III Pars (Drioux 1852) 1803

ARTICLE IV. — est-il convenable de diviser la pénitence en pénitence ayant le baptême , pénitence des péchés mortels et pénitence des péchés véniels (4)?

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1 Il semble qu'il ne soit pas convenable de diviser la pénitence en pénitence avant le baptême, pénitence des péchés mortels et pénitence des péchés véniels. Car la pénitence est la seconde planche après le naufrage, comme nous l'avons dit (quest. lxxxiv, art. 6), et le baptême est la première. Ce qui a lieu avant le baptême ne doit donc pas être considéré comme une des espèces de la pénitence.

(1) On distingue deux sortes de parties intégrantes : celles qui sont principales et celles qui sont secondaires. La contrition et la confession sont dos parties principales du sacrement de pénitence; jointes à l'absolution, qui est la forme de ce sacrement, elles en comprennent l'essence. La satisfaction est une partie moins principale. Le sacrement peut véritablement exister sans elle, ce qui prouve qu'elle n'est pas essentielle; mais comme il ne peut exister que d'une manière imparfaite, il s'ensuit qu'elle est nécessaire à son intégrité et qu'elle doit être considérée comme partie intégrante.
(2) C'est l'axiome : Bonum ex integra causa, malum ex minimo defectu.
(3) Elles sont plus ou moins nécessaires ou importantes, comme nous l'avons observé.
(4) Cette d i vision est la division de la pénitence comme vertu en parties subjectives accidentelles. Cette distinction est tirée de la diversité des états et des objets matériels, et non de la fin et des objets formels.

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Ce qui peut détruire le plus peut aussi détruire le moins. Or, le péché mortel est plus grand que le véniel, et la pénitence qui a pour objet les péchés mortels est la même qui se rapporte aux péchés véniels. On ne doit donc pas à cet égard distinguer différentes espèces de pénitence.

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Comme on pèche véniellement et mortellement après le baptême, de même on le fait aussi avant. Si donc après le baptême on distingue la pénitence des péchés véniels et des péchés mortels, pour la même raison on doit la distinguer avant. Il  n'est donc pas convenable de diviser la pénitence en ces trois espèces.

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Mais c'est le contraire. Saint Augustin reconnaît ces trois espèces de pénitence (Lib. de poenitent. scil. hom. ult. inter l, cap. 2,3 et 4).


CONCLUSION. — La puissance, comme vertu, se divise en pénitence avant le baptême, pénitence des péchés mortels, et pénitence des péchés véniels.

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Il faut répondre que cette division se rapporte à la pénitence comme vertu. Or, il faut considérer que toute vertu opère dans le temps convenable, comme elle observe aussi toutes les autres circonstances qu'on doit observer. Par conséquent la vertu de pénitence produit son acte dans le temps convenable, d'après la loi nouvelle. — Or, il appartient à la pénitence de détester les péchés passés, avec la résolution de changer de vie pour mieux se conduire, ce qui est en quelque sorte la fin de cette vertu. Et parce que les choses morales tirent leur espèce de leur fin, comme nous l'avons dit (la 2*, quest. i, art. 3, et quest. xviii, art. 4 et 6), il est convenable de distinguer différentes espèces de pénitence, selon les divers changements que le pénitent se propose. — Or, le pénitent se propose trois sortes de changements. Le premier se produit en passant par la régénération à une vie nouvelle, et il appartient à la pénitence que l'on fait avant le baptême. Le second se produit par la réforme des désordres de la vie passée, et il appartient à la pénitence des péchés mortels faits après le baptême. Le troisième se fait quand on passe à une vie plus parfaite, et il appartient à la pénitence des fautes vénielles qui sont remises par un acte fervent de charité, comme nous l'avons dit (quest. lxxxvit, art. 2 et 3).

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Il faut répondre au premier argument, que la pénitence qui se fait avant le baptême n'est pas un sacrement, mais elle est un acte de vertu qui dispose au sacrement de baptême.

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Il faut répondre au second, que la pénitence qui efface les péchés mortels efface aussi les fautes vénielles^ mais non réciproquement. C'est pourquoi ces deux pénitences sont l'une à l'autre ce que le parfait est à l'imparfait.

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Il faut répondre au troisième, qu'avant le baptême il n'y a pas de péchés véniels sans péchés mortels (1). Et parce que le péché véniel ne peut être pardonné sans le péché mortel, comme nous l'avons dit (quest. lxxxvii, art. 4), pour cette raison on ne distingue pas avant le baptême la pénitence des péchés mortels de celle des fautes vénielles.

(Ici se termine ce qui nous est parvenu du travail de saint Thomas lui-même sur cette dernière partie de la Somme j la mort ne lui ayant pas permis d'achever son oeuvre.)

(U) Saint Thomas a exposé ce sentiment (4.2, quest. i.xxxiv, art. 6, tom. Iii, pag. 528). Nous- avons fait remarquer que cette opinion était controversée. Mais quand même le péché véniel existerait-il ne pourrait néanmoins être remis sans le péché originel ou le péché mortel auquel il se trouve uni.
(I) C'est pour ce motif que la consécration serait nulle si le prêtre disait : Hoc est corpus Christi, hic est calix sanguinis Christi, parce qu'il est essentiel qu'il pai]e au nom du Christ.
(2) C'est pour ce motif que toutes les fois qu'un prêtre doit consacrer il est strictement obligé de commencer aux mots : Qui pridiè quam pateretur, et de prononcer toutes les paroles suivantes pour la consécration, et de prendre à simili modo postquam coenatum est, pour la consécration du vin, quoique toutes ces paroles ne soient pas essentielles.
(1) Sylvius observe que si au lieu du pronom hoc on se servait du mot illud la forme serait valide, mais qu'elle ne le serait pas si on mettait illud; parce que le mot istud démontre une chose présente, tandis qu'il n'en est pas de même du mot illud. Sion se servait du mot hic pris adverbialement, la consécration serait nulle, parce qu'on ne signifierait pas un changement substantiel.
(2) Les mots devant être 'pris selon leur sens naturel, c'est pour ce motif que le verbe est ne peut être pris pour le mot significat, comme le veulent les hérétiques.
(1) A cet égard les thomistes sont partagés sur la pensée véritable de saint Thomas au sujet de cette question. Il v en a qui croient qu'il considérait absolument toutes les paroles de la formule jusqu'à quotiescumque comme étant essentielles au point que la consécration serait nulle si on ne les prononçait toutes. Sylvius, Billuart et un très-grand nombre d'autres croient qu'il a seulement voulu dire que ces paroles n'étaient
(1) Dans un tout moral il n'est pas nécessaire (pie la perfection d'une partie attende la perfection de l'autre.
(2) Le sens de la formule n'est complet qu'autant qu'elle est achevée, mais ce sens est indépendant de la formule suivante.
(3) Cet article est une réfutation de l'erreur des enthousiastes qui disaient que l'eucharistie
(1) C'est eo que te concile de Florence exprime en ces termes : Omnem effectum quem materialis cibus et potus quoad vitam agunt corporalem, sustentando, augendo, superando etdelectando ; sacramentum hoc quoad vitam operatur spiritalem (Decret. in armen.).
(I) C'est pour ce motif qu'une des principales figures de l'eucharistie, ce fut la manne qui avait en elle-même tous les goûts les plus suaves (Sap. xyl).
(1) L'eucharistie n'a pas été établie pour conférer à 1 homme la première grâce sanctifiante, celle qui efface le péché mortel j car elle suppose au contraire que celui qui la reçoit est en état de grâce. C'est ce qui fait dire à saint Paul : Quicumque manducaverit panem hunc, vel
(2) l c mot sacrement désigne en cet endroit le sacrifice qui s'offre pour tous ceux qui appartiennent à l'Eglise et par lequel on demande
(1) C'est ce que disent aussi saint Chrysostome (Hom. xlv in ), saint Bernard (Serm. de caena Domini , saint Cyrille d'Alexandrie (lib. iv in Jean. cap. 17) et les autres docteurs.
(2) Le concile de Trente a décidé (sess. vi, can. 23) qu'un juste ne pouvait passer sa vie en
(1) Ce qui le prouve c'est que l'Ecriture en rapportant sa prière dit : Orabat hic scelestus, et qu’ elle lui donne les noms d'homicide et de blasphémateur, et que d'ailleurs il n’à point délivré les Juifs de la tyrannie qu'il exerçait sur eux.
(2) Il  est de foi que la pénitence, comme vertu, est nécessaire d'une nécessité de moyen aussi
(1) La contrition, jointe à "un commencement d'amour de Dieu, est une des dispositions qu'on requiert des adultes qui se présentent pour recevoir le baptême.
(1) Les luthériens et les calvinistes nient qu'après la rémission de la faute il reste une peine temporelle ; et c'est de là qu'ils partent pour attaquer le purgatoire, les indulgences et toutes les oeuvres satisfactoires. Leur erreur a été ainsi condamnée par le concile de Trente : Si quis, post acceptam iustificationis gratiam, cuilibet
(I) Saint Thomas se sert à dessein de cette expression, parce que la contrition peut être tellement parfaite qu'elle ne laisse plus rien à expier et que la satisfaction soit entière, comme dans saint Paul et la femme pécheresse.
(2) Poena aeterna, dit le concile de Trente, vel sacramento, vel sacramenti volo una cum culpa remittitur; sed poena temporalis, ut
(2) On entend ici par les restes du péché les habitudes mauvaises ou les dispositions qui ré
(2) Les Juifs étaient obligés de confesser leurs fautes d'une manière générale et d'en avoir la contrition.
(3) Il y a quelques théologiens qui pensent qu'aucune pénitence n'est requise pour la rémission des péchés véniels, mais qu'il suffit d'un bon acte quelconque qui plaise à Dieu plus que te
(1) Ce sont presque les expressions du concile de Trente qui exige : Ut poenitens quisque diligentius se excutiat et conscientia; suae sinus omnes et latebras exploret ad hoc, ut ea omnia peccata, quibusDominumDeum suummor- taliter offendit, meminerit (sess, xiv, cap. 5).
(2) Il est à remarquer que par la pénitence virtuelle saint Thomas n'entend pas toute espèce de





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