III Pars (Drioux 1852) 1602

ARTICLE II —n'appartient-il qu'a l'homme de recevoir spirituellement le saint sacrement de l'autel ?

1602
1 Il semble qu'il n'appartienne pas qu'à l'homme de recevoir spirituellement l'eucharistie, mais que cela appartienne encore aux anges. Car sur ces paroles (
Ps 77) : L'homme a, mangé le pain des anges, la glose dit(ord. et interi.) : c'est-à-dire le corps du Christ qui est véritablement la nourriture des anges. Or, il n'en serait pas ainsi, si les anges ne mangeaient pas le Christ spirituellement. Ils le reçoivent donc de la sorte.

2 Saint Augustin dit (Tract, xxvi in Jean, inter med. et fin.): Que le Christ veut que par cette nourriture et ce breuvage on comprenne la société de son corps et de ses membres, qui est l'Eglise des prédestinés. Or, il n'y a pas que les hommes qui appartiennent à cette société, mais les anges y appartiennent aussi. Les saints anges le reçoivent donc spirituellement.

3
 Le même docteur dit (Lib. de Verb. Dom. serm. xlvi) : On doit recevoir le Christ spirituellement puisqu'il dit : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Or, ceci convient non-seulement aux hommes, mais encore aux saints anges; car le Christ existe en eux par la charité et eux en lui. Il semble donc qu'il appartienne non-seulement aux hommes, mais encore aux anges, de le recevoir spirituellement.

20
Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Tract, xxvi sup. Jean. ) : Mangez spirituellement le pain de l'autel et apportez à l'autel l'innocence. Or, il n'appartient pas aux anges de s'approcher de l'autel pour en recevoir quelque chose. Il ne leur appartient donc pas de recevoir ce sacrement spirituellement.


CONCLUSION. — Puisque les anges n'ont pas le désir de recevoir le Christ sous les espèces sacramentelles, mais qu'ils en jouissent manifestement par la vision, ils le reçoivent ainsi spirituellement, mais ils ne reçoivent pas le sacrement de l'eucharistie.

21
Il faut répondre que le Christ est contenu dans l'eucharistie, non sous son espèce propre, mais sous l'espèce du sacrement ; par conséquent il arrive qu'on le reçoit spirituellement de deux manières : 1° Selon qu'il existe en son espèce. Les anges le reçoivent spirituellement de la sorte, en tant qu'ils lui sont unis par la jouissance de la charité parfaite et par la vision manifeste (et c'est là le pain que nous attendons dans le ciel), mais non par la foi, comme nous lui sommes unis ici-bas. — 2° il arrive qu'on reçoit le Christ spirituellement selon qu'il existe sous les espèces eucharistiques, c'est-à-dire en tant que l'on croit au Christ et qu'on a le désir de recevoir ce sacrement. De la sorte, non-seulement on reçoit le Christ spirituellement, mais encore on reçoit spirituellement l'eucharistie; ce qui ne convient pas aux anges (1). C'est pour cela que, quoique les anges reçoivent le Christ spirituellement, cependant il ne leur convient pas de recevoir ce sacrement spirituellement.

31
Il faut répondre au premier argument, que la réception du Christ dans l'eucharistie a pour fin de nous faire jouir de lui dans le ciel à la manière dont les anges en jouissent. Et parce que les moyens découlent de la lin, il s'en suit que cette manducation du Christ par laquelle nous le recevons dans le sacrement, découle en quelque sorte de celle par laquelle les anges en jouissent dans le ciel. C'est pour ce motif qu'on dit que l'homme mange le pain des anges, parce qu'il appartient premièrement et principalement aux anges qui en jouissent dans son espèce propre; mais il appartient secondairement aux hommes qui le reçoivent dans le sacrement.

32
Il faut répondre au second, que les hommes et les anges appartiennent, il est vrai, à la société du corps mystique du Christ; mais les hommes y appartiennent par la foi, tandis que les anges y appartiennent par la vision manifeste. Et comme les sacrements sont proportionnés à la foi par laquelle on voit la vérité dans un miroir et en énigme, il s'ensuit qu'à proprement parler il ne convient pas aux anges, mais aux hommes, de recevoir ce sacrement spirituellement.

33
Il faut répondre au troisième, que le Christ demeure dans les hommes selon l'état présent par la foi, au lieu qu'il est dans les anges par la vision manifeste; et c'est pour cela qu'il n'y a pas de parité, comme nous l'avons dit (in solut. prxc.).


ARTICLE III. — N'y a-t-il que l'homme Juste qui puisse recevoir le christ sacramentellement(2)?

1603
1 Il  semble qu'il n'y ait que le juste qui puisse recevoir le Christ sacramentellement. Car saint Augustin dit (Tract, xxv in Jean. circ. med.) : Pourquoi préparez-vous vos dents et votre estomac? Croyez, et vous avez mangé; car, croire en lui, c'est manger le pain de vie. Or, le pécheur ne croit pas en lui, parce qu'il n'a pas la foi formée à laquelle il appartient de croire en Dieu, comme nous l'avons vu (2a 2% quest. iv, art. 5). Le pécheur ne peut donc pas manger ce sacrement qui est le pain de vie.

2
On appelle surtout ce sacrement le sacrement de la charité, comme nous l'avons dit (quest. préc. art. 4 ad 3). Or, comme les infidèles sont privés de la foi, de même tous les pécheurs sont privés de la charité. Ainsi les infidèles ne paraissent pas pouvoir recevoir l'eucharistie sacramentellement,

(I) la manducation spirituelle du Christ ne convient pas aux autres, parce qu'ils n'ont pas «le corps, et que d'ailleurs jouissant de la vue de Dieu dans son espèce propre, ils ne peuvent désirer le voir sous une espèce étrangère.
(2) La solution de cette question est une conséquence de ce qui a été dit (quest. lxx\i, art. 1, et quest. i.xxvh, art. -i), comme saint Thomas le fait remarquer lui-même.

puisque dans la forme de ce sacrement on emploie ces expressions, mystère de foi. Pour la même raison un pécheur ne peut donc pas recevoir le corps du Christ sacramentellement.

3
Un pécheur est plus abominable à Dieu qu'une créature irraisonnable. Car il est dit de l'homme pécheur (Ps 48,21) : L'homme qui est sans honneur et sans intelligence devient semblable aux bêtes, et il meurt comme elles. Or, un animal brute (comme un rat ou un chien) ne peut recevoir l'eucharistie, pas plus qu'il ne peut recevoir le sacrement de baptême. Il semble donc que pour la même raison les pécheurs ne puissent la recevoir non plus.

20 Mais c'est le contraire. Sur ces paroles (Jn 6) : Vos pères ont mangé la manne dans le désert et sont morts, saint Augustin dit (Tract, xxvi, à med.) : Il y en a beaucoup qui reçoivent le sacrement de l'autel et qui meurent en le recevant. D'où l'Apôtre dit : Qu'on mange son jugement et sa condamnation. Or, il n'y a que les pécheurs qui meurent en recevant le corps du Christ. Ils le reçoivent donc sacramentellement, et il n'y a pas que les justes qui aient cet avantage.


CONCLUSION. — Puisque le corps du Christ subsiste toujours dans l'eucharistie jusqu'à ce que les espèces sacramentelles soient corrompues, il s'ensuit que ceux qui sont injustes le reçoivent aussi.

21 Il faut répondre qu'à cet égard il y a des anciens qui se sont trompés en disant que les pécheurs ne reçoivent pas le corps du Christ sacramentellement, mais qu'aussitôt qu'il arrive sur leurs lèvres, il cesse immédiatement d'être sous les espèces sacramentelles. Mais ce sentiment est erroné-, car il déroge à la vérité de ce sacrement à laquelle il appartient, comme nous l'avons dit (quest. lxxvi, art. 6 ad 3), que tant que les espèces restent, le corps du Christ ne cesse pas d'être sous elles. Or, les espèces restent tant que la substance du pain subsisterait, si elle était là, comme nous l'avons vu (quest. lxxvii, art. 5 et 8). Et comme il est évident que la substance du pain que le pécheur reçoit ne cesse pas d'exister immédiatement, mais qu'elle subsiste jusqu'à ce qu'elle soit digérée par la chaleur naturelle, il s'ensuit que le corps du Christ reste pendant ce même temps sous les espèces sacramentelles que le pécheur a prises. Ainsi, on doit dire que le pécheur peut recevoir sacramentellement le corps du Christ et qu'il n'y a pas que le juste qui le reçoive ainsi (1).

31
Il faut répondre au premier argument, que ces paroles et d'autres semblables doivent s'entendre de la manducation spirituelle qui ne convient pas aux pécheurs. C'est pourquoi il semble que l'erreur dont nous venons de parler, soit venue de l'interprétation vicieuse de ces paroles, parce qu'on n'a pas su distinguer entre la manducation corporelle et la manducation spirituelle.

32
Il faut répondre au second, que si un infidèle reçoit les espèces sacramentelles, il reçoit le corps du Christ sous ces espèces, et par conséquent il reçoit le Christ sacramentellement, si le mot sacramentellement se rapporte à la chose reçue : mais si on le rapporte à celui qui la reçoit, alors il ne reçoit pas le Christ sacramentellement, à proprement parler; parce qu'il ne fait pas usage de ce qu'il reçoit, comme d'un sacrement, mais comme d'une simple nourriture; à moins que par hasard cet infidèle n'ait l'intention de recevoir ce que l'Eglise confère, quoiqu'il n'ait pas la foi véritable à l'égard des autres ARTICLES, ou même à l'égard de ce sacrement.

(I) C'est ce qui se trouve ainsi exprimé dans la prose de l'office du saint Sacrement : Sumunt boni, sumunt maii; sorte tamen inoequcili, vitae vel interitûs. Mors est malis,vita bonis : vide paris sumptionis quam sit dispar exitus.

33
Il faut répondre au troisième, que si un rat ou un cliieo mange une hostie consacrée, la substance du corps du Christ ne cesse pas d'être sous les espèces, tant que ces espèces subsistent, c'est-à-dire tant que la substance du pain subsisterait, et il en serait de même si on la jetait dans la boue. Et ceci ne déroge point à la dignité du corps du Christ, qui a voulu ôtre crucifié par des pécheurs sans que sa dignité en souffrit; surtout quand on réfléchit qu'un rat ou un chien ne touche pas le corps du Christ selon son espèce propre, mais seulement selon les espèces sacramentelles. Il y en a qui ont dit qu'aussitôt qu'un rat ou qu'un chien touche le sacrement, le corps du Christ cesse d'y être présent, ce qui déroge aussi à la vérité du sacrement, comme nous l'avons dit (in corp. art.). On ne doit cependant pas dire qu'un animal brute reçoive sacramentellement le corps du Christ, parce qu'il n'est pas fait pour le recevoir, comme sacrement : par conséquent, il ne mange pas le corps du Christ sacramentellement, mais par accident; comme le mangerait celui qui prendrait une hostie consacrée, sans savoir qu'elle l'est. Et parce que ce qui existe par accident n'entre pas dans la division d'un genre quelconque, c'est pour cela qu'on ne fait pas de cette manière de recevoir le corps du Christ un troisième mode indépendamment de la manducation sacramentelle et de la manducation spirituelle.



ARTICLE IV. — le pécheur qui reçoit le corps du christ sacramentellement pèche-t-il (1)?

1604
1 Il semble que le pécheur qui reçoit le corps du Christ sacramentellement ne pèche pas. Car le Christ n'a pas plus de dignité sous l'espèce du sacrement que sous son espèce propre. Or, les pécheurs qui touchaient le Christ sous son espèce propre ne péchaient pas; au contraire, ils obtenaient le pardon de leurs péchés, comme on le voit de la femme pécheresse (
Lc 7), et il est dit (Mt 14,36) : Que tous ceux qui touchèrent les franges de ses vêtements furent sauvés. Ils ne pèchent donc pas, mais ils obtiennent plutôt leur salut en recevant le sacrement du corps du Christ.

2 L'eucharistie est comme tous les autres sacrements une médecine spirituelle. Or, on donne les remèdes aux malades pour les guérir, d'après ces paroles de l'Evangile (Mt 9,12) : Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecins, mais ceux qui se portent mal. Or, les infirmes ou ceux qui sont malades spirituellement, ce sont les pécheurs. Ils peuvent donc recevoir ce sacrement sans faire de faute.

3 L'eucharistie est le plus grand des biens, puisqu'elle contient en elle le Christ. Or, les plus grands biens, d'après saint Augustin (De lib. arb. lib. ii, cap. 19 ), sont tels que personne ne peut en faire un mauvais usage. Comme on ne pèche qu'autant qu'on fait mauvais usage d'une chose, aucun pécheur ne pèche donc en recevant l'eucharistie.

4
Comme on perçoit l'eucharistie par le goût et le tact, de même aussi par la vue. Si donc un pécheur pèche par là même qu'il reçoit ce sacrement, il semble qu'il pécherait aussi en le voyant, ce qui est évidemment faux : puisque l'Eglise le propose à la vue et à l'adoration de tout le monde. Le pécheur ne pèche donc pas par là même qu'il reçoit ce sacrement.

(I) Pour prévenir cette faute le concile de Trente s'exprime ainsi (sess, xiii, can. II) : Ne tantum sacramentum indigné, atque ideo in mortem ei condemnationem sumatur, statuit atque declarat ipsa sancta synodus , illis quos conscientia peccati mortalis gravat, quantumcumque etiam se contritos existiment , habita copia confessoris, necessario proemUlendam esse confessionem sacramentalem. Si quis autem contrarium docere praesumpserit, eo ipso excommunicatus existât.

5
Il arrive quelquefois qu'un pécheur n'a pas la conscience de son péché. Cependant il ne paraît pas pécher en recevant le corps du Christ, parce que dans ce cas tous ceux qui le reçoivent pécheraient en s'exposant au péril de le recevoir indignement; puisque l'Apôtre dit (1Co 4,4) : Quoique ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas pour cela justifié. Il  ne semble donc pas que le pécheur soit coupable, s'il reçoit ce sacrement.

20 Mais c'est le contraire. L'Apôtre dit (1Co 11,29) : Celui qui le mange et le boit indignement, mange et boit son jugement, c'est-à-dire sa condamnation. Or, suivant la glose (Pet. Lomb.), celui qui mange et boit indignement, c'est celui qui est dans le crime ou qui traite ce sacrement sans respect. Par conséquent, celui qui est dans le péché mortel, s'il s'approche de ce sacrement, reçoit sa condamnation en péchant mortellement.


CONCLUSION. — Les pécheurs qui reçoivent l'eucharistie en état de péché mortel commettent une fausseté dans le sacrement en indiquant par là qu'ils sont unis au Christ par la foi que la charité anime, ils encourent le crime de sacrilège et pèchent mortellement.

21 Il faut répondre que dans l'eucharistie comme dans les autres sacrements, ce qui est le sacrement est le signe de ce qui est la chose du sacrement. Mais dans l'eucharistie on distingue deux sortes de choses, comme nous l'avons dit (quest. lxxiii, art. 3): l'une qui est signifiée et contenue, c'est le Christ lui-même; l'autre qui est signifiée et qui n'est pas contenue, c'est- à-dire le corps mystique du Christ qui est la société des saints. — Par conséquent, quiconque reçoit ce sacrement signifie par là qu'il est uni au Christ et incorporé à ses membres : ce qui est produit par la foi formée (1) qui est incompatible avec le péché mortel. C'est pourquoi il est évident que celui qui reçoit l'eucharistie dans l'état de péché mortel, commet une fausseté dans ce sacrement et tombe pour ce motif dans le sacrilège, comme profanateur d'une chose sacrée, et par suite pèche mortellement.

31
Il faut répondre au premier argument, que le Christ apparaissant sous son espèce propre, ne se donnait pas à toucher aux hommes en signe de leur union spirituelle avec lui, comme il se donne dans l'eucharistie pour qu'on le reçoive. C'est pour cela que les pécheurs qui le touchaient dans son espèce propre n'encouraient pas le crime de fausseté à l'égard des choses divines, comme les pécheurs qui le reçoivent dans le sacrement. De plus, le Christ portait encore la ressemblance de la chair du péché, et c'est pour cela qu'il était convenable qu'il se laissât toucher par les pécheurs; mais cette ressemblance ayant été détruite par la gloire de la résurrection, il a défendu à la femme, dont la foi manquait encore d'une certaine perfection à son égard, de le toucher (Jn 20,17) : Ne me touchez pas, dit-il, car je ne suis pas encore monté vers mon Père, c'est-à-dire, ajoute saint Augustin ( Tract, cxxi in ) : Je ne suis pas tel que je dois être dans votre coeur. C'est pourquoi les pécheurs qui manquent de la foi formée à l'égard du Christ, sont empêchés de s'approcher de ce sacrement.

32 Il faut répondre au second, que toute médecine ne convient pas pour toute espèce de maladie. Car le remède qu'on donne à ceux qui n'ont plus la fièvre pour les fortifier, leur nuirait, si on le leur donnait quand la fièvre est encore très vive; de même, le baptême et la pénitence sont aussi des remèdes purgatifs que l'on donne pour enlever la fièvre du péché, tandis que l'eucharistie est une médecine fortifiante qu'on ne doit donner qu'à ceux qui sont délivrés de leurs fautes.

(I) Par la foi formée, on entend la foi animée par la charité, contrairement à la foi informe qui désigne la foi sans l'état de grâce.

33
Il faut répondre au troisième, que, par les plus grands biens, saint Augustin (cit. arg. 2) entend les vertus de l'âme, dont personne n'abuse, comme des principes d'un mauvais usage. Mais il y en a qui en usent mal, comme d'objets qu'on peut mal employer, ainsi qu'on le voit à l'égard de ceux qui s'en enorgueillissent. De même l'eucharistie, considérée en elle- même, n'est pas le principe du mauvais usage, mais elle en est l'objet. D'où saint Augustin dit (Tract, lxii in Jean. circ.. princ.) : II y en a beaucoup qui reçoivent indignement le corps du Christ; ce qui nous apprend avec quel soin nous devons éviter de recevoir mal ce qui est bon. Car le bien se change en mal quand on reçoit mal ce qui est don au lieu que l'Apôtre, au contraire, a changé le mal en bien, quand il a bien reçu le mal, c'est-à-dire quand il a supporté avec patience l'aiguillon de Satan.

34
Il faut répondre au quatrième, que par la vue on ne reçoit pas le corps lui-même du Christ, mais seulement son sacrement; parce que la vue n'atteint pas la substance du corps du Christ, mais seulement les espèces sacramentelles, comme nous l'avons dit (quest. lxxvi, art. 7) ; au lieu que celui qui mange reçoit non-seulement les espèces sacramentelles, mais encore le Christ lui-même, qui est sous elles. C'est pourquoi, de tous ceux qui ont reçu le sacrement du Christ, c'est-à-dire le baptême, il n'y a personne qui soit empêché de voirie corps du Christ. Mais on ne doit pas permettre à ceux qui ne sont pas baptisés de le contempler, comme le prouve saint Denis ( De eccies. hier. cap. 7). On ne doit admettre à le recevoir que ceux qui sont unis au Christ non-seulement sacramentellement, mais encore réellement.

35
Il faut répondre au cinquième, que si l'on n'a pas la conscience de son péché, ceci peut tenir à deux choses : 1° ce peut être par sa faute; soit parce que, par suite de l'ignorance du droit qui n'excuse pas, on croit que ce qui est un péché n'en est pas un, comme si un fornicateur pensait que la simple fornication n'est pas un péché mortel; soit parce qu'on a mis de la négligence à s'examiner, contrairement à ce que dit l'Apôtre (1Co 11,28) : Que l'homme s'éprouve lui-même et qu'ensuite il mange de ce pain et boive de ce calice. Le pécheur qui reçoit ainsi le corps du Christ n'en pèche pas moins, quoiqu'il n'ait pas la conscience de son péché, parce que son ignorance est elle-même une faute. 2° Il peut se faire que ce ne soit pas par sa faute; comme quand il s'est repenti de son péché, mais sans être suffisamment contrit. Dans ce cas, il ne pèche pas en recevant le corps du Christ (1), parce que l'homme ne peut savoir avec certitude s'il est véritablement contrit; et il suffit qu'il trouve en lui des signes de contrition, par exemple qu'il se repente de ses fautes passées, et qu'il se propose de les éviter à l'avenir. Mais s'il ignore que ce qu'il a fait était un acte coupable, à cause de l'ignorance de fait qui excuse; par exemple, s'il s'était approché d'une femme étrangère, croyant que c'est la sienne, on ne devrait pas pour cela lui donner le nom de pécheur. Il en est de même s'il a totale ment oublié son péché, la contrition générale suffit pour qu'il soit effacé, comme nous le dirons (sup. quest. ii, art. 3 ad 2). On ne doit donc pas non plus le considérer alors comme pécheur

(I) Loin de là, car la vertu du sacrement lui fait obtenir dans ce cas la rémission de ses fautes. C'est ce que dit ailleurs saint Thomas : Si quis facta diligenti discussione suae cons- cicntiae. quamvis forte non sufficienti, ad corpus Christi accedat, aliquo peccato mortali in ipso manente, quod ejus cognitionem praeter fugiat, non peccat; imo magis ex vi sacramenti remissionem consequitur (in iv ,dist, 9, quaest. i, art- 5).



ARTICLE V. — s'approcher de l'eucharistie quand on sait qu'on est en état de péché mortel, est-ce la plus grave de toutes les fautes (4)?

1605
1 Il semble que ce soit le plus grave de tous les péchés que de s'approcher de l'eucharistie quand on se sait en état de péché. Car saint Paul dit (
1Co 11): Quiconque aura mangé le pain et bu le calice du Seigneur indignement sera responsable du corps et du sang du Seigneur, c'est-à-dire, d'après la glose (interi, implic.), qu'il sera puni comme s'il eût mis à mort le Christ. Or, le péché de ceux qui ont mis à mort le Christ paraît avoir été le plus grave. Par conséquent, le péché par lequel on s'approche de la table sainte avec une conscience en mauvais état paraît être le plus grave.

2 Saint Jérôme dit (hab. quoad partem in Epist, ad Océan, de vita deric. int. ejus op. asciticia) : Qu'y a-t-il de commun entre les femmes et vous qui conversez à l'autel avec Dieu? Dites-moi, prêtre, dites-moi, clerc, comment vous baisez le Fils de Dieu avec ces mêmes lèvres que vous avez appliquées sur la bouche d'une prostituée? Avec Judas vous trahissez le Fils de l'homme par un baiser. Ainsi, le fornicateur qui s'approche de la table du Christ paraît pécher, comme Ta fait Judas, dont le crime fut le plus grand. Cependant il y a beaucoup d'autres péchés plus graves que le péché de fornication, et il y a principalement le péché d'infidélité. Le péché de tout pécheur qui s'approche de la table du Christ est donc le plus grave.

3
L'impureté spirituelle est plus abominable à Dieu que l'impureté corporelle. Or, si quelqu'un jetait le corps du Christ dans la boue ou dans des ordures, son péché serait considéré comme le plus grave. On pèche donc plus grièvement, si on le reçoit avec le péché qui est une impureté spirituelle, et par conséquent ce péché est le plus grave.

20
Mais c'est le contraire. Sur ces paroles (Jean, xv) : Si je n'étais pas venu et que je ne leur eusse pas parlé, ils ne seraient pas coupables, saint Augustin dit (Tract, lxxxix in Jean, à princ.) que ces paroles doivent s'entendre du péché d'infidélité, qui embrasse tous les autres, et, par conséquent, il semble que ce péché ne soit pas le plus grave, mais que ce soit plutôt le péché d'infidélité.


CONCLUSION. — Le péché de ceux qui s'approchent de l'eucharistie ayant sur la conscience un péché mortel, quoiqu'il soit selon son espèce plus grave que la plupart des autres, n'est cependant pas le plus grave de tous.

(2) En général tous les péchés qui sont directement opposés aux vertus théologales.
(3) Considérée dans son espèce propre.
(1) Sur la communion indigne voyez ce que dit Bossuet dans ses méditations sur l'Evangile, XLive jour (tom. ix, pag. S92, édit. de Versailles).

21
Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (4a2*, quest. lxxiii, art. 6, et2a 2ae, quest. lxxiii, art. 3), un péché peut être dit plus grave qu'un autre de deux manières : 4° par soi; 2° par accident. Par soi, selon la nature de son espèce, qui se considère par rapport à son objet. A ce point de vue, plus l'objet contre lequel on pèche est grand, et plus le péché est grave. Et parce que la divinité du Christ est plus grande que son humanité, et que l'humanité elle-même l'emporte sur ses sacrements, il en résulte que les péchés les plus graves sont ceux que l'on commet contre la Divinité elle- même, comme le péché d'infidélité et de blasphème (2). Les péchés les plus graves qui viennent ensuite sont ceux que l'on commet contre l'humanité du Christ (3). D'où il est dit (Mt 12,32) : Celui qui aura parlé contre le fils de l’homme, il lui sera pardonné; mais pour celui qui aura parlé contre l’Esprit-Saint, il ne lui sera pardonné ni en ce monde, ni dans le siège à venir. En troisième lieu viennent les péchés que Ton commet contre les sacrements qui appartiennent à l'humanité du Christ, et il faut placer après ceux-là les autres péchés que Ton commet contre de simples créatures. — Par accident, un péché est plus grave qu'un autre de la part de celui qui pèche. Ainsi, le péché qu'on fait par ignorance ou par faiblesse est plus léger que celui qu'on fait par mépris ou de science certaine, et il en est de même des autres circonstances. Sous ce rapport, ce péché peut être plus grave dans quelques-uns, par exemple, dans ceux qui s'approchent de l'eucharistie avec mépris et avec la conscience de leur faute, et il peut être moins grave dans d'autres, par exemple, dans ceux qui s'approchent de ce sacrement en état de péché, dans la crainte qu'on ne les croie coupables. Par conséquent, il est évident que ce péché est plus grave que beaucoup d'autres, selon son espèce, quoiqu'il ne soit pas le plus grave de tous.

31 Il faut répondre au premier argument, que Ton compare le péché de ceux qui reçoivent indignement l'eucharistie au péché de ceux qui ont mis à mort le Christ, en raison de la ressemblance de ces deux fautes, parce que l'une et l'autre sont commises contre le corps du Christ, mais non en raison de leur étendue. Car le péché de ceux qui ont fait mourir le Christ a été beaucoup plus grave : i0 parce que l'un a été commis contre le corps du Christ dans son espèce propre, au lieu que l'autre est commis contre le corps du Christ dans l'espèce sacramentelle; 2° parce que l'un est résulté de l'intention que Ton a eue de nuire au Christ, tandis qu'il n'en est pas de même de l'autre (1).

32
Il faut répondre au second, que le fornicateur qui reçoit le corps du Christ est comparé à Judas qui a trahi le Christ par un baiser, quant à la ressemblance du crime, parce que l'un et l'autre offensent le Christ en lui donnant une marque d'amour; mais on ne les compare pas ensemble pour l'étendue de la faute, comme nous l'avons dit (in sol. praec.). Cependant cette ressemblance de faute ne convient pas moins aux autres pécheurs qu'aux fornicateurs. Car par les autres péchés mortels on agit contre la charité du Christ, dont l'eucharistie est le signe, et on y agit d'autant plus vivement que les péchés sont plus graves. Toutefois, le péché de fornication rend sous un rapport l'homme moins apte à recevoir l'eucharistie; en ce qu'il soumet surtout l'esprit à la chair et qu'il empêche ainsi la ferveur de l'amour qui est requise dans ce sacrement. Mais l'empêchement qui atteint la charité elle-même, a encore plus de poids que celui qui atteint sa ferveur. Ainsi, le péché d'infidélité, qui sépare complètement l'homme de l'unité de l'Eglise, absolument parlant, le rend encore plus indigne de recevoir ce sacrement, qui est le sacrement de l'unité de l'Eglise, comme nous l'avons dit (quest. lxxiii, art. 4). Par conséquent, l'infidèle qui reçoit ce sacrement pèche plus grièvement que le pécheur fidèle et il méprise plus le Christ, selon qu'il est dans l'eucharistie, surtout s'il ne croit pas qu'il y est véritablement présent. Car il diminue autant qu'il est en lui la sainteté de ce sacrement et la vertu du Christ qui opère en lui, ce qui revient à mépriser le sacrement en lui-même : au lieu que le fidèle qui le reçoit avec la conscience de son péché, ne méprise pas ce sacrement en lui-même, mais quant à son usage, en le recevant indignement. D'où l'Apôtre, don- liant la raison de ce péché, dit (1Co 11) : Qu'il ne discerne pas le corps du Seigneur, c'est-à-dire qu'il ne le distingue pas des autres aliments; ce que fait principalement celui qui ne croit pas que le Christ est dans l'eucharistie.

(I) Cette comparaison s'établit ordinairement corps du Christ par mépris, et qui ont ainsi à l'égard de ceux qui reçoivent indignement l’intention de lui nuire autant qu'il est en eux.

33 Il faut répondre au troisième, que celui qui jetterait ce sacrement dans la boue pécherait plus grièvement que celui qui s'en approche, en sachant bien qu'il est dans le péché mortel. 4° Parce que le premier agirait ainsi dans l'intention de faire injure à l'eucharistie, ce que ne se propose pas le pécheur qui reçoit indignement le corps du Christ. 2° Parce que le pécheur est capable de recevoir la grâce, et par conséquent il est plus apte que toute autre créature irraisonnable à recevoir ce sacrement. Ainsi ce serait faire un usage beaucoup plus déréglé de l'eucharistie si on la donnait à manger aux chiens ou si on la jetait dans la boue pour être foulée aux pieds(4).


ARTICLE VI. — le prêtre doit-il refuser le corps du christ au pécheur qui le demande ?

1606
1 Il semble que le prêtre doive refuser le corps du Christ au pécheur qui le demande. Car on ne doit pas agir contre un précepte du Christ, pour éviter le scandale ou l'infamie de quelqu'un Or, le Seigneur a dit (
Mt 7): Ne donnez pas aux chiens ce qui est saint. Cependant, on donne aux chiens ce qui est saint, principalement quand on donne l'eucharistie aux pécheurs. On ne doit donc pas pour éviter un scandale ou l'infamie de quelqu'un donner ce sacrement au pécheur qui le demande.

2 De deux maux on doit choisir le moindre. Or, il semble que ce soit un moindre mal, qu'un pécheur soit diffamé ou qu'on ne lui donne pas une hostie consacrée, que de le laisser pécher mortellement en recevant le corps du Christ. Il semble donc qu'il vaille mieux diffamer le pécheur qui demande le corps du Christ ou lui donner une hostie non consacrée.

3
On donne quelquefois le corps du Christ à ceux que l'on soupçonne d'une faute pour rendre leur culpabilité manifeste. Car il est dit tZtecr. ii, quaest. v, cap. 23): Souvent il arrive que dans les monastères des vols sont commis. C'est pourquoi nous ordonnons que quand les frères eux-mêmes doivent se laver de ce crime, une messe soit célébrée par l'abbé ou par quelqu'un à qui il en aura donné l'ordre, en présence des frères, et qu'après la messe tous communient en disant : Que le corps du Christ soit aujourd'hui pour moi une épreuve. Et plus loin (cap. 26) : Si on a imputé à un évêque ou à un prêtre quelque maléfice, il doit célébrer la messe et communier pour chacune des choses qui lui ont été imputées et se montrer ainsi innocent à leur égard. Or, il ne faut pas manifester les pécheurs occultes, parce que s'ils viennent à dépouiller toute pudeur, ils n'en pèchent que plus librement, selon l'observation de saint Augustin (Lib. de Veri). Dom. serm. xvi). On ne doit donc pas donner le corps du Christ aux pécheurs, quand même ils le demanderaient.

20
Mais c'est le contraire. Sur ces paroles (Ps. xxi, 30) : Manducaverunt et adoraverunt omnes pingues terrae, saint Augustin dit (hab. in Glos. ord. et De consecrat, cap. 67, dist. 2) : Que le dispensateur n'empêche pas les riches de la terre, c'est-à-dire les pécheurs, de manger à la table du Seigneur.


CONCLUSION. — La majesté divine et la discipline de l'Eglise exigent qu'on refuse la sainte communion aux pécheurs manifestes et publics qui la demandent, mais non aux pécheurs occultes, qui n'ont perdu par aucun crime public le droit qu'ils ont reçu dans le baptême de s'approcher de la table du Seigneur.

(1) Melehi or Carnis pense qu'il y a deux péchés distincts dans une communion indigne, l'un d'omission à cause du défaut de pénitence, et l'autre de commission par suite de l'irrévérence commise envers l'eucharistie. Mais ce sentiment que réfute Sylvius n'est pas suivi.

21
Il faut répondre qu'on doit distinguer deux sortes de pécheurs; car les vins sont occultes et les autres publics, c'est-à-dire connus par une évidence de fait, comme les usuriers publics, ou les ravisseurs publics, ou ceux qui ont été frappés par un jugement ecclésiastique ou séculier (1). On ne doit pas donner la sainte communion aux pécheurs publics (2) qui la demandent. C'est pour cela que saint Cyprien écrit (lib. i, epist, x) : «Vous avez eu la bonté de croire que vous deviez me consulter sur ce que je pense des histrions, et de ce magicien qui étant établi parmi vous continue encore à exercer son art honteux, et vous me demandez si l'on doit admettre ces personnes à la sainte communion avec les autres chrétiens; pour moi je crois qu'il ne convient ni à la majesté divine, ni à la discipline évangélique, de souiller l'honneur et la pureté de l'Eglise par une contagion aussi honteuse et aussi infâme.»—Mais si les pécheurs ne sont pas manifestes et qu'ils soient occultes, on ne peut leur refuser la sainte communion quand ils la demandent. Car, puisque tout chrétien, par là même qu'il a été baptisé, est admis à la table du Seigneur, on ne peut lui enlever son droit que pour une cause manifeste. C'est pour cela qu'à l'occasion de ces paroles de saint Paul (I. Cor. v) : Si is qui frater nominatur inter vos, etc., la glose de saint Augustin dit(hom. ult. interi, inter med. et fin.) : Nous ne pouvons éloigner personne de la communion, à moins que de lui-même il ne s'avoue coupable, ou qu'il n'ait été désigné et convaincu comme tel par un jugement ecclésiastique ou séculier. Cependant, un prêtre qui connaît la faute d'un pécheur occulte, peut l'avertir en secret (3), et il peut aussi en public exhorter généralement tout le monde à ne pas s'approcher de la table du Seigneur, avant de s'être repenti de ses péchés et de s'être réconcilié avec l'Eglise. Car, après qu'ils se sont repentis et réconciliés, on ne doit pas refuser même aux pécheurs publics la communion, surtout à l'article de la mort (4). D'où on lit dans le troisième concile de Carthage (can. 35) qu'on ne refuse pas la réconciliation avec Dieu aux acteurs (5), aux histrions et à toutes les autres personnes semblables, ni même aux apostats du moment qu'ils sont convertis.

31
Il faut répondre au premier argument, qu'il est défendu de donner les choses saintes aux chiens, c'est-à-dire aux pécheurs manifestes; mais on ne peut pas punir publiquement les fautes secrètes, on doit les réserver au jugement de Dieu.

32
Il faut répondre au second, que quoique ce soit un plus grand mal pour un pécheur occulte de pécher mortellement en recevant le corps du Christ que d'être diffamé, cependant pour le prêtre qui administre le corps du Christ il y a plus de mal à pécher mortellement en diffamant injustement mt pécheur occulte que de lui laisser commettre un péché mortel, parce que personne ne doit commettre un péché mortel pour délivrer un autre du péché. D'où saint Augustin dit (Lib. Quaest. sup. Genes. quaest. 42) : Qu'il y a le plus grand danger à admettre à titre de compensation que nous fassions quelque chose de mal pour empêcher qu'un autre ne fasse un mal plus grave. Mais un pécheur occulte devrait mieux aimer être diffamé que de s'approcher de la table du Seigneur indignement. — Toutefois on.ne doit donner d'aucune manière une hostie non consacrée au lieu d'une hostie consacrée; parce que le prêtre qui agirait ainsi, ferait faire, autant qu'il serait en lui, un acte d'idolâtrie à ceux qui croiraient que l'hostie est consacrée, à tous ceux qui seraient là présents aussi bien qu'à lui-même qui la recevrait. Car, comme le dit saint Augustin (in Ps 98) : Que personne ne mange la chair du Christ, s'il ne l'adore auparavant. C'est pour cela qu'il est dit (extra, De celebrat. Mis. cap. De homine) : Quoique celui qui se sent coupable et qui se reconnaît indigne pèche grièvement, s'il s'approche de ce sacrement sans respect; cependant il paraît encore faire une faute plus grande celui qui a la présomption de le simuler d'une manière frauduleuse.

(I) De là on distingue deux sortes de notoriété : la notoriété de droit, qui résulte de la sentence, du juge ou de l'aveu juridique du coupable, et la notoriété défait, qui existe quand le péché est connu généralement dans le lieu où il a été commis.
(2) le rituel romain s'exprime ainsi à ce sujet. Arcendi sunt publice indigni, quales excommunicati, intcrdicti, manifeslique infâmes,

utnK'relrices.concubinariiJuneralores.magi,

sortilegi, blasphemi et alii ejus generis publici peccatores, nisi de eorum poenitentia et

emendatione constet et publico scandalo prius satisfecerint.

(3)Il faut dans ce cas que la connaissance qu'on a du péché vienne d'ailleurs que de la confession, parce que le sceau de la confession

vii.

oblige le confesseur à l'égard même du pénitent, et il ne peut lui parler de ce qu'il a appris de lui par la confession sans son consentement.

(4) Quand il s'agit des condamnés à mort, il ne faut les communier qu'autant qu'ils donnent des signes non équivoques de pénitence, et même qu'ils ont fait hors de la confession l’aveu de leur crime. A l'égard des pécheurs publics, on doit leur donner le viatique, s'ils sont en danger de mort et qu'ils soient pénitents. Les canons de l'Eglise sont formels à ce sujet.

(5) Mgr Gousset distingue entre les bistrions et les acteurs. Il exclut les premiers en raison de leur profession, mais il n'exclut pas les autres (Voy. Théolog. mor. tom. n, p. 52 et suiv.).



33 Il faut répondre au troisième, que ces décrets ont été abrogés par des lois contraires émanant des souverains pontifes. En effet le pape saint Etienne dit (cit. ab Alex. III, in epist, xix, ad fin.) : Les sacrés canons ne permettent d'extorquer de personne un aveu par l'épreuve du fer rouge ou de l'eau bouillante. Car c'est d'après l'aveu spontané des coupables ou la déposition des témoins que nous devons juger les délits publics qui ont été commis; quant aux péchés secrets et inconnus, il faut les abandonner au jugement de celui qui seul connaît les coeurs des enfants des hommes. On trouve la même chose (extra, De purgationibus, cap. Ex tuarum). Car dans toutes ces choses on paraît tenter Dieu. Par conséquent, on ne peut les faire sans péché. Et la faute paraîtrait plus grave, si dans l'eucharistie, qui a été établie pour remédier au salut, on encourait un jugement de mort. On ne doit donc donner d'aucune manière le corps du Christ à quelqu'un qui est soupçonné d'un crime, pour éprouver son innocence (1).



III Pars (Drioux 1852) 1602