Discours 2001 - Vendredi 6 avril 2001


AUX ÉVÊQUES DU PARAGUAY EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 7 avril 2001



Très chers frères dans l'épiscopat,

1. C'est pour moi une grande joie de vous recevoir aujourd'hui, en ce moment culminant de votre visite ad limina Apostolorum, qui manifeste la communion dans la foi et la charité avec le Successeur de Pierre, pour lequel Jésus pria afin qu'il ne manque pas à sa foi et qu'il confirme ses frères dans celle-ci (cf. Lc 22,32). Cette même foi, qui nous rassemble et nous réunit autour du Christ, le véritable Maître, encourage également "le souci de toutes les Eglises" (2Co 11,28), qui revient aux Apôtres et à leurs successeurs. Je vous souhaite donc la bienvenue à cette rencontre, conscient qu'en chacun de vous j'accueille cordialement les Eglises particulières du Paraguay, leurs prêtres, les communautés religieuses et le peuple des fidèles.

Je remercie Mgr Jorge Livieres Banks, Evêque d'Encarnación et Président de la Conférence épiscopale, de ses paroles de salut chaleureuses, à travers lesquelles il s'est fait l'interprète de votre affection à tous pour le Pape, ainsi que des espérances et des préoccupations principales dans le ministère pastoral que vous accomplissez. J'espère ardemment que l'expérience de cette visite vous réconfortera et vous illuminera face aux adversités et je vous encourage dans vos efforts pour édifier des communautés ecclésiales toujours plus vigoureuses, cohérentes avec l'Evangile et souhaitant vivre avec joie le message salvifique du Christ.


2. L'Eglise du Paraguay possède une glorieuse tradition évangélisatrice, qui a su conjuguer courageusement la sainteté de vie avec une longue activité missionnaire, comme dans le cas du premier saint Paraguayen, le Père Roque de Santa Cruz, que j'ai eu la joie de canoniser, avec deux compagnons martyrs, au cours de mon inoubliable visite pastorale dans cette terre bien-aimée. A l'aube du nouveau millénaire, j'ai précisément voulu souligner cet aspect de la sainteté de vie comme fondement de tout projet apostolique, qui doit avoir son centre et son point de départ dans le Christ "qu'il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l'histoire jusqu'à son achèvement dans la Jérusalem céleste" (Novo millennio ineunte NM 29).
Le Paraguay peut en outre compter sur l'un des témoignages les plus célèbres et significatifs d'une initiative évangélisatrice créative et audacieuse, qui est celui des missions franciscaines et jésuites. Leur souvenir continue à enseigner aujourd'hui encore que la "parole de vie" (cf. Jn 6,68) s'approche de l'être humain avec douceur, le libère de nombreuses oppressions, promeut le développement intégral des personnes et ennoblit la culture de chaque peuple, en purifiant et en conduisant à leur plénitude ses valeurs spécifiques. En effet, "le Seigneur est le terme de l'histoire humaine, le point vers lequel convergent les désirs de l'histoire et de la civilisation, le centre du genre humain, la joie de tous les coeurs et la plénitude de leurs aspirations" (Gaudium et spes GS 45).

On perçoit dans tout cela une invitation aux pasteurs d'aujourd'hui à ne pas épargner leurs efforts, en proclamant constamment l'Evangile et en formant les consciences chrétiennes à travers une catéchèse systématique et constante, qui s'enracine profondément chez tous leurs fidèles. A ce propos, je désire rappeler les paroles que je vous ai adressées au cours de ma mémorable visite dans votre pays: "Il n'est pas suffisant d'apporter la doctrine: il faut faire en sorte que ceux qui reçoivent l'instruction religieuse se sentent incités à vivre ce qu'ils apprennent" (Aux évêques du Paraguay, Asunción, 16 mai 1988, n. 3).


3. Dans ce contexte, les prêtres méritent une attention particulière, dans la mesure où ils sont les principaux collaborateurs de l'évêque dans la mission pastorale et qu'ils "rassemblent la famille de  Dieu" (Lumen gentium LG 28) en son nom. Je suis au courant des efforts considérables accomplis pour améliorer le Séminaire national et il est encourageant de constater l'augmentation du nombre des séminaristes. Il est important que ceux-ci reçoivent une solide formation spirituelle, humaine et intellectuelle, qui se poursuive également après le séminaire dans leur vie sacerdotale, de façon à ce qu'ils soient des dispensateurs fidèles, constants et généreux des mystères du Christ.

La nécessité évidente de vocations au sacerdoce et à la vie consacrée ne doit conduire en aucune façon à exiger moins et à se contenter d'une formation et d'une spiritualité médiocres. Au contraire, les circonstances actuelles demandent peut-être encore davantage qu'à d'autres époques, une plus grande attention à la sélection et à la formation de ceux qui, outre leur compétence dans leur propre ministère pastoral, doivent étayer leur prédication par l'exemple. En effet, l'évangélisateur, en vivant "avec simplicité à l'exemple du Christ est un signe de Dieu et des réalités transcendantes" (Redemptoris missio RMi 42). C'est pourquoi un effort particulier est demandé afin que les prêtres, loin de se limiter à accomplir régulièrement des fonctions déterminées, se sentent complètement imprégnés par la charité pastorale qui sollicite l'Apôtre à tout moment (cf. 2Co 5,14).

Ces considérations nous poussent à présenter la grave responsabilité des évêques, qui est non seulement de bien organiser la formation du clergé, mais également de l'assister personnellement, "comme des frères et des amis" (cf. Presbyterorum ordinis PO 7). Dans cette tâche délicate et cruciale, l'évêque doit se sentir affectivement et effectivement proche de tous ses prêtres, en se souciant de leurs besoins spirituels et matériels, et en s'intéressant à leurs projets pastoraux et aux activités de chaque jour. Il ne faut pas négliger un aspect que j'ai voulu expressément souligner dans ma Lettre aux prêtres pour le Jeudi saint de cette année en exprimant "mon admiration pour ce ministère discret, tenace, créatif, bien qu'il soit parfois traversé par les larmes de l'âme que Dieu seul voit" (PO 3), car "cet engagement quotidien est précieux aux yeux de Dieu" (Ibid. PO PO 3). En effet, dans de nombreuses occasions le manque de reconnaissance pour l'exercice ordinaire du ministère provoque le découragement, en particulier chez les prêtres les plus jeunes, auxquels il faut prêter une attention et des soins particuliers.


4. Au Paraguay, il y a une présence importante de personnes consacrées, religieuses et religieux, à qui l'histoire de ce pays doit beaucoup, et qui continuent à contribuer de façon décisive à l'évangélisation, que ce soit à travers une pastorale directe dans les paroisses et les missions, ou dans de multiples oeuvres d'apostolat d'éducation ou d'assistance.

C'est pourquoi le rôle que joue la femme consacrée dans de nombreux milieux de la vie ecclésiale, en particulier en raison de sa simplicité, de son esprit de sacrifice et de son attention aux personnes, est particulièrement digne d'être mentionné. Sa contribution apparaît extrêmement précieuse, en particulier dans les milieux où la dignité de la femme est blessée ou insuffisamment reconnue, et où l'on attend du "génie féminin" (cf. Mulieris dignitatem MD 31) une collaboration spécifique pour surmonter la triste discrimination qui continue à notre époque.

L'Eglise, tout en appréciant chez les religieux et les religieuses la disponibilité, l'efficacité et la capacité de répondre avec promptitude aux nouvelles limites de l'évangélisation, n'a pas cessé de souligner que ceux-ci "trouvent dans leur vie consacrée un moyen privilégié d'évangélisation efficace. Par leur être le plus profond ils se situent dans le dynamisme de l'Eglise" (Evangelii nuntiandi EN 69). C'est pourquoi l'Eglise leur rappelle la nécessité de toujours conserver une "fidélité créative" à leur propre charisme (cf. Vita consecrata VC 37). De même, elle réaffirme la responsabilité que les évêques ont de conserver et de défendre le riche patrimoine spirituel de chaque Institut (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 586,2), en répondant au "don de la vie consacrée, que l'Esprit suscite dans l'Eglise particulière, en le recevant généreusement dans l'action de grâce" (Vita consecrata VC 48). On observe ainsi que, dans l'édification de l'Eglise, "c'est Dieu qui fait croître" (cf. 1Co 3,7), plus encore que les efforts humains. En outre, face à l'exigence de spiritualité diffuse, qui se manifeste comme "un signe des temps" en ce début de millénaire (cf. Novo millennio ineunte NM 33), on doit attendre des personnes consacrées, en vertu de leur témoignage charismatique, un témoignage de vie authentiquement évangélique et cette "sorte d'instinct surnaturel" (Vita consecrata VC 94) cultivé avec soin, en mesure d'apporter une contribution spéciale dans chaque Eglise particulière, afin que l'on conserve vivante la signification de la présence de Dieu et que l'on suscite chez tous les fidèles "une réelle aspiration à la sainteté, un fort désir de conversion et de renouveau personnel, dans un climat de prière toujours plus intense" (Tertio millennio adveniente TMA 42 Vita consecrata, n. 39).


5. Je constate avec satisfaction que les évêques du Paraguay ont assisté et continuent à assister leur peuple dans la recherche, souvent difficile, d'une coexistence harmonieuse et pacifique, fondée sur les valeurs de la justice, de la solidarité et de la liberté. Dans ce cadre, l'Eglise, qui n'aspire qu'à accomplir sa mission, recherche le salut de l'être humain et annonce l'Evangile, dont la lumière "en affermissant la cohésion de la société et en procurant à l'activité quotidienne des hommes un sens plus profond, la pénètre d'une signification plus haute" (Gaudium et spes GS 40). C'est pourquoi, lorsque cela est nécessaire, elle n'hésite pas à dénoncer l'injustice et propose dans sa doctrine sociale les principes de caractère éthique qui doivent orienter également l'action dans la vie civile.

Diffuser la doctrine sociale de l'Eglise acquiert la dimension d'une "authentique priorité pastorale" (Ecclesia in America ), que ce soit pour affronter de façon adéquate les diverses situations avec une conscience droite, illuminée par la foi, ou pour promouvoir et orienter l'engagement des laïcs dans la vie publique. En effet, il ne sert pas à grand chose de dénoncer, de proclamer des principes de façon théorique, si ceux-ci ne sont pas profondément intériorisés à travers une formation généralisée et systématique. Il s'ouvre ainsi un domaine d'influence réelle et concrète des valeurs inspirées de l'Evangile dans le monde de la culture, de la technologie, de l'économie ou de la politique.

Il faut ajouter à cette formation, qui doit accompagner la croissance dans la foi de chaque fidèle chrétien, un effort pour évangéliser également ceux qui ont déjà des responsabilités dans les divers domaines de l'administration publique. L'Evangile s'adressant également à eux, il est nécessaire de les aider à découvrir que le message de Jésus est précieux et pertinent, que ce soit pour leur vie personnelle et familiale ou pour la fonction qu'ils accomplissent (cf. Ecclesia in America ).

Un moyen particulièrement adapté afin que les fidèles laïcs réalisent les grandes espérances que l'Eglise suscite en eux, dans les tâches qui leur reviennent, est celui d'une organisation opportune, qui facilite la formation, l'intégration progressive des nouvelles générations, l'aide réciproque et l'action apostolique coordonnée. La naissance de divers mouvements de laïcs peut être, à ce propos, un phénomène encourageant qui mérite une attention particulière de la part des évêques, exhortés, comme le dit l'Apôtre saint Paul, "à ne pas éteindre l'Esprit, à ne pas déprécier les dons de prophétie, mais à vérifier tout, et retenir ce qui est bon" (cf. 1Th 5,19-21). De cette façon, avec l'aide de leurs pasteurs et en parfaite communion avec eux, se forgera un laïcat vigoureux, fermement engagé sur le chemin de la sainteté personnelle, dans l'édification de l'Eglise et dans la construction d'une société plus juste.


6. Je ne veux pas conclure cette rencontre sans mentionner l'un des plus précieux héritages qui enrichissent les communautés ecclésiales paraguayennes, comme l'est la religiosité populaire. Dans de nombreux cas, c'est la forme avec laquelle l'Evangile a planté ses racines les plus profondes dans l'âme de nombreux croyants. Il est nécessaire de promouvoir cette capacité expressive, qui implique la totalité de la personne et imprègne la vie communautaire, en la conduisant vers un approfondissement progressif dans la foi, qui illumine tous les aspects de leur vie. De cette façon, ils seront chaque jour plus conscients de devoir croître comme des pierres vivantes qui constituent un édifice spirituel (cf. 1P 2,5), avec la force qui naît de ces "oeuvres maîtresses de Dieu" que sont les sacrements (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1116).


7. Chers frères dans l'épiscopat, je confie vos personnes et vos intentions pastorales à la Vierge Marie, notre Mère céleste, invoquée avec ferveur par les fidèles paraguayens sous le titre de Pura y Limpia Concepcíon de Caacupé. Qu'Elle tende la main aux bien-aimés fils et filles du Paraguay, à qui je vous demande de faire parvenir le salut et l'affection du Pape! Avec ces voeux, accompagnés de ma prière et de mon affection, je vous bénis de tout mon coeur.

 

AUX ÉTUDIANTS DU CENTRE CULTUREL INTERNATIONAL "JEAN XXIII"

Samedi 7 avril 2001



Chers étudiants,

1. Soyez les bienvenus à cette rencontre que vous avez appelée de vos voeux! Je vous salue affectueusement et je vous remercie de cette visite, qui me permet de mieux connaître vos attentes et vos espoirs de jeunes, provenant de différents pays du monde, venus étudier à Rome. Je salue Mgr Remigio Musaragno, Directeur du Centre culturel international Jean XXIII, au sein duquel il est actif depuis bien quarante ans. En le remerciant des paroles cordiales qu'il a bien voulu m'adresser, je forme des voeux affectueux afin que le jubilé sacerdotal qu'il a  récemment célébré, constitue pour lui une occasion de consécration renouvelée au Christ et de service toujours plus généreux à ses frères.

Avec lui, je salue celui qui s'est fait l'interprète de vos sentiments et ceux qui collaborent avec générosité à la vie de votre Communauté. J'étends ma pensée à tous les étudiants des nations les moins riches du monde et aux organismes ecclésiaux qui s'occupent d'eux. Je rappelle en particulier, outre votre centre de grand mérite, ceux qui sont aujourd'hui représentés ici: le Bureau central des étudiants étrangers en Italie (UCSEI) de Rome et de Pérouse et le Centre international "La Pira" de Florence.


2. Vous êtes originaires de cinquante pays et vous passez à Rome une période significative de votre jeunesse. Il s'agit d'une précieuse opportunité culturelle et formatrice qui vous enrichit de compétences scientifiques et de nouvelles expériences humaines, en vous permettant de vous préparer à devenir les protagonistes généreux et attentifs du développement de vos nations respectives. C'est sûrement un privilège singulier que celui de demeurer dans la Ville éternelle, coeur battant de l'Eglise catholique. Ici, vous pouvez admirer d'importants et précieux vestiges de l'antique civilisation romaine, ainsi que des témoignages éloquents de la foi chrétienne. Ici, il vous est donné d'ouvrir votre esprit et votre coeur au savoir et aux valeurs de la fraternité, de l'accueil et du respect des richesses de tout peuple.

Dans votre Centre, où cohabitent des jeunes de cultures, de races et de nations différentes, il est possible de réaliser une expérience singulière et enrichissante de "convivialité" humaine et spirituelle. La provenance multiforme des résidents permet au Centre d'être une école de coexistence fraternelle, où devient actuelle et fructueuse l'invitation au dialogue entre les cultures, que j'ai proposée comme voie privilégiée en vue de la construction de la civilisation de l'amour et de la paix dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix de cette année. Le dialogue invite, en effet, à reconnaître la richesse de la diversité et dispose les âmes à l'acceptation réciproque, dans la perspective d'une authentique collaboration répondant à la vocation originelle à l'unité de toute la famille humaine.


3. Chers étudiants, je voudrais aujourd'hui vous confier, à vous qui, demain, s'il plaît à Dieu, pourrez être des acteurs de l'histoire de vos pays, le devoir de valoriser au maximum ces années de formation pour croître humainement, culturellement et spirituellement. Ce n'est qu'ainsi que vous pourrez être les artisans de sociétés nouvelles, où chacun se sent accueilli comme membre de la même famille, appelée à vivre dans la solidarité et dans la paix.

Pour que cela se réalise, outre à l'indispensable préparation scientifique et professionnelle, il faut en premier lieu que vous soigniez votre relation personnelle avec Dieu. Dans un monde où les intérêts dominants semblent être seulement matériels, je vous exhorte à rechercher "d'abord le Royaume de Dieu et sa justice", parce que tout le reste, comme nous l'affirme le Christ lui-même, vous sera donné "par surcroît" (cf. Mt 6,33). En outre, l'expérience de la foi, dans un contexte multiculturel, vous aidera à ne pas vous soumettre à des conformismes faciles, à des modèles inspirés par une conception sécularisée et pratiquement athée de la vie, tout comme à des formes d'individualisme radical. Cela vous poussera plutôt à acquérir une relation plus mûre à l'égard des valeurs de votre culture, à les enrichir par la confrontation avec d'autres traditions et à les analyser à travers l'expérience vécue de la rencontre avec le Christ.


4. Telles sont, très chers jeunes, les conditions qui peuvent faire de votre Centre un lieu d'espérance, une famille au sein de laquelle on se respecte et on s'aime, un lieu d'apprentissage de la "civilisation de l'amour". Venant de nombreux pays, vous pouvez réfléchir ensemble sur les motifs qui, malheureusement, provoquent chez certains peuples auxquels vous appartenez, des divisions et des haines. Ensemble, il vous est possible de mûrir dans la connaissance réciproque, en recherchant ce qui unit et en dépassant les oppositions séculaires qui dégradent parfois la dignité de l'homme. L'expérience de l'accueil, de la compréhension mutuelle et, quand cela est nécessaire, du pardon, constitue un entraînement quotidien vous préparant à vos futures responsabilités, quand il vous sera demandé d'être des constructeurs de solidarité et de paix, soignant les blessures et recomposant dans les esprits et dans les coeurs la condition positive de la fraternité.


5. Votre Maison est dédiée à mon vénéré prédécesseur, le Bienheureux Jean XXIII. Il fut le Pape du dialogue et de la paix, de la bonté et de l'amour envers tous. Au cours de son bref pontificat, il a lancé une profonde "mise à jour" capable d'imprimer à l'Eglise un vaste et significatif renouveau. Avec le Concile Vatican II, il a préparé ensuite l'Eglise aux défis du troisième millénaire. Dans les différentes charges auxquelles il fut appelé par la Providence, il conserva sa foi simple et un attachement constant à ses racines populaires.

Je confie chacun d'entre vous à l'intercession de ce Bienheureux, qui vous est particulièrement proche. Qu'il vous aide à conserver avec fidélité votre identité humaine et chrétienne et vous rende prêts à vous ouvrir courageusement aux nécessités de vos frères. J'invoque en outre sur vous la protection maternelle de Marie, la Mère du Seigneur et, de grand coeur, je vous bénis avec tous vos espoirs, vos familles, les personnes qui vous sont chères et les pays dont vous provenez.

 


AUX PARTICIPANTS A LA RENCONTRE INTERNATIONALE "UNIV 2001"

Lundi 9 avril 2001


Très chers jeunes,

1. Soyez les bienvenus! Comme c'est désormais la tradition depuis plusieurs années, vous êtes revenus à Rome pour passer ensemble la Semaine sainte. Un grand nombre d'entre vous se trouvent sans doute pour la première fois dans cette ville magnifique, mais pour votre association, ce rendez-vous romain, qui prévoit également la visite au Successeur de Pierre, est devenu presque une habitude. Merci de cette rencontre et de votre enthousiasme juvénile. Je souhaite à chacun de passer ces jours saints dans un climat de profonde spiritualité.


2. Le Congrès, qui vous a réunis, a pour thème: "Un visage humain pour le monde global". Il s'agit d'un argument qui vous permet de confronter les expériences et les propositions sur la mondialisation, un phénomène destiné à caractériser toujours plus la société à l'avenir.

Vous saisissez les aspects positifs de ce processus, sans pour autant en ignorer les dangers. L'économie ne peut dicter les modèles et les rythmes du développement, et, s'il est juste de pourvoir aux nécessités matérielles, il ne faut jamais faire obstacle aux valeurs de l'esprit. Le vrai doit prévaloir sur l'utile, le bien sur le bien-être, la liberté sur les modes, la personne sur la structure. De plus, critiquer ne suffit pas; il faut aller au-delà, il faut être des constructeurs. En effet, le chrétien ne peut se limiter à analyser les processus historiques en cours, en maintenant une attitude passive, comme si ceux-ci dépassaient ses capacités d'intervention, étant guidés par des forces aveugles et impersonnelles. Le croyant est persuadé que tout événement humain est soumis à la main providentielle de Dieu, qui demande à chacun de collaborer avec Lui pour orienter l'histoire vers une fin digne de l'homme.


3. En définitive, la question de fond tourne autour d'une question décisive: Comment dois-je vivre la foi chrétienne? Est-elle pour moi uniquement un ensemble de croyances et de dévotions enfermées dans la sphère privée, ou bien une force qui exige de se traduire en choix qui influencent ma relation avec les autres? Combien un homme et une femme de foi peuvent influencer la société!

Cela fait partie du réalisme chrétien de comprendre que les grandes mutations sociales sont le fruit de petits choix quotidiens courageux.Vous vous demandez souvent: quand notre monde arrivera-t-il à se configurer pleinement au message de l'Evangile? La réponse est simple: lorsque tu seras le premier à agir et à penser de façon stable selon le Christ, une partie au moins de ce monde lui sera remise en toi. Le bienheureux Josemaría, à la spiritualité duquel vous vous inspirez, a écrit: "Ame d'apôtre, tu es parmi les tiens comme la pierre tombée dans le lac. - Tu provoques par ton exemple et ta parole un premier cercle... qui en produit un autre... et celui-ci un autre... et un autre. Et les cercles sont de plus en plus larges.
Comprends-tu maintenant la grandeur de ta mission?" (Chemin, 831).


4. Dans la société actuelle, qui poursuit l'optimisation des parcours productifs, on ressent un processus d'uniformisation, qui met en danger les libertés personnelles et les cultures nationales elles-mêmes. Comment réagir? La doctrine sociale de l'Eglise contient les principes d'une réponse qui respecte le rôle des individus et des groupes. Mais pour promouvoir une culture mondiale de ces absolus moraux que sont les droits de la personne, il faut que chaque chrétien commence par lui-même, s'efforçant de refléter dans toutes ses pensées et dans ses actes l'image du Christ.

Cela ne représente certes pas un programme facile. Il s'agit plutôt d'un acte de foi difficile, car suivre le Christ signifie entreprendre un chemin qui conduit à se renier pour se donner à Dieu et à ses frères.


5. Dans le Message pour la récente Journée mondiale de la Jeunesse, que nous avons célébrée hier, Dimanche des Rameaux, j'ai écrit que le Christ est "un Messie qui est hors de tout schéma et tout vacarme, que l'on ne parvient pas à "saisir" selon la logique du succès et du pouvoir, souvent utilisée par le monde comme critère de vérification de ses projets". Et j'ai expliqué que se mettre à la suite d'un tel Maître comporte le courage de dire un "oui" total à son appel: "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive" (Lc 9,23). Ces paroles expriment la radicalité d'un choix qui n'admet ni délais, ni changement d'avis. Il s'agit d'une dure exigence; cette parole résonne aujourd'hui encore comme un scandale et une folie (cf. 1Co 1,22-25). Et pourtant c'est avec elle qu'il faut se mesurer.

Chers jeunes, que le Seigneur vous accorde de comprendre toujours plus la mission à laquelle Il vous appelle. Tandis que je vous souhaite une Sainte Pâques, permettez que je vous renouvelle l'invitation contenue dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte: "Prenez le large - Duc in altum!": cette invitation de Jésus à Pierre (cf. Lc 5,4) vous offre la mesure de la réponse que le Seigneur attend de vous. Une réponse totale et d'abandon complet entre ses mains.

Duc in altum, où la mer est plus profonde, où le mystère de l'amour de Dieu vous ouvre des espaces merveilleux, que toute une vie ne suffira pas à explorer.

Que vous accompagne la Madone, à laquelle je demande de vous guider sur le chemin exigeant de la sainteté. C'est avec la sainteté que l'on change le monde. Je vous bénis de tout coeur.




  PAROLES DU SAINT-PÈRE À LA FIN DU CHEMIN DE CROIX

Vendredi saint, 13 avril 2001


(Suivent les paroles que le Saint Père a prononcé en improvisant à la fin de sa méditation lors du Chemin de Croix au Colisée)

Ecce lignum crucis, in quo salus mundi pependit! Venite adoremus!

Aujourd'hui, pour la première fois en ce troisième millénaire, cette confession a retenti dans la Basilique Saint-Pierre. En ce même jour, Vendredi saint, la même vérité bouleversante a été proclamée sur tous les continents, dans tous les pays du monde: Ecce lignum crucis!

L'Eglise du Christ confesse cette réalité divine et humaine: Crux, ave Crux! Adoramus te, Christe et benedicimus tibi, quia per sanctam tuam redemisti mundum:

Voilà ce que l'Eglise a confessé pendant deux mille ans, les deux millénaires passés. Aujourd'hui, pour la première fois, nous le confessons dans le monde entier et ici, à Rome, à travers cette Via Crucis autour du Colisée. Nous voulons transmettre, diffuser cette vérité divine et humaine dans le troisième millénaire. Nous voulons professer que, à travers sa Croix, le Fils de Dieu en acceptant cette humiliation - une condamnation destinée aux esclaves - a ouvert à l'humanité la voie vers la glorification. C'est pourquoi nous nous agenouillons aujourd'hui en adoration.

Adoramus te, Christe et benedicimus tibi, quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
Que cette vérité aujourd'hui confessée dans la basilique Saint-Pierre et ici, au Colisée romain, constitue pour nous la lumière et la force de ce temps que nous avons inauguré depuis quelques mois.

Ave Crux!, ave Crux du Colisée romain!
Ave au seuil du troisième millénaire!
Ave à travers toutes les années et les siècles de ce nouveau temps qui s'ouvre devant nous!
Loué soit Jésus-Christ!
*****


I. “Le Christ s’est fait obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix” (Ph 2, 8).

Nous venons de terminer la Via Crucis qui, comme chaque année, nous trouve rassemblés au soir du Vendredi saint en ce lieu qui évoque de profonds souvenirs chrétiens. Nous avons de nouveau suivi les pas de l'Innocent injustement condamné, les yeux fixés sur son visage digne d'adoration: visage offensé par la méchanceté humaine, mais illuminé par l'amour et le pardon.

L'histoire dramatique de Jésus est vraiment bouleversante ! Pour redonner à l'homme la vie en plénitude, le Fils de Dieu s'est anéanti de la manière la plus humiliante. De sa mort, par Lui librement choisie, naît la vie. Ainsi le dit l'Écriture: oblatus est quia ipse voluit (il s'est offert parce qu'il l'a lui-même voulu). C'est un témoignage d'amour extraordinaire, fruit d'une obéissance sans égale, qui est allée jusqu'à l'extrême don de soi.

II. "Obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix”.

Comment détacher son regard de Jésus, qui meurt sur la Croix ? Son visage bafoué suscite le trouble. Le prophète l'affirme: "Il n'était ni beau ni brillant pour attirer nos regards, son extérieur n'avait rien pour nous plaire. Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleur, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne" (Is 53,2-3).

Sur ce visage se concentrent les ombres de toutes les souffrances, des injustices, des violences subies par les êtres humains de toutes les époques de l'histoire. Mais maintenant, devant la Croix, nos peines de chaque jour, et la mort elle-même, apparaissent revêtues de la majesté du Christ abandonné et mourant.

Le visage du Messie couvert de sang et crucifié révèle que Dieu, par amour, s'est laissé impliquer dans les événements tourmentés de l'humanité. Notre souffrance n'est plus une souffrance solitaire, car il a payé pour nous par son sang versé jusqu'à la dernière goutte. Il est entré dans notre souffrance et il a brisé les barrières de nos pleurs désespérés.

Dans sa mort, la vie de l'homme et même sa mort acquièrent sens et valeur. De sa Croix, le Christ fait appel à la liberté personnelle des hommes et des femmes de tous les temps, et il invite chacun à le suivre sur les chemins de l'abandon total entre les mains de Dieu. Il nous fait aussi redécouvrir la fécondité mystérieuse de la souffrance.

III. "Sur nous, Seigneur, que s'illumine ton visage !" (Ps 4,7).

Au moment où notre assemblée va se séparer, continuons à méditer sur le mystère de ce Visage que d'innombrables artistes, tout au long des siècles, ont représenté avec tout le brio de leur art.

Oh ! si les hommes se laissaient attendrir par ses traits incomparables ! Sur ce saint Visage, ils peuvent trouver une réponse appropriée aux nombreuses interrogations et aux nombreux doutes qui agitent le coeur humain. De la contemplation du Visage plein d'amour du Fils de Dieu fait homme, il est possible de puiser la force pour dépasser les heures de la tristesse et des pleurs. Du Calvaire, une paix divine inonde l'univers en attente de la gloire de Pâques.

Vierge Marie, toi qui es restée inébranlable au pied de la Croix et qui as reçu sur ton sein le corps inanimé de Jésus, aide-nous à comprendre que notre souffrance est une participation précieuse à la Passion de ton divin Fils qui, par amour pour nous, "s'est fait obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix”. Guide nos pas pour que nous suivions ses pas indélébiles, qui nous conduiront à l'étonnement et à la joie de sa résurrection.

       

MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AU MOUVEMENT FOI ET LUMIÈRE À L'OCCASION DU 30ème ANNIVERSAIRE DE LA FONDATION



  A mes fils et à mes filles du Mouvement Foi et Lumière

1. En cette Semaine sainte de la première année du nouveau millénaire, vous rejoignant par l’affection et la prière, je vous salue, vous qui êtes venus auprès de la Grotte de Massabielle à l’occasion du trentième anniversaire de la fondation de votre mouvement. Marie elle-même vous y accueille, pour raviver votre désir de "venir boire à la source", pour vous conduire, comme elle le fit jadis avec Bernadette, à la rencontre de son Fils. A Lourdes, l’amour de Jésus et de Marie pour les plus faibles éclate avec une force singulière, vous invitant à l’action de grâce pour les merveilles que Dieu fait en vous. Je vous encourage à raviver et à affermir votre foi, pour être chaque jour missionnaires.

2. Vous qui êtes porteurs d’un handicap, vous êtes le coeur de la grande famille de Foi et Lumière.Votre vie est un don de Dieu et fait de vous des témoins de la vraie vie, et si le handicap vous conduit parfois à des combats difficiles dans votre existence, vous vivez souvent, selon le mot de Claudel, avec "des âmes agrandies dans des corps entravés". Chers amis, vous êtes un trésor précieux pour l’Eglise, qui est aussi votre famille, et vous avez une place spéciale dans le coeur de Jésus.

3. Depuis trente ans, Foi et Lumière n’a cessé de rappeler avec audace, courage et persévérance l’éminente dignité de toute personne humaine. Nous pouvons rendre grâce pour l’espérance et la confiance que tant de personnes, tant de familles, ont trouvées dans le mouvement. Je désire remercier chaleureusement les personnes qui entourent les handicapés pour le travail irremplaçable réalisé quotidiennement au service des oubliés de nos sociétés et surtout pour la joie qu’elles leur offrent. Elles témoignent ainsi que la joie de vivre est une source cachée, qui trouve son origine dans la confiance en Dieu et en Marie, sa Mère. Je voudrais saluer tout particulièrement Jean Vanier et Marie-Hélène Mathieu qui depuis longtemps se dépensent en faveur de la vie et de la promotion des personnes handicapées.

4. Votre présence à Lourdes, chers frères et soeurs, est aussi un appel adressé aux chrétiens et aux responsables de notre société, afin qu’il comprennent toujours mieux que le handicap, s’il nécessite des aides, est avant tout une invitation à dépasser toutes les formes d’égoïsme et à s’engager dans de nouvelles fraternités et de nouvelles solidarités. Ainsi que je le rappelais à Rome, lors leur jubilé, les personnes handicapées remettent "en question les conceptions de la vie liées uniquement à la satisfaction personnelle, à l’apparence, à l’efficacité" (Homélie, 3 décembre 2000, n. 5). Elles appellent tous les membres de la société à soutenir moralement et matériellement les parents en charges d’enfants handicapés. Alors que l’on tend de plus en plus à supprimer dès avant la naissance l’être humain susceptible d’être porteur d’un handicap, l’action de Foi et Lumière constitue un signe prophétique en faveur de la vie et d’une attention prioritaire aux plus faibles de la société.

5. Dans votre grande diversité, venant de soixante-quinze pays, vous vivez une véritable dimension oecuménique. La présence ensemble à Lourdes de chrétiens de diverses confessions, catholiques, orthodoxes, anglicans et protestants, atteste, dans une conviction fondée sur la foi commune au Christ ressuscité, que toute personne est un don de Dieu, avec une dignité et des droits inaliénables, et que, malgré un handicap, il est possible de vivre heureux.

6. Avec toute mon affection, j’invoque sur vous, sur ceux qui vous accompagnent et sur ceux qui n’ont pu venir, la force du Seigneur Ressuscité, afin qu’il donne à chacun le courage et la joie de poursuivre la mission de témoigner de l’amour de Dieu dans notre monde. Puissiez- vous, à l’exemple de Bernadette, accueillir et faire fructifier toujours plus la Bonne Nouvelle, dont notre humanité a tant besoin ! En vous confiant à la tendresse maternelle de Notre-Dame de Lourdes, je vous accorde de grand coeur la Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 2 avril 2001.

IOANNES PAULUS II


Discours 2001 - Vendredi 6 avril 2001