Qu'est- ce que le baptême? est-ce l'ablution? — 2° Do l'institution de ce sacrement.— 3° L'eau est-elle la matière propre de ce sacrement? — 4° Faut-il de l'eau pure.et simple? — 5" Est-il convenable de faire usage de cette forme : Je te baptise au nom du Père et du Fils di du Saint-Esprit ? — 6° Pourrait-on baptiser sous cette forme: Je te baptise au nom du Christ? — 7° L'immersion est-elle nécessaire pour le baptême? — 8° Faut-il une triple immersion? — 9° Le baptême peut-il être réitéré? — 10" Du rite du baptême. — 11" De la distinction des baptêmes. — 12° De leur comparaison.



ARTICLE I. — le baptême est-il l'ablution ?

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1 Il semble que le baptême ne soit pas l'ablution elle-même. Car l'ablution du corps passe, tandis que le baptême reste. Le baptême n'est donc pas l'ablution, mais plutôt une régénération, un sceau, une garde, et une illumination, comme le dit saint Jean Damascène (Orth. fui. lib. iv, cap. 10).

2
Hugues de Saint-Victor dit (De sacr. lib. iii, part, vi, cap. 2) que le baptême est l'eau sanctifiée par la parole de Dieu pour effacer les péchés. Or, l'eau n'est pas l'ablution elle-même, mais l'ablution est un des usages que l'on en fait. Donc, etc.

3
Saint Augustin dit (Tract, lxxx sup. Jean. ) que la parole s'ajoute à l'élément et que le sacrement est produit. Or, l'élément est l'eau même du baptême dans ce sacrement. Le baptême est donc l'eau et non l'ablution.

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Mais c'est le contraire. L'Ecriture dit (Si 34,30) : Celui qui est baptisé après avoir touché un mort et qui le touche de nouveau, à quoi lui

(1) Si quis dixerit parvulis, antequam ad annos discretionis pervenerint, necessariam esse Eucharistiae communionem : anathema sit (Conc. Trid. sess, ni, eau. 4).

sert son ablution ? Il semble donc que le baptême soit l'ablution elle- même.


CONCLUSION. — Dans le baptême le sacrement seul n'est que l'ablution corporelle extérieure, faite sous la forme verbale prescrite; la chose seule est la justification même de l'homme, la chose et le sacrement est le caractère baptismal.

21 II faut répondre que dans le sacrement de baptême il va trois choses à considérer : ce qui n'est que le sacrement, ce qui est la chose et le sacrement, et ce qui n'est que la chose. — Ce qui n'est que le sacrement est l'objet visible qui existe à l'extérieur; c'est-à-dire c'est le signe de l'effet intérieur, car c'est là ce qui appartient à la nature du sacrement. Or, ce qui se présente extérieurement aux sens dans le baptême, c'est l'eau et l'usage qu'on en fait et qui consiste dans l'ablution. Il y a des auteurs qui ont pensé que l'eau elle-même est le sacrement. C'est ce que paraissent signifier les paroles de Hugues de Saint-Victor (cit. in arg. 2) ; car dans sa définition générale du sacrement (De sacr. lib. i, p. ix, cap. 2) il dit que c'est un élément matériel, et dans la définition du baptême, il dit que c'est l'eau (1). Mais il ne semble pas que cette définition soit exacte. En effet, les sacrements de la loi nouvelle, opérant une certaine sanctification, le sacrement n'est parfait qu'autant que la sanctification l'est elle-même. Or, l'eau seule ne rend pas la sanctification parfaite, mais il y a en elle une vertu instrumentale de sanctification qui n'est pas permanente, mais qui découle dans l'homme qui est le sujet véritable de la sanctification. C'est pourquoi le sacrement ne trouve pas sa perfection dans l'eau elle-même, mais dans l'application de l'eau à l'homme, qui est l'ablution. C'est pour ce motif que le Maître des sentences dit (lib. iii, dist. I) que le baptême est l'ablution extérieure du corps faite en prononçant verbalement la forme prescrite. Ce qui est chose et sacrement, c'est le caractère baptismal qui est la chose signifiée par l'ablution extérieure, et le signe sacramentel de la justification intérieure; ce qui est chose seulement c'est la justification intérieure elle- même; car elle est signifiée sans être elle-même un signe (2).

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Il faut répondre au premier argument, que ce qui n'est que sacrement dans le baptême passe; mais ce qui est sacrement et chose, comme le caractère, reste, ainsi que ce qui est chose seulement, comme la justification intérieure. Le caractère reste d'une manière indélébile, comme nous l'avons dit (quest. i.xin, art. 5), tandis que la justification est amissible, toute permanente qu'elle est. Or, saint Jean Damascène a défini le baptême, non quant à l'acte extérieur qui est le sacrement seul, mais quant à ce qui est intérieur. Ainsi il a employé deux mots qui se rapportent au caractère : le mot sceau et le mot garde, parce que le caractère qu'on appelle un sceau considéré en lui-même garde l'âme dans le bien. Il a aussi désigné deux effets qui se rapportent à la chose dernière du sacrement : la régénération, qui consiste en ce que l'homme par le baptême commence la vie nouvelle du juste, et V illumination, qui appartient spécialement à la foi par laquelle l'homme reçoit la vie spirituelle, d'après ces paroles du prophète (Habac. 2, 2) : Le juste vit de la foi. Le baptême est une profession de foi et c'est pour cela qu'on l'appelle le sacrement de la foi. De même saint Denis a défini le baptême par rapport aux autres sacrements en disant (De ecdes. hier. cap. 2) qu'il est le principe de tous les autres sacrements, et qu'il forme dans l'âme des habitudes qui la rendent apte à les recevoir. Il l'a ensuite défini par rapport à la gloire céleste qui est la fin dernière des sacrements, quand il ajoute : qu'il nous ouvre le chemin pour nous élever vers le repos du ciel ; et enfin il le considère relativement au principe de la vie spirituelle en disant qu'il opère notre régénération la plus sacrée et la plus divine.

(I) Hugues de Saint-Victor définit le baptême: Aquae abluendis criminibus sanctificatio. Saint Thomas combat avec raison cette définition et veut qu'on définisse 'physiquement ce sacrement : Ablutio corporis sub praescriptd verborum formá.

(2) Ainsi le sacrement est le rite extérieur, qui signifie sans être signifié ; la chose est la grâce, qui est signifiée sans rien signifier ; la chose et le sacrement, c'est le caractère qui est signifié par le rite extérieur, et qui signifie la grâce intérieure.

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Il faut répondre au second, que, comme nous l'avons dit (in corp. art.), on ne doit pas suivre l'opinion de Hugues de Saint-Victor sur ce point. Cependant il peut ôtre vrai qu'on dise que le baptême est l'eau ; parce que l'eau en est le principe matériel; et alors on s'exprime ainsi par rapport à la cause du sacrement.

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Il faut répondre au troisième, que la parole venant s'adjoindre à l'élément, le sacrement est produit, non dans l'élément lui-même, mais dans l'homme pour lequel l'élément est employé par l'usage de l'ablution (I). Et c'est aussi ce que signifié la parole qui s'ajoute à l'élément, quand on dit : Je te baptise, etc.



ARTICLE ii. — le baptême a-t-il été institué après la passion du christ (2) ?

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1 Il semble que le baptême ait été institué après la passion du Christ. Car la cause précède l'effet. Or, la passion du Christ opère dans les sacrements de la loi nouvelle. Elle a donc précédé leur institution et surtout l'institution du baptême ; puisque l'Apôtre dit (
Rm 6,3) : Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous V avons été dans sa mort, etc.

2 Les sacrements de la loi nouvelle tirent leur efficacité de l'ordre du Christ. Or, le Christ a donné à ses disciples l'ordre de baptiser après sa passion et sa résurrection, en leur disant : Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, etc., comme on le voit (Mt 28 Mt 19). Il semble donc que le baptême du Christ ait été institué après sa passion.

3 Le baptême est un sagement nécessaire, comme nous l'avons dit (quest. préc. art. 4), et par conséquent il semble que du moment que le baptême a été institué, les hommes étaient obligés de le recevoir. Or, avant la passion du Christ les hommes n'étaient pas obligés au baptême; parce que la circoncision avait encore sa vertu et que le baptême l'a remplacée. Il semble donc que le baptême n'ait pas été institué avant la passion du Christ.

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Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Serm. i Dom. inf. oct. Epiph.) : L'eau a effacé les péchés de tout le monde du moment que le Christ a été baptisé. Or, ce fut avant sa passion. Il semble donc que le baptême ait été institué avant la passion du Christ.


CONCLUSION. — Le baptême, comme sacrement, a été institué dans le baptême du Christ, mais il n'a été nécessaire pour les hommes qu'après sa passion.

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Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. lxii, art. 4), les sacrements doivent à leur institution de conférer la grâce. Par conséquent, il semble qu'un sacrement soit institué au moment où il reçoit la vertu de produire son effet. Or, le baptême a reçu cette vertu quand le Christ a été baptisé. Il a donc été alors véritablement institué comme sacrement (1). Mais la nécessité de faire usage de ce sacrement a été imposée aux hommes après la passion et la résurrection du Christ; soit parce que sa passion a mis un terme aux sacrements figuratifs auxquels le baptême et les autres sacrements de la loi nouvelle ont succédé; soit parce que par le baptême, l'homme est configuré à la passion et à la résurrection du Christ, dans le sens qu'il meurt au péché et commence une vie nouvelle de justice. C'est pourquoi il a fallu que le Christ souffrît et ressuscitât, avant de mettre les hommes dans la nécessité de se rendre conformes à sa mort et à sa résurrection (2).

(1) Lo baptême, pris métaphysiquement, est ainsi ilélini par Je catéchisme du concile de Trente : Instrumentum regenerationis per aquam in verbo.

(2) It est de foi que le baptême a été institué par Jésus-Christ. Mais les théologiens une sont pas d'accord sur le temps où il a été institué. Les uns veulent qu'il ne l'ait été qu'après la résurrection du Christ, quand le ijeigucur dit à ses apôtres : Euntes, docete omnes gentes, baptisantes eos. D'autres veulent que Jésus-Christ l'ait institué quand il dit à Nicodemo : JVt«i quis renatus fuerit (Jean. Iii). It y en a qui croient qu'il l'a établi quand il a envoie ses disciples baptiser ; enfin, d'autres pensent, avec saint Thomas , qu'il l'a institué quand Jean l'a baptisé dans le Jourdain.

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Il faut répondre au premier argument, qu'avant la passion du Christ le baptême tirait d'elle son efficacité dans le sens qu'il la figurait à l'avance, mais cependant d'une autre manière que les sacrements de la loi ancienne; car ceux-ci n'étaient que des figures, tandis que le baptême recevait du Christ lui-même la vertu de justifier, et c'est aussi par sa vertu que sa passion a été salutaire.

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Il faut répondre au second, que les hommes ne devaient pas être restreints à un trop grand nombre de figures par le Christ, qui était venu par la vérité détruire les figures qui étaient accomplies. C'est pourquoi avant sa passion il n'a pas voulu que le baptême qu'il avait institué fût de précepte; mais il a voulu accoutumer les hommes à le pratiquer, surtout en ce qui concerne le peuple juif dont toutes les actions étaient figuratives, selon la remarque de saint Augustin (Cont. Faust, lib. iv, cap. 2). Mais après sa passion et sa résurrection il a fait une nécessité non-seulement aux Juifs, mais encore aux gentils de le recevoir, en disant (Mt 28 Mt 49) : Allez, enseignez toutes les nations.

33 Il faut répondre au troisième, que les sacrements ne sont obligatoires que quand ils sont de précepte : ce qui n'a pas eu lieu avant la passion, comme nous l'avons dit (in corp. art.). Car les paroles que le Seigneur a adressées à Nicodème, en lui disant (Jn 3,5) : Si on ne renaît pas de Veau de l'Esprit-Saint, on ne peut entrer clans le royaume de Dieu, paraissent se rapporter à l'avenir plutôt qu'au présent.



ARTICLE iii. — l'eau est-elle la matière propre du baptême (3)?

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1 Il semble que l'eau ne soit pas la matière propre du baptême. Car le baptême, d'après saint Denis (Hier, coelest. cap. 2) et saint Jean Damascène (Orth. fid. lib. iv, cap. 40), a une puissance illuminative. Or, l'illumination convient surtout au feu. Le baptême doit donc être plutôt produit par le feu (pie par l'eau; surtout puisque Jean Baptiste en annonçant à l'avance le baptême du Christ disait (
Mt 3,11) : Il vous baptisera dans V Esprit- Saint et le feu.

(1) Cette opinion de saint Thomas a été celle de saint Grégoire de Nazianze et de saint Augustin, et le catéchisme du concile de Trente l'a adoptée (De Bapt. sacramento, g ii).

(2) Les théologiens sont aussi très-partagés sur l'époque à laquelle le baptême est devenu obligatoire. Les uns veulent qu'il l'ait été quand Jésus s'est adressé à Nicodème, d'autres pensent qu'il l'a été au jour de la Pentecôte. Mais il nous semble qu'il en est de cette loi comme de toutes les autres ; qu'elle n'a été obligatoire qu'après sa promulgation, et comme cette promulgation a été Bucessivc, elle a été obligatoire pour les uns plutôt que pour les autres.

(3) Les manichéens disaient que l'eau venait du mauvais principe, et que le baptême que l'on conférait par ce moyen était nuisible. Les pauliciens prétendaient qu'il suffisait pour baptiser de prononcer ces paroles : Ego sum aqua viva. Mais il est de foi que l'eau est la matière de ce sacrement. C'est ce qu'ont défini le concile de Florenco et le concile de'Trente: Materia hujus sacramenti est aqua vera et naturalis (Conc. Florent.). Si quis dixerit aquam veram et naturalem non esse de necessitate baptismi... anathema sit (Conc. Trid. sess, vu, can. 2).

2 Le baptême signifie l'ablution des péchés. Or, il y a beaucoup d'autres choses que l'eau qui servent à faire des ablutions, comme le vin, l'huile et d'autres choses semblables. On peut donc baptiser avec toutes ces choses, et par conséquent l'eau n'est pas la matière propre du baptême.

3
Les sacrements de l'Eglise sont sortis du côté du Christ attaché sur la croix, comme nous l'avons dit (quest. lxii, art. 5). Or, il n'en est pas sorti que de l'eau, mais encore du sang. Il semble donc qu'on puisse aussi baptiser avec du sang, ce qui parait mieux s'accorder avec la cause et l'effet du baptême, parce qu'il est dit (Apoc, i, 5) : Il nous a lavés de nos péchés dans son sang.

4
Comme le disent saint Augustin (implic. serm. xxxvi de temp.) et Bède (loc. cit. quest. lxii, art. 4, et hab. in Glossá ord. sup. illud Luc. iii : Jesu baptizato, etc.), le Christ a donné aux eaux leur vertu régénératrice et purgative parle contact de sa chair très-pure. Or, toute l'eau n'est pas continue avec l'eau du Jourdain que la chair du Christ a touchée. Il semble donc que toute eau ne puisse pas conférer le baptême, et que par conséquent l'eau, considérée comme telle, ne soit pas la matière propre du baptême.

b. Si l'eau était par elle-même la matière propre du baptême, il ne faudrait pas qu'on fit quelque autre chose à l'égard de l'eau pour qu'elle servît à baptiser. Or, on exorcise et l'on bénit dans le baptême solennel l'eau qu'on doit employer pour ce sacrement. Il semble donc que l'eau considérée en elle-même ne soit pas la matière propre du baptême.

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Mais c'est le contraire. Le Seigneur dit (Jn 3,5) : Si on ne reliait de l'eau et de V Esprit-Saint, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu.


CONCLUSION. — Puisque le baptême est la régénération de la vie spirituelle et que les propriétés de l'eau conviennent parfaitement à son effet, il est évident que l'eau est la matière propre de ce sacrement.

21 Il faut répondre que, d'après l'institution divine, l'eau est la matière propre du baptême et avec raison : 1° Quant à la nature même du baptême qui est la régénération spirituelle des âmes; ce qui convient surtout à l'eau. Ainsi les semences d'où naissent tous les êtres vivants, tels que les plantes et les animaux, sont humides et appartiennent à l'eau. C'est pour cela qu'il y a des philosophes (1) qui ont dit que l'eau était le principe de toutes les "choses. 2° Quant aux effets du baptême auxquels les propriétés de l'eau conviennent. Car, par son humidité elle lave, et par là elle est convenable pour signifier et produire l'ablution des péchés ; par sa fraîcheur elle tempère l'excès de la chaleur, et par là elle est convenable pour adoucir le foyer de la concupiscence; par sa clarté elle reçoit la lumière, et par conséquent elle convient au baptême, selon qu'il est le sacrement de la foi. 3° Parce qu'elle convient pour représenter les mystères du Christ qui nous justifient. Car, selon la remarque de saint Chrysostome, sur ces paroles (Jean, m : Nisi quis renatus fuerit, etc. hom. xxiv in ) : Lorsque nous nous plongeons la tête dans l'eau comme dans un sépulcre, le vieil homme est enseveli, il disparaît comme s'il avait été submergé, et ensuite le nouvel homme reparait. 4° Parce qu'en raison de ce qu'elle est commune et abondante elle est la matière convenable pour un sacrement qui est nécessaire; car on peut facilement s'en procurer partout.

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Il faut répondre au premier argument, que l'illumination appartient activement au feu (1). Or, celui qui est baptisé ne devient pas un principe d'illumination, mais il est illuminé par la foi qui vient de rouie, selon l'expression de saint Paul (Rm 10). C'est pourquoi l'eau convient mieux au baptême que le feu. Quant à ces paroles : Il vous baptisera dans l'Esprit- Saint et le feu, on peut entendre par là, d'après saint Jérôme (sup. hunc loc. Matth. ), l'Esprit qui a apparu sur les disciples en langues de feu, comme on le voit (Ac 2). Ou bien par le feu on peut entendre la tribulation, comme le dit saint Chrysostome (alius auctor, hom. iii, in op. imper f.), parce que la tribulation efface les péchés et affaiblit la concupiscence. Ou bien parce que, d'après saint Hilaire (Sup. Matth, can. ii), ceux qui ont été baptisés dans l'Esprit-Saint doivent être ensuite consommés par le feu du jugement.

(4) Ces philosophes avaient pour chef Thaïes de Milet.

32 Il faut répondre au second, que le vin (2) et l'huile ne servent pas ordinairement à l'ablution comme l'eau; ils ne purifient pas non plus aussi parfaitement, parce qu'après qu'on en a répandu sur soi il reste une odeur mauvaise, ce qui n'a pas lieu pour l'eau. D'ailleurs l'huile et le vin ne sont pas non plus des choses aussi communes et aussi abondantes que l'eau.

33
Il faut répondre au troisième, que l'eau est sortie du côté du Christ pour nous laver et le sang pour nous racheter. C'est pourquoi le sang convient au sacrement de l'eucharistie et l'eau au sacrement de baptême, quoique ce dernier tire aussi sa puissance puriíicalive de la vertu du sang du Christ.

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Il faut répondre au quatrième, que la vertu du Christ s'est répandue sur toute l'eau, non en raison de la continuité de lieu, mais à cause de la ressemblance d'espèce. D'où saint Augustin dit (Serm. Epiph. xxxvi de temp.) : Cette bénédiction a découlé du baptême du Sauveur, comme un fleuve spirituel, et elle a rempli tous les ruisseaux et toutes les sources qui alimentent toutes les mers.

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Il faut répondre au cinquième, que cette bénédiction qu'on ajoute à l'eau n'est pas nécessaire pour le baptême, mais elle appartient à une solennité qui a pour but d'exciter la dévotion des fidèles et d'empêcher l'astuce du démon d'arrêter l'effet du baptême.             *



ARTICLE iv.— l'eau pure et simple est-elle. nécessaire pour le baptême?

1324
1 Il semble que l'eau pure et simple ne soit pas nécessaire pour le baptême. Car l'eau que nous avons n'est pas de l'eau pure ; ce qui est évident surtout pour l'eau de la mer dans laquelle il se mélange beaucoup de choses terrestres, comme on le voit (Meteor. lib. n, cap. 3). Cependant on peut baptiser avec celte eau. L'eau pure et simple n'est donc pas nécessaire pour le baptême.

2
Dans la célébration solennelle du baptême, on môle le chrême à l'eau. Or, il semble que ce mélange empêche l'eau d'être pure et simple. L'eau pure et simple n'est donc pas nécessaire pour le baptême.

3
L'eau qui a coulé du côté du Christ sur la croix a été le signe du baptême, comme nous l'avons dit (art. préc. ad 3). Or, cette eau ne paraît pas avoir été une eau pure, parce que dans un corps mixte, tel qu'a été celui du Christ, les éléments ne sont pas en acte. Il semble donc que l'eau pure ou simple ne soit pas nécessaire pour le baptême.

(2) Théodore de Bèze a osé avancer que dans le cas de nécessité, si l'on manquait d'eau, on pourrait baptiser avec toute espèce de liqueur.

C llermias prétendait que l'o« ne devait pas baptiser dans l'eau, mais dans le feu.

•i. La lessive ne paraît pas être de l'eau pure; car elle a des propriétés contraires à l'eau, comme celles d'échauffer et de dessécher. Cependant il semble qu'on puisse baptiser avec de la lessive, comme avec les eaux des bains qui passent à travers des mines de soufre, de la même manière que

DES CHOSES QUI APPARTIENNENT AU SACREMENT DE RAPTÊME. 609 la lessive coule à travers les cendres. Il semble donc qu'on n'exige pas de l'eau simple pour le baptême.

S. L'eau de rose se fait en distillant les roses, comme les eaux alchimiques sont produites en distillant d'autres corps. Or, il semble qu'on puisse se servir de ces eaux pour baptiser, comme on se sert des eaux pluviales qui sont produites par la condensation des vapeurs. Par conséquent puisque ces eaux ne sont ni pures, ni simples, il semble que l'eau pure et simple ne soit pas requise pour le baptême.

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Mais c'est le contraire. La matière propre du baptême est l'eau, comme nous l'avons dit(art. préc.). Or, il n'y a que l'eau simple qui soit de l'eau spécifiquement. L'eau pure et simple est donc nécessairement requise pour le baptême.



CONCLUSION. — On peut baptiser avec toute eau changée de quelque manière que ce soit, pourvu que l'espèce de l'eau ne soit pas détruite.

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Il faut répondre que l'eau peut perdre sa pureté et sa simplicité de deux manières : 1° par le mélange d'un autre corps ; 2° par l'altération. Ces deux effets peuvent être produits de deux façons : par l'art et par la nature. Mais l'art est inférieur à l'opération de la nature; parce que la nature donne la forme substantielle, ce que l'art ne peut faire. Toutes les formes artificielles sont donc accidentelles, à moins que l'art n'agisse en appliquant l'agent propre à sa propre matière (1), comme le feu au combustible. C'est ainsi qu'il y en a qui engendrent des animaux par la putréfaction. — Ainsi tout changement que l'art produit à l'égard de l'eau, en la mêlant ou en l'altérant, n'en change pas l'espèce. On peut donc baptiser avec cette eau ; à moins que par l'art on ait mêlé de l'eau à un autre corps en si petite quantité que le composé soit plutôt autre chose que de l'eau; comme la boue est plutôt de la terre que de l'eau, et du vin trempé d'eau est plutôt du vin que de l'eau. Mais le changement qui est produit par la nature détruit quelquefois l'espèce de l'eau. C'est ce qui arrive quand la nature fait sortir de l'eau de la substance d'un corps mixte. Ainsi l'eau changée en la liqueur du raisin devient du vin, et par conséquent elle n'a plus l'espèce de l'eau. D'autres fois cependant la nature change l'eau sans en détruire l'espèce. C'est ce qui résulte d'une altération, comme on le voit à l'égard de l'eau échauffée par le soleil, ou d'un mélange, comme on le remarque au sujet de l'eau trouble d'un fleuve où il y a un mélange de terre. On doit donc dire que l'on peut baptiser avec toute eau qui a subi un changement quelconque, pourvu que l'espèce de l'eau ne soit pas détruite. Mais si on en détruit l'espèce, on ne peut plus s'en servir pour baptiser.

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Il faut répondre au premier argument, que le changement subi par les eaux de la mer (2) et les autres eaux que nous possédons n'est pas si grand qu'il en détruise l'espèce. C'est pourquoi on peut baptiser avec ces différentes eaux.

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Il faut répondre au second, que le mélange du chrême ne détruit pas l'espèce de l'eau, pas plus que la viande ou les autres choses qu'on fait cuire dans l'eau ; à moins que, par hasard, les corps que l'on a fait ainsi infuser ne viennent à se dissoudre en si grande quantité que le liquide renferme plus de substance étrangère qu'il ne contient d'eau; ce qu'on pourrait remarquer à son épaisseur (3). Si cependant de ce liquide on exprimait une eau limpide, on pourrait baptiser avec cette eau, comme on peut le faire avec (le l'eau qui sort de la boue, quoiqu'on ne puisse pas se servir de la boue elle-même pour baptiser.

(í) Dans ce cas, il se sert de la nature elle- même, et c'est par elle qu'il agit.
(2) On peut baptiser avec Je l'eau naturelle, quelle que soit sa qualité, bonne ou mauvaise, chaude ou froide, mais ou ne pourrait le faire avec de la neige ou de la glace avant qu'elle ne soit tondue. Par conséquent, si l'eau des fonts baptismaux était gelée, il faudrait faire fondre la glace avant d'administrer le sacrement.
(5) Dans le cas de nécessité, à défaut d'une eau

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Il faut répondre au troisième, que l'eau qui est sortie du côté du Christ sur la croix n'a pas été une humeur phlegmatique, comme quelques-uns l'ont dit; car on ne peut baptiser avec cette liqueur pas plus qu'on ne peut le faire avec le sang d'un animal, ou avec du vin, ou avec tout autre liquide extrait d'une plante. Mais ce fut de l'eau pure qui sortit miraculeusement de son corps mort, aussi bien que du sang, pour prouver la vérité de sa chair, contre l'erreur des manichéens; afin que par l'eau qui est un des quatre éléments on montrât que le corps du Christ a été véritablement composé des quatre éléments et que par le sang on prouvât qu'il est aussi composé des quatre humeurs.

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Il faut répondre au quatrième, qu'on peut baptiser avec de la lessive et des eaux sulfureuses, parce que ces eaux ne sont pas incorporées par l'art ou la nature à des corps mixtes, mais elles subissent seulement une altération en passant à travers certains corps.

35
Il faut répondre au cinquième, que l'eau de rose est une dissolution de rose ; par conséquent on ne peut pas baptiser avec elle, et pour la même raison on ne le peut pas non plus ni avec des eaux alchimiques (4), ni avec du vin. Il  n'en est pas de même des eaux pluviales qui sont produites pour la plus grande partie par l'élévation des vapeurs d'eau; il n'y a en elles que la moindre partie qui appartienne, à des liqueurs provenant des corps mixtes, et encore sont-elles réduites par la vertu de la nature qui est plus forte que l'art en eau véritable; ce que l'art ne peut faire. Par conséquent l'eau pluviale n'a donc aucune des propriétés du corps mixte, ce qui ne peut pas se dire de l'eau de rose, ni des eaux alchimiques.



ARTICLE V. — cette forme de baptême est-elle convenable : \IJe te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit\i (2) ?

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1 Il semble que cette forme du baptême^ ne soit pas convenable : Je te baptise au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Car on doit plutôt attribuer l'acte à l'agent principal qu'au ministre. Or, dans le sacrement le ministre agit comme l'instrument, ainsi que nous l'avons dit (quest. lxiv, art. 4), tandis que l'agent principal dans le baptême, c'est le Christ, d'après ces paroles (Jean,1, 33) : Celui sur lequel vous verrez l'Esprit-Saint descendre et rester, c'est celui-là qui baptise. C'est donc à tort que le ministre dit : Je te baptise, Ego te baptizo; surtout puisqu'en latin dans le mot baptizo on comprend le mot ego; il était donc inutile de l'ajouter.

2
Il ne faut pas que celui qui exerce un acte fasse mention de l'acte qu'il exerce. Ainsi celui qui enseigne ne doit pas dire : Je vous enseigne. Or, le Seigneur a tout à la fois donné le précepte de baptiser et d'enseigner, d'après ces paroles (Mt 28 Mt 19): Allez, enseignez toutes les nations. Il ne faut donc pas que dans la l'orme du baptême il soit fait mention de l'acte de ce sacrement.

3 Celui qui est baptisé, quelquefois ne comprend pas les paroles, par exemple si c'est un sourd ou un enfant : or, c'est en vain qu'on les lui adresse d'après cette réflexion du Sage (Si 32,6) : Ne multipliez pas vos discours quand personne ne vous écoute. C'est donc à tort qu'on dit : Je te baptise, en adressant directement la parole à celui qui est baptisé.

pure, on peut se servir d'une matière douteuse, mais alors on doit réitérer le baptême sous condition, le plus tôt possible. H) Saint Thomas entend par là les eaux artificielles qu'on obtient par des procédés chimiques.

(2) Paul de Samosate et les cataphrygiens ont prétendu que l'on ne devait pas baptiser au nom de la sainte Trinité. C'est pour ce motif que le concile de Nicée recommande de baptiser ceux qui passent de cette secte dans l'Eglise catholique : Si quis confugerit ad Ecdesiam catholicam de paulinistis et cataphrygis : statutum est rebaplisari eos omnino debere.

4 Il arrive que plusieurs personnes sont baptisées ensemble et par plusieurs autres. Ainsi les apôtres en ont baptisé dans un jour trois mille et dans un autre jour cinq mille, comme on le voit (Ac 2,4). La forme ne doit donc pas être au singulier, et au lieu de dire : Je te baptise, on devrait dire : Nous vous baptisons.

5 Le baptême tire sa vertu de la passion du Christ. Or, le baptême est sanctifié par la forme. Il semble donc qu'il doive être fait mention de la passion du Christ dans la forme de ce sacrement.

6
Le nom désigne la propriété de la chose. Or, les propriétés personnelles des personnes divines sont au nombre de trois, comme nous l'avons dit (part. I, quest. xxxii, art. 3). On ne doit donc pas dire : Au nom du Père et du Fils et de l'Esprit-Saint, mais aux noms.

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La personne du Père n'est pas seulement signifiée par le nom de Père, mais encore par celui d'innascible, de générateur; le Fils est désigné encore par le nom de Verbe, d'image et d'engendré; l'Esprit-Saint peut être désigné par le nom de don, et d'amour qui procède. Il semble donc que le baptême soit valide en faisant aussi usage de ces noms.

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Mais c'est le contraire. Le Seigneur dit (Mt 28 Mt 19) : Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.


CONCLUSION. — Cette forme du baptême est convenable : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, puisqu'elle exprime convenablement la cause du baptême, sa cause principale aussi bien que l'instrumentale.

21 Il faut répondre que le baptême est consacré par sa forme, d'après ces paroles de saint Paul (Ep 5,26) : Purifiant l'Eglise par l'eau où elle est lavée, et par la parole de vie. Saint Augustin dit (De bapt. cont. Donat. lib. iv, cap. 15, et lib. vi, cap. 25) que le baptême est consacré par les paroles de l'Evangile. C'est pourquoi il faut que la forme du baptême en exprime la cause. Or, le baptême a deux sortes de causes : l'une principale d'où il tire sa vertu, c'est la sainte Trinité, et l'autre instrumentale, c'est le ministre qui administre le sacrement extérieurement. C'est pourquoi il faut que dans la forme du baptême il soit fait mention de ces deux causes. On indique le ministre en disant : Je te baptise, et on désigne la cause principale, en ajoutant : Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Par conséquent cette forme du baptême est convenable : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (1).

31 Il faut répondre au premier argument, que l'action est attribuée à l'instrument, comme à ce qui agit immédiatement, et elle est attribuée à l'agent principal comme à celui en vertu duquel l'instrument agit. C'est pourquoi le ministre est convenablement désigné dans la forme du baptême comme exerçant l'acte de ce sacrement, par ces paroles : Je te baptise. C'est ainsi que le Seigneur lui-même attribue aux ministres l'action de baptiser, quand il dit (Mt 28 Mt 19) : Baptisez-les, etc. La cause principale est signifiée comme le principe en vertu duquel le sacrement est produit, par ces paroles : Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Car le Christ ne baptise pas sans le Père et l'Esprit-Saint. Les grecs n'attribuent pas l'acte du baptême aux ministres pour éviter l'erreur des anciens qui attribuaient la vertu du baptême à ceux qui le conféraient, en disant (1Co 1,42) : Pour moi je suis à Paul et moi je suis à Cephas. C'est pourquoi ils disent : Que le serviteur du Christ soit baptisé au nom du Père, etc. (i). Et parce qu'on exprime l'acte exercé par le ministre avec l'invocation de la Trinité, le sacrement est véritablement produit. Quant à l'addition du mot ego qui se trouve dans notre formule, il ne fait pas partie de sa substance, mais il est là pour ajouter à l'expression de l'intention.

(1) Cette formule est essentielle au sacrement: omnino necessaria est, dit le Rituel romain. Et Euêèue IV, daus sou décret pour les armé- nicns, définit que telle est la forme du baptême: Forma autem est : Eyo te baptizo in nomine Patris, et Filii, et Spiritu» sancti.

32 Il faut répondre au second, que l'ablution de l'homme par l'eau peut être faite pour plusieurs motifs,' et c'est pour cela qu'il faut qu'on détermine d'après les paroles dont se compose la forme pourquoi on la fait. Ainsi il ne suffit pas de dire : Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; parce que nous devons tout faire en ce nom, comme on le voit (Col 3). C'est pourquoi si l'on n'exprime pas l'acte du baptême soit à notre manière, soit à celle des grecs, le sacrement n'est pas valide, d'après cette décrétale d'Alexandre III (hab. cap. Si quis deBapt. et ejus effect.) : Si quelqu'un a plongé trois fois un enfant dans l'eau au nom du Père, et du Fils, et du Saint- Esprit, ainsi soit-il, et qu'il n'ait pas dit : Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, ainsi soit-il; l'enfant n'a pas été baptisé.

33 Il faut répondre au troisième, que les paroles qu'on prononce dans les formes des sacrements ne sont pas seulement prononcées pour signifier cet effet, mais encore pour le produire, dans le sens qu'elles tirent leur efficacité du Verbe par lequel tout a été fait. C'est pourquoi il est convenable qu'elles soient adressées non-seulement aux hommes qui ne les comprennent pas, mais encore aux créatures insensibles, comme quand on dit : Je V exorcise, sel, toi qui es une créature.

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Il faut répondre au quatrième, que plusieurs individus ne peuvent pas simultanément en baptiser un seul; parce que l'acte se multiplie selon le nombre des agents, quand chacun d'eux l'accomplit parfaitement. Par conséquent si deux hommes se réunissaient, dont l'un fût muet et incapable de prononcer les paroles, et l'autre privé de l'usage de ses mains, de manière qu'il ne pût pas exercer l'acte du baptême, ils ne pourraient pas baptiser tous les deux en même temps ; l'un prononçant les paroles, et l'autre exécutant l'acte du sacrement. Mais si la nécessité l'exige, on peut baptiser plusieurs personnes ensemble, parce que chacune d'elles ne recevrait toujours qu'un seul sacrement. Mais alors il faudrait dire : Je vous baptise, ce qui ne change nullement la forme, parce que le mot vous n'est rien autre chose que toi et toi. Mais quand on dit nous ce n'est pas la même chose que de dire, moi et moi, mais c'est comme s'il y avait moi et vous, et par conséquent la forme serait changée. De même elle serait aussi changée, si l'on disait : Je me baptise. C'est pourquoi personne ne peut se baptiser soi-même. C'est pour cela que le Christ a voulu être baptisé par Jean, comme il est dit (extrà De baptismo et ejus effectu, cap. Debitum).

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Il faut répondre au cinquième, que la passion du Christ, quoiqu'elle soit cause principale par rapport au ministre, est cependant cause instrumentale par rapport à la sainte Trinité. C'est pourquoi on rappelle plutôt la Trinité que la passion du Christ.

lii, et Spiritus sancti, vel : Baptizatur manibus meis talis, in nomine Patris, et Filii, et Spiritus sancti.

(1) Eugène IV reconnaît expressément la validité de cette formule. Car il ajoute : JSon tamen negamus quin et per illa verba : Baptizatur talis servus Christi in nomine Patris, et Fi

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Il faut répondre au sixième, que quoiqu'il y ait trois noms personnels pour les trois personnes, il n'y a cependant qu'un nom essentiel. Et comme la vertu divine qui opère dans le baptême appartient à l'essence, on dit pour cela au nom et non pas aux noms.

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Il faut répondre au septième, que, comme l'eau est employée pour le baptême, parce que c'est la chose dont on se sert le plus communément pour purifier ; de même pour signifier les trois personnes on emploie dans la forme du baptême les noms-sous lesquels on a coutume de les désigner le plus souvent dans cette langue, et le sacrement ne serait pas valide si on en employait d'autres (1).




III Pars (Drioux 1852) 1304