Discours 2000 - MESSAGE AU PRÉSIDENT DU SYMPOSIUM DES CONFÉRENCES ÉPISCOPALES D’AFRIQUE ET DE MADAGASCAR


AUX PARTICIPANTS AU JUBILÉ DES ÉVÊQUES

Samedi 7 octobre 2000


  Très chers frères dans l'épiscopat!


1. Quam bonum et quam iucundum habitare fratres in unum! (Ps 133,1). La joie du Psalmiste, écho de la joie des fils d'Israël, est aujourd'hui notre joie. Le spectacle de tant d'Evêques réunis ensemble, venus de toutes les parties du monde, n'avait pas eu lieu depuis l'époque du Concile Vatican II. Notre réunion d'aujourd'hui me ramène par la mémoire à ces années de grâce au cours desquelles se ressentit fortement, comme le frémissement d'une nouvelle Pentecôte, la présence de l'Esprit de Dieu. Il est beau que le grand Jubilé nous ait offert l'occasion propice pour nous retrouver aussi nombreux. La communion fraternelle qui nous lie en vertu de la collégialité épiscopale se nourrit également de ces signes.

Je vous remercie pour les sentiments de communion que vous m'avez exprimés à travers le très cher Mgr Giovanni Battista Re, qui précisément en ces jours, après des années de service comme mon proche collaborateur à la Secrétairerie d'Etat, prend la fonction délicate et importante de Préfet de la Congrégation pour les Evêques. J'exprime également ma gratitude au Cardinal Bernardin Gantin, et au Cardinal Lucas Moreira pour le travail précieux qu'il a accomplit avec diligence et sagesse à la direction de ce dicastère.


2. La réunion d'aujourd'hui, à première vue, pourrait sembler superflue, étant donné que chacun de vous est amplement ouvert à la grâce du Jubilé en accompagnant les fidèles en divers lieux jubilaires du diocèse et de la nation. Mais nous avons ressenti le besoin d'une célébration pour ainsi dire, qui soit nôtre, destinée à accroître notre engagement et, en premier lieu, notre joyeuse gratitude pour le don de la plénitude du sacerdoce. Cela a été comme écouter à nouveau l'invitation que le Maître adressa un jour aux Douze Apôtres, accablés sous le poids de la fatigue du travail apostolique: "Venez vous-mêmes à l'écart, dans un lieu désert, et reposez-vous un peu" (Mc 6,31). Certes, venir aujourd'hui à Rome ne signifie pas se retrouver dans un lieu solitaire! Mais au moins, auprès du Siège du Successeur de Pierre, chacun de vous peut se sentir à l'aise comme chez lui, et tous ensembles, nous pouvons vivre une heure de "repos" spirituel, en nous réunissant autour du Christ.

Vous avez quitté momentanément vos soucis pastoraux pour vivre une pause de ressourcement intérieur au cours d'une rencontre spéciale avec ceux qui portent, comme vous, la sarcina episcopalis. A travers ce geste, vous avez en même temps souligné que vous vous sentez des membres de l'unique Peuple de Dieu, en route avec les autres fidèles vers la rencontre définitive avec le Christ. Oui, les Evêques également, comme tous les chrétiens, sont en chemin vers la Patrie et ont besoin de l'aide de Dieu et de sa miséricorde. C'est dans cet esprit que vous êtes ici pour implorer avec moi la grâce particulière du Jubilé.

Nous pouvons ainsi ressentir ensemble le réconfort de la vérité énoncée par saint Augustin: "Pour vous, je suis Evêque, avec vous, je suis chrétien. Le premier est le nom d'une fonction assumée, le deuxième un nom de grâce; le premier est un nom de danger, le deuxième de salut" (Sermo 340, 1: PL 38, 1483). Des paroles fortes!


3. Dilexit Ecclesiam! (Ep 5,25). En ce moment jaillissent dans nos coeurs de Pasteurs les paroles de Paul aux Ephésiens: elles nous rappellent que notre Jubilé est avant tout une invitation à nous mesurer à l'amour qui bat dans le coeur du Christ. Tournons-nous vers Lui, notre Sauveur et celui de tout le genre humain. Tournons-nous vers Lui, qui, à travers l'Incarnation, est devenu en un certain sens "consanguin" de tout homme. Le rayonnement de son amour est vaste comme le monde. Personne n'est exclu de son regard d'amour.

Ouvert sur le monde, l'amour du Christ est en même temps un amour de prédilection. Amour universel et amour de prédilection ne se contredisent pas, mais sont comme deux cercles concentriques. C'est en vertu de l'amour de prédilection que le Christ engendre l'Eglise comme son corps et son épouse, en faisant d'elle le sacrement du salut pour tous. Dilexit eam! Aujourd'hui, nous nous sentons à nouveau touchés, avec tout le Peuple de Dieu, par ce regard d'amour.
Dans ce dilexit Ecclesiam, chacun de nous trouve le modèle et la force de son ministère, le fondement et la racine vivante du mystère qui l'habite. En tant que personnes configurées de façon sacramentelle au Christ, Pasteur et Epoux de l'Eglise, nous sommes appelés, très chers Confrères dans l'épiscopat, à "revivre" dans nos pensées, dans nos sentiments, dans nos choix, l'amour et le don total de Jésus-Christ pour son Eglise. L'amour pour le Christ et l'amour pour l'Eglise sont, en définitive, un amour unique et indivisible. C'est dans ce diligere Ecclesiam, en imitant et en partageant le dilexit Ecclesiam du Christ, que résident la grâce et l'engagement de notre célébration jubilaire.


3. La finalité suprême du dilexit Ecclesiam est indiquée de façon lumineuse par l'Apôtre: "Le Christ a aimé l'Eglise: il s'est livré pour elle, afin de la sanctifier" (Ep 5,25-26). Ainsi en est-il de notre service épiscopal: celui-ci est au service de la sainteté de l'Eglise.

Chacune de nos activités pastorales a comme objectif ultime la sanctification des fidèles, en commençant par celle des prêtres, nos collaborateurs directs. Elle doit donc viser à susciter en eux l'engagement à répondre avec promptitude et générosité à l'appel du Seigneur. Et notre témoignage même de sainteté personnelle n'est-il pas l'appel le plus crédible et le plus persuasif que les laïcs et le clergé sont en droit d'attendre sur leur chemin vers la sainteté? C'est précisément pour "susciter chez tous les fidèles une réelle aspiration à la sainteté" qu'a été promu le Jubilé (Tertio millennio adveniente TMA 42).

Il faut redécouvrir ce que le Concile Vatican II dit sur la vocation universelle à la sainteté. Ce n'est pas un hasard si le Concile s'adresse avant tout aux évêques, en rappelant que ceux-ci doivent "remplir leur ministère dans la sainteté et l'empressement, l'humilité et la force: accompli dans ces conditions, il sera pour eux-mêmes un moyen puissant de sainteté" (Lumen gentium LG 41). C'est l'image - comme on le voit - d'une sainteté qui croît non pas à côté du ministère, mais à travers le ministère lui-même. Une sainteté qui se développe comme charité pastorale, en trouvant son modèle dans le Christ, Bon Pasteur, et en poussant chaque Pasteur à devenir "modèles du troupeau" (cf. 1P 5,3).


5. Cette charité pastorale doit vivifier les tria munera dans lesquels s'articule notre ministère. Avant tout le munus docendi, c'est-à-dire le service de l'enseignement. Lorsque nous relisons les Actes des Apôtres, nous sommes impressionnés par la ferveur avec laquelle le premier noyau apostolique semait à pleines mains, avec la force de l'Esprit, la semence de la Parole. Nous devons retrouver l'enthousiasme propre à la Pentecôte de l'Annonce. Dans un monde qui, à travers l'action des mass-media, connaît une sorte d'inflation des paroles, la parole de l'Apôtre ne peut se distinguer, faire son chemin que si elle se présente, dans toute sa luminosité évangélique, comme une parole chargée de vie. N'ayons pas peur d'annoncer l'Evangile "à temps et à contretemps" (2Tm 4,2). Aujourd'hui, en particulier, parmi tant de voix discordantes qui sèment la confusion et la perplexité dans l'esprit des fidèles, l'Evêque a la lourde responsabilité d'apporter une clarification. L'annonce de l'Evangile est l'acte d'amour suprême à l'égard de l'homme, de sa liberté et de sa soif de bonheur.

Cette même charité, à travers la Liturgie, source et sommet de la vie ecclésiale (cf. Sacrosanctum Concilium SC 10) devient rêve, célébration, action dans la prière. Ici, le dilexit Ecclesiam du Christ devient mémoire vivante et présence efficace. Dans cette oeuvre, plus que dans tout autre, le rôle de l'Evêque se définit comme munus sanctificandi, ministère de sanctification, grâce à la présence active de Celui qui est le Saint par excellence.

La charité de l'Evêque doit, en effet, resplendir dans le vaste domaine de la direction pastorale: dans le munus regendi. On exige beaucoup de choses de nous. Pour chacune d'elles, nous devons oeuvrer en tant que "bons pasteurs connaissant leurs brebis et que leurs brebis connaissent, de vrais pères qui s'imposent par leur esprit d'amour et de dévouement envers tous" (Christus Dominus CD 16). Il s'agit d'un service de charité qui ne doit négliger personne, mais qui doit prêter une attention particulière aux "derniers", avec l'"option préférentielle pour les pauvres" qui, vécue sur l'exemple de Jésus, est une expression de justice et de charité.


6. Très chers confrères, le Jubilé est le temps de la "grande indulgence". Les lourdes responsabilités qui nous sont confiées et les nombreuses difficultés que notre ministère épiscopal rencontre aujourd'hui, rendent plus aiguë et plus douloureuse la conscience de notre pauvreté spirituelle et donc plus forte et plus insistante l'invocation de l'amour indulgent du Père. Mais la miséricorde qui vient à nous du sacrifice du Christ, rendu présent chaque jour dans l'Eucharistie, diffuse en nous une solide espérance. Nous devons annoncer et témoigner de cette espérance à un monde qui l'a perdue ou déformée. Il s'agit d'une espérance fondée sur la certitude que le Christ est toujours présent et actif dans son Eglise et dans l'histoire de l'humanité.

Il peut sembler parfois, comme dans l'épisode évangélique de la tempête apaisée (Mc 4,35-41 Lc 8,22-25), que le Christ dort et nous laisse en proie à la mer agitée. Mais nous savons qu'Il est toujours prêt à intervenir avec son amour tout-puissant et salvifique. Il continue de nous dire: "Gardez courage! J'ai vaincu le monde" (Jn 16,33).

Nous sommes soutenus dans nos efforts par la proximité de Marie, la Mère que le Christ nous a donnée sur la Croix en disant à l'Apôtre bien-aimé: "Femme, voici ton fils" (Jn 19,26). A Elle, Regina apostolorum, nous confions nos Eglises et nos vies, en nous ouvrant avec confiance à l'aventure et aux défis du Nouveau Millénaire.




  MÉDITATION À L'ISSUE DE LA RÉCITATION DU ROSAIRE EN PRÉSENCE DE L'IMAGE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE DE FATIMA

Samedi 7 octobre 2000



1. Au terme de cet intense moment de prière mariale, je désire vous adresser à tous, très chers frères dans l'épiscopat, une cordiale salutation, que j'étends de tout coeur aux nombreux fidèles présents ce soir avec nous ici, place Saint-Pierre, ou en liaison avec nous à travers la radio et la télévision.

Réunis à Rome pour le Jubilé des Evêques, le premier samedi du mois d'octobre ne pouvait manquer de nous conduire à prier ensemble aux pieds de la Vierge, que le Peuple de Dieu vénère en ce jour sous le titre de Reine du Saint Rosaire.

En particulier, notre prière de ce soir se situe dans la lumière du "message de Fatima", dont les contenus aident notre réflexion sur l'histoire du XXème siècle. Cette perspective spirituelle est renforcée par l'heureuse présence parmi nous de la vénérée image de la Vierge de Fatima, que j'ai eu la joie d'accueillir au Vatican, dans le cadre solennel constitué par la présence de mes si nombreux Frères dans l'épiscopat et de tant de prêtres, religieux, religieuses et fidèles réunis ce soir sur cette Place.


2. Nous avons médité sur les "mystères glorieux". Du Ciel, où le Seigneur l'a élevée, Marie ne cesse d'orienter nos regards vers la gloire du Christ ressuscité, dans lequel se révèle la victoire de Dieu et de son dessein d'amour sur le mal et sur la mort. En tant qu'Evêques, participant aux souffrances de la gloire du Christ (cf. 1P 5,1), nous sommes les premiers témoins de cette victoire, fondement d'espérance certaine pour toute personne et pour tout le genre humain.
Jésus-Christ, le Ressuscité, nous a envoyés dans le monde entier pour annoncer son Evangile de salut, et de Jérusalem, en l'espace de vingt siècles, le message a atteint les cinq continents. Ce soir, notre prière a réuni spirituellement toute la famille humaine autour de Marie, Regina Mundi.


3. Dans le cadre du grand Jubilé de l'An 2000, nous avons voulu exprimer la reconnaissance de l'Eglise pour la sollicitude maternelle que Marie a toujours démontrée envers ses fils, pèlerins dans le temps. Il n'existe point de siècle, il n'existe point de peuple où Elle n'ait fait ressentir sa présence en apportant aux fidèles, en particulier aux plus petits et aux pauvres, lumière, espérance et réconfort.

Confiants dans sa sollicitude maternelle, demain, au terme de la Concélébration eucharistique, nous accomplirons collégialement un "Acte de confiance" au Coeur Immaculé de Marie. Ce soir, en méditant ensemble sur les mystères glorieux du Rosaire, nous nous sommes préparés intérieurement à ce geste, nous plaçant dans l'attitude des Apôtres au Cénacle, réunis avec Marie dans une prière unanime et harmonieuse.

Pour chacun de vous, chers Confrères, et pour votre ministère, j'ai invoqué et j'invoque l'intercession particulière de la Mère de l'Eglise. Qu'Elle vous assiste toujours dans la tâche difficile et enthousiasmante d'apporter l'Evangile dans tous les lieux de la terre, afin que chaque homme, en commençant par les plus petits et les pauvres, reçoive la Bonne Nouvelle du Christ Sauveur.


  ACTE DE CONFIANCE (DE REMISE) À MARIE

Dimanche 8 octobre 2000


1 «Femme, voici ton fils» (Jn 19,26)!
Tandis qu’arrive à son terme l’Année jubilaire,
au cours de laquelle Toi, ô Mère, tu nous as offert à nouveau Jésus,
le fruit béni de ton sein très pur,
le Verbe fait chair, le Rédempteur du monde,
ces paroles: "Femme, voici ton fils !" se font pour nous
particulièrement douces,
paroles qui nous renvoient à Toi, te constituant notre Mère.
En te confiant l’Apôtre Jean,
et avec lui les fils de l’Église, et même tous les hommes,
le Christ, loin d’atténuer son rôle exclusif de Sauveur du monde,
le confirmait.
Tu es la splendeur qui n’ôte rien à la lumière du Christ,
car tu existes en Lui et par Lui.
En Toi, tout est "fiat": tu es l’Immaculée,
tu es transparence et plénitude de grâce.
Voici donc tes enfants rassemblés autour de Toi,
à l’aube du nouveau millénaire.
Aujourd’hui, par la voix du Successeur de Pierre,
à laquelle s’unit celle de nombreux Pasteurs
rassemblés ici de toutes les parties du monde,
l’Église cherche à se réfugier sous ta protection maternelle
et implore avec confiance ton intercession
face aux défis de l’avenir.

2 En cette année de grâce, de nombreuses personnes
ont vécu, et vivent actuellement,
la joie surabondante de la miséricorde
que le Père nous a donnée dans le Christ.
Dans les Églises particulières répandues à travers le monde,
et plus encore ici au centre de la chrétienté,
les catégories les plus diverses de personnes
ont accueilli ce don.
Ici même, l’enthousiasme des jeunes a retenti,
ici même, s’est élevé le cri implorant des malades.
Ici même, sont venus des prêtres et des religieux,
des artistes et des journalistes,
des travailleurs et des hommes de science,
des enfants et des adultes,
et tous ont reconnu dans ton Fils bien-aimé
le Verbe de Dieu, fait chair en ton sein.
Obtiens pour nous, ô Mère, par ton intercession,
que les fruits de cette Année ne soient pas perdus,
et que les germes de grâce se développent
jusqu’à la pleine mesure de la sainteté,
à laquelle nous sommes tous appelés.

3 Aujourd’hui, nous voulons te confier l’avenir qui nous attend,
te demandant de nous accompagner sur le chemin.
Nous sommes les hommes et les femmes d’une époque extraordinaire,
aussi exaltante que riche de contradictions.
Aujourd’hui, l’humanité possède des moyens de puissance inouïe:
elle peut faire de ce monde un jardin,
ou le réduire à un amas de cendres.
Elle a acquis des capacités extraordinaires d’intervention
sur les sources mêmes de la vie:
elle peut en user pour le bien, dans le cadre de la loi morale,
ou bien céder à l’orgueil aveugle
d’une science qui n’accepte pas de limite,
au point de bafouer le respect dû à tout être humain.
Aujourd’hui plus que jamais,
l’humanité est à une croisée de chemins.
Et, une fois encore, le salut est entièrement et seulement,
ô Vierge Sainte, dans ton Fils Jésus.

4 C’est pourquoi, ô Mère, comme l’Apôtre Jean,
nous voulons te recevoir chez nous (cf. Jn 19,27),
pour que tu nous apprennes à nous conformer à ton Fils.
«Femme, voici tes fils!»
Nous sommes ici, devant toi,
pour confier à tes soins maternels
nous-mêmes, l’Église, le monde entier.
Implore pour nous ton Fils bien-aimé,
afin qu’il nous donne en abondance l’Esprit Saint,
l’Esprit de vérité qui est source de vie.
Accueille-le pour nous et avec nous,
comme au temps de la première communauté de Jérusalem,
rassemblée autour de toi le jour de la Pentecôte (cf. Ac 1,14).
Que l’Esprit ouvre les coeurs à la justice et à l’amour,
qu’il conduise les personnes et les nations à la compréhension réciproque
et à une ferme volonté de paix.
Nous te confions tous les hommes, à commencer par les plus faibles:
les enfants non encore venus au jour
et ceux qui sont nés dans des conditions de pauvreté et de souffrance,
les jeunes à la recherche de sens,
les personnes privées de travail
et celles qui sont éprouvées par la faim et la maladie.
Nous te confions les familles désagrégées,
les personnes âgées privées d’assistance
et tous ceux qui sont seuls et sans espérance.

5 Ô Mère, Toi qui connais les souffrances
et les espérances de l’Église et du monde,
assiste tes enfants dans les épreuves quotidiennes
que la vie réserve à chacun
et fais que, grâce aux efforts de tous,
les ténèbres ne l’emportent pas sur la lumière.
À toi, aurore du salut, nous confions
notre marche dans le nouveau millénaire,
afin que, sous ta conduite,
tous les hommes découvrent le Christ,
lumière du monde et unique Sauveur,
qui règne avec le Père et l’Esprit Saint
pour les siècles des siècles. Amen.




AUX PARTICIPANTS AU PÈLERINAGE JUBILAIRE DE LA HONGRIE

Lundi 9 octobre 2000



Très chers frères et soeurs dans le Christ!

Je désire adresser une cordiale bienvenue à chacun de vous, très chers pèlerins hongrois. Je salue avec une affection fraternelle le Cardinal László Paskai, Monseigneur István Seregély, Président de la Conférence épiscopale hongroise, que je remercie pour les nobles paroles qu'il a bien voulu m'adresser au nom des personnes présentes et de toute l'Eglise qui est en Hongrie. Avec eux, je salue les vénérés Frères dans l'épiscopat qui vous guident au cours de cette expérience particulière de foi et de grâce.

Mes salutations respectueuses s'adressent à Monsieur l'Ambassadeur Pál Tar qui, à travers sa présence, offre un témoignage renouvelé de la collaboration positive entre l'Eglise catholique et l'Autorité de l'Etat dans votre pays, après les années difficiles de la dictature communiste.
Merci de cette visite qui renouvelle et consolide l'antique fidélité du Peuple magyar au Siège de Pierre! Merci de l'affection qu'également en cette circonstance, vous manifestez envers ma Personne!


2. Votre pèlerinage national a commencé devant la Sacristie de la basilique vaticane, avec la bénédiction de la plaque commémorative. Celle-ci rappelle le lieu où se trouve la première maison des pèlerins hongrois, fondée il y a mille ans par le roi saint Etienne, qui voulut cette maison proche du tombeau de l'Apôtre saint Pierre, précisément parce qu'il désirait que les pèlerins hongrois, en venant à Rome, renouvellent leur fidélité et leur amour à Pierre. Cet acte solennel établit un lien heureux entre les deux événements extraordinaires que vous célébrez en l'An 2000: le grand Jubilé du christianisme et le millénaire hongrois, qui constituent également les motivations particulières de ce pèlerinage.

Vous êtes venus nombreux dans la Ville éternelle pour visiter les Tombeaux des Apôtres et pour confirmer votre foi dans la rencontre avec le Successeur de Pierre. Votre présence si nombreuse témoigne de l'adhésion constante du peuple magyar au Saint-Siège, qui, à partir de la remise de la couronne du Pape Sylvestre II au roi saint Etienne, constitue un élément fondamental de votre histoire et de votre culture.

Comme je le rappelai dans le Message que je vous ai envoyé à l'occasion de la célébration du millénaire magyar, votre histoire est "une histoire qui commence avec un roi saint, et même avec une famille sainte [...], une semence qui germera et suscitera une foule de nobles figures qui illustreront la Pannonie sacrée", qui au cours des siècles, deviendra un solide "bastion qui défendit la chrétienté contre l'invasion des tartares et des turcs" (Message de Jean-Paul II au peuple magyar, 20 août 2000, n. 1; cf. ORLF n. 39 du 26 septembre 2000).

Ces événements ont laissé une empreinte profonde dans votre culture, qui trouve son expression dans certains comportements quotidiens comme le son des cloches à midi, qui, depuis la victoire sur les Turcs islamiques, invite les chrétiens hongrois à interrompre le travail pour se consacrer à la prière. La relation particulière qui lie votre Peuple au Siège de Pierre trouve une expression significative dans la Chapelle hongroise des Grottes vaticanes, que j'ai moi-même eu la joie de bénir il y a vingt ans lors de la fête de la Magna Domina Hungarorum, à laquelle vous avez voulu confier également votre pèlerinage jubilaire.


3. Les célébrations solennelles du grand Jubilé de l'Incarnation et du Millénaire hongrois vous exhortent à rendre grâce au Seigneur pour les merveilles que vous accomplissez parmi votre Peuple. Celles-ci constituent également une occasion précieuse de conversion et d'engagement à édifier un avenir digne de votre foi et de votre passé glorieux, qui trouve dans la famille l'un de ses éléments incontournables.

Cette institution fondamentale de la société humaine vit aujourd'hui une crise difficile qui semble manifester l'oubli des valeurs humaines et chrétiennes fondamentales, facteurs indispensables pour le progrès civil et moral de l'humanité. Toutefois, celle-ci révèle également des transformations profondes en cours dans la société, qui peuvent être le prélude d'un nouveau commencement. Il faut donc que les chrétiens considèrent cette crise avec fidélité et espérance. En effet, les problématiques complexes qui touchent l'institution familiale doivent conduire les croyants à redécouvrir et à vivre les valeurs du mariage et de la famille, telles qu'elles sont proposées par l'Eglise, pour donner un nouvel élan à l'édification de la civilisation de l'amour. A ce propos, je désire vous répéter l'invitation que je vous ai adressée à l'occasion des célébrations de votre millénaire: "Soyez conscients de la centralité de la famille en vue de favoriser une société ordonnée et florissante. Promouvez donc de sages initiatives pour en protéger la solidité et l'intégrité. Seule une Nation qui peut compter sur des familles saines et solides est capable de survivre et d'écrire une grande histoire, comme cela a été le cas de votre pays" (Ibid., n. 4).

Cette préoccupation particulière pour la famille vous conduira à promouvoir, à tous les niveaux, la culture de la vie qui exige la défense de la personne humaine, de sa conception à son terme, la promotion de la valeur de la paternité et de la maternité, ainsi que la reconnaissance du rôle fondamental joué par la femme dans le travail domestique et dans l'éducation des enfants.


4. Les célébrations solennelles du Millénaire hongrois ont coïncidé avec la XV Journée mondiale de la Jeunesse, qui a vu une participation extraordinaire de jeunes venus du monde entier. Un grand nombre de jeunes Hongrois ont participé à cette rencontre, et ont voulu partager, avec des jeunes de leur âge, leur foi et leur recherche du Christ, Celui qui donne sens à la vie.

Le témoignage de ces jeunes, leur enthousiasme, leur foi joyeuse, représentent un signe d'espérance pour tous, qui donne courage et qui exhorte à ne pas avoir peur de l'avenir.
Leur présence dans vos Eglises dévoile également à votre Patrie un horizon empli de promesses et annonce un avenir meilleur.


5. Très chers pèlerins hongrois, je forme des voeux pour que, fortifiés par la grâce du Jubilé, vous puissiez édifier dans votre Nation une société plus juste et plus fraternelle, digne de votre foi et de vos profondes racines chrétiennes.

Avec ces souhaits, tandis que je vous confie à la protection maternelle de la Magna Domina Hungarorum, comme le fit un jour saint Etienne, je donne à chacun de vous et au bien-aimé peuple hongrois une Bénédiction apostolique particulière.





AUX MEMBRES DE L'ASSOCIATION "PRO PETRI SEDE"

Jeudi 12 octobre 2000

Mesdames, Messieurs,


Je vous salue cordialement à l’occasion du pèlerinage de l’association Pro Petri Sede. En cette année jubilaire, vous poursuivez votre tradition de venir apporter au Saint-Père l’offrande des généreux donateurs de Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas, qui s’unissent ainsi de manière plus étroite à la charité de l’Église universelle et du Successeur de Pierre.



néerlandais…



De ce point de vue, votre geste est particulièrement important et nécessaire pour manifester la miséricorde de Dieu; il procède de “la charité, qui ouvre nos yeux aux besoins de ceux qui vivent dans la pauvreté et dans la marginalité” (Incarnationis mysterium, n. 12), et qui nous pousse à vivre en frères, au-delà des différences de races, de cultures et de religions. Votre démarche s’inscrit dans ce cadre et je suis sûr que les généreux donateurs de votre association ont conscience, par ce geste, de tendre la main aux plus pauvres pour qu’ils se relèvent, qu’ils puissent vivre dans la dignité propre à leur nature, qu’ils deviennent chaque jour davantage des artisans de leur développement et que se créent une fraternité et une solidarité toujours plus grandes entre tous les hommes. Le partage est aussi une oeuvre importante en faveur de la justice et de la paix.

Je vous demande donc d’exprimer mes vifs remerciements et ma gratitude à tous les membres de l'Association Pro Petri Sede et aux fidèles de Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas qui, par l’accueil des pauvres et des étrangers, vivent l'idéal évangélique d'entraide spirituelle et matérielle. En les confiant à l’intercession de la Vierge Marie, que nous honorons particulièrement en ce mois du Rosaire, j'accorde de grand coeur à tous ma Bénédiction apostolique.

            


AUDIENCE AUX PARTICIPANTS AU 8ème COLLOQUE INTERNATIONAL DE MARIOLOGIE

Vendredi 13 octobre 2000

   

Très chers frères et soeurs!

1. Je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui, à l'occasion du huitième Colloque international de Mariologie sur le thème "Saint Louis-Marie Grignion de Montfort: spiritualité trinitaire en communion avec Marie". Je vous salue tous avec affection: les organisateurs, les rapporteurs, les participants. J'adresse un remerciement particulier à Mgr François Garnier, Evêque de Luçon, pour les expressions chaleureuses à travers lesquelles il a interprété les sentiments communs.

La rencontre d'aujourd'hui rappelle à la mémoire celle qui eut lieu ici à Rome, en 1706, entre mon vénéré prédécesseur Clément XI et le missionnaire breton, Grignion de Montfort, venu demander au Successeur de Pierre la lumière et le réconfort pour le chemin apostolique qu'il avait entrepris. Je repense également avec gratitude au pèlerinage que la Providence m'a donné d'accomplir sur la tombe de ce grand saint à Saint-Laurent-sur-Sèvre, le 19 septembre 1996.

Saint Louis-Marie Grignion de Montfort constitue pour moi une figure de référence significative, qui m'a illuminé dans les moments importants de la vie. Alors que j'étais séminariste clandestin et que je travaillais à l'usine Solvay à Cracovie, mon directeur spirituel me conseilla de méditer sur le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge. J'ai lu et relu plusieurs fois avec un grand intérêt spirituel ce précieux petit livre ascétique, dont la couverture bleue s'était tachée de soude. En plaçant la Mère du Christ en relation avec le mystère trinitaire, Monfort m'a aidé à comprendre que la Vierge appartient au plan du salut par la volonté du Père, en tant que Mère du Verbe incarné, qu'Elle a conçu par l'oeuvre de l'Esprit Saint. Chaque intervention de Marie dans l'oeuvre de la régénération des fidèles ne se met pas en concurrence avec le Christ, mais dérive de lui et est à son service. L'action que Marie accomplit sur le plan du salut est toujours christocentrique, c'est-à-dire qu'elle fait directement référence à une médiation qui a lieu dans le Christ. Je compris alors que je ne pouvais pas exclure la Mère du Seigneur de ma vie sans désobéir à la volonté de Dieu-Trinité, qui a voulu "commencer et accomplir" les grands mystères de l'histoire du salut avec la collaboration responsable et fidèle de l'humble Servante de Nazareth.

Je rends à présent également grâce au Seigneur pour avoir fait l'expérience de ce que vous avez, vous aussi, eu la possibilité d'approfondir au cours de ce colloque, à savoir que l'accueil de Marie dans la vie en Christ et dans l'Esprit introduit le croyant au coeur même du mystère trinitaire.


2. Très chers frères et soeurs, au cours de votre Symposium, vous vous êtes arrêtés sur la spiritualité trinitaire en communion avec Marie: un aspect qui est caractéristique de l'enseignement de Montfort.

En effet, il ne propose pas une théologie sans influence dans la vie concrète, ni même un christianisme "par procuration", sans assumer personnellement les engagements dérivant du Baptême. Au contraire, il invite à une spiritualité vécue intensément; il encourage à un don de soi au Christ, décidé librement et en conscience, et, à travers Lui, à l'Esprit Saint et au Père. Sous cette lumière, on comprend comment la référence à Marie rend parfait le renouveau des promesses baptismales, car c'est précisément Marie la créature la "plus conforme à Jésus-Christ" (Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, n. 121).

Oui, toute la spiritualité christocentrique et mariale enseignée par Montfort dérive de la Trinité et conduit à celle-ci. A ce propos, on est frappé par son insistance sur l'action des trois Personnes divines à l'égard de Marie. Dieu le Père "a donné son unique Fils au monde seulement à travers Marie" et "il désire avoir des enfants à travers Marie jusqu'à la fin du monde" (Ibid., nn. 16 et 29). Dieu le Fils "s'est fait homme pour notre salut, mais en Marie et à travers Marie" et "il désire se former et pour ainsi dire s'incarner chaque jour à travers sa chère mère dans ses membres" (Ibid., nn. 16 et 31). Dieu Esprit Saint "a communiqué à Marie, sa fidèle Epouse, ses dons ineffables" et "il désire former en Elle et à travers Elle des élus" (Ibid., nn. 25 et 34).


3. Marie apparaît donc comme un espace d'amour et d'action de la Personne de la Trinité, et Montfort la présente dans une perspective relationnelle: "Marie est totalement relative à Dieu et je l'appellerai volontiers la relation à Dieu, qui existe seulement en relation à Dieu" (Ibid., n. 225). C'est pourquoi la Toute Sainte conduit à la Trinité. En lui répétant chaque jour "Totus tuus" et en vivant en harmonie avec Elle, on peut parvenir à l'expérience du Père dans la confiance et dans l'amour sans limite (cf. Ibid., nn. 169 et 215), à la docilité à l'Esprit Saint (cf. Ibid., n. 258) et à la transformation de soi selon l'image du Christ (cf. Ibid., nn. 218-221).

Il arrive parfois que dans la catéchèse et également dans les exercices spirituels, on considère de façon implicite "la note trinitaire et christologique, qui est intrinsèque et essentielle en ceux-ci" (Exhort. apost. Marialis cultus, n. 25). Dans la vision de Grignion de Montfort, en revanche, la foi trinitaire imprègne entièrement les prières adressées à Marie: "Je te salue, Marie, Fille très aimable du Père éternel, Mère admirable du Fils, Epouse très fidèle de l'Esprit Saint, auguste temple de la Très Sainte Trinité" (Méthodes pour réciter le Rosaire, n. 15). De même, dans la Prière enflammée, adressée aux trois Personnes divines et tournée vers les derniers temps de l'Eglise, Marie est contemplée comme la "montagne de Dieu" (n. 25), lieu de sainteté qui élève vers Dieu et transforme dans le Christ.

Que chaque chrétien puisse faire sienne la doxologie que Montfort place sur les lèvres de Marie dans le Magnificat: "Adorons et bénissons / notre unique et vrai Dieu! / Que l'univers retentisse et que l'on chante en chaque lieu: / Gloire au Père éternel, / gloire au Verbe adorable! / La même gloire à l'Esprit Saint / qui avec son amour les unit en un lien ineffable" (Ct 85,6).

En implorant sur chacun de vous l'assistance permanente de la Sainte Vierge, afin que vous puissiez vivre votre vocation en communion avec Elle, notre Mère et notre modèle, je vous donne de tout coeur une Bénédiction apostolique spéciale.


Discours 2000 - MESSAGE AU PRÉSIDENT DU SYMPOSIUM DES CONFÉRENCES ÉPISCOPALES D’AFRIQUE ET DE MADAGASCAR