Discours 2000 - MESSAGE DU SAINT-PÈRE À L'OCCASION DU 94° "KATHOLIKENTAG"


JUBILÉ DES JOURNALISTES

Dimanche 4 juin 2000



Mesdames et Messieurs,
Chers frères et soeurs,

1. En cette année du grand Jubilé, l'Eglise célèbre l'événement de l'Incarnation, annoncée par l'Evangéliste Jean à travers ces paroles: "Le Verbe s'est fait chair et Il est venu habiter parmi nous" (Jn 1,14). Mystère véritablement profond, mystère de salut, qui trouve son sommet dans la mort et la résurrection du Christ.

Dans cet événement est contenu le destin du monde. C'est de lui, dans le don et dans la force de l'Esprit Saint, que jaillit la Rédemption pour les hommes de tout lieu et de tout temps. Dans la lumière de ce mystère, je vous salue avec affection, vous tous qui êtes réunis ici pour célébrer le Jubilé des journalistes.

Je salue en particulier Mgr John P. Foley, Président du Conseil pontifical pour les Communications sociales, et Mme Theresa Ee-Chooi, Présidente de l'Union catholique internationale de la Presse (UCIP) et je les remercie des aimables paroles à travers lesquelles ils ont voulu interpréter les sentiments de toutes les personnes présentes.

J'ai vivement souhaité cette rencontre avec vous, chers journalistes, non seulement pour la joie de vous accompagner sur votre chemin jubilaire, comme je le fais avec tant d'autres groupes, mais également en raison du désir de régler une dette personnelle de gratitude envers les innombrables professionnels qui, tout au long des années de mon pontificat, se sont prodigués pour faire connaître les paroles et les actions de mon ministère. Pour tout cet engagement, pour l'objectivité et la courtoisie qui ont caractérisé une grande partie de ce service, je suis profondément reconnaissant et je demande au Seigneur de donner à chacun de vous une récompense méritée.


2. Le monde du journalisme traverse une période de profonds changements. La prolifération de nouvelles technologies touche désormais tous les domaines et concerne dans une mesure plus ou moins grande chaque être humain. La globalisation a augmenté les capacités des moyens de communication sociale, mais a également accru leur vulnérabilité aux pressions idéologiques et commerciales. Cela doit vous conduire, vous journalistes, à vous interroger sur le sens de votre vocation de chrétiens engagés dans le monde de la communication.

Telle est la question décisive qui doit caractériser votre célébration jubilaire en cette Journée mondiale des Communications. Le fait que vous ayez traversé en tant que pèlerins la Porte Sainte exprime un choix de vie et le désir, dans votre profession également, d'"ouvrir les portes au Christ". C'est Lui l'"Evangile", la "bonne nouvelle". C'est lui le modèle pour tous ceux qui, comme vous, s'efforcent de faire pénétrer la lumière de la vérité dans tous les milieux de l'existence humaine.


3. L'itinéraire que vous avez accompli en ces jours avait pour objectif cette rencontre avec le Christ. Jeudi, vous avez prié dans la Chapelle Sixtine, où la splendeur de l'art a placé devant vos yeux le drame de l'histoire humaine de la Création au Jugement dernier. Dans ce grand voyage de l'humanité ressort également la vérité de la personne humaine, créée à l'image de Dieu et destinée à la communion éternelle avec lui; il en ressort la vérité qui est le fondement de toute éthique et que vous êtes appelés à observer également dans votre profession.

Hier, vous vous êtes rendus auprès de la tombe de saint Paul et aujourd'hui, vous êtes venus prier auprès de celle de saint Pierre. Ils furent les grands "communicateurs" de la foi au début du christianisme. Leur mémoire vous rappelle la vocation spécifique qui vous distingue en tant que fidèles du Christ dans le monde des communications sociales: vous êtes appelés à engager votre professionnalisme au service du bien moral et spirituel des individus et de la communauté humaine.


4. C'est ici que réside le noyau de la question éthique, qui est inséparable de votre travail. En raison de son influence très vaste et directe sur l'opinion publique, le journalisme ne peut être guidé uniquement par les forces économiques, les profits et les intérêts égoïstes. Il doit être au contraire ressenti comme un devoir dans un certain sens "sacré" qui s'accomplit dans la conscience que les puissants moyens de communication y sont confiés pour le bien de tous, et en particulier pour le bien des couches les plus faibles de la société: des enfants aux pauvres, des malades aux exclus et aux victimes de la discrimination.

On ne peut écrire ou retransmettre uniquement en fonction de l'indice d'écoute, au détriment des programmes véritablement formateurs. On ne peut pas non plus faire appel de façon indiscriminée au droit à l'information, sans tenir compte des droits de la personne. Aucune liberté, y compris la liberté d'expression, n'est absolue: elle trouve en effet sa limite dans le devoir de faire respecter la dignité et la liberté légitime des autres. Aucune chose, si fascinante soit-elle, ne peut être écrite, réalisée et retransmise au détriment de la vérité: je pense ici non seulement à la vérité des faits que vous rapportez, mais également à la "vérité de l'homme", à la vérité de la personne humaine dans toutes ses dimensions.

En tant que signe du désir de l'Eglise d'être proche de vous en affrontant ce grand défi, le Conseil pontifical pour les Communications sociales a publié il y a quelques jours le document Ethique dans les Communications sociales. Celui-ci représente une chaleureuse invitation adressée aux journalistes afin qu'ils s'engagent à servir la personne humaine à travers l'édification d'une société fondée sur la solidarité, la justice et l'amour, à travers la communication de la vérité sur la vie humaine et son accomplissement final en Dieu (cf. n. 33). Je remercie le Conseil pontifical pour ce document, que je recommande à votre étude et à votre réflexion.


5. Très chers frères et soeurs! L'Eglise et les "médias" doivent marcher ensemble pour apporter leur service à la famille humaine. Je demande donc au Seigneur qu'il vous accorde de tirer de cette célébration jubilaire la conviction qu'il est possible d'être d'authentiques chrétiens et d'excellents journalistes.

Le monde des "médias" a besoin d'hommes et de femmes qui, jour après jour, s'efforcent de vivre au mieux cette double dimension. Cela aura toujours lieu si vous savez fixer votre regard sur Celui qui est le centre de cette année jubilaire, Jésus-Christ, "le témoin fidèle, [...] Il est, Il était et Il vient" (Ap 1,5 Ap 1,8).

En invoquant son aide sur chacun d'entre vous et sur votre travail particulièrement exigeant, je vous donne de tout coeur la Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers à vos familles et à toutes les personnes qui vous sont chères.

                * * *

Au terme de l'audience, le Saint-Père s'est adressé aux divers groupes présents dans leurs langues respectives. Nous publions ci-dessous les paroles prononcées en français:

Je vous salue cordialement, vous les journalistes présents à ce jubilé. Puissiez-vous trouver dans votre pèlerinage la force pour remplir votre service d'information et de formation de nos contemporains, les aidant à ouvrir leur coeur aux dimensions du monde! Il vous appartient d'avoir le souci de vous faire les témoins de la vérité, pour que l'homme soit toujours respecté. L'Eglise compte sur vous pour que vous sachiez retransmettre au monde le message d'espérance qui vient du Christ. Avec la Bénédiction apostolique.




AU CONSEIL DE PRÉSIDENCE ET AUX MEMBRES DU CERCLE DE SAINT-PIERRE

Lundi 5 juin 2000


Très chers membres du Cercle de Saint-Pierre!

1. Je suis heureux de vous accueillir cette année également, et je vous salue avec affection. J'adresse une pensée reconnaissante à votre Assistant spirituel, Mgr Ettore Cunial, et à votre Président, le Marquis Marcello Sacchetti, que je remercie des paroles courtoises qu'il m'a adressées en votre nom. La rencontre d'aujourd'hui constitue, comme toujours, une occasion propice pour renouveler ma sincère satisfaction pour l'engagement que chacun de vous place dans le service fidèle à l'Eglise et au Pape et dans des initiatives concrètes de charité envers son prochain. Merci de votre témoignage constant d'amour pour le Siège apostolique et d'activité caritative solidaire à l'égard des frères dans le besoin dans notre ville.

2. En effet, votre Association méritoire pénètre toujours plus dans le coeur de Rome, mue par le désir de répondre aux urgences des plus pauvres et des personnes laissées pour compte. Parmi les différentes interventions de solidarité réalisées en faveur de ceux qui souffrent par manque du nécessaire, la nouvelle initiative que vous avez entreprise à l'occasion du grand Jubilé, revêt une signification particulière et garantit chaque jour une action de volontariat dans les cantines mises en place auprès des basiliques patriarcales. Je vous exprime une fois de plus à tous mes félicitations pour avoir accueilli avec générosité l'invitation à collaborer au projet appelé "La charité du Pape pour le Jubilé".

Je vous remercie également pour ce que vous faites dans les paroisses, dans les institutions hospitalières et dans les Centres d'accueil, en étant inlassablement présents aux côtés de ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit, pour leur apporter la certitude réconfortante que le Christ est le Sauveur de tous.

Le denier de saint Pierre que, comme chaque année, vous me remettez personnellement, constitue un signe supplémentaire de votre participation silencieuse, mais concrète, aux sollicitudes du Siège apostolique, appelé à intervenir de façon toujours plus incisive pour répondre aux appels croissants de populations dans le besoin dans tant de parties du monde. Votre disponibilité louable dans la récolte de fond pour la charité du Pape représente un signe très apprécié de communion avec le ministère universel du Successeur de Pierre. Continuez sur cette voie, conscients de rendre un service utile au Christ et à son Eglise.

3. Très chers membres, nous sommes désormais proches de la solennité de la Pentecôte. Je vous invite à invoquer de Dieu le don de son Esprit, qui est un feu vif de charité et une source de lumière et de force intérieure. Laissez l'Esprit Saint guider chacune de vos initiatives et animer chacun de vos efforts. Dans la prière assidue, vous trouverez l'énergie indispensable pour rendre efficace votre apostolat, afin qu'en vous rencontrant, les hommes rencontrent un reflet de l'amour de Dieu et s'ouvrent à la nouveauté de l'Evangile.

Ne vous arrêtez pas face aux difficultés. Poursuivez au contraire sans arrêt pour aller au devant des frères dans le besoin, en leur manifestant de façon visible l'amour du Père céleste. Le Maître divin nous avertit: "Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,40).

Que Marie, exemple incomparable et parfait de la vie et de la mission de l'Eglise, Mère qui engendre les chrétiens et les conduit à la perfection de la charité (cf. Lumen gentium LG 63-65), vous protège et vous encourage toujours.

Pour ma part, je vous assure de mon souvenir dans la prière, et je vous donne de tout coeur, ainsi qu'à vos familles, une Bénédiction particulière.




À L'AMBASSADEUR DE BOLIVIE PRÈS LE SAINT SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Jeudi 8 juin 2000

  Monsieur l'Ambassadeur,

1. Je me réjouis de vous recevoir en cette circonstance solennelle, au cours de laquelle vous me présentez les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Bolivie près le Saint-Siège. En vous souhaitant une cordiale bienvenue, je désire vous remercier de vos paroles courtoises, ainsi que du salut que le Président de la République, M. Hugo Banzer, a voulu me faire parvenir par votre intermédiaire, et auquel je réponds en vous priant de bien vouloir lui transmettre mes meilleurs voeux de paix et de bien-être pour tout le peuple bolivien.

2. Votre présence ici aujourd'hui, comme vous l'avez vous-même souligné dans vos paroles, me rappelle à l'esprit la visite pastorale que j'ai effectuée dans votre pays en 1988. A cette occasion, j'ai pu admirer les célèbres qualités du peuple bolivien, formé par une multiple réalité culturelle et ethnique, fruit de la rencontre entre les cultures autochtones, telles que les Ayamara, les Quechua et autres, et celles qui furent apportées ici au cours des siècles, et qui constituent une "richesse dans la variété, à partir d'un respect mutuel et d'un dialogue enrichissant" (Discours à l'aéroport de "El Alto", n. 3; cf. ORLF n. 21 du 24 mai 1988). Il est à souhaiter que les Boliviens conservent toujours les valeurs authentiques qui constituent leur riche patrimoine spirituel, grâce auxquelles le pays pourra avancer vers des objectifs plus élevés, plus justes et solidaires, fidèle à ses racines chrétiennes et humanistes qui ont caractérisé son histoire, et qu'il doit respecter en construisant son avenir sur des bases religieuses et éthiques qui élèvent la personne humaine et lui reconnaissent sa dignité incontournable et inviolable.

3. Vous avez également fait référence aux changements structurels qui sont en cours en Bolivie, pour faire face à la crise qui touche une grande partie de la population, en cherchant par ce moyen à rétablir la situation dans laquelle vivent les régions les plus pauvres. Je me réjouis de savoir qu'il s'agit de l'un des objectifs de votre gouvernement, en espérant qu'il poursuive cette tâche incontournable avec décision et un ferme engagement. En effet, la pauvreté matérielle ne peut jamais être considérée comme un mal endémique, mais comme la carence de biens essentiels pour le développement de la personne, comme le résultat de diverses circonstances. A ce propos, l'Eglise ressent comme sienne la situation difficile que traversent de nombreux frères pris dans les filets de la pauvreté, parfois extrême, et elle réaffirme toujours, comme exigence évangélique, son engagement pour les pauvres en tant qu'expression de l'amour miséricordieux que Jésus-Christ lui manifesta. C'est pourquoi, l'Eglise elle-même, à travers sa doctrine et ses oeuvres d'assistance, soutient ceux qui travaillent avec un profond engagement pour que la promotion humaine soit également assumée de façon efficace par les institutions sociales, dans le but de pallier les situations précaires dans lesquelles se trouvent de nombreuses personnes et familles, en particulier autochtones.

A ce propos, il y a une semaine, les Evêques de Bolivie ont présenté au Président de la République, comme fruit d'une série de réflexions, le document "Conclusiones Foro Jubileo 2000", une initiative de la Conférence épiscopale bolivienne, qui débat actuellement du délicat problème de la pauvreté structurelle du pays, et pour permettre aux citoyens de diverses couches sociales et de différentes tendances politiques de pouvoir s'exprimer sur la façon dont il faut utiliser les fonds alloués pour la remise de la dette extérieure.

La plaie morale et sociale de la pauvreté requiert évidemment des solutions à caractère technique et politique, en faisant en sorte que les activités économiques et les bénéfices qui en découlent légitimement soient également utilisés pour le bien commun. Dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix de 1993, j'ai écrit à ce propos: "Quels que soient l'organisation politique et le système économique d'un Etat, celui-ci reste en lui-même fragile et instable s'il ne fait preuve d'une attention continuelle à l'égard de ses membres les plus faibles et s'il ne fait pas tout ce qui est possible pour satisfaire au moins leurs exigences fondamentales" (n. 3) (cf. ORLF n. 50, du 15 décembre 1992). Il ne faut certes pas oublier que ces mesures seraient insuffisantes si elles ne sont pas soutenues par des valeurs éthiques et spirituelles authentiques. C'est pourquoi l'éradication de la pauvreté est également un engagement moral dans lequel la justice et la solidarité chrétiennes jouent un rôle incontournable.

4. L'Eglise qui est dans votre pays, sous la conduite attentive et prudente des Evêques, travaille avec générosité et enthousiasme à l'accomplissement de sa mission, favorisant ainsi le fait que les valeurs morales et la conception chrétienne de la vie, profondément enracinée en Bolivie, continuent à inspirer la vie des citoyens et que ceux qui exercent des responsabilités à divers niveaux, sous quelque forme que ce soit, tiennent compte de ces valeurs pour construire, jour après jour, une patrie toujours meilleure et plus prospère, dans laquelle chacun voit ses droits inaliénables pleinement respectés.

Ainsi, l'Eglise exerce la mission qui lui fut confiée par son Divin Fondateur dans divers domaines, tels que, entre autres, la défense de la vie et de l'institution familiale, la promotion de la justice et l'attention à l'égard des déshérités. Dans le même temps, il s'agit de promouvoir, en se fondant sur sa Doctrine sociale, la coexistence pacifique et ordonnée entre les citoyens et entre les nations.

L'Eglise elle-même, qui ne prétend jamais imposer des critères concrets pour le gouvernement de la population, possède sans aucun doute le devoir incontournable d'illuminer, à partir de la foi, le développement de la réalité sociale dans laquelle elle est plongée. C'est pourquoi, comme vous l'avez vous-même souligné, la Conférence épiscopale de Bolivie à travaillé et continuera à travailler pour diffuser son message pressant, qui est un appel à la solidarité et à l'engagement pour le bien de tous, sans exclure personne, en particulier parce qu'il existe des situations qui demandent une solution urgente. A ce propos, la Conférence épiscopale bolivienne a récemment publié une lettre pastorale intitulée "La terre, Mère féconde pour tous", dans laquelle elle offre une réflexion pour remettre au point la réforme agraire, si nécessaire pour résoudre la situation dramatique que traversent les autochtones et les agriculteurs.

5. Monsieur l'Ambassadeur, à l'issue de cette rencontre, je désire former mes voeux les plus cordiaux pour le déroulement de votre mission auprès du Siège apostolique, toujours désireux de conserver et de consolider davantage les bonnes relations déjà existantes avec la République de Bolivie et d'aider à surmonter avec bonne volonté les difficultés qui peuvent apparaître entre l'Eglise et l'Etat dans votre pays. Je vous assure de ma prière au Tout-Puissant pour que, à travers l'intercession de Notre-Dame de Copacabana, il vous assiste toujours de ses dons, ainsi que votre famille, vos collaborateurs, les dirigeants et les citoyens de votre noble pays, dont je me souviens avec affection et sur lequel j'invoque d'abondantes Bénédictions du Très-Haut.

       


DISCOURS DU SAINT PÈRE AUX FRÈRES DES ÉCOLES CHRÉTIENNES

Vendredi 9 Juin 2000


  Chers Frères,
Chers Amis,

Je suis heureux de vous accueillir au moment où vous êtes réunis pour votre quarante-troisième chapitre général et où votre famille religieuse célèbre le centenaire de la canonisation de saint Jean-Baptiste de La Salle, ainsi que le cinquantenaire de sa proclamation, par le Pape Pie XII, comme Patron spécial de tous les éducateurs de l'enfance et de la jeunesse.

Ces différents événements sont pour vous une occasion particulièrement favorablement pour donner un élan renouvelé à vos différentes missions éducatives et évangélisatrices, selon le charisme de votre fondateur, malgré la diminution de vos effectifs. Je me réjouis notamment de la disponibilité de votre Institut à répondre, dans une étroite communion avec les Eglises locales, à de nouveaux appels d'enfants et de jeunes, notamment des plus pauvres qui, dans le monde entier, ont besoin de recevoir une formation humaine, morale, catéchétique et scolaire, afin de devenir des hommes et des femmes qui prendront leur part de responsabilité dans la communauté chrétienne et dans la société de demain. Une telle disponibilité est présente dans le thème de vos travaux: Associés pour le service éducatif des pauvres comme réponse lasallienne aux défis du vingt et unième siècle. L'Eglise est invitée à offrir inlassablement à la jeunesse ce don de l'éducation, qui manifeste son attention aux réalités et aux attentes de populations qui ont besoin de soutien dans leur promotion humaine.

Vos frères ont un rôle incomparable. Par leur vie consacrée, ils sont aux yeux du monde les témoins de l'absolu de Dieu et du bonheur qu'il y a à servir le Seigneur en servant les hommes, notamment les enfants, qui sont les bien-aimés de Dieu. Par leur vie communautaire, ils manifestent que le Christ est un lien de fraternité très fort entre des personnes, qui ouvre à la convivialité, à la collaboration, à la paix et au pardon. Ils sont aussi proches de tous, dans la solidarité quotidienne de l'éducateur qui conduit patiemment et délicatement les jeunes sur la voie de la maturité et de la véritable liberté.

Vos récents chapitres vous ont permis de réfléchir à une participation d'autres Congrégations religieuses et de laïcs, qui souhaitaient être associés à vos missions et vivre, à leur manière, le charisme lasallien. Je suis particulièrement sensible à ces collaborations, qui permettent d'unir des forces pour une plus grande efficacité missionnaire. La présence de laïcs à vos côtés est un signe appréciable de la place toujours plus importante qu'ils sont appelés à prendre dans la vie de l'Eglise, ce que je tiens à encourager vivement, comme je l'ai déjà fait dans l'exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata (cf. VC VC 56). Il vous appartient de donner aux laïcs qui veulent être membres associés la formation nécessaire pour leur vie spirituelle et pour leur service. Ils pourront alors, en s'appuyant sur l'enseignement et la spiritualité de saint Jean-Baptiste de La Salle, trouver des voies pour développer, selon l'état de vie qui est le leur, dans le respect des identités respectives et des particularités de la vie consacrée, leur démarche spirituelle, afin de la mettre en pratique dans le service éducatif qui leur sera confié, s'attachant à devenir des modèles d'enseignants chrétiens.

Au terme de notre rencontre, je demande à la Vierge Marie et à saint Jean-Baptiste de La Salle de vous soutenir dans vos efforts et de faire porter des fruits à votre chapitre général. De grand coeur, je vous accorde une affectueuse Bénédiction apostolique.

   


À L'AMBASSADEUR DE FRANCE PRÈS LE SAINT SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Samedi 10 juin 2000

Monsieur l’Ambassadeur,


1. Il m’est agréable de souhaiter la bienvenue à Votre Excellence au moment de la présentation des lettres qui l’accréditent comme Ambassadeur de France près le Saint-Siège.

En m’adressant des paroles auxquelles je suis particulièrement sensible, vous manifestez la confiance qui marque les relations de votre pays avec le Saint-Siège. Je vous remercie de vous être fait l’interprète de Son Excellence Monsieur le Président de la République française, auquel je vous saurais gré de transmettre mes salutations déférentes. Je tiens à saluer tous vos compatriotes, m’associant tout spécialement à ceux qui vivent des épreuves personnelles, familiales ou sociales. Je n’oublie pas en particulier les nombreux foyers et les entreprises qui souffrent encore des catastrophes de l’hiver dernier qui se sont abattues sur le territoire national. Que tous soient assurés de ma proximité spirituelle. À travers vous, je souhaite encore adresser un salut cordial et affectueux aux pasteurs et aux fidèles de la communauté catholique de votre pays. Les yeux tournés vers les prochaines Journées mondiales de la Jeunesse, je me souviens des efforts qu’ils ont fournis pour le précédent rassemblement, dont les fruits sont nombreux; je les encourage à poursuivre leur mission spirituelle et leur engagement dans la société, par amour de leurs frères. À cela ils seront reconnus comme des serviteurs de tous, dans l’amour qui est la caractéristique des disciples du Christ.

2. Dans quelques semaines, pour une durée de six mois, votre pays assurera la présidence de l’Union européenne, en cette année où nous rappelons le cinquantième anniversaire de la proclamation de l’acte politique, le 9 mai 1950, acte qui, voulu par Jean Monnet et Robert Schuman, vos compatriotes, et par Konrad Adenauer, donnait naissance à une nouvelle situation en Europe. J’apprécie l’esprit que vous évoquez et avec lequel les Autorités françaises souhaitent accomplir leur mission au service de l’Europe. Il revient à votre pays de poursuivre la direction de chantiers difficiles, pour répondre de manière concrète aux préoccupations et à l’immense attente non seulement des habitants du continent européen mais aussi de tous les partenaires qui, dans le monde, ont besoin de son aide pour leur propre développement. L’Union européenne est à la fois un enjeu et un défi; elle ouvre la voie à un avenir de paix et de solidarité, et à des collaborations toujours plus intenses entre les différents pays du continent et avec l’ensemble du monde. Il importe que, à tous les niveaux, les institutions et les personnes appelées à avoir une responsabilité aient en permanence le souci du bien commun de la communauté des nations, exerçant leur mission comme un service des populations, dans le respect des règles d’équité, de justice et de probité, essentielles pour tout homme, mais de manière toute spéciale pour ceux qui travaillent à la res publica. Il pourra ainsi être fait obstacle aux réseaux occultes, qui veulent profiter du grand marché européen pour blanchir l’argent de toute sorte de trafics qui sont indignes de l’homme, en particulier dans le domaine de la drogue, du commerce des armes et de l’exploitation des personnes, spécialement des femmes et des enfants. Les ressources, les richesses et les fruits de la croissance sur le continent, doivent pouvoir être affectés avant tout aux plus pauvres dans les différents pays, aux nations qui ont besoin de se développer davantage et qui sont actuellement encore marquées par les conséquences de la récession économique et des fluctuations des marchés financiers.

De tels défis, comme aussi la lutte contre le chômage, la protection de l’environnement, pour n’en citer que quelques-uns, supposent que la construction européenne ne soit pas d’abord une communauté d’intérêt, mais une communauté fondée sur des valeurs et sur la confiance mutuelle, plaçant l’homme au centre de tous les combats. Toutes les forces vives des nations sont appelées à collaborer au bien de tous, ayant soin de former, dans les différents pays, la jeune génération, qui a un idéal élevé comme elle l’a montré à Paris lors des dernières Journées mondiales de la Jeunesse, pour qu’elle soit capable, le moment venu, de prendre sa part de responsabilité. Dans cet esprit, les pays qui ont une tradition de formation à la conduite des affaires et à la vie civique ont le devoir de proposer une assistance aux nations qui sortent d’un long temps d’enfermement, pour aider les citoyens à acquérir une maturité politique indispensable à la vie publique. De même, il importe de développer toujours davantage chez nos contemporains une conscience européenne qui, prenant en compte les racines des peuples, les mobilisent pour qu’ils constituent une communauté de destin, grâce à une volonté politique qui s’attache à unir des peuples. Une telle perspective ne pourra advenir que si l’on privilégie une vision globale de l’homme et de la société, dont votre pays peut être un des promoteurs, en s’appuyant sur sa tradition, notamment sur les grands penseurs et les acteurs de la vie sociale qui ont marqué le vingtième siècle et qui ont insufflé un esprit nouveau, contribuant à la création d’une culture commune.

3. Vous venez d’évoquer la question des droits de l’homme, à laquelle vos compatriotes sont très sensibles, manifestant ainsi leur attention à ce qui est essentiel pour les personnes et pour la communauté nationale. En effet, les droits de l’homme sont le fondement de la reconnaissance de l’être humain et de la cohésion sociale. Il revient en premier lieu aux institutions publiques de garantir "efficacement les droits de la personne humaine: ces droits qui dérivent directement de notre dignité naturelle et qui, pour cette raison, sont universels, inaliénables et inviolables" (Jean XXIII, encyclique Pacem in terris, IV). Et parmi ces droits, le droit à l’existence et au respect de la vie est primordial, ainsi que le soutien de la famille, cellule de base de la société. L’allongement de la vie suppose aussi de porter une attention spéciale aux personnes âgées, pour qu’elles puissent vivre dans des conditions décentes et bénéficier jusqu’au terme naturel de leur existence des soins et de l’entourage nécessaires. En effet, au sein d’une nation, comment les individus pourraient-ils avoir confiance les uns dans les autres, si l’on ne garantit le bien le plus précieux de chacun, sa propre vie, qui ne peut être soumise simplement à des critères d’efficacité et de rentabilité, ou à des décisions purement arbitraires? Il est du devoir d’un pays, au nom des droits de l’homme, et c’est un honneur pour ses institutions, de soutenir et de défendre tout être humain contre ce qui bafoue sa dignité et ses droits, et d’apporter les aides spirituelles, humaines et matérielles, pour que l’existence de chacun soit belle et digne, et qu’aucune personne ne soit marginalisée. Dans cette perspective, je connais l’attachement de vos compatriotes à la défense de la dignité des enfants. De nombreuses associations oeuvrent dans ce sens. Je ne peux que les encourager à poursuivre leur action, notamment pour que tout enfant puisse naître, jouir d’une famille, avec un père et une mère qui pourront l’aider à se construire personnellement et à engager des relations humaines équilibrées et équilibrantes, et ne pas être soumis à une exploitation honteuse.

4. Pour la jeunesse, il est important de développer la formation et l’éducation dans un contexte qui permette aux personnalités de s’épanouir. Je tiens à saluer l’action des enseignants, des éducateurs et des services sociaux, qui s’attachent avec patience et ténacité à guider les jeunes et à créer les conditions pour que l’enseignement puisse être accessible à tous et pour endiguer les fléaux qui marquent la société moderne, tels la violence et la drogue. C’est un service essentiel pour la nation, auquel toutes les institutions éducatives doivent apporter leur concours. Vous savez la part que l’Église en France prend depuis très longtemps dans ce domaine, en relation avec l’ensemble des partenaires du monde de l’éducation, dans un dialogue confiant et une estime mutuelle, avec le souci premier de servir les personnes et la communauté nationale, apportant sa spécificité et ses caractéristiques propres, et recevant les garanties et le soutien nécessaires à la réalisation de cette tâche d’intérêt national. Elle souhaite vivement poursuivre cette mission, dans le respect de ses convictions, pour donner aux jeunes et aux familles qui le désirent, en même temps qu’un enseignement de qualité, des perspectives philosophiques, théologiques et spirituelles qui correspondent à sa vision de l’homme et à l’enseignement du Magistère, dans le respect des règles propres à la laïcité qui, dans votre pays, donnent une assise juridique au service de l’éducation et à la liberté, permettant une autonomie des réalités terrestres et laissant aux confessions religieuses la faculté de réaliser leur mission. La loi française garantit aussi cette liberté en offrant aux familles la possibilité de faire donner à leurs enfants une éducation religieuse, par des heures laissées libres dans l’enseignement scolaire; il convient que tous les partenaires soient attentifs à faire en sorte que les éventuels changements de la carte scolaire laissent cette latitude, selon les lois en vigueur, en respectant les horaires et les rythmes des enfants et de leurs familles. Une telle perspective fait droit au souhait que l’éducation ne soit pas simplement l’apprentissage d’un savoir scientifique et technique, mais qu’elle soit aussi la transmission d’un savoir-faire, d’un savoir-vivre et de valeurs, fondés sur une démarche spirituelle et morale, qui font percevoir le sens de l’existence et qui, comme vous l’avez souligné, font partie du patrimoine de votre pays.

5. Comme je l’ai souvent rappelé, le premier des droits de l’homme est la liberté religieuse, dans le sens plein du terme. Cela veut dire une liberté qui ne soit pas réduite à la seule sphère privée. Cette liberté suppose de la part des Autorités et de la communauté nationale tout entière, notamment de l’école et des medias qui ont une fonction importante dans la transmission des idées et dans la formation de l’opinion, une volonté expresse de laisser aux personnes et aux institutions la possibilité de développer leur vie religieuse, de transmettre leurs croyances et leurs valeurs, et d’être partie prenante aux différents échelons de la vie sociale et dans les lieux de concertation, sans être exclues pour des motifs religieux ou philosophiques, les règles de l’état de droit étant sauves. Bafouer des croyances religieuses, discréditer telle ou telle forme de pratique religieuse et des valeurs dont un nombre important de personnes est porteur, revient à porter gravement atteinte aux individus qui les professent, constitue une forme d’exclusion contraire au respect des valeurs humaines fondamentales et déstabilise fortement la société où doit exister une certaine forme de pluralisme de pensée et d’action, ainsi qu’une attitude de bienveillance fraternelle. Cela ne peut qu’engendrer un climat de tension, d’intolérance, d’opposition et de suspicion, peu propice à la paix sociale. J’encourage donc tous les protagonistes de la société à demeurer vigilants sur le respect des libertés individuelles. J’invite notamment les medias à une vigilance renouvelée en ce domaine et à un traitement équitable et objectif des différentes confessions religieuses.

6. Parmi les nombreuses missions qui vous attendent et que vous venez d’évoquez, vous avez à poursuivre le travail entrepris par votre prédécesseur pour l’accueil des pèlerins francophones durant le grand Jubilé et pour le développement et le dynamisme de la communauté française. À ce propos, je tiens à vous redire combien j’apprécie l’intérêt porté par votre Ambassade à la préparation des Journées mondiales de la Jeunesse qui se tiendront en août prochain, saluant les investissements réalisés pour que les jeunes puissent profiter largement de ce temps fort spirituel et ecclésial. Cette démarche manifeste l’attention que portent les Autorités de votre pays à la présence active de la France à Rome et dans le monde, dans la droite ligne de la démarche de vos compatriotes qui, au cours des siècles passés, ont été des agents de la diffusion de la culture et de la foi dans tous les continents.

Au moment où vous inaugurez officiellement votre mission, je vous offre, Monsieur l’Ambassadeur, mes voeux les meilleurs. Je puis vous assurer que mes collaborateurs s’efforceront de vous donner, à vous-même et à tous les membres de votre Ambassade, l’assistance dont vous pourrez avoir besoin. Je demande à Dieu de soutenir le peuple de France pour qu’il trouve le vrai bonheur et qu’il puisse continuer à travailler avec générosité à la paix et à l’entente entre les composantes de la nation et entre les peuples. Je vous accorde volontiers la Bénédiction apostolique, ainsi qu’à vos proches et tous ceux qui sont appelés à travailler à vos côtés.




Discours 2000 - MESSAGE DU SAINT-PÈRE À L'OCCASION DU 94° "KATHOLIKENTAG"