III Pars (Drioux 1852) 1543

ARTICLE III. — les espèces qui restent dans l'eucharistie peuvent-elles changer ou affecter les corps extérieurs (4) ?

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1 Il semble que les espèces qui restent dans l'eucharistie ne puissent pas changer quelque chose d'extérieur. Car Aristote prouve ( Phys. lib. vii) que les formes qui sont dans la matière sont produites par des formes qui sont dans la matière, mais non par des formes qui sont sans matière, parce que le semblable agit sur ce qui lui ressemble. Or, les espèces sacramentelles sont des espèces sans matière, parce qu'elles restent sans sujet, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (art. 4 huj. quaest.). Elles ne peuvent donc pas changer la matière extérieure en lui donnant une forme.

2
Quand l'action de l'agent principal cesse, il est nécessaire que l'action de l'instrument cesse; comme quand l'ouvrier se repose, le marteau ne se ment plus. Or, toutes les formes accidentelles agissent instrumentalement par la vertu de la forme substantielle qui est comme l'agent principal. Par conséquent puisque dans l'eucharistie la forme substantielle du pain et du vin ne subsiste plus, ainsi que nous l'avons vu (quest. lxxv, art. 2 et 6), il semble que les formes accidentelles qui subsistent ne puissent agir pour opérer un changement dans une matière extérieure.

3
Rien n'agit au-delà de son espèce, parce que l'effet ne peut l'emporter sur sa cause. Or, toutes les espèces sacramentelles sont des accidents. Elles ne peuvent donc changer la matière extérieure, du moins par rapport à sa forme substantielle.

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Mais c'est le contraire; parce que si elles ne pouvaient agir sur les corps extérieurs, on ne pourrait les sentir. Car on sent une chose par là même que les sens sont affectés par ce qui est sensible, comme on le voit ( De anima, lib. ii , text. 54, 74,421).

(I) Les autres accidents existent dans l'eucharistie par la quantité commensurable, d'après saint Thomas, mais ils pourraient aussi exister sans elle par la seule puissance de Dieu.
(2) Dans l'ordre naturel Dieu soutient ces accidents par l'intermédiaire de la substance, et, par conséquent, d'une façon médiate, au lieu que dans l'état eucharistique il les soutient immédiatement par sa puissance.

Mais elle est une quantité physique.

Cet ARTICLE n'est que le développement de la doctrine qui précède.



CONCLUSION. — Puisque les espèces sacramentelles subsistent par la vertu divine dans l'être qu'elles avaient, lorsque la substance du pain et du vin existait, il n'est pas douteux qu'elles ne puissent opérer un changement dans les corps extérieurs.

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Il faut répondre que chaque être agissant selon qu'il est un être en acte, il s'ensuit que chaque chose est à l'action ce qu'elle est à l'être. Ainsi, d'après ce que nous avons dit (art. 1 huj. quaest. ad 3), la vertu divine ayant fait que les espèces sacramentelles subsistent dans l'être qu'elles avaient, lorsque la substance du pain et du vin existait, il s'ensuit qu'elles subsistent aussi dans leur action. C'est pourquoi toute l'action qu'elles pouvaient avoir, quand la substance du pain et du vin existait, elles peuvent l'exercer encore, lorsque la substance du pain et du vin est convertie au corps et au sang du Christ. Il est donc certain qu'elles peuvent opérer un changement dans les corps extérieurs.

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Il faut répondre au premier argument, que les espèces sacramentelles, quoiqu'elles soient des formes qui existent sans matière, conservent cependant le même être qu'elles avaient auparavant dans la matière. C'est pourquoi selon leur être elles ressemblent aux formes qui sont dans la matière.

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Il faut répondre au second, que l'action de la forme accidentelle dépend de l'action de la forme substantielle, comme l'être de l'accident dépend de l'être de la substance. C'est pourquoi comme la vertu divine fait que les espèces sacramentelles peuvent exister sans la substance; de même il leur est accordé de pouvoir agir sans la forme substantielle, par cette même vertu de Dieu duquel dépend, comme du premier agent, toute action de forme substantielle et accidentelle.

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Il faut répondre au troisième, que le changement qui se rapporte à la forme substantielle n'est pas produit par la forme substantielle immédiatement, mais par l'intermédiaire des qualités actives et passives qui agissent en vertu de cette forme substantielle. Mais la puissance divine conserve aux espèces sacramentelles cette vertu instrumentale, comme elles l'avaient auparavant. C'est pourquoi elles peuvent agir instrumentalement sur la forme substantielle, comme une chose peut agir au delà de son espèce, non par sa vertu propre, mais par la vertu de l'agent principal.



ARTICLE IV. — les espèces sacramentelles peuvent-elles se corrompre?

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1 Il semble que les espèces sacramentelles ne puissent pas se corrompre. Car la corruption arrive parce que la forme se sépare de la matière. Or, la matière du pain ne subsiste pas dans l'eucharistie, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (quest. lxxv, art. 2 et 6). Ces espèces ne peuvent donc pas se corrompre.

2
Aucune forme ne se corrompt sinon par accident, quand le sujet se corrompt lui-même. C'est pour cela que les formes qui subsistent par elles-mêmes sont incorruptibles, comme on le voit évidemment pour les substances spirituelles. Or, les espèces sacramentelles sont des formes sans sujet. Elles ne peuvent donc se corrompre.

3
Si elles se corrompaient, ce serait ou naturellement ou par mirade. Or, ce n'est pas naturellement, parce qu'il n'y a pas lieu d'assigner un sujet de corruption qui subsiste, après que la corruption est terminée. Ce n'est pas non plus par mirade, parce que les mirades qui ont lieu dans ce sacrement se font par la vertu de la consécration, par laquelle les espèces sacramentelles sont conservées. Or, comme la cause de la conservation et celle de la corruption ne sont pas une même chose, il s'ensuit que les espèces sacramentelles ne peuvent être corrompues d'aucune manière.

20
Mais c'est le contraire. Car les sens nous apprennent que les hosties consacrées pourrissent et se corrompent.


CONCLUSION. — Puisque les espèces sacramentelles conservent le même être qu'elles avaient avant la consécration, elles peuvent se corrompre après la consécration comme avant, soit par elles-mêmes, soit par accident.

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Il faut répondre que la corruption est un mouvement qui va de l'être au non-être. Or, nous avons dit (art. préc.) que les espèces sacramentelles conservent le même être qu'elles avaient auparavant, lorsque la substance du pain et du vin existait. C'est pourquoi, comme l'être de ces accidents pouvait être corrompu, quand la substance du pain et du vin existait; de même il peut aussi se corrompre, une fois que cette substance n'existe plus.—Ces accidents pouvaient être d'abord corrompus de deux manières: 1° par eux-mêmes; 2° par accident. Par eux-mêmes, tel que par l'altération de leurs qualités et par un accroissement ou une diminution de quantité ; non à la vérité à la manière de l'accroissement ou de la diminution qui ne se trouvent que dans les corps animés auxquels ne ressemblent pas la substance du pain et celle du vin, mais par l'addition ou la division. Car, selon la remarque d'Aristote (Met. lib. iii, text. 17), par la division une dimension est corrompue et il s'en fait deux, au lieu que par l'addition au contraire, de deux il ne s'en fait qu'une. Ces accidents peuvent évidemment être corrompus de cette manière après la consécration ; parce que la quantité commensurable subsistant, elle est susceptible de division et d'addition, et puisqu'elle est le sujet des qualités sensibles, comme nous l'avons dit (art. 1 huj. quaest.), elle peut être aussi le sujet de leur altération, comme si par exemple on altérait la couleur ou le goût du pain et du vin. — D'une autre manière, ils pouvaient être corrompus par accident par la corruption du sujet. Ils peuvent aussi l'être de la sorte après la consécration. Car quoique le sujet ne subsiste plus, cependant l'être que ces accidents avaient dans le sujet subsiste, et cet être est propre et conforme au sujet (i). C'est pourquoi ils peuvent être corrompus par un agent contraire, comme la substance du pain et du vin se corrompait, bien qu'elle ne le fût qu'autant qu'il y avait eu préalablement une altération dans les accidents. — Cependant, il faut établir une distinction à l'égard de ces deux modes de corruption. Car, puisque le corps du Christ et son sang succèdent dans l'eucharistie à la substance du pain et du vin, s'il se fait un changement dans les accidents qui ne soit pas suffisant pour corrompre le pain et le vin, il n'en résulte pas que le corps et le sang du Christ cessent d'être dans le sacrement; soit que ce changement se rapporte à la qualité, comme quand la couleur ou le goût du pain et du vin n'est qu'un peu changé; soit qu'il se rapporte à la quantité, comme quand on divise le pain et le vin en parties assez considérables pour qu'on puisse encore retrouver en elles la nature du pain et du vin. Mais si le changement est tel qu'il aurait corrompu la substance du pain ou du vin, le corps et le sang du Christ ne subsistent plus dans le sacrement ; soit que le changement se rapporte aux qualités, comme quand la couleur, la saveur et les autres qualités du pain et du vin sont tellement changées qu'elles ne peuvent être compatibles d'aucune manière avec la nature du pain et du vin ; soit qu'il se rapporte à la qualité, comme dans le cas où le pain serait pulvérisé ou le vin réduit en parties si ténues, que les espèces du pain ou du vin ne subsisteraient plus.

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Il faut répondre au premier argument, qu'il appartient à la corruption absolument de détruire l'être d'une chose. Par conséquent, selon que l'être d'une forme est dans la matière, il s'ensuit que par la corruption la forme est séparée de la matière. Mais si l'être d'une chose n'existait pas dans la matière et que cependant il fût semblable à celui qui y existe, il pourrait être détruit par la corruption, même quand la matière n'existerait pas; comme il arrive dans l'eucharistie, ainsi qu'on le voit d'après ce que nous avons dit (in corp. art.).

(H) Ce qui aurait détruit la substance dans le cas où elle aurait existé, altère ou détruit lis accidents qui subsistent sans elle, h la vérité, mais qui ont cependant le même être qu'auparavant.

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Il faut répondre au second, que quoique les espèces sacramentelles soient des formes qui n'existent pas dans la matière, cependant elles ont l'être qu'elles avaient auparavant dans la matière (1).

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Il faut répondre au troisième, que la corruption de ces espèces n'est pas miraculeuse, mais naturelle ; elle présuppose le mirade qui s'est fait dans la consécration, et qui consiste en ce que ces espèces sacramentelles conservent sans sujet l'être qu'elles avaient auparavant dans un sujet: comme l'aveugle qui a recouvré la vue par mirade, voit naturellement.



ARTICLE V. — peut-il s'engendrer quelque chose des espèces sacramentelles (2) ?

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1 Il semble qu'il ne puisse rien s'engendrer des espèces sacramentelles. Car ce qui est engendré est engendré d'une matière ; puisque rien ne s'engendre de rien, quoique quelque chose soit fait de rien par la création. Or, il n'y a pas d'autre matière sous les espèces sacramentelles que celle du corps du Christ qui est incorruptible. Il semble donc que rien ne puisse être engendré des espèces sacramentelles.

2
Les choses qui n'appartiennent pas au même genre ne peuvent pas être faites l'une de l'autre; caria ligne ne se fait pas de la blancheur. Or, l'accident et la substance diffèrent de genre. Par conséquent, puisque les espèces sacramentelles sont des accidents, il semble qu'elles ne puissent pas engendrer d'elles une substance.

3
Si une substance corporelle était engendrée d'elles, cette substance n'existerait pas sans accident. Si donc une substance corporelle était engendrée des espèces sacramentelles, il faudrait que d'un accident il se fût formé une substance et un accident, c'est-à-dire deux choses d'une seule, ce qui est impossible. Il est donc impossible que des espèces sacramentelles une substance corporelle soit engendrée.

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Mais c'est le contraire. On peut voir au moyen des sens que les espèces sacramentelles peuvent engendrer quelque chose, soit des cendres, si on les brûle, soit des vers si elles sont en putréfaction, soit de la poussière si on les broie.


CONCLUSION. — Il peut s'engendrer quelque chose des espèces sacramentelles, quoiqu'il n'y ait aucune matière, la quantité commensurable remplissant le rôle de la matière.

là pour le démontrer. Toute la difficulté consiste à expliquer de quelle manière cela se fait, et c'est ce qui est l'objet de discussions assez multipliées entre les théologiens.

(1) Quoique ces formes soient détachées de la matière elles conservent par la vertu divine 1’être qu'elles avaient dans la matière avant la consécration.
(2) Le fait est certain, puisque l'expérience est

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Il faut répondre que la corruption d'une chose étant la génération d'une autre, comme le dit Aristote (De generat, lib. i, text. 17), il est nécessaire qu'il s'engendre quelque chose des espèces sacramentelles, quand elles se corrompent, comme nous l'avons dit (art. préc.). Car elles ne se corrompent pas de manière à être absolument détruites, comme si elles étaient anéanties; mais il y a évidemment quelque chose de sensible qui leur succède. Toutefois il est difficile de voir comment quelque chose peut s'engendrer d'elles. Car il est évident que rien ne s'engendre du corps et du sang du Christ qui sont là véritablement, puisqu'ils sont incorruptibles. Si la substance du pain ou du vin restait dans l'eucharistie ou leur matière, il serait facile d'établir que les choses sensibles qui leur succèdent sont engendrées d'elles, comme quelques-uns l'ont fait. Mais ce sentiment est faux, comme nous l'avons vu (quest. lxxv, art. 2 et G). — C'est pourquoi il y en a qui ont prétendu que ce qui est engendré ne provient pas des espèces sacramentelles, mais de l'air environnant; ce qui est évidemment impossible pour beaucoup de raisons. 1° Parce qu'une chose est engendrée de ce que l'on a vu auparavant s'altérer et se corrompre, et que Ton n'a vu préalablement ni altération, ni corruption dans l'air environnant; par conséquent ce n'est pas de lui que sont engendrés les vers ou les cendres. 2° Parce que l'air n'est pas de nature à produire de semblables choses par ses altérations. 3° Parce qu'il peut se faire qu'il y ait une grande quantité d'hosties consacrées qui soient brûlées ou pourries, et il ne serait pas possible que l'air produisit autant de substance terreuse, à moins qu'on ne l'épaissît considérablement et d'une manière très-sensible. 4° Parce que la même chose devrait arriver aux corps solides qui les environnent, comme le fer ou les pierres, et ces choses restent dans leur intégrité après que ces cendres ou cette pourriture sont produites. Cette hypothèse ne peut donc se soutenir ; parce qu'elle est contraire à ce qui se manifeste aux sens. — C'est pour cela que d'autres ont dit que la substance du pain et du vin revient lorsque les espèces se corrompent. Ainsi c'est de la substance du pain et du vin qui est revenue que les cendres ou les vers, ou toutes les autres choses semblables, sont engendrés. Mais cette hypothèse parait également impossible : 4° Parce que, si la substance du pain et du vin a été changée au corps et au sang du Christ, comme nous l'avons vu (quest. lxxv, art. 2 et 4), elle ne peut revenir qu'autant que le corps ou le sang du Christ serait de nouveau changé en la substance du pain ou du vin, ce qui est impossible. C'est ainsi que quand l'air a été changé en feu, il ne peut revenir qu'autant que le feu se change de nouveau en air. Mais si la substance du pain ou du vin a été anéantie, elle ne peut revenir de nouveau; parce que ce qui est tombé dans b néant ne revient pas le même numériquement ; à moins que par hasard on ne dise que ces substances reviennent, parce que Dieu crée de nouveau une autre substance nouvelle à la place de la première. 2° Il semble que ce soit impossible, parce qu'on ne peut dire en quel temps la substance du pain revient. Car il est évident, d'après ce que nous avons dit (art. 4 huj. quaest. et quest. lxxvi, art. 6 ad 3), que tant que les espèces du pain et du vin restent, le corps et le sang du Christ restent aussi, et ils n'existent pas simultanément avec la substance du pain et du vin dans l'eucharistie, d'après ce que nous avons vu (quest. lxxv, art. 2et6). La substance du pain et du vin ne peut donc revenir, tant que les espèces sacramentelles restent ; elle ne peut pas non plus revenir quand elles n'existent plus, parce qu'alors elle serait sans ses accidents propres, ce qui est impossible.—A moins qu'on ne prétende qu'au dernier instant de la corruption des espèces il revient, non la substance du pain et du vin (parce que cet instant est le même que celui où les substances engendrées des espèces commencent à exister), mais la matière du pain et du vin, qu'en parler
on devrait dire créée de nouveau, plutôt que revenue. De cette manière on pourrait soutenir cette hypothèse (1). Mais parce qu'il ne paraît pas raisonnable de dire qu'il

(t) Solo, Vasquez et d'autres, ad»>ettent une création nouvelle de nouvelles substances. Quelques arrive dans l'eucharistie quelque chose de miraculeux qui ne soit pas l'effet de la consécration, et que d'ailleurs par la consécration on ne crée pas de matière, ni on n'en fait pas revenir, il paraît préférable de dire que dans la consécration elle-même on fait par mirade de la quantité commensurable du pain et du vin le sujet premier des formes subséquentes, ce qui est le propre de la matière. C'est pourquoi on donne, par voie de conséquence, à cette quantité commensurable tout ce qui appartient à la matière. C'est pour ce motif que tout ce qui pourrait être engendré de la matière du pain et du vin, si elle était là, peut être complètement engendré d'après cette quantité commensurable du pain et du vin, sans qu'il se fasse un nouveau mirade, mais par la force du mirade qui a été fait auparavant.

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Il faut répondre au premier argument, que, quoiqu'il n'y ait pas là la matière dont une chose s'engendre-, cependant la quantité commensurable y supplée en en remplissant le rôle, comme nous l'avons dit (in corp. art.).

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Il faut répondre au second, que ces espèces sacramentelles sont à la vérité des accidents, mais elles ont la force et la vertu de la substance, comme nous l'avons vu (ibid, et art. 1 huj. quaest. 1 ad 4).

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Il faut répondre au troisième, que la quantité commensurable du pain et du vin retient sa nature propre et reçoit miraculeusement la force et la propriété de la substance. C'est pourquoi elle peut passer en ces deux choses, c'est-à-dire dans la substance et la dimension (1).


ARTICLE VI. — les espèces sacramentelles peuvent-elles nourrir?

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1 Il semble que les espèces sacramentelles ne puissent pas nourrir. Car saint Ambroise dit (De sacr. lib. v, cap. 4) : Ce n'est pas ce pain qui va dans notre corps, mais c'est le pain de la vie éternelle qui soutient la substance de notre âme. Or, tout ce qui nourrit va dans le corps. Ce n'est donc pas ce pain qui nourrit, et on peut raisonner de même à l'égard du vin.

2
Comme le dit Aristote (De generat, lib. ii, text. 50), nous sommes nourris par les mêmes choses dont nous sommes formés. Or, les espèces sacramentelles sont des accidents dont l'homme n'est pas composé. Car un accident n'est pas une partie de la substance. Il semble donc que les espèces sacramentelles ne puissent nourrir.

3
Aristote dit (De anima, lib. ii, text. 47) que l'aliment nourrit selon qu'il est une substance, et qu'il produit l'accroissement selon qu'il est une quantité. Or, les espèces sacramentelles ne sont pas une substance. Elles ne peuvent donc nourrir.

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Mais c'est le contraire. Saint Paul parlant de ce sacrement dit (1Co 11,21): que l'un a faim et que l'autre est ivre, et par là il désigne, d'après la glose (ord.), ceux qui après la célébration des sacrés mystères et la consécration du pain et du vin, revendiquaient leurs offrandes et les prenaient seuls, sans rien donner aux autres, de sorte qu'ils s'enivraient-, ce qui n'aurait pu arriver si les espèces sacramentelles ne nourrissaient pas. Par conséquent elles nourrissent.


CONCLUSION. — Comme les espèces sacramentelles peuvent engendrer quelque chose, de même elles peuvent aussi nourrir.

21 Il faut répondre que cette question n'offre pas de difficulté, du moment que la question précédente a été résolue. Car, comme le dit Aristote (De anima, lib. ii, text. 45), l'aliment nourrit en raison de ce qu'il est changé en la substance de celui qu'il soutient. Or, nous avons dit (art. préc.) que les espèces sacramentelles peuvent être converties en une substance qui est engendrée d'elles. Elles peuvent donc être converties au corps humain par la même raison qui fait qu'elles peuvent être converties en cendres ou envers. C'est pourquoi il est évident qu'elles nourrissent. — Il y en a qui prétendent qu'elles ne nourrissent pas véritablement, comme si elles étaient converties au corps de l'homme; mais qu'elles le raniment et le fortifient par suite de l'influence qu'elles ont sur les sens, comme l'homme est fortifié par l'odeur de la nourriture et comme il est enivré par l'odeur du vin. Mais il est manifeste, d'après les sens, que cette opinion est fausse. Car une pareille réfection ne suffit pas longtemps à l'homme dont le corps a besoin de réparation à cause de la déperdition continuelle qu'il subit; et cependant il pourrait être longtemps soutenu, s'il prenait des hosties et du vin consacrés en grande quantité. — On ne peut pas dire non plus avec d'autres que les espèces sacramentelles nourrissent à cause de la forme substantielle du pain et du vin qui subsiste; soit parce que cette forme ne subsiste pas, comme nous l'avons dit (quest. lxxv, art. 6), soit parce que ce n'est pas à la forme qu'il appartient de nourrir, mais plutôt à la matière qui reçoit la forme du sujet qui est nourri, lorsque la forme de l'aliment ne subsiste plus. C'est ce qui fait dire à Aristote (loc. cit.), qu'au début la nourriture n'est pas semblable au corps qu'elle nourrit, mais qu'à la fin elle lui ressemble.

thomistes récents supposent que la quantité est convertie par Dieu en un nouveau composé ; ce qui parait contraire à la pensée de saint Thomas, puisque cela suppose aussi un nouveau mirade.

(I) Elle conserve sa nature propre et accidentelle, et elle reçoit par mirade la propriété de la substance : c'est pour cela que par la corruption elle peut passer en substance et en accident.

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Il faut répondre au premier argument, qu'après la consécration, on peut dire de deux manières que le pain existe dans l'eucharistie : 1° il y a les espèces mêmes du pain, qui conservent le nom de la substance antérieure, comme le dit saint Grégoire (id. hab. Lanfranc in Lib. de corp. et sang. Christi, cap. 20) ; 2° on peut donner le nom de pain au corps même du Christ, qui est le pain mystique descendu du ciel. Par conséquent, quand saint Ambroise dit (loc. cit.) que ce pain ne se change pas au corps, il entend le mot pain de la seconde manière, ce qui signifie que le corps du Christ ne se change pas au corps de l'homme, mais qu'il est l'aliment de son âme; ainsi il n'entend pas le mot pain dans le premier sens.

32
Il faut répondre au second, que les espèces sacramentelles, quoiqu'elles ne soient pas des choses dont le corps de l'homme est composé, cependant elles se convertissent en elles, comme nous l'avons dit (in corp. art.).

33
Il faut répondre au troisième, que les espèces sacramentelles, quoiqu'elles ne soient pas une substance, en ont cependant la vertu, comme nous l'avons dit (ibid.).



ARTICLE VII. — les espèces sacramentelles sont-elles rompues dans l'eucharistie (1)?

1547
1 Il  semble que les espèces sacramentelles ne soient pas rompues dans l'eucharistie. Car d'après Aristote (Meteor. lib. iv, sum. m, cap. 2) on dit que les corps sont susceptibles d'être rompus, à cause de la position déterminée de leurs pores, ce qu'on ne peut attribuer aux espèces sacramentelles. Elles ne peuvent donc être rompues.

2
Le son est une conséquence de la fraction. Or, les espèces sacramentelles ne donnent pas de son ; car Aristote dit (De anima, lib. n, text. 77) qu'un corps sonore est un corps dur qui a une surface lisse. Les espèces sacramentelles ne sont donc pas rompues.

3
Il semble qu'il appartienne à la même chose d'être mangée, rompue

(t) Les espèces sacramentelles sont rompues, mais le corps du Christ ne l'est pas. C'est ce que saint Thomas exprime aussi dans la prose de l'office du saint sacrement : Nulla rei fit scissura, signi tanlùm fit fractura, quâ nec status, nec statura, signati minuitur.

et mâchée. Or, c'est le corps véritable du Christ que l'on mange, d'après ces paroles (Jean, vi, 57) : Celui qui mange ma chair et boit mon sang. C'est donc le corps du Christ qui est rompu et mâché. C'est pourquoi Rérenger dit dans sa confession (De consecr. dist. 2, cap. Ego Berengarius) : Je reconnais avec la sainte Eglise romaine, et je confesse de bouche et de coeur que le pain et le vin que l'on met sur l'autel sont, après la consécration, le corps et le sang véritable du Christ, qu'il est véritablement touché par les mains du prêtre, qu'il est rompu et qu'il est brisé sous la dent des fidèles. On ne doit donc pas attribuer la fraction aux espèces sacramentelles.

20
Mais c'est le contraire. Car la fraction ne s'opère que par la division de la quantité. Or, là, on ne divise pas d'autre quantité que les espèces sacramentelles, car on ne. divise ni le corps du Christ, qui est incorruptible, ni la substance du pain, ni celle du vin, qui ne subsistent plus. Par conséquent, ce sont les espèces sacramentelles qui sont brisées.


CONCLUSION.— Les espèces sacramentelles peuvent être rompues dans l'eucharistie selon leur quantité commensurable, mais le corps du Christ n'est pas rompu, et il reste tout entier sous chaque particule.

21
Il faut répondre qu'à cet égard il v a eu beaucoup d'opinions différentes parmi les anciens. Car les uns ont dit que dans l'eucharistie il n'y avait pas de fraction véritable, mais qu'il n'y avait qu'une fraction apparente, qui était une illusion de la vue. Mais ce sentiment est insoutenable, parce que, dans ce sacrement de vérité, les sens ne sont pas trompés à l'égard des choses dont le jugement leur appartient ; et de ce nombre est la fraction par laquelle d'une seule chose on en fait plusieurs qui sont des choses sensibles communes (1), comme on le voit (De anima, lib. ii, text. 64). D'autres ont pensé qu'il y avait une fraction véritable sans sujet existant; mais cette hypothèse est encore en contradiction avec les sens. Car on voit dans l'eucharistie une quantité qui est d'abord une, et qui est ensuite divisée en plusieurs autres et qui doit être le sujet de ce fractionnement. Mais on ne peut pas dire que c'est le corps véritable du Christ qui est brisé: 1° parce qu'il est incorruptible et impassible; 2° parce qu'il est tout entier sous chacune des parties, comme nous l'avons dit (quest. lxxvi, art. 3), ce qui est contraire à la nature de ce qui se fractionne. Par conséquent, il est nécessaire que le fractionnement existe dans la quantité commensurable du pain, comme dans son sujet, de la même manière que les autres accidents y existent aussi. Et comme les espèces sacramentelles sont le sacrement du corps véritable du Christ, de même le fractionnement de ces espèces est le sacrement de la passion du Seigneur, qui a eu lieu dans le corps véritable du Christ.

31
Il faut répondre au premier argument, que, comme la rareté et la densité restent dans les espèces sacramentelles, ainsi que nous l'avons dit (art. 2 huj. quaest. ad 3), de même elles conservent la porosité, et, par conséquent, la frangibilité.

32
Il faut répondre au second, que la dureté résulte de la densité; c'est pourquoi, par là même que la densité reste dans les espèces sacramentelles, il s'ensuit que la dureté y reste aussi, et, par conséquent, la sonorité.

33
Il faut répondre au troisième, que ce que l'on mange en sa propre espèce, est aussi rompu et mâché dans sa propre espèce ; mais on ne mange pas le corps du Christ dans sa propre espèce (2), on ne le mange que sous l'espèce sacramentelle. C'est pourquoi sur ces paroles (Jn 6) : La chair ne sert de rien, saint Augustin dit (Tract, xxvii in ) que ce passage doit se rapporter à ceux qui entendaient la chose charnellement ; car ils se figuraient que l'on mangerait sa chair comme celle d'un cadavre ou comme la viande qu'on vend dans une boucherie. C'est pour ce motif que le corps du Christ n'est rompu que selon l'espèce sacramentelle. Et c'est ainsi qu'il faut entendre la confession de Bérenger, en rapportant le fractionnement et la mastication à l'espèce sacramentelle, sous laquelle le corps du Christ existe véritablement.

(I) Los choses sensibles communes sont celles qui peuvent être perçues par plusieurs sens, comme la figure est perçue par les yeux et par le tact.
(2) C'est ce que saint Thomas exprime encore dans la même prose : A sumente non concisus, non confractus,non divisus, integer accipitur.


ARTICLE VIII. — peut—on mêler une liqueur au vin consacré?

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1 Il semble qu'on ne puisse mêler une liqueur au vin consacré. Car tout ce qui est mêlé à une chose en reçoit la qualité. Or, aucune liqueur ne peut recevoir la qualité des espèces sacramentelles, parce que ces accidents sont sans sujet, comme nous l'avons dit (art. 4 huj. quaest.). Il semble donc qu'aucune liqueur ne puisse être mêlée aux espèces sacramentelles du vin.

2
Si une liqueur se mêle à ces espèces, il faut qu'il en résulte quelque chose d'un. Or, il ne peut pas résulter quelque chose d'un, ni de la liqueur qui est une substance et des espèces sacramentelles qui sont des accidents, ni de la liqueur et du sang du Christ qui, en raison de son incorruptibilité, n'est susceptible ni d'augmentation, ni de diminution. Aucune liqueur ne peut donc être mêlée au vin consacré.

3
Si une liqueur est mêlée au vin consacré, il semble qu'elle devienne elle-même une chose consacrée; comme l'eau qui est mêlée à de l'eau bénite se trouve bénite aussi. Or, le vin consacré est véritablement le sang du Christ; par conséquent, la liqueur qu'on y aurait mêlée serait le sang du Christ autrement que par la consécration, ce qui répugne. Une liqueur ne peut donc pas être mêlée avec du vin consacré.

4
Si de deux choses l'une est totalement corrompue, il n'y a pas de mélange, comme le dit Aristote (De generat, lib. i, text. 82). Or, il peut résulter du mélange d'une liqueur quelconque, que l'espèce sacramentelle du vin soit totalement corrompue, mais de telle sorte que le sang du Christ cesse d'être sous cette espèce ; soit parce que beaucoup et peu sont des différences de la quantité et la diversifient, comme la couleur blanche et noire ; soit parce qu'une liqueur mélangée, quand elle ne rencontre pas d'obstade, paraître répandre dans le tout, et par conséquent le sang du Christ cesse d'être là, puisqu'il n'y est pas simultanément avec une autre substance. Une liqueur ne peut donc pas ôtre mélangée avec le vin consacré.

20
Mais c'est le contraire. Il est évident pour les sens qu'une autre liqueur peut être mêlée au vin après la consécration comme auparavant.



CONCLUSION. — On peut quelquefois mêler au vin consacré une liqueur en si grande quantité que l'espèce du vin soit changée en une autre et que te sang du Christ cesse d'y être présent ; ou bien on peut le faire en si petite quantité que l'espèce reste la même et que te sang puisse y être présent.

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Il faut répondre que la solution véritable de cette question est évidente d'après ce que nous avons dit précédemment (art. 4 ad 4 et art. 5 ad 2). Car nous avons vu que les espèces qui restent dans l'eucharistie, comme elles obtiennent par la vertu de la consécration le mode d'être de la substance; de même elles obtiennent aussi son mode d'agir et de partir, de telle sorte qu'elles peuvent faire et souffrir tout ce que la substance souffrirait ou ferait, si elle était là présente. Or, il est évident que si la substance du vin était là, on pourrait mêler avec elle une liqueur. — Cependant, l'effet de ce mélange varierait, et selon la forme de la liqueur et selon la quantité. Car si on mêlait une liqueur en si grande quantité qu'elle pût se répandre dans tout le vin, le tout deviendrait un mélange. Or, le mélange de deux choses n'est ni l'une ni l'autre de ces choses, mais il en forme une troisième qui est leur composé. Par conséquent, il en résulterait que le vin qui existait auparavant ne subsisterait plus. Si la liqueur mélangée était d'une autre espèce, par exemple, si on mêlait de l'eau, l'espèce du vin serait détruite et il y aurait une liqueur d'une autre espèce. Mais si la liqueur qu'on a ajoutée était de la même espèce, par exemple, si on mêlait du vin avec du vin, l'espèce resterait la même à la vérité, mais le vin ne serait plus le même numériquement, ce qu'atteste la diversité des accidents; comme dans le cas où un vin serait blanc et l'autre rouge. D'un autre côté, si la liqueur qu'on ajoute était en si petite quantité qu'elle ne pût se répandre dans le tout, ce tout ne deviendrait pas du vin mélangé, mais il n'y aurait qu'une de ses parties qui le serait; elle ne resterait pas la même numériquement, à cause du mélange de cette matière étrangère, mais elle serait cependant la même spécifiquement, non-seulement dans le cas où cette petite quantité de liqueur serait de la même espèce que le vin, mais encore dans celui où elle serait d'une autre espèce; par la raison qu'une goutte d'eau mêlée à beaucoup de vin devient de l'espèce du vin, comme le dit Aristote (De generat, lib. i, text. 34, 39 et 88). —Or, il est évident, d'après ce que nous avons dit (art. 4 huj. quaest. et quest. lxxvi, art. 6 ad 3), que le corps et le sang du Christ restent dans l'eucharistie, tant que les espèces restent les mêmes numériquement. Car c'est tel pain ou tel vin qui est consacré. Par conséquent, si l'on y mélange une si grande quantité de liqueur quelconque, qu'elle atteigne tout le vin consacré et qu'il en résulte un mélange particulier, alors ce vin n'est plus le même numériquement et le sang du Christ n'y est plus présent. D'un autre côté si on y ajoute une si petite quantité de liqueur qu'elle ne puisse se répandre dans le tout, qu'elle atteigne une partie des espèces, le sang du Christ cessera d'être dans cette partie, mais il restera sous les autres (1).

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Il faut répondre au premier argument, que le pape Innocent III dit, dans une de ses Décrétales (quae hab. cap. Cum Marthae, De celebrat. Mis.), qu'on voit que ces accidents affectent le vin qu'on y ajoute; car, si on y ajoute de l'eau elle prend le goût du vin. Il arrive donc que les accidents changent le sujet (2), comme il arrive que le sujet change les accidents; car la matière obéit au mirade et la vertu opère au delà des lois ordinaires. Cependant, on ne doit pas entendre ces paroles, comme si le même accident numériquement qui a d'abord été dans le vin avant la consécration , était ensuite produit dans le vin qu'on ajoute. Mais ce changement s'opère par une action (3). Car les accidents du vin qui restent, conservent l'action de la substance, d'après ce que nous avons dît ( in corp. art.), et par conséquent elles agissent sur la liqueur qu'on ajoute en la changeant.

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Il faut répondre au second, que la liqueur ajoutée au vin consacré ne se mêle d'aucune manière à la substance du sang du Christ. Mais elle se môle aux espèces sacramentelles de manière que, par suite du mélange, ces espèces sont corrompues ou en totalité ou en partie, de la même façon que nous avons dit (art. 5) que de ces espèces il peut s'engendrer quelque chose. Si elles sont corrompues dans leur totalité, il n'y a plus de question, parce qu'alors le tout est uniforme; mais si elles sont corrompues en partie, il n'y a qu'une seule dimension, selon la continuité de quantité, et cependant il n'y en a pas qu'une selon le mode d'être, parce qu'une de ses parties existe sans sujet et l'autre dans un sujet : comme quand un corps est composé de deux métaux, il n'y a qu'un corps sous le rapport de la quantité, mais il n'y en a pas qu'un selon l'espèce de la matière.

(1) Ainsi toute la question revient à savoir si les espèces consacrées sont détruites par ce mélange ou si elles subsistent encore.
(2) Ainsi les accidents ayant conservé après la transsubstantiation toute la vertu de la substance elle-même, ils agissent sur le liquide qu'on ajoute, quel qu'il soit, de la même manière que la substance aurait agi elle-même, et c'est ce qui fait dire à saint Thomas que la nature obéit au mirade.
(5) Il n'y a pas création, ni reproduction, mais il y a action des accidents du vin consacré sur la liqueur ajoutée.

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Il faut répondre au troisième, que, comme le dit Innocent III (/oc. cit.), si après la consécration du calice, on y met de l'autre vin, ce vin ne se convertit pas au sang du Christ et ne se* mêle pas à lui ; mais en se mêlant aux accidents du vin qui y a été mis d'abord, il se répand de tous côtés autour du corps qui est caché sous ces espèces, sans le toucher. Ce qui doit s'entendre du cas où Ton n'a pas ajouté une si grande quantité de liqueur étrangère, que le sang du Christ cesse d'être dans le tout. Car alors on dit que la liqueur ajoutée se répand de toute part, non parce qu'elle touche le sang du Christ selon ses propres dimensions, mais selon les dimensions sacramentelles sous lesquelles il est contenu. Il n'en est pas de même de l'eau bénite (4), parce que cette bénédiction ne produit aucun changement à l'égard de la substance de l'eau, comme le fait la consécration du vin.

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Il faut répondre au quatrième, que quelques-uns ont supposé que quelque faible que soit la quantité de la liqueur étrangère qu'on mélange, la substance du Christ cesse d'être sous le tout, et ils se sont appuyés sur la raison citée dans cette objection. Cependant elle n'est pas concluante; car le peu et le beaucoup changent la quantité commensurable, non quant à son essence, mais quant à la détermination de la mesure (2). De même une liqueur qu'on ajoute peut être en si petite quantité qu'elle soit par là même empêchée de se répandre dans le tout, et elle ne Test pas seulement par les dimensions qui, quoiqu'elles soient sans sujet, s'opposent cependant à une autre liqueur, comme la substance elle-même s'y opposerait, si elle était là, d'après ce que nous avons dit précédemment.





III Pars (Drioux 1852) 1543