III Pars (Drioux 1852) 1647

ARTICLE VII. — les hérétiques, les schismatiques et les excommuniés peuvent-ils consacrer(l)?

1647
1 Il semble que les hérétiques, les schismatiques et les excommuniés ne puissent consacrer l'eucharistie. Car saint Augustin dit (Prosp. in Lib. Sent. August. cap. 16) : Que hors de l'Eglise catholique il n'y a pas de lieu pour offrir le véritable sacrifice; et le pape saint Léon ajoute (epist, xl, cap. 2), et on lit dans le droit (Decret. quaest. i, cap. 68) : Autrement, c'est-à-dire ailleurs que dans l'Eglise qui est le corps du Christ, les sacerdoces ne sont pas réels, ni les sacrifices véritables. Or, les hérétiques, les schismatiques et les excommuniés ont été séparés de l'Eglise. Ils ne peuvent donc offrir le véritable sacrifice.

2
Comme on le voit (ibid. cap. lxxiii, 1, quaest. 1), le pape Innocent Ier dit (epist, xviii, à med.) : A l'égard des ariens et des autres fléaux de ce genre, nous recevons les laïcs sous le voile de la pénitence, mais il ne semble pas qu'on doive recevoir avec la dignité du sacerdoce ou de tout autre ministère leurs clercs auxquels nous ne permettons de conférer que le baptême. Or, on ne peut consacrer l'eucharistie qu'autant qu'on a la dignité du sacerdoce. Les hérétiques et ceux qui sont séparés de l'Eglise ne peuvent donc consacrer ce sacrement.

3
Celui qui est hors de l'Eglise ne parait pas pouvoir faire quelque chose au nom de l'Eglise entière. Or, le prêtre qui consacre l'eucharistie le fait en la personne de l'Eglise entière, ce qui est. p vident, par là même qu'il adresse toutes ses prières au nom de l'Eglise. Il semble donc que ceux qui sont hors de l'Eglise, c'est-à-dire les hérétiques, les schismatiques et les excommuniés, ne puissent pas consacrer l'eucharistie.

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Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Cont. Parmen. lib. iii, cap. 13, ant. med.) : Comme le baptême reste entier dans les hérétiques, les schismatiques et les excommuniés, de même aussi l'ordre. Or, d'après la force de l'ordination, le prêtre peut consacrer l'eucharistie. Il  semble donc que les hérétiques, les schismatiques et les excommuniés puissent consacrer l'eucharistie, puisque leur pouvoir d'ordre reste en eux tout entier.



CONCLUSION. — Puisque la consécration est un acte qui résulte du pouvoir d'ordre, les schismatiques et les excommuniés peuvent, s'ils sont ordonnés, consacrer l'hostie, quoiqu'ils n'aient pas le droit de le faire et qu'en le faisant ils commettent un péché mortel.

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Il faut répondre qu'il y en a qui ont dit que les hérétiques, les schismatiques et les excommuniés, parce qu'ils sont hors de l'Eglise, ne peuvent consacrer. Mais ils ont commis à ce sujet une erreur, parce que, comme le dit saint Augustin (Cont. Parmen. lib. ii, loc. cit.), autre chose est de n'avoir pas le pouvoir de faire une chose, et autre chose de n'en avoir pas le i usent pas ensuite séparés de l'Eglise par l'hérésie, ou le schisme, ou l'excommunication. Ceux qui sont ordonnés(1) après s'être séparés, ne possèdent pas ce pouvoir légitimement et n'en usent pas licitement. Cependant ce qui prouve qu'ils ont l'un et l'autre ce pouvoir, c'est que, selon l'observation de saint Augustin (loc. cit.), quand ils reviennent à l'unité de l'Eglise, on ne les ordonne pas de nouveau, mais on les reçoit dans leurs ordres. Et comme la consécration de l'eucharistie est un acte qui résulte de la puissance d'ordre, ceux qui ont été séparés de l'Eglise par l'hérésie, ou par le schisme, ou par l'excommunication, peuvent à la vérité consacrer l'eucharistie qui après leur consécration renferme le véritable corps et le véritable sang du Christ; quoiqu'ils ne le fassent pas licitement, mais qu'ils pêchent en le faisant. C'est pour cela qu'ils ne reçoivent pas le fruit du sacrifice qui est le sacrifice spirituel.

(4) Le concile de Trente anathématise ceux qui croient que le caractère imprimé par l'ordre soit amissible (sess. ii. can. 4) : Si quis dixerit per sacram ordinationem non imprimi characterem , vel eum qui sacerdos semel fuit, laicum rursus fieri posse; anathema sit.

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Il faut répondre au premier argument, que, par ces passages et par d'autres semblables, il faut entendre que hors de l'Eglise on n'a pas le droit d'offrir le sacrifice. Par conséquent, hors de l'Eglise il ne peut y avoir le sacrifice spirituel, c'est-à-dire le vrai sacrifice qui porte de véritables fruits, quoiqu'il y ait le sacrifice qui est vrai de la vérité sacramentelle, comme nous l'avons dit (quest. lxxx, art. 3), parce que le pécheur reçoit le corps du Christ sacramentellement, mais non spirituellement.

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Il faut répondre au second, qu'on ne permet aux hérétiques et aux schismatiques que d'administrer le baptême (2), parce qu'ils peuvent licitement baptiser dans le cas de nécessité; mais ils ne peuvent en aucun cas consacrer licitement l'eucharistie ou conférer les autres sacrements.

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Il faut répondre au troisième, qu'à la messe, dans les oraisons, le prêtre parle en la personne de l'Eglise, à l'unité de laquelle il appartient. Mais dans la consécration de l'eucharistie, il parle en la personne du Christ, dont il tient alors la place par son pouvoir d'ordre. C'est pourquoi si un prêtre retranché de l'unité de l'Eglise célèbre la messe; parce qu'il ne perd pas son pouvoir d'ordre, il consacre véritablement le corps et le sang du Christ; mais parce qu'il est séparé de l'unité de l'Eglise ses prières n'ont pas d'efficacité,



ARTICLE VIII. — un prêtre dégradé peut-il consacrer (3)?

1648
1 Il semble qu'un prêtre dégradé ne puisse pas confectionner l'eucharistie. Car on ne produit ce sacrement que par la puissance de consacrer que Ton possède. Or, un prêtre dégradé n'a pas la puissance de consacrer, quoiqu'il ait celle de baptiser, comme on le voit (can. i, quest. i, cap. Quod qiádam, in appendic. Grat. ad can. illum). Il semble donc qu'un prêtre dégradé ne puisse pas consacrer l'eucharistie.

2
Il s'agit ici de ceux qui sont ordonnés par des schismaliques ou des hérétiques

n'aient plus parmi eux le sacerdoce du Christ, et que par suite leur ordination soit invalide.                     

ne portait que sur la Iicité de l'acte et non sur sa validité.des évêques véritables, car il peut se faire que                 

(5) La dégradation, la déposition et la suspense sont dis peines différentes. La dégradation consiste à enlever le grade , c'est-à-dire l'Iion neur, la dignité et la place qui convenaient à l'ordre qu'on a reçu ; la déposition enlève l'cxer cicc du ministère sans aucune espérance de le rendre à l'avenir, et la suspense en défend l'exercice pour un temps en laissant l'espérance d'y être réintégré.

Quand des hérétiques ou des schismatiques rentraient dans le sein d * l'Eglise et qu'il s'agissait de savoir si on les conserverait dans leurs dignités ou non, c'était une question de disci pline à examiner. L'Eglise n'a pas toujours usé de la même sévérité, mais en tout cas sa défense                  
2., Celui qui donne une chose peut aussi l'enlever. Or, c'est l'évêque qui donne au prêtre le pouvoir de consacrer, en l'ordonnant. Il peut donc aussi le lui enlever, en le dégradant.

3
Par la dégradation le prêtre perd la puissance de consacrer ou il n'en perd que l'usage. Or, il ne perd pas l'usage seul, parce qu'alors celui qui est dégradé ne perdrait pas plus que celui qui est excommunié et qui ne peut pas non plus faire usage de son pouvoir. Il semble donc qu'il perde le pouvoir de consacrer, et que par conséquent il ne puisse pas produire ce sacrement.

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Mais c'est le contraire. Saint Augustin prouve (Cont. Parm. lib. ii, cap. 13) que ceux qui apostasient la foi, ne perdent pas le caractère du baptême, par cela même que quand ils reviennent, au moyen de la pénitence, on ne les baptise pas de nouveau, et c'est ce qui fait qu'on pense qu'il est inamissible. Or, de même un prêtre dégradé, s'il se réconcilie, ne doit pas être ordonné de nouveau. Il n'a donc pas perdu le pouvoir de consacrer, et par conséquent il peut produire ce sacrement.



CONCLUSION. — Un prêtre dégradé peut consacrer, puisque par la dégradation il n'a pas perdu son caractère.

21
Il faut répondre que la puissance de consacrer l'eucharistie appartient au caractère de l'ordre sacerdotal. Or, tout caractère, parce qu'il est donné avec une certaine consécration, est indélébile, ainsi que nous l'avons dit (quest. Lxm, art. 5), comme les consécrations de toutes les choses, quelles qu'elles soient, sont perpétuelles et ne peuvent ni se perdre, ni se réitérer. D'où il est évident que la puissance de consacrer ne se perd pas par la dégradation. Car saint Augustin dit (Lib. ii cont. Parmen. cap. 13, ante med.) : L'un et l'autre, c'est-à-dire le baptême et l'ordre, sont des sacrements et se donnent à l'homme avec une certaine consécration; l'un lorsqu'on le baptise, l'autre lorsqu'on l'ordonne. C'est pourquoi les catholiques ne permettent pas de les réitérer. Ainsi il est évident qu'un prêtre dégradé peut consacrer l'eucharistie.

31
Il faut répondre au premier argument, que ce canon ne s'exprime pas affirmativement, mais c'est seulement une question qu'il pose, comme on peut le voir par le contexte.

32
Il faut répondre au second, que l'évêque ne donne pas la puissance de l'ordre sacerdotal par sa propre vertu, mais instrumentalement, comme ministre de Dieu, dont l'effet ne peut être enlevé par un homme, d'après cette parole de l'Evangile (Mt 19,6): Que V homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. Et c'est pour cela que l'évêque ne peut enlever cette puissance; comme celui qui baptise ne peut enlever le caractère baptismal.

33 Il faut répondre au troisième, que l'excommunication est médicinale (1). C'est pour ce motif qu'on n'enlève pas aux excommuniés l'usage de leur puissance sacerdotale pour toujours, mais que dans le but de les corriger on ne le leur enlève que pour un temps. Mais on enlève cet usage à ceux qui sont dégradés comme étant condamnés à perpétuité.



ARTICLE IX. — est-il permis de recevoir la communion des excommuniés, des hérétiques ou des pécheurs, et d'entendre leur messe (2)?

1649
1 Il semble qu'on puisse licitement recevoir la communion des prêtres hérétiques, ou excommuniés, ou pécheurs, et entendre leur messe. Car, comme le dit saint Augustin contre Pétilien (lib. iii, cap. 9, in fui. Vi d. cap. Neque in homine, i, quaest. 4) : Que personne ne fuie les sacrements de Dieu ni de la part d'un homme bon, ni de la part d'un méchant. Or, les prêtres, quoiqu'ils soient des pécheurs, des hérétiques ou des excommuniés, consacrent véritablement. Il semble donc qu'on ne doive pas éviter de recevoir d'eux la communion ou d'entendre leur messe.

(l) Parce que l'excommunication est médicinale, elle ne doit être portée que contre ceux qu'on espère ramener à de meilleurs sentiments, ou parce qu'on croit imprimer par là une crainte salutaire aux fidèles : Et ideo non sunt cx- eommunicandi ii de quibus correctio despe- ratur, nisi fiat ad terrorem aliorum, dit saint Liguori, lib. VU, n. 1.
(2) Voyez sur cette question ce que nous avons dit (quest. lxiv, art. 6 ad 1).

2
Le vrai corps du Christ est figuratif de son corps mystique, comme nous l'avons dit (quest. lxxx, art. 4). Or, les prêtres dont il est ici question consacrent le vrai corps du Christ. Il semble donc que ceux qui sont du corps mystique puissent prendre part à leurs sacrifices.

3
Il y a beaucoup de péchés plus graves que la fornication. Or, il n'est pas défendu d'entendre les messes des prêtres qui pèchent autrement. Il ne doit donc pas être non plus défendu d'entendre les messes des prêtres fornicateurs.

20
Mais c'est le contraire. Il y a un canon qui dit ( dist. 32, cap. 5, Nullus): Que personne n'entende la messe d'un prêtre qu'il sait d'une manière certaine avoir une concubine. Et saint Grégoire rapporte (Dial. iii, cap. 31, parum à princ.) qu'un père perfide envoya un évêque a rien à son fils pour qu'il reçût de sa main la communion de sa consécration sacrilège, mais que cet homme de Dieu fit à l'évêque arien, lorsqu'il s'approcha, les reproches qu'il méritait.


CONCLUSION. — Puisque les excommuniés, les hérétiques et les schismatiques ont été privés par la sentence de l'Eglise de l'exercice du pouvoir qu'ils ont de consacrer, ceux qui reçoivent d'eux un sacrement ou ceux qui entendent leur messe communiquent avec eux dans leurs péchés et pèchent.

21
Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. 7 et 8), les prêtres, s'ils sont hérétiques, ou schismatiques, ou excommuniés, quoiqu'ils aient le pouvoir de consacrer l'eucharistie, ne peuvent cependant pas en user licitement, mais ils pêchent quand ils en usent. Or, quiconque communique avec quelqu'un dans son péché, se rend lui-même participant de ce péché. D'où il est dit (2Jn 2) : que celui qui aura salué un hérétique participe à ses oeuvres perverses. C'est pourquoi il n'est pas permis de recevoir la communion des prêtres dont nous venons de parler ou d'entendre la messe. — Cependant il y a une différence à établir entre eux. Car les hérétiques, les schismatiques et les excommuniés, ont été privés par la sentence de l'Eglise de l'exercice de leur pouvoir. C'est pourquoi quiconque entend leur messe ou reçoit d'eux les sacrements, pèche. Mais tous les pécheurs n'ont pas été ainsi privés par une sentence de l'Eglise de l'usage de leur puissance. Ainsi, quoiqu'ils soient suspendus par rapport à eux d'après la sentence divine, ils ne le sont pas néanmoins quant aux autres d'après la sentence de l'Eglise. C'est pourquoi, jusqu'à ce que l'Eglise ait porté sa sentence, il est permis de recevoir d'eux la communion et d'entendre leur messe. C'est ce qui fait dire à la glose tirée de saint Augustin (hom. ult. inter l, à med.) sur ces paroles (I. Cor. v): Cum huiusmodi nec cibum sumere En parlant ainsi, il n'a pas voulu que l'homme fût jugé par l'homme sur un simple soupçon, ou d'après un jugement extraordinaire qui serait usurpé, mais plutôt*d'après la loi de Dieu, selon l'ordre de l'Eglise, soit qu'il avoue de lui-même sa faute, soit qu'il soit accusé et convaincu.

31 Il faut répondre au premier argument, qu'en refusant d'entendre la messe de ces prêtres, ou de recevoir d'eux la communion, nous ne refusons pas les sacrements de Dieu, mais nous les vénérons plutôt. Ainsi on- doit adorer l'hostie consacrée par ces prêtres, et si elle est réservée dans un lieu, on peut licitement la recevoir d'un prêtre légitime ; mais nous refusons de participer à la faute de ceux qui administrent les sacrements indignement.

32
Il faut répondre au second, que l'unité du corps mystique est le fruit du corps véritable que l'on a reçu. Or, ceux qui le reçoivent ou qui l'administrent indignement sont privés de ce fruit, comme nous l'avons dit (art. 7 huj. quaest. et quest. lxxx, art. 4). C'est pourquoi on ne doit pas recevoir ce sacrement de la main de ceux qui ne sont pas dans l'unité de l'Eglise.

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Il faut répondre au troisième, que, quoique la fornication ne soit pas plus grave que les autres péchés, les hommes y sont cependant plus enclins à cause de la concupiscence de la chair. C'est pour cela que ce péché a été spécialement défendu par l'Eglise aux prêtres et qu'elle a interdit d'entendre la messe d'un prêtre concubinaire. Mais ceci doit s'entendre d'un concubinaire devenu notoire, soit par la sentence qu'on a portée contre lui après l'avoir convaincu, soit par l'aveu qu'il a fait juridiquement de sa faute, soit par l'évidence du fait, quand sa faute ne peut être cachée par aucune tergiversation (4).



ARTICLE X. — est-il permis à un prêtre de s'abstenir absolument de la consécration de l'eucharistie (2)?

1650
1 Il semble qu'il soit permis à un prêtre de s'abstenir absolument de la consécration de l'eucharistie. Car, comme il appartient à l'office du prêtre de consacrer l'eucharistie, de même il lui appartient aussi de baptiser et d'administrer les autres sacrements. Or, le prêtre n'est tenu d'administrer les autres sacrements qu'à cause de la charge d'âmes qu'il a acceptée. Il semble donc qu'il ne soit pas tenu non plus de consacrer l'eucharistie, s'il n'a pas charge d'âmes.

2
Personne n'est tenu de faire ce qui ne lui est pas permis ; autrement il serait perplexe. Or, il n'est pas permis à un prêtre pécheur, ou excommunié, de consacrer l'eucharistie, comme nous l'avons dit(art. 7 huj. quaest.). Il  semble donc que ceux-là ne soient pas tenus de célébrer et par conséquent ni les autres: autrement on retirerait du profit de sa faute.

3
La dignité sacerdotale n'est pas perdue par une infirmité subséquente. Car le pape Gélase dit et on le trouve dans le droit (dist. 55, cap. 12): Comme les préceptes canoniques ne permettent pas qu'on élève au sacerdoce ceux qui ont des infirmités corporelles; de même si quelqu'un a reçu cette dignité et qu'ensuite il soit atteint d'un mal quelconque, il ne peut perdre ce qu'il a reçu dans le temps où il était parfaitement sain. Or, il arrive quelquefois que ceux qui ont été ordonnés prêtres soient frappés de maladies qui les empêchent de célébrer, comme la lèpre, ou le mal caduc, ou quelque autre chose de semblable. Il ne semble donc pas que les prêtres soient tenus de célébrer.

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Mais c'est le contraire. Saint Ambroise dit dans un discours : C'est une faute grave que de ne pas s'approcher de votre table le coeur pur et les mains innocentes; mais c'est une faute plus grave si, quand nous redoutons nos péchés, nous n'offrons pas le sacrifice.



CONCLUSION. — Puisque tout homme doit user en temps opportun de la faveur qui lui a été accordée, il n'est pas permis au prêtre, quoiqu'il n'ait pas charge d'âmes, de s'abstenir absolument de consacrer, mais il est tenu de célébrer au moins les jours de fêtes où les fidèles ont principalement coutume de communier.

Quand même on saurait son curé en état de péché mortel, on peut lui demander les sacrements, si on ne peut les recevoir commodément d'un autre piètre, parce qu'on a à son égard un droit dont on peut user.

D'après le sentiment le plus commun et le plus probable le prêtre est tenu de droit divin de célébrer la messe : Omnis namque pontifex, dit saint Paul, ex hominibus assumptus, pro hominibus constituitur in iis quae sunt ad Deum, ut offerat dona et sacrificia pro peccatis.
          
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Il faut répondre qu'il y a des auteurs qui ont dit qu'un prêtre peut licitement s'abstenir absolument de consacrer, à moins qu'il ne soit tenu par la charge qui lui a été confiée de célébrer pour le peuple et d'administrer les sacrements. Mais ce sentiment est contraire à la raison; parce que chacun est tenu de faire usage en temps opportun de la grâce qui lui a été donnée, d'après ces paroles de saint Paul (2Co 6,1) : Nous vous exhortons de recevoir la grâce de Dieu en vain. Or, l'opportunité de l'oblation du sacrifice se considère non-seulement par rapport aux fidèles du Christ auxquels il faut que les sacrements soient administrés, mais principalement par rapport à Dieu, à qui l'on offre un sacrifice par la consécration de ce sacrement. C'est pourquoi il n'est pas permis à un prêtre, quoiqu'il n'ait pas charge d'âmes, de s'abstenir absolument de célébrer, mais il semble qu'il soit tenu de célébrer au moins dans les principales fêtes (1) et surtout dans les jours où les fidèles ont coutume de communier. C'est ce qui fait que l'Ecriture reproche à certains prêtres (2M 4,44) de ne plus s'attacher aux fonctions de l'autel, de mépriser le temple et de négliger les sacrifices.

31 Il faut répondre au premier argument, que les autres sacrements se perfectionnent dans l'usage qu'en font les fidèles. C'est pourquoi il n'y a que celui qui doit prendre soin des fidèles, qui soit tenu de les administrer aux autres (2). Mais l'eucharistie se perfectionne dans la consécration même de ce sacrement, dans lequel on offre à Dieu un sacrifice auquel le prêtre est obligé d'après l'ordre qu'il a reçu.

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Il faut répondre au second, qu'un prêtre pécheur, s'il a été privé de l'exercice de son pouvoir par une sentence de l'Eglise, ou absolument, ou pendant un temps, se trouve dans l'impuissance d'offrir le sacrifice ; c'est pour cela qu'il n'y est pas obligé. Mais cette concession est plutôt au détriment de ses fruits spirituels qu'à son avantage. S'il n'est pas privé du pouvoir de célébrer, l'obligation subsiste, mais il n'est cependant pas perplexe (3), parce qu'il peut se repentir de son péché et célébrer.

32
Il faut répondre au troisième, que l'infirmité ou la maladie qui survient à un prêtre ne lui enlève pas l'ordre sacerdotal, mais elle lui en enlève l'usage quant à la consécration de l'eucharistie : tantôt parce qu'il est dans l'impossibilité de l'exercer, comme quand il est privé des yeux, ou des doigts, ou de l'usage de la langue ; tantôt à cause du péril auquel il s'expose, comme cela est évident pour celui qui tombe du mal caduc, ou qui souffre de quelque aliénation mentale; tantôt à cause de l'horreur qu'il inspire, comme il arrive à l'égard d'un lépreux qui ne doit pas célébrer publiquement. Cependant il peut dire la messe en secret, à moins que la lèpre n'ait tellement gagné qu'elle ne l'ait rendu incapable de remplir ses fonctions, en s'attaquant à ses membres (1).

(t) Les docteurs ne sont pas d'accord entre eux sur le nombre de fois qu'un prêtre doit dire la messe pour être exempt de péché mortel. II nous semble qu'on en excuserait difficilement celui qui ne la dirait pas au moins trois ou quatre fois par an. Et il v aurait péché véniel à négliger de la dire les dimanches et les fêtes d'obligation, si on n'en était légitimement empêché. C'est 1 esprit du concile de Trente qui dit : Curet episcopus ut presbyteri saltem diebus dominicis et festis solemnibus... missas celebrent (sess, xxiii, cap. 14).
(2) Celui qui a charge d'âmes est obligé de dire la messe tous les dimanches et fêtes d'obligation ou de se faire remplacer par un autre prêtre, et il est encore obligé de la dire toutes les fois que ses paroissiens la lui demandent pour un mariage, ou pour des obsèques, ou pour d'autres causes légitimes. C'est ce qu'exprime ainsi le concile de Trente (loc. sup. cit.) : Si presbyteri curam habuerint animarum, tam frequenter ut suo muneri satisfaciant missas celebrent.
(3) Quand un prêtre se trouve en état de péché mortel et qu'il y a nécessité pour lui d'offrir le saint sacrifice, s'il ne peut se confesser auparavant, il doit s'exciter à la contrition parfaite et prendre la résolution de se confesser et de satisfaire le plutôt possible.





QUESTION 83: DU RITE DE L'EUCHARISTIE.

1660
Nous devons nous occuper en dernier lieu du rite de l'eucharistie. — A ce sujet six questions se présentent : 1° Le Christ est-il immolé dans la célébration de ce mystère? — 2° Du temps de la célébration. — 3° Du lieu et des autres choses qui appartiennent à la préparation de ce sacrifice. — 4° De ce que l'on dit dans la célébration de ce mystère. — 5" De ce que l'on fait à l'égard de sa célébration. — 6° Des défauts qui se présentent dans la célébration de ce sacrement.


ARTICLE I. — le christ est-il immolé dans l'eucharistie (2)?

1661
1 Il semble que dans la célébration de l'eucharistie le Christ ne soit pas immolé. Car l'Apôtre dit (
He 10,44) : Que le Christ par une seule oblation a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés. Or, cette oblation a été son immolation. Le Christ n'est donc pas immolé dans la célébration de ce sacrement.

2 L'immolation du Christ a eu lieu sur la croix, où le Christ s'est livré lui-même pour nous, en s'offrant à Dieu comme une oblation et une victime d'agréable odeur, selon l'expression de saint Paul (Ep 5,2). Or, dans la célébration de ce mystère le Christ n'est pas crucifié. Il n'est donc pas immolé.

3 Comme le dit saint Augustin (7)e Trin. lib. iv, cap. 7 inprinc. et cap. 14 in fin.), dans l'immolation du Christ, c'est le même qui est prêtre et victime. Or, dans la célébration du sacrement de l'autel, ce n'est pas le même qui est prêtre et victime. La célébration de ce sacrement n'est donc pas l'immolation du Christ.

20
Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit(Prosper in Lib. sent. Augustin. Vid. De consecr. cap. 52, dist. 2): Le Christ n'a été immolé qu'une fois en lui- même, et cependant on l'immole tous les jours dans le sacrement.



CONCLUSION. — La célébration de ce sacrement étant une image de la passion du Christ, et ce sacrement nous faisant participer à ses fruits, c'est avec raison qu'on l'appelle l'immolation du Christ.

21
Il faut répondre qu'on appelle la célébration de l'eucharistie l'immolation du Christ pour deux raisons : 1° Parce que, comme le dit saint Augustin à Simplicius (lib. ii, quaest. 3, ante med.), les images ont coutume d'être appelées du nom des choses qu'elles représentent-, comme lorsqu'en considérant un tableau ou une muraille peinte, nous disons : c'est Cicéron, c'est Saltuste. Or, la célébration de l'eucharistie, comme nous l'avons dit (quest. lxxix, art. 4), est une image représentative de la passion du Christ, qui est sa véritable immolation. C'est pourquoi la célébration de ce sacrement est appelée l'immolation du Christ. D'où saint Ambroise dit (sup. Ep. Hebr, super illud cap. 10 : Umbram enim) : Dans le Christ, l'hostie qui est toute-puissante pour le salut éternel n'a été offerte qu'une fois-, que faisons-nous donc? Ne l'offrons-nous pas tous les jours? mais en mémoire de sa mort.— 2° Quant à l'effet de la passion du Christ. Car ce sacrement nous fait participer aux fruits de la passion du Seigneur. C'est pour cela qu'il est dit dans une oraison : que toutes les fois qu'on célèbre la mémoire de cette victime, on exerce l'oeuvre de notre rédemption (1). Dans le premier sens, on pouvait dire que le Christ était aussi immolé dans les figures de l'Ancien Testament. C'est pour ce motif que saint Jean dit (Ap 13,8) : Leurs noms n'ont pas été écrits dans te livre de vie de l'agneau qui a été immolé dès l'origine du monde. Mais dans le second sens il est propre à l'eucharistie que le Christ soit immolé dans sa célébration.

(I) Le prêtre dont le coeur est selon Dieu, doit toujours avoir présentes ces paroles de l'auteur de l'Imitation : Quando sacerdos celebrat, Deum honorat, angelos laetificat, Ecdesiam aedificat, vivos adjuvat, defunctis

requiem praestat, et sese omnium bonorum participem efficit.                                                                              

(2) Il est de foi que la messe est le sacrifice du corps et du sang de Jésus-Christ. Le concile de Trente a ainsi condamné tous les hérétiques qui ont attaqué cette vérité (sess, xxii, can. i) : Si quis dixerit in missa non offerri Deo verum et proprium sacrificium, aut quod offerri noti sit aliud quam nobis Christum ad manducandum dari-, anathema sit.

31 Il faut répondre au premier argument, que, comme le dit saint Ambroise (ibid.) : Il n'y a qu'une hostie, celle que le Christ a offerte et que nous offrons; il n'y en a pas plusieurs, parce que le Christ n'a été offert qu'une fois. Ce sacrifice est le modèle de celui-ci. Car, comme ce qui est offert partout n'est qu'un seul corps et n'en forme pas plusieurs ; de même il n'y a qu'un seul sacrifice (2).

32
Il faut répondre au second, que, comme la célébration de l'eucharistie est une image qui représente la passion du Christ, de même l'autel est la représentation de la croix sur laquelle le Christ a été immolé dans son espèce propre.

33
Il faut répondre au troisième, que, par la même raison, le prêtre est aussi l'image du Christ, en la personne et la vertu duquel il prononce les paroles pour la consécration, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (quest. lxxxii, art. 1 et 3). Par conséquent c'est d'une certaine manière le même qui est prêtre et hostie.



ARTICLE II. — le temps de la célébration a-t-il été convenablement déterminé?

1662
1 Il semble que le temps de la célébration de ce mystère n'ait pas été convenablement déterminé. Car ce sacrement est représentatif de la passion du Seigneur, comme nous l'avons dit (art. préc.). Or, on fait mémoire de la passion du Seigneur dans l'Eglise, une fois l'an. Car saint Augustin dit(sup. Ps. xxi, inpraefat.ad exposit. ii ejus Ps. circ. princ.) : Le Christ est-il mis à mort autant de fois qu'on célèbre la pâque? Non, mais ce souvenir anniversaire nous représente ce qui a eu lieu autrefois, et il nous touche comme si nous voyions le Seigneur lui-même attaché sur la croix. On ne doit donc célébrer ce sacrement qu'une fois par an.

2
On célèbre dans l'Eglise la mémoire de la passion du Christ le vendredi avant Pâques, mais on ne la célèbre pas dans la fête de Noël. Par conséquent, puisque l'eucharistie est le mémorial delà passion du Seigneur, il ne semble pas convenable que le jour de Noël on célèbre trois fois ce sacrement, et qu'on en interrompe totalement la célébration le vendredi saint.

3
Dans la célébration de l'eucharistie, l'Eglise doit imiter l'institution du Christ. Or, le Christ a consacré ce sacrement le soir. Il semble donc qu'on devrait le célébrer à la même heure.

(1) Si quis dixerit missoe sacrificium tantum esse laudis et gratiarum actionis, aut nudam commemorationem sacrificii in cruce peracti, non autem propitiatorium, vel soli prodesse sumenti, neque pro vivis et defunctis, pro peccatis, poenis, satisfactionibus et aliis necessitatibus offerri debere; anathema sit (Coneil. Trid. sess, xxii, can. 3).
(2) In divino hoc sacrificio, dit encore le concile de Trente, quod in missa peragitur, idem ille Christus continetur et incruente immolatur, qui in ara crucis semel seipsum cruentum obtulit (sess, xxii, cap. 2).

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Comme on le voit (De consecrat, dist. 1, cap. 51), le pape saint Léon écrit à Dioseore, évêque d'Alexandrie (Epist, lxxxi, sub fine), que dans la première partie du jour, il est permis de célébrer la messe. Or, le jour commence à minuit, comme nous l'avons dit (quest. lxxx, art. 8 ad 5). Il semble donc qu'immédiatement après minuit il soit permis de célébrer.

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Dans une oraison il est dit : Accordez-nous, Seigneur, nous vous en prions, de fréquenter ces mystères. Or, on. les fréquenterait davantage si le prêtre célébrait à plusieurs heures dans le même jour. Il semble donc qu'on ne doive pas défendre au prêtre de célébrer plusieurs fois dans un jour.

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Mais c'est le contraire. La coutume que l'Eglise observe d'après les canons est opposée.



CONCLUSION. — Comme nous avons besoin tous les jours du fruit de la passion du Seigneur, et que le Christ a souffert depuis la troisième heure jusqu'à la neuvième, il est convenable que dans l'Eglise de Dieu on célèbre solennellement tous les jours et à cette même heure.

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Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. préc.), dans la célébration de ce mystère, on considère la représentation de la passion du Seigneur et la participation à ses fruits. Sous ces deux rapports, il a fallu déterminer le temps qui convient à la célébration de ce sacrement. En effet, comme nous avons besoin chaque jour du fruit de ta passion du Seigneur à cause de nos défauts quotidiens, chaque jour on offre régulièrement ce sacrifice dans l'Eglise (1). D'où le Seigneur nous apprend à faire cette demande (Lc 11,3) : Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien; ce que saint Augustin nous fait remarquer en disant (Lib. de verbis Dom. serm. xxviii à med.) : Si c'est le pain de chaque jour, pourquoi le recevez-vous après un an, comme les Grecs ont coutume de le faire en Orient? Recevez-le tous les jours, pour qu'il vous soit profitable tous les jours. — Et parce que la passion du Seigneur a eu lieu depuis la troisième heure jusqu'à la neuvième (2), c'est pour ce motif que dans l'Eglise on célèbre régulièrement ce sacrement avec solennité dans cette partie du jour.

31 Il faut répondre au premier argument, que dans l'eucharistie on représente la passion du Christ, selon que ses effets se répandent sur les fidèles ; au lieu que dans le temps de la passion on rappelle la passion du Christ seulement, selon qu'elle a été consommée dans notre chef lui-même -, ce qui n'a eu lieu qu'une fois, tandis que les fidèles reçoivent tous les jours le fruit de la passion du Seigneur. C'est pourquoi cette commémoration n'a lieu qu'une fois par an; au lieu que l'autre se fait tous les jours, pour que nous en recevions tous les jours le fruit et qu'on en renouvelle perpétuellement la mémoire.

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Il faut répondre au second, qu'à l'avènement de la vérité, la figure cesse. Or, l'eucharistie est une figure et un exemple de la passion du Seigneur, comme nous l'avons dit (in corp. art.). C'est pour ce motif que dans le joui1 où on rappelle .la passion elle-même du Seigneur, selon qu'elle s'est réellement accomplie, on ne célèbre pas la consécration de ce sacrement. Cependant, pour que dans ce jour l'Eglise ne soit pas sans le fruit de la passion que ce sacrement nous communique, on réserve le corps du Christ consacré le jour précédent, pour qu'on le prenne ce jour-ià(l). Maison ne réserve pas le sang, à cause du péril qu'il y aurait, et parce que le sang est plus spécialement l'image de la passion du Seigneur, comme nous l'avons dit (quest. lxxviii, art. 3 ad 2). Il n'est pas vrai, comme quelques-uns le disent, que par le mélange de la particule du corps du Christ avec le vin, celui-ci se change en sang. Car cette conversion ne peut être produite que par la consécration faite sous la forme des paroles qu'on doit employer. — Quant au jour de Noël, on célèbre plusieurs messes à cause de la triple naissance du Christ, dont l'une est éternelle et reste cachée par rapport à nous. C'est pour cela qu'on chante une messe pendant la nuit, dans l'introït de laquelle on dit : Le Seigneur m'a dit : Vous êtes mon fils, je vous ai engendré aujourd'hui. L'autre est temporelle, mais spirituelle; c'est celle par laquelle le Christ naît, comme l'étoile du matin, dans nos coeurs, selon l'expression de saint Pierre (2P 1), et c'est pour ce motif qu'on chante la messe de l'aurore, dans l'introït de laquelle on dit : La lumière briller a aujourd'hui sur nous. La troisième est la naissance temporelle et corporelle du Christ, par la- quelle il est sorti du sein delà Vierge, ayant revêtu notre chair et s'étant rendu visible pour nous. C'est pour cette raison que la troisième messe se chante en plein jour et qu'on dit dans l'introït : Un enfant nous est né. On pourrait dire aussi que la naissance éternelle existant en elle-même dans la pleine lumière, il en est fait mention pour ce motif dans l'évangile de la troisième messe; tandis que, selon sa naissance corporelle, le Christ est né littéralement au milieu de la nuit, pour montrer qu'il venait pour éclairer les ténèbres de notre faiblesse. C'est pour cela que dans la messe de la nuit on dit l'évangile de la naissance corporelle du Christ (2). C'est ainsi que dans les autres jours où l'on doit se rappeler ou demander plusieurs bienfaits de Dieu, on célèbre plusieurs messes dans une même journée ; par exemple, l'une pour la fête, une autre pour le jeûne ou pour les morts.

(1) Il est dans l'esprit de l'Eglise que les prêtres offrent le saint sacrifice, quoiqu'elle ne leur en fasse pas une obligation, comme nous l'avons vu (pag. 15b).
(2) C'est-à-dire depuis neuf heures du matin jusqu'à trois heures du soir. Cette loi est ensuite tombée en désuétude. Maintenant il n'est permis de dire la messe que depuis l'aurore jusqu'à midi ; par l'aurore on entend le moment du crépuscule et on prend moralement cette détermination, c'est-à-dire qu'il n'y a matière grave qu'autant qu'on commencerait environ une heure avant ou une heure après le temps fixé.

33 Il faut répondre au troisième, que, comme nous l'avons dit (quest. lxxiii, art. 5 ), le Christ a voulu donner ce sacrement à ses disciples en dernier lieu, pour l'imprimer plus fortement dans leur coeur. C'est pourquoi il l'a consacré après la cène sur la fin du jour et l'a donné à ses disciples. Néanmoins nous le célébrons à l'heure ou la passion du Seigneur a eu lieu, c'est-à-dire les jours de fête à la troisième heure, quand il a été crucifié par les eris des Juifs, selon l'expression de l'Evangile (Mc 15), et quand l'Esprit-Saint est descendu sur les disciples ; ou bien les jours ordinaires à la sixième heure, quand il fut crucifié entre les mains des soldats, comme on le voit (Jn 19), ou bien les jours de jeûne à la neuvième heure, quand il rendit l'esprit après avoir poussé un grand cri (3), comme on le voit (Mt 27). Cependant, on peut la dire plus tard, surtout quand on doit conférer les ordres, et principalement le samedi saint, soit à cause de la longueur de l'office, soit parce que les ordres appartiennent au jour du Seigneur, comme on le voit (in Decr. distinct. 75, cap. Quod à Patribus). On peut cependant célébrer la messe dans la première partie du jour, pour cause de nécessité, comme il est dit (De consecr. dist. 1, cap. Necesse est, etc.).

34 Il faut répondre au quatrième, que régulièrement on doit célébrer la messe le jour et non la nuit; parce que c'est le Christ qui est présent dans l'eucharistie qui dit (Jn 9,4) : II faut que je fasse les oeuvres de celui qui m'a envoyé pendant qu'il est jour; la nuit vient dans laquelle personne ne peut agir; tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. Cependant le commencement du jour ne doit pas s'entendre dès minuit, ni depuis le lever du soleil, lorsque cet astre apparaît tout entier sur l'horizon, mais quand l'aurore commence à paraître. Car on dit alors que le soleil est levé en quelque sorte, dans le sens qu'on voit la clarté de ses rayons. Ainsi, il est dit (Mc 16,1) : que les femmes vinrent au tombeau au lever du soleil, tandis que, d'après saint Jean (20, 1), elles y vinrent lorsqu'on était encore dans les ténèbres. Car c'est ainsi que saint Augustin détruit cette contrariété apparente ( De consensu Evang. lib. iii, cap. 24). Cependant on célèbre la messe spécialement dans la nuit de Noël, parce que le Seigneur est né dans cette nuit, comme on le dit (De consecrat, dist. I, cap. Nocte, etc.). On la célèbre aussi le samedi saint au commencement de la nuit (1), parce que le Seigneur est ressuscité dans la nuit, c'est-à-dire lorsque les ténèbres existaient encore, avant le lever éclatant du soleil.

(t) On appelle cette messe la messe des pré- sanctifiés , parce qu'on participe aux dons consacrés la veille.
(2) D'aprcs la Rubrique ces trois messes ne doivent pas se dire la nuit j la première messe doit se dire à minuit, la seconde à l'aurore et la troisième an jour. Mais dans plusieurs diocèses l'usage contraire a prévalu. On dit successivement ces trois messes sans quitter l'autel.
(3) Ces usages n'existent plus.

35 Il faut répondre au cinquième, que, comme on le voit (De consecrat. dist. I, cap. 53) d'après un décret du pape Alexandre II (decret. xi), c'est assez pour un prêtre de célébrer une messe dans la même journée; parce que le Christ n'a souffert qu'une fois et a racheté le monde entier; et il est très-heureux celui qui peut en célébrer une dignement. Cependant il y en a qui en disent une pour les morts, et une autre du jour, si cela est nécessaire. Mais ceux qui, pour de l'argent, ou pour flatter des séculiers, ont la présomption de célébrer plusieurs messes dans un jour, je ne pense pas qu'ils échappent à la damnation. Et Innocent III dit ( extra, De celebr. Miss. cap. Consuluisti) : qu'à l'exception du jour de la Nativité du Seigneur, si la nécessité n'y invite, un prêtre doit se contenter de ne célébrer qu'une messe par jour (2).

(I) Le jeudi saint et le samedi saint les messes privées sont défendues par la congrégation des rites, mais l'usage contraire existe dans plusieurs diocèses de France.
(2) Aujourd'hui il n'y a guère d'exception à cette règle qu'à l'égard des prêtres qui sont éhargés de plusieurs églises paroissiales ou annexes, pour les jours de dimanche et de fêtes d'obligation.




III Pars (Drioux 1852) 1647