III Pars (Drioux 1852) 1326

ARTICLE vi. - peut-on conférer le baptême au nom du christ (2)?

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1 Il semble qu'on puisse baptiser au nom du Christ. Car, comme la foi est une, de même le baptême est un, d'après saint Paul (
Ep 4). Or, il est dit (Ac 8,12) qu'cm baptisait les hommes et les femmes au nom du Christ. On peut donc encore maintenant baptiser en son nom.

2 Saint Ambroise dit (De Spir. sancto, lib. i, cap. 3) : En nommant le Christ vous désignez le Père qui Ta oint, le Fils qui a été oint et le Saint- Esprit dont il a été oint. Or, on peut baptiser au nom de la Trinité. On peut donc le faire aussi au nom du Christ.

3
Le pape Nicolas 1er, répondant à une consultation des Bulgares, dit (cap. 104, et hab. cap. A quodam, De consecrat, dist. 4): Ceux qui ont été baptisés au nom de la sainte Trinité ou seulement au nom du Christ, comme on le dit dans les Actes des apôtres, ne doivent pas être rebaptisés (car c'est une seule et même chose, comme le dit saint Ambroise).Or, on les rebaptiserait si ceux qui sont baptisés sous cette forme ne recevaient pas le sacrement. On peut donc conférer le baptême au nom du Christ sous cette forme : Je te baptise au nom du Christ.

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Mais c'est le contraire. Le pape Pélage écrit à l'évêque Gaudence (ut hab. cap. Si revera, De consecrat, dist. iv) : S'il y a des personnes habitant dans votre voisinage qui disent qu'elles n'ont été baptisées qu'au nom du Seigneur, il n'y a pas le moindre doute que quand elles viennent à la foi catholique vous devez les baptiser au nom de la sainte Trinité. Didyme dit aussi (De Spir. sanct. lib. ii) : Quoiqu'on puisse avoir le coeur assez dur et l'esprit assez profondément égaré pour vouloir baptiser en omettant l'un de ces noms (c'est-à-dire l'un des noms des trois personnes), néanmoins le baptême n'est pas valide.


CONCLUSION. — Puisque le Christ a établi le sacrement du baptême au nom de la Trinité, il s'ensuit que l'intégrité de ce sacrement est détruite, s'il manque quelque chose qui appartienne à la pleine invocation de la Trinité.

(2) Les hérétiques modernes, tout en conservant la forme reçue dans l'Eglise catholique, prétendent qu'elle n'est pas nécessaire, mais il est de foi qu'elle est absolument essentielle pour la validité du sacrement.
(I) Saint Thomas et les thomistes, Seot et les scotistes, Estius, Sylvius, Suarez et la plupart des théologiens pensent, contre Cajétan et quelques autres, que le baptême ne serait pas valide, s'il était conféré avec cette formule : In nomine Genitoris, et Geniti, et Procedentis ab utroque.

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Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. 2 huj. quaest.), les sacrements tirent leur efficacité de l'institution du Christ. C'est pourquoi si l'on omet quelques-unes des choses que le Christ a instituées à l'égard d'un sacrement, ce que l'on fait est sans efficacité, sinon par la dispense spéciale de celui qui n'a pas enchaîné sa puissance aux sacrements. Le Christ ayant établi que le sacrement de baptême s'administrerait au nom de la Trinité, il s'ensuit que s'il manque quelque chose à l'invocation pleine de la Trinité, l'intégrité du baptême est détruite. Peu importe d'ailleurs que dans le nom d'une personne on en comprenne une autre (comme on comprend le Fils dans le nom du Père), ou que celui qui ne nomme qu'une personne puisse avoir la foi véritable dans les trois. Car comme il faut pour le sacrement une matière sensible, de même il faut aussi une forme sensible. Par conséquent l'intelligence de la Trinité ou la foi en ce mystère ne suffit pas pour la perfection du sacrement, à moins qu'on exprime la Trinité par des paroles sensibles. C'est pour cela que dans le baptême du Christ, qui a été l'origine de la sanctification du nôtre, la Trinité s'est montrée sous des signes sensibles ; le Père dans la voix, le Fils dans la nature humaine, et l'Esprit-Saint dans la colombe.

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Il faut répondre au premier argument, que d'après une révélation spéciale du Christ, les apôtres baptisaient en son nom dans la primitive Eglise (1), de manière que le nom du Christ, qui était odieux aux Juifs et aux gentils, fût rendu honorable, par là même qu'en l'invoquant on recevait l'Esprit- Saint dans le baptême.

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Il faut répondre au second, que saint Ambroise donne la raison pour laquelle cette dispense a pu être convenablement accordée dans l'Eglise primitive, et il dit que c'est parce que sous le nom du Christ on entend la Trinité tout entière. C'est pourquoi on observait au moins pour l'intégrité du sens la forme que le Christ a donnée dans l'Evangile.

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Il faut répondre, au troisième, que le pape Nicolas appuie sa réponse des deux raisons que nous venons de donner. C'est pourquoi sa réponse est évidente d'après la solution des deux premiers arguments.



ARTICLE vii. — l'immersion dans l'eau est-elle nécessaire au baptême (2)?

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1 Il semble que l'immersion dans l'eau soit nécessaire au baptême. Car, comme le dit saint Paul (
Ep 4, S) : Il n'y a qu'une foi, qu'un baptême. Or, il y a une foule de pays où l'on admet communément le baptême par immersion. Il semble donc qu'on ne puisse pas baptiser sans cela.

2 Saint Paul dit (Rm 4,3) : Ne savez-vous pas que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort? Car nous avons été ensevelis avec lui par le baptême pour mourir au péché. Or, c'est ce qui se fait par l'immersion, car saint Chrysostome dit (Hom. xxiv, sup. illud Jn 3, Nisi quis renatus fuerit ex aqua) que quand nous sommes plongés la tête dans l'eau, comme dans un sépulcre, alors le vieil homme est enseveli et se trouve en quelque sorte caché au fond de la piscine, puis l'homme nouveau reparaît. Il semble donc que l'immersion soit nécessaire au baptême.

3 Si l'on pouvait baptiser sans immerger le corps entier, il s'ensuivrait que pour la même raison il suffirait de répandre de l'eau sur une partie quelconque du corps. Or, ceci paraît répugner, parce que le péché originel contre lequel principalement le baptême est établi, n'existe pas que dans une partie du corps. Il  semble donc qu'il faille l'immersion pour le baptême et que l'aspersion seule ne suffise pas.

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Mais c'est le contraire. Saint Paul dit (He 10,22) : Approchons-nous de lui avec un coeur vraiment sincère et avec une pleine foi, ayant le coeur purifié des souillures de la mauvaise conscience par une aspersion intérieure, ayant lavé notre corps dans Veau pure.

(t) Les théologiens sont partages à ce sujet. Albert le Grand, Scot, Richard, Paludan, Durand, Sylvestre,Turrecremata, Lyrau, Gonct et une foule d'autres, supposent, avec saint Thomas, que les apôtres ont fait usage de cette formule par une dispense spéciale de Dieu ; mais Estius, Suarez, Masquez, Noël Alexandre, Jouvin, Tournély, Bcrti| et une foule d'autres, pensent le contraire.
(2) Le baptême peut être conféré par infusion, par immersion et par aspersion. On baptise par infusion quand on verse de l'eau sur la personne qu'on baptise ; par immersion, quand on plonge le corps dans l'eau baptismale; par aspersion, lorsqu'on jette de l'eau sur le corps de celui qui reçoit le baptême.


CONCLUSION. — Puisque dans le baptême on emploie l'eau pour faire au corps une ablution, on peut conférer le baptême, non-seulement par immersion, mais encore en aspirant ou en répandant l'eau; cependant il est plus sûr, puisque c'est l'usage le plus commun, de baptiser par immersion.

21 Il faut répondre qu'on emploie l'eau dans le sacrement de baptême pour l'ablution du corps, qui signifie la purification intérieure des péchés. Or, l'ablution peut être produite par l'eau, non-seulement par l'immersion, mais encore par l'aspersion ou l'infusion. C'est pour cette raison que quoiqu'il soit plus sûr de baptiser par immersion (parce que cet usage est plus commun) (1), cependant on peut baptiser par aspersion ou par infusion (2), d'après ces paroles (Ez 36,25) : Je répandrai sur vous une eau pure. C'est ainsi que l'histoire nous apprend que saint Laurent a baptisé. On doit le faire surtout quand il y a nécessité, parce que la multitude de ceux qui doivent être baptisés est très-grande, comme on le voit d'après les Actes des apôtres (Ac 2 et 4), où il est dit qu'il y en eut trois mille qui se convertirent dans un jour et cinq mille dans un autre. D'autres fois la nécessité peut être aussi imminente, parce qu'on n'a pas d'eau ou à cause de la faiblesse de celui qui doit être baptisé, et que l'immersion peut exposer au danger de mort. C'est pourquoi il faut dire que l'immersion n'est pas nécessaire au baptême.

31 Il faut répondre au premier argument, que ce qui existe par accident ne change pas la substance de la chose. Or, le baptême exige absolument l'ablution corporelle au moyen de l'eau; c'est pour cela qu'on appelle le baptême un bain d'après ces paroles de saint Paul (Ep 5,25) : la purifiant dans le bain où elle est lavée et par la parole de vie. Mais qu'on fasse l'ablution de telle ou telle manière, ce n'est pour le baptême qu'un accident, et c'est pour cela que cette diversité ne détruit pas l'unité du baptême.

32 Il faut répondre au second que l'immersion figure plus expressément la sépulture du Christ; c'est pourquoi cette manière de baptiser est plus commune et plus louable (3). On la représente aussi d'une certaine façon dans les autres manières de baptiser, quoiqu'on ne le fasse pas aussi vivement; car de quelque façon que se fasse l'ablution, le corps de l'homme ou l'une de ses parties est couverte d'eau (-4), comme le corps du Christ a été couvert de terre.

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Il faut répondre au troisième, que la partie principale du corps, surtout par rapport aux membres extérieurs, c'est la tête, où résident dans toute leur vigueur les sens intérieurs et extérieurs. C'est pourquoi si tout le corps ne peut pas être couvert d'eau, parce qu'on en a peu ou pour tout autre motif, il faut la répandre sur la tête (5), où se manifeste le principe de la vie animale. Et quoique le péché originel soit transmis par les membres qui servent à la génération, cependant ces membres ne doivent pas être aspergés plutôt que la tête. Car le baptême n'efface pas la transmission originelle qui se fait dans l'enfant par l'acte de la génération, mais il délivre l'âme de la tâche et de la peine qu'elle a encourue par suite du péché. C'est pourquoi on doit principalement laver la partie du corps où se manifestent les opérations de l'âme. Sous la loi ancienne, le remède établi contre le péché originel portait sur le membre de la génération, parce que celui qui devait effacer ce péché devait naître du sang d'Abraham, dont la foi avait pour signe la circoncision, comme le dit saint Paul (Rm 4).

(1) Jusqu'au xii» siède, on baptisait le plus souvent par immersion. Ainsi saint Thomas, qui est mort en 1274, nous dit que de son temps cet usage était encore le plus suivi. Mais, après le xiiie siède, dans toute l'Eglise latine on a baptisé presque universellement par infusion.
(2) Il est de foi que le baptême par infusion est valide, contrairement au sentiment des grecs,qui ont prétendu , après le concile de Florence, que l'Eglise romaine avait failli en abandonnant le baptême par immersion. Le concile de Trente a ainsi condamné tous ceux qui attaquent le baptême, tel qu'il est conféré par l'Eglise romaine :

Si quis dixerit, in Ecdesid romand, quae omnium Ecdesiarum mater est et magistra, non esse veram de Baptismi sacramento doctrinam; anathema sit.

(5) Quand on baptise par aspersion, il faut que l'eau touche le corps même de celui qui est baptisé; autrement il n'y aurait pas de sacrement.
(4) Cependant, sous d'autres rapports, le baptême par infusion est préférable.
(5) Si l'on n'a pas versé l'eau sur la tête, il y a quelque doute sur la validité du sacrement, et saint Liguori dit qu'on doit recommencer le baptême sous condition : Quisquis alibi quam in



ARTICLE viii. — la triple immersion est-elle nécessaire au baptême (1)?

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1 Il semble que la triple immersion soit nécessaire au baptême. Car saint Augustin dit (Hom. ii ad neophyt. ut refertur in Decr. dist. iv De consecrat, cap. Postquam) : C'est avec raison qu'on vous a plongés dans l'eau trois fois, vous qui avez reçu le baptême au nom de la sainte Trinité; c'est avec raison qu'on vous a plongés dans l'eau trois fois, vous qui avez reçu le baptême au nom de Jésus-Christ qui est ressuscité d'entre les morts le troisième jour; car cette triple immersion est une image de la sépulture du Seigneur, et vous montre que vous avez été ensevelis avec lui dans le baptême. Or, il semble nécessaire au baptême qu'on représente dans ce sacrement la trinité des personnes et que l'on soit configuré à la sépulture du Christ. Il semble donc que triple immersion soit nécessaire au baptême.

2
Les sacrements tirent leur efficacité de l'ordre du Christ. Or, il a commandé la triple immersion ; car le pape Pélage écrit à l'évoque Gaudence (et hab. cap. Multi sunt, De consecrat, dist. iv) : Le précepte de l'Evangile que nous a transmis Jésus-Christ, notre Dieu et notre Sauveur, nous avertit d'administrer le baptême à chacun par une triple immersion au nom de la Trinité. Par conséquent, commode est nécessaire au baptême qu'on baptise au nom de la Trinité; de même il paraît être également nécessaire qu'on baptise par une triple immersion.

3
Si la triple immersion n'est pas nécessaire au baptême, le baptême est donc conféré à la première. Par conséquent, en ajoutant la seconde ou la troisième, il semble qu'on baptise une seconde ou une troisième fois ; ce qui répugne. Une seule immersion ne suffit donc pas pour le sacrement de baptême; mais il semble qu'il en faille nécessairement trois.

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Mais c'est le contraire. Saint Grégoire, écrivant à l'évêque Léandre, dit (Regist. lib. i, epist. 41) : Qu'il ne peut être blâmable d'aucune manière de plonger l'enfant, dans le baptême, trois fois ou une seule fois; parce que par les trois immersions on désigne la trinité des personnes, et par une seule l'unité de l'essence divine.


CONCLUSION. — On peut licitement conférer le baptême, quant à sa nature, par une seule ou une triple immersion ; l'Eglise a autrefois établi pour des causes différentes ces deux manières de baptiser; mais maintenant,on ne baptiserait pas sans péché si 1 on ne faisait les trois immersions.

capite baptizatus fuerit, rebaptizandus est sub conditione (lib. Vi, n° 107).

(1) Du temps de saint Thomas, cette triple immersion était de nécessité de précepte. Actuellement qu'on baptise par infusion, l'Eglise prescrit «le verser trois fois l'eau, en formant chaque fois le signe de la croix, d'après cette formule du Rituel romain : N. ego te baptizo in nomine Patris f (fundat primo), et Filii f (fundat secundo;, et Spiritîis sancti f (fundat tertio). Dans le cas de nécessité, lorsqu'on baptise sans les cérémonies de l'Eglise, on peut ne verser qu'une seule fois.

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Il faut répondre que, comme nous l'avons dit(art. préc. ad -1), le baptême requiert absolument l'ablution de l'eau qui est nécessaire au sacrement; mais le mode de l'ablution n'est par rapport à lui qu'accidentel. C'est pourquoi, comme on le voit d'après l'autorité de saint Grégoire (toc. cit.), il est en soi permis de baptiser de ces deux manières. On peut ne faire qu'une seule immersion ou en faire trois; parce qu'une seule immersion signifie l'unité de la mort du Christ et l'unité de la divinité, et la triple immersion montre les trois jours que le Christ est resté dans le tombeau et la trinité des personnes. — Mais pour des causes différentes l'Eglise a prescrit de baptiser tantôt d'une manière et tantôt de l'autre. Car dans le commencement de l'Eglise naissante, quelques hérétiques (1) ayant de mauvais sentiments à l'égard de la Trinité, et pensant que le Christ n'était qu'un homme, qu'on ne l'appelait Fils de Dieu et Dieu qu'à cause de ses mérites qui ont principalement existé dans sa mort, ils ne baptisaient pas pour ce motif au nom de la Trinité, mais ils le faisaient en mémoire de la mort du Christ et par une seule immersion ; ce qui a été condamné dans l'Eglise primitive. C'est pourquoi il est dit dans les canons des apôtres (can. xlix, et hab. cap. 69 De consecrat, dist. iv) : Si un prêtre ou un évêque n'observe pas la triple immersion, mais qu'il ne plonge qu'une fois pour le baptême que quelques-uns confèrent dans la mort du Seigneur, qu'il soit déposé. Car le Seigneur ne nous a pas dit : Baptisez en ma mort, mais au nom du Père, du Fils et de V Esprit-Saint. Plus lard est venue l'erreur des schisma tiques et des hérétiques qui rebaptisaient, comme saint Augustin le raconte des donatistes (Sup. Jean, tract, xi, et Lib. de hxres. haeres. lxix). C'est pourquoi, en signe de l'horreur qu'inspirait leur erreur, il a été décidé (Concil. Tolet. iv, can. 6, et hab. cap. 85 De consecr. dist. iv) qu'on ne ferait plus qu'une seule immersion (2). Ainsi il est dit : Pour éviter le scandale du schisme ou pour ne pas suivre l'usage des hérétiques, bornons-nous à ne faire en baptisant qu'une seule immersion. Celte cause ayant cessé, on observe ordinairement dans le baptême les trois immersions. C'est pourquoi on pécherait grièvement en baptisant autrement, parce qu'on n'observerait pas le rite de l'Eglise, mais le baptême n'en serait pas moins valide.

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Il faut répondre au premier argument, que la Trinité est comme l'agent principal dans le baptême. Or, la ressemblance de l'agent parvient à l'effet selon la forme et non selon la matière. C'est pourquoi les paroles de la forme signifient la Trinité dans le baptême (3), et il n'est pas nécessaire que l'usage qu'on fait de la matière la signifie encore; seulement cela ajoute à son expression. De même la mort du Christ est suffisamment représentée par une immersion unique. Il n'est pas nécessaire au salut qu'on représente encore les trois jours qu'il est resté dans le sépulere ; parce que quand même il n'aurait été enseveli ou mort que pendant un jour, c'eût été assez pour consommer notre rédemption. Les trois jours n'ont eu pour but que de manifester la vérité de sa mort, comme nous l'avons dit (quest. li , art. 4, et quest. liii , art. 2). C'est pour cela qu'il est évident que la triple immersion n'est nécessaire au sacrement ni de la part de la Trinité, ni de la part de la passion du Christ.

(I) Ces hérétiques étaient les eunoméens, qui étaient ariens.
(2)i Les ariens qui se trouvaient eu Espagne croyaient que dans la Trinité il y avait trois natures distinctes, et en signe de cette erreur, ils baptisaient par une triple immersion.

(3) La trinité des personnes est désignée par leur nom qu'on prononce, et l'unité d'essence par le mot in nomine, qui est pour ce motif au singulier.

32
Il faut répondre au second, que le pape Pélage comprend que la triple immersion a été commandée par le Christ (1) par analogie, c'est-à-dire parce que le Christ a ordonné le baptême au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Cependant on ne doit pas raisonner de même sur la forme et sur l'usage de la matière, comme nous l'avons dit (in sol. praec. ).

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Il faut répondre au troisième, que, comme nous l'avons dit (quest. lxiv, art. 8), l'intention est requise pour le baptême. C'est pourquoi, d'après l'intention du ministre de l'Eglise qui se propose de ne donner qu'un baptême par une triple immersion, il n'y a qu'un baptême en réalité. C'est ce qui fait dire à saint Jérôme ( Ephes. sup. illud cap. 4: Unus Dominus, etc.) : Quoique on baptise trois fois, c'est-à-dire qu'on fasse une triple immersion, à cause du mystère de la Trinité, cependant on ne veut conférer qu'un baptême. Mais si l'on avait l'intention de conférer un baptême à chaque immersion et qu'on répétât à chaque fois les paroles de la forme, on pécherait, en baptisant ainsi plusieurs fois, autant qu'il est en soi.



ARTICLE ix. — peut-on réitérer le baptême (2)?

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1 Il semble qu'on puisse réitérer le baptême. Car le baptême paraît établi pour effacer les péchés. Or, on retombe dans le péché. A plus forte raison doit-on recommencer le baptême -, parce que la miséricorde du Christ surpasse les fautes de l'homme.

2
Jean Baptiste a été loué par le Christ plus que tous les autres, puisqu'il a dit de lui (Mt 11,11) : Que parmi les enfants des hommes, il n'y en a pas eu de plus grand que Jean Bajfciste. Or, ceux que Jean a baptisés l'étaient de nouveau, comme on le voit (Jet. xix), où il est dit que Paul baptisait ceux qui avaient reçu le baptême de Jean. A plus forte raison doit-on rebaptiser ceux qui ont été baptisés par les hérétiques ou les pécheurs.

3 Le concile de Nicée a décidé (can. 19) que si des pauliens ou des cata- phrygiens reviennent à l'Eglise catholique, on doit les rebaptiser absolument. Or, il semble qu'il en soit de même des autres hérétiques. Par conséquent ceux que les hérétiques baptisent doivent être rebaptisés.

4
Le baptême est nécessaire au salut. Or, quelquefois à l'égard de ceux qui ont reçu le baptême, on doute qu'il ait été valide. Il semble donc qu'on doive les baptiser de nouveau.

5
L'eucharistie est un sacrement plus parfait que le baptême, comme nous l'avons dit (quest. préc. art. 3). Or, le sacrement de l'eucharistie se réitère. Il semble donc qu'à plus forte raison on puisse réitérer le baptême.

20
Mais c'est le contraire. Saint Paul dit (Ep 4,5) : Il n'y a qu'une foi, qu'un baptême.


CONCLUSION. — Puisque le baptême est une régénération spirituelle de l'âme par laquelle nous reproduisons en nous l'image de la mort du Christ et qui est employée pour nous guérir du péché originel, on ne peut le recommencer d'aucune manière.

(1) Elle ne l'a pas été expressément, puisqu'on ne voit rien de semblable dans l'Ecriture, et que d'ailleurs, les trois manières de baptiser que nous avons déterminées paraissent avoir été de tout temps en usage dans l'Eglise ; seulement l'une l'a emporté sur les autres, suivant les différentes époques.
(2) Cet ARTICLE est une réfutation de l'erreur des anabaptistes, qui prétendent qu'on doit rebaptiser ceux qui l'ont été dans leur enfance ou qui, après l'avoir été, se sont écartés de la vraie foi. Cette erreur a été condamnée par le concile de Florence et par le concile de Trente: Si quis dixerit, verum et ritè collatum Baptismum iterandum esse illi qui apud infideles fideli Christi negaverit, cum ad poenitentiam convertitur; anathema sit.

4 Il faut répondre que le baptême ne peut pas être réitéré : 1° Parce que le

baptême est une régénération spirituelle, dans le sens qu'on meurt à la vie ancienne et qu'on commence à mener une vie nouvelle. C'est ce qui fait dire au Seigneur (
Jn 3,5) : Si on ne renaît de V Esprit-Saint, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Or, il n'y a pour un individu qu'une seule génération. C'est pourquoi le baptême ne peut pas plus être renouvelé que la génération charnelle. C'est ce qui fait dire à saint Augustin sur ces paroles de saint Jean (Jn 5) : l’homme peut-il entrer de nouveau dans le sein de sa mère et renaître? (Tract, xi in ): Ainsi comprenez la naissance de l'esprit, comme Nicodème a compris la naissance de la chair; car comme on ne peut rentrer dans le sein de sa mère, de même on ne peut être baptisé de nouveau. — 2° Parce que nous sommes baptisés dans la mort du Christ par laquelle nous mourons au péché et nous ressuscitons à une vie nouvelle. Le Christ n'étant mort qu'une fois, il s'ensuit que le baptême ne doit pas être réitéré. C'est pour cela que saint Paul dit à ceux qui voulaient se faire rebaptiser (He 6,6) : Qu'ils crucifient de nouveau le Fils de Dieu en eux-mêmes, ce qui fait dire à la glose (ord. sup. illud: Renovari rursus) : La mort unique du Christ n'a consacré qu'un seul baptême. — 3° Parce que le baptême imprime un caractère qui est indélébile et qu'il est accompagné d'une certaine consécration. C'est pourquoi comme on ne réitère pas dans l'Eglise les autres consécrations, de même on ne réitère pas non plus le baptême. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (Cont. ep. Parmen. lib. n, cap. 43) que le caractère militaire n'est pas réitéré, et que le sacrement du Christ n'est pas moins durable que ce signe corporel; puisque nous voyons que les apostats ne perdent pas le caractère du baptême et qu'on n'est pas obligé de le leur conférer de nouveau quand ils reviennent par la pénitence. 4° Parce qu'on baptise principalement pour effacer le péché originel. C'est pourquoi, comme on ne retombe pas dans le péché originel, de même on ne réitère pas non plus le baptême. Car, selon la pensée de saint Paul (Rm 5,18) : Comme par le péché d'un seul tous les hommes sont tombés dans la condamnation, ainsi par la justice d'un seul tous les hommes reçoivent la justification que donne la vie (1).

31 Il faut répondre au premier argument, que le baptême opère en vertu de la passion du Christ, comme nous l'avons dit (art. 2 huj. quaest.). C'est pourquoi comme les péchés subséquents ne détruisent pas la vertu de la passion du Christ, de même ils ne détruisent pas non plus le baptême de manière qu'il soit nécessaire de le réitérer. Mais la pénitence survenant, le péché qui empêchait l'effet du baptême est effacé.

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Il faut répondre au second, que, comme le dit saint Augustin (super illud Jean, i : Sed ego nesciebam eum, Tract, v in ) : Après Jean on a baptisé, après un homicide on ne l'eût pas fait ; parce que Jean a conféré son baptême et qu'un homicide eût conféré lebaptêmedu Christ. Ce sacrement est si saint que même quand un homicide l'administre il n'est pas souillé.

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Il faut répondre au troisième, que les pauliens et les cataphrygiens ne baptisaient pas au nom de la Trinité. D'où saint Grégoire dit dans la lettre qu'il écrivit à l'évêque Quirin (Regist. lib. ix, epist. 61) : Les hérétiques qui ne sont point baptisés au nom de la Trinité, comme les bonosiens et les cataphrygiens ( qui étaient du même sentiment que les pauliens ) parce qu'ils ne croient pas que le Christ est Dieu, le considérant comme un simple mortel, et parce qu'ils croient (et telle est l'opinion des cataphrygiens) que l'Esprit-Saint est un homme pervers, le confondant avec Montan ; on les baptise quand ils viennent dans le sein de la véritable Eglise, parce qu'ils n'ont pas reçu le baptême, l'erreur dans laquelle ils se trouvaient plongés les ayant empêchés de le recevoir au nom de la sainte Trinité. Mais, comme le dit Gennade (Lib. de ecdesiast. dogm. cap. 52) : Si parmi ces hérétiques il y en a qui aient été baptisés au nom de la sainte Trinité, quand ils reviennent à la foi catholique, on doit les recevoir comme ayant reçu véritablement le baptême.

(i) Il y a sacrilège à réitérer le baptême, quand 0n n'a point de raison de douter de sa validité, et on encourrait même dans ce cas l'irrégularité.

34
Il faut répondre au quatrième, que, comme le dit le pape Alexandre III (Decret. quae hab. cap. De quibus ii, De Bapt. et de ejus effect.), à l'égard de ceux dont le baptême est douteux, il faut qu'on les baptise, en employant préalablement ces paroles : Si tu es baptisé, je ne te baptise pas; mais si tu ne Vas pas encore été, je te baptise, etc. Car il ne semble pas qu'on réitère une chose qu'on ne sait pas avoir été faite.

35
Il faut répondre au cinquième, que ces deux sacrements, celui du baptême et celui de l’eucharistie, représentent la mort et la passion du Seigneur, mais d'une manière différente. Car, dans le baptême, on rappelle la mort du Christ, dans le sens que l'homme meurt avec lui, pour être régénéré dans une vie nouvelle, au lieu que dans le sacrement de l'eucharistie on rappelle la mort du Christ, selon que le Christ, qui a souffert, nous est présenté comme le festin de la Pâque, d'après ces paroles de saint Paul (1Co 5,7) : Le Christ, notre Pâque, a été immolé; c'est pourquoi prenons part à ce festin. Et comme l'homme ne naît qu'une fois, tandis qu'il fait une foule de repas, de même J e baptême ne s'administre qu'une fois, tandis qu'on reçoit une multitude de fois l'eucharistie.



ARTICLE x. — le rite dont l'église se sert pour baptiser est-il convenable (1)?

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1 Il semble que le rite dont l'Eglise se sert pour baptiser ne soit pas convenable. Car, comme le dit saint Chrysostome (hab. in Fragment. Chromatii in Biblioth. PP. et cap. 10, De consecrat, dist. 4), jamais l'eau du baptême ne pourrait effacer les péchés de ceux qui croient, si elle n'avait été sanctifiée par le contact du corps du Seigneur. Or, ce fait a eu lieu dans le baptême du Christ, qu'on célèbre dans la fête de l'Epiphanie. On devrait donc plutôt célébrer le baptême solennel dans la fête de l'Epiphanie, que la veille de Pâques et la veille de la Pentecôte.

2
Il ne semble pas que, pour le même sacrement, on doive faire usage de différentes matières. Or, l'ablution de l'eau appartient au baptême. C'est donc à tort qu'on oint deux fois de l'huile sainte celui qui est baptisé, l'une sur la poitrine et l'autre entre les épaules, et qu'en troisième lieu on l'oint, avec le saint chrême, sur le sommet de la tête.

3
En Jésus-Christ il n'y a ni homme, ni femme, ni barbare, ni Scythe (Col 3,11), et pour la même raison il n'y a aucune autre distinction. La différence des habits est donc encore beaucoup moins importante quand il s'agit de la foi du Christ, et, par conséquent, c'est à tort qu'on met un vêtement blanc à ceux qu'on baptise.

4 On peut conférer le baptême sans observer ces choses. Toutes les paroles que l'on dit paraissent donc superflues, et, par conséquent, c'est à tort que l'Eglise les a instituées dans le rite du baptême.

(1) Calvin et les autres novateurs ayant osé attaquer les cérémonies avec lesquelles l'Eglise confère les sacrements, le concile de Trente les a ainsi condamnées (Sess, de sacr. can. Áo):Si quis dixerit, receptos et approbatos Ecdesiae catholicae ritus in solemni sacramentorum administratione adhiberi consentos, aut contemni, aut sine peccato à ministris pro libito omitti, aut in novos alios per quemcumque Ecdesiarum pastorem mutari posse, anathema sit.

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Mais c'est le contraire. Car l'Eglise est régie par l'Esprit-Saint, et par là même elle ne fait rien de déréglé.


CONCLUSION. — Tout ce que l'Eglise observe dans le rite du baptême pour ajouter a sa solennité a été convenablement institué pour instruire les fidèles, exciter leur dévotion et comprimer la violence des démons.

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Il faut répondre que dans le sacrement de baptême on fait quelque chose  qui est nécessaire au sacrement, et quelque chose qui appartient à sa solennité. Ce qui est nécessaire au sacrement, c'est d'abord la forme, qui en désigne la cause principale, et ensuite le ministre, qui en est la cause instrumentale, et enfin la matière qu'on emploie, qui consiste dans l'ablution, qui en désigne le principal effet. — Toutes les autres choses que l'Eglise observe dans le rite du baptême appartiennent plutôt à la solennité de ce sacrement. On les emploie quand on l'administre pour trois motifs : 4° Pour exciter la dévotion des fidèles et leur respect envers le sacrement. Car si l'ablution se faisait simplement, sans solennité, il y en a qui croiraient aisément que c'est une ablution commune. 2° Pour l'instruction des fidèles. Car les gens simples qui ne sont pas lettrés doivent être instruits par des signes sensibles, comme des peintures et toute autre manifestation extérieure. C'est ainsi que les choses que l'on fait dans les sacrements les instruisent, ou du moins les portent à s'enquérir de la signification de ces signes sensibles. C'est pourquoi, comme, indépendamment de l'effet principal du sacrement, il faut que l'on sache encore d'autres choses à l'égard du baptême, il a été convenable qu'elles fussent aussi représentées par des signes extérieurs. 3° Parce que par les prières, les bénédictions et les autres moyens semblables, on empêche la puissance du démon d'entraver l'effet du sacrement.

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Il faut répondre au premier argument, que le Christ a été baptisé dans l'Epiphanie du baptême de Jean, comme nous l'avons dit (quest. xxxix, art. 2). Les fidèles ne reçoivent pas ce baptême, mais ils reçoivent le baptême du Christ. Celui-ci tire son efficacité de la passion du Christ, d'après ces paroles de saint Paul (Rm 6,3) : Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés dans sa mort. Il la tire aussi de l'Esprit-Saint, puisqu'il est dit (Jn 3,5) : Sion ne renaît de Veau et de l'Esprit-Saint, etc. C'est pour ce motif qu'on confère solennellement le baptême dans l'Eglise la veille de Pâques, quand on fait mémoire de la sépulture du Seigneur et de sa résurrection (et c'est aussi pour cette raison que le Seigneur, après sa résurrection, a ordonné à ses disciples de baptiser, comme on le voit Mt 28); c'est aussi pour cela qu'on le fait la veille de la Pentecôte (1), quand l'Eglise commence à célébrer la fête de l'Esprit-Saint. Aussi nous voyons que les apôtres ont baptisé trois mille hommes le jour même de la Pentecôte, où ils avaient reçu l'Esprit-Saint.

32 Il faut répondre au second, qu'on fait usage de l'eau dans le baptême, comme de la matière qui appartient à la substance même du sacrement, tandis qu'on fait usage de l'huile ou du saint chrême (2) pour ajouter à sa solennité. En effet, on oint d'abord de l'huile sainte celui qui doit être baptisé, sur la poitrine et entre les épaules, comme un athlète de Dieu, selon l'expression de saint Ambroise (De sacr. lib. i, cap. 2); car c'est ainsi qu'on a coutume d'oindre ceux qui s'exercent à la lutte. C'est ce qui fait dire à Innocent III (in Decret. De sacra unctione, cap. Cum venisset) : Celui qui doit être baptisé est oint sur la poitrine, pour que, par le don de l'Esprit-Saint, il quitte l'erreur et l'ignorance, et reçoive la vraie foi, parce que le juste vit de la foi. On l'oint entre les épaules, pour que, par la grâce de l'Esprit- Saint, il se dépouille de la négligence et de la torpeur, et qu'il fasse des bonnes oeuvres, parce que la foi sans les oeuvres est morte. On fait aussi ces deux choses pour que le sacrement de la foi rende pures les pensées du coeur, et que, par l'exercice des bonnes oeuvres, on ait la force de porter sur ses épaules le fardeau qu'elles imposent. Après le baptême, selon la remarque de Raban-Maur (Lib. institut, deric. cap. 28), on est immédiatement marqué par le prêtre sur le cerveau avec le saint chrême, et l'on fait en même temps une prière, pour que celui qui est baptisé devienne participant du royaume du Christ, et qu'il puisse recevoir de lui le nom de chrétien. Ou bien, suivant saint Ambroise (De sacram, lib. m, cap. 1), le saint chrême est répandu sur la tête, parce que c'est dans la tête que réside le sens du sage, et Innocent III ajoute (loc. cit.) que c'est pour qu'on soit prêt à rendre raison de sa foi à quiconque le demande.

(t) Actuellement, la veille de ces deux grandes fêtes, on fait la bénédiction solennelle des fonts baptismaux, et, pour conserver quelque vestige de l'antiquité, il convient, d'après le Rituel romain, qu'on baptise ces jours-là les adultes quand on le peut faire sans inconvénient (Rituale roman. De baplism. adultorum). (2) Celui qui omettrait volontairement ces onctions pécherait mortellement, d'après saint I.iguori (Theol. moral, lib. vi, n» W).

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Il faut répondre au troisième, qu'on met à celui qui est baptisé un vêtement blanc, non parce qu'il n'est pas permis d'en porter un autre, mais en signe, de la résurrection glorieuse pour laquelle les hommes sont régénérés par le baptême et aussi pour signifier la pureté de la vie qu'on doit observer après qu'on a été baptisé, d'après ces paroles de saint Paul (Rm 6,4) : Marchons dans une vie nouvelle.

34 Il faut répondre au quatrième, que les choses qui appartiennent à la solennité du sacrement, quoiqu'elles ne soient pas nécessaires, ne sont cependant pas superflues, parce qu'elles sont utiles et convenables, comme nous l'avons dit (in corp.).




III Pars (Drioux 1852) 1326