Discours 2000 - Samedi 4 novembre 2000


JUBILÉ DES GOUVERNANTS ET DES PARLEMENTAIRES

Dimanche 5 novembre 2000


  Mesdames et Messieurs!

1. Nous avons vécu ensemble une soirée artistique et musicale, qui a voulu compléter les célébrations du Jubilé des responsables de gouvernement, des parlementaires et des hommes politiques. Merci de tout coeur à tous ceux qui l'ont rendue possible et à ceux qui en ont assuré la réalisation concrète.

Le programme soumis a été riche et représentatif des cinq continents dans lesquels habite, vit et oeuvre la grande famille humaine. Nous avons vu ensemble que la paix, la solidarité et l'amour sont possibles grâce à la contribution de tous.

Ma pensée se tourne avec reconnaissance et satisfaction vers les artistes, les enfants, les musiciens, la présentatrice et les techniciens qui nous ont guidés et accompagnés dans ce voyage en esprit sur les sentiers de la paix et de l'amour.

2. J'adresse des remerciements respectueux aux hôtes illustres, ayant reçu le Prix Nobel. Ils nous ont offert un témoignage personnel de l'importance des valeurs éthiques et morales dans la vie et dans l'action de ceux qui sont investis de l'autorité publique. L'Eglise tient en profonde estime le devoir confié aux hommes politiques et aux responsables de gouvernement; c'est pourquoi elle ne se lasse pas de rappeler la dimension fondamentale du service, qui doit distinguer l'activité des représentants du peuple et de toute autorité publique.

En particulier, l'Eglise rappelle cette dimension aux croyants auxquels la foi présente l'activité politique comme une vocation. Toute personne animée de sentiments de rectitude trouve d'ailleurs dans les principes du droit naturel, faisant écho dans sa conscience, une orientation pour les choix auxquels l'engage la charge qui lui a été confiée.


3. En parlant de cela, notre esprit se tourne spontanément vers la figure lumineuse de saint Thomas More, exemple extraordinaire de liberté et d'adhésion à la loi de la conscience face à des exigences moralement insoutenables, même si provenant de sources autorisées. J'ai voulu le proclamer comme votre Patron, chers responsables de gouvernement, parlementaires et hommes politiques, afin que son témoignage représente pour vous une incitation et un encouragement.

Puisse votre travail se placer chaque jour au service de la justice, de la paix, de la liberté et du bien commun. Dieu ne manquera pas de soutenir vos efforts, en les enrichissant de fruits abondants pour une diffusion toujours plus vaste et étendue de la civilisation de l'amour.

Avec ces voeux, et pour les confirmer, j'invoque sur tous la Bénédiction du Tout-puissant. Merci!


À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE DE L'AMBASSADEUR DU VÉNÉZUELA

Lundi 6 novembre 2000



Monsieur l'Ambassadeur,

1. Je reçois avec joie les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur de la République bolivarienne du Venezuela près le Saint-Siège et je vous souhaite une cordiale bienvenue, vous exprimant dans le même temps mes meilleurs voeux pour la mission qui vous a été confiée. Je désire également manifester ma sincère reconnaissance pour le salut respectueux du Président de la République, dont Votre Excellence s'est fait le porte-parole, en vous priant dans le même temps de faire parvenir les sentiments de ma proximité particulière au peuple vénézuélien, auquel je souhaite, en cette période de sa vie politique et institutionnelle, un développement permanent de ses valeurs spirituelles et une vraie croissance de son bien-être social. Je profite de cette occasion pour répéter le message d'encouragement que j'ai désiré laisser au peuple vénézuélien au terme de ma deuxième visite dans ce pays, en l'invitant à faire "des valeurs chrétiennes morales, qui ont modelé votre nation, un facteur de cohésion sociale, de progrès et de paix" (Discours de départ, 11 février 1996, n. 2, ORLF n. 11 du 12 mars 1996).

Le Venezuela est un pays aux beautés naturelles splendides et riche de culture, que Christophe Colomb appela "terre de grâce", et qui a fait l'expérience, au cours du siècle qui se termine, d'une singulière croissance démographique et socio-économique. J'ai pu le constater en personne, au cours de mes deux visites pastorales, en ressentant la chaleur de l'accueil et les espérances qui vibrent dans le coeur de son peuple, ouvert et généreux. C'est pourquoi, je me réjouis de ses succès, je partage ses préoccupations et je m'unis à sa douleur dans les moments d'épreuve, comme celui au cours duquel, il y a presque un an, une catastrophe naturelle sema dans le pays la mort et la désolation, qui récemment encore ont fait sentir leur effet. En cette occasion, comme en d'autres, j'invoque l'aide du Seigneur sur les chers fils du Venezuela et j'exhorte la solidarité humaine, nationale et internationale à intervenir en faveur des victimes.


2. Dans l'exercice de la mission que votre gouvernement vous a confiée, vous aurez la responsabilité d'entretenir constamment et de poursuivre les relations diplomatiques de votre pays avec le Saint-Siège. Celui-ci, en vertu de la sollicitude du Pape pour toutes les Eglises, suit avec intérêt les événements en chaque lieu. C'est pourquoi, vous pouvez être sûr que vous trouverez ici l'appui et l'accueil nécessaire, confiant dans le fait que l'Eglise, et le Saint-Siège en particulier, n'ont d'autres intérêts au Venezuela que le bien-être des Vénézuéliens eux-mêmes, auxquels elle annonce l'Evangile en accomplissant la mission que le Christ lui a confiée.

En effet, l'action de l'Eglise et celle des pouvoirs publics ont pour objectif les mêmes destinataires, car les deux parties ont pour but le bien - matériel et spirituel - de la personne humaine à un moment déterminé de l'histoire. C'est pourquoi, dans un respect total des compétences respectives, les relations qui doivent exister entre eux sont surtout le dialogue et la collaboration. La compétence de l'Eglise réside dans les domaines concernant les valeurs qui, à leur tour, constituent l'âme d'une nation. De ce point de vue, elle signale le risque de deux menaces qui pèsent sur la communauté humaine: celle qui prétend "qu'elle peut réaliser dans l'histoire le bien absolu" (Centesimus annus CA 45), et celle qui instaure une action politique qui ne suit pas l'orientation donnée par la vérité; en effet "une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l'histoire" (Ibid., CA CA 46).

Certes, l'Eglise n'a pas le devoir ni la prétention d'entrer en compétition avec les projets politiques pour résoudre les problèmes de la société dans une perspective technique et administrative, propre à l'autorité civile. A ce propos, comme le disait déjà saint Augustin, l'Eglise se sent en pèlerinage et "guidée par la foi, et non par la vision" (De civ. Dei., 19, 14). Celle-ci peut sans aucun doute, en raison de sa vision de la personne, de son intérêt pour la solidarité et de son attention à l'égard des plus faibles, contribuer à l'instauration d'une vie sociale meilleure. De plus, les citoyens, en constatant de façon concrète que leurs raisons de vivre et leurs convictions spirituelles sont appréciées et respectées par les pouvoirs publics, seront davantage disposés à participer avec confiance et sérénité au projet d'une société commune, ce qui aura sans aucun doute des conséquences bénéfiques pour tous.


3. Comme par le passé, dans les circonstances actuelles également, un élément bénéfique pour le peuple vénézuélien sera constitué par le ferme engagement de l'Eglise et de ses pasteurs en faveur des droits fondamentaux de la personne, d'une véritable défense en faveur de la vie, de sa conception jusqu'à son terme naturel, de son intense et constante activité éducative, de la promotion de la famille comme institution naturelle et cellule de base de la société, et de ses efforts pour libérer de nombreux citoyens des chaînes de la misère, de la faim, de la corruption des moeurs et de tant d'autres formes de marginalisation sociale. Elle le fait en s'inspirant de l'Evangile qui illumine les réalités temporelles à la lumière de l'éminente vocation à laquelle l'homme a été appelé par Dieu, et fermement convaincue qu'il s'agit de la meilleure manière de servir les hommes et les peuples.

En vertu de la mission qui lui est propre, l'Eglise réclame la place nécessaire pour ses activités, en collaborant concrètement avec les autorités civiles, pour disposer de façon stable de l'espace social et des moyens nécessaires qui lui permettront de les mener à bien. Les personnes qu'elle sert, en tentant de faire de celles-ci de bons chrétiens et des citoyens honnêtes, engagés dans la bonne marche du pays, sont celles à qui l'on doit confier, dans les domaines de leur compétence, les pouvoirs publics.

Il ne faut pas qu'il existe de réticences, et encore moins de rivalités, en ce qui concerne les questions relatives au bien commun, à l'avenir digne d'un peuple, comme le sont la défense sans compromis de la dignité humaine dans son intégrité, une éducation ouverte à la dimension transcendante de la personne, qui ne peut pas ignorer l'aspect religieux, ou les droits fondamentaux, civils ou sociaux, de tout être humain. Les graves défis qui apparaissent en ce troisième millénaire demandent d'unir les efforts, dans la conviction unanime que "la défense de l'universalité et de l'indivisibilité des droits humains est essentielle pour la construction d'une société pacifique et pour le développement intégral d'individus, de peuples et de nations" (Message pour la Journée mondiale de la Paix, 1er janvier 1999, n. 3; cf. ORLF n. 50 du 15 décembre 1998).


4. Au cours de mes deux visites au Venezuela, j'ai eu la chance de rencontrer un peuple qui désire construire son avenir sur la base de son identité traditionnelle, des profondes racines chrétiennes qui ont donné lieu à de nombreuses manifestations de piété populaire et de dévotion envers la Vierge Marie. C'est précisément au cours de ma première visite que j'ai couronné l'image de Notre-Dame de Coromoto et, au cours de la seconde, que j'ai inauguré le Sanctuaire qui lui est consacré. Aujourd'hui, je l'invoque à nouveau pour qu'elle protège les chers Vénézuéliens et qu'elle les guide avec sa tendresse de Mère vers son divin Fils, l'unique sauveur du genre humain. En cette année de grâce, au cours de laquelle nous commémorons le 2000ème anniversaire de sa venue avec la célébration du grand Jubilé, je prie le Seigneur de combler de ses bénédictions tout le peuple vénézuélien afin qu'il entame le nouveau millénaire avec une espérance renouvelée et le désir de construire un monde meilleur.

Monsieur l'Ambassadeur, je souhaite que la mission que vous commencez à présent soit couronnée de succès et que votre séjour à Rome, en compagnie de votre famille, se déroule heureusement.




AUX PARTICIPANTS AU PÈLERINAGE JUBILAIRE DES PAYS BAS

Mardi 7 novembre 2000



Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat,
très chers pèlerins des Pays-Bas!

1. L'intense programme que vivent vos communautés au cours de cette Année Sainte a prévu une étape également à Rome, pour traverser ensemble le seuil de la Porte du Jubilé. Je vous dis avec affection: soyez les bienvenus! Je salue le Cardinal Adriano Simonis, Président de la Conférence épiscopale hollandaise, et je le remercie pour les aimables paroles qu'il m'a adressées, au nom de tous. Je salue également Monsieur le Cardinal Johannes Willebrands, les Prélats, les prêtres et les responsables qui ont accompagné ce pèlerinage national.

En m'adressant à eux et à chacune des personnes présentes, je voudrais transmettre une pensée cordiale à vos compatriotes, à ceux qui sont unis à nous à travers la radio et la télévision, à ceux qui n'ont pas pu prendre part à la rencontre d'aujourd'hui, à ceux qui souffrent dans leur corps et leur esprit, aux jeunes et aux familles, berceau et sanctuaire de la vie.
Le temps jubilaire est particulièrement riche d'encouragements pour revoir son chemin de foi dans un esprit de pénitence, pour redécouvrir la grande miséricorde du Père céleste et pour reprendre avec un élan renouvelé l'engagement apostolique et missionnaire. "La foi continue!", telle est la devise qui guide le grand Jubilé sur votre terre, en rappelant chacun à son engagement de témoignage.


2. Témoigner du Christ est un devoir qui concerne l'Eglise et les fidèles à tous les niveaux. Tout au long de sa glorieuse histoire, l'Eglise qui est en Hollande a su faire naître en son sein une foule de missionnaires et d'apôtres qui, en chaque lieu de la terre, ont annoncé l'Evangile et servi l'humanité. Comment ne pas rappeler, parmi tant d'autres, la splendide figure de soeur Maria Adolfina Dierckx et de ses consoeurs martyrisées en Chine, que j'ai eu la joie de canoniser le 1 octobre dernier?

Aujourd'hui encore, nombreux sont vos compatriotes qui oeuvrent dans le vaste domaine de la mission et de la promotion humaine. Ils représentent pour vous un signe de bénédiction, car ils manifestent la vitalité et la générosité de votre chemin de foi. Mais ils représentent également un avertissement et un encouragement afin que la ferveur missionnaire de vos communautés ne faiblisse pas. Il ne faut pas se décourager dans la tâche de témoigner du Christ et d'annoncer sa parole de salut, ayant la certitude qu'il est avec son Eglise, pour toujours jusqu'à la fin du monde (cf. Mt 28,20). Même lorsque pourrait s'insinuer en vous un sentiment d'incapacité face à l'ampleur de l'engagement apostolique, sachez vous rappeler des paroles de l'Apôtre: "Je puis tout en Celui qui me rend fort" (Ph 4,13).

Dieu ne cesse d'appeler des âmes généreuses et fortes, pour les envoyer travailler à la grande moisson de son Royaume. A cet effet, au cours de la récente Journée mondiale de la Jeunesse, je disais aux innombrables jeunes garçons et filles présents: "Si l'un ou l'une de vous, chers garçons et filles, entend l'appel du Seigneur à se donner totalement à lui pour l'aimer "d'un coeur sans partage" (1Co 7,34), qu'il ne se laisse pas arrêter par le doute ou par la peur! Qu'il dise avec courage son "oui" sans réserve, en se confiant à Celui qui est fidèle en toutes ses promesses!" (Célébration eucharistique pour la XVème Journée mondiale de la Jeunesse, 20 août 2000, cf. ORLF n. 34 du 22.08.2000).


3. A cet événement inoubliable étaient également présents de nombreux jeunes hollandais qui, répondant à l'invitation de leurs pasteurs, ont voulu faire l'expérience de l'universalité de l'Eglise. A eux, "veilleurs du matin à l'aube du troisième millénaire", je désire répéter: "Si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde entier!" (Ibid.).

Je suis reconnaissant aux organisations catholiques hollandaises qui, en cette circonstance, ont facilité la présence de jeunes garçons et filles des Pays-Bas à Rome. Ils ont fait de même à l'occasion du jubilé des Professeurs d'Université, qui m'ont remis à cette occasion le volume, fruit de leur réflexion, "In quest of humanity in a globalising world". Je leur en suis profondément reconnaissant.

Il est important d'approfondir la communion entre l'Eglise qui est en Hollande et le Successeur de Pierre, et, à travers lui, avec l'Eglise universelle. C'est en effet, sur le fondement de l'unité, que les diversités contribuent à raviver et à enrichir le corps tout entier du Christ. Le dialogue dans la charité et dans la vérité doit toujours caractériser l'attitude qui régit les rapports entre les personnes et les communautés et avec l'Eglise.


4. Très chers amis, vous franchissez aujourd'hui le seuil de la Porte Sainte pour vous confirmer dans la foi au Christ et vous confier à la force vivifiante de son amour. Il s'agit d'un geste que, depuis saint Willibrord, un grand nombre de vos concitoyens au cours des siècles ont accompli avec joie et dévotion. C'est ce dont témoigne, entre autres, l'église voisine des saints Michel et Magnus, communément connue comme l'église des Frisons. Soyez orgueilleux et dignes de la sainteté que Dieu a déversée en abondance sur vos communautés!

L'Eglise qui conserve les tombeaux des saints Pierre et Paul et d'innombrables témoins de l'Agneau vous embrasse aujourd'hui avec une grande joie et vous indique le Christ, Porte Sainte à franchir avec confiance. Il vous indique Marie, "Stella maris" et "Douce Mère" de votre noble peuple. Que Dieu, à travers son intercession, porte à terme l'oeuvre que, ces jours-ci, il réalise en vous!
Avec ces sentiments, je vous bénis tous de tout coeur.

Au terme de l'audience, le Saint-Père a ajouté les paroles suivantes:

Je sais que maintenant, vous vous rendrez en pèlerinage vers Saint-Jean-de-Latran en vous arrêtant dans les lieux saints de la Ville pour méditer, sous la direction de vos Evêques, sur certains aspects fondamentaux de la vie chrétienne. Je vous accompagne de ma prière et je vous bénis.




  MESSAGE À SA BÉATITUDE MICHEL SABBAH PATRIARCHE LATIN DE JÉRUSALEM PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE DES ORDINAIRES CATHOLIQUES DE TERRE SAINTE





A Sa Béatitude Michel SABBAH
Patriarche latin de Jérusalem
Président de l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte

Les épreuves que connaissent en ces jours les populations de la Terre Sainte sont pour moi une occasion de grande souffrance et je voudrais exprimer à chacun, sans aucune exception, toute ma vive solidarité.

Le passage brutal de la négociation à la confrontation représente sans aucun doute un échec pour la paix, mais personne ne doit se résoudre au fatalisme: les peuples israélien et palestinien sont appelés par la géographie et par l’histoire à vivre ensemble.

Ils ne pourront le faire de manière pacifique et durable que si les droits fondamentaux sont assurés à chacun: le peuple israélien aussi bien que le peuple palestinien ont le droit de vivre chez eux, dans la dignité et la sécurité.

Seul le retour à la table des négociations sur un même pied d’égalité, dans le respect du droit international, est en mesure d’ouvrir un avenir de fraternité et de paix à qui vit sur cette terre bénie.

Me souvenant de mon pèlerinage chez vous, il y a quelques mois, je pense avec émotion à tous ces lieux qui parlent de l’histoire de Dieu avec l’homme et qui sont un appel à collaborer afin que plus jamais la violence, la haine ou la suspicion ne défigurent cette partie du monde.

Je vous encourage, vous les Évêques catholiques de Terre Sainte, ainsi que tous les responsables des communautés chrétiennes, à renouveler vos efforts pour que le respect mutuel, dans l’humilité et la confiance, inspire les rapports entre tous.

J’en appelle aussi à ceux qui ont la tâche de guider les fidèles du Judaïsme et de l’Islam, afin qu’ils puisent dans leur foi toutes les énergies nécessaires pour que la paix intérieure et extérieure à laquelle aspirent les peuples devienne réalité.

J’invite la communauté internationale à poursuivre ses efforts, afin d’aider les uns et les autres à bâtir des solutions qui leur assurent la sécurité désirée et la juste tranquillité, prérogatives de toute nation et conditions de vie et de progrès pour toute société.

Tandis que j’invoque sur tous les hommes de bonne volonté la Bénédiction de Dieu tout-puissant, qui annonce la paix pour son peuple et pour ses fidèles, pour ceux qui mettent en lui leur espérance (cf. Ps 85,9), j’adresse également à Votre Béatitude et à ses Confrères dans l’épiscopat, ainsi qu’à tous les fidèles confiés à leurs soins, une affectueuse Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 6 novembre 2000

IOANNES PAULUS II


    


À L’UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DU SACRÉ COEUR DE ROME À L'OCCASION DE L’INAUGURATION DE L’ANNÉE ACADÉMIQUE

Jeudi 9 novembre 2000



Monsieur le Recteur magnifique,
Messieurs les proviseurs,
Messieurs les professeurs,
Messieurs les médecins et auxiliaires,
Très chers étudiants!

1. C'est pour moi une grande joie de pouvoir vous rencontrer à nouveau, vous rendant en quelque sorte la visite que vous m'avez rendue le 13 avril dernier, dans la basilique Saint Pierre, lorsque l'Université catholique a voulu célébrer son Jubilé de façon solennelle.

Je rencontre, en cette occasion solennelle, toute la réalité de l'Université catholique. Je salue donc de tout coeur non seulement vous tous ici présents, mais également ceux qui sont reliés à nous des autres sièges de l'Université à Milan, Brescia, Piacenza. J'adresse une salutation particulière au Cardinal Camillo Ruini, Vicaire général pour le diocèse de Rome et Président de la Conférence épiscopale italienne, ainsi que les illustres personnalités et représentants des autorités civiles et religieuses qui nous honorent de leur présence. Je remercie de tout coeur M. Emilio Colombo, Président de l'Institut Toniolo, et Monsieur le Professeur Sergio Zaninelli, Recteur magnifique de l'Université, pour les nobles paroles qu'il m'a adressées.


2. Je viens me réjouir avec vous en fêtant le quatre-vingtième anniversaire de deux fondations importantes: celle de l'Université catholique et celle de l'Institut "Giuseppe Toniolo" d'études supérieures, auquel le Père Gemelli, l'ardent franciscain qui est à l'origine de votre Université, confia la fondation de l'Université catholique et la tâche d'en devenir le promoteur et le garant dans le temps. A en juger par la vitalité que l'Université a démontrée au cours de ces quatre-vingt ans, ce devoir a été accompli de façon efficace. Le fait même que l'Institut ait pris le nom du vénérable Toniolo, qui prépara les temps et le terrain de l'Université à travers une vie entièrement consacrée à la cause de la "culture chrétienne", a été une sorte d'indication du programme inscrit dans le code génétique de cette Université. Consacrée avec une saine audace au Sacré Coeur, celle-ci vit depuis lors pour manifester l'harmonie intime qui existe entre foi et raison et former dans le même temps des professionnels et des scientifiques qui sachent réaliser une synthèse entre Evangile et culture, en s'efforçant de faire de l'engagement culturel une voie de sainteté.


3. Culture et sainteté! Nous ne devons pas craindre, en prononçant ce binôme, de faire un rapprochement inapproprié. Au contraire, ces deux dimensions, si elles sont bien comprises, se rencontrent dans leurs racines, s'allient naturellement sur le chemin, se retrouvent réunies dans l'objectif final.

Elles se rencontrent dans leur racine! Dieu, trois fois saint (cf. Is 6,3), n'est-il pas la source de toute lumière pour notre intelligence? Derrière chacune de nos conquêtes culturelles, si nous allons au fond des choses, se trouve en dernière analyse le mystère. Toute réalité créée, en effet, renvoie au-delà d'elle-même à Celui qui en est la source ultime et le fondement. Et l'homme, précisément en enquêtant et en apprenant, reconnaît son statut de créature, ressent un émerveillement toujours nouveau face aux dons inépuisables du Créateur, se projette avec intelligence et volonté vers l'infini et l'absolu. Une culture authentique ne peut manquer de porter le signe de l'inquiétude salutaire magnifiquement présentée par saint Augustin au début des confessions: "Tu nous as fait pour Toi, notre coeur n'aura de paix que lorsqu'il reposera en Toi" (Conf. I, 1).


4. C'est pourquoi l'engagement culturel et l'engagement spirituel, loin de s'exclure ou d'être en tension entre eux, se soutiennent réciproquement. L'intelligence possède certainement ses lois et ses itinéraires, mais a tout à gagner de la sainteté de la personne engagée dans la recherche. En effet, la sainteté place le chercheur dans une condition de plus grande liberté intérieure, il enrichit de sens son effort, soutient ses difficultés à travers la contribution des vertus morales qui forment les hommes véritables et mûrs.

L'homme ne peut se diviser! Si l'antique proverbe "mens sana in corpore sano" a une valeur, on peut dire à plus forte raison: "mens sana in vita sana". L'amour de Dieu, avec l'obéissance cohérente à ses commandements, n'affaiblit pas, mais exalte la vigueur de l'intelligence, en favorisant le chemin vers la vérité. Culture et sainteté représentent donc le binôme "vainqueur" pour l'édification de l'humanisme plénier dont le Christ, révélateur de Dieu et révélateur de l'homme à l'homme (Gaudium et spes GS 22), est le modèle suprême. Les amphithéâtres d'une Université catholique doivent être comme des laboratoires qualifiés de cet humanisme.


5. A cet égard, il est providentiel que ma rencontre avec vous coïncide avec le dixième anniversaire de la Constitution apostolique Ex corde Ecclesiae, que j'ai signée le 15 août 1990. Dans celle-ci, comme vous le savez bien, j'ai énoncé les caractéristiques incontournables d'une Université catholique, en la définissant comme "lieu premier et privilégié d'un fructueux dialogue entre Evangile et culture" (ibid., n. 43). Permettez-moi de vous remettre ce document, en vous le confiant en vue d'une lecture attentive et active, afin que votre Université, en honorant pleinement l'intuition de son Fondateur, incarne toujours mieux cet idéal. Celui-ci ne vous sépare pas du tissu des autres Universités, et encore moins du dialogue constructif avec la société civile, mais vous demande d'être présents à travers une contribution spécifique, en demeurant enracinés aux exigences chrétiennes et ecclésiales inscrites dans votre identité. Soyez des disciples de la vérité jusqu'au bout, même si cela devait vous valoir des incompréhensions et la solitude. La parole de Jésus est absolue: "La vérité vous libérera" (Jn 8,32).


6. Précisément dans cette optique, je considère comme profondément significatif ce que vous avez voulu mettre en acte à travers deux initiatives qui suscitent en moi une profonde satisfaction. Je pense avant tout au nouvel "Institut scientifique international "Paul VI" de recherche sur la fertilité et la stérilité humaine", que votre Université a décidé de construire précisément dans cette polyclinique, comme le Recteur vient de l'annoncer. L'institut entend rassembler des chercheurs qualifiés oeuvrant dans le secteur de cette problématique délicate, afin que celle-ci puisse trouver des solutions toujours plus efficaces, dans la ligne de l'éthique en matière de sexualité et de procréation, constamment répétée par le Magistère.

Dans ce même esprit, j'apprécie vivement le témoignage que l'Université catholique a voulu apporter aujourd'hui à travers le document signé par certains de vos éminents professeurs sur le thème: "Développement scientifique et respect de l'homme", avec une référence spécifique au problème de l'utilisation des embryons humains dans la recherche sur les cellules souches. Ce qui est en jeu dans des thèmes comme celui-ci, ce sont non seulement des aspects passagers de la culture, mais un ensemble de valeurs, de recherches et de comportements dont dépend beaucoup l'avenir de l'humanité et de la civilisation.


7. Très chers professeurs et élèves, continuez ce chemin passionnant de recherche toujours rigoureuse sous le profil scientifique, mais en même temps attentif aux dimensions de l'éthique, aux exigences de la foi, à la promotion de l'homme.

Je désire en particulier que cet engagement se traduise également dans un climat de vie académique qui sache toujours conjuguer l'engagement de l'intelligence avec celui d'une authentique expérience chrétienne. L'Université est destinée non seulement à faire croître la connaissance, mais également à former les personnes. Cette tâche éducative ne peut jamais être sous-estimée. Du reste, la transmission même de la vérité a tout à gagner d'un climat de rapports humains marqué par des valeurs de sincérité, d'amitié, de gratuité, de respect réciproque. Je suis convaincu que si les professeurs veulent être de véritables "formateurs", ils doivent l'être non seulement en tant que maîtres de doctrine, mais également comme "maîtres de vie". Dans cette perspective, vous avez derrière vous une tradition très riche de témoins à imiter. J'ai été frappé dans ce sens par une intention du vénéré Toniolo, confiée à son Journal spirituel: "Avoir la plus grande sollicitude pour mes disciples, les considérant comme un dépôt sacré, comme des amis de mon coeur, qu'il faut diriger sur les voies du Seigneur" (G. Toniolo, Je veux devenir saint, Rome, 1995, p. 60). C'est de tels témoins que vous devez vous inspirer. Je me réjouis donc à l'idée que, dans quelques jours, dans cette polyclinique, qui m'est particulièrement chère, également en raison de ce qu'elle a représenté dans les moments difficiles de ma vie, la nouvelle chapelle sera consacrée au saint médecin Giuseppe Moscati. Que sa figure soit pour vous un avertissement permanent, un idéal concret de vie. L'Université catholique devrait former de nombreux médecins comme lui!


8. Très chers étudiants, je m'adresse à présent à vous avec une affection particulière. Le début de l'année académique vous offre l'occasion de réfléchir sur le sens de vos études, afin d'en consolider la perspective chrétienne au bénéfice de votre futur service à la société. Vous serez les dirigeants de demain, les agents de la culture, de la société et de la santé des prochaines décennies. Appliquez-vous avec amour dans les difficultés de l'étude et de la recherche, en ne vous limitant pas à rêver d'un succès professionnel, bien que légitime, mais en regardant la beauté du service que vous pourrez rendre à l'édification d'une société plus juste et solidaire. En particulier vous, futurs médecins, dotez-vous non seulement de la compétence scientifique la plus rigoureuse, mais également d'un style humain qui sache répondre aux attentes profondes du malade et de sa famille; un style qui fasse percevoir à la personne qui souffre la dimension mystérieuse et rédemptrice de la douleur. Apprenez dès à présent à traiter les malades comme le Christ lui-même!
Moi aussi, j'ai fait l'expérience d'un tel traitement ici, à l'hôpital "Gemelli". Et je ne peux manquer de rappeler le défunt Professeur Crucitti et tant d'autres professeurs, comme également la défunte soeur Ausilia. "Requiescant in pace".


9. Très chère famille de l'Université catholique du Sacré-Coeur! Quatre-vingt ans se sont écoulés depuis que le rêve du Père Gemelli a commencé à devenir réalité. Cette réalité s'est peu à peu consolidée, de telle sorte qu'elle se présente aujourd'hui comme imposante, non seulement en raison de ses dimensions, mais également de la variété et de la qualité de ses services. L'Italie catholique peut être fière de vous. Mais je sais que tout le pays vous regarde avec respect et appréciation. Votre tradition est grande, tout comme le devoir qui vous attend! Aujourd'hui, vous affrontez les défis d'une période historique de changements, dans laquelle s'imposent des adaptations et des innovations également des structures universitaires. Sachez les réaliser avec courage et intelligence, sans jamais trahir l'esprit qui vous anime depuis toujours.

Une fois de plus, je vous confie sur ce chemin à la Très Sainte Vierge, Sedes Sapientiae, en implorant sa protection maternelle sur vous, sur les personnes qui vous sont chères et sur votre travail. Avec ces sentiments, je donne à tous de tout coeur la Bénédiction apostolique.



VISITE OFFICIELLE DU PATRIARCHE SUPRÊME ET CATHOLICOS DE TOUS LES ARMÉNIENS, KARÉKIN II

Jeudi 9 novembre 2000


Votre Sainteté,

Cher et vénérable Frère,

"Celui qui aime son frère demeure dans la lumière et il n'y a en lui aucune occasion de chute" (1Jn 2,10).

Cette salutation fraternelle nous rassemble dans la lumière qui est le Christ. Que l'amour de Dieu révélé dans Jésus-Christ brille sur nous et que le Seigneur nous sauve de la chute tandis que nous avançons sur le chemin de l'amitié.

C'est pour moi une profonde source de joie et de réconfort d'accueillir aujourd'hui Votre Sainteté, ainsi que les membres éminents de votre suite qui vous accompagnent. Je salue les prélats, les prêtres et les laïcs, qui représentent toute l'Eglise apostolique arménienne. Je salue S.E. M. le Ministre des Affaires religieuses de la République d'Arménie. Soyez tous les bienvenus ici et j'espère que vous vous sentirez ici chez vous.

Votre Sainteté, c'est avec de profonds sentiments d'émotion que je me rappelle de la visite au Vatican de votre prédécesseur, le regretté Karékine I, qui a été mon hôte ici du 23 au 26 mars 1999. Bien que déjà gravement malade, il a voulu participer à l'inauguration de l'exposition Rome-Arménie, et me rendre une visite personnelle. Des liens profonds me liaient à lui, et j'ai ardemment désiré lui rendre visite en Arménie, en signe de notre amitié. Mais les circonstances ne me l'ont pas permis. Je demande au Seigneur d'emplir son fidèle serviteur de sa lumière et de sa joie dans la communion des saints au ciel.

La visite de Votre Sainteté à l'Eglise de Rome et à son Evêque coïncide avec le Jubilé de l'An 2000. Le 18 janvier de cette année, à l'occasion de l'inauguration de la Semaine de prière pour l'Unité des Chrétiens, j'ai eu la joie de franchir le seuil de la Porte Sainte de la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs aux côtés de représentants de nombreuses autres Eglises et communautés ecclésiales. Je remercie Votre Sainteté de s'être unie à cet événement en envoyant un représentant du Saint-Siège d'Etchmiadzine. A cette occasion solennelle, j'ai exprimé l'espoir, que je renouvelle aujourd'hui, "que l'année de grâce 2000 constitue pour tous les disciples du Christ l'occasion de donner une nouvelle impulsion à l'engagement oecuménique, le considérant comme un impératif de la conscience chrétienne. C'est de lui que dépend en grande partie l'avenir de l'évangélisation, la proclamation de l'Evangile aux hommes et aux femmes de notre temps" (Homélie, 18 janvier 2000, cf. ORLF n. 4 du 25.01.2000).

Bientôt, il y aura un autre Jubilé: la célébration du 1700ème anniversaire du baptême de l'Arménie. Votre présence ici aujourd'hui, cher Frère, m'offre l'occasion de souhaiter à l'Eglise arménienne une année de Jubilé riche de bénédictions spirituelles et de bénéfices pastoraux. Nous nous unirons à vous tandis que, tout au long du Jubilé, vous élèverez votre prière d'intercession et d'action de grâce au Seigneur. L'anniversaire du baptême de l'Arménie suscitera certainement des célébrations et des manifestations évoquant l'histoire du peuple arménien et de l'Eglise arménienne. Il s'agit d'une histoire dans laquelle sont mêlées la grandeur et la persécution, la joie et la douleur. Combien de fois les fils et les filles d'Arménie se sont-ils écriés au Seigneur à travers les paroles déchirantes de saint Grégoire de Narek: "Je t'implore à présent, ô Seigneur, toi qui prends soin des âmes abattues par le chagrin à cause de la maladie grave et angoissante. N'ajoute pas la douleur à mes gémissements; je suis blessé, ne me transperce pas; je suis puni, ne me condamne pas; je suis maltraité, ne me tourmente pas! Ne m'envoies pas en exil, car je souffre déjà la persécution" (Le Livre des Prières, XVII). L'Eglise arménienne a payé chèrement sa fidélité à l'Evangile de Jésus-Christ! Lors de la commémoration oecuménique des Témoins de la Foi du XXème siècle, le 7 mai de cette année, nous avons rappelé de façon particulière les immenses souffrances du peuple arménien. Votre Sainteté, je vous remercie une fois de plus d'avoir voulu participer, à travers votre représentant, à cette liturgie. En effet, "l'oecuménisme des saints, des martyrs, est peut-être celui qui convainc le plus. La voix de la communio sanctorum est plus forte que celle des fauteurs de division" (Lettre apostolique Tertio millennio adveniente TMA 37).

Par la grâce de Dieu, l'Arménie a trouvé une nouvelle liberté et une nouvelle indépendance. Pourtant, l'Arménie doit faire face à d'immenses défis. Au niveau économique et social, les secteurs profondément touchés par le tremblement de terre de 1988 doivent être reconstruits et l'industrie et le commerce du pays doivent être revitalisés. Au niveau culturel et religieux, il reste encore beaucoup à faire pour remplir le vide spirituel laissé par une idéologie collectiviste et athée. Les attentes sont grandes, mais les difficultés le sont également. Je souhaite que le peuple arménien, avec sa riche diversité, trouve les moyens de répondre à ces défis à travers un engagement partagé par tous. L'heure de la liberté a sonné, et le temps de la solidarité est venu. L'Eglise catholique veut être aux côtés de l'Eglise apostolique arménienne, pour soutenir son ministère pastoral et spirituel à l'égard du peuple arménien, dans le respect total de sa façon de vivre et de son identité propre. Le Seigneur nous appelle à cela, et nous ne pouvons négliger les occasions que l'Esprit nous offre d'oeuvrer ensemble et d'apporter un témoignage commun.

Cher et vénérable Frère dans le Christ, prions le Seigneur pour que votre pèlerinage aux Tombeaux des Apôtres Pierre et Paul, et votre première visite au Siège du Successeur de Pierre, renforce les liens entre l'Eglise catholique et l'Eglise arménienne apostolique. Que notre prière commune fasse que la communion que nous vivons aujourd'hui ouvre de nouvelles voies à la paix et à la réconciliation entre nous.

Que la Très Sainte Mère de Dieu protège l'Eglise arménienne partout où les chrétiens arméniens apportent le témoignage de la vérité selon laquelle Jésus-Christ est le Seigneur hier, aujourd'hui et à jamais.




Discours 2000 - Samedi 4 novembre 2000