III Pars (Drioux 1852) 1350

ARTICLE x. — doit-on baptiser les enfants des juifs ou dus autres infidèles malgré leurs parents (2) i'

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1 Il »emble qu'on doive baptiser les enfants des juifs ou des autres infidèles malgré leurs parents. Car on doit plutôt venir en aide à l'homme contre le danger de la mort éternelle que contre celui de la mort temporelle. Or, on doit venir en aide à un enfant qui serait exposé au péril de la mort temporelle, quand même ses parents s'y opposeraient par malice. A plus forte raison doit-on venir en aide aux enfants des infidèles, en les délivrant par le baptême du danger de la mort éternelle, même malgré leurs parents.

2
Les enfants des serfs sont serfs et» sous la puissance de leurs seigneurs. Or, les juifs sont les serfs des rois et des princes, et il en est de même de tous les autres infidèles. Les princes peuvent donc sans injustice faire baptiser les enfants des juifs et des autres serfs qui sont infidèles.

3
Tout homme appartient à Dieu, d'où lui vient son âme, plus qu'à son père charnel, dont il tient son corps. Il  n'est donc pas injuste que les petits enfants des infidèles soient enlevés à leurs parents charnels et consacrés à Dieu par le baptême.            •

20
Mais c'est le contraire. Ainsi il est dit (Decret. dist. xlv, cap. ;>, et Conc. Tolet. iv, can. 57) : X l'égard des juifs, le saint concile ordonne qu'on ne fasse violence à personne pour l'obliger à croire; car on ne doit pas sauver ces hommes malgré eux, mais il faut qu'ils le soient volontairement pour que la forme de la justice soit entière.


CONCLUSION. — Les enfants des infidèles étant confiés aux soins de leurs parents avant qu'ils n'aient l'usage du libre arbitre, on ne doit pas alors les baptiser malgré ces derniers; mais quand ils ont l'usage du libre arbitre et qu'ils sont maîtres d'eux- mêmes pour les choses divines, on peut avec raison les engager et les exciter à recevoir le baptême.

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Il faut répondre que les enfants des infidèles ont l'usage du libre arbitre ou ils ne l'ont pas. S'ils l'ont, par rapport à ce qui est de droit divin ou de droit naturel, ils commencent à être maîtres d'eux-mêmes. C'est pourquoi ils peuvent de leur volonté propre, malgré leurs parents, recevoir le baptême, comme ils peuvent aussi se marier. C'est pour cela qu'on peut licitement les engager à se faire baptiser et le leur conseiller. — Mais s'ils n'ont pas l'usage du libre arbitre, de droit naturel ils sont sous la garde de leurs parents, tant qu'ils ne peuvent pourvoir à eux-mêmes. C'est pourquoi il est dit des enfants des anciens qu'ils étaient sauvés dans la foi de leurs parents. C'est pour cela qu'il serait contraire à la justice naturelle que ces enfants fussent baptisés malgré leurs parents, comme si l'on baptisait quelqu'un qui a l'usage de raison malgré lui. D'ailleurs il serait dangereux de baptiser ainsi les enfants des infidèles, parce qu'ils retourneraient facilement à leur infidélité par l'affection naturelle qu'ils ont pour leurs parents. C'est pour ce motif que l'Eglise n'a pas coutume de baptiser les enfants des infidèles malgré leurs parents.

Il Elle ne peut être actuelle, car I intelligence et la volonté ne sont pas susceptibles de recevoir son action et son mouvement.

(2) Saint Thomas a traité déjà cette question 2* 2ae, quest. x, art. 12. Voyez le tome iv, pages 105 et suiv.

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II faut répondre au premier argument, qu'on ne doit pas délivrer quelqu'un de la mort corporelle contre le droit civil; par exemple, si quelqu'un est condamné à mort par son juge, personne ne doit l'arracher à la mort violemment. On ne doit donc pas non plus aller contre le droit naturel, par lequel le fils est placé sous la tutelle du père, dans le but de le délivrer du danger de la mort éternelle.

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Il faut répondre au second, que les juifs sont les serfs des princes d'après la servitude civile qui n'exclut pas l'ordre du droit naturel ou divin.

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Il faut répondre au troisième, que l'homme se rapporte à Dieu par la raison, au moyen de laquelle il peut le connaître. Ainsi l'enfant, avant d'avoir l'usage de raison, est, d'après l'ordre naturel, mis en rapport avec la raison de ses parents, sous la tutelle desquels la nature le place, et c'est d'après leur disposition qu'on doit le traiter relativement aux choses divines.



ARTICLE xi.— les enfants qui sont dans le sein de leur mère doivent-ils être baptisés i'

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1 Il semble que les enfants qui sont dans le sein de leur mère puissent être baptisés. Car le don du Christ est plus efficace pour le salut que le péché d'Adam pour la damnation, comme le dit l'Apôtre (
Rm 5). Or, les enfants sont damnés dans le sein de leur mère à cause du péché d'Adam. A plus forte raison peuvent-ils être sauvés par le don du Christ, qui est produit par le baptême. Les enfants qui sont dans le sein de leur mère peuvent donc être baptisés.

2 L'enfant qui est dans le», sein de sa mère paraît être quelque chose d'elle. Or, en baptisant la mère, on baptise tout ce qui est en elle et qui lui appartient. Il semble donc qu'en baptisant la mère on baptise l'enfant qui est dans son sein.

3
La mort éternelle est pire que la mort corporelle. Or, de deux maux on doit choisir le moindre. Si donc l'enfant qui est dans le sein de sa mère ne peut être baptisé, il serait mieux qu'on ouvrît le sein de la mère et qu'on le baptisât après l'en avoir tiré de force, plutôt que de laisser mourir l'enfant sans baptême, pour être damné éternellement.

4
Il arrive quelquefois qu'il n'y a qu'une partie de l'enfant qui sort d'abord. Ainsi il est dit (Gn 38,27) : que Thamar étant en couche, l'un des deux enfants passa la main, et que la sage-femme la prit et y lia un ruban d'écarta te, en disant : celui-ci sort le premier. Mais cet enfant ayant retiré sa main, ce fut son frère qui sortit. Or, quelquefois dans ce cas il y a danger de mort. Il  semble donc quo cette partie doive être baptisée, l'enfant étant encore dans le sein de sa mère.

20 Mais c'est 1 e contraire. Saint Augustin dit (Epist, cclxxxvii ad Dardan.) : On ne renaît pas, si on ne naît d'abord. Or, le baptême est une régénération spirituelle. On ne doit donc pas être baptisé avant qu'on ne soit né.


CONCLUSION. - Puisque le corps de l'enfant qui est dans le sein de sa mère ne peut recevoir l'ablution de l'eau, il est évident que l'enfant ne peut pas être ainsi baptisé.

21
Il faut répondre qu'il est nécessaire pour le baptême que le corps de celui qui doit être baptisé soit lavé par l'eau de quelque manière, puisque le baptême est une ablution, comme nous l'avons dit (quest. lxvï, art. 1). Or, le corps de l'enfant, avant qu'il soit sorti du sein de sa mère, ne peut recevoir l'ablution de l'eau d'aucune manière; à moins que par hasard on ne dise que l'ablution baptismale qui lave le corps de la mère n'arrive à l'enfant qui est dans son sein. Mais cela est impossible, soit parce que l'âme de l'enfant que le baptême doit sanctifier est distincte de l'âme de la mère; soit parce que son corps qui est animé est déjà formé et par conséquent distinct aussi de celui de sa mère; et c'est pour cela que le baptême que la mère reçoit ne rejaillit pas sur l'enfant qui existe dans son sein. C'est ce qui fait dire à saint Augustin contre Julien (lib. iv, cap. 44) : Si ce qui est conçu dans la mère appartient à son corps de telle sorte qu'on le considère comme une de ses parties, on ne baptiserait pas un enfant, dont la mère l'aurait été dans un danger de mort pressant, lorsqu'elle le portait dans son sein. Mais puisqu'on baptise néanmoins l'enfant, il est donc manifeste qu'il n'appartenait pas au corps de sa mère, lorsqu'il était dans son sein. Par conséquent il s'ensuit que les enfants qui sont dans le sein de leur mère ne peuvent être baptisés d'aucune manière (1).

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Il faut répondre au premier argument, que les enfants qui sont dans le sein de leur mère n'ont pas encore vu le jour de manière à vivre avec les autres hommes. Ainsi ils ne peuvent pas être soumis à l'action des hommes de telle sorte qu'ils reçoivent les sacrements par leur ministère pour être sauvés. Mais ils peuvent être soumis à l'opération de Dieu en qui ils vivent, de manière à obtenir ainsi leur sanctification par un privilège delà grâce, comme on le voit à l'égard de ceux qui ont été sanctifiés dans le sein de leur mère.

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Il faut répondre au second, qu'un membre intérieur de la mère est quelque chose d'elle par continuité et par l'union naturelle de la partie avec le tout; tandis que l'enfant qui est dans son sein est quelque chose d'elle par suite du lien qui unit l'un à l'autre deux corps bien distincts. Il n'y a donc pas de parité.      •

33
Il faut répondre au troisième, qu'on «e doit pas faire te mal pour que le bien arrive, selon la pensée de saint Paul (Rm 3,8). C'est pourquoi on ne doit pas tuer la mère pour baptiser l'enfant. Si cependant la mère mourait et que l'enfant fût vivant dans son sein, on devrait l'ouvrir pour baptiser l'enfant(2).

34 Il faut répondre au quatrième, qu'on doit attendre que l'enfant soit totalement sorti du sein de la mère pour le baptiser, si la mort n'est pas imminente. Mais si la tête sort la première, comme elle est la partie où tous les sens ont leur siège, on doit le baptiser dans le cas de nécessité, et on ne doit pas le rebaptiser ensuite, s'il lui arrive de naître parfaitement. Il semble qu'on doive faire de même, quelle que soit la partie du corps qui se présente, si le danger est imminent. Mais, parce que la vie ne réside tout entière dans aucune des parties du] corps comme dans la tête, il y en a qui pensent que, quelle que soit la partie du corps que l'eau ait touchée, en raison du doute, l'enfant, après qu'il est né complètement, doit être baptisé de nouveau sous cette forme : Si tu n'es pas baptisé, je te baptise (3).

(I) Le Rituel romain dit: Nemo in utero matris clausus baptizari debet. Cependant, ajoute Mgr Gousset, dans les accouchements laborieux, si on craint que l'enfant ne meure dans le sein maternel, la sage-femme ou le chirurgien doit, si on juge la chose possible, le baptiser, en faisant parvenir l'eau quo meliori modo, sauf à faire réitérer le baptême sous condition , si l'enfant vient à naître.
(2) Cette opération ne peut être faite que par un médecin ; si on trouve l'enfant encore vivant, on le baptise absolument -, si ou doute de sa mort on le baptise conditionnellement.
(3) Le Rituel romain s'exprime ainsi ii ce su-



ARTICLE xii. — LES FURIEUX ET LES FOUS DOIVENT-ILS ÊTRE BAPTISÉS (1)?

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1 Il semble que les furieux et les fous ne doivent pas être baptisés. Car pour recevoir le baptême on requiert l'intention dans celui qui est baptisé, comme nous l'avons dit (art. 7 huj. quaest.). Or, les furieux et les fous ne peuvent avoir qu'une intention déréglée, puisqu'ils n'ont pas l'usage de raison. On ne doit donc pas les baptiser.

2
L'homme surpasse les animaux en ce qu'il a la raison. Or, les furieux et les fous n'ont pas l'usage de raison, et quelquefois on n'espère pas qu'ils l'aient comme on le fait des enfants. Il semble donc que comme on ne baptise pas les animaux, de même on ne doive pas baptiser les furieux et les fous.

3
L'usage de la raison est plus enchaîné dans les furieux et les fous que dans ceux qui dorment. Or, ordinairement on ne confère pas le baptême à ceux qui dorment. On ne doit donc pas le conférer aux fous et aux furieux.

20
Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit de l'un de ses amis (Conf. lib. iv, cap. 4), que, quand il fut dans un état désespéré, on le baptisa sans qu'il le sût. Le baptême n'en fut pas moins efficace. On doit donc quelquefois conférer le baptême à ceux qui sont privés de l'usage de la raison.


CONCLUSION. — Ceux qui sont fous de naissance étant semblables à des enfants, on doit les baptiser ; mais on doit baptiser aussi ceux qui ont été raisonnables auparavant, s'ils ont eu l'intention de recevoir le baptême ou s'ils ont des intervalles lucides et qu'ils le demandent, pendant qu'ils ont l'usage de leur raison.

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Il faut répondre qu'à l'égard des fous et des furieux il faut faire une distinction. Car il y en a qui le sont de naissance, sans avoir aucun intervalle lucide, de manière qu'on ne voit jamais en eux aucune lueur de raison. Pour ceux-là il semble que relativement au baptême on doive porter sur eux le même jugement que sur les enfants que l'on baptise dans la foi de l'Eglise (2), comme nous l'avons dit (art. 9 huj. quaest..). — Il y en a d'autres qui, après avoir eu l'esprit sain d'abord, sont devenus fous. On doit juger ceux-ci d'après les intentions qu'ils ont eues, lorsqu'ils avaient l'esprit sain. C'est pourquoi si l'on a vu qu'ils aient eu alors la volonté de recevoir le baptême, on doit le leur conférer dans leur fureur et leur démence, quand même ils feraient dans ce cas de l'opposition. Autrement, si l'on n'a pas remarqué en eux la volonté d'être baptisés, lorsqu'ils avaient l'esprit sain, on ne doit pas les baptiser. — Il y en a d'autres qui, quoiqu'ils soient furieux ou fous de naissance, ont néanmoins des intervalles lucides dans lesquels ils peuvent faire un usage convenable de leur raison. Si dans ce cas ils veulent être baptisés on peut le faire, même quand ils sont dans leur démence. On doit même leur conférer ce sacrement si l'on craint qu'il n'y ait danger. Autrement il vaut mieux attendre le temps où ils ont leur raison, pour qu'ils reçoivent le sacrement avec plus de dévotion. Mais si dans les instants lucides, on ne voit pas en eux la volonté de recevoir le baptême, on ne doit pas les baptiser quand ils sont dans leur folie. — Il y en a d'autres enfin qui, quoiqu'ils n'aient pas l'esprit absolument sain, ont cependant assez de raison pour pouvoir penser à leur salut et comprendre la vertu du sacrement.

jet : Si infans caput emiserit et periculum mortis immineat, baptizatur in capite, nec postea, si rivus evaserit, erit iterum baptizandus ; at si aliud membrum emiserit quod vitalem motum indicet in illo, in periculum impendeat, baptizetur ; et tunc, si natus vixerit, erit sub conditione baptizandus.

(L toutes les décisions données par saint-Thomas dans cet ARTICLE sont sanctionnées par la pratique de toute l'Eglise.

(2) C'est aussi ce que dit formellement le Rituel romain : Si tales à nativitate fuerint, de iis idem iudicium faciendum est quod de infantibus ; atque in fide Ecdesiae baptizari possunt.

On doit raisonner à l'égard de ces derniers comme à l'égard de ceux qui ont l'esprit sain : on les baptise quand ils le veulent, mais on ne les baptise pas malgré eux.

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II faut répondre au premier argument, que les fous qui n'ont jamais eu et qui n'ont pas l'usage de raison sont baptisés d'après l'intention de l'Eglise, comme ils croient et se repentent d'après son action , ainsi que nous l'avons dit au sujet des enfants (art. 9 huj. quaest.). Mais ceux qui ont eu dans un temps ou qui ont l'usage de raison, on les baptise d'après l'intention propre qu'ils ont ou qu'ils ont eue dans le temps où leur esprit était sain.

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Il faut répondre au second, que les furieux ou les fous sont privés de l'usage de la raison par accident, c'est-à-dire par suite de l'empêchement d'un organe corporel, mais non à cause de ce qui manque à l'âme raisonnable, comme les animaux. Il n'v a donc pas de parité à établir.

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Il faut répondre au troisième, que ceux qui dorment ne doivent pas être baptisés, à moins qu'ils ne soient en danger de mort. Dans ce cas on doit les baptiser s'ils ont auparavant manifesté la volonté de recevoir le baptême, comme nous l'avons dit au sujet des fous ( in corp. art. ) et comme saint Augustin le raconte de son ami ( Confess. lib. iv ) qui fut baptisé sans le savoir, parce qu'il était en danger de mort.





QUESTION 69. DES EFFETS DU BAPTÊME.

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Nous devons ensuite nous occuper des effets du baptême. — A ce sujet dix questions se présentent : 1° Tous les péchés sont-ils effacés par le baptême? — 2" Parle baptême l'homme est-il délivré de toute la peine due à ses péchés? — 3" Le baptême enlève-t-il les peines de cette vie?— 4° Le baptême confère-t-if à l'homme la grâce et tes vertus ? — 5° Des effets des vertus que le baptême confère. — 6" Les petits enfants reçoivent-ifs aussi dans te baptême les grâces et les*, vertus? — 7° Le baptême ouvre-t-il à ceux qui sont baptisés la porte du royaume céleste ? — 8" Le baptême produit-il un effet égal dans tous ceux qui sont baptisés? — 9" La fiction empêche-t-elle l'effet du baptême?— 10°Quand la fiction n'existe plus le baptême produit-il son effet?



ARTICLE i. — rocs les péchés sont-ils effacés par le baptême (1)?

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1 Il semble que tous les péchés ne soient pas effacés par le baptême. Car le baptême est une régénération spirituelle qui est diamétralement opposée à la génération charnelle. Or, l'homme ne contracte que le péché originel par cette génération. Le baptême n'efface donc quo ce péché.

2
La pénitence est la cause suffisante de la rémission des péchés actuels. (>r, avant le baptême la pénitence est requise dans les adultes, d'après ces paroles (Ac 2 Ac 38) : Faites pénitence et que chacun de vous soit baptisé. Le baptême n'opère donc rien pour la rémission des péchés actuels.

3 Pour des maladies différentes il faut des remèdes différents ; parce que, comme le dit saint Jérôme (alius auctor, sup. illud Mare, 9 : Hoc genus daemoniorum), ce qui guérit le talon ne guérit pas l'oeil. Or, le péché originel qui est effacé par le baptême est un autre genre de péché que le péché actuel. Tous les péchés ne sont donc pas remis par ce sacrement.

(I) Cet ARTICLE est «ne réfutation de tous les hérétiques qui ont nié la nécessité ou l'utilité du baptême, et principalement de Luther et de Calvin, qui ont prétendu que le baptême n'effaçait pas véritablement les péchés, mais qu'il les couvrait seulement; ce que le concile de Trente a ainsi condamné (sess, v, can. o) : Si quit per .Iesu Christi Domini nostri gratiam quae in baptismate confertur, reatum peccati originalis remitti negat, aut etiam asserit non tolli totum id quod veram et propriam rationem peccati habet , sed dicit tantum radi, aut non imputari, anathema sit.

20
Mais c'est le contraire. Le prophète dit () : Je répandrai sur vous de Veau pure et vous serez- purifiés de toutes vos souillures.


CONCLUSION. — Puisque tout péché appartient à la vie ancienne à laquelle l'homme meurt par le baptême, il est évident que ce sacrement les efface tous.

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II faut répondre que, comme le dit l'Apôtre (Poni, 6, 3) : Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés dans sa mort. Puis il conclut : Ainsi pensez- que vous êtes morts au péché et que vous vivez de la vie de Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur. D'où il est évident que par le baptême l'homme meurt à la vie ancienne du péché et qu'il commence à vivre de la vie nouvelle de la grâce. Et comme tout péché appartient à cette vie ancienne, il s'ensuit que tout péché est effacé par le baptême.

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II faut répondre au premier argument, que, comme le dit l'Apôtre (Rm 4,16) : Le péché d'Adam n'a pas autant de puissance que le don du Christ qu'on reçoit dans le baptême. Car nous avons été condamnés par le jugement de Dieu pour un seul péché, au lieu que nous sommes justifiés par la grâce après plusieurs péchés. D'où saint Augustin dit (Lib. i de Bapt. parvul. seu de peccat, mer it. remiss. cap. 15) que par la génération charnelle on ne contracte que le péché originel, tandis que par la régénération du Saint-Esprit on obtient non-seulement la rémission du péché originel, mais encore des péchés volontaires.

32 II faut répondre au second, qu'on ne peut obtenir la rémission d'aucun péché que par la vertu de la passion du Christ. D'où l'Apôtre dit (He 9 He 22) : Qu'il n'y a pas de péché remis sans qu'il y ait du sang répandu. Ainsi le mouvement de la volonté humaine qui existe dans celui qui est pénitent ne suffirait pas pour remettre la faute, si l'on n'avait la foi dans la passion du Christ et la volonté d'v participer, soit en recevant le baptême, soit en se soumettant aux defs de l'Eglise. C'est pourquoi quand un adulte pénitent s'approche du baptême, il obtient la rémission de toutes ses fautes par suite du dessein qu'il a da recevoir ce sacrement ; mais il l'obtient plus parfaitement encore en le recevant réellement.

33 II faut répondre au troisième, que cette raison est bonne pour des remèdes particuliers. Mais le baptême opère en vertu de la passion du Christ qui est le remède universel de tous les péchés. C'est pourquoi il efface tous les péchés.



ARTICLE II. — l'homme est-il délivré par le baptême de toute la peine due au péché (1)?

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1 II semble que le baptême ne délivre pas l'homme de toute la peine due au péché. Car l'Apôtre dit (
Rm 13,1) : Les choses qui viennent de Dieu ont été mises dans leur ordre. Or, la faute n'est mise dans son ordre que par la peine, comme le dit saint Augustin (Retract, lib. i, cap. i), et De lib. arb. lib. iii, cap. 18). Le baptême n'efface donc pas la peine due aux péchés antérieurs.

2 L'effet du sacrement a une ressemblance avec le sacrement lui-même; parce que les sacrements de la loi nouvelle produisent ce qu'ils figurent, comme nous l'avons dit (quest. lxii, art. 1 ad 1 ). Or, l'ablution baptismale a de la ressemblance avec l'ablution qui efface une tache, tandis qu'elle ne paraît point en avoir avec la remise d'une peine que l'on a méritée. La peine que l'on mérite n'est donc pas effacée par le baptême.

(1) In renatis, dit Io concile de Trente, nihil odit Deus, quid nihil est damnationis iis qui vere consepulti sunt eum Christo per baptismum in mortem... ita ut nihil prorsus eos ab ingressu caeli remoretur. Et le concile de Florence, après avoir dit qu'on ne doit point imposer d'oeuvres satisfactoires à ceux qui sont baptisés, ajoute : Morientes, antequam culpam aliquam committant, stalim ad regnum caelorum et Dei visionem perveniunt.

3
Du moment que la peine est remise, on ne mérite plus d'être puni et par conséquent il serait injuste qu'on le fût. Si donc le baptême remet la peine, il serait injuste de pendre après son baptême un brigand qui aurait commis un homicide auparavant; et par conséquent ce sacrement enlèverait aux lois humaines leurs rigueurs, ce qui répugne. Le baptême ne remet donc pas la peine qu'on a méritée.

20
Mais c'est le contraire. Saint Ambroise dit (alius auctor super illud Rom.w : Sine poenitentia sunt dona et vocatio Dei) : La grâce de Dieu pardonne tout gratuitement dans le baptême.


CONCLUSION. — Puisque le baptême communique aux hommes le mérite de la passion du Christ, comme s'ils eussent souffert et qu'ils fussent morts, il s'ensuit qu'il les délivre de toute la peine due à leurs péchés.

21
Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. lxxviu, art. 5 in corp. ad 1), par le baptême on est incorporé à la passion et à la mort du Christ, d'après ces paroles (Rm 6,8) : Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. D'où il est évident que la passion du Christ est communiquée à tous ceux qui sont baptisés à titre de remède, comme s'ils avaient souffert, et qu'ils fussent morts eux- mêmes. — La passion du Christ, comme nous l'avons dit (q. lxviii, art. 5), étant une satisfaction suffisante pour tous les péchés de tous les hommes, il s'ensuit que celui qui est baptisé et délivré de toute fa peine qu'il avait méritée pour ses péchés, comme s'il eût lui-même suffisamment satisfait pour toutes ses fautes.

31 Il faut répondre au premier argument, que la peine de la passion du Christ étant communiquée à celui qui est baptisé, selon qu'il devient membre du Christ, comme s'il l'avait lui-même endurée, il s'ensuit que ses péchés demeurent dans leur ordre par la peine (1) de la passion du Christ elle-même.

32
Il faut répondre au second, que l'eau ne purifie pas seulement, mais elle rafraîchit encore. Ainsi par sa fraîcheur elle indique que la peine est remise, comme par son ablution elle signifie que la faute est effacée.

33
Il faut répondre au troisième, que dans les châtiments que la justice humaine inflige, on ne considère pas seulement de quelle peine le coupable est digne devant Dieu, mais encore à quoi il est tenu envers les hommes qui ont été blessés et scandalisés par la faute qu'il a commise. C'est pour ce motif que, quoique un homicide soit délivré par le baptême de la peine due à sa faute devant Dieu, néanmoins il reste encore obligé envers les hommes, et il est juste qu'il les édifie par sa peine, comme il les a scandalisés par son crime. Cependant le prince pourrait, par piété, faire grâce à ceux qui sont dans ce cas.



ARTICLE III. —le baptême doit-il enlever les peines de cette vie?

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1 Il semble que le baptême doive détruire les peines de cette vie. Car, comme le dit saint Paul (
Rm 5), le don du Christ est plus puissant que le péché d'Adam. Or, par le péché d'Adam la mort est entrée en ce monde, d'après ce même apôtre, et, par conséquent, avec elle toutes les autres peines de la vie présente. A plus forte raison, par le don du Christ, que l'on reçoit dans le baptême, l'homme doit-il être délivré de ces peines.

2 Le baptême efface le péché originel et le péché actuel, comme nous l'avons dit (art. 1 huj. quaest.). Or, il efface le péché actuel de manière à délivrer de toute la peine qu'il mérite. Il délivre donc aussi des misères de la vie présente, qui sont la peine du péché originel.

3
En étant la cause, on ôte les effets. Or, la cause de ces misères, c'est le péché originel, qui est effacé parle baptême. Elles ne doivent donc plus subsister, une fois que le péché originel est effacé.

(M) Cette peine acquitte largement la dette que nous pouvons avoir contractée par nos péchés.

20
Mais c'est le contraire. Sur ces paroles (Rm 6) : Destruatur corpus peccati la glose dit (ord. Aug. Lib. i de peccat, inerit, et rem. cap. ult.) : Le baptême l'ait que le vieil homme est crucifié et le corps du péché détruit, non de telle manière que la concupiscence de la chair, qui était en lui pendant qu'il vivait et qui lui était innée, se trouve absolument détruite et, n'existe plus, mais de telle sorte que cette concupiscence qui était en nous à notre naissance ne nous nuise pas à notre mort. Pour la même raison, les autres peines ne sont donc pas détruites par le baptême.


CONCLUSION. — Quoique le baptême ait la vertu d'enlever les peines de la vie présente, cependant il ne les détruit pas avant la résurrection, de manière que les membres incorporés au Christ soient semblables  leur chef, et qu'ils remportent la victoire dans le combat spirituel, et qu'on ne s'approche pas du baptême en vue des avantages de la vie présente, mais plutôt pour les avantages de la vie future.

21 Il faut répondre que le baptême a la puissance de détruire les misères de la vie présente ; cependant il ne les détruit pas ici-bas, mais par sa vertu il en délivrera les justes à la résurrection quand le corps mortel se revêtira d'immortalité, selon l'expression de l'Apôtre (1Co 15, r>3). Et c'est avec raison qu'il en est ainsi : 1° parce que par le baptême l'homme est incorporé au Christ et devient un de ses membres, comme nous l'avons dit (art. préc.). C'est pourquoi il est convenable que ce qui s'est passé dans le chef se passe aussi dans les membres qui lui ont été incorporés. Or. le Christ a été plein de grâce et.de vérité, dès le commencement de sa conception. Néanmoins il a eu un corps passible, qui, après sa passion et sa mort, est ressuscité pour la vie glorieuse. De là ií résulte que le chrétien obtient la grâce dans le baptême, quant à l'âme, et qu'il a cependant un corps passible, dans lequel il peut souffrir pour le Christ, mais ce corps ressuscitera ensuite pour une vie immortelle. D'où l'Apôtre dit (Rom. mii, 11) : Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d'entre les morts vivifiera vos corps mortels, à cause de son esprit qui habite en vous. Et plus loin (17) : Nous sommes les héritiers de Dieu et les cohéritiers du Christ, pourvu toute fois que nous souffrions avec lui, afin que nous soyons glorifiés arec lui. 2° C'est convenable pour l'exercice de la vie spirituelle, c'est-à-dire afin que l'homme combattant contre la concupiscence et les autres misères, il reçoive la couronne de la victoire (i;. Ainsi, sur ces paroles (Rm 6) : Ut destruatur corpus peccati, la glose dit (Aug. Lib. i de peccat, inerit. et remiss. cap. ult.) : Si l'homme vit après avoir été baptisé, il a dans sa chair la concupiscence, contre laquelle il combat, et il la surmonte avec le secours de Dieu. C'est ce que figurent ces paroles (Jg 3,1) : voici les peuples que le Seigneur a laissé vivre, pour servir d'exercice et d'instruction aux Israélites, afin que leurs enfants apprissent après eux à combattre leurs ennemis, et qu'ils s'accoutumassent à ces sortes de combats. 3° Cela a été convenable dans la crainte que Ier. hommes s'approchassent du baptême pour être délivrés des misères de la vie présente, et non pour obtenir la gloire de la vie éternelle. C'est ce qui fait dire à saint J'au I (E Cor. 15, 19): Si nous n’avons d" espérance dans le Christ que pour cette vie, nous sommes les plus misérables des hommes.

¦ I i ('.os peines (lo\ieiuicnl ainsi une occasion «le mérite ; elles sont un préservatif contre les lantes dans lesquelles nous pourrions tomber, et elles font naître en nous «les vertus que nous ne connaîtrions pas, si nous n'avions pas à lutter contre la souffrance.

31 Il faut répondre m premier argument, que, comme le dit la glose (Pet. Lombard. Rom. vi, super illud : Ut ultrànon serviamus peccato), quand on prend un ennemi redoutable, on ne le fait pas périr immédiatement, mais on le laisse vivre quelque temps dans la honte et la douleur; de même le Christ a d'abord enchaîné la peine, et il la détruira ensuite dans le siède futur.

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Il faut répondre au second, que, comme le dit la glose (ord. sup. illud : Homo noster crucifixus), il y a pour le péché deux sortes de peines, la peine éternelle et la peine temporelle. Le Christ a complètement effacé la peine éternelle, de telle sorte que ceux qui sont baptisés et véritablement pénitents ne la ressentent pas. Mais pour la peine temporelle il ne l'a pas encore absolument détruite; car la faim, la soif et la mort subsistent. Cependant il a renversé son royaume et sa domination, de manière que l'homme ne la redoute pas, et il l'exterminera enfin complètement dans les derniers temps.

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Il faut répondre au troisième, que, comme nous l'avons dit (4a 2", quest. lxxxi, art. 1), le péché originel s'est répandu de manière que la personne a souillé d'abord la nature et qu'ensuite ta nature a souillé la personne. Mais le Christ intervertissant cet ordre répare d'abord ce qui appartient à la personne, et ensuite il réparera simultanément dans tout le monde ce qui appartient à la nature. C'est pourquoi le baptême délivre immédiatement l'homme de la faute du péché original et de la peine de la privation de la vue de l'essence divine, qui se rapportent à la personne, au lieu que les misères de la vie présente, comme la mort, la faim, la soif et les autres peines semblables, se rapportent à la nature dont les principes les produisent, selon qu'elle a été privée de la justice originelle. C'est pourquoi ces défauts ne seront détruits que dans la réparation dernière de la nature par la résurrection glorieuse.


ARTICLE iv. — LE BAPTÊME CONKÈRE-T-IL^A I.'HOMME LA GRACE ET LES \Bvertus (i)?

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1 Il  semble que le baptême ne confère pas à l'homme la grâce et les vertus. Car, comme nous l'avons dit (art. 2 huj. quaest. in arg. 2), les sacrements de la loi nouvelle font ce qu'ils figurent. Or, l'ablution du baptême signifie que l'âme est purifiée de ses fautes et non qu'elle est revêtue delà grâce et des vertus. Il semble donc que le baptême ne confère pas à l'homme la grâce et les vertus.

2
Ce que l'on possède, on n'a pas besoin de le recevoir de nouveau. Or, il v en a qui s'approchent du baptême et qui ont déjà la grâce et les vertus. Ainsi il est dit (Ac 10,1) : It y avait à Césarée un homme appelé Corneille, qui était centenier d'une cohorte qu'on appelait l'italienne. C'était un homme religieux et craignant Dieu. Néanmoins il fut ensuite baptisé par saint Pierre. La grâce et les vertus ne sont donc pas conférées par le baptême.

3 La vertu est une habitude qui par son essence est une qualité qui change difficilement, par laquelle on agit d'une manière facile et agréable. Or, après le baptême il reste dans l'homme le penchant au mal par lequel la vertu est détruite, et qui rend difficile le bien qui est l'acte de la vertu. L'homme n'obtient donc pas la grâce et les vertus par le baptême.

(I) Il est de foi que le baptême confère la grâce sanctifiante avec les vertus infuses, puis tfue nous avons vu ;i|iiest. LXilj que les sacrements de la lei nouvelle produisent la grâce ex opere operato.

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Mais c'est le contraire. Saint Paul dit (Tt 3,5) : Il nom a sauvés par l'eau de la régénération, c'est-à-dire par le baptême, et par le renouvellement de l'Esprit-Saint qu'il a répandu sur nous abondamment; c'est-à-dire pour la rémission des péchés et l'abondance des vertus, comme le dit la glose (inter!.). On reçoit donc dans le baptême la grâce de l'Esprit-Saint et l'abondance des vertus.


CONCLUSION. — Puisque les hommes sont incorporés au Christ par le baptême, ils obtiennent, en recevant ce sacrement, non-seulement la grâce, mais encore les vertus.

21 Il faut répondre que, comme le dit saint Augustin (Lib. i de bapt.parvul. seu de peccator, inerit, et remiss. cap. 26), le baptême a la puissance d'incorporer au Christ ceux qui le reçoivent comme ses membres. Or, la plénitude de la grâce et de la vertu découle du Christ, qui est le chef, sur tous ses membres, d'après ces paroles (Jean, r, 16) : Nous avons tous reçu de sa plénitude. D'où il est évident que par le baptême on acquiert la grâce et les vertus.

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Il faut répondre au premier argument, que comme l'eau du baptême signifie la purification de la faute par son ablution, et la délivrance de la peine par son rafraîchissement; de même elle signifie la splendeur de la grâce et des vertus par sa clarté naturelle.

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Il faut répondre au second, que, comme nous l'avons dit (quest. lxviii. art. 3), on obtient la rémission de ses péchés avant le baptême, selon qu'on a la volonté implicite ou explicite dg recevoir ce sacrement. Cependant, quand on le reçoit réellement, la rémission est plus complète quant à la délivrance de la peine entière. Ainsi avant leur baptême, Corneille et ceux qui lui ressemblaient ont obtenu la grâce et les vertus par la foi du Christ et le désir du baptême qu'ils avaient implicitement ou explicitement; mais en recevant ce sacrement ils ont eu une plus grande abondance de grâce et de vertus. C'est pourquoi sur ces paroles (Ps 22) : Super aquas refectionis educavit me, la glose <Vt (interi. et ord. implic.) : Il nous a fortifiés dans le baptême par un accroissement de vertu et de bonnes oeuvres.

33 Il faut répondre au troisième, qu'on trouve dans ceux qui sont baptisés de la difficulté pour le bien et du penchant pour le mal, non parce qu'ils manquent de l'habitude des vertus, mais à cause de la concupiscence qui n'est pas détruite dans le baptême. Toutefois comme le baptême affaiblit cette passion pour l'empêcher de dominer; de même il affaiblit ces deux dispositions mauvaises, dans la crainte qu'elles ne triomphent de l'homme.




III Pars (Drioux 1852) 1350