Discours 2000 - Jeudi 25 mai 2000


AUX MEMBRES DE L'UNION INTERNATIONALE DES INSTITUTS D'ARCHÉOLOGIE, D'HISTOIRE ET D'HISTOIRE DE L'ART À ROME

26 mai 2000



Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous accueillir, vous qui êtes membres de l’Union internationale des Instituts d’Archéologie, d’Histoire et d’Histoire de l’Art à Rome. Je salue tout particulièrement votre Président, le Professeur Krysztof ZABOKLICKI.

La mission qui a été assignée à votre union internationale par ses fondateurs est de servir l’histoire et l’art par la mise en valeur des nombreux témoignages que Rome possède de la civilisation occidentale, de la culture chrétienne et de la vie de l’Église. C’est un patrimoine précieux qui s’est formé au cours des siècles écoulés. Attentifs à conserver, à étudier et à transmettre cet héritage légué par les peuples, vous êtes comme les intendants d’un trésor inestimable d’où il faut, tel le scribe de l’Évangile, tirer sans cesse du neuf et de l’ancien, en passant par des tâches laborieuses et cachées.

Vous n’avez pas hésité à mettre à la disposition des chercheurs et des étudiants une banque de données bibliographiques, constituée sous l’égide de l’Union romaine des Bibliothèques scientifiques, en relation avec la Bibliothèque Apostolique Vaticane. Je me réjouis de ce remarquable outil de travail, ainsi que des bourses que vous offrez à des jeunes chercheurs et des coopérations internationales que vous développez; tout cela crée des liens qui dépassent les frontières, les cultures et les générations; c’est aussi un vecteur de l’évangélisation et de la paix. L’Église reconnaît le rôle irremplaçable des biens culturels pour la promotion d’un authentique humanisme et d’une paix durable entre les nations. “Par l’universalité de la culture, les peuples, loin de se faire concurrence et de s’opposer entre eux, prendront goût à se compléter mutuellement, chacun apportant ses dons et chacun bénéficiant des dons de tous les autres” (cf. Pie XII, Allocution au Comité International pour l’unité et l’universalité de la Culture, 14 novembre 1951). Je vous encourage donc à être les inlassables protagonistes d’une solidarité internationale, qui invite à croire que la fraternité humaine est possible dans une même recherche du vrai et du beau.

La diffusion de la culture artistique et historique dans toutes les couches de la société donne aux hommes de notre temps les moyens de retrouver leurs racines et d’y puiser les éléments culturels et spirituels pour édifier leur vie personnelle et communautaire. L’Apôtre Paul lui-même, devant l’Aréopage d’Athènes, ne faisait-il pas découvrir à ses auditeurs que l’art manifeste une recherche spirituelle qui pousse l’homme à aller au-delà de la réalité matérielle (cf. Ac 17,19-31) ? Tout homme, toute société, a besoin d’une culture qui ouvre à une saine démarche anthropologique, à la vie morale et spirituelle. En effet, comme le disait opportunément le théologien Hans Urs von Balthasar, il y a une relation entre l’esthétique et l’éthique (cf. La gloire et la Croix, Introduction). L’art invite à développer la beauté de l’existence, en en vivant pleinement les exigences morales, et à aller inlassablement à la recherche de la vérité.

Dans sa dimension de gratuité, l’art permet de penser que l’on ne peut réduire l’homme et la société à l’efficacité à tout prix. Les biens culturels ont précisément cette fonction d’ouvrir l’homme au sens du mystère et à la révélation de l’absolu, car ils sont porteurs d’un message. Pour sa part, l’art religieux annonce à sa manière le divin et dispose l’âme à la contemplation des mystères chrétiens, faisant comprendre par l’expression symbolique ce que des mots ont beaucoup de difficultés à exprimer, et invitant à la prière trinitaire et au culte des saints.

Je vous remercie de toute l’oeuvre accomplie par votre union internationale et, en vous confiant à l’intercession de la Théotokos, dont le mystère a inspiré de nombreux artistes, je vous accorde de grand coeur, en gage de mon estime, une particulière bénédiction apostolique, que j’étends volontiers à vos familles et à tous les membres de vos différentes institutions.



DISCOURS DU SAINT PÈRE À L'AMBASSADEUR DE GRÈCE PRÈS LE SAINT SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Vendredi 26 mai 2000


Monsieur l'Ambassadeur,

C'est avec un grand plaisir que je vous accueille au Vatican au début de votre mission en tant qu'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République hellénique près le Saint-Siège. En acceptant vos Lettres de Créance, je désire remercier S.E. le Président Constantinos Stephanopoulos ainsi que les membres du gouvernement pour les salutations et les aimables paroles d'estime que vous me transmettez de leur part.

Excellence, je suis heureux de noter votre détermination à promouvoir nos relations bilatérales dans un esprit de compréhension et de respect mutuels. Je vous assure que le Saint-Siège est engagé de la même façon dans ses efforts vers ce même but. Je suis également reconnaissant pour vos paroles d'appréciation à l'égard de l'activité diplomatique du Saint-Siège, à travers laquelle celui-ci s'efforce de rendre un service particulier à la famille humaine. Il s'agit d'un service motivé non pas par des intérêts nationaux, ni par des objectifs uniquement institutionnels ou religieux, mais par une préoccupation bienveillante pour le bien commun de tous les peuples et nations. De nos jours, la diplomatie doit également faire face aux défis représentés par la globalisation dans le but de surmonter les menaces à la paix et au développement, comme la pauvreté d'innombrables êtres humains, les inégalités sociales, les tensions ethniques, la pollution de l'environnement, et le respect pour les droits humains et la liberté politique. Telles sont les menaces primordiales à la stabilité et les questions que la diplomatie doit affronter.

Les efforts en vue de répondre à ces questions seront vains s'ils ne sont pas fondés sur un critère objectif de responsabilité morale. L'effort en vue d'établir une Cour internationale de justice qui jugerait les crimes contre l'humanité exprime l'exigence d'un tel critère dans l'opinion publique internationale. Cependant, de façon ironique, la demande d'un critère objectif de responsabilité morale va dans de nombreux cas de pair avec l'expansion d'une approche relativiste de la vérité, qui nie de façon effective tout critère objectif de bien et de mal. La racine de ce dilemme, avec les graves conséquences qu'il comporte pour la vie de la société, est la tendance à exalter l'autonomie individuelle au détriment des liens qui nous unissent et nous rendent responsables les uns des autres.

La société a besoin d'une vision cohérente qui inclut la dignité et les droits inaliénables de chaque individu, en particulier des plus faibles et des plus vulnérables, et une claire conscience des valeurs et des relations fondamentales qui constituent en dernière analyse le bien commun (cf. Centesimus annus CA 47). C'est cette vision que le Saint-Siège tente de promouvoir à travers son activité diplomatique.

Au sein de l'Europe, une telle vision est particulièrement importante au moment où nous assistons à un nouvel élan vers l'unité à divers niveaux. Cependant, l'élan vers l'unité économique et politique ne réussira pas sans ce que vous-même avez appelé l'édification spirituelle de l'Europe. Seule une union fondée sur les valeurs morales et spirituelles sera digne des traditions et des réalisations les plus profondes de l'Europe, auxquels votre pays a tant contribué. La culture helléniste que le christianisme a rencontrée au cours des premiers siècles s'est avérée être un sol riche dans lequel la semence de l'Evangile s'est enracinée et a fleuri de façons qui ont élevé l'esprit humain à des niveaux élevés de pensée et d'action. La culture grecque a représenté un élément vital dans la formation de la société européenne jusqu'à nos jours, et aujourd'hui, la Grèce a un rôle vital à jouer dans le processus d'intégration qui a lieu actuellement en Europe.

Au début du nouveau millénaire, il n'est pas suffisant de regarder en arrière sur les réalisations passées. Il reste encore beaucoup à faire. Si l'Europe veut être fidèle à ses traditions et à ses aspirations les plus hautes, si l'on veut cette nouvelle unité désirée par tant de personnes, alors l'Europe doit puiser à nouveaux aux sources nouvelles de l'humanisme qui a donné naissance à ces traditions et ces aspirations. Il s'agit d'un humanisme qui découle de la vérité sur la personne humaine créée à l'image de Dieu et possédant donc une dignité inviolable et des droits inaliénables, comprenant le droit fondamental à la liberté religieuse. De cette vision de la personne humaine jaillit ce véritable et noble concept de la société humaine qui reconnaît que nous sommes responsables les uns des autres, et qui exige donc une éthique de la solidarité. C'est pourquoi il devient particulièrement urgent d'édifier une éthique de la solidarité et de la culture du dialogue toujours plus profondément enracinée, car seules celles-ci constituent le chemin vers un avenir pacifique.

Monsieur l'Ambassadeur, tandis que vous vous apprêtez à faire partie de la communauté des diplomates accrédités près le Saint-Siège, je vous assure que les différents bureaux de la Curie romaine feront tout leur possible pour vous assister dans l'accomplissement de vos fonctions.

Puisse votre mission servir à renforcer les liens de compréhension et d'amitié entre la Grèce et le Saint-Siège et puissent ces liens contribuer puissamment au bien-être de votre nation. Sur vous, sur votre famille et sur le peuple de la République hellénique, j'invoque une abondance de Bénédictions de Dieu tout-puissant.

   


MESSAGE DU SAINT PÈRE AUX MEMBRES DU CONSEIL GÉNÉRAL DES MISSIONNAIRES DE SAINT FRANÇOIS DE SALES

Samedi 27 mai 2000


  Aux missionnaires de Saint-François de Sales

Je vous salue cordialement à l'occasion de la réunion du Chapitre général de votre Congrégation à Rome. Je souhaite une particulière bienvenue au Supérieur général, le Père Emile Mayoraz, aux membres du Conseil, aux Provinciaux et aux représentants des neuf provinces de la Congrégation. Je m'unis à vous dans votre action de grâce à Dieu pour les nombreuses grâces qu'il a accordées à l'Eglise à travers l'oeuvre généreuse et dévouée de vos membres, depuis la fondation de la Congrégation par le Père Pierre-Marie Mermier en 1838.

La décision du Père Mermier de fonder les Missionnaires de Saint-François de Sales fut suscitée par les besoins spirituels de la société française à son époque. A la suite des bouleversements des premières années du XIXème siècle, le déclin des connaissances et de la pratique religieuse qui s'ensuivit exigea une approche missionnaire déterminée, pour réveiller les personnes de leur apathie et les exhorter à se convertir. Inspiré par la simplicité, la bienveillance et la confiance de saint François de Sales, le Père Mermier imita sa ferveur évangélique et rassembla rapidement autour de lui un groupe de prêtres engagés dans la prière, l'étude et le travail missionnaire dans l'esprit du saint Evêque de Genève.

Aujourd'hui, ce même esprit continue d'inspirer votre Congrégation, qui est présente dans de nombreuses parties du monde et continue de croître et d'accomplir des progrès. Guidés par la profonde spiritualité et la créativité évangélique de votre Fondateur, vous considérez saint François de Sales comme votre patron céleste et vous vous efforcez de mettre en pratique son enseignement et son exemple dans votre apostolat.

Le Chapitre général s'est réuni pour réfléchir sur votre engagement missionnaire, vos activités éducatrices, et votre apostolat social, ainsi que pour renouveler votre dévouement à l'oeuvre d'évangélisation. Je suis certain qu'il s'agira d'une occasion pour chacun de vous de vous renforcer dans la charité, pour imiter l'obéissance de votre Fondateur à la volonté de Dieu et "refléter son amour de Dieu et de son prochain, son zèle apostolique, son humilité et sa simplicité, sa joie et son optimisme, son attitude d'accueil et sa sympathie pour tout ce qui est humain" (Constitution, n. 13).

Le Chapitre a lieu en une année particulière de grâce, alors que toute l'Eglise célèbre le grand Jubilé, et que toute la communauté chrétienne est appelée à "élargir son regard de foi vers des horizons nouveaux pour l'annonce du Règne de Dieu" (Bulle d'Indiction Incarnationis mysterium, n. 2). Aujourd'hui plus que jamais, les personnes ont besoin d'entendre le message de salut que notre Seigneur Jésus-Christ a transmis "quand vint la plénitude des temps" (Ga 4,4) et d'accueillir dans leur vie la miséricorde de Dieu qui fait de nous ses enfants adoptifs et guérit les blessures de nos coeurs. Tous les disciples du Christ devraient avoir un sens profond du besoin de transmettre aux autres la lumière et la joie de la foi. En tant que missionnaires, vous devriez vous sentir particulièrement renforcés par la conscience que vous apportez au monde la véritable Lumière des nations, Christ, le Sauveur, dans lequel toute l'humanité "peut trouver, dans une plénitude insoupçonnable, tout ce qu'elle cherche à tâtons au sujet de Dieu, de l'homme et de son destin, de la vie et de la mort, de la vérité" (Pape Paul VI, Evangelii nuntiandi EN 53). La prédication de l'Evangile ad Gentes, à laquelle vous êtes profondément engagés, est essentielle pour la mission de l'Eglise de "manifester et communiquer la charité de Dieu à tous les hommes et à toutes les nations" (ad gentes AGD 10). Avec la confiance qui jaillit de la foi, je vous encourage à intensifier vos efforts dans cette tâche, certains que l'Esprit Saint, qui dirige la mission de l'Eglise et ouvre l'esprit et le coeur des hommes au Christ, vous accompagne.

Dans la fidélité à l'esprit de saint François de Sales et au charisme de votre Fondateur, je vous invite à être attentifs aux nouveaux défis de notre temps et à être créatifs dans votre réponse aux nouveaux besoins missionnaires. Votre oeuvre d'évangélisation sera efficace si vous vous engagez à une intense vie de prière, et si vous êtes toujours disposés à vous placer sous la direction et à recevoir la force de l'Esprit Saint.

La confiance dans la Providence Divine, qui est toujours à l'oeuvre dans le monde, vous aidera à répondre aux défis qui vous attendent, et fera que votre contribution à l'édification du Royaume portera des fruits dans vos diverses activités: missions et retraites, éducation des jeunes, formation des séminaristes et apostolat social. Dans le domaine de l'éducation, vous devez apporter un témoignage radical des valeurs de l'Evangile, et éduquer les jeunes aux concepts d'engagement généreux et de sainteté.

Que vos étudiants, comme saint Jean Bosco l'a exprimé de façon si mémorable: "ne soient pas seulement aimés, mais qu'ils sachent qu'ils sont aimés!" (cf. Vita consecrata VC 96). En servant les pauvres, vous devez être simples et austères dans votre mode de vie, et vous devez les aimer de façon dévouée et généreuse, comme le fit le Christ. Je prie pour que le Seigneur continue de bénir l'oeuvre de votre Congrégation et inspire de nombreux jeunes à se consacrer joyeusement et généreusement à son service en tant que missionnaires de saint François de Sales.

Dans la joie de ce temps pascal, je vous confie à la protection de Marie, Mère du Rédempteur, ainsi qu'à l'intercession de saint François de Sales. Je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique à tous les membres de la Congrégation, à vos bienfaiteurs ainsi qu'à tous ceux que vous servez.

Du Vatican, le 27 mai 2000




  MESSAGE POUR LE 150 ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DE LA FONDATRICE DES MISSIONNAIRES DU SACRÉ-COEUR DE JESUS


  A la Révérende Mère
Lina COLOMBINI
Supérieure générale
des Missionnaires du Sacré-Coeur

1. Je m'unis avec joie à l'action de grâce que cette Congrégation des Missionnaires du Sacré-Coeur élève au Seigneur à l'occasion du 150 anniversaire de la naissance de sa fondatrice, Mère Francesca Saverio Cabrini, et des 50 ans de sa proclamation comme patronne des émigrants. Il s'agit d'heureux événements qui enrichissent le chemin jubilaire de votre Institut et qui constituent une opportunité particulière pour redécouvrir, avec zèle et amour créatif, votre charisme face aux défis toujours nouveaux, qui proviennent du monde de la mobilité humaine.

En cette circonstance, je désire tout d'abord me faire le porte-parole de la gratitude des pauvres et des indigents, qui en vous, chères Missionnaires du Sacré-Coeur, ressentent la tendresse de Dieu. Avec eux, je voudrais exprimer ma satisfaction et ma reconnaissance pour le grand bien que vous accomplissez inlassablement, en suivant les pas de votre sainte Fondatrice.

2. Née et baptisée le 15 juillet 1850 à Sant'Angelo Lodigiano, dans une famille riche de foi et de piété, Francesca Cabrini commença très tôt le chemin de disciple du Seigneur, qui devait la conduire, à travers des sentiers mystérieux et imprévisibles, vers les sommets de la sainteté.

Le tournant décisif de sa vie fut son entrée dans la «Maison de la Providence» de Codogno, où les tribulations et les difficultés consolidèrent dans son coeur l'ardeur missionnaire et l'intention de se consacrer totalement au Seigneur. C'est là qu'elle reçut l'habit religieux et que plus tard, tout en conservant le nom de Francesca, elle voulut ajouter le nom de Saverio, en mémoire du grand missionnaire jésuite, Patron des missions. Grâce à l'encouragement et au soutien de l'Evêque de Lodi, Mgr Domenico Maria Gelmini, Soeur Francesca Saverio s'en alla avec sept consoeurs de la «Maison de la Providence» pour fonder, dans un ancien couvent franciscain de la ville, votre Institut, alors appelé «Institut des Salésiennes missionnaires du Sacré-Coeur», qui obtint l'approbation diocésaine en 1881.

La Mère Cabrini demandait aux religieuses l'obéissance évangélique, l'ascèse, le renoncement, l'ouverture du coeur, le silence intérieur, en tant que vertus nécessaires pour conformer son existence au Christ et pour cultiver et vivre l'aspiration missionnaire. Une floraison surprenante de vocations eut lieu, ainsi qu'un rapide développement de l'Institut en Lombardie et également au-delà des frontières de la région, avec l'ouverture des premières maisons à Rome et l'approbation pontificale des «Missionnaires du Sacré-Coeur de Jésus», le 12 mars 1888, à peine huit ans après la fondation de l'Institut.

Les paroles «Non en Orient, mais en Occident» adressées par le Pape Léon XIII à la fondatrice, qui désirait partir en Chine, sont célèbres; des paroles qui donnèrent une nouvelle impulsion et une nouvelle direction à son zèle missionnaire. L'invitation du Vicaire du Christ l'orientait vers les foules des immigrants qui, à la fin du XIX siècle, franchissaient en grand nombre l'Océan vers les Etats-Unis d'Amérique, souvent dans des conditions d'extrême indigence.

3. A partir de cet instant, l'inlassable activité apostolique de la Mère Cabrini fut toujours animée par le désir d'apporter le salut à tous et rapidement. «Le Coeur de Jésus — avait-elle l'habitude de répéter — est si rapide à faire les choses que je ne réussis pas à le suivre». Avec un groupe de soeurs elle partit pour New York, le premier de ses nombreux voyages qui l'auraient ensuite vu atteindre, messagère d'espérance, des objectifs toujours nouveaux au cours de son infatigable apostolat: le Nicaragua, le Brésil, l'Argentine, outre la France, l'Espagne et l'Angleterre.

Armée d'une singulière audace, elle créa à partir de rien des écoles, des hôpitaux, des orphelinats pour les foules de déshérités qui s'étaient aventurés dans le nouveau monde à la recherche de travail, privés de la connaissance de la langue et des moyens en mesure de leur permettre une insertion digne dans la société américaine, et souvent victimes de personnes sans scrupules. Son coeur maternel, qui ne se mettait jamais au repos, les rejoignait partout: dans les taudis, dans les prisons, dans les mines. Mère Cabrini, qui n'était en rien intimidée par la fatigue et les distances, allait de New York au New Jersey, de la Pennsylvanie à l'Illinois, de la Californie à la Louisiane et au Colorado. Aujourd'hui encore aux Etats-Unis, où elle continue à être appelée familièrement «Mère Cabrini», la dévotion envers celle qui, bien qu'elle aimât sa patrie d'origine, voulut prendre la nationalité américaine, est encore vive.

Elle fut béatifiée par le Pape Pie XI en 1938, à peine 21 ans après sa mort qui eut lieu à Chicago le 22 décembre 1917, et elle fut canonisée en 1946 par le Pape Pie XII. Celui-ci, au cours de l'Année Sainte de 1950, voulut proclamer Patronne des immigrants cette petite femme qui, en défendant la dignité de ceux qui étaient obligés de vivre loin de leur patrie, était devenue une constructrice de paix indomptable.

4. Révérende Mère, ces fêtes jubilaires, que votre Famille célèbre au cours de l'Année Sainte 2000, vous incitent à considérer avec une intensité renouvelée les motivations profondes qui ont rendu sainte Francesca Saverio Cabrini une courageuse missionnaire du Christ et qui ont soutenu son oeuvre inlassable et prophétique en faveur des plus pauvres.

Son activité extraordinaire — vous le savez — tirait sa force de la prière et, surtout, des longues stations au pied du Tabernacle. Le Christ était tout pour elle. Son souci constant était d'en lire la volonté dans les dispositions du Magistère de l'Eglise et dans les événements de la vie même.

Chères soeurs, que la recherche de la volonté de l'Epoux divin soit également pour vous le centre de votre existence. A l'école du Coeur de Jésus, il vous sera possible d'apprendre à entendre le cri des pauvres pour donner des réponses appropriées à leurs problèmes matériels et spirituels. Telle est la tâche que la Mère vous confie au début d'un nouveau millénaire riche d'attentes et d'espérances, mais également marqué par des blessures qui ensanglantent le corps vivant de l'humanité, en particulier dans les pays les plus pauvres du monde.

Les récents chapitres généraux vous ont rappelé à la spiritualité de l'Incarnation, comme expression de l'amour de Jésus pour l'humanité. En outre, au cours de ces années vous avez effectué des choix en faveur des pauvres et des personnes sans défense, qui vous ont conduit à en partager les conditions difficiles dans les favelas et dans les zones rurales du Nord Est du Brésil. Vous avez également pris soin des enfants de la rue et vous avez oeuvré pour promouvoir la dignité de la femme.

Les flux migratoires complexes actuels, dont les destinations d'autrefois ont en partie changé, vous ont poussés à incarner avec créativité et générosité l'esprit de la Mère Cabrini dans les situations modernes et nouvelles que connaissent les migrants. Vous avez ainsi accueilli dans vos maisons les familles des émigrants, et inséré leurs enfants dans les écoles. Vous vous êtes rendues activement présentes dans de nombreux centres d'accueil où souvent, dans les histoires et sur les visages d'aujourd'hui, semblent se répéter les problèmes et les besoins de l'époque de la sainte fondatrice: l'obtention du permis de séjour, l'enseignement de la langue, l'insertion dans la société, l'aide aux immigrés clandestins dans les centres de détention.

5. Cette ferveur apostolique, ouverte à une coopération toujours plus vaste avec les laïcs, requiert de la part de chacune d'entre vous, missionnaires du Sacré-Coeur, une solide conscience de la vocation spécifique de l'Institut et un effort constant pour la protection et la promotion de chaque être humain. Efforcez-vous de servir le Seigneur dans des communautés fraternelles et accueillantes, pour pouvoir témoigner aux autres des valeurs évangéliques qui doivent vous distinguer. Vous serez alors de sages éducatrices des laïcs qui entendent partager votre charisme et vous effectuerez avec eux une collaboration inspirée de l'Evangile et des idéaux de sacrifice, d'attention fraternelle et de dialogue qui émanent du message évangélique.

Je prie le Seigneur afin que, grâce à votre exemple, de nombreux jeunes soient attirés par l'idéal missionnaire de la Mère Cabrini, plus que jamais actuel également à notre époque. Que la célébration de l'Année Sainte 2000 et les anniversaires providentiels que vous commémorez constituent des occasions propices pour accroître chez chaque membre de l'Institut la fidélité et l'amour envers le Sacré-Coeur de Jésus. Que chacune de vous puisse souvent répéter, au cours de sa propre existence, ces paroles de l'Apôtre, si chères à la fondatrice: «Omnia possum in eo qui me confortat — je peux tout dans le Christ qui me donne la force» (Ph 4,13).

Que la Sainte Vierge, à laquelle la Mère Cabrini vouait une grande dévotion, vous protège et intercède pour chacune d'entre vous. Que du ciel veillent sur vous Francesca Saverio et les saints et les saintes qui sont vos Patrons. Je vous accompagne de mon affection et je vous donne de tout coeur, Révérende Mère générale, ainsi qu'à vos consoeurs, aux collaborateurs laïcs, à leurs familles et à ceux qui sont l'objet de vos soins aimants, une Bénédiction apostolique spéciale.

Du Vatican, le 31 mai 2000

         


CÉLÉBRATION MARIALE POUR LA CONCLUSION DU MOIS DE MARIE AU VATICAN

Mercredi 31 mai 2000, Visitation de Marie à Sainte Elisabeth



Très chers frères et soeurs!

1. Ce moment de foi et d'hommage pieux à Marie, qui conclut le mois de mai, mois marial, est toujours suggestif. Vous avez récité le Rosaire en marchant vers cette Grotte de Lourdes, qui se trouve au centre des Jardins du Vatican. Ici, devant l'image de la Vierge Immaculée, vous avez déposé entre ses mains vos intentions de prière, en méditant sur le mystère qui est célébré aujourd'hui: la Visitation de Marie à sainte Elisabeth.

Dans cet événement, raconté par l'évangéliste Luc, transparaît une "visitation" plus profonde: celle de Dieu à son peuple, saluée par l'exultation du petit Jean - le plus grand parmi les enfants nés d'une femme (Mt 11,11) - dès le sein de sa mère. Le mois marial se conclut ainsi sous le signe du bonheur - second mystère "joyeux" - c'est-à-dire sous le signe de la joie, de la jubilation.

"Magnificat anima mea Dominum / et exultavit spiritus meus in Deo salutari meo" (Lc 1,46-47). C'est ainsi que chante la Vierge de Nazareth, qui contemple le triomphe de la miséricorde divine. En elle se manifeste une exultation intime pour les desseins de Dieu, qui privilégie les humbles et les petits et les comble de ses biens. Telle est la joie dans l'Esprit Saint, qui fera exulter le coeur même du Rédempteur, qui est ému car il plaît au Père de révéler aux petits les mystères du Royaume des cieux.


2. "Magnificat anima mea Dominum"! Ainsi chantons-nous ce soir nous aussi, l'âme remplie de gratitude envers Dieu. Nous lui rendons grâce car, au cours du mois de mai du grand Jubilé, il nous a donné l'occasion de faire l'expérience avec une intensité particulière de la présence de la Mère du Rédempteur, une présence assidue et riche de prière, comme dans la première Communauté de Jérusalem. Puisse son cantique de louange devenir celui de chaque âme chrétienne pour le grand mystère de l'amour de Dieu, qui, dans le Christ, "a visité et racheté son peuple" (Lc 1,68)!

Tel est mon souhait, au terme du mois marial et en cette veille de l'Ascension de Jésus, qui nous invite à tourner le regard vers le Ciel, où il nous attend, assis à la droite du Père. En rentrant chez vous, emportez la joie de cette rencontre et gardez le regard de l'âme tourné vers Jésus, dans l'espérance de pouvoir être un jour avec Lui, unis dans la même gloire. Que la sollicitude maternelle Marie vous accompagne sur votre chemin!

Avec ces sentiments, je vous donne de tout coeur la Bénédiction apostolique à vous tous ici présents, ainsi qu'à vos proches.

 



                 Juin


MESSAGE DU SAINT-PÈRE À L'OCCASION DU 94° "KATHOLIKENTAG"


  A mon vénéré frère Ludwig AVERKAMP Archevêque d'Hambourg
Cher confrère!
Chères frères et soeurs!

1. "Le temps lui appartient". C'est autour de ce thème que vous vous êtes réunis à l'occasion du 94 "Deutschen Katholikentag" à Hambourg. De Rome, je salue tous ceux qui sont réunis à l'occasion de la célébration eucharistique au "Fischmarkt", dans l'antique ville hanséatique ainsi que tous ceux qui participent à cette célébration eucharistique à travers la radio ou la télévision. Que la paix du Ressuscité soit avec vous!

Je vous adresse un salut particulier, cher Mgr Averkamp. Vous vous êtes déclaré prêt à accueillir cette année le "Katholikentag" et à participer personnellement à son organisation.

Avec vous, je salue tous les évêques de l'Allemagne et de tant de pays de la terre, en particulier les Cardinaux présents et le Président de la Conférence épiscopale allemande Karl Lehmann.

2. "Le temps lui appartient". Je suis heureux que vous vouliez vous réunir autour du thème que j'ai indiqué pour l'année jubilaire: "Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et à jamais" (He 13,8).

Le logo que vous avez choisi est également adapté: vous avez choisi le symbole du sablier pour conférer au thème du "Katholikentag" une empreinte bien précise.

Nos ancêtres mesuraient le temps avec un sablier. Aujourd'hui, on utilise les montres digitales et à quartz. Leur avantage consiste dans le fait qu'elles peuvent mesurer le temps avec précision.

Toutefois, les montres modernes ne réussissent pas à transmettre un message que le sablier communique de façon très pertinente: le sablier passe du vase supérieur au vase inférieur.

L'écoulement du sable est comparable au destin du temps. Le temps passe, a une fin. Il s'écoule et se termine. Comme une réserve limitée d'années, qui nous est donnée.

3. Il y a quelques semaines, j'ai pu fêter mon 80e anniversaire. Je désire saisir cette occasion pour remercier des aimables paroles, des gestes d'encouragement et des signes d'estime que les catholiques, les chrétiens et les hommes de bonne volonté m'ont fait parvenir d'Allemagne. Les jours de fête qui ont été organisés pour moi ont été avant tout une occasion de rendre grâce à Dieu, le Créateur, car il m'a donné la vie. Dans le même temps, ils m'ont renforcé dans la conviction que Dieu est un dispensateur d'exception: en donnant la vie, il donne également le temps. Le temps qui est à notre disposition est un don que Dieu nous offre.

Ce que nous ferons de ce temps dépend de nous. L'homme peut gaspiller son temps ou le perdre. Il peut le gâcher ou le tuer. Toutefois, il existe également d'autres possibilités. Le temps nous est donné afin que nous puissions l'utiliser et le remplir. Le temps bien utilisé est si précieux que nous pouvons le donner ultérieurement, en faisant un grand cadeau. Si le proverbe dit: "Le temps, c'est de l'argent", le Christ répond: "Le temps ne peut s'acheter avec l'argent. Le temps vaut plus que l'or".

Chers frères et soeurs: je vous exhorte à donner généreusement votre temps! Donnez votre temps les uns aux autres: les Pasteurs à leurs paroisses et les paroisses à leurs Pasteurs, les époux à leurs épouses et réciproquement, les enfants à leurs parents, les jeunes aux personnes âgées, les personnes en bonne santé aux malades, les uns aux autres. Celui qui donne à l'autre son temps, lui donne la vie.

4. L'écoulement du temps a beaucoup à voir avec la foi. Dieu possède le temps. Il a réservé de son temps pour nous, les hommes. En entrant dans le temps à travers l'incarnation de son Fils, il est devenu notre contemporain. En Jésus-Christ, le temps s'est accompli. Il a trouvé son centre. Au cours du "Cronos" sonne l'heure du grand "Kairós": "Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l'adoption filiale" (Ga 4,4). Deux mille ans après cet événement, nous avons des raisons de nous réjouir. En cette année sainte s'impose la conviction que: "Jésus est le même hier, aujourd'hui et à jamais" (He 13,8). "L'Eglise respecte les mesures du temps: les heures, les jours, les années, les siècles". Elle fait "prendre conscience à chacun que chacune de ces période est empreinte de la présence de Dieu et de son action salvatrice" (Tertio millennio adveniente TMA 16). Le temps qu'Il remplit en nous est également le sien.

C'est précisément pour cela que l'Eglise doit accomplir un service qui la rende représentative des hommes de nos jours. L'Eglise a le devoir de veiller. Elle est chargée de rappeler inlassablement l'avènement du Seigneur et de réveiller les contemporains de l'apathie provoquée par la sécurité et la commodité. Je suis certain que les catholiques d'Allemagne demeureront fidèles à ce service de vigilance. Leur opinion est exigée sur divers thèmes: la protection de la vie humaine à toutes ses étapes, de la conception jusqu'à la mort naturelle, la défense des valeurs inaliénables du mariage et de la famille correspondant à l'ordre de la création, la garantie d'une culture du dimanche dans une société déterminée par des intérêts économiques, la disponibilité envers les étrangers présents dans votre pays, l'engagement pour l'image chrétienne de l'homme dans votre patrie réunifiée. Telles sont certaines des nombreuses questions auxquelles nous devons répondre.

A ce propos, je vous adresse une requête particulière: que l'unité soit pour vous un bien suprême!

Dans le cadre de vos initiatives, ne vous laissez diviser par aucun pouvoir terrestre! Si l'Eglise est le Peuple de Dieu en pèlerinage, alors, pour tous ceux qui appartiennent à ce peuple, il existe uniquement une voie à travers le temps, la voie de la réciprocité. Evêques, prêtres, religieux et laïcs, nous sommes tous Eglise. Ce n'est qu'ainsi que nous sommes forts. Jésus-Christ a institué une unique Eglise, édifiée sur le fondement des Apôtres et réunie autour de Pierre, la pierre (cf. Mt 16,18). Je prie afin que vous puissiez porter à terme ce que saint Paul a écrit aux Romains: "Que le Dieu de la constance et de la consolation vous accorde d'avoir les uns pour les autres la même aspiration à l'exemple du Christ Jésus, afin que d'un même coeur et d'une même bouche, vous glorifiez Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ" (Rm 15,5).

5. Le programme du "Katholikentag" est le miroir de la multiplicité et de la vitalité de l'Eglise dans votre pays. J'observe avec gratitude et estime l'image variée que ce miroir renvoie.

A côté des nombreuses célébrations eucharistiques et des manifestations à caractère spirituel, il existe également d'autres rencontres et tables rondes qui démontrent que l'Eglise en Allemagne est prête à recueillir les signes des temps et à les interpréter à la lumière de Dieu. Le "Katholikentag" veut être une sorte d'aréopage pour l'analyse et l'échange, pour le dialogue et l'action commune. En vue de cette entreprise spirituelle, à laquelle vous voulez conférer une empreinte oecuménique, j'invoque pour vous l'Esprit Saint qui est également l'esprit de la multiplicité.

6. Chers frères et soeurs!

J'évoque une fois de plus le sablier, qui recèle un autre message précieux. Le sable, qui passe du vase supérieur au vase inférieur, n'indique pas seulement le passage du temps. Le sable est également le messager de l'espérance chrétienne. En effet, il ne tombe pas dans le vide. Il est recueilli dans le vase inférieur. Les deux vases du sablier me rappellent les mains que Dieu nous tend. Nous pouvons nous abandonner entre ses mains. Celles-ci recueillent notre temps. Le temps repose entre les mains de Dieu. Chaque soir, nous prions au cours des complies: "Seigneur, je m'en remets à toi, je confie ma vie entre tes mains". Cette prière ne concerne pas seulement certaines personnes. Il s'agit d'une prière du soir qui peut réunir tous ceux qui, à la fin, remettent les fruits de leur activité et de leurs efforts quotidiens à Dieu, le Seigneur du temps.
"Seigneur, je m'en remets à toi, je confie ma vie entre tes mains".

Dieu bénit le temps de celui qui prie de cette façon. J'invoque comme guide Marie, qui a placé comme nulle autre sa vie entre les mains de Dieu. Qu'elle protège et guide l'Eglise qui est en Allemagne le long de son chemin à travers les temps. A vous tous, qui êtes réunis à Hambourg, je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 23 mai 2000

    


Discours 2000 - Jeudi 25 mai 2000