Discours 2001 - MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AU MOUVEMENT FOI ET LUMIÈRE À L'OCCASION DU 30ème ANNIVERSAIRE DE LA FONDATION


MESSAGE DU SAINT PÈRE AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DES CONFÉRENCES ÉPISCOPALES D'EUROPE (CCEE)


A Monsieur le Cardinal Miroslav VLK
Archevêque de Prague
Président du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe

Vous m’avez informé de la prochaine Rencontre oecuménique européenne qui se tiendra à Strasbourg du 19 au 22 avril. Un tel rassemblement suscite en moi un profond sentiment de joie et une grande espérance.

Cette rencontre, promue conjointement par le Conseil des Conférences épiscopales d’Europe et la Conférence des Eglises d’Europe, est un heureux fruit d’une intense collaboration entre divers organismes ecclésiaux du continent européen. Elle se situe opportunément dans le sillage du grand Jubilé de l’An 2000, au cours duquel les Eglises et Communautés ecclésiales ont célébré le mystère de l’incarnation de Jésus Christ, Verbe de Dieu qui s’est fait chair, fondement de notre foi et source de notre salut. Par ailleurs, cette initiative se tient en cette année où tous les chrétiens célèbrent le même jour la Résurrection de Celui qui est "le chemin, la vérité et la vie" (Jn 16,6).

Le temps pascal resplendit des paroles du Maître invitant ses disciples à porter au monde la Bonne Nouvelle du salut: "Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps" (Mt 28,20). Ces paroles qui accompagnent l’Eglise du Christ depuis deux millénaires constituent également le thème de la Rencontre oecuménique européenne de Strasbourg. Source de consolation pour tous les chrétiens, cette promesse ne peut être séparée de la prière de Jésus au soir de la Cène: "Comme toi, Père, tu es avec moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé" (Jn 17,21). L’unité pour laquelle le Seigneur a prié au Cénacle est une condition de la crédibilité du témoignage chrétien. Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons faire porter notre réflexion sur cette profonde relation qui joue un rôle décisif pour l’impact que le message chrétien peut avoir dans le monde. Une claire annonce de l’Evangile est particulièrement urgente en Europe. Tissée de différentes cultures, traditions et valeurs liées aux pays qui la composent, l’Europe ne peut être ni comprise ni édifiée sans tenir compte des racines qui font son identité originale; elle ne peut non plus se construire en rejetant la spiritualité chrétienne dont elle est imprégnée.

Pour affronter cet important défi, il est nécessaire d’intensifier la collaboration à tous les niveaux de la vie sociale et ecclésiale, et d’approfondir les dialogues bilatéraux et multilatéraux. Les résultats obtenus à travers ces dialogues, comme le démontre l’expérience, renforcent la communion qui existe déjà et ravivent le désir de parvenir à la communion parfaite. De la même confession de foi naîtra la pleine communion entre les disciples dans le Christ, chef du Corps qui est l’Eglise.

Je vous adresse, mon vénéré Frère, ainsi qu’à toutes les personnes présentes à la Rencontre oecuménique européenne de Strasbourg, notamment les représentants des Eglises et Communautés ecclésiales, et les jeunes, mes voeux les plus sincères, pour que ce rassemblement puisse susciter de nouveaux et fructueux élans en vue d’un témoignage chrétien commun en Europe et sur la terre entière "afin que le monde croie" (Jn 17,21).

Du Vatican, le 13 avril 2001.

IOANNES PAULUS II




AUX MEMBRES DE LA "PAPAL FOUNDATION"

Mardi 24 avril 2001



Cher Cardinal Bevilacqua,
Eminences,
Excellence,
Chers frères et soeurs dans le Christ,

Une fois de plus, j'ai le plaisir de vous saluer, membres de la "Papal Foundation", à l'occasion de votre visite annuelle à Rome. Je vous accueille aujourd'hui avec les paroles que notre Sauveur Ressuscité a adressées à ses disciples, le soir du premier Dimanche de Pâques, il y a presque deux mille ans: "Paix à vous!" (Jn 20,19).

Oui, le don éternel du Seigneur à l'Eglise et à son peuple à toute époque est le don de sa paix, sa présence rassurante avec nous, toujours, "jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20). Et ceux qui croient et proclament que le Seigneur est véritablement ressuscité d'entre les morts ont la responsabilité d'apporter le don de sa paix aux autres, en particulier aux pauvres et aux personnes qui souffrent, à ceux qui sont exclus ou opprimés, à ceux dont les cris ne sont pas entendus, dont les espoirs semblent toujours brisés. Je ne peux manquer moi-même de ressentir cette obligation de façon particulière, car la tâche confiée par le Seigneur Ressuscité à l'Apôtre Pierre, la tâche de "paître ses agneaux" et de "paître ses brebis" (cf. Jn 21,15-17), revient de façon particulière au Successeur de Pierre. En effet, à l'Evêque de Rome a été confié le soin de toutes les Eglises; il est appelé à utiliser tous les moyens à sa disposition pour assister et renforcer les communautés qui ont le plus besoin d'attention spirituelle et matérielle.

Chers amis, c'est pour cette raison que je vous suis très reconnaissant: le soutien que vous apportez à travers la "Papal Foundation" permet d'accomplir tant de bonnes oeuvres au nom du Christ et de son Eglise. Les nombreux programmes et projets financés par les fonds mis à disposition par la "Papal Foundation" permettent à la proclamation pascale de la joie, de l'espérance et de la paix, faite par l'Eglise, d'atteindre les oreilles, les esprits et les coeurs des personnes dans tant de régions du monde. Le partage généreux de votre temps, de vos capacités et de vos ressources, manifeste de cette manière votre amour pour le Successeur de Pierre et exprime de façon éloquente la communion fraternelle qui caractérise les vies de ceux qui connaissent le Seigneur et ressentent "la puissance de sa résurrection" (Ph 3,10).

Au début du troisième millénaire chrétien, renouvelé et renforcé par la rencontre jubilaire emplie de grâce avec Celui qui est la source vivante de notre espérance, nous sommes invités à entreprendre une fois de plus notre chemin de foi et de service, avec l'assurance que le Christ Ressuscité lui-même marche à nos côtés. En vous confiant tous à l'intercession bienveillante de la Bienheureuse Vierge Marie, modèle de tous les disciples et "guide sûre pour notre chemin" (Novo millennio ineunte NM 58), je vous donne cordialement ma Bénédiction apostolique, ainsi qu'à vos familles, en signe de joie et de paix dans le Sauveur Ressuscité.


AUX MOUVEMENTS, ASSOCIATIONS, FAMILLES ET PAROISSES QUI ONT ACCUEILLIS LES ENFANTS DE LA RÉGION DE TCHERNOBYL

Jeudi 26 avril 2001



Très chers frères et soeurs,

1. C'est avec joie que je vous accueille en cette date significative, quinze ans après le tragique accident qui eut lieu dans la ville de Tchernobyl, le 26 avril 1986. Je présente de tout coeur à chacun de vous un salut cordial et je vous souhaite une chaleureuse bienvenue.

Ma pensée va tout d'abord au Président de la République de l'Ukraine, M. Leonid Kuchma, qui a voulu être ici présent à travers un message, qui vient d'être lu dans cette Salle. Je salue l'Ambassadeur de la République d'Ukraine près le Saint-Siège, S.E. Mme Nina Kovalska, et je la remercie des paroles qu'elle vient de m'adresser au nom de tous. Je salue ensuite les Autorités et les personnalités qui, à travers leur participation, ont voulu manifester la solidarité des Communautés et des Nations qu'ils représentent aux enfants de Tchernobyl. Je salue toutes les personnes présentes, à commencer par les représentants des familles, des paroisses, des associations, des mouvements et des organisations qui, au cours de ces années, ont accueilli et continuent à accueillir en Italie des enfants frappés par les conséquences de ce qui s'est produit à Tchernobyl.

A l'approche de mon voyage en Ukraine, je ressens toujours plus vivement en moi le désir d'étreindre tous les fils de cette nation, qui m'est si chère, et d'embrasser cette terre tant éprouvée également par la catastrophe nucléaire, dont les effets dévastateurs se ressentent encore aujourd'hui. En outre, je me prépare avec une espérance ardente à rencontrer mes frères et soeurs dans la foi qui habitent là-bas, afin de pouvoir partager avec eux le désir d'une évangélisation renouvelée.


2. En ce moment, notre pensée à tous se tourne vers le 26 avril 1986, lorsqu'au coeur de la nuit se produisit une terrible explosion dans la centrale nucléaire de Tchernobyl. Après quelques minutes un vaste nuage toxique envahit le ciel de la ville et de l'Ukraine, s'étendant très loin. Les conséquences tragiques d'un événement aussi dramatique ne tardèrent pas à se révéler d'une gravité bien plus grande qu'on aurait pu l'imaginer. Certains l'ont définie, non sans raison, comme la catastrophe technologique de notre siècle, qui a rendu tristement célèbre dans le monde la ville de Tchernobyl, devenue depuis cette époque le symbole des risques liés à l'utilisation de l'énergie nucléaire.

Ma reconnaissance s'adresse aux administrations civiles, aux communautés religieuses, aux diocèses et à tous ceux qui, au cours de ces années, se sont prodigués pour venir en aide à ceux qui, innocents, ont payé et continuent à payer le prix d'une catastrophe d'une aussi vaste portée.
Je m'adresse en particulier à vous, chers enfants de Tchernobyl. Vous représentez les milliers de vos petits amis, qui au cours de ces dix ans ont trouvé l'hospitalité en Italie afin d'être soignés et de surmonter une phase difficile de leur existence. Le Pape vous embrasse et vous demande d'apporter son salut et sa bénédiction à vos familles, à vos amis et à vos camarades d'école. A tous!

En vous regardant, je ne peux que rendre grâce à Dieu pour la solidarité qui depuis cette date n'a jamais cessé de soulager les peines et les difficultés de ceux qui continuent à être des victimes innocentes des conséquences de cette terrible catastrophe. Combien d'institutions catholiques de divers pays ont-elles ouvert leurs portes et leurs bras à ceux qui se sont trouvés dans le besoin! Combien de personnes peuvent envisager l'avenir avec confiance grâce à ce soutien solidaire, que la manifestation d'aujourd'hui met en lumière!


3. Je voudrais aujourd'hui me faire l'interprète de vos sentiments de reconnaissance pour cette chaîne de solidarité à l'égard des victimes de Tchernobyl. Il s'agit d'une solidarité qui s'est traduite par des gestes d'attention concrète à l'égard de frères et de soeurs pressés par le besoin. Pour les chrétiens, cet élan louable de bonté trouve son véritable fondement dans le grand commandement que nous a laissé Jésus: "Aimez-vous les uns les autres" (Jn 15,17). L'amour réciproque ne doit-il pas se manifester de manière particulière à l'heure de l'épreuve? C'est ce qu'affirme également un célèbre proverbe populaire: "Un véritable ami se reconnaît dans le besoin". C'est un grand réconfort lorsqu'on se trouve dans le besoin d'avoir des amis fiables à ses côtés. Il est important que cette chaîne de bonté ne se brise jamais. Cette dernière, alors qu'elle soulage celui qui en bénéficie, enrichit spirituellement celui qui offre gratuitement son secours.

Dans l'Evangile, Jésus assure ensuite aux croyants: "Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,40). La charité est la voie par laquelle il est possible d'améliorer le monde. Aimer chacun sans distinction de race, de langue ou de religion devient, en effet, un signe, je dirais presque palpable, de la prédilection de Dieu envers chaque être humain, dont Il est le Père.


4. En évoquant à nouveau les effets tragiques provoqués par l'accident du réacteur nucléaire de Tchernobyl, la pensée se tourne vers les générations futures que ces enfants représentent. Il faut préparer un avenir de paix pour eux, exempt de telles peurs et menaces. Cela constitue un engagement pour tous. Afin que cela se produise, il est nécessaire qu'un effort technique, scientifique et humain d'ensemble soit accompli pour placer toutes les énergies au service de la paix, dans le respect des exigences de l'homme et de la nature. L'avenir de tout le genre humain dépend de cet engagement.

Alors que nous prions pour les nombreuses victimes de Tchernobyl et pour ceux qui portent dans leur corps les signes d'une catastrophe aussi terrible, nous invoquons du Seigneur la lumière et le soutien pour ceux qui, à différents niveaux, sont responsables du destin de l'humanité.

Je demande en outre à Dieu que, dans sa toute-puissance et miséricorde, il accorde la consolation à ceux qui souffrent, et qu'il fasse en sorte que ne se reproduise plus jamais ce que nous rappelons aujourd'hui avec tristesse.

Avec ces sentiments, j'invoque la protection de Marie, Mère de l'espérance, et, alors que je renouvelle à chacun mon salut cordial, je donne volontiers à tous une Bénédiction spéciale.


AU COURS DE SA VISITE À L'ACADÉMIE PONTIFICALE ECCLÉSIASTIQUE

Jeudi 26 avril 2001


Monsieur le Cardinal,
Très chers Supérieurs et élèves de l'Académie pontificale ecclésiastique!

1. Ce matin, avant de me rendre sur la place de la Minerve, où l'église historique, qui conserve la dépouille mortelle de sainte Catherine de Sienne, si dévouée au Successeur de Pierre, fait face à votre Académie désormais tricentenaire, j'ai prié pour vous. Je suis heureux de vous rencontrer et de vous adresser mes cordiales salutations. Je remercie Mgr Justo Mullor García, Président de l'Académie, pour les aimables paroles à travers lesquelles il a interprété vos sentiments, définissant avec clarté les intentions qui orientent votre engagement. Je repense avec gratitude également à tous ceux qui l'ont précédé dans cette fonction et ont accompli avec dévouement et sacrifice une mission d'une si haute responsabilité.

En entrant dans ces murs, je n'ai pu manquer de retourner en esprit à tous ceux qui ont été formés ici à leurs futurs devoirs au service de l'Eglise. Comment ne pas rappeler mes Prédécesseurs, qui ont fondé et apprécié cette Académie, ou qui y ont passé une partie de leur jeune existence sacerdotale? Le Serviteur de Dieu Paul VI mérite certainement une mention particulière, mais il me revient également à l'esprit le grand Pasteur qui m'a ordonné prêtre, le Cardinal Adam Sapieha. Il entra dans cette Académie un an avant que le Serviteur de Dieu Raffaele Merry del Val, futur Secrétaire d'Etat, n'en devînt le Président. Face à ces ecclésiastiques, et à tant d'autres, d'une grande profondeur spirituelle, il est juste de se sentir engagés à en imiter la vertu et le dévouement exemplaire au service de l'Eglise.

Vous tous qui formez l'actuelle communauté de professeurs et d'élèves, êtes tous des hommes du Concile Vatican II; vous êtes également des prêtres qui ont vécu l'expérience du grand Jubilé de l'Incarnation. Dans votre existence, tant individuelle que collective, tout doit donc converger vers l'engagement à répondre à la vocation universelle à la sainteté, dans laquelle se résume le message fondamental de ces deux grands événements ecclésiaux. Vous êtes venus ici pour apprendre à être "experts en humanité", selon l'expression suggestive de Paul VI, car cela exige l'art, parfois complexe, de la diplomatie. Mais vous êtes ici avant tout pour pourvoir à votre sanctification: c'est ce qu'exige votre futur service à l'Eglise et au Pape.

Le fait que vous célébriez un anniversaire trois fois centenaire montre que les institutions elles aussi ont une continuité vitale: un projet de vie et de service qui, mûri dans le passé, s'est enrichi le long du chemin et est à présent confié à la génération présente, afin qu'elle le transmette aux générations futures. C'est ainsi que dans l'Eglise, les véritables traditions, lors-qu'elles sont authentiques et porteuses de la lymphe de l'Evangile, loin de favoriser des formes de conservatisme paralysantes, poussent vers des objectifs de nouvelle vitalité ecclésiale et de renouveau créateur. L'Eglise marche dans l'histoire avec les hommes de tous les temps.


2. Ma rencontre avec vous en ce temps pascal rappelle à ma mémoire le chapitre 21 de l'Evangile de Jean, dans lequel l'Evangéliste présente le Christ ressuscité s'entretenant avec Pierre et d'autres Apôtres au cours d'une pause dans leur travail habituel de pêcheurs. Ils venaient de passer une nuit de fatigue sur le lac de Tibériade. La pêche n'avait pas été bonne. Pierre et ses compagnons l'avaient accomplie en ne comptant que sur leurs forces et leurs connaissances d'hommes experts des "choses de la mer". Mais cette même pêche fut exceptionnellement abondante lorsqu'elle fut pratiquée selon la Parole du Christ. Ce ne furent pas, alors, leurs connaissances "techniques" qui emplirent le filet de poissons. Cette pêche exceptionnelle eut lieu grâce à la parole du Maître, vainqueur de la mort et, donc, vainqueur également de la souffrance, de la faim, de la marginalisation, de l'ignorance.


3. Notre Eglise est une Eglise ancrée dans l'histoire. Le Christ la fonda sur les Apôtres, pêcheurs d'hommes (cf. Mt 4,19) afin qu'elle répète, à travers les siècles, ses actions et ses paroles salvifiques. Des scènes comme celles décrites dans le chapitre 21 de l'Evangile de Jean se sont répétées tant de fois à travers les âges. Dans combien de cas les résultats de l'action apostolique, notamment de celle qui s'est développée dans les assemblées civiles nationales ou internationales, dans lesquels vous serez envoyés un jour, sont apparus minces et presque vains. Des phénomènes comme le sécularisme, le consumérisme déchristianisant, et même la persécution religieuse rendent très difficile et, parfois presque impossible, l'annonce du Christ qui est "le Chemin, la Vérité, la Vie" (Jn 14,6).

Cette Académie fait elle aussi partie de l'"incarnation" de l'Eglise, qui s'exprime à travers sa présence dans le monde et dans ses institutions civiles, nationales ou internationales. Ce que vous apprenez ici vise à porter la Parole de Dieu jusqu'aux extrémités de la terre. C'est pourquoi il s'agit d'une Parole qui doit d'abord pénétrer votre compréhension, votre volonté, votre vie. Si l'Evangile n'a pas ancré ses racines dans votre vie personnelle et communautaire, votre activité pourrait se réduire à une noble profession, dans laquelle, avec plus ou moins de succès, vous affrontez des questions concernant l'Eglise ou sa présence dans des milieux humains déterminés. Si, au contraire, l'Evangile est présent et fortement enraciné dans votre existence, il tendra à conférer un contenu bien précis à votre action dans l'ensemble complexe des rapports internationaux. Dans un monde en proie à des intérêts matériels souvent opposés, vous devez être les hommes de l'esprit à la recherche de la concorde, les hérauts du dialogue, les constructeurs les plus convaincus et fermes de la paix. Vous ne serez pas les promoteurs - ni ne pourrez jamais l'être - d'aucune "raison d'Etat". L'Eglise, bien que présente dans le concert des nations, ne poursuit qu'un seul intérêt: se faire l'écho de la Parole de Dieu dans le monde pour défendre et protéger les hommes.


4. Les valeurs défendues depuis toujours par la diplomatie pontificale se concentrent principalement autour de l'exercice de la liberté religieuse et de la protection des droits de l'Eglise. Ces thèmes demeurent actuels également de nos jours, et dans le même temps, l'attention du Représentant pontifical s'oriente toujours plus, en particulier au sein des forums internationaux, tout comme vers d'autres questions humaines de grande portée morale. Ce qui est surtout nécessaire aujourd'hui, est la défense de l'homme et de l'image de Dieu qui est en lui. Vous êtes appelés à devenir les messagers des valeurs humaines qui ont leur source dans l'Evangile, selon lesquelles chaque homme est un frère à respecter et à aimer.

Le monde dans lequel vous irez exercer votre mission a connu, au cours du vingtième siècle, des conquêtes scientifiques et techniques sans égal. Mais, du point de vue éthique, celui-ci présente de nombreux aspects préoccupants, car il est exposé à la tentation de tout manipuler, y compris l'homme lui-même. Dans votre action, vous devrez être les hérauts de la dignité de l'homme, dont la nature, grâce à l'incarnation du Fils de Dieu, a été élevée à une dignité sublime (cf. Gaudium et spes GS 22).

Comme Simon-Pierre, comme Thomas, appelé Didyme, Nathanaël et les fils de Zébédée, et les deux autres apôtres, découragés par une nuit où "ils ne prirent rien" (cf. Jn 21,3), vous aussi pourrez être parfois en proie au découragement. Ne vous abandonnez pas à cette tentation du Malin. Approchez-vous plutôt du Christ ressuscité et goûtez et faites goûter en profondeur le pouvoir qui émane de la définition qu'Il a donnée de lui-même: "Je suis l'Alpha et l'Oméga, le Principe et la Fin" (Ap 21,6). Soutenus par la force qui émane de Lui, vous aussi pourrez réaliser une pêche abondante, en orientant tous les autres êtres humains vers la recherche du vrai et du bien. Il vous suffira d'être fidèles à l'Evangile sans aucune hésitation: c'est ainsi que vous offrirez aux autres la possibilité de connaître la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de l'amour du Christ (cf. Ep 3,18).


5. Dans la Lettre que j'ai écrite en conclusion de l'Année Sainte, je me suis fait l'écho de la Parole du Christ à Pierre: Duc in altum! Je vous adresse cette invitation à vous aussi, qui dans peu de temps, devrez quitter Rome pour le monde, l'Urbe pour l'Orbe. Le monde qui vous attend a soif de Dieu, même lorsqu'il n'en a pas conscience. En évoquant la rencontre de l'Apôtre Philippe avec certains grecs, j'ai moi-même écrit que "comme ces pèlerins d'il y a deux mille ans, les hommes de notre époque, parfois inconsciemment, demandent aux croyants d'aujourd'hui non seulement de "parler" du Christ, mais en un sens de le leur faire "voir"" (Novo millennio ineunte NM 16).

D'autres devront faire "voir" le Christ dans une paroisse ou au milieu d'un groupe de jeunes, dans un quartier industriel ou parmi les personnes exclues de la société. Vous devez le "montrer" dans les contacts avec les milieux politiques et diplomatiques; vous y parviendrez à travers le témoignage de la vie bien plus qu'à travers la force des arguments juridiques ou diplomatiques. Vous serez efficaces dans la mesure où celui qui vous approchera aura la sensation de rencontrer dans votre parole, dans votre comportement, dans votre vie, la présence libératrice du Christ ressuscité.

Vous parcourrez à l'avenir les routes du monde: sentez-vous toujours au service du Successeur de Pierre et dans un dialogue créatif avec les Pasteurs des Eglises particulières des pays où vous serez envoyés pour accomplir votre mission. Apportez le Christ avec vous. Que Marie vous aide à en vivre intensément les pensées et les sentiments (cf. Ph Ph 2,5-11). Que vous accompagne ma Bénédiction affectueuse!


AUX ÉVÊQUES DE LA SLOVÉNIE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Vendredi 26 avril 2001



Vénérés frères dans l'épiscopat!

1. C'est avec une profonde affection que je vous souhaite une cordiale bienvenue, à l'occasion de votre visite "ad limina Apostolorum". Vous êtes venus pour témoigner de la communion de foi qui lie l'Eglise qui est en République de Slovénie au Successeur de Pierre, Chef du Collège épiscopal. En cette circonstance, je fais miennes les paroles de l'Apôtre Paul aux Philippiens: "Je rends grâce à mon Dieu chaque fois que je fais mémoire de vous, en tout temps dans toutes mes prières que je fais avec joie" (Ph 1,3-5).

Je suis reconnaissant à Mgr Franc Rodé, Archevêque métropolitain de Ljubljana, des paroles aimables qu'il m'a adressées, en qualité de Président de la Conférence épiscopale slovène, en son nom et au nom de chacun.

Sur la base des rapports sur vos diocèses et, en particulier, de l'entretien fraternel que j'ai pu avoir avec vous sur la situation actuelle de l'Eglise dans votre pays, sur son engagement apostolique, sur les perspectives et sur les difficultés qu'elle rencontre dans son activité d'évangélisation, j'ai pu constater avec joie à quel point le zèle pastoral qui vous anime, vos prêtres et vous, est grand. Poursuivez sur la voie de la fidélité au mandat reçu du Christ, en vous efforçant de mener à bien l'engagement quotidien pour la cause de l'Evangile.


2. Devant vous, pasteurs de l'Eglise qui est en Slovénie, s'ouvre un vaste champ d'action évangélisatrice. Pour mieux répondre aux attentes et aux exigences de vos communautés diocésaines et de toute la société civile, vous avez voulu tenir le Premier Concile plénier slovène, auquel les prêtres, les religieux et les fidèles laïcs du pays ont apporté leur contribution (cf. Document final, p. 8). Je vous exhorte à faire constamment référence aux orientations définies lors de cette rencontre providentielle, en continuant à veiller sur "tout le troupeau dont l'Esprit Saint vous a établis gardiens" (Ac 20,28). En guidant le Peuple de Dieu, en accomplissant les actes de culte et en enseignant la doctrine transmise par les Apôtres, vous savez que vous devez toujours être en tout "des modèles du troupeau" (cf. 1P 5,3).

Vous avez, dans ce domaine, des exemples lumineux de pasteurs qui ont consacré leurs énergies au service inlassable de leurs frères. Je voudrais ici rappeler en particulier le bienheureux Anton Martin Slomsek et les serviteurs de Dieu Mgr Friderik Baraga et Mgr Anton Vovk, Evêques. Inspirez-vous de leurs enseignements et que leur intercession vous accompagne.

Dans le nouveau paysage social qui est en train de se dessiner dans votre pays, vous avez à coeur, en même temps que l'annonce de l'Evangile, de promouvoir également le bien commun de la société, de façon à soutenir le progrès spirituel et matériel de tout le peuple et de chaque personne en particulier. Travailler pour la croissance authentique des hommes et des femmes du pays fait partie de la mission de l'Eglise: toute dimension authentiquement humaine, qu'elle soit sociale, culturelle, politique ou bien économique, scientifique, socio-médicale et sportive, n'est en effet pas "étrangère" à l'Evangile.

En accomplissant sa mission spécifique au service de l'homme, l'Eglise rencontre l'Etat dans divers domaines, et cela ouvre des perspectives de collaboration réciproque et fructueuse, dans le plein respect des autonomies légitimes de chacun.


3. En nous rencontrant aujourd'hui, les souvenirs inoubliables des deux visites pastorales que j'ai accomplies dans votre pays du 17 au 20 mai 1996 et le 19 septembre 1999 me reviennent en mémoire. Dans mon esprit reste imprimée l'émotion suscitée par l'accueil chaleureux reçu des représentants des Autorités du pays, de la communauté chrétienne et de toute la population. Je conserve également le vif souvenir d'autres rencontres que j'ai eues avec les fidèles de Slovénie en diverses circonstances, ici à Rome, en particulier à l'occasion du pèlerinage jubilaire national. J'ai pu chaque fois constater l'enthousiasme et l'élan des catholiques slovènes et me rendre compte du riche héritage spirituel et culturel que possède votre peuple. Au seuil du troisième millénaire, alors qu'en Slovénie, se fait également sentir avec une forte intensité, l'urgence d'une "oeuvre de reprise pastorale enthousiasmante" (Novo millennio ineunte NM 29), sachez faire de cet héritage le point de départ d'une relance prophétique de l'annonce évangélique. Cela se produira sans aucun doute, comme par le passé, au bénéfice de toute la nation, et l'aidera ainsi à rester fidèle aux valeurs humaines et religieuses authentiques, en relevant les défis anciens et nouveaux que l'on rencontre sur le chemin de l'existence quotidienne.


4. Alors que je vous parle, Pasteurs de l'Eglise qui est en Slovénie, et qu'avec vous je contemple le vaste champ apostolique qui vous attend, ma pensée se tourne vers les prêtres, qui sont vos premiers et principaux collaborateurs dans le service au Peuple de Dieu; les diacres et les autres agents de pastorale, ainsi que les religieux, les religieuses et les fidèles laïcs, activement engagés dans la vie et dans la mission de la communauté chrétienne; elle s'adresse enfin à ceux qui ont quitté leur patrie pour apporter l'annonce évangélique en terre de mission. A chacun, j'exprime ma vive satisfaction pour leur engagement apostolique généreux. Je les encourage à persévérer dans la tâche qui leur est confiée avec un profond dévouement et une humble charité, en demeurant en pleine harmonie avec les pasteurs et entre eux, de façon à ce que le ministère de chacun soit profitable à l'édification du Corps mystique du Christ et au bien de la société civile (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 779).

Quant à vous, Vénérés frères dans l'épiscopat, votre mission spécifique demeure celle de tout examiner et de retenir ce qui est bon, en favorisant l'action de l'Esprit (cf. Lumen gentium LG 12), en pleine communion avec le Successeur de Pierre, héritier d'un "charisme de vérité sûr" (Saint Irénée, Adversus haereses, IV, 26, 2; , 10, 53). En effet, vous êtes les premiers responsables de l'oeuvre pastorale dans chacun de vos diocèses.

L'harmonie dans les intentions apostoliques et l'étroite collaboration entre chacun - prêtres, personnes consacrées et fidèles laïcs, sous la direction avertie de l'Evêque - portera des fruits abondants de foi, de charité et de sainteté. Chers frères, cultivez dans ce but la communion entre vous; unissez vos forces au niveau paroissial, diocésain et national pour répondre de façon adéquate aux exigences pastorales modernes. Vous pourrez ainsi, avec une charité évangélique attentive, créer des structures adaptées aux nécessités actuelles, en faisant en sorte que personne ne soit exclu de votre sollicitude pastorale. Faites-le avec audace et courage apostolique.


5. De nos jours, les personnes sont plus attirés par les témoins que par les maîtres, comme le souligne l'un de vos proverbes: "Les paroles attirent, les exemples entraînent". Voilà pourquoi il est important que ceux qui entendent se consacrer à l'apostolat soient dignes par leur sainteté, leur doctrine et leur sagesse. Leur vie et leur oeuvre doivent, en toute circonstance, refléter l'image vivante du Christ.

Très chers frères dans l'épiscopat, cela exige une formation théologique, liturgique et pastorale permanente, que vous ne vous lasserez pas d'assurer à vos communautés. Il s'agit d'un engagement qui concerne non seulement les prêtres, mais également les autres agents de pastorale, les hommes et les femmes consacrés, ainsi que les fidèles laïcs. Faites donc en sorte que les prêtres et tous ceux qui se consacrent à l'oeuvre pastorale aient la possibilité de se mettre à jour, en particulier sur les thèmes qui se révèlent utiles pour accomplir leurs tâches quotidiennes. Dans le même temps, il faut offrir aux fidèles laïcs, aux jeunes et aux adultes des occasions adaptées pour approfondir leur foi, en vue d'une plus grande cohérence avec l'Evangile, tant au niveau individuel que familial et communautaire.

Consacrez-vous ensuite avec le plus grand soin à la formation humaine et spirituelle des futurs prêtres. Les séminaires doivent être un véritable Cénacle, où est offerte aux candidats l'opportunité d'une authentique croissance intégrale. Dans le même temps, soyez attentifs à ce que les fidèles laïcs s'engagent à accomplir leur mission dans les divers milieux de la vie sociale, politique, économique et culturelle du pays, comme des hérauts du Christ et de la force prophétique de son Evangile.

Il faut donc établir un programme pastoral qui relance l'évangélisation de la famille et des jeunes; une catéchèse diffuse qui touche les membres de chaque milieu social, hommes et femmes de tous âges, en les aidant à découvrir et à vivre le mystère du Christ et du salut célébré dans la liturgie.


6. Un témoignage intense et cohérent constitue les prémisses et la promesse d'un élan renouvelé de l'évangélisation. Dans cette perspective, il sera plus que jamais important de promouvoir inlassablement les nouvelles vocations au sacerdoce, à la vie consacrée et aux autres formes de don total au Seigneur. L'engagement de conserver vivant l'esprit missionnaire, qui a toujours caractérisé l'Eglise qui est en Slovénie est également fondamental. Dieu puisse-t-il susciter dans les nouvelles générations de nombreux jeunes disposés à devenir les dispensateurs des Mystères du salut, confiés par le Christ à l'Eglise. Qu'il suscite également des personnes généreuses à la suite du Christ, sur la voie de la perfection évangélique avec un coeur libre et indivis.

Si elles savent s'ouvrir aux impulsions de l'Esprit Saint, vos communautés ecclésiales deviendront un levain dans la société et elles diffuseront partout la joyeuse annonce du Seigneur ressuscité, en offrant à travers leur vie le témoignage convaincant de sa puissance salvifique. Que Jésus-Christ, notre espérance (cf. 1Tm 1,1), Seigneur de l'histoire et Pasteur de l'Eglise, vous comble, vous et vos Eglises, de sa grâce et de sa paix.

Je confie ces voeux à la Vierge de Nazareth, humble servante du Seigneur. Que Marie, de son Sanctuaire de Brezje, veille sur ses pieux enfants de la Slovénie bien-aimée et qu'elle les soutienne par son intercession dans l'engagement à construire le présent et l'avenir, en harmonie avec le projet de Dieu sur l'homme et sur la société humaine.

Vénérés et chers frères, c'est avec ces intentions que je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique spéciale, ainsi qu'aux prêtres, aux diacres, aux personnes consacrées, aux fidèles laïcs et à toute la population de votre cher pays.

Discours 2001 - MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AU MOUVEMENT FOI ET LUMIÈRE À L'OCCASION DU 30ème ANNIVERSAIRE DE LA FONDATION