Discours 2001 - Samedi 31 mars 2001


LORS DE LA VISITE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE, S.E. M. FERNANDO DE LA RÚA

Jeudi 5 avril 2001



Monsieur le Président,

1. Je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue à l'occasion de cette rencontre et de vous saluer très cordialement en tant que Représentant suprême de la République argentine, qui est toujours présente dans mon coeur et ma prière. Je salue également ceux qui vous accompagnent: votre épouse, le Chancelier et les illustres membres de votre délégation. Je désire rappeler ici avec affection les fils et les filles de votre noble pays, de la Quiaca jusqu'à la Terre de Feu.

Je vous remercie des paroles courtoises avec lesquelles vous avez voulu me transmettre le respect et l'affection de tous les Argentins, ainsi que m'exposer les programmes qui animent l'action de votre gouvernement, à l'aube du troisième millénaire de l'ère chrétienne, à un moment où l'Argentine se prépare à célébrer le deuxième centenaire de son indépendance. A ce propos, je désire rappeler comment la présence de l'Eglise catholique a toujours accompagné le chemin des Argentins, en les encourageant par la prédication de la Parole de Dieu et la diffusion des valeurs chrétiennes qui forment aujourd'hui une partie du patrimoine spirituel de la nation.


2. Votre visite au Siège du Successeur de l'Apôtre saint Pierre se déroule quelques mois après la clôture du grand Jubilé, avec lequel nous avons célébré le bimillénaire de l'Incarnation du Fils de Dieu, un événement central de l'histoire, que l'Eglise proclame comme le moment de la plénitude des temps (cf. Ga 4,4). Cette célébration a représenté pour toute l'Eglise un moment particulièrement intense et, à présent, tournée vers le visage du Christ et animée par sa parole "duc in altum - prenons le large" (Lc 5,4), elle se dispose à affronter avec confiance les défis du moment présent, en illuminant les décisions qui seront prises pour le progrès et le bien de l'humanité.

Votre pays a participé activement au déroulement du grand Jubilé, que ce soit dans les différents diocèses où lors des diverses rencontres qui ont eu lieu à Rome. Comment ne pas rappeler, à ce propos, les diverses initiatives au niveau local, en particulier la célébration du Congrès eucharistique de Cordoba, durant lequel les évêques souhaitèrent également apporter une contribution à la réconciliation nationale, comme vous l'avez mentionné dans vos paroles. En ce qui concerne les célébrations à Rome, je suis sûr que les très nombreux jeunes argentins qui assistèrent à la Journée mondiale de la Jeunesse, au mois d'août dernier, sauront communiquer et témoigner aux jeunes de leur âge, l'expérience religieuse singulière vécue en communion avec les jeunes du monde entier. De même, le nombre important de participants de votre pays au Jubilé des gouvernants et des législateurs laisse espérer dans leur volonté d'exercer les fonctions publiques selon les principes chrétiens et comme un véritable service à tous les niveaux de la société argentine. C'est pourquoi, je désire manifester ma reconnaissance pour l'oeuvre accomplie par les pasteurs de cette nation bien-aimée, à laquelle ont collaboré diverses autorités, y compris le Parlement lui-même.


3. Votre pays, Monsieur le Président, possède de profondes racines catholiques, en vertu desquelles il s'est toujours tourné vers l'Eglise et vers le Siège apostolique comme des points de référence pour définir sa propre identité et son histoire. Lorsque sur le sol argentin surgirent les premières voix qui réclamaient la liberté et l'indépendance, les hautes personnalités n'oublièrent pas la référence à Dieu en formant la République naissante, et c'est pour cette raison qu'apparut plus tard dans le préambule de la Constitution l'invocation du Saint Nom, comme source de toute raison et justice. Belgrano proposa l'emblème national aux couleurs de l'Immaculée, bleu ciel et blanc, et ainsi, sous cette bannière, tous les Argentins se sentent aujourd'hui protégés.

C'est pourquoi les valeurs chrétiennes sont présentes dans la culture, dans l'histoire et dans certains énoncés de la législation de votre pays. A ces principes ont adhéré, au cours des presque deux siècles de son existence comme nation, des personnes de provenances et de croyances très différentes et qui ont trouvé dans leur nouvelle patrie un respect effectif pour chaque minorité ethnique ou religieuse, en harmonie avec la déclaration de la Constitution qui ouvre les portes du pays "à tous les hommes du monde qui désirent habiter sur le sol argentin".


4. Le Saint-Siège a suivi avec une attention particulière les divers événements historiques de l'Argentine. Il faut ici en mentionner plusieurs, extrêmement significatifs et qui restèrent profondément imprimés dans la mémoire du peuple argentin. C'est le cas de la visite dans la capitale fédérale de celui qui était alors le Cardinal Eugenio Pacelli, plus tard devenu le Pape Pie XII, venu en tant que Légat pontifical pour le XXXIIème Congrès eucharistique international de Buenos Aires, qui laissa une empreinte indélébile dans l'Eglise de votre pays, donnant une profonde impulsion rénovatrice à la présence croissante du laïcat dans l'Eglise et dans la société.

Je désire également rappeler les deux visites pastorales que j'ai accomplies dans votre pays, en faisant l'expérience de l'accueil chaleureux et de l'affection des Argentins. En juin 1982, j'ai été particulièrement touché par les événements dramatiques de votre vie nationale. C'est pourquoi, grâce à ma présence j'ai souhaité encourager, à la lumière de l'Evangile et de la doctrine sociale catholique, l'entente et l'harmonie entre les peuples, en proposant le bien irremplaçable de la paix face aux risques d'un très grand danger international.

D'autre part, la cause de la paix et de l'entente entre les peuples me conduisit à accepter d'effectuer la médiation entre votre pays et la République soeur du Chili, également au bord d'un conflit dérivant d'une controverse née dans la région du Canal de Beagle. Grâce à Dieu, la raison et l'esprit de concorde prévalurent, évitant la catastrophe d'une guerre aux conséquences imprévisibles avec la signature du Traité de Paix et d'Amitié, le 29 novembre 1984, qui rendit possible de transformer ce qui pouvait devenir un conflit en possibilités de collaboration, en visites d'amitié réciproques et en projets de développement.


5. L'Eglise catholique, en dépit des contingences politiques et de la conjoncture désire promouvoir le bien intégral des citoyens, malgré les conditionnements internationaux et les événements internes complexes, qui ont un poids très important à l'heure actuelle. Une partie importante de la population ressent les graves conséquences de cette situation, les couches sociales les plus pauvres étant davantage touchées. Le chômage pousse des individus, des familles ou des groupes sociaux à envisager l'immigration pour trouver de meilleures conditions de vie.


6. Face à cette situation, votre gouvernement est conscient de la nécessité de prendre des mesures urgentes, visant à créér un climat de justice sociale, favorisant une plus grande justice distributive et une plus vaste participation aux ressources que possède le pays. Ce n'est qu'ainsi que l'on pourra parvenir à une situation de paix dans la justice, fondée sur un effort commun et une économie placée au service de l'homme. De cette façon, votre pays pourra transformer en réalité, dans le contexte latino-américain et mondial, la ligne de valeurs communes dont rêvèrent San Martín et Bolivar, en soutenant la promotion intégrale des peuples de la région et ses intérêts légitimes.

Les évêques d'Argentine, conscients de cette problématique, réaffirment les principes de la doctrine sociale catholique, malgré les vicissitudes politiques. Je suis certain que leur voix trouvera un écho chez les responsables du bien public, en traduisant concrètement ces principes dans la société, afin d'éviter les comportements qui pourraient encourager la corruption, la pauvreté et toutes les autres formes de violence sociale qui dérivent de l'absence de solidarité. Les grandes forces morales du peuple argentin garantissent l'avenir, avec un espoir fondé.


7. Ce même peuple a donné des preuves de son attachement aux valeurs comme l'honnêteté, la justice, le respect de la vie depuis sa conception jusqu'à la mort naturelle. L'Argentine a soutenu avec persévérance ces valeurs dans divers forums, également au niveau international. Face à une conception de vie largement diffusée qui privilégie fréquemment des attitudes égoïstes, peu respectueuses des principes qui sauvegardent le premier droit humain fondamental, le droit à la vie, il est juste de reconnaître la vision clairvoyante et humaniste de pays souverains, comme le vôtre, qui sont des exemples d'attitudes en harmonie avec le droit naturel.

On sait que l'on ne peut pas parvenir au progrès en niant les valeurs humaines et morales fondamentales, et on ne l'obtient pas non plus en promouvant des moyens qui peuvent porter atteinte à la moralité publique, ce qui produirait des conséquences négatives non seulement dans le domaine éthique mais porterait également préjudice à la société elle-même. On ne peut pas rester indifférent face à cette situation, qui met en danger la défense de la famille, cellule fondamentale de la société, avant l'Etat lui-même, et qui, comme vous l'avez rappelé dans vos paroles, est la véritable école de l'humanisme le plus riche, qui forge des hommes et des femmes capables d'incarner les vertus les plus authentiques.


8. Monsieur le Président, en conclusion de cette rencontre je désire former les meilleurs voeux pour vous et votre famille, pour vos collaborateurs au gouvernement et pour tout le peuple argentin bien-aimé. Je demande à Dieu que la noble nation argentine puisse rapidement surmonter les difficultés présentes et s'engager dans une nouvelle voie de paix, de prospérité et de progrès intégral, sur laquelle chaque citoyen pourra vivre avec dignité et sérénité dans sa propre terre. A Dieu, Père de tous, je confie avec une affection particulière ceux qui ont souffert et qui souffrent des blessures d'un passé douloureux. J'invoque avec amour la paix du Seigneur sur les défunts et la grâce de la réconciliation nationale.

Que la Vierge de Luján, Patronne de l'Argentine, protège tous ses enfants afin qu'ils reprennent avec enthousiasme le chemin du progrès fondé sur un effort généreux, animés par l'espérance d'un avenir prometteur. Je vous donne de tout coeur, Monsieur le Président, ainsi qu'à tous vos compatriotes, une Bénédiction apostolique spéciale.

 

AUX UNIVERSITAIRES DE "LA SAPIENZA" DE ROME ET DE L'ACADÉMIE POLONAISE DES SCIENCES ET DES LETTRES DE CRACOVIE

Jeudi 5 avril 2001



Mesdames et Messieurs,

1. C'est avec une joie profonde que je souhaite à chacun d'entre vous une cordiale bienvenue. Je vous remercie de tout coeur de cette visite, que vous avez voulu me rendre à l'occasion de la signature de l'Accord de collaboration scientifique entre l'Université "La Sapienza" de Rome et l'Académie polonaise des Sciences et Lettres de Cracovie, qui a repris avec bonheur sa pleine activité après trente-huit ans de douloureuse interruption, décrétée par le régime communiste.

J'adresse mon salut au Professeur Giuseppe d'Ascenzo, Recteur Magnifique de l'Université romaine, et au Professeur Andrzej Bialas, Président de l'Académie de Cracovie. Je les remercie tous les deux des paroles courtoises qu'ils ont voulu m'adresser au nom des personnes présentes, en soulignant l'importance de l'événement d'aujourd'hui et l'engagement commun qui anime les deux Institutions. Je souhaite qu'elles puissent parvenir à des objectifs significatifs au bénéfice du développement culturel de la Pologne et de l'Italie.

L'Accord qui vient d'être conclu s'insère dans le nouveau climat qui s'est établi en Europe après la chute du mur de Berlin à la fin des années quatre-vingt. Il témoigne de la volonté présente dans de vastes couches de la culture européenne de construire une patrie commune, qui ne soit pas seulement le fruit d'intérêts économiques, mais qui soit surtout une communauté de valeurs, de traditions et d'idéaux. Les peuples de notre continent, en se rencontrant et en se complétant, également grâce à des occasions comme celles d'aujourd'hui, peuvent toujours davantage promouvoir un avenir de civilisation et de paix pour tous.

2. En tant qu'Evêque de Rome et Pasteur de l'Eglise catholique, qui a joué, et qui continue à jouer, un grand rôle dans la construction de la civilisation européenne, et également en tant que membre de l'Académie polonaise des Sciences et Lettres de Cracovie, je désire exprimer ma plus vive satisfaction pour cette initiative. Celle-ci, en établissant un lien entre d'anciennes et prestigieuses institutions européennes, est en mesure de contribuer de façon significative à l'édification d'une Europe qui respire à pleins poumons, en puisant à son patrimoine historique et aux richesses culturelles, morales, civiles et religieuses de ses peuples de l'Orient et de l'Occident.

Que cet Accord, expression éloquente d'une détermination louable à vouloir collaborer ensemble, animés par un authentique esprit européen, puisse constituer le début d'un échange fructueux et fécond entre vos deux centres académiques estimés. En outre, il représente un point de référence pour des projets nobles et prometteurs.

Dans ce but, j'invoque l'aide divine sur ceux qui ont promu et réalisé l'Accord, ainsi que sur ceux qui composent les familles des deux grandes Institutions et de tout coeur je donne à tous, en signe d'estime et d'affection, une Bénédiction apostolique spéciale.

 

AUX JEUNES DU DIOCÈSE DE ROME

Jeudi 5 avril 2001


Très chers jeunes de Rome!
"Veilleurs du matin en cette aube du troisième millénaire"!

1. En entrant sur cette place, en vous regardant, en écoutant les paroles de vos amis et du Cardinal-Vicaire, je n'ai pu manquer de revenir, avec l'esprit et le coeur, aux moments inoubliables vécus ensemble au cours de la XVème Journée mondiale de la Jeunesse, en août de l'an dernier. Il s'agit d'un souvenir qui ne s'efface pas de la mémoire. Comment ne pas remercier ensemble le Seigneur pour la Journée mondiale de la Jeunesse de l'An 2000 et pour le Jubilé des Jeunes? Je remercie Dieu et vous tous, très chers jeunes amis! En vous saluant avec affection, je voudrais rappeler également les jeunes de la délégation canadienne, qui, dimanche prochain, recevront de vos mains la Croix, qui accompagne le pèlerinage des Journées mondiales de la Jeunesse.

Je désire unir à mon remerciement pour la Journée mondiale de la Jeunesse de l'An 2000 celui pour la rencontre d'aujourd'hui, dont le titre est significatif: "Prenons le large!". Il s'agit presque de votre réponse, chers jeunes romains, à l'invitation que j'ai adressée à toute l'Eglise, à la fin du jubilé, à "prendre le large", en ayant confiance dans la parole et dans la présence vivifiante de Jésus.

Aujourd'hui, nous concluons de façon idéale la seconde phase du "laboratoire de la foi" commencé à Tor Vergata. Là, en effet, en vous proposant les idéaux élevés de l'Evangile, je vous ai demandé de persévérer dans votre "oui" au Christ pour réaliser chacun de vos plus nobles idéaux.

Lorsque je vous ai en quelque sorte "remis" l'Evangile et que vous avez dit "Je crois", c'est alors qu'a précisément commencé pour vous, jeunes romains, la seconde phase du "laboratoire de la foi". Grâce à l'aide du Service diocésain pour la pastorale des jeunes, vous avez entrepris un itinéraire de réflexion, désireux que vous êtes de vivre ensemble la mission de l'Eglise dans cette ville. Vous avez grandi dans la communion et dans la conscience d'être une partie vivante de l'Eglise diocésaine de Rome. Ce chemin vous conduit aujourd'hui à répondre ensemble à Jésus qui vous invite: "Prenons le large!".


2. Prendre le large pour aller où? La réponse est claire: pour aller à la rencontre de l'homme, mystère insondable; et pour aller vers tous les hommes, océan infini. Cela est possible dans une Eglise missionnaire, capable de parler aux hommes, et, surtout, capable d'atteindre le coeur de l'homme afin que là, dans ce lieu intime et sacré, se réalise la rencontre salvifique avec le Christ.

Chers amis, au cours de mon ministère, je ne me suis jamais lassé de rencontrer les personnes, et c'est également à cela que visent les pèlerinages et les visites pastorales que j'accomplis. Et également maintenant que les années passent, si Dieu le veut, je n'ai pas l'intention de m'arrêter, car je suis certain que dans le contact personnel avec les frères, il est plus facile d'annoncer le Christ.

Cette mission n'est pourtant pas facile; annoncer et témoigner l'Evangile comporte de nombreuses difficultés. Oui, cela est vrai: nous vivons à une époque où la société est fortement influencée par des modèles de vie qui mettent à la première place l'avoir, le plaisir et le paraître, dans un sens égoïste. La poussée missionnaire des croyants doit se mesurer avec cette façon de penser et d'agir. Mais nous ne devons pas avoir peur, car le Christ peut changer le coeur de l'homme et est en mesure d'accomplir une "pêche miraculeuse" lorsque nous nous y attendons le moins.

3. Regardons à présent, très chers jeunes garçons et filles, plus directement votre réalité. Vous - en particulier, les adolescents - vivez à un âge difficile, riche d'enthousiasme, mais exposé également à des dérapages dangereux. L'expérience limitée dont vous disposez vous met en danger de devenir les proies de spéculateurs d'émotions, qui, au lieu d'encourager en vous une conscience critique, tendent à exalter l'absence de préjugés et à présenter des choix immoraux comme des valeurs. Ils abaissent tout seuil entre le bien et le mal et présentent la vérité à travers le profil changeant de l'opportunité.

Je vous souhaite d'avoir à vos côtés des pères et des mères qui soient d'authentiques éducateurs; des amis sincères, loyaux et fidèles; des personnes mûres et responsables, qui prennent soin de vous et vous aident à tendre vers ces objectifs élevés que Jésus lui-même propose dans l'Evangile.

Je voudrais adresser ici un appel chaleureux à toutes les institutions éducatives, afin qu'elles se placent sans ambiguïté au service des nouvelles générations pour les faire grandir de façon sereine et en harmonie avec leur dignité. Je m'adresse avant tout aux familles chrétiennes, afin qu'elles soient d'authentiques communautés, des "laboratoires" dans lesquels on éduque à la foi et à la fidélité dans l'amour; des familles croyantes prêtes à aider celles qui sont en difficulté, afin que chaque fils qui naît puisse faire l'expérience de la tendre paternité de Dieu.


4. Pour cela, une authentique révolution culturelle et spirituelle est nécessaire, qui apporte l'Evangile dans les circuits de la vie. Chers jeunes, devenez les promoteurs de cette révolution pacifique, capable de témoigner de l'amour du Christ envers tous, en commençant par ceux qui sont le plus dans le besoin et qui souffrent le plus. Vous pouvez faire beaucoup, si vous demeurez unis en repoussant ceux qui vous présentent des objectifs faciles, qui abaissent le niveau et la qualité de la vie morale. Celui qui vous parle est un Pape qui a désormais plus de quatre-vingt ans, mais qui conserve un coeur jeune, car il a toujours voulu et veut encore continuer de marcher avec vous, jeunes qui êtes l'espérance de l'Eglise et de la société.

C'est à votre coeur de jeunes que je m'adresse également à présent. Avant que je n'arrive ici, place Saint-Pierre, vous avez fait la fête avec des chanteurs, des danseurs et des sportifs. Lorsqu'ils mettent leur professionnalisme au service des vraies valeurs, ceux-ci peuvent rendre un service précieux à la jeunesse. A eux, et à tous ceux qui peuvent influencer de façon positive ou, à l'inverse, de façon négative, la vie des jeunes garçons et filles, je demande de prendre conscience de leur grande responsabilité.

A vous, chers jeunes garçons et filles, je répète: faites attention à ce qui vous est proposé. Lorsque l'on vous propose des paroles et des modes de vie anti-évangéliques, ayez la force de dire "non".


5. "Prendre le large" signifie refuser ce qui vous est offert de négatif et placer votre créativité au service du Christ. J'ai écouté les initiatives à travers lesquelles vous voulez entreprendre, avec toute la communauté diocésaine, un chemin exigeant et fécond de bien. Je vous encourage à travailler en liaison constante entre vous, avec l'aide des services diocésains pour la pastorale des jeunes. Je demande également aux mouvements et aux nouvelles communautés d'insérer leur expérience dans l'Eglise locale et dans les paroisses, pour la bonne issue de cette oeuvre missionnaire, qui doit toujours être promue et réalisée ensemble.

Avec l'aide des adultes et des prêtres de vos communautés, organisez des moments de formation sur les questions actuelles les plus importantes. En partageant la vie des jeunes de votre âge dans les lieux d'étude, de divertissement, de sport et de culture, efforcez-vous de leur apporter l'annonce libératrice de l'Evangile. Relancez les patronages, les adaptant aux exigences des temps, comme des ponts entre l'Eglise et la rue, avec une attention particulière à l'égard de ceux qui sont marginalisés et traversent des moments de difficulté ou sont tombés dans les filets du vice et de la délinquance. Efforcez-vous, dans la pastorale de l'école et de l'Université, de donner vie à des groupes d'étudiants et à des ateliers culturels qui soient un point de référence pour vos amis. En outre, n'oubliez pas de demeurer aux côtés de ceux qui vivent des moments de douleur et de maladie: dans ces situations, il est possible de s'ouvrir plus que jamais au Dieu de la vie.

A la base de tout, il faut qu'il y ait une relation quotidienne et sincère avec le Maître divin. C'est-à-dire qu'il y ait la prière, l'écoute de la Parole de Dieu et la méditation, la Célébration eucharistique, l'adoration de l'Eucharistie et le sacrement de la Confession. A ce propos je vous félicite pour la belle initiative selon laquelle, chaque jeudi soir, un grand nombre d'entre vous se réunit en prière dans l'église Sainte-Agnès in Agone, place Navone. Je suivrai de même spirituellement ceux d'entre vous qui participeront au pèlerinage en Terre Sainte que vous projetez pour le mois de septembre prochain. Retourner aux sources de la foi, à la prière, ne signifie pas se réfugier dans un vague sentimentalisme religieux, mais s'arrêter plutôt pour contempler le visage du Christ, condition indispensable pour pouvoir le refléter ensuite dans la vie.


6. Voilà! Une fois de plus, je vous propose l'idéal évangélique difficile mais exaltant. Très chers jeunes, n'ayez pas peur et ne vous sentez pas seuls! Vos familles, les éducateurs, les prêtres sont proches de vous. Le Pape est proche de vous. Et surtout, Jésus est proche de vous, lui qui fut le premier à obéir à la volonté du Père et qui s'est laissé clouer sur la Croix pour racheter le monde. La voie de la Croix, comme je l'ai rappelé dans le Message pour la Journée mondiale de la Jeunesse, que nous célébrerons dimanche prochain, est la voie qu'Il nous propose.

N'ayez pas peur, jeunes veilleurs de cette aube du nouveau millénaire, d'assumer vos responsabilités missionnaires, qui découlent de votre Baptême et de votre Confirmation. Si le Seigneur vous appelle ensuite à le servir de plus près dans le sacerdoce ou dans un état de vie de consécration particulière, suivez-le avec générosité.

Aux côtés de chacun de vous, il y a Marie, la jeune Vierge de Nazareth, qui a dit "oui" à Dieu et a donné le Christ à l'humanité. Que vous aident les nombreux jeunes de votre âge dont l'Eglise a reconnu la pleine fidélité à l'Evangile et présente comme exemples à suivre, intercesseurs à invoquer. Parmi ceux-ci, je voudrais rappeler le bienheureux Pier Giorgio Frassati, dont nous fêterons précisément demain le centenaire de la naissance. Cherchez à le connaître! Son existence de jeune "normal" montre que l'on peut être saint en vivant intensément l'amitié, l'étude, le sport, le service aux pauvres, dans une relation constante avec Dieu. Je lui confie votre engagement missionnaire.

Quant à moi, je vous accompagne dans la prière et l'affection, tandis que je vous bénis de tout coeur, ainsi que vos familles et les jeunes de toute la ville de Rome.

 


À LA COMMUNAUTÉ DE L'UNIVERSITÉ PONTIFICALE GRÉGORIENNE POUR LE 450ème ANNIVERSAIRE DE SA FONDATION

Vendredi 6 avril 2001



Monsieur le Cardinal,
Vénérés Frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Très chers frères et soeurs!

1. Je suis heureux de vous adresser aujourd'hui une cordiale bienvenue et je vous remercie de cette visite, que vous avez souhaité me rendre à l'occasion du 450ème anniversaire de la fondation du Collège romain, dont l'Université grégorienne représente la continuation heureuse et providentielle. La rencontre d'aujourd'hui constitue pour vous - professeurs, étudiants, bienfaiteurs et amis de ce Centre académique romain - l'occasion de réaffirmer votre fidélité au Vicaire du Christ. Elle offre au Pape l'opportunité de vous manifester sa vive satisfaction et de vous encourager à poursuivre l'engagement avec lequel vous accomplissez votre mission particulière dans l'Eglise.

Je salue tout d'abord le Cardinal Zenon Grocholewski, votre Grand Chancelier, que je remercie des paroles qu'il m'a adressées en interprétant les sentiments communs. Je salue également les évêques qui ont voulu partager ce moment de joie et de reconnaissance. J'adresse une pensée cordiale au Père Peter-Hans Kolvenbach, Préposé général de la Compagnie de Jésus et Vice-Grand Chancelier, et au Recteur Magnifique, le Père Franco Imoda. Je salue ensuite les professeurs, dont la présence rend cette rencontre particulièrement solennelle.

Enfin, je désire vous saluer de façon particulière, très chers élèves, qui vous êtes exprimés à travers votre représentant que je remercie également. Votre provenance internationale enrichit le souffle universel de cette "Alma Mater". Dans celle-ci vous vous préparez à servir le Peuple de Dieu et à être les acteurs attentifs et courageux de la vie de votre diocèse et de vos Familles religieuses.


2. Le premier sentiment qui jaillit du coeur en une circonstance aussi heureuse est une action de grâce sincère et profonde au Seigneur, pour le service séculier que votre Université rend à la cause de l'Evangile.

Dès le début, saint Ignace de Loyola conçut votre vénérable Institution comme "universitas omnium gentium", active à Rome, aux côtés du Vicaire du Christ, liée à lui par des liens étroits de fidélité, et au service des Eglises de toutes les parties du monde. Il confia à ce qui était alors le Collège romain, la tâche de promouvoir la réflexion raisonnée et systématique sur la foi, pour encourager la juste prédication de l'Evangile et la cause de l'unité catholique, dans un contexte social caractérisé par de graves divisions et des germes inquiétants de désagrégation.

Dès les premières années, l'intuition de saint Ignace se révéla providentielle. Avec les changements d'époque et de situations, le service de la Grégorienne, grâce à la présence d'illustres chercheurs et professeurs, est devenu toujours plus incisif et important. A l'heure actuelle, elle est fréquentée par plus de trois mille quatre cents étudiants, provenant de cent trente pays, et elles s'articule en facultés et en cours de spécialisation répondant aux exigences renouvelées de l'étude de la Révélation et de la tradition catholique, dans un dialogue fécond et attentif avec le monde scientifique contemporain.

Cet événement important constitue donc une occasion fructueuse pour se retourner sur le chemin parcouru, qui suit, en grande partie, l'histoire de l'évangélisation et de la défense de la foi catholique au cours des derniers siècles.


3. Face aux défis de la société d'aujourd'hui, le moment est venu d'effectuer une relance audacieuse de votre Institution. C'est l'occasion de confirmer votre fidélité totale à l'intuition ignatienne et de mettre en acte un renouveau courageux, afin que la mémoire du passé ne se limite pas à la contemplation du travail effectué, mais qu'elle devienne un engagement dans le présent et une prophétie pour l'avenir.

Le Seigneur, qui a toujours guidé vos pas, vous répète aujourd'hui: "Duc in altum! - Prenez le large!". Continuez - semble-t-il ajouter - à être des instruments privilégiés de l'annonce de mon Evangile aux hommes et aux femmes du troisième millénaire. Très chers amis, vous pourrez accomplir votre mission dans la mesure où vous saurez conserver de façon immuable la fidélité à votre charisme.

En effet, l'identité spécifique de votre Centre académique et son lien structurel avec la Compagnie de Jésus vous invitent à confirmer certaines orientations de fond, qui ont toujours guidé votre activité.

Dès les origines, votre Université s'est donné pour objectif fondamental la "réflexion raisonnée et systématique sur la foi", encouragée tant par la relation particulière d'obéissance filiale qui la lie au Saint-Siège, que par le désir de dialoguer avec les institutions culturelles de l'époque.


4. En premier lieu, une pleine fidélité au Magistère. Il s'agit d'une condition qui, comme il ressort de votre expérience séculaire, n'entrave pas mais favorise au contraire davantage le service ecclésial de la recherche théologique et de l'enseignement.

En outre, le nouveau panorama de la culture de notre temps demande aux professeurs et aux étudiants de votre Université de faire preuve d'un solide équilibre intérieur, d'une claire fermeté d'esprit et d'une profonde humilité de coeur.

Je voudrais ici rappeler ce que j'écrivais dans l'Encyclique Fides et ratio, c'est-à-dire que lorsque l'on s'ouvre à d'autres milieux du savoir, il faut toujours prêter "une attention particulière aux implications philosophiques de la parole de Dieu et [mener] une réflexion qui fasse ressortir la densité spéculative et pratique de la science théologique" (FR 105). En effet, la théologie se construit avec une attention constante au mystère de Dieu et au mystère de l'homme.

Un autre objectif, pour lequel vous êtes engagés en première ligne, conformément au "charisme du service à l'Eglise universelle", caractéristique de la Compagnie de Jésus, est l'attention pastorale au thème de l'unité des chrétiens, au dialogue interreligieux et à l'étude de l'athéisme contemporain.
Face à la situation actuelle de la mondialisation, dans laquelle la coexistence d'hommes de fois et de cultures différentes est toujours plus évidente et fréquente, le dialogue interreligieux prend une importance considérable, car "le nom du Dieu unique - comme je l'ai écrit dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte - doit devenir toujours plus ce qu'il est, un nom de paix et un impératif de paix" (NM 55).


5. Comment la Grégorienne, depuis toujours "universitas omnium gentium", pourrait-elle ne pas se sentir fortement interpellée par les défis du monde moderne? Que le critère qui oriente votre recherche et votre travail quotidien soit toujours la docilité à l'Esprit qui envoie, d'une part, l'Eglise dans le monde pour le réconcilier avec Dieu et qui anime, de l'autre, de nombreux hommes et femmes de bonne volonté, en suscitant chez eux l'intérêt pour la vérité (cf. Fides et ratio FR 44).

Dans cet effort, continuez à vous inspirer de la figure lumineuse du grand missionnaire, le Père Matteo Ricci, qui transmit son témoignage religieux au coeur même de la société chinoise. En parlant de l'Evangile, il sut trouver en chaque circonstance l'approche culturelle appropriée à celui qui l'écoutait.

Chères frères et soeurs, votre famille universitaire peut compter sur une longue histoire marquée par une immense richesse culturelle et spirituelle. En outre, elle peut s'appuyer sur des professeurs et des étudiants qui, provenant de toutes les parties du monde, sont les détenteurs de multiples expériences. Si tout cela est placé au service de l'Evangile et accompagné par un recours constant à la prière, les fruits apostoliques souhaités, au bénéfice de tout le Peuple de Dieu, ne peuvent que mûrir. Je vous souhaite de tout coeur de poursuivre votre mission avec un amour authentique pour l'Eglise et en constante harmonie avec le Saint-Siège.

Je confie chacun de vous, ainsi que votre Institution, à la protection céleste de Marie, Mère de la sagesse, de saint Ignace et de vos autres saints Patrons et, alors que je vous assure de mon souvenir spécial dans la prière, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction.


Discours 2001 - Samedi 31 mars 2001