Discours 2000 - Samedi 10 juin 2000


À L'AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE D'INDONÉSIE PRÈS LE SAINT SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Lundi 12 juin 2000


Monsieur l'Ambassadeur,

Je vous accueille chaleureusement, tandis que vous présentez les Lettres qui vous accréditent en tant qu'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République d'Indonésie près le Saint-Siège. Je profite de cette occasion pour réaffirmer mes sentiments d'estime et d'amitié pour le peuple de votre pays. Je vous suis reconnaissant pour les sentiments cordiaux que vous me transmettez de la part du Président Abdurrachman Wahid et, dans le souvenir agréable de sa récente visite à Rome, je vous demande de lui transmettre l'assurance de mes prières pour sa mission exigeante et pour la paix et le bien-être de la nation.

L'amitié et l'hospitalité du peuple d'Indonésie m'ont profondément impressionné au cours de ma visite dans votre pays en 1989. A cette occasion, j'ai ressenti de près la grande variété des religions, des races et des cultures qui composent la mosaïque de la société indonésienne. Cette diversité est une profonde source d'enrichissement car elle réunit les traits complémentaires de différents groupes ethniques et, à travers leur interaction, elle donne naissance à une communauté nationale dynamique et productive. Dans le même temps, cette diversité présente également des défis importants, alors que l'Indonésie s'efforce de maintenir son unité et d'édifier un avenir dans lequel tous les citoyens peuvent contribuer au bien commun. A cet égard, je répète ce que j'ai dit à Jakarta en 1989: "La base la plus sûre pour l'unité durable et le développement d'une nation est un profond respect pour la vie humaine, pour les droits inaliénables de la personne" (Discours lors de la rencontre avec les Autorités du gouvernement au Palais "Istana Negara", 9 octobre 1989, in O.R.L.F. n. 43 du 24.10.89).

Récemment, de multiples changements importants ont eu lieu dans votre pays. Le Saint-Siège est pleinement conscient des nombreux aspects positifs de ces changements, mais également des difficultés auxquelles l'Indonésie doit faire face sur le chemin des réformes déjà mises en place et dans ses efforts pour développer des structures politiques et légales capables de satisfaire les espérances et des aspirations de tous les peuples de l'archipel. Je suis certain que l'engagement de votre pays à la démocratie et la responsabilité accrue des organes du gouvernement et de l'administration contribueront au progrès de la nation, à la promotion de l'harmonie sociale et à la réconciliation. La véritable démocratie est fondée sur la reconnaissance de la dignité inaliénable de chaque personne humaine, dont découlent les droits et les devoirs humains. Le manque de respect pour cette dignité conduit aux diverses formes parfois tragiques de discrimination, d'exploitation, de troubles sociaux et de conflits nationaux et internationaux que le monde connaît hélas trop bien. Ce n'est que lorsque la dignité de la personne est sauvegardée que l'on assiste à un développement authentique et une paix durable.

Parmi les droits humains fondamentaux, la liberté religieuse occupe une place d'importance primordiale. La liberté des individus et des communautés de professer et de pratiquer leur religion est essentielle pour la coexistence humaine pacifique. Le recours à la violence au nom de la croyance religieuse est un travestissement des principes de doctrine des principales religions. Le dialogue entre les religions présentes sur le territoire est essentiel afin que tous puissent voir que la véritable croyance religieuse inspire la paix, encourage la solidarité, promeut la justice et encourage la liberté (cf. Discours lors de la célébration de clôture de l'Assemblée interreligieuse, 28 octobre 1999, n. 3).

En accord avec les principes de la doctrine du Pancasila, l'Indonésie a un profond respect pour la liberté religieuse, la considérant comme essentielle pour le bien commun, et cette conviction a permis aux peuples des diverses traditions religieuses de vivre côte à côte en harmonie. Elle a permis à vos concitoyens catholiques qui ont toujours désiré oeuvrer pour le bien de leur pays, d'apporter une pleine contribution à la vie de la nation, en particulier au moment de l'indépendance. L'Eglise a pu être active dans le domaine de la santé et dans le domaine social. A travers ses activités éducatrices, elle a contribué à la formation de citoyens de toutes classes sociales et modes de vie, en considérant leurs droits et leurs devoirs, comme faisant partie de la communauté nationale. Il est essentiel que les principes qui ont permis cette coopération soient toujours proclamés à nouveau, afin que leur importance pour la vie de la nation ne soit pas négligée ou oubliée.

En ce moment, il est particulièrement nécessaire de répéter cela, étant donné l'accroissement de la violence dans les diverses régions de votre pays entre les personnes de différentes croyances religieuses. Mes pensées se tournent en particulier vers les Moluques, où des atrocités, des massacres et des destructions ont eu lieu, notamment au cours des derniers jours, et où des tensions persistantes continuent d'être une source de grave préoccupation. La Communauté internationale se tourne vers l'Indonésie afin qu'elle adopte les mesures nécessaires pour désamorcer les tensions, pour garantir que tous les citoyens soient traités de façon égale devant la loi, et pour mettre un terme immédiat à la violence. J'appelle toutes les personnes concernées à reprendre le chemin du dialogue et de la négociation pacifique, dans un esprit de respect et de tolérance mutuels. J'exhorte toutes les personnes qui ont à coeur le véritable bien de l'Indonésie à oeuvrer pour mettre un terme définitif au conflit.

Excellence, vous avez mentionné la question du Timor oriental. Comme vous le savez, celle-ci a représenté une préoccupation constante pour le Saint-Siège, qui est heureux de voir qu'une solution globale et acceptée au niveau international a été finalement trouvée. En dépit des tragiques événements de l'an dernier, les peuples de ce territoire ont maintenant la possibilité de poursuivre une nouvelle voie en accord avec leurs plus profondes aspirations. Je souhaite sincèrement que les autorités de Dili et de Jakarta feront tous les efforts possibles pour édifier des relations d'amitié et de coopération fondées sur des principes de justice, de respect mutuel et de solidarité. Avec les autorités et les Organisations internationales, tous doivent consacrer leurs énergies à identifier les moyens les plus adaptés pour soulager la situation critique des réfugiés au Timor occidental, un problème que vous avez vous-même mentionné. Une solution juste, qui respecte la liberté des réfugiés eux-mêmes et qui garantit la disponibilité de l'assistance humanitaire, exige une coopération accrue entre les parties concernées.

Excellence, en vous présentant mes meilleurs voeux au début de votre mission, je vous assure de la disponibilité des différents bureaux du Saint-Siège pour vous assister dans votre travail. Sur vous, ainsi que sur tous les citoyens de la République d'Indonésie, j'invoque une abondance de Bénédictions de Dieu tout-puissant.



AUX MEMBRES DE L'ÉGLISE CHALDÉENNE

Lundi 12 juin 2000


Béatitude,
Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l'épiscopat,

1. "Quand arriva la Pentecôte, ils se trouvaient réunis tous ensemble" (Ac 2,1). Il y avait la Mère de Jésus, les Apôtres, les disciples; tous attendaient dans la prière la venue de l'Esprit Saint. Parmi les témoins de la Pentecôte se trouvaient également des "habitants de Mésopotamie" (Ac 2,9). Ceux qui allaient devenir les premiers disciples du Messie sont étonnés, car ils entendent proclamer dans leur langue les merveilles de Dieu (cf. Ac 2,11). Pierre, le Prince des Apôtres, leur annonce, dans la force de l'Esprit, la Bonne Nouvelle: "Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité; nous en sommes témoins" (Ac 2,32).

C'est pour moi, Successeur de Pierre, une grande joie de pouvoir vous saluer, évêques de l'Église chaldéenne réunis autour de votre Patriarche, et de pouvoir prier avec vous, successeurs des Apôtres pour cette Église bien-aimée, dont vous portez la charge pastorale et qui est éprouvée dans sa chair. Ma pensée se tourne aussi vers l'ensemble du peuple irakien. Tant de fois au cours de ces années, j'ai été proche de tout ce peuple, de ses enfants, de ses personnes âgées, de ses malades, des familles et de toutes les personnes qui souffrent dans leur corps et dans leur âme. À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de rappeler à la communauté internationale son devoir, pour que de nouvelles épreuves soient épargnées à un peuple déjà éprouvé. Aujourd'hui, je le répète avec plus de force encore: que tous s'attachent à mettre fin aux épreuves de tant de victimes civiles!

2. Au lendemain de la fête de la Pentecôte, qui nous a rappelé le mystère de l'effusion de l'Esprit sur l'Église naissante, il est particulièrement significatif de vivre un Synode comme celui que vous commencez aujourd'hui. "Ils se trouvaient tous ensemble réunis" (Ac 2,1). Votre Synode des Évêques de l'Église chaldéenne est une rencontre qui, selon l'étymologie du mot, est une façon particulière de faire route ensemble, pour que convergent les chemins des différentes communautés. Il est une manifestation de l'Église qui se laisse guider par l'Esprit et qui s'attache à vivre la communion, en son sein comme avec l'Église universelle, selon ce qu'a rappelé le Concile oecuménique Vatican II (cf. Orientalium Ecclesiarum OE 9). Lors de ma rencontre avec les Patriarches orientaux catholiques le 29 septembre 1998, à l'occasion de l'Assemblée plénière de la Congrégation pour les Églises orientales, j'avais souligné que "la collégialité des évêques connaît un exercice particulièrement significatif dans les dispositions canoniques de vos Églises. Les Patriarches de fait agissent en union étroite avec leurs Synodes. Le but de toute synodalité authentique est la concorde, afin que la Trinité soit glorifiée dans l'Église" (Discours aux Patriarches des Églises orientales catholiques, n. 3). Toute l'histoire de l'Église montre que la concorde est nécessaire pour exprimer l'amour qu'a l'Église pour son Époux et pour attester devant les hommes l'amour miséricordieux que Dieu a pour eux. Les Actes des Apôtres nous enseignent que ce n'est ni l'absence d'opinions diverses ni même l'absence de conflits qui permettent d'établir la concorde, mais bien l'ardent désir qu'a l'Église d'obéir à la volonté de Dieu sur elle, désir ravivé par la prière, par l'écoute mutuelle, par l'ouverture à la voix de l'Esprit, par la confiance réciproque. La concorde alors rend jeune et sans ride le visage de l'Église et permet à l'Esprit Saint de rendre possible l'impossible.

3. Parlant d'évêques qu'il a personnellement connus, saint Éphrem de Nisibe trace un beau portrait du Pasteur du troupeau du Christ (Carmina Nisibena, 15-21). Quels sont les traits qui font la beauté spirituelle de l'évêque? L'orthodoxie de la doctrine, la science et l'art de la prédication, l'ascèse et la chasteté, la modestie qui empêche toute jalousie, le mépris des biens matériels, la recherche de la miséricorde et de la douceur avec un recours à la fermeté quand cela s'avère nécessaire, la paternité spirituelle, l'amour des Saints Mystères. C'est une invitation qui demeure pour chacun dans le ministère qui lui a été confié, qui fait des pasteurs des témoins par leur vie exemplaire et par leur enseignement.

4. Il revient aussi à l'évêque d'encourager et de stimuler les prêtres de son éparchie, qui sont ses collaborateurs, formant autour de lui "une précieuse couronne spirituelle" (S. Ignace d'Antioche, Lettre aux Magnésiens, 13). Les circonstances douloureuses dans lesquelles vivent beaucoup de prêtres et de fidèles de l'Église chaldéenne sont un appel, particulièrement approprié en cette année du grand Jubilé, à cultiver les vertus sacerdotales et chrétiennes, pour garder l'espérance. Plus que jamais le presbytérium qui vous assiste a besoin de se fortifier par votre exemple, de se sentir soutenu par vous en vivant dans une communion fraternelle et en partageant votre mission apostolique, d'être associé de près aux projets pastoraux élaborés ou en cours d'élaboration pour les territoires propres de votre Patriarcat et pour la diaspora.

5. Votre Église se réjouit à juste titre du remarquable attachement de ses fidèles à ses pasteurs. Les laïcs, en vertu de leur dignité de fils et de filles de Dieu, portent eux aussi leur part de la mission de l'Église. Comme le dit encore le Concile Vatican II, "les pasteurs sacrés savent fort bien quelle importante contribution les laïcs apportent au bien de toute l'Église. Les pasteurs savent qu'ils n'ont pas été institués par le Christ pour assumer à eux seuls toute la mission salvifique de l'Église à l'égard du monde, mais que leur charge éminente consiste à être les pasteurs des fidèles du Christ et à reconnaître leurs services et leurs charismes de façon que tous, chacun à sa manière, coopèrent unanimement à l'oeuvre commune" (Lumen gentium LG 30). Ces directives vous aideront dans votre réflexion et dans la recherche de moyens à mettre en oeuvre pour la mission qui vous est confiée. Ainsi tous les membres de l'Église chaldéenne, Patriarche, Évêques, prêtres, religieuses et religieux, fidèles laïcs, pourront annoncer jour après jour les merveilles de Dieu et être les témoins du Christ ressuscité, tout comme la première communauté chrétienne.

6. La proximité de la fête de la Pentecôte attire aussi notre attention sur l'action de l'Esprit Saint dans le peuple de Dieu. Le culte rendu au Seigneur est le centre de la vie de l'Église, et l'Esprit a une action particulière dans la communauté et dans le coeur des croyants. Maintenez vivante votre belle tradition liturgique, qui permet de découvrir et de vivre les mystères divins, pour recevoir la vie en abondance ! Les sacrements de notre salut sont une source de renouveau pour l'Église. À ce sujet, avec des mots empreints de poésie, saint Éphrem disait: "Voici le feu et l'Esprit dans le sein de ta Mère, voici le feu et l'Esprit dans le fleuve où tu fus baptisé. Feu et Esprit dans notre baptême; Dans le pain et le calice Feu et Esprit Saint" (Hymnes sur la foi, 10, 17). Vous êtes appelés à transmettre les trésors de votre patrimoine liturgique et spirituel aux fidèles de votre Église et à le faire connaître plus largement. Pour bien transmettre un tel patrimoine, il faut d'abord le recevoir avec amour et puis en vivre au sein de sa propre communauté, car ce qui est vécu est un témoignage aux yeux du monde.

7. Au terme de notre rencontre, je vous confie à l'intercession de Notre-Dame. Que la sainte Vierge Marie intercède pour vous, Pères de ce Synode de l'Église chaldéenne, que je salue de nouveau avec une affection toute fraternelle. Puissiez-vous avoir les mêmes dispositions de coeur que cette Mère toute sainte ! "Venez, et admirons la Vierge toute pure, merveille en elle-même, unique dans toute la création, elle a donné naissance sans avoir connu l'homme, l'âme pure remplie d'émerveillement. Chaque jour son esprit s'adonnait aux louanges, car il se réjouissait de la double merveille: virginité gardée, enfant le plus aimé! Que soit béni celui qui d'elle a rayonné!" (Hymne sur Marie, 7, 2 attribuée à saint Éphrem).

Je demande à l'Esprit Saint de vous accompagner, pour que votre synode porte de nombreux fruits pour l'Église chaldéenne. De grand coeur, je vous accorde la Bénédiction apostolique, étendue à vos prêtres, à vos diacres, vos religieux et religieuses, ainsi qu'à tout le peuple chrétien.




À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCES DU NOUVEL AMBASSADEUR DU GUATÉMALA PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Jeudi 15 juin 2000



  Monsieur l'Ambassadeur,

1. C'est avec joie que je reçois les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Guatémala près le Saint-Siège. Je vous remercie sincèrement des paroles que vous m'avez adressées, signe des bonnes relations qui existent entre le Siège apostolique et cette noble nation sud-américaine, "une terre qui a donné naissance à d'importantes cultures et où les peuples se distinguent par la noblesse de leur esprit et par tant de démonstrations de foi profonde et d'amour envers Dieu, de vénération filiale à la Très Sainte Vierge et de fidélité à l'Eglise" (Discours d'arrivée à l'aéroport de "La Aurora", Guatemala, n. 1; cf. ORLF n. 7 du 7 février 1996).

Je vous remercie également pour le salut cordial du Président constitutionnel de la République, M. Alfonso Portillo Cabrera, à travers lequel il a manifesté ses sentiments personnels et son désir de développer la coopération traditionnelle entre l'Eglise et l'Etat pour parvenir au bien commun. Je vous prie, Monsieur l'Ambassadeur, de vous faire l'interprète de ma reconnaissance auprès du premier mandataire du pays, pour lequel je forme mes meilleurs voeux pour la haute et délicate responsabilité qu'il a assumée le 14 janvier dernier.


2. Vous venez représenter votre pays dans cette mission diplomatique près le Saint-Siège, qui ne vous est pas étrangère. En effet, vous avez déjà vécu ici lorsque votre père, dont je me souviens avec affection, occupait la même fonction qui sera la vôtre, étant dans le même temps, pendant plusieurs années, doyen du Corps diplomatique accrédité ici. C'est pourquoi, la nature de cette nouvelle et importante responsabilité, que votre gouvernement vous a confiée, vous paraîtra familière.

Contribuant à renforcer les bonnes relations entre le Guatémala et le Saint-Siège, vous serez également le témoin constant des efforts que celui-ci accomplit dans le concert des nations pour améliorer et favoriser une plus étroite collaboration entre tous les peuples. Votre activité, au caractère éminemment spirituel, s'inspire de la conviction que "la foi éclaire toutes choses d'une lumière nouvelle et nous fait connaître la volonté divine sur la vocation intégrale de l'homme, orientant ainsi l'esprit vers des solutions pleinement humaines" (Gaudium et spes, n. 11). C'est pourquoi le Saint-Siège prête non seulement attention aux Eglises particulières de chaque pays, mais se soucie également du bien de tous les citoyens et cherche à faire valoir dans les forums internationaux les droits des personnes et des peuples qui font honneur à sa dignité et à la vocation sublime que Dieu a confiée à chaque être humain.


3. Votre présence ici, Monsieur l'Ambassadeur, me rappelle les deux voyages apostoliques que, dans ma sollicitude pastorale pour toutes les Eglises, j'ai eu l'occasion d'accomplir au Guatemala, le "pays du printemps éternel". J'ai ainsi eu l'occasion de connaître la "richesse multi-ethnique et plurilinguistique que renferme le Guatemala et qui fait de lui le dépositaire d'une culture variée et riche, que l'Eglise évangélise depuis près de cinq siècles. C'est un bien digne d'être conservé, en oeuvrant avec dévouement afin que chacun voit respectés ses droits fondamentaux et inaliénables, que chaque homme possède, pour avoir été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu" (Discours de départ du Guatemala à l'aéroport de "La Aurora", n. 3 cf. ORLF n. 10 du 5 mars 1996).


4. Je désire vous assurer, Monsieur l'Ambassadeur, que je me sens très proche du Guatemala; je me réjouis avec lui de ses succès et je partage ses préoccupations. Lorsque je l'ai visité, en 1983 et 1996, la guerre civile interne s'était abattue sur de vastes zones du pays, provoquant de nombreuses victimes. A cette occasion, je lançai un appel pressant au dialogue entre les parties intéressées, pour mettre fin à cette situation qui se prolongeait indéfiniment. La signature des Accords de Paix, à la fin de 1996, a ouvert une ère nouvelle pour tous les Guatémaltèques, mettant fin à l'une des époques les plus tristes et dramatiques de votre histoire nationale et inaugurant une étape d'espérance pour la population, affligée par une tragédie qui a profondément touché toute les couches sociales.

C'est pourquoi, il est réjouissant de constater que la nation a pu vivre ces dernières années dans un climat de sérénité politique, sans grands drames, même lorsqu'elle a dû faire face à un héritage de grandes difficultés dans la coexistence sociale, parmi lesquelles il faut citer l'assassinat, qui n'a pas encore été élucidé, de Mgr Girardi, et la situation délicate dans le domaine économique. Le pays a démontré qu'il peut faire face à son destin à travers une activité démocratique normale, qui assure la participation de touts les citoyens aux choix politiques de la nation.

Je désire ardemment que cette maturité civique s'accompagne toujours davantage d'une juste conception de la personne humaine. Une conscience profonde de ces valeurs aura pour effet que, en dépit des différences légitimes, les diverses forces politiques se rejoignent, pour résoudre les questions les plus pressantes, qui touchent les intérêts généraux de la nation et, surtout, les exigences de la justice et de la paix. Pour cela sont nécessaires des idéaux véritablement profonds et durables, ancrés dans la vérité objective sur l'être humain, dont les plus hauts responsables de la société doivent témoigner à travers leur ardeur à servir, leur transparence et leur loyauté, en contaminant, pour ainsi dire, tout le peuple par leur engagement à construire un avenir meilleur.


5. C'est pourquoi la paix obtenue lors de la signature des Accords susmentionnés, à laquelle participèrent de nombreuses personnes de bonne volonté, et des institutions nationales et internationales, exige la reconstruction du tissu social, si gravement endommagé par la plaie de la guerre passée. Si l'on désire parvenir à bon port, il faut continuer à construire le pays sur des principes solides et stables, tels que le respect de la dignité de toute personne humaine et des droits légitimes des communautés et des divers groupes ethniques. Il est également important de toujours respecter, face à toute tentative de violation, les principes de la division et de l'indépendance des trois pouvoirs, qui sont le fondement de la démocratie dans un Etat de droit.

Un avenir solide et porteur d'espérance exige que l'on ne néglige pas les valeurs et les institutions de base de toute la société, comme la famille, la protection des mineurs et des plus défavorisés et, plus que tout, que l'on respecte les fondements mêmes du droit, la liberté et la dignité des personnes, en protégeant la vie dès le moment de sa conception. Une attention particulière doit être accordée aux peuples autochtones, dont l'accès à une vie chaque jour meilleure et plus digne, d'un point de vue qualitatif et quantitatif - dans des secteurs tels que l'éducation, la santé, les infrastructures et d'autres services -, doit être réalisé dans le respect de leurs cultures, dignes de considération. A ce propos, il faut souligner que les diocèses dans lesquels vivent des communautés autochtones promeuvent des projets spécifiques, visant à confirmer ces communautés dans la foi catholique qu'embrassèrent leurs ancêtres et à promouvoir leur reconnaissance comme personnes et comme peuple, en facilitant dans le même temps une pleine participation au développement du progrès atteint par le reste de la population guatémaltèque.


6. Dans vos paroles, vous avez mentionné l'intention du Gouvernement de promouvoir une campagne d'alphabétisation, prévue pour le prochain mois d'octobre, ayant pour objectif de réduire cette plaie qui porte gravement atteinte à la dignité de la personne humaine, freinant le développement intégral de nombreux hommes et femmes guatémaltèques et les empêchant de participer à la construction de la nouvelle société. A ce propos, j'ai plaisir à constater que la Conférence épiscopale du Guatemala, répondant à l'invitation officielle qui lui a été adressée, a manifesté sa disponibilité à collaborer avec les autres forces nationales à cette noble tâche, en mettant à disposition ses instituts d'éducation, son personnel qualifié présent dans tout le pays, ainsi que son expérience pluriséculaire dans ce domaine.


7. Monsieur l'Ambassadeur, en ce moment où commence l'exercice de la haute fonction pour laquelle vous avez été désigné, je désire que votre tâche soit fructueuse et contribue à ce que se consolident toujours davantage les bonnes relations existant entre ce Siège apostolique et le Guatemala, une tâche pour laquelle vous pourrez toujours compter sur l'accueil et l'appui de mes collaborateurs. En vous demandant de bien vouloir vous faire l'interprète auprès du Président de la Nation et du cher peuple guatémaltèque de mes sentiments et de mes souhaits, je vous assure de ma prière devant le Tout-Puissant pour qu'il vous assiste toujours de ses dons, ainsi que votre noble famille, le personnel de cette mission diplomatique, les gouvernants et les citoyens de votre pays, dont je me rappelle avec affection et sur lequel j'invoque d'abondantes Bénédictions du Seigneur.



AUX SOEURS FRANCISCAINES DE L'IMMACULÉE

Jeudi 15 juin 2000


Très chères soeurs franciscaines de l'Immaculée!


1. Je suis heureux de vous accueillir et je vous remercie de cette visite avec laquelle, à l'occasion de votre premier chapitre général, vous avez voulu manifester au Successeur de Pierre vos sentiments de communion filiale. Je salue votre Supérieure générale, Soeur Maria Francesca Perillo, ainsi que les RR.PP. Stefano Maria Manelli et Gabriele Maria Pellettieri, fondateurs de votre Institut. Je salue également chacune d'entre vous. Votre présence m'offre l'agréable occasion d'adresser une pensée affectueuse à toutes vos consoeurs, présentes dans diverses parties du monde, où elles accomplissent des activités d'évangélisation et d'assistance pour des personnes éprouvées par diverses formes d'indigence.

Votre réunion capitulaire se déroule en l'Année du grand Jubilé. Il s'agit d'une heureuse coïncidence, qui vous aidera certainement à réfléchir avec une intensité particulière sur votre mission, en suivant les enseignements de saint François d'Assise et de celui qui a su en adapter de façon efficace l'esprit à notre époque, saint Maximilien Maria Kolbe. Son témoignage héroïque des voeux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance a été couronné par le martyre, par le sacrifice suprême de la vie par amour pour le Christ et ses frères.

En gardant le regard tourné vers le Christ, soutenus par l'aide de saint François et de saint Maximilien, vous pourrez réaliser pleinement votre mission dans l'Eglise et dans le monde.

2. L'inspiration de toute l'existence de saint Maximilien Kolbe fut l'Immaculée. C'est à l'Immaculée que votre Institut est consacré, prévoyant en plus des voeux religieux traditionnels le voeu "marial", avec lequel chaque religieuse se consacre totalement à Marie pour l'avènement du Royaume du Christ dans le monde.

Que la contemplation des prodiges que le Père céleste a opérés dans l'humble jeune fille de Nazareth oriente toujours votre vie consacrée sur le chemin exigeant de la sanctification, sur les traces de Celle qui, entièrement consacrée au service de Dieu, a été constituée notre Mère, Mère de l'Eglise et de toute l'humanité.

Imitez la sollicitude de Marie dans le service au prochain, en cherchant à être toujours assidues dans votre travail et zélées dans l'apostolat. Que cela constitue le style de votre action dans l'Eglise; que cela constitue le signe distinctif de votre oeuvre évangélisatrice et missionnaire, tout en gardant votre coeur ouvert aux nécessités de chaque être humain. En tant que personnes consacrées et, de façon particulière, en tant que Franciscaines missionnaires de l'Immaculée, vous êtes appelées à être, à travers la fidélité joyeuse à votre Règle, "un signe de la tendresse de Dieu envers le genre humain et un témoignage particulier du mystère de l'Eglise, qui est vierge, épouse et mère" (Vita consecrata VC 57).

Pour cela également, que votre modèle soit Marie, qui répondit avec sollicitude aux desseins divins: "Je suis la servante du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta parole" (Lc 1,38). Son "fiat" fut le centre dynamique de sa mission. De même, votre "fiat" à Dieu sera le secret du succès de votre mission. Pour être des témoins efficaces de l'Evangile, en particulier parmi les pauvres et les personnes en difficultés, il est indispensable que vous vous abandonniez totalement entre les mains du Seigneur et que vous conserviez votre coeur ouvert à ses desseins divins.

3. A ceux qui, en visitant la "Ville de l'Immaculée", restaient émerveillées par les oeuvres accomplies, saint Maximilien Kolbe expliquait, en indiquant le Très Saint Sacrement: "Toute la réalité de Niepokalanow dépend d'ici". Il s'adressait à Jésus présent dans l'Eucharistie avec des accents de foi profonde: Ton Sang s'écoule dans mon sang, Ton âme, ô Dieu incarné, pénètre mon âme, lui donne sa force et la nourrit" Voilà le secret de sa sainteté. De l'Eucharistie rayonnent les grâces qui soutiennent les missionnaires dans leur activité d'évangélisation quotidienne. Pour que votre apostolat produise les fruits de bien souhaités, alimentez-vous à cette source intarissable d'amour à travers une intense prière et votre vie intérieure.

J'ai appris avec plaisir que votre Institut ne manque pas de vocations. Je rends grâce pour cela au Seigneur avec vous et je vous invite à continuer à proposer avec discernement à ceux que vous rencontrez le caractère radical du témoignage évangélique. Soyez très attentives à la formation humaine et spirituelle de ceux qui aspirent à la vie consacrée.

Conscientes que les chrétiens sont "dans le monde mais non du monde" (cf. Jn 17,14-16), soyez le bon levain qui fait fermenter la pâte (cf. Ga 5,9), soyez le sel qui donne la saveur et la lumière qui illumine (cf. Mt 5,13-14). Ne perdez jamais de vue l'exemple du Verbe incarné qui, par amour, s'est fait serviteur et s'est donné lui-même pour nous. Marchez à sa suite sans vous lasser. Demeurez au pied de la Croix avec Marie, la Vierge Immaculée à laquelle votre famille religieuse est consacrée!

Quant à moi, je vous assure de mon souvenir dans la prière, alors que je vous donne de tout coeur une Bénédiction spéciale, que j'étends à mon Vénéré Frère, le Cardinal Agostino Mayer, qui présidera votre Chapitre, ainsi qu'à toutes vos consoeurs et à ceux qui font partie de votre famille spirituelle.


AUX PAUVRES INVITÉS À LA TABLE DE LA "CHARITÉ DU PAPE"

Jeudi 15 juin 2000




Très chers frères et soeurs,

Parmi les nombreux rendez-vous du Jubilé, celui-ci est certainement pour moi l'un des plus émouvants et significatifs. J'ai voulu vous rencontrer, j'ai voulu partager ma table avec vous pour vous dire que vous êtes dans le coeur du Pape. J'embrasse chacun de vous avec affection, amis qui m'êtes très chers.

Certes, le temps que je peux vous consacrer est court, mais je vous assure que tous les jours je suis proche de vous à travers ma prière et mon affection. Alors que je vous regarde un par un, je pense à ceux qui à Rome, ainsi que dans chaque partie du monde, traversent des moments d'épreuve et de difficultés. Je voudrais m'approcher de chacun pour lui dire: ne te sens pas seul, car Dieu t'aime. Le Pape vous aime, très chers amis, et avec lui l'Eglise entière vous ouvre les bras de l'accueil et de la fraternité.

Merci à tous d'avoir accepté mon invitation et d'être venus nombreux à cette rencontre conviviale, qui se déroule quelques jours avant le début du Congrès eucharistique international à Rome. Dans sa simplicité, notre repas représente une préparation significative à cet événement spirituel, qui constitue le coeur de l'Année jubilaire. En effet, aujourd'hui nous nous trouvons autour de la table matérielle; la semaine prochaine nous nous approcherons ensemble, et encore plus nombreux, de la table spirituelle, du banquet de l'Eucharistie, pour célébrer l'amour de Dieu qui nous rend frères et solidaires les uns des autres. Préparons-nous convenablement à cet événement extraordinaire, vers lequel nous nous tournons déjà avec une vive impatience.

Encore une fois je vous remercie de votre présence, je remercie ceux qui ont organisé et préparé le repas, ainsi que ceux qui l'ont animé en jouant de la musique et en chantant, le transformant en moment de sérénité et de joie. Je donne de tout coeur à tous ma Bénédiction apostolique.


Discours 2000 - Samedi 10 juin 2000