Discours 2000 - À L'OCCASION DE LA VISITE AU CAMP DE RÉFUGIÉS DE DEHEISHEH DANS LES TERRITOIRES AUTONOMES PALESTINIENS

À L'OCCASION DE LA VISITE AU CAMP DE RÉFUGIÉS DE DEHEISHEH DANS LES TERRITOIRES AUTONOMES PALESTINIENS

Mercredi 22 mars 2000





Monsieur le Président,
et cher peuple palestinien,

1. Je considère qu'il est important que cette visite à Deheisheh fasse partie de mon pèlerinage sur le lieu où est né Jésus-Christ, à l'occasion du bimillénaire de cet événement extraordinaire. Il est significatif qu'ici, près de Bethléem, je puisse vous rencontrer vous, réfugiés et personnes déplacées, ainsi que les représentants des organisations et des agences qui participent à une authentique mission de miséricorde. Au cours de tout mon pontificat, je me suis senti proche du peuple palestinien qui souffre.

Je salue chacun de vous et j'espère et je prie afin que ma visite apporte un peu de réconfort à votre situation difficile. Si Dieu le veut, elle contribuera à attirer l'attention sur votre souffrance permanente. Vous avez été privés de nombreuses choses qui représentent des nécessités fondamentales pour la personne humaine: des logements adaptés, une assistance médicale, l'éducation et du travail. Cependant, vous gardez surtout le triste souvenir de ce que vous avez dû abandonner: non seulement des biens matériels, mais également la liberté, la proximité de vos familles, votre milieu et les traditions culturelles qui ont alimenté votre vie personnelle et familiale. Il est vrai que beaucoup a été accompli, ici à Deheisheh et dans les autres camps, pour satisfaire vos exigences, en particulier à travers la Relief and Works Agency des Nations unies. Je suis particulièrement heureux de la présence efficace de la Mission pontificale pour la Palestine et de nombreuses autres organisations catholiques. Mais beaucoup reste encore à accomplir.


2. Les conditions dégradantes dans lesquelles les réfugiés doivent souvent vivre, la permanence de situations qui sont difficilement tolérables, même dans l'urgence ou pour une brève période de temps, le fait que les personnes déplacées soient obligées de rester pendant des années dans les camps: telle est la dimension du besoin urgent de trouver une solution juste aux causes qui se trouvent à la base du problème. Seul un engagement résolu de la part des dirigeants au Moyen-Orient et de toute la Communauté internationale, inspiré par une vision supérieure de la politique comme service au bien commun, pourra faire disparaître les causes de votre situation actuelle. Je lance un appel pour une plus grande solidarité internationale et pour la volonté politique d'affronter ce défi. Je demande à tous ceux qui agissent avec sincérité pour la justice et pour la paix de ne pas se décourager. Je m'adresse aux Chefs politiques, afin qu'ils mettent en oeuvre les accords déjà atteints et qu'ils poursuivent leur route vers la paix à laquelle aspirent tous les hommes et les femmes raisonnables, vers la justice qui est un de leurs droits inaliénables.


3. Chers jeunes, continuez à lutter, à travers l'éducation, pour occuper la place qui vous revient dans la société, malgré les difficultés et les obstacles que vous devez affronter à cause de votre statut de réfugiés. L'Eglise catholique est particulièrement heureuse de servir la noble cause de l'éducation à travers le travail extrêmement précieux de la "Bethlehem University", fondée à la suite de la visite de mon prédécesseur le Pape Paul VI, en 1964.

Chers réfugiés, vous ne devez pas penser que votre situation actuelle vous rende moins importants aux yeux de Dieu! N'oubliez jamais votre dignité d'enfants de Dieu! Ici, à Bethléem, le Fils divin fut déposé dans une mangeoire dans une étable; les bergers des champs proches furent les premiers à recevoir le message céleste de paix et d'espérance pour le monde. Le dessein de Dieu s'est accompli dans l'humilité et la pauvreté et les bergers de Bethléem étaient certainement vos prédécesseurs, vos ancêtres.

Chers assistants et volontaires, croyez dans la tâche que vous accomplissez! La solidarité authentique et concrète envers les indigents n'est pas une faveur que l'on accorde: il s'agit d'une exigence de notre commune humanité et d'une reconnaissance de la dignité de chaque être humain.

Adressons-nous avec confiance au Seigneur, en lui demandant d'inspirer ceux qui occupent une place de responsabilité, afin qu'ils promeuvent la justice, la sécurité et la paix sans hésiter et de façon extrêmement concrète.

A travers ses organisations sociales et caritatives, l'Eglise restera à vos côtés, pour soutenir votre cause face au monde.

Que Dieu vous bénisse tous!


PAROLES DE JEAN PAUL II AU DÉPART DES TERRITOIRES PALESTINIENS

Mercredi 22 mars 2000


  Excellence,

Je suis heureux d'avoir l'opportunité de vous remercier à nouveau et de rendre les visites que vous m'avez faites au Vatican. je vous remercie de votre accueil chaleureux. Il s'agit d'un moment important dans la recherche de la paix dans cette région. Beaucoup a été obtenu, mais il reste encore beaucoup à faire pour que tous les peuples de la région puissent vivre dans une harmonie fondée sur le respect des droits et de la dignité de chacun.

Aujourd'hui, notre rencontre démontre l'engagement de l'Eglise catholique qui oeuvre sans cesse, proche de tous les peuples, pour la paix au Moyen-Orient. L'Eglise comprend les aspirations des divers peuples et insiste sur le fait que le dialogue est l'unique voie pour que ces aspirations deviennent une réalité au lieu d'un rêve. Je vous suis gré de la reconnaissance dont vous m'avez honoré aujourd'hui. Je sais également que vous êtes convaincu que seul le dialogue patient et courageux ouvrira la route à l'avenir que votre peuple désire à juste titre.

En confiant ce grand défi à Dieu tout-puissant, j'invoque sur vous, sur votre famille et sur le peuple palestinien les abondantes Bénédictions du ciel.




RENCONTRE DU PAPE JEAN-PAUL II AVEC LES RABBINS CHEFS

Jeudi, 23 Mars 2000

  Révérends Rabbins Chefs,

C'est avec un grand respect que je vous rends visite ici aujourd'hui et je vous remercie de m'avoir reçu à Hechal Schlomo. Cette rencontre revêt une signification véritablement unique et je forme des voeux et des prières pour qu'elle conduise à davantage de contacts entre chrétiens et juifs, visant à atteindre une compréhension toujours plus profonde du rapport historique et théologique qui existe entre nos patrimoines religieux respectifs.

Personnellement, j'ai toujours désiré faire partie de ceux qui, des deux côtés, oeuvrent pour surmonter les préjudices et pour garantir une reconnaissance toujours plus grande et totale du patrimoine spirituel partagé par les juifs et par les chrétiens. Je répète ce que j'ai dit à l'occasion de ma visite à la communauté juive de Rome: nous, chrétiens, reconnaissons que le patrimoine religieux juif est intrinsèque à notre foi: "Vous êtes nos frères aînés" (cf. Rencontre avec la communauté juive de Rome, 13 avril 1986 n. 4). Souhaitons que le peuple juif reconnaisse que l'Eglise condamne totalement l'antisémitisme et toute forme de racisme car ceux-ci sont en opposition radicale avec les principes du christianisme. Nous devons coopérer pour édifier un avenir dans lequel il n'existe plus d'antijudaïsme entre les chrétiens et d'antichristianisme entre les juifs.

Nous avons beaucoup en commun. Ensemble, nous pouvons faire beaucoup pour la paix, pour la justice et pour un monde plus fraternel et humain. Que le Seigneur du ciel et de la terre nous conduise à une ère nouvelle et féconde de respect réciproque et de coopération, au bénéfice de tous! Merci.


RENCONTRE DU PAPE JEAN-PAUL II AVEC LE PRÉSIDENT WEIZMAN

Jeudi, 23 Mars 2000


Monsieur le Président,
Ministres du gouvernement,
Membres de la Knesset,
Excellences,

Monsieur le Président, je vous suis très reconnaissant de l'accueil que vous m'avez réservé en Israël. Nous apportons tous deux une longue histoire à cette rencontre. Vous représentez la mémoire juive, qui va au-delà de l'histoire récente de cette terre jusqu'au voyage unique de son peuple à travers les siècles et les millénaires. Je viens en tant que personne dont la mémoire chrétienne remonte à deux mille ans, à la naissance de Jésus sur cette terre.

Comme le disaient les anciens, l'histoire est Magistra vitae, maîtresse de vie. C'est pour cela que nous devons êtres décidés à guérir les blessures du passé, afin qu'elles ne s'ouvrent plus. Nous devons oeuvrer pour une nouvelle ère de réconciliation et de paix entre les juifs et les chrétiens. Ma visite constitue le signe que l'Eglise catholique fera tout son possible pour garantir que cela ne demeure pas seulement un rêve, mais une réalité.

Nous savons que la paix véritable au Moyen-Orient ne pourra être que le résultat de la compréhension réciproque et du respect entre tous les peuples de la région: juifs, chrétiens, musulmans. Dans cette perspective, mon pèlerinage est un voyage d'espérance: l'espérance que le XXI siècle apporte une nouvelle solidarité entre les peuples du monde, dans la conviction que le développement, la justice et la paix ne pourront être atteints que s'ils s'obtiennent pour tous.

Edifier un avenir plus lumineux pour la famille humaine est un devoir qui nous concerne tous. C'est pour cela que je suis heureux de vous saluer, Ministres du gouvernement, membres de la Knesset et représentants diplomatiques de nombreux pays, qui devez prendre et mettre en pratique des décisions qui influenceront la vie des peuples. Je souhaite ardemment qu'un authentique désir de paix inspire toutes vos décisions. Avec cette prière, j'invoque une abondance de Bénédictions divines sur Vous, Monsieur le Président, sur votre pays, ainsi que sur tous ceux qui m'ont honoré de leur présence. Merci.


VISITE DU PAPE JEAN PAUL II AU MAUSOLÉE DE YAD VASHEM À JÉRUSALEM

Jeudi, 23 mars 2000


  Les paroles de l'antique Psaume jaillissent de notre coeur: "Je suis devenu comme un objet de rebut. J'entends les calomnies des gens, terreur de tous les côtés! Ils se groupent à l'envi contre moi, complotant de m'ôter la vie. Et moi je m'assure en toi, Yahvé, je dis: C'est toi mon Dieu!" (cf. Ps 31,13-15).

1. Dans ce lieu de la mémoire, l'esprit, le coeur et l'âme ressentent un extrême besoin de silence. Un silence qui invite au souvenir. Un silence dans lequel chercher à donner un sens aux souvenirs qui reviennent de façon impétueuse. Un silence car il n'existe pas de paroles assez fortes pour déplorer la tragédie terrible de la Shoah. J'ai moi-même des souvenirs personnels de tout ce qui se produisit lorsque les Nazis occupèrent la Pologne au cours de la guerre. Je me rappelle de mes amis et mes voisins juifs, dont certains sont morts, alors que d'autres ont survécu.

Je suis venu à Yad Vashem pour rendre hommage aux millions de Juifs qui, privés de tout, en particulier de leur dignité humaine, furent tués au cours de l'Holocauste. Plus d'un demi-siècle s'est écoulé, mais les souvenirs demeurent.

Ici, comme à Auschwitz et dans de nombreux autres lieux en Europe, nous sommes écrasés par l'écho des gémissements déchirants de tant de personnes. Des hommes et des femmes nous expriment en criant de l'abîme l'horreur qu'ils ont connue. Comment pouvons-nous ne pas prêter attention à leur cri? Personne ne peut oublier ou ignorer ce qui se passa. Personne ne peut diminuer son importance.

2. Nous voulons nous souvenir. Cependant, nous voulons le rappeler dans un but, c'est-à-dire pour s'assurer que jamais plus le mal ne prévaudra, comme ce fut le cas pour des millions de victimes innocentes du nazisme.

Comment l'homme put-il éprouver un tel mépris pour l'homme? Parce qu'il était arrivé au point de mépriser Dieu. Seule une idéologie sans Dieu pouvait programmer et mener à bien l'extermination de tout un peuple.

L'hommage rendu aux "gentils justes" par l'Etat d'Israël à Yad Vashem pour avoir agi héroïquement afin de sauver des juifs, parfois en allant jusqu'à offrir leur propre vie, est la démonstration que, même à l'heure la plus sombre, toutes les lumières ne se sont pas éteintes. C'est pourquoi les Psaumes, et toute la Bible, bien qu'ils soient conscients de la capacité humaine d'accomplir le mal, proclament que ce ne sera pas le mal qui aura le dernier mot. Des abîmes de la souffrance et de la douleur, le coeur des croyants s'écrie: "Et moi, je m'assure en toi, Yahvé, je dis: C'est toi mon Dieu" (Ps 31,14).

3. Les juifs et les chrétiens partagent un immense patrimoine spirituel, qui découle de l'autorévélation de Dieu. Nos enseignements religieux et nos expériences spirituelles exigent de nous que nous vainquions le mal par le bien. Nous nous rappelons, mais sans aucun désir de vengeance, ni comme une incitation à la haine. Pour nous, nous souvenir signifie prier pour la paix et la justice et nous engager pour leur cause. Seul un monde en paix, où règne la justice pour tous, pourra éviter la répétition des horreurs et des terribles crimes du passé.

En tant qu'Evêque de Rome et Successeur de l'Apôtre Pierre, j'assure le peuple juif que l'Eglise catholique, motivée par la loi évangélique de la vérité et de l'amour et non par des considérations politiques, est profondément attristée par la haine, les actes de persécution et les manifestations d'antisémitisme exprimées contre les juifs par des chrétiens en tous temps et en tous lieux. L'Eglise refuse toute forme de racisme comme une négation de l'image du Créateur intrinsèque à tout être humain (cf. Gn 1,26).

4. En ce lieu de mémoire solennelle, je prie avec ferveur que notre douleur pour la tragédie qu'a souffert le peuple juif au XX siècle conduise à un nouveau rapport entre les chrétiens et les juifs. Construisons un avenir nouveau dans lequel il n'y ait plus de sentiments antijuifs parmi les chrétiens ou de sentiments anti-chrétiens parmi les juifs, mais plutôt le respect réciproque demandé à ceux qui adorent l'unique Créateur et Seigneur et qui considèrent Abraham comme notre Père commun dans la foi (cf. Nous nous souvenons: une réflexion sur la Shoah, V).

Le monde doit prêter attention à l'avertissement qui provient des victimes de l'Holocauste et du témoignage des survivants. Ici, à Yad Vashem, la mémoire est vivante et vit dans notre âme. Elle nous fait nous écrier: "J'entends les calomnies des gens, terreur de tous les côtés! [...] Et moi, je m'assure en toi, Yahvé, je dis: C'est toi mon Dieu" (Ps 31,13-15).



RENCONTRE INTERRELIGIEUSE DANS L'AUDITORIUM DE L'INSTITUT PONTIFICAL NOTRE-DAME DE JÉRUSALEM

Jeudi, 23 mars 2000


  Illustres représentants juifs, chrétiens et musulmans,

1. En cette année au cours de laquelle nous célébrons le deux-millième anniversaire de la naissance de Jésus-Christ, je suis véritablement heureux d'avoir pu exaucer mon profond désir d'accomplir un voyage dans les lieux de l'histoire du salut. Je suis profondément ému de suivre les traces des innombrables pèlerins qui, avant moi, ont prié dans les lieux saints liés aux interventions de Dieu. Je suis pleinement conscient du fait que cette terre est sainte pour les juifs, les chrétiens et pour les musulmans. C'est pourquoi ma visite n'aurait pas été complète sans cette rencontre avec vous, illustres chefs religieux. Merci du soutien que votre présence offre ici, ce soir, à l'espérance et à la conviction de tant de personnes d'entrer dans une nouvelle ère de dialogue interreligieux. Nous sommes conscients qu'il est nécessaire et urgent d'établir des liens plus étroits entre tous les croyants pour garantir un monde plus juste et plus pacifique.

Pour nous tous, Jérusalem, comme l'indique son nom, est la "Cité de la Paix". Sans doute, aucun autre lieu dans le monde ne transmet le sentiment de transcendance et d'élection divine que nous ressentons dans ses pierres, dans ses monuments, et dans le témoignage des trois religions qui vivent les unes aux côtés des autres au sein de ses murs. Dans cette coexistence, tout n'a pas été et ne sera pas facile. Toutefois, nous devons trouver dans nos traditions religieuses respectives la sagesse et la motivation supérieures pour garantir le triomphe de la compréhension réciproque et du respect cordial.

2. Nous sommes tous d'accord sur la conception que la religion doit être centrée de façon authentique sur Dieu et que nos premiers devoirs religieux consistent dans l'adoration, la louange et l'action de grâce. La sourate initiale du Coran affirme: "Louange à Dieu, Seigneur des mondes" (Coran I, 1). Dans les cantiques inspirés par la Bible, nous entendons l'appel universel: "Que tout ce qui respire loue Yahvé. Alleluia!" (Ps 150,6). Dans l'Evangile, nous lisons que, lorsque Jésus naquit, les anges chantèrent: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux" (Lc 2,14). Aujourd'hui, où de nombreuses personnes sont tentées de gérer leur vie sans référence à Dieu, l'appel à reconnaître le Créateur de l'univers et le Seigneur de l'histoire est essentiel pour garantir le bien-être des individus et le correct développement de la société.

3. Si elle est authentique, la dévotion à Dieu implique nécessairement l'attention envers les autres êtres humains. En tant que membres de l'unique famille humaine et fils bien-aimés de Dieu, nous avons des devoirs réciproques que, en tant que croyants, nous ne pouvons ignorer. L'un des premiers disciples de Jésus écrivit: "Si quelqu'un dit: "J'aime Dieu" et qu'il déteste son frère, c'est un menteur: celui qui n'aime pas son frère, qu'il voit, ne saurait aimer le Dieu qu'il ne voit pas" (1Jn 4,20). Aimer ses frères et ses soeurs implique un comportement de respect et de compassion, des gestes de solidarité, de coopération au service du bien commun. C'est pourquoi la préoccupation pour la justice et pour la paix n'est pas étrangère au domaine de la religion, mais en constitue un élément véritablement essentiel.

Du point de vue chrétien, il ne revient pas aux chefs religieux de proposer des formules techniques pour la solution des problèmes sociaux, économiques et politiques. Ils ont avant tout le devoir d'enseigner les vérités de foi et la juste conduite, d'aider les personnes, y compris celles qui ont des responsabilités dans la vie publique, à être conscientes de leurs devoirs et à les remplir. En tant que chefs religieux, nous aidons les personnes à mener une vie pleine, à harmoniser la dimension verticale de leur rapport avec Dieu et la dimension horizontale du service au prochain.

4. Toutes nos religions connaissent, sous une forme ou sous une autre, la Règle d'or: "Fais aux autres ce que tu voudrais que l'on te fasse".

Même si cette règle constitue une orientation précieuse, l'amour authentique pour le prochain va au-delà. Il se fonde sur la conviction que lorsque nous aimons notre prochain, nous montrons notre amour pour Dieu, et lorsque nous lui faisons du mal, nous offensons Dieu. Cela signifie que la religion est l'ennemi de l'exclusion et de la discrimination, de la haine et de la rivalité, de la violence et du conflit. La religion n'est pas et ne doit pas devenir un prétexte pour la violence, en particulier lorsque l'identité religieuse coïncide avec l'identité ethnique et culturelle. Religion et paix vont de pair! La croyance et la pratique religieuses ne peuvent pas être séparées de la défense de l'image de Dieu dans tout être humain.

En puisant aux richesses de nos traditions religieuses respectives, nous devons diffuser la conscience que les problèmes d'aujourd'hui ne se résoudront pas si nous n'apprenons pas à nous connaître et si nous restons isolés les uns des autres. Nous connaissons tous les incompréhensions et les conflits du passé et nous savons qu'ils pèsent encore fortement sur les relations entre juifs, chrétiens et musulmans. Nous devons faire tout notre possible pour transformer la conscience des offenses et des péchés du passé en une solide détermination à édifier un nouvel avenir dans lequel il n'existera que la coopération féconde et respectueuse entre nous.

L'Eglise catholique désire poursuivre un dialogue interreligieux sincère et fécond avec les personnes de foi juive et les fidèles de l'islam. Ce dialogue n'est pas une tentative d'imposer aux autres notre vision. Il exige que nous tous, fidèles à ce que nous croyons, écoutions avec respect l'autre, cherchions à discerner ce qu'il y a de bon et de saint dans son enseignement et que nous coopérions en vue de soutenir tout ce qui promeut la paix et la compréhension réciproque.

5. Les enfants et les jeunes juifs, chrétiens et musulmans, présents ici, constituent un signe d'espérance et un encouragement pour nous tous. Les membres de chaque nouvelle génération sont un don divin au monde. Si nous leur transmettons tout ce qu'il y a de noble et de bon dans nos traditions, ils le feront fleurir dans une fraternité et une coopération plus intenses.

Si les diverses communautés religieuses dans la Ville Sainte et en Terre Sainte réussissent à vivre et à oeuvrer ensemble dans l'amitié et l'harmonie, elles apporteront d'immenses bénéfices non seulement à elles-mêmes, mais également à la cause de la paix dans cette région. Jérusalem sera véritablement une Ville de Paix pour tous les peuples. Alors, nous répéterons les paroles du Prophète: "Venez, montons à la montagne de Yahvé, à la maison du Dieu de Jacob, qu'il nous enseigne ses voies et que nous suivions ses sentiers" (Is 2,3).

Nous engager à nouveau dans ce devoir et le faire dans la Ville Sainte de Jérusalem signifie demander à Dieu de veiller sur nos efforts et de les mener à bien. Que le Tout-Puissant bénisse avec abondance nos efforts communs!



  SALUT AUX JEUNES DU MONDE ENTIER RASSEMBLÉS AU MONT DES BÉATITUDES

Vendredi, 24 mars 2000


Au terme de cette joyeuse célébration eucharistique, je veux vous remercier, vous tous, chers jeunes qui êtes venus de près et de loin, comme disciples de Jésus, pour écouter sa parole.

En partant de ce Mont des Béatitudes, chacun de vous doit être un messager de l'Evangile des Béatitudes.

Je salue en particulier les jeunes néo-catéchumènes qui sont venus ici nombreux de toutes les parties du monde.

A tous, je dis: le Christ vous accompagne sur les routes du monde.

Que vous accompagne également Marie, qui, comme je le rappellerai demain à Nazareth, coopéra à travers son fiat au grand mystère de l'Incarnation dont l'Année jubilaire célèbre les deux mille ans.
Que Dieu vous bénisse!

Je salue chaleureusement les jeunes francophones présents à cette merveilleuse rencontre au cours de laquelle, sur ce Mont, nous avons pu entendre de manière renouvelée la Bonne Nouvelle des Béatitudes. Je vous attends à Rome pour les Journées mondiales de la Jeunesse.

Au terme des saluts aux pèlerins, le Pape Jean-Paul II a lancé un appel pour la paix en Ethiopie et en Erythrée:

En ces jours, je pense avec espoir aux initiatives prises par l'Organisation de l'Unité africaine pour rétablir la paix en Ethiopie et en Erythrée. Ces efforts ont atteint une étape très délicate. Il s'agit de trouver la voie qui conduira aux conditions nécessaires de bien-être et au progrès des peuples de toute la région, déjà gravement touchés par la famine. Prions afin que cette partie du monde oeuvre pour une solution juste.


RENCONTRE AVEC LES CONSULS GÉNÉRAUX

Samedi, 25 mars 2000

  Mesdames, Messieurs les Consuls généraux,

Je suis heureux d'avoir cette opportunité de vous rencontrer et de vous encourager dans la mission que vous accomplissez dans ce pays et sur cette terre uniques. Vous venez de pays divers et vous représentez des peuples et des systèmes politiques différents, mais vous êtes tous, sans exception, engagés à servir la même grande cause: la promotion de la paix et de la compréhension entre les peuples et les nations.

Dans ce domaine important, aucun résultat ou conquête - aussi petits puissent-ils sembler - ne manqueront d'avoir des effets positifs sur toute la famille humaine. Je vous encourage à apporter à votre travail toute l'énergie d'un idéal profondément ressenti: celui de la construction d'un monde qui repose de façon stable sur des fondements solides de paix, de justice et de respect des droits et de la dignité de l'homme. Puisse Dieu, qui est la source de notre paix, bénir abondamment chaque effort fourni pour assurer une ère de compréhension sincère et de collaboration entre les pays de la terre!

Que Dieu vous bénisse, ainsi que vos familles!



RENCONTRE OECUMÉNIQUE AU PATRIARCAT GREC-ORTHODOX DE JÉRUSALEM

Samedi, 25 mars 2000


  Très chers frères et soeurs dans le Christ,

1. Avec une profonde gratitude envers la Très Sainte Trinité, j'accomplis cette visite au Patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem, et je vous salue tous dans la grâce et dans la paix de notre Seigneur Jésus-Christ. Je remercie Sa Béatitude le Patriarche Diodoros de son hospitalité fraternelle et des paroles cordiales qu'il nous a adressées. Je salue Sa Béatitude le Patriarche Torkom, et tous les archevêques et les évêques des Eglises et des Communautés ecclésiales ici présentes. C'est une source de grande joie de savoir que les chefs des Communautés chrétiennes de la Ville Sainte de Jérusalem se rencontrent souvent pour aborder des questions d'intérêt commun pour les fidèles.

L'esprit fraternel qui prévaut parmi vous est un signe et un don aux chrétiens de la Terre Sainte alors qu'ils font face aux défis qui se présentent à eux.

Faut-il que je vous dise que je suis profondément encouragé par la rencontre de ce soir? Elle confirme que nous avons entamé le chemin pour mieux nous connaître les uns les autres, avec le désir de surmonter la méfiance et la rivalité héritées du passé. Ici, à Jérusalem, dans la ville où notre Seigneur Jésus-Christ mourut et ressuscita d'entre les morts, ses paroles retentissent avec un écho particulier, en particulier les paroles qu'il prononça la nuit avant de mourir: "Afin que tous soient un [...] qu'eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé" (Jn 17,21). C'est en réponse à la prière du Seigneur que nous nous trouvons ici aujourd'hui, tous disciples de l'unique Seigneur malgré nos douloureuses divisions, et tous conscients que sa volonté nous oblige, ainsi que les Eglises et les Communautés ecclésiales que nous représentons, à parcourir la voie de la réconciliation et de la paix.

Cette rencontre me rappelle la rencontre historique, ici à Jérusalem, entre mon prédécesseur le Pape Paul VI et le Patriarche oecuménique Athénagoras I. Ce fut un événement qui a jeté les bases d'une nouvelle ère de contacts entre nos Eglises. Au cours des années qui se sont écoulées, nous avons appris que la route vers l'unité est une voie difficile. Toutefois, cela ne doit pas nous décourager. Nous devons être patients et persévérants, et continuer à aller de l'avant sans vaciller.

L'accolade chaleureuse du Pape Paul VI et du Patriarche Athénagoras I apparaît comme un signe prophétique et une source d'inspiration, qui nous pousse vers de nouveaux efforts pour répondre à la volonté du Seigneur.

2. Notre aspiration à une communion plus pleine entre les chrétiens prend une signification spéciale sur la Terre de la Naissance du Sauveur et dans la Ville Sainte de Jérusalem. Ici, en présence des diverses Eglises et Communautés, je désire réaffirmer que le caractère ecclésial d'universalité respecte pleinement la diversité légitime. La variété et la beauté de vos rites liturgiques, et de vos traditions et institutions spirituelles, théologiques et canoniques, témoignent de la richesse de l'héritage divinement révélé et indivis de l'Eglise universelle, tel qu'il s'est développé au cours des siècles en Orient et en Occident. Il existe une diversité légitime qui n'est en aucune façon contraire à l'unité du Corps du Christ, mais qui renforce plutôt la splendeur de l'Eglise et qui contribue énormément à l'accomplissement de sa mission (cf. Ut unum sint UUS 50). Aucune de ces richesses ne doit être perdue dans l'unité plus pleine à laquelle nous aspirons.

3. En cette année du grand Jubilé, et au cours de la récente Semaine de Prière pour l'Unité des Chrétiens, beaucoup d'entre vous se sont unis en prière pour une plus grande compréhension et coopération entre tous les disciples du Christ. Vous l'avez fait en ayant conscience que tous les disciples du Seigneur ont pour mission commune de servir l'Evangile en Terre Sainte. Plus nous serons unis en prière, en prière autour du Christ, plus nous deviendrons courageux pour affronter la douloureuse réalité humaine de nos divisions. Le pèlerinage de l'Eglise à travers ce nouveau siècle et le nouveau millénaire est le chemin tracé pour elle par sa vocation intrinsèque à l'unité. Nous demandons au Seigneur d'inspirer un nouvel esprit d'harmonie et de solidarité entre les Eglises pour affronter les difficultés pratiques qui tenaillent la Communauté chrétienne à Jérusalem et en Terre Sainte.

4. La coopération fraternelle entre les chrétiens dans cette Ville Sainte n'est pas une simple option; elle possède sa propre signification par le fait qu'elle communique l'amour que le Père a pour le monde en envoyant son Fils unique (cf. Jn 3,16). Ce n'est que dans un esprit de respect réciproque et de soutien que la présence chrétienne peut fleurir ici dans une communauté vivante, avec ses traditions, et confiante face aux défis sociaux, culturels et politiques d'une situation en évolution. Ce n'est que réconciliés, que les chrétiens peuvent jouer pleinement leur rôle en faisant de Jérusalem la Ville de la Paix pour tous les peuples. En Terre Sainte, où les chrétiens vivent aux côtés des disciples du judaïsme et de l'islam, où il y a presque chaque jour des tensions et des conflits, il est indispensable de dépasser l'impression scandaleuse suscitée par nos désaccords et nos controverses. Dans cette ville, il devrait surtout être possible pour les chrétiens, les juifs, et les musulmans de vivre ensemble dans la fraternité et dans la liberté, la dignité, la justice et la paix.

5. Chers frères dans le Christ, mon intention a été de conférer une dimension clairement oecuménique à la célébration de l'Eglise catholique de l'Année jubilaire 2000. L'ouverture de la Porte Sainte dans la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, au cours de laquelle de nombreuses Eglises et Communautés ecclésiales étaient représentées, a symbolisé notre passage ensemble de la "porte" qui est le Christ: "Je suis la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé" (Jn 10,9).

Notre chemin oecuménique est précisément celui-ci: un chemin dans le Christ et à travers le Christ Sauveur, vers la fidèle réalisation du dessein du Père. Avec la grâce de Dieu, le bimillénaire de l'Incarnation du Verbe sera "un temps favorable", une année de grâce pour le mouvement oecuménique. Dans l'esprit des Jubilés de l'ancien Testament, cela représente pour nous un temps providentiel pour nous adresser au Seigneur et pour demander pardon pour les blessures que les membres de nos Eglises se sont infligées au cours des siècles. C'est le temps pour demander à l'Esprit de Vérité d'aider nos Eglises et communautés à s'engager dans un dialogue théologique toujours plus fécond, qui nous rendra capable de croître dans la connaissance de la vérité et de parvenir à la plénitude de la communion dans le Corps du Christ. A partir de l'échange d'idées, notre dialogue deviendra ensuite un échange de dons: un partage plus authentique de l'amour que l'Esprit déverse sans cesse dans nos coeurs.

Sa Béatitude nous a rappelé la prière du Christ à la veille de sa Passion et de sa Mort. Cette prière est sa dernière volonté et son testament, et elle pose un défi à chacun de nous. Quelle sera notre réponse? Chers frères dans le Christ, avec le coeur plein d'espérance et une confiance inébranlable, faisons du troisième millénaire chrétien le millénaire de notre joie retrouvée dans l'unité et dans la paix du Père, du Fils et de l'Esprit Saint. Amen.



VISITE AU GRAND MUFTI DE JÉRUSALEM

Dimanche, 26 mars 2000


Discours 2000 - À L'OCCASION DE LA VISITE AU CAMP DE RÉFUGIÉS DE DEHEISHEH DANS LES TERRITOIRES AUTONOMES PALESTINIENS