III Pars (Drioux 1852) 1364

ARTICLE iv — les pécheurs doivent-ils être baptisés?

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1 Il semble que les pécheurs peuvent être baptisés. Car il est dit (
Za 13,1) : En ce jour-là il y aura une fontaine ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem, pour y laver les souillures du pécheur et de la femme impure; ce qui s'entend des fonts baptismaux. Il semble donc que le sacrement de baptême doive être aussi conféré aux pécheurs.

2 Le Seigneur dit (Mt 9,12) : Ceux qui se portent bien n'ont pas besoin de médecin, il n'y a que ceux qui se portent mal. Or, ceux qui se portent mal sont les pécheurs. P;^' conséquent, puisque le baptême est la médecine qu'emploie le médecin spirituel qui est le Christ, il semble qu'on doive conférer ce sacrement aux pécheurs.

3 On ne doit soustraire aux pécheurs aucun secours. Or, les pécheurs -baptisés sont aidés spirituellement par le caractère baptismal, puisqu'il est une disposition à la grâce. Il semble donc qu'on doive conférer le sacrement de baptême aux pécheurs.

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Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Tract, lxxu in Jean, implic. a med. sed express è Serm. xx de Verb. apost, cap. 11) : Celui qui vous a créé sans vous ne vous justifiera pas sans vous. Or, quand le pécheur est mal disposé, il ne coopère pas avec Dieu, et même il fait plutôt le contraire. C'est donc en vain qu'on baptiserait quelqu'un qui serait mai disposé, car il ne serait pas pour cela justifié.


CONCLUSION. — On ne doit pas baptiser les pécheurs qui ont la volonté de pécher et le dessein de persévérer dans leurs fautes, puisqu'ils ne peuvent être unis au Christ et purifiés de leur péché; mais on doit le conférer aux autres qui ont la tâche du péché et qui sont passibles de la peine qu'il mérite.

Si quis dixerit neminem esse baptizandum, nisi ed wtate, qud Christus baptizatus est, vel in ipso mortis articulo; anathema sit.

(t) Le concile «le Trente a formellement condamné ceux <iui prétendaient qu'on ne devait être baptisé qu'à l'âge où l'a été Noire-Seigneur, ou qui voulaient qu'on attendit à la lin de sa vie :

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Il faut répondre qu'on peut être appelé pécheur de deux manières : 1° A cause de la tâche et de la peine qu'on a méritée. Le sacrement de baptême doit être conféré à ces pécheurs, puisque c'est pour eux spécialement qu'il a été établi afin d'effacer les souillures du péché, d'après ces paroles de saint Paul ((ni dit (Ep 5,26) que le Christ purifie V Eglise par Veau où elle est lavée et par ta parole de vie. 2° On peut appeler pécheur celui qui a la volonté de pécher et qui est résolu à rester dans son péché. On ne doit pas conférer le sacrement de baptême à ces pécheurs : 1° Parce que par le baptême les hommes sont incorporés au Christ, suivant ce passage de l'Apôtre (Ga 3,37) : Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Or, tant qu'on a la volonté de pécher, on ne peut ôtre uni au Christ, car il est dit (2Co 4,14) : Qu'y a-t-il de commun entre ta justice et l'iniquité? C'est ce qui fait observer à saint Augustin (Lib. de praenit. cap. 2) qu'aucun individu qui est l'arbitre de sa volonté ne peut commencer une vie nouvelle, s'il ne se repent de sa vie ancienne. 2° Parce que dans les oeuvres du Christ et de l'Eglise, il ne doit rien y avoir qui soit l'ait en vain. Or, ce qui n'arrive pas à la fin à laquelle on le destine est une chose vaine. Et comme celui qui a la volonté de pécher ne peut être simultanément purifié du péché ; ce qui est le but du baptême ; parce qu'alors ce serait supposer simultanément des choses contradictoires, il s'ensuit qu'il est inutile (le baptiser. 3° Parce que dans les signes sacramentels il ne doit point y avoir de fausseté. Or, un signe auquel la chose signifiée ne répond pas est un signe faux. Ainsi celui qui se présente au baptême pour v être purifié indiquant par là qu'il se dispose à recevoir l'ablution intérieure, et cette disposition n'existant pas dans celui qui a la ferme résolution de persister dans son péché, il s'ensuit évidemment qu'on ne doit pas lui conférer le baptême (1).

31 Il faut répondre au premier argument, que ce passage doit s'entendre des pécheurs qui ont la volonté de quitter le péché.

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Il faut répondre au second, que le médecin spirituel, c'est-à-dire le Christ, opère de deux manières : 1° intérieurement par lui-même; de la sorte il prépare la volonté de l'homme à] vouloir le bien et à haïr le mal; 2° il opère par ses ministres en appliquant les sacrements extérieurement. Et il opère ainsi en perfectionnant extérieurement ce qu'il a commencé (2). C'est pourquoi on ne doit administrer le sacrement de baptême qu'à celui en qui l'on remarque un signe de conversion intérieure (3); comme on n'administre à un malade une médecine corporelle qu'autant qu'on voit en lui un mouvement vital de la nature.

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Il faut répondre au troisième, que le baptême est le sacrement de la foi. Or, la foi informe ne suffit pas au salut et elle n'en est pas le fondement, mais il n'y a que la foi formée qui opère par l'amour, comme le dit saint Augustin (Lib. de fui. etoper. cap. 16). Ainsi le sacrement de baptême ne peut pas sauver celui qui a la volonté de pécher, puisque cette volonté exclut la forme de la foi. On ne doit pas non plus disposer quelqu'un à la grâce en imprimant sur lui le caractère baptismal, tant qu'on voit en lui la volonté de pécher, parce que Dieu ne contraint personne à être vertueux, comme le dit saint Jean Damascène (Orth. fid. lib. ii, cap. 30).

(I) Le concile de Trente enseigne expressément que la pénitence est nécessaire aux pécheurs qui se présentent au baptême (sess, xiv, cap. 1) : Fuit quidem poenitentia necessaria illis etiam qui baptismi sacramento ablui petivissent, ut, perversitate ahjecld et eliminatâ, tantam Dei offensionem cum peccati odio et pio animi dolore detestarentur.
(2) Intérieurement.
(3) Quand il s'agit d'un adulte, indépendamment de la science suffisante et delà volonté de recevoir le baptême, on exige encore la contrition de ses fautes, avec un commencement d'amourde Dieu.



ARTICLE v. — doit-on imposer des oeuvres satisfactoires ai v pécheurs qui sont baptisés (1)?

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1 Il semble que l'on doive imposer des oeuvres salisfactoires aux pécheurs qui sont baptisés. Car il semble appartenir à la justice de Dieu que l'on soit puni pour tout péché, d'après ces paroles (Eccl. nil. 14) : Toutes les actions que Von fait, Dieu les soumettra à son jugement. Or, les oeuvres satisfacionis sont imposées aux pécheurs en punition de leurs péchés passés. Il semble donc que des oeuvres salisfactoires doivent être imposées aux pécheurs qui sont baptisés.

2
Les pécheurs récemment convertis s'exercent à la justice par des oeuvres satisfactoires, et ces oeuvres leur évitent l'occasion de pécher; car la satisfaction a pour but de détruire les causes des péchés et de les empêcher de se reproduire. Or, ce double secours est principalement nécessaire à ceux qui viennent d'être baptisés. Il semble donc qu'on doive leur imposer des oeuvres satisfactoires.

3
L'homme ne doit pas moins satisfaire à Dieu qu'au prochain. Or, on enjoint à ceux qui viennent d'être baptisés de satisfaire au prochain, dans le cas où ils lui ont fait du tort. On doit donc aussi leur enjoindre de satisfaire à Dieu par des oeuvres de pénitence.

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Mais c'est le contraire. Sur ces paroles (Rm 11) : Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentir, saint Ambroise dit : La grâce de Dieu dans le baptême ne demande ni gémissement, ni plainte, ni aucune action semblable, mais elle ne demande que la foi et elle nous pardonne tout gratuitement.


CONCLUSION. — On ne doit en joindre aucune oeuvre de satisfaction à celui qui est baptisé, puisque la passion et la mort du Christ auquel l'homme est incorporé par le baptême, ont pleinement satisfait pour les péchés de tout le monde.

21 II faut répondre que, comme le dit l'Apôtre (Rm 6,3) : Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort ; car nous avons été ensevelis avec lui par le baptême pour mourir au péché, de manière que l'homme est incorporé à la mort du Christ par le baptême. Or, il a été évident d'après ce que nous avons dit (quest. xlviii et xlix) que la mort du Christ a suffisamment satisfait non-seulement pour nos péchés, mais encore pour ceux du monde entier, comme le dit saint Jean (1Jn 2, S). C'est pourquoi il n'y a pas de satisfaction à enjoindre à celui qui est baptisé pour ses péchés quels qu'ils soient. Car ce serait faire injure à la passion et à la mort du Christ, comme si elles ne suffisaient pas pour satisfaire pleinement pour les péchés de ceux qui sont baptisés.

31 II faut répondre au premier argument, que, comme le dit saint Augustin (Lib. i de Rapt, parvulor. seu de peccat, merit. et remiss. cap. 26), le baptême sert à incorporerai! Christ ceux qui sont baptisés comme ses membres. Par conséquent la peine du Christ a été satisfactoire pour les péchés de ceux qui sont baptisés, comme la peine d'un membre peut être satisfactoire pour le péché d'un autre membre. C'est ce qui a fait dire au prophète (Is 53,4) : Il s'est véritablement chargé de nos maladies, et il a porté nos douleurs.

32 II faut répondre au second, que ceux qui viennent d'être baptisés (2) doivent s'exercer à la justice, non par des oeuvres pénales, mais par des oeuvres faciles, afin qu'après avoir d'abord été nourris de lait, ils s'élèvent à quelque chose de plus parfait, comme le ditla glose (ord. implic,) sur ces paroles du Psalmiste (Ps 130) : Sicut ablactatus est super matre suâ. Ainsi le Seigneur a exempté du jeûne ses disciples qui venaient de se convertir, comme on le voit (Mt 9). C'est ce qu'exprime saint Pierre en cet endroit (I. Petr,2, 2) : Comme des enfants nouvellement nés, désirez- ardemment le lait spirituel et pur, afin qu'il vous fasse croître pour le salut.

(I) Le concile de Florence s'exprime ainsi sur cette question : I/ujus sacramenti effectus est remissio omnis culpas originalis et actualis; omnis quoque poena quae pro ipsd culpA debetur. Propterea baptizatis nulla pro pereatis proeteritis injungenda est satisfactio.
(2) Pendant le catéchuménat, on les exerce à des oeuvres plus pénibles, pour détruire en eux leurs vices, redresser leurs habitudes mauvaises et leur en faire prendre de bonnes.

33 Il faut répondre au troisième, que restituer au prochain le bien qu'on lui a ravi injustement et lui donner satisfaction pour le tort qu'on lui a causé, c'est cesser de pécher, puisqu'il y a péché à garder ce qui est à autrui et à ne pas apaiser le prochain qu'on a lésé. C'est pourquoi on doit enjoindre aux pécheurs baptisés de satisfaire au prochain, afin que par là ils cessent de pécher ; maison ne doit pas leur imposer de peine pour leurs péchés passés.



ARTICLE vi. — les pécheurs qui s'approchent du baptême sont-ils tenus de confesser leurs péchés (1 ) ?

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1 Il semble que les pécheurs qui se présentent au baptême soient tenus de confesser leurs péchés. Car il est dit (
Mt 3,6) : que Jean en baptisait beaucoup dans le Jourdain et qu'ils confessaient leurs péchés. Or, le baptême du Christ est plus parfait que celui de Jean. II semble donc qu'à plus forte raison ceux qui doivent recevoir le baptême du Christ soient tenus de confesser leurs péchés.

2 Le Sage dit (Pr 28,13) : Celui qui cache ses crimes ne rentre pas dans la droite voie, mais celui qui les confesse et qui les quitte obtient miséricorde. Or, il y en a qu'on baptise pour qu'ils obtiennent miséricorde de leurs péchés. Par conséquent il faut que ceux qui doivent être baptisés confessent leurs péchés.

3 La pénitence est requise avant le baptême, d'après ces paroles (Ac 2,39) : Faites pénitence et que chacun de vous soit baptisé. Or, la confession est une partie de la pénitence. Il semble donc que la confession des péchés soit requise avant le baptême.

20 Mais c'est le contraire. La confession des fléchés doit se faire avec larmes : car saint Augustin dit (alius auctor, Lib. de vera et falsà poenitentia, cap. 14) : Toutes ces différentes circonstances doivent être confessées et pleurées. Or, comme le dit saint Ambroise (alius auctor, sup. illud Rom. Rm 11, Sine poenitentia sunt dona Dei), la grâce de Dieu ne demande dans le baptême ni gémissements, ni larmes. On ne doit donc pas exiger la confession des péchés de ceux qui doivent être baptisés.


CONCLUSION. — Puisque la confession des péchés appartient au sacrement de pénitence, il ne faut pas que ceux qui se présentent au baptême confessent leurs péchés à un prêtre, mais ils ne doivent les confesser qu'à Dieu, en y pensant et en les pleurants intérieurement.

locum tenet sanctum baptisma, quod vitae spiritualis janua est.

(I) On ne peut rerevoir aucun sacrement avant le baptême. c'est ce qui fait «lire au pape Eu- ssene IV : Primum omnium sacramentorum

21 Il faut répondre qu'il y a deux sortes de confession des péchés : 1° l'une intérieure que l'on fait à Dieu. Cette confession est requise avant le baptême; c'est-à-dire, qu'il faut que l'homme pense à ses péchés et les déplore; car il ne peut commencer une vie nouvelle, s'il ne se repent de sa vie ancienne, selon la remarque de saint Augustin (Lib. depoenit. hom. ult. inter l, cap. 2). 2° L'autre est la confession extérieure des péchés que l'on fait à un prêtre. Cette confession n'est pas exigée avant le baptême: 1° Parce que cette confession se rapportant à la personne du ministre, appartient au sacrement de pénitence qui n'est pas exigé avant le baptême, parce que le baptême est la porte de tous les sacrements. 2n Parce que la confession extérieure que l'on fait à un prêtre a pour but que le prêtre absolve de ses péchés celui qui se confesse et qu'il lui impose des oeuvres satisfactoires. Or, on ne doit pas imposer ces oeuvres à ceux qui sont baptisés, comme nous l'avons dit (art. préc.), et ceux qui sont baptisés n'ont pas besoin non plus de la rémission des péchés que l'on obtient par les defs de l'Eglise, puisque tous leurs fautes leur sont remises par le baptême. 3° Parce que cette confession particulière faite à un homme est une chose pénible à cause de l'humiliation de celui qui la fait. Et comme on n'impose à ceux qui sont baptisés aucune peine extérieure, il s'ensuit qu'on n'exige pas d'eux une confession spéciale de leurs péchés. Mais il suffit de la confession générale qu'ils font quand, selon le rite de l'Eglise, ils renoncent à Satan et à toutes ses pompes. C'est ainsi, dit la glose (ord. sup. illud : Ut baptizarentur ab eo. Matth, Mt 3), que le baptême de Jean donnait l'exemple à ceux qui devaient être baptisés de confesser leurs péchés et de promettre une vie meilleure. Cependant si ceux qui doivent être baptisés voulaient confesser leurs péchés par dévotion, on devrait entendre leur confession (-1), 11on pour leur imposer une satisfaction, mais pour leur donner une règle de vie spirituelle qui les empêchât de tomber dans leurs fautes accoutumées.

31 Il faut répondre au premier argument, que le baptême de Jean ne remettait pas les péchés, mais qu'il était un baptême de pénitence. C'est pourquoi ceux qui se présentaient à ce baptême confessaient avec raison leurs péchés, pour qu'on leur déterminât iftie pénitence selon la nature de leurs fautes. Mais le baptême du Christ existant sans la pénitence extérieure, comme le dit saint Ambroise (loc. sup. cit.), il n'y a donc pas de parité.

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Il faut répondre au second, qu'il suffit pour ceux que l'on baptise qu'ils se confessent intérieurement à Dieu, et qu'ils fassent une confession générale extérieure pour qu'ils soient dirigés et qu'ils obtiennent miséricorde; mais une confession spéciale extérieure n'est pas nécessaire, comme nous l'avons dit (in corp. art.).

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Il faut répondre au troisième, que la confession est une partie de la pénitence sacramentelle, qui n'est pas requise avant le baptême (2), comme nous l'avons dit (in corp. art.), au lieu que la vertu de la pénitence intérieure est nécessaire.



ARTICLE VII. — de la part 1>e celui qui est baptisé l'intention de recevoir le sacrement de baptême est-elle nécessaire (3)?

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1 Il semble que de la part de celui qui est baptisé l'intention de recevoir le sacrement de baptême ne soit pas nécessaire. Car celui qui est baptisé est passif dans le sacrement. Or, l'intention n'est pas requise du côté du patient, mais du côté de l'agent. Il semble donc que par rapport à celui qui est baptisé l'intention de recevoir le baptême ne soit pas nécessaire.

2
Si l'on omet ce qui est requis pour le baptême, on doit le recommencer; comme quand on omet l'invocation de la Trinité, ainsi que nous l'avons dit (quest. lxvi, art. 0). Or, on ne voit pas qu'on doive baptiser de nouveau quelqu'un, parce qu'il n'a pas eu l'intention de recevoir ce sacrement* autrement, puisqu'on n'a pas de preuve de l'intention qu'a eue celui qui a' reçu le baptême, tout le monde pourrait demander à être baptisé de nouveau pour défaut d'intention. Il ne semble donc pas que l'intention soit requise de la part de celui qui est baptisé pour recevoir le sacrement.

3
On baptise pour effacer le péché originel. Or, le péché originel se contracte sans l'intention de celui qui naît. Par conséquent il semble que le baptême ne requiert pas d'intention de la part de celui qui est baptisé.

(I), Celte confession ne serait pas sacramentelle.
(2) Le sacrement de pénitence n'a été institué que pour remettre les péchés commis après le baptême, d'après cette décision du concile de Trente (sess Xiv, can. 1) : Si I quis dixerit, in catholici Ecdesid <poenitentiam non esse vere et proprie sacramentum pro fidelibus, quoties post baptismum in peccata labuntur, ipsi Deo reconciliandis à Christo Domino institutum : anathema sit.
(S) Cet ARTICLE est une réfutation indirecte de l'erreur des cérinthiens, des marcionites et dos cataphrygiens, qui pensaient que l'on devait baptiser ceux qui étaient morts sans baptême, ou que l'on pouvait baptiser pour eux d'autres personnes vivantes.

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Mais c'est le contraire. D'après le rite de l'Eglise, ceux qui doivent être baptisés déclarent qu'ils demandent de l'Eglise le baptême ; et par là ils font connaître l'intention qu'ils ont de le recevoir.


CONCLUSION. — Puisque par le baptême nous mourons à la vie ancienne, et nous en commençons une nouvelle, ii est nécessaire que celui qu'on baptise ait l'intention de recevoir le baptême qui est le commencement d'une vie nouvelle.

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Il faut répondre que par le baptême on meurt à la vie ancienne du péché et on commence une vie nouvelle, d'après ces paroles de l'Apôtre (Rm 6,1) : Nous avons été ensevelis avec le Christ par le baptême pour mourir au péché, afin que, comme Jésus-Christ est ressuscité d'entre les morts par la gloire de son Père, nous marchions de même dans une vie nouvelle. C'est pourquoi, d'après saint Augustin (hom. ult. inter l, cap. 2), comme il faut dans celui qui a le libre arbitre la volonté de se repentir de son ancienne vie, pour qu'il meure à cette vie de péché; de même il faut qu'il ait la volonté de commencer une vie nouvelle, dont la réception elle-même du sacrement est le commencement.  C'est pourquoi de la part de celui qui est baptisé la volonté ou l'intention de recevoir le sacrement est requise.

31 Il faut répondre au premier argument, que dans la justification qui est produite par le baptême on n'est pas passif par contrainte, mais on l'est volontairement. C'est pourquoi on exige de celui qui est baptisé l'intention de recevoir ce qu'on lui donne.

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Il faut répondre au second, que si un adulte n'avait pas eu l'intention de recevoir le sacrement, on devrait le rebaptiser. Mais si la chose n'était pas certaine, on devrait dire : Si tu n'es pas baptisé, je te baptise.

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Il faut répondre au troisième, que le baptême a pour but d'effacer non- seulement le péché originel, mais encore les péchés actuels qui sont produits par la volonté et l'intention.



ARTICLE viii. — la foi est-elle nécessaire de la part de celui qui est baptisé (1)?

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1 Il semble que la foi soit nécessaire (le la part de celui qui est baptisé. Car le sacrement de baptême a été établi par le Christ. Or, le Christ en donnant la forme du baptême met la foi avant lui, car il dit (
Mc 16 Mc 19) : Celui qui aura cru et qui aura été baptisé sera sauvé. II semble donc que si l'on n'a pas la foi, on ne puisse recevoir le sacrement de baptême.

2 Dans les sacrements de l'Eglise on ne fait rien en vain. Or, d'après le rite de l'Eglise, on interroge sur sa ibi celui qui se présente pour être baptisé, puisqu'on lui demande : Croyez-vous en Dieu le Père? etc. Il semble donc que la foi soit requise pour le baptême.

On requiert pour le baptême l'intention de recevoir ce sacrement. Or, on ne peut avoir cette intention, si l'on n'a une foi droite; puisque le baptême est le sacrement (le la foi véritable. Car c'est par lui qu'on est incorporé au Christ, comme le dit saint Augustin (Lib. i de fíapt. parv. seu de peccat, merit. et remiss. cap. 26), et on ne peut être incorporé au Christ sans la vraie foi, d'après l'Apôtre qui dit (
Ep 3,17) : que te Christ habite dans nos coeurs par la foi. Il semble donc que celui qui n'a pas la vraie foi ne puisse recevoir le sacrement de baptême.

(t) Le droit canon s'exprime ainsi de la manière la plus formelle (cap. Sicut in sacramentis, De consecr. dist. 4) : Non interest, cum de sacramenti integritate et sanctitate tractatur, quid credat et quali fide imbutus ille, qui accipit sacramentum : interest quidem plurimum ad salutis viam, sed ad sacramenti quaestionem nihil interest.

3 L'infidélité est le péché le plus grave, comme nous l'avons vu (2a 2% quest. x, art. 3). Or, ceux qui restent dans le péché ne doivent pas être baptisés. On ne doit donc pas non plus baptiser ceux qui persévèrent dans l'infidélité.

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Mais c'est le contraire. Saint Grégoire écrivant à l'évêque Quirin dit (in Regisl. lib. ix, epist. 61) : Les antiques traditions de nos pères nous apprennent que ceux qui sont baptisés parmi les hérétiques, au nom de la Trinité, quand ils reviennent à la sainte Eglise sont reçus dans son sein par l'onction du saint chrême, ou l'imposition des mains, ou la seule profession de foi. Or, il n'en serait pas ainsi, si la vraie foi était nécessaire au baptême. Elle n'est donc pas requise nécessairement pour qu'on reçoive ce sacrement.


CONCLUSION. — La foi est nécessaire dans celui qui reçoit le baptême pour qu'il obtienne la grâce attachée à ce sacrement, mais elle n'est pas nécessaire pour qu'il en ait le caractère.

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Il faut répondre que, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (quest. lxii, art. i), et quest. lxvi, art. 9), le baptême produit dans l'âme deux choses : le caractère et la grâce. Par conséquent une chose est requise nécessairement pour le baptême de deux manières : 1° On peut appeler nécessaire ce sans quoi on ne peut avoir la grâce, qui est le dernier effet du sacrement. La vraie foi est ainsi requise nécessairement pour le baptême (1), parce que, comme le dit saint Paul (Rm 3,22) : La justice de Dieu est produite par la foi de Jésus-Christ. 2° On regarde comme nécessairement requis pour le baptême ce sans quoi le caractère baptismal ne peut être imprimé. En ce sens la vraie foi n'est requise nécessairement pour le baptême, ni de la part de celui qui est baptisé, ni de la part de celui qui baptise ; pourvu que du reste on fasse toutes les autres choses qui sont nécessaires au sacrement. Car le sacrement n'est pas produit par la justice de l'homme qui donne ou qui reçoit le baptême, mais par la vertu de Dieu.

31 Il faut répondre au premier argument, que le Seigneur parle en cet endroit du baptême selon qu'il conduit les hommes au salut par la grâce sanctifiante; ce qui ne peut avoir lieu sans la vraie foi. C'est pourquoi il dit expressément : Celui qui aura cru et qui aura été baptisé sera sauvé.

(I) Pour que le baptême sait fructueux, non seulement il faut l'intention de recevoir le sacrement et la vraie foi, mais il faut encore, comme nous l'avons dit, la contrition avec un commencement d'amour de Dieu quand il s'agit des adultes

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Il faut répondre au second, que l'Eglise a l'intention de baptiser les hommes, pour les délivrer du péché, d'après la pensée du prophète qui dit (Is 27,9) : que tout le fruit qu'on se propose, c'est d'effacer le péché. C'est pourquoi elle veut, autant qu'il est en elle, ne baptiser que ceux qui ont la foi droite, sans laquelle les péchés ne sont pas remis. C'est pour ce motif qu'elle demande à ceux qui se présentent au baptême s'ils croient. Mais si quelqu'un reçoit le baptême hors de l'Eglise sans avoir la vraie foi, il ne le reçoit pas pour son salut. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (Lib. iv de bapt. cont. Donat.) : L'Eglise comparée au paradis nous indique qu'on peut recevoir son baptême hors de son sein, mais que hors d'elle personne ne peut arriver au salut de la béatitude éternelle.

33 Il faut répondre au troisième, que celui qui n'a pas la vraie foi sur d'autres ARTICLEs peut l'avoir à l'égard du sacrement de baptême, et par conséquent rien n'empêche qu'il ne puisse avoir l'intention de recevoir ce sacrement. Si cependant à l'égard de ce sacrement il n'a pas des idées saines, il suffit pour Je recevoir qu'il en ait l'intention générale, et qu'il se propose de recevoir le baptême, tel que le Christ l'a établi et que l'Eglise le confère.

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Il faut répondre au quatrième, que comme on ne doit pas conférer le baptême à celui qui ne veut pas renoncer à ses péchés ; de même on ne doit pas baptiser non plus celui qui veut rester dans son infidélité. Cependant si on les baptise, ils reçoivent l'un et l'autre Je sacrement, quoiqu'ils ne le reçoivent pas pour leur salut (d).



ARTICLE ix. — LES ENFANTS DOIVENT-ILS ÊTRE RAPTISÉS (2)?

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1 Il semble que les enfants ne doivent pas être baptisés. Car il faut dans celui qui est baptisé l'intention de recevoir le sacrement, comme nous l'avons dit (art. 7). Or, les enfants ne peuvent avoir cette intention, puisqu'ils n'ont pas l'usage de leur libre arbitre. Il  semble donc qu'ils ne puissent recevoir le sacrement de baptême.

2
Le baptême est le sacrement de la foi, comme nous l'avons dit (quest. lxv, art. 1). Or, les enfants n'ont pas la foi 'qui consiste dans la volonté de ceux qui croient, comme le dit saint Augustin (Sup. Jean, tract. xxvi, et Lib. de prxdest. sa.nct. cap. On ne peut pas dire non plus qu'ils soient sauvés dans la foi de leurs parents-, puisque ceux-ci sont quelquefois des infidèles, et que par conséquent ils les damneraient plutôt par leur infidélité. Il semble donc que les enfants ne puissent pas être baptisés.

3
Saint Pierre dit (1P 3,21) : que le baptême sauve les hommes, non en purifiant la chair de ses souillures, tnais en engageant l'homme à conserver sa conscience pure pour Dieu. Or, les enfants n'ont la conscience ni bonne, ni mauvaise, puisqu'ils n'ont pas l'usage de la raison ; et il n'est pas non plus convenable de les interroger, puisqu'ils ne comprennent pas. Ils ne doivent donc pas être baptisés.

20 Mais c'est le contraire. Saint Denis dit (cap. ult. De hier, ecdesiast.) : Nos chefs divins, c'est-à-dire les apôtres, ont approuvé qu'on baptisât les enfants.


CONCLUSION. — On doit baptiser les enfants puisqu'ils sont souillés du péché originel, et pour qu'étant nourris dès leur enfance dans la religion chrétienne, ils y persévèrent plus sûrement.

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Il faut répondre que, comme le dit l'Apôtre (Rm 5,17) : Si à cause du péché d'un seul la mort a régné par ce seul homme, c'est-à-dire par Adam, à bien plus et des dons et de la justice, régneront t-ils dans la vie par un seul forte raison ceux qui reçoivent V abondance de la grâce, homme, qui est Jésus-Christ. Or, les enfants contractent le péché originel par suite du péché d'Adam : ce qui est évident par là même qu'ils sont soumis à la mort, qui a passé par le péché du premier homme dans tous les autres, comme le dit saint Paul (ibid.). A plus forte raison les enfants peuvent-ils recevoir la grâce par le Christ pour régner dans la vie éternelle. Et comme le Seigneur dit lui-même (Jn 3,5) : Que si l'on ne renaît de l’eau et de l’Esprit-Saint, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu; il s'ensuit qu'il a été nécessaire que les enfants fussent baptisés, afin que comme ils ont la damnation par Adam en naissant, de même ils arrivent au salut en renaissant par le Christ. — Il a encore été convenable qu'on baptisât les enfants, afin qu'étant nourris dès leur enfance dans les choses qui appartiennent à la vie chrétienne, ils y persévérassent plus fermement, d'après cette maxime (Pr 22,6) : Formez l'enfant à l'entrée de la vie, car il ne s'en éloignera point même dans sa vieillesse. Saint Denis donne cette raison (ult. cap. Eccies. hier. vers. fin.).

(1) Ainsi on ne pourrait pas les rebaptiser de nouveau.
(2) Cet. ARTICLE est une réfutation de l'erreur des vaudois, des pétrobusiens, des anabaptistes, qui ont prétendu qu'on ne pouvait baptiser les enfants qui n'avaient pas l'usage de raison ; re •lui est contraire à toute la tradition, et ce que le concile de Trente a condamné en ]ces termes (sess, vu, can. 15) : Si quis dixerit parvulos, ei) quod actum credendi non habent, suscepto baptismo, inter fideles computandos non esse, ac propterea, cum ad annos discretionis pervenerint, esse rebaptizandos , aut praestare omitti eorum baptisma, quam eos, non actu proprio credentes baptizari in sold fide Ecdesiae, anathema sit.

31 Il faut répondre au premier argument, que la régénération spirituelle qui f   est produite par le baptême ressemble d'une certaine manière à la naissance charnelle, du moins en ceci : c'est que comme les enfants qui sont dans le sein de leur mère ne se nourrissent pas par eux-mêmes, mais sont sustentés par la nourriture de la mère; de même les enfants qui n'ont pas encore l'usage de raison, étant en quelque sorte dans le sein de l'Eglise, leur mère, ne reçoivent pas le salut par eux-mêmes, mais par l'action de l'Eglise. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (Depeccator, inerit, et remiss. lib. i , cap. 2a) : L'Eglise notre mère prête aux petits enfants sa bouche maternelle pour les pénétrer des sacrés mystères; parce qu'ils ne peuvent pas croire par leur propre coeur pour être justifiés, et qu'ils ne peuvent confesser leur foi par leur propre bouche pour être sauvés. Puis il ajoute (cap. 19) : Si on leur donne avec raison le nom de fidèles, parce qu'ils professent la foi d'une certaine manière par l'organe de ceux qui les enfantent au Christ, pourquoi ne leur donnerait-on pas le nom de pénitents, puisqu'ils renoncent au démon et au siède par la bouche de ces mêmes personnes. Pour la même raison, on peut dire qu'ils ont l'intention d'être baptisés, non par l'acte de leur propre volonté, puisque quelquefois ils s'y opposent et qu'ils pleurent, mais par l'acte de ceux qui les présentent au baptême.

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Il faut répondre au second, que, comme le dit saint Augustin écrivant à l'évêque Boniface (Cont, duas epist. Pelag. lib. i, cap. 22), dans l'Eglise du Sauveur les petits enfants croient par les autres, comme ils ont contracté d'après les autres les péchés qui sont remis dans le baptême (1). Ils n'en sont pas moins sauvés quoique leurs parents soient des infidèles, parce que, comme l'observe le même docteur dans une de ses lettres au même évêque ( Epist, xcvin) : Les enfants sont présentés pour recevoir la grâce spirituelle, moins par ceux qui les portent entre leurs bras (quoiqu'ils le soient aussi par ceux-là mêmes lorsqu'ils sont de véritables chrétiens) que par toute la société des saints et des fidèles. Car il faut comprendre qu'ils sont présentés par tous ceux qui sont contents qu'ils le soient, et dont la charité contribue à les mettre en union avec l'Esprit-Saint. Mais l'infidélité des parents ne nuit point aux enfants, quand même ils s'efforceraient de les faire participer aux sacrifices des démons après le baptême ; parce que, comme le dit saint Augustin (ibid.), un enfant, après avoir été engendré par la volonté charnelle des autres, et après avoir été une fois régénéré par une volonté étrangère et spirituelle, ne peut plus contracter aucun péché par la volonté d'autrui, si la sienne n'y consent. Car l'âme du père est à moi ainsi que l'âme du fils, dit Dieu par le prophète (Ez 18,4), et celle qui aura péché mourra. Ce qui fait que l'âme a reçu d'Adam une tache qui ne peut être effacée que par la grâce du sacrement, c'est qu'elle n'était point encore vivante séparée de lui, quand il a commis son péché. Ainsi la foi d'une personne, et même de toute l'Eglise, sert aux petits enfants par l'opération de l'Esprit-Saint, qui unit l'Eglise et qui communique les biens de l'un à un autre.

(I) C'est la double application de la grande loi de la solidarité.

33 Il faut répondre au troisième, que comme l'enfant, quand on le baptise, ne croit pas par lui-même, mais par les autres; de même on ne l'interroge pas par lui-même, mais par les autres; et ceux qui sont interrogés confessent la foi de l'Eglise au nom de l'enfant, qui y est uni par le sacrement de la ibi. Par la grâce sanctifiante, l'enfant reçoit en lui-même une conscience qui est pure ; cette grâce n'est pas actuelle (1), mais habituelle.




III Pars (Drioux 1852) 1364