Discours 2000




                 Jubilé 2000


Janvier




AUX PARTICIPANTS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES FILLES DE LA MISÉRICORDE ET DE LA CROIX

Samedi 8 janvier 2000


Très chères soeurs, Filles de la Miséricorde et de la Croix!

1. C'est bien volontiers que je vous accueille et que j'adresse à chacune mon plus cordial salut. Je vous remercie de cette visite, à l'occasion du dix-septième Chapitre général de votre Institut: cette visite veut être un témoignage renouvelé de votre fidélité au Successeur de Pierre.

J'exprime mes félicitations et mes meilleurs voeux à Mère Romilde Zauner, reconfirmée dans sa fonction de Supérieure générale. J'étends ma pensée affectueuse à toutes les Filles de la Miséricorde et de la Croix, qui accomplissent leur activité d'évangélisation et de solidarité en Italie, en Ethiopie, au Mexique et en Roumanie.

La réunion capitulaire de votre Congrégation acquiert une signification particulière du fait qu'elle se déroule précisément au début du grand Jubilé de l'An 2000, au cours duquel l'Eglise est appelée à contempler intensément le mystère de l'incarnation du Fils unique du Père. L'entrée dans le nouveau millénaire constitue pour chaque croyant, et encore plus pour les hommes et les femmes consacrés, un rappel à acquérir une plus profonde conscience des responsabilités liées à leur Baptême et, en particulier, à étendre leur regard de foi sur les horizons de la nouvelle évangélisation. Mais précisément pour rendre plus concret cet engagement missionnaire, il est nécessaire de revenir avec une fidélité renforcée à l'enseignement du Concile Vatican II, qui a jeté une lumière nouvelle sur l'action apostolique de l'Eglise face aux défis du monde actuel. La saine tradition de chaque Institut et la référence au Magistère constant de l'Eglise constituent le canal sûr à l'intérieur duquel doivent se développer les oeuvres et l'apostolat de chaque Famille religieuse, orientée vers une mise à jour indispensable de ses structures, selon les exigences des temps.


2. "Dans l'hier de Mère Zangàra, notre aujourd'hui de femmes consacrées pour être avec les laïcs mémoire et prophétie de la miséricorde": tel est le thème qui vous a accompagnées au cours de l'Assemblée capitulaire. Le rappel à la Fondatrice et sa présence spirituelle parmi vous constituent une garantie certaine de votre fidélité au charisme originaire de l'Institut, qui vous demande de vous conformer au Christ crucifié à travers l'exercice des oeuvres de miséricorde spirituelle et corporelle.
Comme il est important de répéter votre mission de Filles de la Miséricorde et de la Croix au début de l'Année Sainte, dans laquelle est offerte une manifestation particulière de l'amour miséricordieux de Dieu! En effet, ce n'est qu'en puisant à celui-ci que l'on peut devenir d'authentiques prophètes et témoins de Dieu et de son Royaume. Ce n'est qu'en imitant et en suivant le Christ chaste, pauvre et obéissant que vous pourrez vous réaliser vous-mêmes dans le dévouement total à la miséricorde divine.

L'homme contemporain, bien que conditionné par les multiples attractions d'une société souvent opulente et encline à l'égoïsme, - et sans doute à cause de cela même - est plus que jamais sensible aux gestes d'amour désintéressé. Tel est le défi que vous êtes appelées à recueillir et à traduire dans le choix de fond de marcher et d'oeuvrer avec les laïcs, pour révéler le sens profond de la Passion rédemptrice et manifester une attention pour toute forme de souffrance.

Toute oeuvre de miséricorde doit laisser transparaître le visage miséricordieux du Christ, de façon à permettre à tant de personnes, qui ne L'ont pas encore rencontré, ou qui se sont fait une idée fausse de Lui, de Le reconnaître pour ce qu'Il est véritablement, l'unique Sauveur de l'homme. Cela exige que votre action apostolique soit toujours accompagnée par une contemplation assidue de Jésus exalté sur la Croix. C'est de la croix que le Verbe, dans le silence et dans la solitude, "affirme prophétiquement la transcendance absolue de Dieu sur les biens créés, où il est vainqueur dans sa chair de notre péché et où il attire à lui tout homme et toute femme, donnant à chacun la vie nouvelle de la résurrection" (Vita consecrata VC 23). Plus vous saurez demeurer au pied de la Croix, en adoptant l'attitude de maternité universelle de la Vierge, plus vous saurez croître dans l'expérience de la vérité de Dieu miséricordieux et vous pourrez la transmettre à ceux que vous rencontrerez sur votre chemin quotidien.


3. La mission des chrétiens au service de l'Evangile est vaste et exigeante. Il est nécessaire pour cela de coordonner entre eux les apports des diverses composantes ecclésiales dans un esprit d'ouverture et de collaboration. En particulier, cela s'impose à votre Congrégation à l'égard des laïcs du "Mouvement ecclésial de Mère Zangàra". Que votre soin constant soit donc de partager avec eux la préoccupation de faire parvenir à tous l'annonce de l'amour du Seigneur. Sachez entreprendre avec les laïcs de nouveaux parcours de communion fraternelle et de coopération réciproque, qui vous permettront un rayonnement missionnaire plus incisif, au-delà des frontières de l'Institut même. Vous pourrez compter sur des énergies renouvelées au service de l'Eglise. Si, d'une part, l'exemple édifiant de personnes consacrées encouragera les laïcs à vivre et à témoigner de l'esprit des béatitudes évangéliques, d'autre part, la participation des laïcs pourra conduire à des approfondissements fructueux et parfois inattendus de certains aspects du charisme, "en leur donnant une interprétation plus spirituelle et en incitant à en tirer des suggestions pour de nouveaux dynamismes apostoliques" (ibid., n. VC VC 55).


4. Très chères Filles de la Miséricorde et de la Croix! Si le Christ doit être au centre de chacun de vos projets, n'oubliez pas que vous Le rencontrerez surtout en servant les plus pauvres. Fidèles, donc, à la vocation embrassée, portez votre regard avant tout sur ceux qui se trouvent dans des situations de plus grande faiblesse et de plus grande indigence. Que les "derniers", comme ce fut le cas jadis pour votre Fondatrice Mère Zangàra, soient également pour vous les "premiers". Et faites participer les laïcs à cette extraordinaire conversion de l'amour. Votre Institut sera ainsi fidèle au charisme originaire et rendra gloire à Dieu parmi les hommes du millénaire qui naît.

C'est un devoir que je vous confie volontiers. Je vous le confie de façon symbolique à vous, chères Capitulaires, et à travers vous, à toutes vos Consoeurs. J'adresse une pensée particulière aux Soeurs âgées et malades, qui représentent un soutien spirituel indispensable pour l'Institut. En acceptant leur souffrance ou leur inactivité forcée et en l'offrant au Seigneur, elles contribuent de façon efficace à l'apostolat des Consoeurs, en leur assurant une aide féconde et précieuse.

Que l'amour pour la Miséricorde divine et la Croix, qui a illuminé et transformé la vie de votre Fondatrice, soit pour chacune de vous la référence constante dans la prière et dans l'action, afin que votre Institut puisse attirer au Coeur du Christ les hommes et les femmes d'aujourd'hui. Il s'agit d'une contribution importante que vous pouvez offrir à la célébration du grand Jubilé de l'An 2000.

Que la Vierge des Douleurs vous protège et vous accompagne, en assurant une fécondité particulière aux travaux du Chapitre général: que par sa tendresse maternelle, elle vous rende sages et vigilantes.

En élevant au Seigneur ma prière pour votre Famille religieuse tout entière, je bénis de tout coeur la Mère générale, ainsi que vous, Capitulaires, toutes vos Conseurs, et tous ceux qui collaborent à votre mission.






POUR LES VOEUX AU CORPS DIPLOMATIQUE


Excellences,
Mesdames et Messieurs,

1. Je désire avant tout exprimer ma profonde gratitude à votre Doyen, Monsieur l’Ambassadeur Giovanni Galassi, qui, en votre nom, m’a offert délicatement vos souhaits et n’a pas manqué d’évoquer quelques événements significatifs de la vie de nos contemporains, leurs espérances, leurs épreuves et leurs craintes. Il a opportunément voulu souligner l’apport spécifique de l’Eglise catholique en faveur de la concorde entre les peuples et de leur élévation spirituelle. Un grand merci!

2. Alors que nous venons de franchir le seuil d’une nouvelle année, le Vicaire du Christ sent le besoin d’adresser à tous les peuples que vous représentez ses voeux priants pour cette année 2000 que beaucoup ont accueilli dans la «jubilation». Les chrétiens sont entrés dans le grand Jubilé commémorant la venue du Christ dans le temps et dans l’histoire des hommes: «Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par un Fils», lisons- nous dans la lettre aux Hébreux (He 1,1-2).

A Dieu, qui a voulu faire alliance avec le monde qu’il ne cesse de créer, d’aimer et d’illuminer, je confie de grand coeur les aspirations et les réussites les plus nobles de chacun, sans oublier hélas les épreuves et les échecs qui entravent trop souvent la marche vers le bien. Avec nos contemporains, je loue Dieu pour tant de belles et bonnes choses, et j’invoque aussi le pardon divin pour tant d’atteintes à la vie et à la dignité de l’homme, à la fraternité et à la solidarité. Puisse le Très-Haut nous aider à vaincre en nous et autour de nous toutes les résistances pour que vienne ou revienne le temps des hommes de bonne volonté que la récente fête de Noël nous a proposé avec la fraîcheur des recommencements! Tels sont les voeux que je porte dans la prière pour tous les hommes et les femmes de ce temps, de tous les pays et de toutes les générations.

3. Le siècle qui s’achève aura été marqué par de singuliers progrès scientifiques, qui ont considérablement amélioré la vie et la santé des hommes. Ils ont contribué aussi à la maîtrise de la nature et à un accès plus facile à la culture. Les technologies de l’information ont aboli les distances et nous ont rendus plus proches les uns des autres. Jamais nous n’aurons été mis au courant aussi rapidement des faits qui quotidiennement auront marqué la vie de nos frères en humanité. Mais une question se pose: ce siècle aura-t-il été en même temps celui de la «fraternité»? On ne peut certes donner une réponse sans nuances.

A l’heure du bilan, le souvenir de guerres meurtrières qui ont exterminé des millions d’hommes et provoqué des exodes massifs, et de génocides honteux qui hantent nos mémoires, ainsi que la course aux armements qui a entretenu la méfiance et la peur, le terrorisme ou les conflits ethniques qui ont anéanti des peuples qui vivaient pourtant sur le même sol, font que nous devons être modestes et avoir souvent un esprit de repentir.

Les sciences de la vie et les biotechnologies continuent d’avoir de nouveaux champs d’application, mais elles posent en même temps le problème des limites à ne pas franchir si l’on veut sauvegarder la dignité, la responsabilité et la sécurité des personnes.

La mondialisation, qui a profondément transformé les systèmes économiques en créant des possibilités de croissance inespérées, a aussi fait que beaucoup sont restés sur le bord du chemin: le chômage dans les pays les plus développés et la misère dans trop de pays de l’hémisphère sud continuent à maintenir des millions de femmes et d’hommes à l’écart du progrès et du bonheur.

4. C’est pourquoi il me semble que le siècle qui s’ouvre devra être celui de la solidarité.

Nous le savons aujourd’hui plus qu’hier: nous ne serons jamais heureux et en paix les uns sans les autres, et encore moins les uns contre les autres. Les opérations humanitaires à l’occasion de conflits ou de catastrophes naturelles récents ont suscité des initiatives de bénévolat louables, qui révèlent un sens accru de l’altruisme, en particulier chez les jeunes générations.

Le phénomène de mondialisation fait que le rôle des Etats a quelque peu changé: le citoyen est devenu de plus en plus actif et le principe de subsidiarité contribue sans doute à équilibrer les forces vives de la société civile; le citoyen est devenu davantage «partenaire» du projet commun.

Cela veut dire, me semble-t-il, que l’homme du XXIe siècle sera appelé à développer le sens de sa responsabilité. Sa responsabilité personnelle d’abord, en cultivant le sens du devoir et du travail honnêtement accompli: la corruption, le crime organisé ou la passivité ne peuvent jamais conduire à une vraie et saine démocratie. Mais à cela doit s’ajouter également le sens de la responsabilité envers l’autre: savoir se soucier du plus pauvre, participer aux structures d’entraide dans le travail comme dans le domaine social, être respectueux de la nature et de l’environnement, sont autant d’impératifs qui s’imposent en vue d’un monde où il fasse meilleur vivre ensemble. Jamais plus les uns séparés des autres! Jamais plus les uns contre les autres! Tous ensembles solidaires, sous le regard de Dieu!

Cela suppose aussi que nous renoncions aux idoles que sont le bonheur à n’importe quel prix, la richesse matérielle comme unique valeur, la science comme seule explication du réel. Cela suppose que le droit soit appliqué et respecté par tous et partout, afin que les libertés individuelles soient effectivement garanties et que l’égalité des chances soit pour chacun une réalité. Cela suppose encore que Dieu ait dans la vie des hommes la place qui lui revient: la première.

Dans un monde plus que jamais en quête de sens, les chrétiens se sentent appelés, en ce début de siècle, à proclamer avec davantage de ferveur que Jésus est le Rédempteur de l’homme, et l’Eglise à se manifester comme «le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine» (Concile Vatican II, Gaudium et spes GS 76).

5. Une telle solidarité suppose des engagements bien concrets. Quelques-uns sont prioritaires:

5. Le partage de la technologie et de la prospérité. Sans une attitude de compréhension et de disponibilité, on ne pourra que difficilement enrayer la frustration de certains pays qui se voient condamnés à sombrer dans une précarité toujours plus grave et même à s’affronter avec d’autres pays. J’ai eu l’occasion de m’exprimer plusieurs fois, par exemple, sur la question de la dette des pays pauvres.
6. Le respect des droits de l’homme. Les légitimes aspirations des personnes les plus faibles, les revendications des minorités ethniques, les souffrances de tous ceux dont les croyances ou la culture sont méprisées d’une manière ou d’une autre, ne sont pas de simples options à favoriser au gré des circonstances, des intérêts politiques ou économiques. Ne pas satisfaire ces droits équivaut tout simplement à bafouer la dignité des personnes et à mettre en péril la stabilité du monde.
7. La prévention des conflits éviterait des situations difficiles à gérer et épargnerait bien des souffrances. Les instances internationales adaptées ne manquent pas; il suffit de les utiliser, en distinguant bien évidemment, sans les opposer ni les séparer, politique, droit et morale.
8. Le dialogue serein entre les civilisations et les religions, enfin, pourrait favoriser une nouvelle manière de penser et de vivre. À travers la diversité des mentalités et des croyances, les femmes et les hommes de ce millénaire, se souvenant des erreurs du passé, devront trouver des formes nouvelles pour vivre ensemble et pour se respecter. L’éducation, la science et l’information de qualité constituent les meilleurs moyens pour développer en chacun de nous le respect de l’autre, de ses richesses et de ses croyances, ainsi qu’un sens de l’universel, dignes de leur vocation spirituelle. Ce dialogue évitera qu’à l’avenir on arrive à une situation absurde: exclure ou tuer au nom de Dieu. Ce sera sans nul doute une contribution décisive à la paix.
6. On a beaucoup parlé ces dernières années d’un «nouvel ordre mondial». De nombreuses initiatives méritoires sont à attribuer à l’action persévérante de diplomates avisés, et en particulier à la diplomatie multilatérale, pour faire émerger une véritable «communauté des nations». Actuellement par exemple, le processus de paix au Moyen-Orient se poursuit; les Chinois se parlent; les deux Corée dialoguent; certains pays africains tentent de faire se rencontrer les factions rivales; le gouvernement et les groupes armés en Colombie cherchent à maintenir le contact. Tout cela montre une certaine volonté d’édifier un monde fondé sur la fraternité, pour établir, protéger et étendre la paix autour de nous. Hélas, nous sommes contraints de constater aussi que l’on voit trop souvent se répéter les erreurs du passé: je pense aux réflexes identitaires, aux persécutions infligées pour des motifs religieux, au recours fréquent et parfois précipité à la guerre, aux inégalités sociales, au clivage entre pays riches et pays pauvres, à la confiance mise dans les seuls critères de rendement économique, pour ne citer que quelques traits caractéristiques du siècle à peine achevé. En ce début de l’an 2000, que voyons-nous?

L’Afrique tenaillée par des conflits ethniques qui tiennent en otage des peuples entiers, empêchant leur progrès économique et social, et les condamnant souvent à une simple survie.

Le Moyen-Orient toujours entre guerre et paix, alors que l’on sait que seuls le droit et la justice permettront à tous les peuples de la région, sans distinction aucune, de vivre ensemble à l’abri de risques endémiques.

L’Asie, continent aux immenses possibilités humaines et matérielles, rassemble dans un équilibre précaire des peuples aux cultures prestigieuses et économiquement très développés, et d’autres qui deviennent de plus en plus pauvres. Je me suis récemment rendu dans ce continent, auquel j’ai remis l’exhortation apostolique Ecclesia in Asia, fruit d’une récente assemblée synodale, qui devient ainsi une charte pour tous les catholiques. Je m’associe aux Pères synodaux pour lancer à nouveau une invitation à tous les catholiques d’Asie et aux hommes de bonne volonté pour qu’ils unissent leurs efforts dans la construction d’une société toujours plus solidaire.

L’Amérique, immense continent dans lequel j’ai eu la joie de promulguer, il y a un an, l’exhortation apostolique Ecclesia in America, invitant les peuples de cette terre à une conversion personnelle et communautaire sans cesse renouvelée, dans le respect de la dignité des personnes et dans l’amour pour les exclus, en vue de promouvoir une culture de la vie.

L’Amérique du Nord, dont les critères économiques et politiques sont souvent considérés comme normatifs, comprend de très nombreux pauvres, malgré ses multiples richesses.

L’Amérique latine, qui a connu, à quelques exceptions près, des avancées démocratiques encourageantes, demeure dangereusement affaiblie par des inégalités sociales criantes, le commerce de la drogue, la corruption et parfois même des mouvements de lutte armée.

L’Europe enfin, après la faillite des idéologies, est en marche vers son unité; elle s’efforce de réussir le double pari de la réconciliation et de l’intégration démocratique des anciens ennemis. Elle n’a pas été à l’abri de terribles violences, comme l’ont montré la récente crise des Balkans et les affrontements de ces dernières semaines dans le Caucase. Les évêques du Continent se sont récemment réunis en assemblée synodale; ils ont reconnu les signes d’espérance, l’ouverture entre les peuples, la réconciliation entre nations, l’intensification des collaborations et des échanges, appelant tous les hommes à une plus grande conscience européenne.

Face à ce monde contrasté, à la fois magnifique et précaire, me vient à l’esprit un engagement pris au sortir de la terrible seconde guerre mondiale, dont tous voulaient qu’elle fût la dernière. Je me réfère au préambule de la Charte des Nations unies adoptée à San Francisco, le 26 juin 1945: «Nous, peuples des Nations unies, résolus

9. à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui, deux fois en l’espace d’une vie humaine, a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances;
10. à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, [...] avons décidé d’associer nos efforts pour réaliser ces desseins».
Ce texte et cet engagement solennels n’ont rien perdu de leur force et de leur actualité. Dans un monde organisé autour d’Etats souverains mais inégaux en fait, il est indispensable, si l’on désire la stabilité, l’entente et la coopération entre les peuples, que les rapports internationaux soient de plus en plus imprégnés de droit et modelés par lui. Ce qui fait défaut, ce ne sont certes pas de nouveaux textes ou des instruments juridiques; c’est tout simplement la volonté politique d’appliquer sans discrimination ceux qui existent.

7. Celui qui vous parle, Excellences, Mesdames et Messieurs, a été le compagnon de route de plusieurs générations du siècle qui vient de s’achever. Il a partagé les dures épreuves de son peuple d’origine comme les heures les plus sombres vécues par l’Europe. Depuis plus de vingt et un ans, devenu Successeur de l’apôtre Pierre, il se sent investi d’une paternité universelle qui embrasse tous les hommes et les femmes de ce temps, sans distinction aucune. Aujourd’hui, par votre intermédiaire, vous qui représentez ici presque tous les peuples de la terre, il voudrait faire parvenir au coeur de chacun une confidence: alors que se sont ouvertes les portes d’un nouveau millénaire, le Pape se prend à penser que les hommes pourraient finalement apprendre à tirer les leçons du passé. Oui, à tous, je demande au nom de Dieu, d’épargner à l’humanité de nouvelles guerres, de respecter la vie humaine et la famille, de combler le fossé entre riches et pauvres, de comprendre que nous sommes tous responsables de tous. C’est Dieu qui le demande et il ne nous demande jamais rien au-dessus de nos forces. Il nous donne lui- même la force d’accomplir ce qu’il attend de nous.

Me reviennent à la mémoire les paroles que le Deutéronome met dans la bouche de Dieu lui-même: «Vois, je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur; [...] choisis donc la vie, pour que tu vives» (Dt 30,15-19).

La vie prend corps dans nos choix quotidiens. Et les responsables politiques, parce qu’ils ont le rôle de gérer «la chose publique», peuvent par leurs options personnelles et par leurs programmes d’action orienter des sociétés entières vers la vie ou vers la mort. C’est pourquoi les croyants, et les fidèles de l’Église catholique en particulier, considèrent de leur devoir de participer activement à la vie publique des sociétés dont ils sont membres. Leur foi, leur espérance et leur charité constituent des énergies supplémentaires et irremplaçables pour que non seulement ne manquent jamais le souci de l’autre, le sens de la responsabilité et la défense des libertés fondamentales, mais aussi pour faire percevoir que le monde et notre histoire personnelle et collective sont habités par une Présence. Je revendique donc pour les croyants une place dans la vie publique parce que je suis convaincu que leur foi et leur témoignage peuvent rassurer nos contemporains souvent inquiets et sans repères, et que, malgré les échecs, la violence ou la peur, ni le mal ni la mort n’auront le dernier mot.

8. Le temps est venu d’échanger personnellement nos souhaits. Je vous salue de tout coeur et je vous prie de bien vouloir transmettre aux responsables des pays que vous représentez mes voeux les meilleurs. Les portes du grand Jubilé se sont ouvertes pour les chrétiens et celles d’un nouveau millénaire pour l’humanité tout entière. Ce qui importe maintenant c’est d’en franchir le seuil pour nous mettre en route. Une route sur laquelle Dieu nous précède et dont il nous trace le chemin qui nous mènera vers Lui. Rien, aucun préjugé ni aucune ambition, ne doit nous tenir enchaînés. Une histoire nouvelle commence pour nous. Les peuples que vous représentez vont l’écrire dans leur vie personnelle et collective. C’est une histoire dans laquelle, aujourd’hui comme hier et comme demain, l’humanité a rendez-vous avec Dieu. Alors à tous je dis «bonne route»!

Du Vatican, 10 Janvier 2000


AUX ADMINISTRATEURS DE LA RÉGION DU LATIUM, DE LA COMMUNE ET DE LA PROVINCE DE ROME

Jeudi 13 janvier 2000

  Monsieur le Président de la Région du Latium,
Monsieur le Maire de Rome,
Monsieur le Président de la Province de Rome,
Mesdames et Messieurs!

1. Cette année, j'ai la joie de vous recevoir ensemble pour le traditionnel échange de voeux qui, au début de chaque année, renforce les liens profonds qui lient le Siège de Pierre à la ville de Rome, à sa province et à la région du Latium.

J'adresse un salut cordial au Président de la Région du Latium, M. Piero Badaloni, au Maire de Rome, M. Francesco Rutelli, et au Président de la Province de Rome, M. Silvano Moffa. Je les remercie de tout coeur pour les expressions cordiales qu'ils m'ont adressées au nom des Administrations qu'ils président. Avec eux, je salue les présidents des conseils respectifs, ainsi que vous tous ici présents.

La rencontre d'aujourd'hui revêt un caractère particulier, car l'An 2000, année jubilaire, représente pour Rome et pour le Latium une année extraordinaire, qui exige un engagement et une collaboration encore plus profonds entre les diverses institutions civiles et une entente active plus étroite entre vos administrations et les communautés ecclésiales.

Cette communion d'intérêts et l'urgence d'une coopération toujours croissante sont exprimées également par les modalités de cette rencontre, qui unit pour la première fois, dans l'hommage cordial au Successeur de Pierre, les membres de la Junte et des Conseils communaux, provinciaux et régionaux. Tous et chacun se sentent sollicités à oeuvrer pour les mêmes finalités au service des citoyens et du bien commun, en harmonisant les différentes compétences et les divers points de vue légitimes.


2. La grande Année Sainte de l'An 2000 a bien commencé! L'ouverture de la Porte Sainte et les autres premiers rendez-vous jubilaires, qui viennent d'être célébrés, ont attiré à Rome des foules de pèlerins qui, avec de très nombreux Romains, ont vécu dans cette ville, unique au monde, la joie de célébrer le deux-millième anniversaire de la naissance de Jésus-Christ.

En élevant au Seigneur une fervente action de grâce pour ce début prometteur, je désire exprimer ma vive gratitude à toutes les institutions que vous représentez et à tous ceux qui ont contribué avec efficacité à restituer à la Ville éternelle, à sa province et à toute la région du Latium sa beauté et sa fonctionnalité, en la rendant plus apte à accueillir les pèlerins venant de toutes les parties du monde.

A mon appréciation pour les efforts accomplis, je voudrais unir l'encouragement à poursuivre cette oeuvre pour redonner à Rome, à sa Province et à sa Région une meilleure qualité de vie, en portant une attention croissante aux nombreux et prestigieux signes de foi et de culture que celles-ci conservent.


3. Le grand Jubilé est célébré en même temps en Terre Sainte et dans tous les diocèses du monde, mais trouve son siège privilégié dans la Ville qui conserve la glorieuse mémoire des Apôtres Pierre et Paul et d'innombrables autres saints martyrs. Rome possède une vocation historique et universelle unique, à l'égard de laquelle les administrateurs et les habitants de la ville et du territoire avoisinant ont une responsabilité particulière.

Je désire donc saluer et remercier, en particulier, les Romains pour la généreuse disponibilité avec laquelle ils ont accepté les sacrifices et les difficultés liés à la préparation immédiate du Jubilé. Je souhaite que, conscients du privilège séculaire qui les lie à la mission du Successeur de Pierre, ils sachent saisir dans l'événement jubilaire une occasion précieuse de grâce et de développement civil, social et économique. Je souhaite également qu'ils placent leur traditionnelle qualité d'accueil au service des pèlerins et de ceux qui seront présents dans la Ville éternelle et dans les environs au cours de toute l'Année Sainte.


4. Le regard tourné vers le mystère de l'incarnation du Verbe, l'Eglise, se souvenant du chemin de grâce, de sainteté et de civilisation parcouru par l'humanité au cours de ces deux mille ans, offre aux croyants le Jubilé comme un temps de conversion, de fidélité renouvelée au don reçu et comme une occasion prometteuse pour entrer dans le troisième millénaire conscients des erreurs du passé et plus disponibles au projet divin.

L'Eglise propose cet extraordinaire engagement de purification de la mémoire et de réévaluation des dons reçus à tous les hommes de bonne volonté. Elle les invite à récupérer les valeurs de l'homme et à rétablir dans la société civile les exigences de la vérité, de la justice et de la solidarité, qui seules garantissent la paix et le bien-être entre les peuples.

Dans leurs interventions, le Maire de Rome et les Présidents de la Province et de la Région ont fait allusion à ce que, en harmonie avec ces instances jubilaires, ils promeuvent dans leurs domaines de compétence respectifs. En exprimant ma vive appréciation pour ce qui a été réalisé, je désire rappeler certains aspects qui peuvent enrichir et apporter une nouvelle perspective aux objectifs déjà poursuivis.

En premier lieu, je vous invite à consacrer une attention assidue à la famille, que la Constitution même de la République italienne qualifie de "société naturelle fondée sur le mariage" (n. 29), en confiant aux pouvoirs publics le devoir d'"en faciliter la formation à travers des mesures économiques et d'autres mesures" (cf. art. 31).

Je connais les nombreuses difficultés, en partie dues à des causes d'ordre spirituel et culturel, qui, également à Rome et dans le Latium, menacent l'institution familiale. Elles dépendent également souvent de situations sociales et économiques concrètes, qui en constituent le contexte humain. C'est précisément pour protéger la famille, cellule fondamentale de la société, que je demande aux responsables d'éviter toute initiative qui puisse favoriser ou con-sentir l'assimilation de la famille à d'autres formes de coexistence. Je leur demande également d'oeuvrer avec harmonie et détermination pour éliminer les obstacles tels que le manque de logements à des prix accessibles ou l'insuffisance de structures d'accueil pour les enfants les plus petits, qui rendent difficile et parfois impossible la formation de nouvelles cellules familiales et leur ouverture au don de la vie.


5. A côté de la famille, j'ose vous demander, Mesdames et Messieurs, de faire des choix courageux dans le domaine de l'éducation, afin de valoriser les multiples énergies et initiatives présentes à Rome et sur le territoire du Latium. Il est également important de conjuguer, dans le domaine de la santé, le progrès technique et la limitation des coûts avec l'attention fondamentale à la personne du malade. Et que dire, en outre, de la multitude de personnes âgées qui ont besoin d'une plus grande estime et reconnaissance, outre une assistance plus ponctuelle et cordiale?

En cet An 2000, qui nous invite à nous tourner avec une plus grande responsabilité et confiance vers le futur, je sens le devoir de me faire le porte-parole, une fois de plus, des innombrables jeunes et des chômeurs, pour vous demander un plus grand engagement en vue de créer de nouvelles possibilités de travail et d'emploi. Puisse le grand Jubilé favoriser un tournant moral et civil, capable de faire croître une culture de la solidarité, de l'accueil et du partage. Dans la ville de Rome, dans sa province et dans toute la région, puisse chacun se sentir chez lui et s'insérer de façon positive dans la société, en partageant ses droits et ses devoirs.


6. Chers représentants des Administrations régionales, communales et provinciales, le grand Jubilé vous place face à un nombre important de devoirs et de tâches, mais vous invite dans le même temps de façon efficace à les affronter avec enthousiasme. Que le bien des habitants, qui s'identifie de façon tout à fait significative avec l'histoire, les valeurs et la promesse d'avenir que le Jubilé même rappelle et propose, soit pour vous un point de référence unificateur.

En vous assurant la contribution cordiale et désintéressée des communautés chrétiennes de Rome et du Latium à la croissance de la Ville, de la Province et de la Région, je confie au Seigneur dans la prière, chacun de vos projets et intentions de bien. Que Marie, Mère du Rédempteur, vous protège et vous accompagne de son aide céleste constante.

Avec ces sentiments, je donne à chacun de vous, ainsi qu'à vos familles et aux personnes qui vivent à Rome, dans la Province et dans le Latium, une Bénédiction apostolique particulière.


Discours 2000