Discours 2000 - MESSAGE DU SAINT PÈRE A L’ARCHEVÊQUE-ÉVÊQUE DE PADOUE À L'OCCASION DE LA FÊTE DE SAINT LUC


AUX PARTICIPANTS AU PÈLERINAGE JUBILAIRE DE L'ORDRE DE MALTE

Jeudi 19 octobre 2000



Très chers frères et soeurs!

1. Je désire souhaiter une cordiale bienvenue à chacun de vous, Chevaliers et Dames de l'Ordre Souverain militaire de Malte, venus à Rome de toutes les parties du monde pour célébrer le grand Jubilé. Je salue, en particulier, le Grand Maître, Frà Andrew W. N. Bertie, en le remerciant des paroles courtoises et nobles qu'il a voulu m'adresser au nom des personnes présentes. Ma pensée affectueuse s'adresse au Cardinal Pio Laghi, Patron de cet Ordre Souverain militaire, qui a désiré participer au rendez-vous d'aujourd'hui. Je salue également Mgr Donato de Bonis, votre Prélat.
Cette rencontre revêt une signification particulière, car elle a lieu dans le contexte de l'Année Sainte 2000, et témoigne de la communion profonde qui unit les membres de votre Ordre au Successeur de Pierre. Dans cette circonstance, j'ai plaisir à exprimer au Gouvernement de l'Ordre, ainsi qu'à ceux qui se prodiguent généreusement dans les services des urgences médicales des basiliques romaines et dans les autres initiatives jubilaires, mes plus vives félicitations et ma reconnaissance pour la contribution précieuse et constante qu'ils offrent à la bonne réussite de l'événement jubilaire.


2. Le grand Jubilé, avec lequel l'Eglise rappelle le second millénaire de l'incarnation du Verbe, est une "année de grâce": l'année de la rémission des péchés et des peines dues aux péchés, l'année de la réconciliation entre les adversaires, l'année de multiples conversions et de pénitence sacramentelle et extra-sacramentelle. Il s'agit en particulier d'une année liée "à la concession d'indulgences d'une manière plus large qu'en d'autres périodes" (Tertio millennio adveniente TMA 14) et au rétablissement de la justice de Dieu, expression concrète du commandement de l'amour.
Dans la Bulle d'indiction du Jubilé, j'écrivais: "Un signe de la miséricorde de Dieu est aujourd'hui particulièrement nécessaire: la charité, qui ouvre nos yeux aux besoins de ceux qui vivent dans la pauvreté et dans la marginalité. Ce sont là des situations qui s'étendent aujourd'hui sur de vastes secteurs sociaux et qui couvrent de leur ombre de mort des peuples entiers" (Incarnationis mysterium, n. 12).

A ce propos, je voudrais faire référence ici aux initiatives dignes d'éloges que votre Ordre entreprend dans divers contextes de pauvreté morale et spirituelle. Elles sont animées par une grande disponibilité envers les pauvres, en leur manifestant de façon visible et concrète l'amour du Seigneur et de l'Eglise. Ce sont des initiatives qui constituent parfois un encouragement valable et presque un modèle pour ceux qui désirent contribuer par leurs efforts à réaliser un monde nouveau, capable de rendre leur dignité et de donner de l'espérance à ceux qui sont opprimés par des formes modernes d'esclavage et qui sont blessés dans leur corps et dans leur esprit.

3. Je fais référence en particulier au service en faveur des marginaux et des exclus, que vous accomplissez avec l'ardeur d'un combat authentique pour la promotion intégrale de l'être humain. Grâce à ce noble combat pour la défense et la valorisation de l'homme, mission à laquelle se consacre votre Ordre depuis plusieurs siècles, vous avez pu hisser l'étendard de l'amour dans de nombreuses parties des cinq continents, où la maladie et la pauvreté humilient la personne et en menacent, hélas, l'avenir.

C'est une véritable stratégie de l'amour qui vous voit engagés dans les hôpitaux, dans les léproseries, dans les groupes de secours, dans les crèches et dans les maisons de repos pour personnes âgées. Partout, vous avez à coeur de poursuivre les finalités primordiales de votre Ordre séculier: la "tuitio fidei" et l'"obsequium pauperum", vous souvenant toujours de ce qu'affirmait votre Fondateur, le bienheureux Gérard: "Notre Institution durera tant qu'il plaira à Dieu de faire naître des hommes souhaitant rendre la souffrance plus légère et la misère plus supportable".


4. Très chers frères et soeurs, dans ce contexte positif, l'effusion de grâce particulière de l'Année jubilaire constitue pour chacun de vous et pour toute votre Famille spirituelle une occasion renouvelée de fidélité au Christ et à vos frères.

Le Jubilé vous exhorte à fixer votre regard sur le Christ, rédempteur de l'homme, et à l'accueillir avec un amour et une conscience toujours plus intenses. Au cours de votre pèlerinage jubilaire, vous avez voulu d'une façon toute particulière vous consacrer à l'écoute de l'Evangile et à la prière et, en vous approchant des Sacrements, vous avez voulu renouveler votre fidélité au Christ. Ce n'est que chez Lui, source de vie immortelle, que vous pouvez puiser une force nouvelle et de nouvelles énergies pour aller à la rencontre, avec l'esprit du bon Samaritain, des besoins des pauvres, toujours plus évidents et tragiques dans le monde contemporain. Ce n'est qu'avec son aide que vous pourrez offrir aux attentes des pauvres, en toute circonstance, des réponses qui ne sont pas seulement qualifiées, mais profondément inspirées par l'amour évangélique.

En outre, l'événement jubilaire vous encourage à être, dans les situations dans lesquelles vous oeuvrez, des témoins incessants d'une authentique communion fraternelle. Il vous appelle à proclamer à travers les paroles et votre vie la vérité du Christ, afin que votre présence constitue, pour ceux que vous rencontrez, un modèle de nouvelle coexistence humaine et civile. Puissent vos activités constituer des occasions privilégiées d'évangélisation et représenter un point de référence sûr pour tous ceux qui, avec un coeur sincère, cherchent le Royaume de Dieu et sa justice.

Enfin, que de cette célébration jubilaire jaillisse en chacun de vous un enthousiasme plus intense pour témoigner de l'Evangile de la charité dans un monde dominé par l'égoïsme et le péché. Que vos structures constituent des avant-postes lumineux de la civilisation de l'amour et des réalisations concrètes de la doctrine sociale de l'Eglise.

C'est avec ces sentiments que je confie chacun de vous, pèlerins de l'Ordre Souverain militaire de Malte, à la protection céleste de la Vierge "Consolatrice des affligés" et de saint Jean-Baptiste. Je vous donne de tout coeur une Bénédiction apostolique spéciale, en gage de dons abondants et de grâces jubilaires.

Je souhaite à tout l'Ordre de Malte une bonne continuation. Que le Seigneur vous bénisse tous. Merci de votre visite à Rome et au Vatican.


DISCOURS DU SAINT PÈRE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE DU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE

Jeudi 19 octobre 2000



Monsieur l'Ambassadeur,

1. Je vous prie d'accepter mes sincères remerciements pour vos aimables paroles à l'occasion de la présentation des Lettres qui vous accréditent en tant qu'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République fédérale d'Allemagne près le Saint-Siège. Je vous souhaite une cordiale bienvenue, alors que vous vous apprêtez à prendre vos fonctions et je vous adresse mes félicitations pour cette noble et importante tâche. Dans le même temps, je vous prie de bien vouloir transmettre mes salutations au Président de la République fédérale, ainsi que mes meilleurs voeux pour sa santé. Vous commencez votre fonction alors que le grand Jubilé de l'An 2000 touche à sa fin. La devise, "Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et à jamais" a placé à nouveau la personne humaine sous la lumière qui fait briller dans toute sa splendeur sa valeur en tant que ressemblance et image du Christ.


2. Rappeler l'attention sur le message concernant la valeur inaliénable de chaque être humain est particulièrement urgent à la fin du XXème siècle, en particulier parce que les cent dernières années, baignées de larmes et de sang, entreront dans l'histoire également en raison de leurs guerres et de leurs conflits. Mais au cours des dernières semaines, vos compatriotes, les citoyens des Etats voisins amis et d'innombrables personnes en Europe et dans le monde ont également pu commémorer les heureux événements qui, il y a plus de 10 ans, ont inauguré de façon prudente et, en même temps, résolue, votre processus de réunification et qui ont finalement conduit à l'événement mémorable du 3 octobre 1990: l'Allemagne devenait un pays réunifié. Le Mur de Berlin était tombé. La Porte de Brandenbourg, fermée depuis des années et qui symbolisait la division, fut ouverte, et représenta une fois de plus ce qu'elle était auparavant: un signe d'unité. L'exigence de la Constitution, selon laquelle l'unité de l'Allemagne devait se réaliser dans la libre auto-détermination, était alors accomplie. Nous pouvons dire à juste titre: la Porte de Brandenbourg est devenue la porte de l'unité et de la liberté.

A travers une révolution pacifique, qui a ouvert la voie à la liberté sans effusion de sang, de grandes espérances sont apparues pendant plus de dix ans. L'image de paysages prospères, qui avait été considérée pendant longtemps comme utopique, s'est révélée réelle - bien que tardivement - dans de nombreuses parties des nouveaux Etats allemands. Mais le chômage et la nouvelle pauvreté sont l'autre face d'une médaille qui laisse apparaître l'essor économique, la prospérité et le bien-être extérieur, une riche offre de biens et le renforcement des infrastructures. Par-dessus tout, surmonter la perte d'orientation spirituelle et le vide intérieur provoqué par des décennies d'endoctrinement communiste est une tâche qui ne peut être accomplie rapidement et qui exige de nombreux efforts.

De nombreuses personnes qui ont courageusement accepté les défis des dix dernières années, ont contribué à ce que, ce qui est réuni de l'extérieur, grandisse également de l'intérieur. Elles considèrent cela comme une école de solidarité, dans laquelle on peut apprendre à soutenir, à travers les paroles et l'action, ceux qui veulent placer leur vie sur un terrain solide. J'exprime ma sincère appréciation pour les dirigeants de votre pays et pour tous ceux qui, à divers niveaux et dans les différents secteurs de la société, promeuvent l'unification intérieure des deux parties de l'Allemagne autrefois séparées de façon artificielle et le bien-être de ses citoyens. En unissant les forces, il a été possible de surmonter de façon pacifique une période difficile de l'histoire de l'Allemagne. Les barricades, les barbelés et les ordres de "tirer" ont laissé place aux ponts qui relient, aux rues libres et aux portes ouvertes.


3. Je suis ravi que le profond engagement pour l'unité de l'Allemagne n'ait pas gêné l'objectif de l'unification européenne. Au contraire, la réunification de votre pays est même devenue un encouragement pour les chefs d'Etat et la société en général, afin d'élargir leur vision au-delà de l'Allemagne vers l'Europe, à laquelle la chute du rideau de fer a conféré un horizon totalement nouveau. Avec un profond respect, je suis conscient que la République fédérale d'Allemagne est une autorité internationale respectée et un partenaire recherché. L'Allemagne a accepté une responsabilité croissante et joue un rôle crucial dans le processus d'unification européenne. Elle est en mesure d'accomplir sa tâche de façon efficace, car des décennies d'expérience montrent que les institutions démocratiques de l'Etat sont solides et que la grande majorité des citoyens les soutiennent. Je voudrais profiter de cette occasion pour vous exprimer à vous, l'Ambassadeur d'un pays qui est certainement l'un des "piliers" de la maison européenne, mon espérance qu'il réussira, dans le cadre des négociations sur l'extension des pays-membres, à rapprocher l'Est et l'Ouest du vieux continent, ces deux poumons sans lesquels l'Europe ne peut respirer.

A travers la sauvegarde et l'enrichissement mutuel, la variété des traditions orientales et occidentales contribuera à enrichir la culture européenne, et à fournir les bases pour un renouveau spirituel tant désiré. C'est pourquoi, nous devrions sans doute moins parler de l'"expansion orientale" que de l'"européisation" de tout le continent. Ce qui est devenu la devise de l'Allemagne après la chute du Mur peut également servir de règle pour l'unification européenne: ce qui va ensemble devrait croître ensemble.

Ces pensées ne sont pas le fruit de l'audace ou de la rêverie, mais d'une vision fondée sur un réalisme optimiste. Ce sont précisément mes trois visites pastorales en Allemagne, trésor de la civilisation européenne, qui m'ont conduit à réaliser quelque chose d'important: l'art, la culture, l'histoire et le présent de l'Europe ont été et sont encore tellement marqués par le christianisme qu'une Europe déchristianisée ou athée est véritablement inimaginable. Dans le même temps, je suis convaincu que l'Allemagne et l'Europe n'auront un avenir que si elles connaissent leurs origines.


4. Etant donné, en particulier, que votre estimé pays demeure conscient de son histoire, à travers une sorte d'examen de conscience collectif et permanent, et oeuvre avec soin à la "purification de sa mémoire", il est particulièrement sensible à l'injustice et au mépris des droits humains. En effet, on observe de plus en plus dans de nombreuses démocraties modernes qu'une propension naturelle à la violence, précisément parmi les jeunes, va de pair avec une idéologie politiquement voulue et organisée, qui pourrait peser de façon permanente sur la paix. Les appels et les exhortations générales à tirer des leçons de l'histoire ne suffisent pas à surmonter l'immense vide intellectuel et spirituel. Ce qui est nécessaire, au contraire, est une culture attentive et sensible aux valeurs spirituelles parmi les générations les plus jeunes, ainsi qu'un travail concret de réconciliation qui non seulement compense le passé, mais contribuera à l'avenir à effacer les préjudices mutuels et permettre ainsi à l'Allemagne d'être un solide pilier qui soutient la maison européenne commune.

Je suis conscient que ce programme impose des règles exigeantes. Car un îlot ouest-européen de richesse doit devenir de plus en plus un espace européen de liberté, de justice et de paix. Les sacrifices matériels seront inévitables pour les pays les plus riches, si l'on veut que les différences inhumaines de richesse au sein de l'Europe soient peu à peu aplanies. De plus, une aide spirituelle est nécessaire pour soutenir l'édification permanente des structures démocratiques et une culture politique en harmonie avec les conditions d'un Etat régi par le droit. Dans ces efforts, l'Eglise catholique offre son aide désintéressée à tous au sein de ses nombreuses institutions religieuses et sociales. Elle présente le Magistère de l'Eglise comme un guide pour ce développement, dans lequel l'accent est placé sur l'assistance et la responsabilité de l'homme: "Il ne s'agit pas de l'homme "abstrait", mais réel, de l'homme "concret", "historique" [...] que l'Eglise ne peut abandonner" (Lettre encyclique Centesimus annus CA 53).


5. A cet égard, je reviens sur un problème qui me tient beaucoup à coeur et qui me pousse à élever ma voix précisément en ce moment historique, qui est caractérisé par des progrès scientifiques rapides et profonds. Etant donné que l'homme est sur le point de déchiffrer le code complexe de la génétique humaine, ce qui est nécessaire à présent est d'orienter le cours de la science vers une culture de la vie et de l'amour. L'homme ne peut pas faire tout ce qu'il veut. Car "dans la situation sociale actuelle, marquée par un affrontement dramatique entre la "culture de la vie" et la "culture de la mort", il faut développer un sens critique aigu, permettant de discerner les vraies valeurs et les besoins authentiques [...] Nous devons construire tous ensemble une nouvelle culture de la vie: nouvelle parce qu'elle sera en mesure d'aborder et de résoudre les problèmes inédits posés aujourd'hui au sujet de la vie de l'homme; nouvelle, parce qu'elle sera adoptée avec une conviction forte et active par tous les chrétiens" (Lettre encyclique Evangelium vitae EV 95).


6. Il y a donc deux aspects que je voudrais approfondir. La nouveauté du problème réside avant tout dans le cadre de la liberté, au nom de laquelle de nombreuses personnes pensent qu'elles peuvent faire tout ce dont elles ont envie. Mais la liberté ne signifie pas faire tout ce dont on a envie. Quiconque transforme la liberté en permission lui assène un coup mortel. La liberté exige l'engagement. Quiconque est véritablement libre sait que sa conception des choses et son comportement sont liés à la vérité. La vérité première et fondamentale sur l'homme est qu'il ne s'est pas fait seul, mais qu'il a été créé par Dieu. De même que l'homme ne s'est pas donné la vie seul, personne ne peut revendiquer le droit - même pour des raisons présumées humanitaires - de disposer de sa propre vie ou de celle d'un autre.

Cette vérité fondamentale me conduit à rappeler inlassablement la valeur inviolable de chaque être humain, à partir de sa conception jusqu'à sa mort naturelle. Je suis heureux que la Constitution de la République fédérale d'Allemagne repose sur les mêmes bases. Celle-ci est inspirée par "la conscience de sa responsabilité devant Dieu et les hommes" (Préambule) et, avant tout autre déclaration, elle reconnaît: "La valeur de la personne humaine est inviolable. L'autorité de l'Etat a l'obligation de la respecter et de la protéger" (art. 1). C'est précisément lorsque la valeur de la personne humaine est en jeu que l'Eglise veut être aux côtés de l'Etat. Car les sociétés pluralistes ne veulent pas d'Etat sans valeurs.

C'est pourquoi l'Eglise offre à l'Etat ce qu'elle considère comme un service à l'homme: on devrait lui permettre de connaître et de vivre une véritable liberté digne des êtres humains. C'est également la raison pour laquelle l'Eglise est présente dans de si nombreuses institutions de l'Etat comme les écoles, les universités, les hôpitaux et les casernes. Je suis heureux d'apprendre que les Etats fédéraux acceptent également cette main tendue de l'Eglise, comme cela a été exprimé dans les Accords du Concordat que le Saint-Siège a conclus, au cours des années qui ont suivi les événements de 1989, avec les Etats fédéraux de Saxe, de Thuringe, de Mecklembourg-Poméranie-occidentale et de Saxe-Anhalt. Un cadre a donc été créé afin que l'Eglise puisse intensifier son oeuvre pastorale pour les êtres humains dans un domaine où la Parole de Dieu avait été réprimée pendant des années.


7. L'oecuménisme dont vous avez vous-même parlé, est un autre point-clé qui doit être mentionné en relation avec la nouveauté de notre époque. Tout comme l'Allemagne est le pays où la Réforme vit le jour, ainsi, il existe des signes d'espérance pour l'avenir. Je suis heureux de rappeler la signature solennelle de la Déclaration commune par les représentants de l'Eglise catholique et de la Fédération luthérienne mondiale, qui a eu lieu il y a presque un an à Augsburg. Je la considère comme une "pierre milliaire sur la route difficile de la recomposition de la pleine unité entre les chrétiens", et je répète que ce document représente une base sûre pour la poursuite de la recherche théologique oecuménique et pour affronter les difficultés qui l'accompagnent en nourrissant une espérance plus sûre de les résoudre à l'avenir (Angelus du 31 octobre 1999, cf. ORLF n. 44 du 02/11/99).

Tout en rendant inlassablement grâce au Seigneur de l'histoire d'avoir atteint cet objectif intermédiaire, je considère dans le même temps qu'il est utile de donner une orientation au chemin oecuménique vers la pleine unité, une orientation qui est plus que jamais opportune, en particulier en ce qui concerne la culture de la vie. Peut-être s'est-on parfois trop concentré sur l'oecuménisme dans la doctrine et le culte et les forces ont-elles manqué pour l'oecuménisme au sein des partis politiques et des parlements, dans le domaine social et culturel. Cela comporte un engagement commun au Royaume de Dieu qui va au-delà du domaine de la chaire et de l'autel et inclut tout - personnes, société, le monde entier - afin d'imprégner la politique, l'économie et la culture. C'est précisément la nouveauté des problèmes qui affectent l'homme dans sa dignité personnelle qui exige le témoignage commun de tous ceux qui revendiquent le nom de chrétiens.

Cet oecuménisme du témoignage au nom d'une authentique culture de la vie est un service que les chrétiens doivent à leurs contemporains. De plus, il existe d'autres questions comme la protection de la création, le respect du dimanche et le caractère sacré du mariage en tant qu'"institution, que la loi divine confirme, [...] au regard même de la société" (Constitution pastorale Gaudium et spes GS 48) et la protection de la famille en tant que fondement de la société (ibid., GS GS 52). Car aux yeux d'un monde dans lequel les hommes vivent toujours plus comme si Dieu n'existait pas, "la collaboration entre les chrétiens [doit devenir] le témoignage chrétien commun" (Lettre encyclique Ut unum sint UUS 40). Par-dessus tout, lorsqu'il s'agit de la vie et de la mort de l'homme, il ne peut y avoir de compromis pour les chrétiens, mais seule la référence de la vérité que Dieu lui-même a révélée sur l'homme.


8. Je ne peux conclure ma réflexion sans exprimer ma certitude que les relations amicales entre la République fédérale d'Allemagne et le Saint Siège, que vous avez à juste titre soulignées dans votre discours, portera de plus en plus de fruits. Les étroites relations réciproques entre l'Eglise et l'Etat, que les deux parties considèrent avec un sens de la responsabilité et une expérience confirmée et enrichissantes, en constituent une preuve. Monsieur l'Ambassadeur, tandis que je vous souhaite mes meilleurs voeux pour le début de votre nouvelle fonction à Rome, je vous donne cordialement la Bénédiction de Dieu tout-puissant, ainsi qu'au personnel de l'Ambassade et en particulier à votre famille.




  MESSAGE A L'ARCHEVÊQUE DE PRAGUE À L'OCCASION DE L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL DES CONFÉRENCES ÉPISCOPALES D'EUROPE




A Monsieur le Cardinal Miloslav VLK
Archevêque de Prague
Président du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe

L’assemblée plénière du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe, qui se tient à Bruxelles du 19 au 23 octobre 2000, revêt une importance particulière en cette année du grand Jubilé où l’Église tout entière fête le deux millième anniversaire de la naissance du Sauveur. Une telle rencontre est une manifestation renouvelée des liens de communion qui vous unissent au Successeur de Pierre et une expression particulièrement significative de la collégialité entre les évêques du continent, pour annoncer ensemble, avec audace et fidélité, le nom de Jésus Christ.

Tout au long de son histoire, l’Europe a reçu le trésor de la foi chrétienne, fondant sa vie sociale sur les principes tirés de l’Évangile. Le christianisme se découvre ainsi de manière permanente dans les arts, la littérature, la pensée et la culture des nations européennes. Cet héritage n’appartient pas seulement au passé, et il importe de le transmettre aux générations futures, car il est la matrice de la vie des personnes et des peuples qui ont forgé ensemble le continent européen.

Votre rencontre est l’occasion de développer l’échange des dons entre les Églises locales, de mettre en commun les expériences pastorales de l’Ouest et de l’Est de l’Europe, du Nord et du Sud, pour vous enrichir et vous éclairer mutuellement, et pour affermir les différentes communautés locales. Elle vous permet aussi de faire l’expérience de la communion ecclésiale, qui est toujours un don de Dieu mais aussi une tâche à réaliser. Pour que les Églises catholiques en Europe assument leur mission, qui est toujours la même et toujours nouvelle car "l’Église existe pour évangéliser" (Paul VI, Evangelii nuntiandi, EN 14), il importe que tous leurs membres soient disponibles aux appels de l’Esprit, pour oeuvrer intensément en faveur de la nouvelle évangélisation.

Dans cette perspective, je vous encourage à porter une attention toujours plus grande à l’éducation de la foi des jeunes et des adultes. L’expérience des catéchèses durant les deux derniers rassemblements des Journées mondiales de la Jeunesse, au cours desquelles les jeunes ont manifesté un profond désir de connaître le Christ et de vivre de sa parole, nous rappelle l’urgence de donner aux fidèles une solide formation chrétienne, morale, spirituelle et humaine. Comme le soulignait le Concile oecuménique Vatican II, c’est une des tâches primordiales de l’évêque, qui a la charge d’enseigner et de conduire le peuple chrétien à la perfection (cf. Christus Dominus CD 12 CD 15). Dans toutes vos Églises est ouvert le vaste chantier de la formation doctrinale, spirituelle, pastorale, pour aider les fidèles laïcs à exercer leur mission baptismale dans l’Église, en communion avec les pasteurs, et à annoncer sans confusion le salut apporté par le Christ. Dans un monde marqué par le développement de la science et des techniques, une véritable intelligence de la foi donnera aux chrétiens les moyens de "rendre compte de l’espérance qui est en eux" (cf.

De même, je tiens à souligner l’importance décisive de la formation des prêtres et des diacres, appelés à être ministres de Jésus Christ et vos collaborateurs. Ainsi, ils formeront une "précieuse couronne spirituelle" autour de vous (S. Ignace d'Antioche, Lettre aux Magnésiens, l, 13) et seront, par leurs paroles et par leurs actes, les témoins du Seigneur, Époux et Tête de l’Église, qui est son Corps. Comment pourraient-ils signifier ce don du Christ, qui s’est livré pour l’Église (cf. Ep 5,25), sans se donner tout entier à leur mission et marcher dans la voie de la sainteté ?

Dans l'ensemble du continent, on remarque des disparités en ce qui concerne les vocations sacerdotales. Alors que certains pays connaissent un manque inquiétant de séminaristes et de jeunes prêtres, d'autres, notamment à l'Est, voient de plus en plus de jeunes s'engager sur la voie du sacerdoce ou de la vie consacrée. Il nous faut sans cesse prier et "demander au Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson" (Mt 9,37). Il convient en même temps de développer dans chaque diocèse, et conjointement, une pastorale des vocations vigoureuse, qui propose aux jeunes un chemin de foi, une démarche spirituelle, une expérience ecclésiale, ainsi qu'un enseignement philosophique et théologique de qualité. Je sais que certains pays et certaines régions ont organisé un partage pour une meilleure répartition du clergé. Je vous invite volontiers à poursuivre la réflexion dans ce sens.

L'Europe est en train de se construire comme "union". L'Église a une contribution spécifique à y apporter; non seulement les chrétiens peuvent s’unir à tous les hommes de bonne volonté pour travailler à la construction de ce grand projet, mais plus encore ils sont invités à en être en quelque sorte l’âme, en montrant le véritable sens de l’organisation de la cité terrestre. On ne peut donc envisager l'Europe seulement comme un marché d’échanges économiques ou un espace de libre circulation d'idées, mais d’abord et avant tout comme une communauté véritable de nations qui veulent lier leurs destinées, pour vivre en frères, dans le respect des cultures et des démarches spirituelles, qui ne peuvent cependant se situer en dehors du projet commun ou en opposition avec lui. En même temps, le renforcement de l'union au sein du Continent rappelle aux Églises et Communautés ecclésiales qu'elles ont elles-mêmes à faire un pas supplémentaire sur la voie de l'unité.

Il appartient aux Autorités civiles de veiller à ce que les structures et les institutions européennes soient toujours au service de l'homme, qui ne peut jamais être considéré comme un objet qu’on peut acheter ou vendre, exploiter ou manipuler. Il est une personne, créée à l’image de Dieu, en qui se reflète l’amour bienveillant du Créateur et Père de tous. Tout homme, quel qu’il soit, quelles que soient ses origines ou ses conditions de vie, mérite un respect absolu. L’Église ne cesse de rappeler ces principes de base de la vie sociale. Aujourd’hui, face aux chantiers ouverts de la science, notamment de la génétique et de la biologie, face à l’évolution prodigieuse des moyens de communication et d’échanges à l’échelle de la planète, l’Europe peut et doit travailler à défendre partout la dignité de l’homme, dès sa conception, à améliorer encore davantage ses conditions d’existence en oeuvrant en faveur d’un juste partage des richesses, en donnant à tous les hommes une éducation, qui les aidera à devenir des acteurs de la vie sociale, et un travail, qui leur permettra de vivre et de subvenir aux besoins de leurs proches. À ce propos, il importe aussi de rappeler à temps et à contretemps la place et la valeur inestimable du lien conjugal et de la famille, qui ne peuvent être mis sur un pied d'égalité avec d'autres types de relation, sous peine de déstructurer fortement le tissu social et de rendre de plus en plus fragiles les enfants et les jeunes.

Sur ce chemin du service de l’homme, tous les Européens doivent s’engager inlassablement pour la cause de la paix. Si l’on considère le siècle qui s’achève, le vieux continent a conduit par deux fois le monde entier dans la tragédie et la désolation de la guerre. Il commence aujourd’hui à apprendre les exigences de la réconciliation et de l’entente entre les peuples. Les ponts nouveaux, jetés entre les nations européennes, sont encore instables et peu assurés. Le conflit des Balkans est venu rappeler à tous les pays d’Europe la fragilité de la paix et la nécessité de travailler à la consolider chaque jour. Il a révélé le danger des nationalismes exacerbés et la nécessité d’ouvrir de nouvelles perspectives d’accueil et d’échanges, mais aussi de réconciliation, entre les personnes, les peuples et les nations européennes.

L’histoire du continent européen se confond, depuis des siècles, avec l’histoire de l’évangélisation. L’Europe n’est pas vraiment un territoire clos ou isolé; elle s’est construite en allant, au-delà des mers, à la rencontre d’autres peuples, d'autres cultures, d’autres civilisations. Cette histoire indique une exigence: l’Europe ne saurait se replier sur elle-même. Elle ne peut ni ne doit se désintéresser du reste du monde, elle doit au contraire garder pleine conscience que d’autres pays, d’autres continents, attendent d’elle des initiatives audacieuses, pour offrir aux peuples les plus pauvres les moyens de leur développement et de leur organisation sociale, et pour édifier un monde plus juste et plus fraternel.

Au tout début de mon pontificat, j’écrivais que "l’homme est la route de l’Église, route de sa vie et de son expérience quotidiennes, de sa mission et de son labeur"(Redemptor hominis RH 14). Que vos réflexions et les travaux de votre assemblée contribuent à modeler l’homme européen ! En demandant à la Bienheureuse Vierge Marie de vous accompagner de sa maternelle protection, je vous accorde de grand coeur la Bénédiction apostolique, ainsi qu'à tous les membres du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe et à leurs collaborateurs.

Du Vatican, le 16 octobre 2000.







LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE DU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE CÔTE-D'IVOIRE PRÈS LE SAINT SIÈGE

Vendredi 20 octobre 2000



Monsieur l'Ambassadeur,

1. C'est avec plaisir que je souhaite la bienvenue à Votre Excellence à l'occasion de la présentation des Lettres qui L'accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Côte-d'Ivoire auprès du Saint-Siège.

J'ai été sensible aux paroles courtoises que vous m'avez adressées et je vous saurais gré de transmettre mes remerciements à son Excellence Monsieur Robert Gueï, Président de la République, pour les voeux qu'il m'a fait parvenir par votre intermédiaire. Je salue aussi très cordialement le peuple ivoirien tout entier. Je souhaite qu'en cette étape importante de son histoire, il trouve la force d'âme nécessaire afin de poursuivre, dans la paix et dans la solidarité entre toutes ses composantes, ses efforts courageux en vue de son développement humain et spirituel.

2. Dans votre allocution, vous avez fait mention des mutations importantes que connaît votre pays. Depuis son accession à l'indépendance, la Côte-d'Ivoire a montré combien elle est attachée à sa longue tradition de fraternité et d'hospitalité. Aujourd'hui, alors que des problèmes nouveaux se posent à la nation, il convient qu'elle préserve cet héritage et qu'elle consolide son unité.

L'utilisation de la violence pour régler les différends ne peut conduire qu'à renforcer les divisions et les tensions et à hypothéquer à long terme l'organisation sociale. La paix est un trésor inestimable qui, pour être conservé pleinement, exige que l'édification de la société se fonde sur les principes d'équité, de vérité, de justice et de solidarité. C'est alors que pourra aussi être garanti pour tous le respect des droits humains fondamentaux.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, "est voué à l'échec tout projet qui tend à séparer deux droits indivisibles et interdépendants: le droit à la paix et le droit à un développement intégral et solidaire" (Message pour la Journée mondiale de la Paix 2000, n. 13). Je souhaite que les efforts réalisés au cours des dernières années pour donner aux Ivoiriens des conditions de vie meilleures se poursuivent et permettent à tous de profiter des bienfaits du développement. Pour cela, il est nécessaire que se manifeste une ferme volonté de rechercher et de mettre en oeuvre des solutions adéquates afin de pourvoir aux besoins essentiels des personnes et des familles, et d'assurer un partage équitable des avantages et des charges, par une gestion saine du patrimoine commun.

3. L'engagement de l'Eglise catholique dans la vie des sociétés humaines s'inscrit dans la mission propre qu'elle a reçue du Christ. Elle souhaite contribuer pour sa part à l'édification d'une communauté nationale unie et fraternelle. Aussi entend-elle favoriser des relations de confiance et rechercher les voies d'une réconciliation authentique entre tous les habitants du pays. Pour cela, un climat de dialogue, respectueux des différences légitimes, est nécessaire, car la croissance de l'animosité ethnique ou religieuse est une menace sérieuse contre la paix et l'unité et va à l'encontre du dessein de Dieu sur l'humanité. Pour les catholiques, "le défi du dialogue est, au fond, le défi de la transformation des relations entre les hommes, les nations et les peuples, dans la vie religieuse, politique, économique, sociale et culturelle" (Ecclesia in Africa ).

Par ailleurs, pour affronter les problèmes complexes qui se posent sur les chemins du développement harmonieux des sociétés, l'Eglise engage les responsables de la vie publique à une prise de conscience toujours plus grande et plus authentique des valeurs morales. Il en va de la confiance du peuple à l'égard de ceux qui ont été appelés à le servir dans les affaires publiques.

Ces valeurs universelles, comme le respect de toute vie humaine et de sa dignité, la solidarité et le sens du bien commun, l'accueil fraternel de l'étranger, sont particulièrement chères aux peuples africains. Elles sont un patrimoine précieux qui, lorsqu'il est accepté et développé, doit devenir une source d'espérance en l'avenir et permettre d'établir la vie sociale sur des bases assurées.

4. Monsieur l'Ambassadeur, en cette circonstance solennelle, à travers votre personne, je voudrais saluer avec affection les membres de la communauté catholique de Côte-d'Ivoire. Je les invite à demeurer unis autour de leurs Evêques, afin d'être dans la société ivoirienne des ferments de fraternité et de réconciliation, par une collaboration généreuse et loyale avec leurs concitoyens.

Que l'année jubilaire soit un stimulant qui les aide à raffermir leur foi dans le Christ Sauveur et à prendre une conscience renouvelée de la vocation de témoins de l'Evangile à laquelle ils ont été appelés!

5. Au moment où vous commencez votre mission auprès du Saint-Siège, je vous offre mes voeux cordiaux pour la noble tâche qui vous attend. Je vous assure que vous trouverez toujours ici, auprès de mes collaborateurs, une aide attentionnée et cordiale.

Sur Votre Excellence et sur sa famille, sur le peuple ivoirien et sur ceux qui président à sa destinée, j'invoque de grand coeur l'abondance des Bénédictions divines.

   


Discours 2000 - MESSAGE DU SAINT PÈRE A L’ARCHEVÊQUE-ÉVÊQUE DE PADOUE À L'OCCASION DE LA FÊTE DE SAINT LUC