Discours 2001 - Lundi 30 avril 2001




AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE HELLÉNIQUE

Vendredi 4 mai 2001


  Monsieur le Président,

1. Je vous remercie pour les aimables paroles de bienvenue que vous venez de m’adresser. Je suis profondément heureux de cette occasion de vous saluer et, à travers vous, de saluer cordialement les membres du Gouvernement et des représentations diplomatiques. Je garde un souvenir ému, Monsieur le Président, de votre visite au Vatican en janvier dernier et je vous remercie de votre invitation à venir en Grèce. De même, par votre intermédiaire, j’adresse mes salutations cordiales à tout le peuple de votre pays, désirant en quelque sorte reconnaître la dette que nous avons tous envers la Grèce; en effet, nul ne peut ignorer l’influence durable que son histoire unique et sa culture ont eue sur la civilisation européenne et même sur celle de l’ensemble du monde.

L’an dernier, les chrétiens ont célébré partout le deux millième anniversaire de la naissance du Christ. J’avais un vif désir de marquer cet événement en me faisant pèlerin dans les lieux liés à l’histoire du salut; cela se concrétisa par mon pèlerinage au Mont-Sinaï et en Terre Sainte. Maintenant, c’est en Grèce que je viens en pèlerin, sur les pas de saint Paul, dont l’importante figure domine les deux millénaires de l’histoire chrétienne et dont la mémoire reste pour toujours gravée sur le sol de ce pays. Ici, à Athènes, Paul fonda une des premières communautés de son périple en Occident et de sa mission sur le continent européen; ici, il travailla inlassablement pour faire connaître le Christ; ici, il souffrit pour l’annonce de l’Évangile; et comment ne pas rappeler que c’est ici-même, dans la ville d’Athènes, que s’est engagé pour la première fois le dialogue entre le message chrétien et la culture hellénique, dialogue qui modela durablement la civilisation européenne?

2. Longtemps avant l’ère chrétienne, l’influence de la Grèce s’était largement répandue. Dans la littérature biblique elle-même, les derniers livres de l’Ancien Testament, dont certains ont été écrits en grec, sont profondément marqués par la culture hellénique. La traduction grecque de l’Ancien Testament, connue sous le nom de Septante, eut une grande influence dans l’Antiquité. Le monde avec lequel Jésus est entré en contact était largement imprégné de culture grecque. Les textes du Nouveau Testament, quant à eux, ont été diffusés en grec, ce qui leur permit de se répandre plus rapidement. Mais il s’agissait bien davantage que d’une simple question de langue; les premiers chrétiens eurent aussi recours à la culture grecque pour transmettre le message évangélique.

Certes, les premières rencontres entre les chrétiens et la culture grecque furent difficiles. Nous en trouvons une indication dans l’accueil fait à Paul lorsqu’il prêcha à l’Aréopage (cf. Ac 17,16-34). Tout en répondant à l’attente profonde du peuple athénien en quête du Dieu véritable, il ne lui fut pas facile d'annoncer le Christ mort et ressuscité, en qui se trouve le sens plénier de la vie et le terme de toute expérience religieuse. Il reviendra aux premiers Apologistes, comme le martyr saint Justin, de montrer qu'une rencontre féconde entre la raison et la foi est possible.

3. Une fois la première méfiance passée, les écrivains chrétiens commencèrent à considérer la culture grecque comme une alliée plutôt que comme une ennemie, et de grands centres du christianisme hellénique virent le jour autour du bassin méditerranéen.

Parcourant les pages denses d’Augustin d’Hippone et de Denys l’Aréopagite, nous voyons que la théologie et la mystique chrétiennes ont tiré des éléments du dialogue avec la philosophie platonicienne. Des auteurs tels que Grégoire de Nazianze, qui étaient imprégnés de rhétorique grecque, ont été capables de créer une littérature chrétienne digne de son passé classique. Progressivement, le monde hellénique devint chrétien et la chrétienté devint, dans un certain sens, grecque; puis naquirent la culture byzantine en Orient et la culture médiévale en Occident, toutes les deux également imprégnées de foi chrétienne et de culture grecque. Et comment ne pas mentionner la démarche de saint Thomas, qui, relisant l’oeuvre d’Aristote, proposa une synthèse théologique et philosophique magistrale.

L’oeuvre picturale de Raphaël L’école d’Athènes, qui se trouve dans le Palais du Vatican, fait apparaître clairement la contribution de l’école d’Athènes à l’art et à la culture de la Renaissance, période dans laquelle on était parvenu à une grande symbiose entre l’Athènes classique et la culture de la Rome chrétienne.

4. L’hellénisme se caractérise par une attention pédagogique à la jeunesse. Platon insistait sur la nécessité de former l’âme des jeunes au bien et à ce qui est honnête, ainsi qu’au respect des principes divins. Combien de philosophes et d’auteurs grecs, à commencer par Socrate, Eschyle et Sophocle, n’ont-ils pas invité leurs contemporains à vivre "selon les vertus"! Les saints Basile et Jean Chrysostome ne manqueront pas de louer la valeur de la tradition pédagogique grecque pour son souci de développer le sens moral des jeunes, les aidant à choisir librement le bien.

Les lignes fondamentales de cette longue tradition demeurent valables pour les hommes et les jeunes de notre temps. Parmi les éléments les plus assurés, demeurent les aspects moraux contenus dans le serment d’Hippocrate, qui met en valeur le principe du respect inconditionnel de la vie humaine dans le sein maternel.

La Grèce est également le pays où sont nées deux grandes traditions sportives, les jeux olympiques et le marathon. À travers ces compétitions, passe une idée significative de la personne humaine, dans l’harmonie entre la dimension spirituelle et la dimension corporelle, par un effort mesuré, empreint de valeurs morales et civiles. On ne peut que se réjouir de voir se perpétuer ces compétitions, qui continuent à créer des liens étroits entre les peuples de toute la terre.

5. L’inculturation de l’Évangile dans le monde grec demeure un exemple pour toute inculturation. Dans ses relations avec la culture grecque, l’annonce de l’Évangile a dû faire des efforts de discernement vigilant, pour en accueillir et en valoriser tous les éléments positifs, repoussant en même temps les aspects incompatibles avec le message chrétien. Nous avons là un défi permanent pour l’annonce évangélique dans sa rencontre avec les cultures et avec les processus de mondialisation. Tout cela nous appelle à un dialogue respectueux et franc, et exige de nouvelles solidarités que l’amour évangélique peut inspirer, portant à son accomplissement l’idéal grec de la cosmopolis, pour un monde vraiment uni, imprégné de justice et de fraternité.

Nous sommes dans une période décisive de l’histoire européenne; j’espère de tous mes voeux que l’Europe qui est en train de naître retrouvera de manière renouvelée et inventive cette longue tradition de rencontre entre la culture grecque et le christianisme, faisant apparaître qu’il ne s’agit pas de vestiges d’un monde disparu, mais qu’il y a là les bases véritables de l’authentique progrès humain souhaité par notre monde.

Au fronton du Temple de Delphes, sont gravés ces mots "connais-toi toi-même"; j’appelle donc l’Europe à se connaître elle-même avec une profondeur toujours plus grande. Cette connaissance d’elle-même se réalisera seulement si elle explore de nouveau les racines de son identité, racines qui plongent profondément dans l’héritage hellénique classique et dans l’héritage chrétien, qui conduisirent à la naissance d’un humanisme fondé sur la perception que toute personne humaine est créée dès son origine à l’image et à la ressemblance de Dieu.

6. La géographie et l’histoire ont placé votre pays, Monsieur le Président, entre l’Orient et l’Occident, ce qui signifie que la vocation naturelle de la Grèce est d’édifier des ponts et de construire une culture du dialogue. Cela est aujourd’hui essentiel pour l’avenir de l’Europe. De nombreux murs se sont écroulés dans une période récente, mais d’autres demeurent. La tâche de l’unification entre les parties orientales et occidentales de l’Europe reste complexe; et il y a encore beaucoup à faire pour parvenir à l’harmonie entre les chrétiens d’Orient et d’Occident, afin que l’Église puisse respirer avec ses deux poumons. Tout croyant doit se sentir engagé pour rejoindre cet objectif. L’Église catholique présente en Grèce souhaite participer loyalement à la promotion de cette noble cause qui a des incidences positives aussi dans le domaine social.

De ce point de vue, une contribution significative est offerte par les écoles, dans lesquelles se forment les nouvelles générations. L'école est par excellence un lieu d'intégration des jeunes d'horizons différents. L'Église catholique, en harmonie avec les autres Églises et confessions religieuses, souhaite collaborer avec tous les citoyens pour l’éducation de la jeunesse. Elle désire poursuivre sa longue expérience éducative dans votre pays, notamment à travers l'action des Frères maristes et des Frères des Écoles chrétiennes, des religieuses Ursulines et des Soeurs de Saint-Joseph. Ces différentes familles religieuses ont démontré qu'elles savent, avec délicatesse et dans le respect des traditions culturelles des jeunes qui leur sont confiés, éduquer des hommes et des femmes, pour qu'ils soient de vrais Grecs parmi les Grecs.

Au terme de notre entretien, je vous remercie à nouveau vivement, Monsieur le Président, de votre accueil et j’exprime en même temps ma gratitude à tous ceux qui ont permis la réalisation de mon pèlerinage sur les pas de saint Paul. Je demande à Dieu d’accorder toujours davantage ses abondantes Bénédictions aux habitants de votre pays, pour que, au cours du troisième millénaire, la Grèce continue à offrir de nouveaux et merveilleux dons au continent européen et à la famille des nations!


À S.B. CHRISTÓDOULOS, ARCHEVÊQUE D'ATHÈNE ET DE TOUTE LA GRÈCE

Vendredi 4 mai 2000


  Béatitude,
Vénérés Membres du Saint-Synode,
Chers Évêques de l’Église orthodoxe de Grèce,

Christòs anèsti!

1. Dans la joie de Pâques, je vous salue avec les mots de l’Apôtre Paul à l’Église de Thessalonique: "Que le Seigneur de la paix vous donne lui-même la paix, toujours et de toute manière" (2Th 3,16)

J’ai la grande joie de rencontrer Votre Béatitude au Siège primatial de l’Église orthodoxe de Grèce. J’adresse des voeux fervents aux membres du Saint-Synode et à toute la hiérarchie. Je salue le clergé, les communautés monastiques et les fidèles de cette noble terre. Que la paix soit avec vous tous!

2. Je voudrais tout d’abord vous manifester l’affection et la considération de l’Église de Rome. Ensemble, nous partageons la foi apostolique en Jésus Christ, notre Seigneur et notre Sauveur; nous avons en commun l’héritage apostolique et le lien sacramentel du Baptême; et de ce fait nous sommes tous membres de la famille de Dieu, appelés à servir l’unique Seigneur et à proclamer son Évangile au monde. Le Concile Vatican II a invité les catholiques à considérer les membres des autres Églises "comme frères dans le Christ" (Unitatis Redintegratio UR 3), et le lien surnaturel de la fraternité entre l’Église de Rome et l’Église de Grèce est fort et durable.

Certes, nous portons le fardeau de controverses passées et présentes, et d’incompréhensions persistantes. Mais dans un esprit de charité mutuelle, celles-ci peuvent et doivent être dépassées, parce que tel est ce que le Seigneur nous demande. On a clairement besoin d’un processus libérateur de purification de la mémoire. Pour toutes les occasions passées et présentes où les fils et les filles de l’Église catholique ont péché par action et par omission contre leurs frères et soeurs orthodoxes, puisse le Seigneur nous accorder le pardon que nous lui demandons!

Certains souvenirs sont particulièrement douloureux, et certains événements d’un lointain passé ont laissé jusqu’à ce jour de profondes blessures dans les esprits et dans les coeurs du peuple. Je pense au sac dramatique de la ville impériale de Constantinople, qui était depuis si longtemps le bastion de la Chrétienté en Orient. Il est tragique que les assaillants, qui étaient partis assurer le libre accès des chrétiens à la Terre Sainte, se soient retournés contre leurs frères dans la foi. Le fait que des chrétiens latins y participaient remplit les catholiques d’un profond regret. Comment ne pas voir ici le mysterium iniquitatis à l’oeuvre dans le coeur de l’homme? Le jugement appartient seulement à Dieu, et par conséquent nous confions le lourd fardeau du passé à son infinie miséricorde, l’implorant de guérir les blessures qui font encore souffrir le coeur du peuple grec. Ensemble, nous devons travailler à cette guérison, si l’Europe qui émerge maintenant désire être vraie avec son identité, qui est inséparable de l’humanisme chrétien partagé par l’Orient et par l’Occident.

3. À l’occasion de cette rencontre, je désire aussi assurer Votre Béatitude de l’admiration sincère que l’Église de Rome porte à l’Église orthodoxe de Grèce pour la manière dont elle a préservé son héritage de foi et de vie chrétienne. Le nom de la Grèce résonne partout où l’Évangile est proclamé. Le nom de ses villes est connu des chrétiens, où qu’ils se trouvent, par la lecture des Actes des Apôtres et des Lettres de saint Paul. Depuis l’ère apostolique jusqu’à aujourd’hui, l’Église orthodoxe de Grèce constitue une riche source à laquelle l’Église d’Occident a puisé sa liturgie, sa spiritualité et son droit (Cf. Unitatis Redintegratio UR 14). Les Pères, interprètes privilégiés de toute la Tradition apostolique, et les Conciles, dont les enseignements demeurent un élément incontournable de la foi chrétienne, constituent le patrimoine de l’Église entière. L’Église universelle ne peut jamais oublier ce que la Chrétienté grecque lui a légué, ni cesser de rendre grâce pour l’influence durable de la tradition grecque.

Le Concile Vatican II a rappelé aux catholiques l’amour des orthodoxes pour la liturgie, à travers laquelle les croyants " obtiennent la communion avec la très sainte Trinité, étant devenus participants de la nature divine" (Unitatis Redintegratio UR 15). En offrant à travers les siècles un culte liturgique qui plaise à Dieu, en prêchant l’Évangile même dans les périodes sombres et difficiles, en présentant une didaskalia sans faille, inspirée par les Écritures et par la grande Tradition de l’Église, l’Église orthodoxe de Grèce a suscité une foule de saints qui intercèdent pour tout le Peuple de Dieu devant son Trône de Grâce. Avec les saints, nous contemplons l’oecuménisme de la sainteté qui, avec l’aide de Dieu, nous conduira finalement vers la pleine communion, qui n’est ni une absorption, ni une fusion, mais une rencontre dans la vérité et dans l’amour (Cf. Slavorum Apostoli, n. 27).

4. Je veux enfin exprimer à Votre Béatitude l’espoir que nous puissions marcher ensemble sur les chemins du Royaume de Dieu. En 1965, par un acte réciproque, le Patriarche oecuménique Athénagoras et le Pape Paul VI ont retiré et annulé de la mémoire et de la vie de l’Église la sentence d’excommunication entre Rome et Constantinople. Ce geste historique nous pousse à travailler de manière toujours plus fervente en faveur de l’unité, qui est la volonté du Christ. La division entre chrétiens est un péché aux yeux de Dieu et un scandale aux yeux du monde. C’est une entrave à la propagation de l’Évangile, parce qu’elle rend notre proclamation moins crédible. L’Église catholique est convaincue qu’elle doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour "préparer les chemins du Seigneur" et pour "rendre droits ses sentiers" (Mt 3,3), et elle comprend que cela doit être accompli avec les autres chrétiens - dans le dialogue fraternel, dans la coopération et dans la prière. Si certains modèles de réunification dans le passé ne correspondent plus à l’impulsion vers l’unité que l’Esprit Saint a suscitée récemment et un peu partout chez les chrétiens, nous devons tous être plus ouverts et plus attentifs à ce que l’Esprit dit maintenant aux Églises (Cf. Ap Ap 2,11).

En ce temps de Pâques, la rencontre sur la route d’Emmaüs me vient à l’esprit. Sans le reconnaître, les deux disciples marchent avec le Seigneur Ressuscité, qui les enseigne en interprétant pour eux les Écritures, "commençant par Moïse et par tous les Prophètes" (Lc 24,27). Mais ils ne saisirent pas tout de suite son enseignement. Ils comprirent seulement lorsque leurs yeux s’ouvrirent et qu’ils le reconnurent. Alors, ils perçurent la force de ses paroles, se disant l’un à l’autre: "Notre coeur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Écritures?" (Lc 24,32). La quête pour la réconciliation et pour la pleine communion nous appelle nous aussi à scruter les Écritures, afin de nous laisser enseigner par Dieu (Cf. 1Th 4,9).

Béatitude, dans la foi en Jésus Christ, "Premier-né d’entre les morts" (Col 1,18), dans un esprit de charité et dans une vivante espérance, je tiens à vous assurer que l’Église catholique est sans retour engagée sur le chemin de l’unité avec toutes les Églises. Ainsi seulement, l’unique Peuple de Dieu brillera dans le monde comme le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain (Cf. Lumen gentium LG 1).

      

VISITE À LA CATHÉDRALE SAINT-DENYS

Vendredi 4 mai 2001


  Chers Frères dans l’Episcopat,
Chers Frères et Soeurs,

Je remercie tout d’abord Monseigneur Foscolos, Archevêque des catholiques d’Athènes et Président de la Conférence épiscopale, pour son accueil chaleureux et pour ses efforts dans la réalisation de mon pèlerinage sur les pas de saint Paul.

Je me réjouis de la présence d’évêques, de prêtres, de religieux et religieuses, et de laïcs dans la cathédrale Saint-Denys. Comme le rappelait le Concile Vatican II, de tels rassemblements sont particulièrement significatifs; en effet, "tous doivent tenir dans la plus haute estime la vie liturgique du diocèse autour de l’évêque, surtout dans l’église cathédrale, étant convaincus que la principale manifestation de l’Eglise réside dans la participation plénière et active de tout le saint peuple de Dieu aux mêmes célébrations" (Sacrosanctum Concilium SC 41), présidées par l’évêque entouré de son presbytérium, qui forme autour de lui "une précieuse couronne spirituelle" (S. Ignace d’Antioche, Lettre aux Magnésiens, 13, 1).

Cette cathédrale est placée sous la protection de saint Denys; ce dernier fut un des premiers Grecs qui, entendant la prédication de Paul sur la résurrection, se convertit. Puissiez-vous tous accueillir ce mystère du salut, pour en vivre et en être les témoins avec vos frères, dans un esprit d’accueil réciproque, de solidarité et de charité chrétienne! Denys est aussi considéré par la tradition comme un grand spirituel. Rappelez-vous toujours que la vie en intimité avec le Christ affermit la foi et donne l’audace pour la mission! N’ayez pas peur de retransmettre aux jeunes la Bonne Nouvelle du Christ, pour leur permettre d’édifier leur vie personnelle et de s’engager dans l’Eglise et dans le monde. En particulier, vos communautés ont besoin que des jeunes acceptent de suivre le Christ de manière radicale dans le sacerdoce et la vie consacrée. Soyez des éveilleurs de vocations!

Que le Seigneur vous guide sur la route! Que la Vierge Marie, la Mère de Dieu et la Mère de l’Eglise soit pour vous un exemple de vie chrétienne, dans une humble disponibilité à l’appel de Dieu et un grand souci du service du prochain! A vous tous, à vos familles, à vos communautés, j’accorde une affectueuse Bénédiction apostolique.

      

DÉCLARATION COMMUNE DU PAPE JEAN-PAUL II ET DE SA BÉATITUDE CHRISTODOULOS DEVANT LA BEMA DE SAINT PAUL, L’APÔTRE DES NATIONS


  

Nous, le Pape Jean-Paul II, Évêque de Rome, et Christodoulos, Archevêque d’Athènes et de toute la Grèce, devant la bema de l’Aréopage, d’où saint Paul, le grand Apôtre des Nations, "appelé à être apôtre, mis à part pour annoncer l’Évangile de Dieu" (Rm 1,1), prêcha aux Athéniens l’Unique Vrai Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, et invita ses auditeurs à la foi et au pardon, par la présente, nous déclarons:

1. Nous rendons grâce à Dieu pour notre rencontre et pour notre échange mutuel, ici, dans l’illustre ville d’Athènes, Siège primatial de l’Église orthodoxe apostolique de Grèce.

2. Nous redisons d’une seule voix et d’un seul coeur les paroles de l’Apôtre des Nations: "Je vous exhorte, frères, au nom de notre Seigneur Jésus Christ: soyez tous d’accord, et qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous; soyez bien unis dans un même esprit et dans une même pensée" (1Co 1,10). Nous prions pour que cette exhortation soit entendue par tout le monde chrétien en sorte que la paix puisse advenir avec "tous ceux qui invoquent en tout lieu le nom de notre Seigneur Jésus Christ" (1Co 1,2). Nous condamnons tout recours à la violence, au prosélytisme et au fanatisme au nom de la religion. Nous affirmons en particulier que les relations entre chrétiens, dans toutes leurs manifestations, doivent être empreintes d'honnêteté, de prudence et de connaissance des questions en cause.

3. Nous observons que l’évolution humaine sociale et scientifique n’a pas été suivie par un approfondissement plus grand du sens et de la valeur de la vie, qui, en toute circonstance, est un don de Dieu, ni d’une appréciation de la dignité unique de l’être humain, créé à l’image et à la ressemblance du Créateur. Bien plus, le développement économique et technologique profite non pas de manière équitable à toute l’humanité mais seulement à une toute petite partie d’entre elle. En outre, les améliorations des conditions de vie n’ont pas entraîné l’ouverture du coeur des hommes à leurs prochains qui souffrent de la faim et du dénuement. Nous sommes appelés à oeuvrer ensemble pour faire prévaloir la justice, pour venir en aide aux nécessiteux et pour servir ceux qui souffrent, gardant toujours en mémoire les paroles de saint Paul: "Le Règne de Dieu n'est pas affaire de nourriture ou de boisson; il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint" (Rm 14,17).

4. Nous sommes consternés de constater que les guerres, les massacres, la torture et le martyre constituent une terrible réalité quotidienne pour des millions de nos frères. Nous nous engageons nous-mêmes à lutter pour le progrès de la paix dans le monde, pour le respect de la vie et de la dignité humaines, et pour la solidarité avec tous ceux qui sont dans le besoin. Nous sommes heureux d'associer nos voix à la voix de beaucoup à travers le monde qui ont manifesté l'espoir que, à l'occasion des Jeux olympiques qui auront lieu en Grèce en 2004, revivra l'antique tradition grecque de la trêve olympique, de sorte que cessent toutes les guerres et que s'arrêtent le terrorisme et la violence.

5. Nous suivons attentivement mais non sans inquiétude ce qui concerne la mondialisation. Nous espérons qu'elle portera de bons fruits. Cependant, nous souhaitons mettre en évidence que ses fruits pourraient s’avérer nuisibles si ce que l'on pourrait appeler la "mondialisation de la fraternité" dans le Christ n'était pas réalisée en toute sincérité et efficacité.

6. Nous sommes heureux de prendre acte du succès et du progrès de l’Union européenne. L’union du monde européen en une seule entité civile, sans qu’il y ait pour les peuples perte de leur propre conscience, de leurs traditions et de leur identité nationales, telle a été l'intuition des pionniers. Cependant, la tendance naissante à transformer certains pays d'Europe en des États sécularisés sans aucune référence à la religion constitue une régression et une négation de leur héritage spirituel. Nous sommes appelés à intensifier nos efforts pour que l'unification de l'Europe puisse se réaliser. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que les racines chrétiennes de l’Europe et que son âme chrétienne puissent être gardées intactes.

Par cette Déclaration commune, nous, le Pape Jean-Paul II, Évêque de Rome, et Christodoulos, Archevêque d’Athènes et de toute la Grèce, souhaitons que "Dieu lui-même, notre Père, et que notre Seigneur Jésus dirigent notre route. Que le Seigneur fasse croître et abonder l'amour que vous avez les uns pour les autres et pour tous. Qu'il affermisse vos coeurs dans une sainteté irréprochable devant Dieu notre Père, lors de la venue de notre Seigneur Jésus avec tous ses saints" (Cf 1Th 3,11-13). Amen.

Athènes, à l’Aréopage, le 4 mai 2001.


CÉRÉMONIE DE BIENVENUE À L'AÉROPORT INTERNATIONAL DE DAMAS

Samedi 5 mai 2001


  Monsieur le Président,
Messieurs les membres du Gouvernement,
Chers Frères Patriarches et Évêques,
Mesdames et Messieurs,

1. En arrivant à Damas, "la perle de l’Orient", je suis profondément conscient de rendre visite à une terre antique qui a joué un rôle important dans l’histoire de cette partie du monde. L’apport de la Syrie à la culture et à la civilisation florissantes de cette région, dans les domaines littéraires, artistiques et sociaux, est en effet bien connu. Je vous suis très reconnaissant, Monsieur le Président, ainsi qu’aux membres du Gouvernement, d’avoir rendu possible ma visite en Syrie, et je vous remercie de vos paroles aimables de bienvenue. Je salue les Autorités civiles, politiques et militaires ici présentes, ainsi que les membres du Corps diplomatique.

Je viens en pèlerin de la foi, pour continuer mon pèlerinage jubilaire sur les lieux qui ont une relation particulière avec la Révélation de Dieu et son oeuvre de salut (cf. Lettre sur le Pèlerinage aux lieux qui sont liés à l’Histoire du Salut). Aujourd’hui, le Seigneur permet que je continue ce pèlerinage ici, en Syrie, à Damas, et que je puisse ainsi vous saluer, vous tous, en ami et en frère. Je salue les Patriarches et les Évêques qui sont venus ici, représentant la Communauté chrétienne de Syrie. Mes salutations cordiales vont aussi à tous les fidèles de l’Islam qui vivent sur cette noble terre. Que la paix soit avec vous tous! As-salámu ‘aláikum!

2. Mon pèlerinage jubilaire pour le deux millième anniversaire de la naissance de Jésus Christ a commencé en réalité l’année dernière par la commémoration d’Abraham, pour qui l’appel de Dieu se fit entendre non loin d’ici, dans la région d’Haran. Un peu plus tard, j’ai pu me rendre sur le Mont Sinaï, où les Dix Commandements ont été donnés à Moïse. Il y eut ensuite mon inoubliable pèlerinage en Terre Sainte, là où Jésus a accompli sa mission de salut et a fondé son Église. Maintenant mon esprit et mon coeur se tournent vers la figure de Saul de Tarse, le grand Apôtre Paul, dont la vie fut radicalement transformée sur la route de Damas. Mon ministère, en tant qu’Évêque de Rome, est lié d’une manière particulière au témoignage de saint Paul, témoignage couronné par son martyre à Rome.

3. Comment pourrais-je oublier la magnifique contribution de la Syrie et de la région alentour à l’histoire de la chrétienté? Dès les débuts de la chrétienté, on trouvait ici des communautés florissantes. Dans le désert de Syrie, le monachisme chrétien s’est épanoui; et les noms de Syriens comme saint Éphrem et saint Jean Damascène sont à jamais gravés dans la mémoire chrétienne. Quelques-uns de mes prédécesseurs sont nés dans la région.

Je pense aussi à la grande influence culturelle de l’Islam de Syrie qui, sous les Califes Omeyades, s’est répandue jusqu’aux rives les plus lointaines de la Méditerranée. De nos jours, dans un monde toujours plus complexe et interdépendant, un esprit renouvelé de dialogue et de coopération entre chrétiens et musulmans est nécessaire. Ensemble, nous reconnaissons le Dieu Unique et indivisible, le Créateur de toute chose. Ensemble nous devons proclamer au monde que le nom de l’unique Dieu est "un nom de paix et un impératif de paix" (Novo millennio ineunte NM 55)!

4. Tandis que résonne dans nos coeurs ce mot de "paix", comment ne pas penser aux tensions et aux conflits qui, depuis longtemps, troublent la région du Moyen-Orient? Si souvent les espoirs de paix se sont levés pour être ensuite balayés par de nouvelles vagues de violence ! Vous-même, Monsieur le Président, avez sagement confirmé qu’une paix juste et globale est dans l’intérêt même de la Syrie. Je suis sûr que sous votre conduite la Syrie n’épargnera aucun effort pour que croissent l’harmonie et la coopération entre les peuples de cette région, apportant ainsi non seulement à votre propre pays, mais aussi aux autres pays arabes et à l’ensemble de la communauté internationale des bienfaits durables. Comme je l’ai déclaré publiquement en d’autres occasions, il est temps de "retourner aux principes de la légalité internationale: interdiction de l’acquisition des territoires par la force, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, respect des résolutions de l’Organisation des Nations unies et des Conventions de Genève, pour ne citer que les plus importants" (Discours au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, 13 janvier 2001, n. 3).

Nous savons tous que la paix véritable ne peut être atteinte sans une attitude nouvelle de compréhension et de respect entre les peuples de cette région, entre les fidèles des trois religions liées à Abraham. Pas à pas, avec largeur de vue et courage, les dirigeants politiques et les chefs religieux de la région doivent réunir les conditions permettant le développement auquel leurs peuples ont droit, après tant de souffrances et de conflits. Parmi ces conditions, il est important qu’il y ait une évolution dans la manière dont les peuples de la région se considèrent mutuellement et que, à tous les niveaux de la société, les principes de la coexistence pacifique soient enseignés et promus. En ce sens, mon pèlerinage est aussi une ardente prière d’espérance: l’espérance que, parmi les peuples de cette région, la crainte se change en confiance, le mépris en estime mutuelle, et que la force cède le pas aux chemins de dialogue, et qu’un authentique désir de servir le bien commun l’emporte finalement.

5. Monsieur le Président, l’aimable invitation que vous-même, les membres du Gouvernement et le peuple de Syrie m’ont adressée, ainsi que la chaleur de votre accueil aujourd’hui, sont des signes que nous partageons tous la conviction que la paix et la coopération sont bien notre commune aspiration. Je vous suis profondément reconnaissant pour votre hospitalité: elle est bien caractéristique de cette terre antique et bénie. Que le Dieu Tout-Puissant vous accorde bonheur et longue vie! Puisse-t-il bénir la Syrie, la comblant de prospérité et de paix! As-salámu ‘aláikum!


RENCONTRE ECUMENIQUE DANS LA CATHÉDRALE GRÈQUE-ORTHODOXE DE LA DORMITION DE LA VIERGE MARIE

Samedi 5 mai 2001


  Béatitude Ignace,
Très Saint-Père Zakka,
Béatitude Grégoire III,
Chers Évêques et dignitaires des Églises
et des Communautés ecclésiales de Syrie et d’autres pays,
je vous remercie de votre présence,
et je vous accueille, pèlerins unis devant cette assemblée en frères.

1. "À son arrivée, voyant les effets de la grâce de Dieu, Barnabé fut dans la joie. Il les exhortait tous à rester d'un coeur ferme attachés au Seigneur" (Ac 11,23). Tel était l'émerveillement joyeux de l'apôtre à Antioche, où il avait été envoyé par l'Église de Jérusalem. Tels sont aussi ma joie et mon message, aujourd'hui. Cette visite en Syrie me ramène, en effet, à l'aurore de l'Église, au temps des Apôtres et des premières communautés chrétiennes. Elle complète les pèlerinages en terre biblique que j'ai pu effectuer au début de l'an 2000. Elle m'offre aussi l'heureuse occasion de vous rencontrer en Syrie et de vous rendre les visites que vous avez accomplies à l'Église et à l'Évêque de Rome.

En cette cathédrale, dédiée à la Dormition de la Vierge Marie, je voudrais saluer tout particulièrement le Patriarche Ignace IV Hazim. Béatitude, je vous remercie de tout coeur de l'accueil fraternel que vous m'offrez aujourd'hui et de cette Liturgie de la Parole que nous avons la joie de célébrer ensemble. L'intérêt et l'activité que Votre Béatitude développe, depuis bien des années, pour la cause de l'unité du peuple de Dieu, sont connus de tous. Je les apprécie profondément et j'en rends grâce à Dieu. J'implore, Frère bien-aimé, la bénédiction du Seigneur sur votre ministère, ainsi que sur l'Église dont vous êtes le pasteur.

2. Construite sur le fondement des Apôtres Pierre et Paul, l'Église en Syrie n'a pas tardé à manifester une extraordinaire floraison de vie chrétienne. Ce ne fut pas sans raison que le Concile de Nicée reconnut le primat d'Antioche sur les Églises métropolitaines de la région. En mentionnant particulièrement ici Ignace d'Antioche, Jean Damascène et Siméon, comment ne pas nous souvenir de nombreux confesseurs et martyrs qui ont fait resplendir, en cette région, les débuts de l'Église par leur fidélité à la grâce, jusqu'à l'effusion du sang ! Combien de moines et de moniales se sont retirés dans la solitude, peuplant les déserts et les montagnes de la Syrie d'ermitages et de monastères, pour y vivre une vie de prière et de sacrifice, à la louange de Dieu, afin, comme le disait Théodore d'Édesse, "d'acquérir l'état de beauté" (Discours sur la contemplation)! Combien de théologiens syriens ont contribué à l'essor des Écoles théologiques d'Antioche et d'Édesse! Combien de missionnaires sont partis de la Syrie pour se diriger vers l'Orient, poursuivant ainsi ce grand mouvement d'évangélisation qui eut lieu en Mésopotamie et même au-delà, jusqu'au Kérala, en Inde. L'Église en Occident n'est-elle pas grandement redevable aux nombreux pasteurs d'origine syrienne qui y assumèrent le ministère épiscopal, voire le ministère d'Évêque de Rome? Que Dieu soit loué pour le témoignage et le rayonnement de l'antique patriarcat d'Antioche!

Au cours des siècles, malheureusement, l'illustre Patriarcat d'Antioche perdit son unité, et il est à espérer que les différents Patriarcats qui existent actuellement retrouveront les voies les plus adaptées pour les conduire à la pleine communion.

3. Entre le Patriarcat grec orthodoxe et le Patriarcat grec catholique d'Antioche, un processus de rapprochement oecuménique a été engagé et j'en remercie le Seigneur de tout coeur. Il émane à la fois du désir du peuple chrétien, du dialogue entre théologiens, ainsi que de la collaboration fraternelle entre évêques et pasteurs des deux Patriarcats. J'exhorte toutes les personnes concernées à continuer cette recherche de l'unité, avec courage et prudence, avec respect mais sans confusion, puisant dans la divine Liturgie la force sacramentelle et le stimulant théologique nécessaires à cette démarche. La recherche de l'unité entre le Patriarcat grec orthodoxe et le Patriarcat grec catholique d'Antioche s'inscrit évidemment dans le cadre plus large du processus de réunion entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes. C'est pourquoi je tiens à exprimer de nouveau mon souhait sincère que la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes puisse prochainement continuer ses activités, de la façon la plus appropriée. Plus ce dialogue touchera des questions centrales, plus il sera laborieux. Il n'y a pas à s'étonner de cela, moins encore à se lasser. Qui pourrait nous empêcher de mettre notre espoir dans l'Esprit de Dieu qui ne cesse d'éveiller la sainteté parmi les disciples de l'Église du Christ? Je tiens à remercier vivement le Patriarche Ignace IV de la contribution positive et efficace que le Patriarcat d'Antioche et ses représentants n'ont cessé d'apporter au progrès de ce dialogue théologique. Tout comme je sais gré au Patriarche Grégoire III et à son prédécesseur, le Patriarche Maximos V, de leur contribution constante au climat de fraternité et de compréhension, nécessaire au bon développement de ce dialogue.

4. Je voudrais mentionner avec autant de gratitude et d'espoir l'approfondissement des relations fraternelles entre le Patriarcat syrien orthodoxe et le Patriarcat syrien catholique. Je salue tout particulièrement le Patriarche Zakka Ier en qui l'Église catholique, depuis le deuxième Concile du Vatican, auquel il a assisté en tant qu'observateur, a toujours rencontré un fidèle promoteur de l'unité des chrétiens. Lors de votre visite à Rome en 1984, Sainteté, nous avons eu la joie de pouvoir accomplir un réel progrès sur le chemin de l'unité, ayant confessé ensemble Jésus Christ comme notre Seigneur, lui qui est vrai Dieu et vrai homme. À cette même occasion, nous avons pu également autoriser un projet de collaboration pastorale, notamment au niveau de la vie sacramentelle, quand les fidèles ne peuvent accéder à un prêtre de leur propre Église. Avec l'Église Syro-Malankare en Inde, qui ressortit à votre autorité patriarcale, l'Église catholique entretient également de bonnes relations. J'implore le Seigneur pour que ne tarde pas le jour où disparaîtront les derniers obstacles qui empêchent encore la pleine communion entre l'Église catholique et l'Église syrienne orthodoxe.

5. Au cours des temps, et surtout au début du vingtième siècle, des communautés arméniennes, chaldéennes et assyriennes, obligées de quitter leurs cités et leurs villages d'origine devant la violence et la persécution, rejoignirent les quartiers chrétiens de Damas, d'Alep, de Homs et d'autres localités de la région. C'est donc en Syrie qu'elles trouvèrent un refuge, un lieu de paix et de sécurité. Je remercie le Seigneur Dieu pour l'hospitalité que la population syrienne offrit, à plusieurs reprises, aux chrétiens persécutés de la région. En allant au-delà de toute division ecclésiale, cette hospitalité était le gage d'un rapprochement oecuménique. C'était le Christ du Vendredi Saint que l'on reconnaissait et que l'on voulait accueillir dans le frère persécuté.

Dès lors, par conviction autant que par nécessité, les chrétiens de Syrie ont appris l'art du partage, de la convivialité et de l'amitié. Le rapprochement oecuménique au niveau des familles, des enfants, des jeunes et des responsables sociaux, est prometteur pour l'avenir de l'annonce de l'Évangile en ce pays. À vous, évêques et pasteurs, d'accompagner avec sagesse et courage cette heureuse dynamique de rapprochement et de partage. La coopération de tous les chrétiens, que ce soit au niveau de la vie sociale et culturelle, de la promotion du bien de la paix ou de l'éducation des jeunes, manifeste clairement le degré de communion existant déjà entre eux (cf. Encyclique Ut unum sint UUS 75).

En vertu de la succession apostolique, le sacerdoce et l'Eucharistie unissent de fait par des liens très étroits nos Églises particulières qui s'appellent, et aiment à s'appeler Églises soeurs (cf. Décret Unitatis redintegratio UR 14). "Cette vie d'Église soeur, nous l'avons vécue durant des siècles, célébrant ensemble les conciles oecuméniques qui ont défendu le dépôt de la foi contre toute altération. Maintenant, après une longue période de division et d'incompréhension réciproque, le Seigneur nous donne de nous redécouvrir comme Églises soeurs, malgré les obstacles qui furent alors dressés entre nous. Si aujourd'hui, au seuil du troisième millénaire, nous cherchons à rétablir la pleine communion, c'est à la mise en pratique de cette réalité que nous devons tendre et c'est à cette réalité que nous devons nous référer" (Ut unum sint UUS 57).

6. Il y a quelques semaines seulement, nous avons eu la grande joie de pouvoir célébrer le même jour la fête de Pâques. J'ai vécu cette heureuse coïncidence de l'an 2001 comme une invitation pressante de la Providence, adressée à toutes les Églises et Communautés ecclésiales, pour qu'elles restaurent sans délai la célébration commune de la fête pascale, fête entre toutes les fêtes, mystère central de notre foi. Nos fidèles insistent, à juste titre, pour que la célébration de Pâques ne soit plus un facteur de division. Depuis le deuxième Concile du Vatican, l'Église catholique s'est déclarée favorable à toute tentative capable de rétablir la célébration commune de la fête pascale. Ce processus semble néanmoins plus laborieux que prévu. Peut-être faut-il envisager des étapes intermédiaires ou différenciées, pour préparer les esprits et les coeurs à l'application d'un comput acceptable pour tous les chrétiens d'Orient et d'Occident ? Il revient aux Patriarches et aux Évêques du Moyen-Orient d'assumer ensemble cette responsabilité envers les communautés qui sont les leurs, dans les différents pays de cette région. Du Moyen-Orient pourraient naître et se répandre un nouvel élan et une nouvelle inspiration à ce sujet.

7. D'ici quelques semaines, nous allons célébrer ensemble la fête de la Pentecôte. Prions afin que l'Esprit Saint "suscite dans tous les disciples du Christ un désir et une action qui tendent à l'union pacifique de tous en un seul troupeau sous un seul Pasteur, selon le mode décidé par le Christ" (Constitution Lumen gentium LG 15). Implorons l'Esprit de nous faire grandir dans la sainteté, car il n'y a pas d'unité durable qui ne soit construite sur l'humilité, la conversion, le pardon et donc sur le sacrifice.

Quand l'Esprit de la Pentecôte descendit sur les Apôtres, la Vierge Marie était présente au milieu d'eux. Que son exemple et sa protection nous aident à écouter ensemble ce que, aujourd'hui encore, l'Esprit dit aux Églises et à accueillir ses paroles avec joie et confiance!




Discours 2001 - Lundi 30 avril 2001