Discours 2000 - Jeudi 13 janvier 2000


À LA COMMUNAUTÉ DE L'"ALMO COLLEGIO CAPRANICA"

Samedi 15 janvier 2000


  Monsieur le Cardinal,
Très chers élèves de l'"Almo Collegio Capranica"!

1. Je suis heureux de vous adresser une cordiale bienvenue. Je salue avant tout Monsieur le Cardinal Camillo Ruini, et je le remercie des paroles cordiales qu'il m'a adressées en votre nom à tous. J'étends mon salut reconnaissant au Recteur, Mgr Michele Pennisi, ainsi qu'à toute la communauté du Collège Capranica, qui, à travers la rencontre d'aujourd'hui, renforce le lien qui unit cet antique Collège au Successeur de Pierre. En s'inscrivant, en effet, parmi les premières institutions de formation pour les candidats au sacerdoce à Rome, le "Capranica" est le témoin séculaire d'une solide communion avec le Siège apostolique.

Votre visite revêt cette année une signification précise, car elle se situe au sein de l'itinéraire de conversion et de renouveau qui est typique de l'Année Sainte. On pourrait donc se demander, dans le cadre du grand Jubilé de l'An 2000, quelle réflexion opportune est appelé à accomplir un milieu éducatif comme le vôtre, orienté vers la formation humaine, spirituelle et culturelle des candidats au ministère ordonné.


2. A ce propos, le Jubilé ne peut manquer de vous encourager avant tout à redécouvrir le sens de la vie comme don de soi. Le jeune qui se prépare au sacerdoce doit adopter un style d'amour oblatif, qui s'exprime à travers des orientations de fonds et des choix concrets de disponibilité envers Dieu et les frères. Mais où trouver la force pour cette offre constante de soi, sinon dans une relation intime et intense avec Dieu, source inépuisable d'amour pour le prochain?

La source et le sommet de cette relation spirituelle de base est naturellement l'Eucharistie, centre de la vie et de la mission de chaque communauté ecclésiale. A cet égard, j'exprime ma profonde reconnaissance pour la disponibilité dont vous faites preuve pour animer l'Adoration eucharistique dans la basilique Sainte-Agnès in Agone, chaque jeudi soir, au cours de cette Année Sainte. En offrant aux pèlerins un précieux service, vous ne manquerez pas de recevoir du Christ-Eucharistie une abondance de grâce pour votre formation sacerdotale.

Vous êtes appelés à être, dans un proche avenir, d'authentiques "modèles du troupeau" (1P 5,3), qui vous sera confié. Et pour cela, il est nécessaire que vous acquériez les dispositions intérieures et les attitudes spécifiques qui, en se mêlant et en se complétant réciproquement, forment le tissu de votre personnalité sacerdotale. Je pense à la formation humaine, avec son processus de relations et ses valeurs particulières; à la formation spirituelle, qui est le développement de toute la vie avec la force qui vient de l'Esprit Saint; à la formation intellectuelle, qui permet, dans la mesure du possible, de pénétrer le mystère de Dieu et le mystère de l'homme; à la formation au ministère ecclésial, qui est le partage de la "charité pastorale" du coeur du Christ dans le service à l'Eglise et au monde (cf. Pastores dabo vobis PDV 43-59).


3. Votre itinéraire de préparation au sacerdoce se développe dans un cadre communautaire. Il s'agit d'un choix qui n'est pas dicté par des motivations pratiques et urgentes, mais lié à la nature même de l'Eglise, communauté réunie par le Seigneur, à l'écoute de la Parole, liée par des liens de profonde communion et projetée dans la mission évangélisatrice vers le monde.

Très chers amis, vous vivez cette expérience communautaire non pas comme une phase transitoire liée aux années du Séminaire, mais comme une structure de toute votre existence sacerdotale. Le projet de vocation, qui embrasse toute la vie du prêtre, est un projet communautaire, la vocation étant toujours con-vocationnelle, c'est-à-dire appelée par Dieu à "être avec les autres et pour les autres".

Animés par ces convictions intimes, poursuivez avec courage votre chemin, renouvelant chaque jour votre fidélité au Christ, et vous ouvrant toujours plus à l'écoute des besoins des frères et à la mission universelle de l'Eglise.

Que la Vierge Marie vous protège, elle qui, dans la maison de Nazareth, a prononcé à Dieu son "oui" total. Qu'intercède pour vous sainte Agnès, patronne de votre Collège, qui, à travers son témoignage de virginité et de martyre, invite chacun à prier fidèlement l'Agneau immaculé pour le salut du monde.

Quant à moi, je vous assure de mon souvenir dans la prière, et je vous souhaite une nouvelle année riche de bien. J'accompagne ces voeux de ma Bénédiction apostolique, que je donne à chacun de vous et que j'étends volontiers à vos parents et aux personnes qui vous sont chères.


À LA RENCONTRE POUR LA PASTORALE DES JEUNES PROMUE PAR LE CONSEIL PONTIFICAL POUR LES LAÏCS

Samedi 15 janvier 2000



  Chers amis,


1. Soyez les bienvenus! Je vous salue cordialement et je vous accueille avec joie alors que, représentant les Conférences épiscopales et les Mouvements, Associations et Communautés ecclésiales, vous participez à la Deuxième Rencontre internationale en vue de la prochaine Journée mondiale de la Jeunesse. Je remercie le Conseil pontifical pour les Laïcs et le Comité italien pour la XVème Journée mondiale de la Jeunesse du travail d'organisation et de coordination qu'ils accomplissent afin de préparer ce grand événement jubilaire.

Vous représentez, dans un certain sens, les groupes de jeunes qui, de toutes les parties du monde, et depuis longtemps, se sont désormais en esprit mis en marche vers Rome. Je voudrais les saluer, un par un, par votre intermédiaire et leur dire: "Le Pape vous aime, il compte sur vous et vous attend pour la grande fête de foi et de témoignage, que nous célébrerons ensemble au mois d'août prochain!". Il fera très chaud, peut-être plus chaud qu'à Paris.


2. Les Journées mondiales de la Jeunesse constituent désormais un rendez-vous significatif dans le pèlerinage des jeunes générations, qui dure désormais depuis 1985. Elles constituent des occasions providentielles pour proclamer et célébrer le mystère du Christ, Sauveur et Rédempteur de l'homme, proposé aux jeunes de notre temps comme fondement de leur vie de foi et d'engagement au service des frères.

De plus, la Journée mondiale trouve cette année sa place dans l'itinéraire spirituel du Jubilé, et devient ainsi le "Jubilé des jeunes": une circonstance privilégiée pour contempler ensemble le mystère de l'incarnation du Fils de Dieu, adorer et louer l'Emmanuel, le Dieu-avec-nous, et découvrir quelles sont les conséquences qui dérivent d'une aussi forte expérience spirituelle pour la vie de tous les jours.


3. Je prie le Seigneur afin que la prochaine Journée mondiale de la Jeunesse devienne pour tous les participants un encouragement à professer ensemble la foi au début du troisième millénaire. Dans cette ville et dans cette Eglise de Rome, rendue féconde par le sang des Apôtres et des martyrs, les jeunes du monde se retrouveront pour tourner le regard vers Jésus, auteur et perfectionnateur de la foi (cf. He He 12,2) et pour Lui donner la réponse de leur engagement chrétien.

Je suis certain qu'ils repartiront sur les routes de leur vie pour être les ouvriers de la nouvelle évangélisation, les constructeurs de la civilisation de l'amour. En effet, c'est à eux que revient principalement la tâche de "faire passer" l'Evangile dans le premier siècle du nouveau millénaire (cf. Tertio millennio adveniente TMA 58), en communiquant à l'existence quotidienne les valeurs immuables contenues dans ce "Livre de la Vie" éternel et immuable.

En invoquant sur votre travail la protection maternelle de la Très Sainte Vierge, je vous présente mes voeux de bonne année Deux mille et je donne à tous ma Bénédiction.


AU TRIBUNAL DE LA ROTE ROMAINE POUR L'INAUGURATION DE L'ANNÉE JUDICIAIRE

Vendredi 21 janvier 2000




Monseigneur le Doyen,
Illustres Prélats-Auditeurs et Officiers de la Rote romaine!

1. Chaque année, l'inauguration solennelle de l'activité judiciaire de la Rote romaine m'offre l'occasion appréciée de vous rencontrer personnellement, vous tous qui constituez le Collège des Prélats-Auditeurs, des Officiers et des Avocats auprès de ce Tribunal. Cela me donne également l'occasion de renouveler l'expression de mon estime et de vous manifester ma profonde reconnaissance pour le travail précieux que vous accomplissez généreusement et avec compétence au nom et sur mandat du Siège apostolique.

Je vous salue tous avec affection, et de manière particulière le nouveau Doyen, que je remercie du fervent hommage qu'il m'a adressé en son nom personnel et au nom de tout le Tribunal de la Rote romaine. Je désire dans le même temps adresser une pensée de gratitude et de remerciement à l'Archevêque, Mgr Francesco Pompedda, récemment nommé Préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, pour le long service qu'il a prêté avec un dévouement généreux ainsi qu'une préparation et une compétence particulières à votre Tribunal.


2. Ce matin, comme invité par les paroles de Monseigneur le Doyen, je désire m'arrêter pour réfléchir avec vous sur l'hypothèse de l'effet juridique de la mentalité actuelle encline au divorce, sur une éventuelle déclaration de nullité de mariage, ainsi que sur la doctrine de l'indissolubilité absolue du mariage conclu et consommé, et sur la limite du pouvoir du Souverain Pontife en ce qui concerne un tel mariage.

Dans l'Exhortation apostolique Familiaris consortio, publiée le 22 novembre 1981, je mettais en lumière les aspects positifs de la nouvelle réalité familiale, tels que la conscience plus vive de la liberté personnelle, l'attention plus grande aux relations personnelles dans le mariage et à la promotion de la dignité de la femme, ainsi que les aspects négatifs liés à la dégradation de certaines valeurs fondamentales et à la "conception théorique et pratique erronée de l'indépendance des conjoints entre eux", soulignant leur influence sur "le nombre croissant des divorces" (FC 6).

A la racine des phénomène négatifs dénoncés, j'écrivais qu'"il y a souvent une corruption du concept et de l'expérience de liberté, celle-ci étant comprise non comme la capacité de réaliser la vérité du projet de Dieu sur le mariage et la famille, mais comme une force autonome d'affirmation de soi, assez souvent contre les autres, pour son bien-être égoïste" (FC 6). C'est pourquoi je soulignai le "devoir fondamental" de l'Eglise d'"affirmer encore et avec force - comme l'ont fait les Pères du Synode - la doctrine de l'indissolubilité du mariage" (FC 20), également afin de dissiper l'ombre que certaines opinions issues des milieux de recherche théologique et canonique semblent jeter sur la valeur de l'indissolubilité des liens du mariage. Il s'agit de thèses favorables au rejet de l'incompatibilité absolue entre un mariage conclu et consommé (cf. CIC, CIC 1061 CIC 1) et un nouveau mariage de l'un des conjoints, du vivant de l'autre.


3. L'Eglise, dans sa fidélité au Christ, ne peut manquer de répéter avec fermeté "l'annonce joyeuse du caractère définitif de cet amour conjugal, qui trouve en Jésus-Christ son fondement et sa force (cf. Ep 5,25)" (FC 20) à ceux qui, de nos jours, pensent qu'il est difficile, voire même impossible, de se lier à une personne pour toute la vie et à ceux qui sont, hélas, entraînés dans une culture qui refuse l'indissolubilité du mariage et qui méprise ouvertement l'engagement des époux à la fidélité.

"En effet, enracinée dans le don plénier et personnel des époux et requise pour le bien des enfants, l'indissolubilité du mariage trouve sa vérité définitive dans le dessein que Dieu a manifesté dans sa révélation; c'est Lui qui veut et qui donne l'indissolubilité du mariage comme fruit, signe et exigence de l'amour absolument fidèle que Dieu a pour l'homme et que le Seigneur Jésus manifeste à l'égard de son Eglise" (FC 20).

"L'annonce joyeuse du caractère définitif de l'amour conjugal" n'est pas un vague concept abstrait ou une belle phrase qui reflète le désir commun de ceux qui décident de se marier. Cette annonce s'enracine plutôt dans la nouveauté chrétienne, qui fait du mariage un sacrement. Les époux chrétiens, qui ont reçu "le don du sacrement", sont appelés par la grâce de Dieu à témoigner de la "volonté du Seigneur: "Ce que Dieu a uni, l'homme ne doit point le défaire" (Mt 19,6)", c'est-à-dire "témoigner de la valeur inestimable de l'indissolubilité du mariage" (FC 20). C'est pour cette raison - affirme le Catéchisme de l'Eglise catholique - que "l'Eglise maintient par fidélité à la parole de Jésus-Christ (Mc 10,11-12 Mc 10, Mc 10, ), qu'elle ne peut reconnaître comme valide une nouvelle union, si le premier mariage l'était" (CEC 1650).

4. Certes, "l'Eglise peut, après examen de la situation par le tribunal ecclésiastique compétent, déclarer "la nullité du mariage", c'est-à-dire que le mariage n'a jamais existé", et, dans ce cas, les contractants "sont libres de se marier, quitte à se tenir aux obligations naturelles d'une union antérieure" (CEC 1629). Les déclarations de nullité pour les motifs établis par les normes canoniques, en particulier pour le défaut et les vices du consentement matrimonial (cf. CIC, cann. 1095 - 1107), ne peuvent toutefois être en contraste avec le principe de l'indissolubilité.

Il est indéniable que la mentalité courante de la société dans laquelle nous vivons, a des difficultés à accepter l'indissolubilité du lien matrimonial et le concept même de mariage comme "foedus, quo vir et mulier inter se totius vitae consortium constituunt" (CIC 1055 CIC 1), dont les propriétés essentielles sont "initas et indissolubilitas, quae in matrimonio christiano ratione sacramenti obtinent firmitatem" (CIC 1056). Mais cette difficulté réelle n'équivaut pas "sic et simpliciter" à un refus concret du mariage chrétien ou de ses propriétés essentielles. Elle justifie encore moins la présomption, parfois malheureusement formulée par certains tribunaux, que l'intention prédominante des contractants, dans une société sécularisée et traversée par de puissants courants prônant le divorce, soit de vouloir un mariage dissoluble au point d'exiger plutôt la preuve de l'existence d'un réel accord.

La tradition canonique et la jurisprudence de la Rote, pour affirmer l'exclusion d'une propriété essentielle ou la négation d'une finalité essentielle du mariage, ont toujours exigé que celles-ci aient lieu en vertu d'un acte positif de volonté, qui aille au-delà d'une volonté habituelle ou générique, d'une velléité interprétative, d'une opinion erronée de l'utilité, dans certains cas, du divorce, ou d'une simple intention de ne pas respecter les engagements réellement pris.


5. En accord avec la doctrine constamment professée par l'Eglise, nous devons conclure que les opinions en contraste avec le principe de l'indissolubilité, ou les attitudes contraires à celui-ci, mais sans le refus formel de célébrer un mariage sacramentel, ne dépassent pas les limites de la simple erreur concernant l'indissolubilité du mariage qui, selon la tradition canonique et les normes en vigueur, ne vicie pas le consentement matrimonial (cf. CIC, CIC 1988).

Toutefois, en vertu du principe selon lequel le consentement ne peut être suppléé (cf. CIC, CIC 1057), l'erreur concernant l'indissolubilité, peut, de façon exceptionnelle, invalider le consentement, si elle détermine de façon positive la volonté du contractant de faire un choix contraire à l'indissolubilité du mariage (cf. CIC, CIC 1099).

Cela ne peut avoir lieu que lorsque le jugement erroné sur l'indissolubilité du lien influence de façon déterminante la décision de la volonté, parce qu'il est dicté par une intime conviction, profondément enracinée dans l'âme du contractant et professé par celui-ci avec détermination et obstination.


6. Notre rencontre d'aujourd'hui, chers membres du Tribunal de la Rote romaine, constitue un cadre adéquat pour parler également à toute l'Eglise de la limite du pouvoir du Souverain Pontife en matière de mariage conclu et consommé, qui "ne peut être dissous par aucune puissance humaine ni par aucune cause, sauf par la mort" (CIC 1141 CCEO, can. 853). Cette formulation du droit canonique n'est pas de nature exclusivement disciplinaire, mais correspond à une vérité doctrinale maintenue depuis toujours dans l'Eglise.

Toutefois, l'idée se diffuse selon laquelle la puissance du Pontife Romain, étant vicaire de la puissance divine du Christ, ne serait pas l'une de ces puissances humaines auxquelles se réfèrent les canons mentionnés, et pourrait donc peut-être s'étendre dans certains cas également à la dissolution des mariages conclus et consommés. Face aux doutes et aux troubles qui pourraient en découler, il est nécessaire de réaffirmer que le mariage sacramentel conclu et consommé ne peut jamais être dissous, pas même par le pouvoir du Pontife Romain. L'affirmation contraire impliquerait la thèse qu'il n'existe aucun mariage absolument indissoluble, ce qui serait contraire au sens selon lequel l'Eglise a enseigné et enseigne l'indissolubilité du lien matrimonial.


7. Cette doctrine de la non-extension du pouvoir du Pontife Romain aux mariages conclus et consommés, a été proposée à plusieurs reprises par mes prédécesseurs (cf. par exemple, Pie IX, Lettre Verbis exprimere, 15 août 1859: Enseignements pontificaux, Ed. Paoline, Rome, 1957, vol. I, n. 103; Léon XIII, Lettre Encycl. Arcanum, 10 février 1880: ASS 12 (1879-1880), 400; Pie XI, Lettre Encycl. Casti connubii, 31 décembre 1930: AAS 22 (1930), 552; Pie XII, Allocution aux nouveaux époux, 22 avril 1942: Discours et radiomessages de Sa Sainteté Pie XII, Ed. Vaticane, vol. IV, 47). Je voudrais citer, en particulier, une affirmation de Pie XII: "Le mariage conclu et consommé est en vertu du droit divin indissoluble, dans la mesure où il ne peut être dissous par aucune autorité humaine (CIC 1118), tandis que les autres mariages, bien qu'ils soient intrinsèquement indissolubles, n'ont toutefois pas une indissolubilité extrinsèque absolue, mais, étant donné certaines conditions nécessaires, peuvent (il s'agit, comme on le sait, de cas relativement rares), être dissous, outre en vertu du privilège paulin, par le Pontife Romain, en vertu de sa puissance ministérielle" (Discours à la Rote romaine, 3 octobre 1941: AAS 33 [1941], PP 424-425). A travers ces paroles, Pie XII interprétait de façon explicite le canon 1118, correspondant à l'actuel canon (CIC 1141) du Code de Droit canonique et au canon (CIO 853) du Code des Canons des Eglises orientales, dans le sens où "puissance humaine" inclut également la puissance ministérielle ou vicariale du Pape, et présentait cette doctrine comme acceptée de façon unanime par tous les experts en la matière. Dans ce contexte, il convient de citer également le Catéchisme de l'Eglise catholique, avec la grande autorité doctrinale qui lui a été conférée par l'intervention de tous l'épiscopat dans sa rédaction et par mon approbation spéciale. On y lit en effet: "Le lien matrimonial est donc établi par Dieu Lui-même, de sorte que le mariage conclu et consommé entre baptisés ne peut jamais être dissous. Ce lien, qui résulte de l'acte humain libre des époux et de la consommation du mariage, est une réalité désormais irrévocable et donne origine à une alliance garantie par la fidélité de Dieu. Il n'est pas du pouvoir de l'Eglise de se prononcer contre cette disposition de la sagesse divine" (CEC 1640).


8. En effet, le Pontife Romain a la "sacra potestas" d'enseigner la vérité de l'Evangile, d'administrer les sacrements et de gouverner de façon pastorale l'Eglise au nom et avec l'autorité du Christ, mais cette puissance n'inclut en soi aucun pouvoir sur la Loi divine naturelle ou positive. Ni l'Ecriture, ni la Tradition ne reconnaissent de faculté au Pontife Romain de dissoudre le mariage conclu et consommé; au contraire, la pratique constante de l'Eglise démontre la conscience certaine de la Tradition qu'une telle puissance n'existe pas. Les fortes expressions des Pontifes Romains ne sont que l'écho fidèle et l'interprétation authentique de la conviction permanente de l'Eglise.

Il ressort donc avec clarté que la non-extension de la puissance du Pontife Romain aux mariages sacramentels conclus et consommés est enseignée par le Magistère de l'Eglise comme doctrine à conserver de façon définitive, même si celle-ci n'a pas été déclarée sous une forme solennelle à travers un acte définitif. En effet, cette doctrine a été proposée de façon explicite par les Pontifes Romains en termes catégoriques, de façon constante et sur une période suffisamment longue. Elle a été adoptée et enseignée par tous les évêques en communion avec le Siège de Pierre, dans la conscience qu'elle doit toujours être maintenue et acceptée par les fidèles. Dans ce sens, elle a été reproposée par le Catéchisme de l'Eglise catholique. Il s'agit par ailleurs d'une doctrine confirmée par la pratique pluriséculaire de l'Eglise, maintenue avec une pleine fidélité et avec héroïsme, parfois même face à de graves pressions de la part des puissants de ce monde. Il est hautement significatif de constater l'attitude des Papes qui, même à l'époque d'une plus grande affirmation du primat pétrinien, ont démontré être toujours conscients du fait que leur Magistère est au service total de la Parole de Dieu (cf. Const. dogm. Dei Verbum DV 10) et, dans cet esprit, ne se placent pas au-dessus du don du Seigneur, mais s'engagent seulement à conserver et à administrer le bien confié à l'Eglise.


9. Illustres Prélats-Auditeurs et Officiers, telles sont les réflexions que, à propos d'un sujet d'une si grande importance et gravité, j'avais à coeur de partager avec vous. Je les confie à votre esprit et à votre coeur, certain de votre pleine fidélité et adhésion à la Parole de Dieu, interprétée par le Magistère de l'Eglise, et à la loi canonique, dans son interprétation la plus authentique et la plus complète. J'invoque sur votre délicat service ecclésial la protection constante de Marie, Regina familiae. En vous assurant de ma proximité dans mon estime et ma reconnaissance, je vous donne de tout coeur, comme signe d'affection constante, une Bénédiction apostolique particulière.


MESSAGE À L'ÉVÊQUE D'AIX-LA-CHAPELLE À L'OCCASION DES CÉLÉBRATIONS DU 12ème CENTENAIRE DE LA CONSTRUCTION DE LA CATHÉDRALE



A mon vénéré Frère dans l'épiscopat, S.Exc. Mgr Heinrich Mussinghoff, Evêque d'Aix-la-Chapelle

1. "J'étais joyeux qu'on me dise: Allons à la maison de Yahvé!" (Ps 122,1).

La joyeuse exclamation du Psalmiste trouve à Aix-la-Chapelle un vif écho depuis 1.200 ans, c'est-à-dire depuis que Charlemagne acheva la construction de la Chapelle de son Palais et la consacra à Marie, Auxiliatrice des chrétiens. Au cours de l'histoire, d'innombrables pèlerins, grands et petits, se sont rendus dans cette cathédrale dédiée à la Madone pour s'arrêter devant l'image miraculeuse et pour invoquer la protection maternelle de la Vierge sur l'Eglise et sur le monde.


2. Il ne m'est pas possible d'être personnellement présent à l'occasion des 1.200 ans de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle, mais j'ai voulu vous envoyer un Envoyé spécial en la personne de S.Em. le Card. Darío Castrillón Hoyos, qui prendra ma place en cette occasion joyeuse en qualité de mon Représentant personnel. De cette façon se manifeste la communauté catholique qui a son centre dans l'Eglise de Rome et, comme un filet, embrasse toute la terre. Charlemagne, bâtisseur de cette Maison de Dieu, était déjà conscient de la nécessité de ces liens étroits avec le Successeur de Pierre. Lorsqu'il fut couronné Empereur, la nuit de Noël de l'An 800 par le Pape Léon III, cette conscience atteignit un sommet significatif, après que, quelques années auparavant, le même Charlemagne eut donné vie à la "Schola Francorum" à l'ombre de la basilique Saint-Pierre. Cela devait être une auberge pour les pèlerins, qui se rendaient dans la Ville éternelle, après avoir franchi les Alpes, pour visiter les tombeaux des princes des Apôtres.


3. Outre ces liens avec Rome, la cathédrale d'Aix-la-Chapelle possède un autre lien. Elle conserve des biens précieux, qui nous conduisent à travers le coeur et l'esprit non seulement à la Ville Eternelle, mais également à la Ville Sainte. Jérusalem donna à Charlemagne quatre reliques d'étoffe, qui rappellent de façon sensible et avec un profond respect les événements importants de l'histoire du salut et, dans le même temps, peuvent être considérées comme des vêtements de pèlerins pour le Peuple de Dieu en pèlerinage dans le temps.

Celui qui regarde les langes de Jésus, se rappelle que la communauté de foi doit être une communauté de vie avec Jésus. En effet, le Christ aussi a commencé sa vie comme le fait chaque chrétien: en tant que nouveau-né. De même que Jésus crût en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et les hommes (cf. Lc 2,52), il nous est demandé à nous aussi de nous préoccuper de la croissance et de la maturation de notre foi. Dans l'étable, Jésus n'était pas seulement un nouveau-né, mais le Fils de Dieu. Ainsi, les langes sont une invitation à l'honorer à travers notre vie et à conduire d'autres personnes sur la voie de l'adoration: Venite adoremus! Venez, adorons le Roi, le Seigneur!

Le trône du Roi est la croix. C'est à cela que fait allusion la relique la plus précieuse, du point de vue de l'histoire du salut, que l'on vénère dans la cathédrale d'Aix-la-Chapelle: le drap qui ceignait la taille de Jésus. On ne laissa que cela au Roi sur la croix, afin qu'il puisse s'offrir totalement pour Dieu et pour le monde. De même qu'il se confia au Père et, dans le même temps, confia son oeuvre à Marie et à Jean, ainsi, l'Eglise aussi, dans son pèlerinage au cours du temps, a le devoir de marcher vers Dieu sans réserve et de Lui présenter "les joies, les espérances, les tristesses et les angoisses des hommes" (Gaudium et spes GS 1).

Cela atteste que l'orthodoxie de l'enseignement doit se refléter dans la cohérence de la vie. Dans ce contexte, nous rappelons le drap de la décapitation de Jean-Baptiste. Pour les chrétiens de la société moderne, professer sa foi ne coûte pas, en général, la vie. Il n'en reste pas moins que le témoignage exige parfois quelques nuits d'insomnie et d'innombrables efforts dans un milieu social dans lequel le Christ est souvent devenu un étranger. Précisément à une époque où l'on tait souvent Dieu, force et courage sont nécessaires pour devenir les garants de la dignité inaliénable de tous les hommes par amour pour Dieu qui a envoyé son Fils "afin qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance" (Jn 10,10).

Le mot vie nous fait penser à Marie, qui fut choisie pour porter le Christ, la Vie du monde. La quatrième relique d'étoffe dans la cathédrale d'Aix-la-Chapelle rappelle l'habit qui enveloppait la Mère de Dieu lors de la nuit sainte. De même que Marie a porté le Fils dans son sein, ainsi l'Eglise, son image, porte le Christ dans l'habit de pèlerin au cours des siècles. Ce pour quoi Marie vécut doit être la motivation de l'Eglise au cours de l'histoire: le "mystère de la foi" en Jésus-Christ, le "Sauveur des hommes" hier, aujourd'hui et à jamais. Il s'agit d'un grand honneur et d'un noble devoir pour l'Eglise de pouvoir vivre avec un mystère que Dieu lui-même lui a confié. L'Eglise, en tant que gardienne du mystère divin, est envoyée pour révéler le mystère du salut "jusqu'aux confins de la terre" (Ac 1,8).


4. Cette mission évangélisatrice de l'Eglise est sa mission en tout temps, mais en particulier au cours de l'Année Sainte 2000, que nous fêtons comme grand Jubilé de l'Incarnation de Dieu. Remercions le Dispensateur de toutes les choses car non seulement nous ne nous arrêtons pas 2.000 ans après le Christ, mais nous avons pu continuer pendant 2.000 ans avec le Christ. Au cours du nouveau siècle également, le christianisme a un avenir lumineux. Cela, le vénéré Evêque Klaus Hemmerle, malheureusement trop tôt disparu, l'avait déjà rappelé lorsque, quelques mois avant de mourir, il dressa un bilan avec une sorte de "prévision": "Nous ne sommes pas seulement les administrateurs d'un passé si précieux et saint, mais précurseurs d'un avenir que nous ne pouvons pas construire nous-mêmes, mais qui viendra parce que Lui vient" (Homélie du 7 novembre 1993 à l'occasion du 18 anniversaire de sa consécration épiscopale).

Mon souhait est que l'anniversaire des 1.200 ans de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle rappelle à tous les chrétiens qu'ils sont les pierres vivantes dans l'édifice de Dieu (cf. 1P 2,5). Que le pèlerinage aux sanctuaires, qui coïncide avec l'Année jubilaire, soit pour l'Eglise qui est à Aix-la-Chapelle une impulsion à se considérer plus profondément comme un peuple pèlerin de Dieu et à se mettre en chemin le coeur joyeux et avec courage! Sur la voie vers le Seigneur, que Marie, Mère de Dieu et Mère de l'Eglise, soit un guide fidèle! Uni dans l'esprit, je suis proche de vous tous qui vous réunissez autour de l'Evêque pour célébrer le Jubilé de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle et je vous donne de tout coeur la Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 25 janvier 2000



Février



À L'OCCASION DE L'INAUGURATION DE LA NOUVELLE ENTRÉE DES MUSÉES DU VATICAN

Lundi 7 février 2000




Messieurs les Cardinaux,
Vénérés Frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce!
Mesdames et Messieurs!

1. L'inauguration de la nouvelle entrée des Musées du Vatican est pour moi un motif de joie particulière. Le fait qu'elle ait lieu au cours de la première phase du Jubilé lui confère une importance symbolique particulière. Après avoir ouvert les Portes Saintes des Basiliques romaines, accès à la grâce du Rédempteur, j'inaugure aujourd'hui l'entrée qui introduit à ce temple de l'art et de la culture que sont les Musées.

La réalisation d'une oeuvre si difficile suscite une profonde satisfaction. Je remercie le Cardinal Edmund Szoka des sentiments qu'il m'a exprimés, en votre nom également, et pour la présentation documentée qu'il a faite des travaux réalisés et des résultats atteints: à lui et à la direction des services techniques, j'exprime ma plus vive reconnaissance, en l'étendant aux consultants et aux spécialistes, et en rappelant avec gratitude le Cardinal Castillo Lara, aujourd'hui présent parmi nous, auquel va le mérite d'avoir lancé cette entreprise.

J'adresse également un encouragement sincère, en la personne du Directeur général, M. Francesco Buranelli, aux dirigeants et à tout le personnel des Musées du Vatican. C'est à eux, en effet, qu'il revient maintenant de gérer de la meilleure façon possible cette imposante structure, afin qu'elle atteigne les objectifs pour lesquels elle a été conçue et réalisée.


2. Lorsque, vers la fin du XVIII siècle, les Papes Clément XIV et Pie IV fondèrent les Musées du Vatican dans le sens moderne du terme, les visiteurs formaient une élite très restreinte. Aujourd'hui, ils sont des milliers quotidiennement, issus de tout milieu social et culturel et provenant de toutes les parties du monde. On peut véritablement dire que les Musées constituent, sur le plan culturel, l'une des portes les plus importantes du Saint-Siège ouvertes sur le monde.

De là, la valeur non seulement fonctionnelle, mais également symbolique d'une entrée ayant une plus grande "capacité", c'est-à-dire plus accueillante, pour exprimer la volonté renouvelée de l'Eglise de dialoguer avec l'humanité sous le signe de l'art et de la culture, mettant à disposition de tous le patrimoine qui lui a été confié par l'histoire.


3. Je salue cordialement Giuliano Vangi, auteur de la sculpture placée dans cette nouvelle entrée, et je le remercie, car son oeuvre n'est pas célébrative, mais constitue une invitation à la réflexion sur le mystère pétrinien, auquel la Providence m'a appelé. Dès le premier jour de mon pontificat, j'ai vivement ressenti la mission d'aider l'homme à "franchir le seuil": à sortir de la contrainte du matérialisme vers la liberté de la foi, la liberté d'être soi-même en suivant le Christ Rédempteur, suprême défenseur de sa dignité et de ses droits. Ce service à l'homme comprend deux moments, qui sont représentés sur les deux côtés du bloc de marbre: le moment de l'action et celui, tout aussi important, de la prière. En effet, face aux souffrances humaines, l'Eglise trouve en Dieu la force pour pousser l'homme vers un avenir d'espérance et de liberté.

Je félicite également le sculpteur Cecco Bonanotte, auteur du portail de la nouvelle entrée. Le thème de la création, qu'il a évoqué de façon symbolique, s'harmonise bien avec celui de l'art, et semble inviter le visiteur à reconnaître avec émerveillement dans l'univers, dans les êtres vivants et surtout dans la personne humaine, le mystère de l'Esprit Créateur.


4. La collaboration entre l'Eglise et les artistes a toujours été une "source d'enrichissement spirituel réciproque", dont "elle a retiré comme profit la compréhension de l'homme, de son image authentique, de sa vérité" (Lettre aux Artistes, n. 13).

C'est avec cette conviction que j'inaugure la nouvelle entrée des Musées du Vatican, tandis que je vous remercie encore tous et que je vous bénis de tout coeur, ainsi que ceux qui ont participé à la réalisation de cette oeuvre véritablement monumentale.

 


Discours 2000 - Jeudi 13 janvier 2000