III Pars (Drioux 1852) 1385

ARTICLE V. — est-il convenable 1)'attribuer au baptême certains actes de vertus?

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1 Il semble qu'on attribue à tort au baptême, comme ses effets, certains actes de vertus, tels que l'incorporation au Christ, l'illumination et la fécondité. Car on ne donne le baptême à un adulte qu'autant qu'il a la foi, d'après ces paroles (
Mc 24 Mc 16) : Celui qui aura cru et qui sera baptisé sera sauvé. Or, on est incorporé au Christ par la foi, suivant la pensée de saint Paul qui dit (Ep 3,17) : que le Christ habite dans nos coeurs par la foi. On n'est donc baptisé qu'autant qu'on est déjà incorporé au Christ, et par conséquent cette incorporation n'est pas un effet du baptême.

2 L'illumination est produite par l'enseignement, d'après saint Paul qui dit (Ep 3,8) : Moi qui suis le plus petit d'entre tous les saints, j'ai reçu la grâce d'illuminer tous les hommes. Or, l'enseignement qui consiste dans le catéchisme précède le baptême. Il n'en est donc pas l'effet.

3 La fécondité appartient à la génération active. Or, on est régénéré spirituellement par le baptême. La fécondité n'est donc pas un effet de ce sacrement.

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Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (loc. cit. art. préc.) que le baptême a la vertu d'incorporer au Christ ceux qui le reçoivent. Saint Denis (De ec- des. hier. cap. 2) attribue l'illumination à ce sacrement; et sur ces paroles t's. xxii) : Super aquam refectionis, la glose ajoute (interi.) que l'âme que le péché a rendue aride et stérile devient féconde par le baptême.


CONCLUSION. — Puisque les hommes sont incorporés au Christ par le baptême, il est évident que ceux qui sont baptisés reçoivent du Christ, leur chef, un sentiment spirituel et un mouvement; l'un quand ils sont éclairés à l'égard de la connaissance de la vérité, et l'autre quand ils sont enrichis par l'infusion de la grâce de la fécondité des bonnes oeuvres.

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Il faut répondre que par le baptême on est régénéré à la vie spirituelle, qui est produite par la foi du Christ, selon ces paroles de l'Apôtre (Ga 2,20) : Si je vis maintenant dans la chair, j'y vis en la foi du Fils de Dieu. Or, la vie n'appartient qu'aux membres qui sont unis au chef dont ils reçoivent le sentiment et le mouvement. Et c'est pour cela qu'il est nécessaire que parle baptême on soit incorporé au Christ, comme un de ses membres.—Mais comme dans l'ordre naturel la tête communique aux membres le sentiment et le mouvement, de même c'est du chef spirituel, qui est le Christ, que découle sur ses membres le sentiment spirituel qui consiste dans la connaissance de la vérité et le mouvement spirituel qui est produit par l'action de la grâce. D'où il est dit (Jn 1,14) : Nous l'avons vu plein de grâce et de vérité. C'est pourquoi il s'ensuit que ceux qui sont  baptisés sont éclairés par le Christ à l'égard de la connaissance de la vérité, et fécondés par fui de la fécondité des bonnes oeuvres par l'infusion de la grâce (1).

31 Il faut répondre au premier argument, que les adultes qui croient d'abord dans le Christ lui sont incorporés par la pensée; mais ensuite une fois qu'ils sont baptisés ils lui sont incorporés pour ainsi dire corporelle- ment, c'est-à-dire par le sacrement visible, et s'ils n'avaient pas eu l'intention de le recevoir, ils n'auraient pas pu lui tfire incorporés mentalement.

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Il faut répondre au second, que le docteur éclaire extérieurement par son ministère en catéchisant ; tandis que Dieu éclaire intérieurement ceux qui ont été baptisés en préparant leurs coeurs à recevoir la doctrine de vérité, d'après ces paroles (Jn 6,45) : Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous enseignés de Dieu.

33 Il faut répondre au troisième, qu'on met parmi les effets du baptême la fécondité par laquelle on produit les bonnes oeuvres, mais non la fécondité par laquelle on engendre d'autres hommes dans le Christ, selon cette expression de saint Paul (1Co 4,15) : Je vous ai engendrés en Jésus-Christ par V Evangile.

(1)i C'est pour ce motif que parmi les effets du baptême on met l'incorporation, par laquelle lions sommes incorporés au Christ comme ses membres -, Y illumination, qui est l'effet de la foi «liliis l'intelligence ; la fécondation, qui nous li.it multiplier l's bonnes oeuvres.


ARTICLE VI. — LES ENFANTS REÇOIVENT-ILS LA GRACE ET LES VERTUS DANS LE BAPTÊME (2)?

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(2)i Le Concile de Trente a décidé que te baptême conférait à tout le monde sans exception la grâce et les vertus, et, par conséquent, aux enfants comme aux autres Isess. vii, can. 7i : Si quis dixerit non Dei gratiam per hujnsmodi sacramenta semper et omnibus, quantum est ex parte Dei, etiamsi rite ea suscipiant, sed aliquando tt aliquibus, anathema sit.

1 Il semble que les enfants ne reçoivent pas dans le baptême la grâce et les vertus. Car on n'a pas la grâce et les vertus sans la foi et la charité. Or. la foi, comme le dit saint Augustin (Epist, xcvm), consiste dans la volonté de ceux qui croient; de même la charité consiste aussi dans la volonté de ceux qui aiment. Les enfants n'ayant pas l'usage de cette faculté, il s'ensuit qu'ils n'ont ni la foi, ni la charité. Ils ne reçoivent donc ni la grâce, ni les vertus dans le baptême.

2
Sur ces paroles (Jn 14, Majora horum faciet), saint Augustin dit (Tract. Lxxn in Joan) : Que pour faire d'un impie un juste le Christ opère en lui, mais non sans lui. Or, l'enfant, quand il n'a pas l'usage du libre arbitre, ne coopère pas avec le Christ pour sa justification, et même quelquefois il résiste de tout son pouvoir. Il n'est donc pas justifié par la grâce et les vertus.

3 Saint Paul dit (Rm 4,5) : Lorsqu'un homme, sans faire des oeuvres, croit en celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice, suivant le décret de la. grâce de Dieu. Or, l'enfant ne croit pas en celui qui justifie l'impie. Il n'obtient donc ni la grâce sanctifiante, ni les vertus.

4 Ce que l'on fait avec une intention charnelle ne paraît pas produire un effet spirituel. Or, quelquefois les enfants sont présentés au baptême avec une intention charnelle; par exemple, on le fait pour qu'ils soient guéris corporellement. Ils n'obtiennent donc pas l'effet spirituel de la grâce et des vertus.

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Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Ench. cap. 52) : Les enfants meurent en renaissant au péché qu'ils ont contracté en naissant, et par conséquent c'est à eux que se rapportent ces paroles : Nous avons été ensevelis avec lui par le baptême pour mourir au péché. Aussi l'Apôtre ajoute : Afin que, comme Jésus-Christ est ressuscité (Ventre les morts par la gloire de son l'ère, nous marchions aussi dans une vie nouvelle. Or, cette vie nouvelle est produite par la grâce et les vertus. Les enfants reçoivent donc dans le baptême la grâce et les vertus.


CONCLUSION. — Puisque les enfants deviennent les membres du Christ dans le baptême, il s'ensuit qu'ils reçoivent du Christ, leur chef, non-seulement son caractère, mais encore l'influence de la grâce et de la vertu.

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Il faut répondre qu'il y a des auteurs anciens qui ont supposé que les enfants ne recevaient pas dans le baptême la grâce et les vertus; mais que ce sacrement leur imprimait le caractère du Christ, en vertu duquel, quand ils sont arrivés à l'âge mûr, ils obtiennent la grâce et les vertus. Or, il est évident que ce sentiment est faux pour une double raison : 1° Parce que les enfants, comme les adultes, deviennent les membres du Christ dans le baptême; par conséquent, il est nécessaire qu'ils participent à l'influence de la grâce et de la vertu qui découle de leur chef. 2° Parce que, d'après ce sentiment, les enfants qui meurent après avoir reçu le baptême ne parviendraient pas à la vie éternelle; puisque, selon l'expression de l'Apôtre (Rm 6,23), la grâce de Dieu est la vie éternelle. Il n'aurait donc pas été utile pour leur salut qu'ils fussent baptisés (i). — Ce qui a été la cause de cette erreur, c'est qu'ils n'ont pas su distinguer entre l'habitude et l'acte. Comme ils ont vu que les enfants étaient incapables de produire des actes de vertus, ils ont cru qu'ils ne possédaient la vertu d'aucune manière après leur baptême. Mais cette impuissance d'action n'existe pas dans les enfants parce qu'ils manquent des habitudes nécessaires, elle résulte seulement d'un empêchement corporel. C'est ainsi que ceux qui dorment, quoiqu'ils aient les habitudes des vertus. sont cependant empêchés par le sommeil d'en produire les actes.

31 Il faut répondre au premier argument, que la foi et la charité consistent dans la volonté des hommes, mais de telle sorte que les habitudes de ces vertus, aussi bien que celles des autres, requièrent la puissance de la volonté qui existe dans les enfants; au lieu que les actes des vertus

(I) Absit, dit le pape Innocent III, ut universi parvuli pereant, quorum quotidie tanta multitudo moritur : quin et ipsis misericors Deus, qui neminem vult perire, aliquod remedium procuraverit ad salutem. Extray. de bapt. et ejus effect. cap. Majores.

demandent l'acte de cette faculté, ce qui n'existe pas en eux. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (toc. cit.) que le sacrement de la foi, c'est-à-dire celui qui produit l'habitude de la foi, fait un fidèle d'un petit enfant, quoiqu'il n'ait pas encore la foi qui consiste dans l'acte de la volonté de ceux qui croient.

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Il faut répondre au second, que, comme le dit saint Augustin (Lib. de char, tract, ni, sup. Epist, ), on ne renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint qu'autant qu'on le veut; ce qui ne doit pas s'entendre des petits enfants, mais des adultes. C'est aussi des adultes que l'on parle, quand on dit que le Christ ne justifie pas l'homme sans lui. Quant aux enfants que l'on baptise, s'ils s'y opposent de toutes leurs forces, on ne le leur impute pas; parce qu'ils ignorent tellement ce qu'ils font qu'ils ne semblent pas agir, selon la pensée du même docteur (Lib. de prxsc. Dei ad Dardan. ep. ccLxxxvn).

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Il faut répondre au troisième, que, comme le dit encore saint Augustin (Serm. x de verb. apost, cap. 11) ; L'Eglise, comme une bonne mère, prête aux petits enfants les pieds des autres pour marcher, le coeur des autres pour croire, la langue des autres pour confesser le Christ. Ainsi les enfants ne croient pas par leur acte propre, mais par la foi de l'Eglise qui leur est communiquée, et c'est en vertu de cette foi que la grâce et les vertus leur sont conférées.

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Il faut répondre au quatrième, que l'intention charnelle de ceux qui présentent des enfants au baptême ne leur nuit pas; comme la faute de l'un ne nuit pas à l'autre, s'il n'y consent. D'où saint Augustin dit (Epist, xcviu ad Bonifac.) : Ne soyez pas inquiet, s'il y en a qui présentent leurs enfants au baptême, non dans un sentiment de foi, en vue de les faire régénérer pour la vie éternelle par une opération toute spirituelle de la grâce, mais uniquement parce qu'ils regardent ce sacrement comme un moyen de rendre la santé à leurs enfants ou de la leur conserver. Car les enfants n'en sont pas moins régénérés, bien que ce ne soit pas dans cette intention qu'on les ait présentés au baptême.



ARTICLE VII. — LE BAPTÊME A-T-IL POUR EFFET Í»'OLVIUR LA PORTE DU ROYAUME CÉLESTE (1)?

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1 Il semble que le baptême n'ait pas pour effet d'ouvrir la porte du royaume céleste. Car on n'a pas besoin d'ouvrir ce qui est ouvert. Or, la porte du royaume du ciel a été ouverte par la passion du Christ. C'est pourquoi il est dit (
Ap 4,1) : Après cela j'ai vu une grande porte ouverte dans le ciel. Le baptême n'a donc pas pour effet d'ouvrir la porte du royaume céleste.

2 Le baptême a produit son effet en tout temps depuis qu'il a été établi. Qu’ il y en a qui ont reçu le baptême du Christ avant sa passion, comme on le voit (Jean. iii). Cependant, s'ils étaient morts alors, ils n'auraient pas encore trouvé ouverte la porte du royaume céleste, dans lequel personne n'est entré avant le Christ, d'après ces paroles du prophète (Mi 2,13) : Il est monté ouvrant le chemin devant eux. Le baptême n'a donc pas eu pour effet d'ouvrir le royaume du ciel.

(I) Cet ARTICLE n'est qu'une conséquence île ce qui a été dit dans les deux premiers ARTICLEs de cette question.

3 Cou x qui sont baptisés sont encore soumis à la mort et aux autres peines de la vie présente, comme nous l'avons dit (art. 3 huj. quaest.). Or l'entrée du ciel n'est ouverte à personne tant qu'il est soumis à la peine, comme on le voit à l'égard de ceux qui sont dans le purgatoire. Le baptême n'a donc pas pour effet d'ouvrir la porte du royaume céleste.

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Mais c'est le contraire. Sur ces paroles (Luc. iii) : Apertum est caelum, la glose dit (ord.) : On voit par là la vertu du baptême; pour celui qui en sort la porte du royaume céleste est ouverte.


CONCLUSION. — Puisque le baptême efface ton les fautes et toute la peine qu'elles méritent, on doit croire qu'il ouvre la porte du royaume du ciel.

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Il faut répondre qu'ouvrir la porte du royaume céleste, c'est écarter l'obstade qui empêche d'y entrer. Or, cet obstade, c'est le péché et la peine qu'il mérite. Et comme nous avons démontré (art. 1 et2 huj. quaest.) que le baptême efface toutes les fautes et toute la peine qu'elles ont méritée, il s'ensuit que ce sacrement a pour effet d'ouvrir la porte du royaume céleste.

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Il faut répondre au premier argument, que le baptême ouvre à celui qui est baptisé la porte du royaume céleste, en tant qu'il l'incorpore à la passion du Christ en lui en appliquant les mérites.

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Il faut répondre au second, que, quand la passion du Christ n'était pas encore parfaite en réalité, mais qu'elle ne l'était que dans la foi de ceux qui croyaient, le baptême ouvrait proportionnellement la porte du ciel, c'est-à-dire qu'il ne le faisait pas en réalité, mais en espérance. Car ceux qui étaient baptisés attendaient énamourant avec une espérance assurée leur entrée dans le royaume céleste.

33
Il faut répondre au troisième, que celui qui est baptisé n'est pas sujet à la mort et aux misères de la vie présente, parce que la personne le mérite, mais à cause de l'état de notre nature. C'est pourquoi cela n'empêche pas d'entrer dans le royaume céleste, quand l'âme est séparée du corps par la mort, comme ayant satisfait à ce qu'on devait à la nature.



ARTICLE VIII — LE îhi'TÎ.ME PROMIT-IL DANS TOCS LES HOMMES L'N EFFET ÉC.AL ?

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1 Il semble que le baptême ne produise pas dans tous les hommes un effet égal. Car il a pour effet d'effacer la faute. Or, il efface plus de péchés dans certains individus que dans d'autres. Car il n'efface que le péché originel dans les enfants, tandis qu'il efface encore les péchés actuels dans les adultes, et parmi eux il y en a qui en ont plus et d'autres moins. II ne produit donc pas le même effet dans tous les hommes.

2
Le baptême confère à l'homme la grâce et les vertus. Or, il y en a qui après leur baptême paraissent avoir une grâce plus grande et des vertus plus parfaites que d'autres qui ont été baptisés comme eux. Le baptême ne produit donc pas le même effet dans tout le monde.

3
La nature est perfectionnée par la grâce, comme la matière par la forme. Or, la forme est reçue dans la matière selon sa capacité. Par conséquent, puisque parmi les enfants qui sont baptisés, il y en a qui ont une capacité naturelle plus grande que d'autres, il semble qu'ils reçoivent une grâce plus grande.

4
Dans le baptême il v en a qui obtiennent non-seulement le salut de leur âme, mais encore celui de leur corps; comme on le voit à l'égard de Constantin (1), qui fut guéri de la lèpre dans son baptême. Le baptême ne produit donc pas le même effet dans tout le monde.

(1) Ce fait se trouve emprunté aux actes de saint S vi vestro, i «ne Rarnnins remanie comme authentiques. D'après ces actes, le pape saint Sylvester  aurait baptisé Constantin à Konie, l'an

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Mais c'est le contraire. Saint Paul dit (Ep 4,5) : llriy a qu'une foi, qu'un baptême. Or, une cause uniforme produit un effet qui est uniforme aussi. Par conséquent le baptême produit le même effet dans tout le monde.


CONCLUSION. — Le baptême produit le même effet dans tous ceux qui le reçoivent de la même manière par rapport au but pour lequel il a été établi, c'est-à-dire par rapport au renouvellement de la vie spirituelle; quant aux autres effets ils ne sont pas les mêmes, ils sont plus grands dans les uns et moindres dans les autres, selon l'ordre de la divine providence.

21 Il faut répondre que le baptême produit deux sortes d'effets, l'un par lui-même, et l'autre par accident. L'effet qu'il produit par lui-même est celui pour lequel il a été établi, c'est-à-dire la régénération des hommes à la vie spirituelle. Il produit également cet effet dans tous ceux qui le reçoivent de la même manière. Ainsi tous les enfants recevant le baptême! de la même manière (parce qu'ils ne sont pas baptisés dans leur propre foi, mais dans la foi de l'Eglise), ils reçoivent tous également le même effet dans ce sacrement. Mais les adultes qui s'approchent du baptême par leur propre foi ne le reçoivent pas tous de la même manière. Car les uns le reçoivent avec plus et les autres avec moins de dévotion ; c'est pourquoi la grâce de la régénération est plus vive dans les uns et l'est moins dans les autres, comme le même feu donne plus de chaleur à celui qui s'en approche davantage, quoique, considéré en lui-même, il répande également sa chaleur vers tout le monde. — L'effet que le baptême produit par accident est celui pour lequel ce sacrement n'a pas été établi, mais que la vertu divine opère en lui miraculeusement. Comme le dit la glose (August. lib. i

I) e peccat, inerit. et rem. cap. 39) sur ces paroles de saint Paul (
Rm 6) : Ut ultra non serviamus peccato : Le baptême ne fait pas que la loi du péché qui est dans nos membres se trouve complètement éteinte, sinon par un mirade ineffable du Créateur. Tous ceux qui sont baptisés ne reçoivent pas également ces effets, quoiqu'ils s'approchent de ce sacrement avec une égale dévotion ; mais ces faveurs sont dispensées selon l'ordre de la providence divine.

31 Il faut répondre au premier argument, que la moindre grâce baptismale est suffisante pour effacer tous les péchés. Par conséquent si le baptême efface plus de péchés dans les uns et qu'il en efface moins dans les autres, ceci ne résulte pas de l'efficacité plus ou moins grande du sacrement, mais de la condition du sujet; parce qu'il efface dans chaque individu toutes les fautes qu'il y trouve.

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Il faut répondre au second, que si l'on voit se manifester une grâce plus grande ou moindre dans ceux qui sont baptisés, cette différence peut résulter de deux causes : 1° de ce que l'un reçoit dans le baptême une grâce plus grande qu'un autre, parce qu'il s'en est approché avec plus de dévotion, comme nous l'avons dit (in corp. art.) ; 2° de ce que, bien qu'ils aient reçu une grâce égale, ils n'en ont pas usé également. L'un en a profité avec plus de zèle, et l'autre a manqué d'y correspondre par négligence.

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Il faut répondre au troisième, que la différence des capacités naturelles dans les hommes ne provient pas de la diversité de leur âme qui est renouvelée par le baptême (puisque tous les hommes étant de La même espèce ont la même forme), mais elle résulte de la diversité des dispositions de leur corps. Or, il en est autrement pour les anges qui diffèrent d'espèce. C'est pourquoi les dons gratuits que les anges reçoivent varient selon la diversité de leurs capacités naturelles, tandis qu'il n'en est pas de même des hommes.

Voyez les Annales de Baronius à cette année. Mais la plupart des historiens modernes sont d'un sentiment opposé. Ils croient qu'il a été baptisé à Nicomédie sur la lin de sa vie. Voyez Papebroch, Acta sanctorum, ad 21 maii ; Critica Pagi, ad an. 521; Noël Alexandre, H is t. Ecdes. saec. IV, Dissertât., les Iîénédictins de Sainl-Maur dans leurs notes sur le discours de saint Ambroise, à l'occasion de la mort de Tliéo- ilose, Tilleniont, Fleury, ele.

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Il faut répondre au quatrième, que la santé du corps n'est pas par elle- même un effet du baptême, mais elle est une opération miraculeuse de la providence divine.



ARTICLE ix. — la fiction empêche-t-elle l’effet du baptême (4)?

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1 Il semble que la fiction n'empêche pas l'effet du baptême. Car l'Apôtre dit (
Ga 3,27) : fous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Or, tous ceux qui reçoivent le baptême du Christ sont baptisés dans le Christ. Ils revêtent donc tous le Christ; ce qui consiste à percevoir l'effet de ce sacrement, et par conséquent la fiction ne le rend pas nul.

2 La vertu divine qui peut changer la volonté de l'homme en la tournant au bien, opère dans le baptême. Or, l'effet de la cause qui agit ne peut être empêché par l'obstade que cette cause peut enlever. La fiction n'empêche donc pas l'effet du baptême.

3
L'effet du baptême est la grâce à laquelle le péché est opposé. Or, il y a beaucoup d'autres péchés plus graves que la fiction, et on ne dit pas qu'ils empêchent l'effet du baptême. la fiction ne l'empêche donc pas non plus.

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Mais c'est le contraire. Le Sage dit (Sg 1,5) : l’ Esprit-Saint, qui est le maître de la science, fuit le déguisement. Or, l'effet du baptême vient de l'Esprit-Saint. Par conséquent le déguisement l'empêche.


CONCLUSION. — Puisque Dieu ne contraint pas les hommes à être justes, il est évident que ceux qui s'approchent du baptême ave*1 dissimulation n'en reçoivent pas l'effet.

21 Il faut répondre que, comme le dit saint Jean Damascène (Orth. fid. lib. ii, cap. 30), Dieu ne contraint pas l'homme à être juste. C'est pourquoi, pour que quelqu'un soit justifié par le baptême, il faut que la volonté de l'homme embrasse ce sacrement et l'effet qu'il produit. Or, on dit que quelqu'un use de fiction par là même que sa volonté est en contradiction avec le baptême ou avec son effet. Car, d'après saint Augustin (Lib. i de Bapt. cont. Donat. cap. 4, lib. vii, cap. 53), on use de fiction de quatre manières : 1° quand on ne croit pas, puisque le baptême est le sacrement de la foi ; 2° parce qu'on méprise le sacrement lui-même ; 3° parce qu'on l'administre d'une autre façon sans observer le rite de l'Eglise (2) ; i° parce qu'on s'en approche indévotement. D'où il est évident que la fiction empêche l'effet du baptême.

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Il faut répondre au premier argument, qu'on peut entendre que l'on est baptisé dans le Christ de deux manières. 1° On peut être baptisé dans le Christ, c'est-à-dire lui ressembler. Tous ceux qui sont ainsi baptisés en lui, lui ressemblent par la foi et la charité et revêtent le Christ par la grâce. 2° On dit que l'on est baptisé dans le Christ selon qu'on reçoit son sacrement. Tous ceux qui revêtent le Christ de la sorte reçoivent le caractère, mais ils ne lui sont pas conformes par la grâce.

(!) Par fiction on entend ici celui qui s'approche du sacrement de baptême sans la foi ou sans la pénitence, ou avec une certaine affection pour le péché. Ces dispositions mauvaises n'empêchent pas de recevoir le sacrement et son caractère, mais elles empêchent ses autres effets, qui sont la rémission des péchés et de la peine qu’ils ont méritée.
(2) Il peut se faire alors que le sacrement soit invalide, si on manque à quelque chose d'essentiel dans la matière ou la forme. Il en est de même pour la seconde condition, si le mépris se traduit par des actes qui montrent qu'on agit dé- risoireinent, mimicè, en le conférant on en le recevant.

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Il faut répondre au second, que quand Dieu change la volonté de l'homme de mal en bien, alors l'homme ne s'approche pas du sacrement par feinte, mais Dieu ne le fait pas toujours. D'ailleurs le sacrement n'est pas établi pour que celui qui est dissimulé ne le soit plus, mais pour que celui qui s'en approche franchement soit justifié.

33
Il faut répondre au troisième, qu'on dit que l'on use de  Action par là même qu'on a l'air extérieurement de vouloir ce qu'on ne veut pas. Or, quiconque se présente au baptême montre par là qu'il a la vraie foi du Christ, qu'il est pénétré de respect pour ce sacrement, et qu'il veut se conformer au Christ et s'éloigner du péché. Ainsi tout homme qui veut rester attaché au péché et qui se présente au baptême, le fait avec dissimulation, parce qu'il n'a pas la dévotion que ce sacrement exige. Mais ceci doit s'entendre du péché mortel qui est contraire à la grâce et non du péché véniel. Par le mot de fiction on comprend donc ici en quelque sorte tout péché



ARTICLE x. — une fois que la fiction a cessé, le baptême opère-t-il son effet (2)?

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1 Il semble que la fiction cessant, le baptême n'opère pas son effet. Car une oeuvre morte qui existe sans la charité ne peut jamais être vivifiée. Or, celui qui s'approche du baptême a^c feinte reçoit ce sacrement sans la charité. Il ne peut donc jamais être vivifié au point de conférer la grâce.

2
La fiction paraît être plus forte que le baptême, puisqu'elle en empêche l'effet. Or, le plus fort n'est pas enlevé par le plus faible. Par conséquent le péché de fiction ne peut être effacé parle baptême que la fiction empêche : et par suite le baptême n'obtient pas son effet qui consiste dans la rémission de tous les péchés.

3
II arrive qu'on s'approche du baptême asec feinte, et qu'après l'avoir reçu on commette beaucoup de péchés. Ces péchés ne sont cependant pas effacés par ce sacrement, parce qu'il efface les péchés passés et non les péchés à venir. Le baptême dans ce cas n'obtiendra donc jamais son effet qui est la rémission de tous les péchés.

20
Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (De Bapt. lib. i, cap. 12) : Alors le baptême commence à être utile pour le salut, quand une confession franche et vraie remplace cette fiction qui, tant que le coeur persévérait dans sa malice ou son sacrilège, ne permettait pas que les péchés fussent effacés.


CONCLUSION. — Une fois que la pénitence a fait cesser la fiction, le baptême obtient toujours son effet.

cet ARTICLE est le plus communément suivi par les théologiens.

(!) Tout péché mortel au» uel on ne veut pas renoncer.
(2) l.t» sentiment exposé par saint Thomas ihuis

21
II faut répondre que, comme nous l'avons dit fquest. lxvi, art. 9), le baptême est une régénération spirituelle. Or, quand une chose est engendrée, elle reçoit tout à la fois avec la forme l'effet de la forme, à moins qu'il n'y ait un obstade; et quand cet obstade est enlevé, la forme de la chose engendrée produit son effet. Ainsi quand un corps grave est engendré, il est en même temps porté à descendre de haut en bas. à moins que quelque chose ne l'en empêche. Et dès que cet obstade est détruit, il commence alors à se mouvoir de cette manière. — De même, quand on est baptisé, on reçoit le caractère qui est comme la forme, et on obtient son effet propre, qui est la grâce qui remet tous les péchés. Mais cet effet est quelquefois empêché par la fiction. Par conséquent il faut que dès que la pénitence a fait cesser cette dernière, le baptême obtienne immédiatement son effet.

31
II faut répondre au premier argument, que le sacrement de baptême est l'oeuvre de Dieu et non de l'homme. C'est pourquoi ce n'est pas une oeuvre morte dans celui qui dissimule et qui reçoit ce sacrement sans la charité.

32
II faut répondre au second, que la fiction n'est pas détruite par le baptême, mais par la pénitence que Ton fait ensuite. Dès qu'elle a cessé, le baptême efface tous les péchés et la peine méritée par ceux qui ont précédé le baptême et qui existaient simultanément avec lui. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (/oc. sup. cit.) : Le jour d'hier est pardonné et tout ce qui précède, l'heure même et le moment avant le baptême et pendant le baptême est aussi pardonné ; ensuite on commence à redevenir coupable. Par conséquent le baptême et la pénitence concourent à produire l'effet du baptême; le baptême comme la cause qui agit par elle-même, et la pénitence comme la cause par accident, c'est-à-dire qui écarte l'obstade.

33 Il faut répondre au troisième, que l'effet du baptême n'est pas d'effacer les péchés futurs, mais les péchés présents ou passés. C'est pourquoi, quand la fiction cesse, les péchés qui suivent sont remis, mais ils le sont par la pénitence et non par le baptême. Par conséquent ils ne sont pas remis complètement quant à la peine qu'ils ont méritée, comme les péchés qui précèdent le baptême.



QUESTION 70: DE LA CIRCONCISION QUI A PRÉCÉDÉ LE BAPTÊME.

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Nous avons à nous occuper en dernier lieu de ce qui a préparé le baptême, et d'abord de la préparation qui l'a précédé, c'est-à-dire de la circoncision ; ensuite des préparatifs qui existent simultanément avec lui, c'est-à-dire du catéchisme et de l'exorcisme. — Sur la circoncision quatre questions se présentent : 1° La circoncision a-t- elle été une préparation et une figure du baptême?— 2" De son institution. — 3° De son rite. — 4° De son effet.



ARTICLE i. — la circoncision a-t-elle été la préparation et la figure du baptême ?

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1 Il semble que la circoncision n'ait pas été la préparation et la figure du baptême. Car toute figure a de la ressemblance avec son objet figuré. Or, la circoncision n'a pas de ressemblance avec le baptême. Il semble donc qu'elle n'ait été ni la préparation, ni la figure de ce sacrement.

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L'Apôtre dit en parlant des anciens pères (1Co 10) qu'ils ont tous été baptisés dans la nue et dans la mer. Or, il ne dit pas qu'ils ont été baptisés dans la circoncision. La protection qui s'est manifestée dans la colonne nébuleuse et dans le passage de la mer Bouge a donc été plutôt une préparation au baptême et sa figure que la circoncision.

3 Nous avons dit (quest. xxxviii, art. 1 ad 1) que le baptême de Jean a été une préparation au baptême du Christ. Si donc la circoncision a été préparatoire et figurative du baptême du Christ, il semble que Je baptême de Jean ait été superflu ; ce qui répugne. Elle n'a donc été ni une préparation, ni une figure du baptême.

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Mais c'est le contraire. Saint Paul dit (Col 2,2) : Vous avez, été circoncis von de celte circoncision faite de main d'homme, qui consiste dans le dépouillement du corps, mais de la circoncision du Christ, et vous avez été ensevelis avec lui par le baptême. ,



CONCLUSION. — Puisque la foi des anciens a été la même que la nôtre, et que tout leur arrivait en ligure, il est évident que la circoncision, qui est une profession de foi, a été une préparation et une ligure du baptême.

21 II faut répondre qu'on appelle le baptême le sacrement de la foi, en ce sens que dans le baptême il y a une profession de foi, et que par le baptême on est agrégé à la société des fidèles. Or, notre foi est la même que celle des anciens patriarches, d'après ces paroles de saint Paul (2Co 4,13) : Nous croyons ayant le même esprit de \oi. La circoncision était aussi une protestation de foi, et c'est pour cela qu'il est dit (Rm 4,11) : qu'Abraham reçut la circoncision comme le sceau de la foi, et c'était par conséquent par elle que les anciens étaient agrégés à la société des fidèles. D'où il est évident que la circoncision a été une préparation au baptême et qu'elle l'a figuré à l'avance, selon que tout ce qui arrivait aux juifs était une ligure de l'avenir, d'après l'expression de saint Paul (1Co 10) ; comme leur loi avait aussi l'avenir pour objet.

31 II faut répondre au premier argument, que la circoncision avait de la ressemblance avec le baptême par rapport à l'effet spirituel du sacrement. Car, comme on enlevait par la circoncision une partie du corps, de même par le baptême on dépouille l'homme de sa vie charnelle.

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Il faut répondre au second, que le mirade de la colonne nébuleuse et du passage de la mer Rouge ont été des ligures de notre baptême par lequel nous renaissons de l'eau signifiée par la mer Rouge, et de l'Esprit- Saint signifié par la colonne nébuleuse; mais ces mirades n'étaient pas une profession de foi comme la circoncision ; c'est pourquoi ils n'étaient que des figures et non des sacrements. Quant à la circoncision elle était un sacrement qui préparait au baptême; cependant elle le figurait moins expressément que ces deux prodiges sous le rapport extérieur. C'est pourquoi l'Apôtre a plutôt fait mention de ces prodiges que de la circoncision (J).

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Il faut répondre au troisième, que le baptême de Jean a été une préparation au baptême du Christ quant à l'exercice de l'acte, tandis que la circoncision l'a été quant à la profession de foi qui est requise dans le baptême, comme nous l'avons dit (in corp. art.).




III Pars (Drioux 1852) 1385