Discours 2000 - MESSAGE DU SAINT PÈRE AU RECTEUR MAJEUR DE LA SOCIÉTÉ SALÉSIENNE DE SAINT JEAN BOSCO


AUX PARTICIPANTS AU COLLOQUE INTERNATIONAL "BLONDEL ENTRE ‘L’ACTION’ ET LA TRILOGIE"

Samedi, 18 novembre 2000


Je suis heureux de saluer les participants au Colloque international organisé à l’Université Grégorienne, sous la Présidence de Monsieur le Cardinal Paul Poupard, sur "Blondel entre L’Action et la Trilogie".

Votre colloque s'avère particulièrement important si on le rapporte à un certain nombre d’exigences dont j’ai voulu rappeler l’urgence dans l’encyclique Fides et ratio. J’ai ainsi insisté sur la nécessité de l’étude de la philosophie comme praeparatio fidei (FR 61) et sur les rapports de la théologie, science de la foi, avec la raison philosophique (FR 64-69).

À la racine de la philosophie de Maurice Blondel, il y a la perception aiguë du drame de la séparation entre foi et raison (cf. FR 45-48) et la volonté intrépide de vaincre cette séparation contraire à la nature des choses. Le philosophe d’Aix est ainsi un représentant éminent de la philosophie chrétienne, entendue comme spéculation rationnelle, en union vitale avec la foi (cf. FR 76), dans une double fidélité aux exigences de la recherche intellectuelle et au Magistère.

Dans un message envoyé le 19 février 1993 à Monseigneur Bernard Panafieu, alors Archevêque d’Aix, pour le Colloque international qui célébrait le centenaire de L’Action, j’ai déjà eu l’occasion de souligner comment "Blondel poursuivit son oeuvre en clarifiant inlassablement et obstinément sa pensée sans en renier l’inspiration". Et j’ajoutais: "C’est ce courage de penseur, allié à une fidélité et à un amour indéfectibles envers l’Église, que les philosophes et les théologiens actuels qui étudient l’oeuvre blondélienne ont à apprendre de ce grand maître" (La Documentation catholique, 90 [1993], PP 353-354). Puissent tous ceux qui sont engagés dans la recherche intellectuelle accepter courageusement comme Blondel de reconnaître les limites de toute pensée humaine et de se laisser conduire au seuil du mystère divin, qui nous est donné par la foi!

En vous renouvelant mes encouragements, je vous accorde volontiers la Bénédiction apostolique.

    


JUBILÉ DES MILITAIRES ET DES FORCES DE POLICE

Samedi 18 novembre 2000



1. Je salue cordialement les participants au pèlerinage jubilaire des Forces armées et de police, présents à cette rencontre au Vatican. Je suis très heureux que vous soyez ici. Je souhaite la bienvenue à l'Evêque aux Armées, Mgr Slawoj Leszek Glódz, à Mgr Marian Dus, à Mgr Miron de l'Eglise orthodoxe, à Mgr Borski de l'Eglise évangélique d'Augsbourg, aux aumôniers de l'armée et de la police.

Je salue le Ministre de la défense, le chef d'Etat-Major et les Commandants de l'Armée, de la marine militaire, de l'aéronautique et de la défense anti-aérienne. Je salue le Commandant-en-chef de la Police des Frontières, des Unités Nadwislanskie et le chef du Bureau de la protection du gouvernement. Je salue MM. les généraux, les officiers, les grands maréchaux, les sous-officiers, les soldats, les fonctionnaires de police et les employés civils de l'armée. Je remercie les orchestres et les choeurs qui grâce à la musique et au chant, ont donné un grand prestige à cette rencontre. Tout cela m'émeut beaucoup et éveille en moi les souvenirs du passé.


2. "Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et à jamais" (He 13,8). En ce temps saint du grand Jubilé, nos pensées et nos désirs se tournent vers le Christ, Rédempteur de l'homme. Lui, le Fils de Dieu, comme le dit le Concile Vatican II: "Par son incarnation... s'est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d'homme, il a pensé avec une intelligence d'homme, il a agi avec une volonté d'homme, il a aimé avec un coeur d'homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l'un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché" (Gaudium et spes, GS 22).

Vous êtes venus à Rome en tant que pèlerins, pour renforcer en vous la foi dans le Christ et pour vous renouveler intérieurement. Dans la tradition chrétienne, le pèlerinage est le symbole du chemin de l'homme croyant sur les traces du Christ. Combien de traces de ce genre se trouvent à Rome, combien de signes de la présence de Dieu, combien de temples, de sanctuaires et de lieux saints! L'un de ces signes est la Porte Sainte. Elle symbolise le Christ. Jésus a dit de lui-même: "Je suis la porte" (Jn 10,7). Cela signifie qu'il n'y a qu'une porte à travers laquelle ont parvient à la rencontre avec Dieu, qu'il n'y a qu'une voie qui conduit au salut.


3. Dans ce contexte, combien est éloquent le message du Jubilé des militaires et de la police: "Avec le Christ, en défense de la justice et de la paix". Que ces paroles accompagnent votre pèlerinage et votre prière au cours de ce séjour à Rome, et également votre service dans votre patrie et en dehors de ses frontières. Aujourd'hui aussi, au terme du deuxième millénaire, le monde a besoin de justice et de paix. Il faut qu'un contenu concret soit conféré à ces paroles et qu'on lui restitue sa juste signification. Je désire aussi rappeler les soldats polonais qui accomplissent leur mission en Bosnie, au Kosovo, au Liban et sur les collines du Golan.

Je sais que dans toutes ces garnisons, au cours des quatre dernières années, vous avez entrepris l'effort d'un renouveau spirituel et de préparation aux célébrations du grand Jubilé. Le temps de préparation a été accompagné par le pèlerinage de l'Image de la Madone, "La protectrice du soldat polonais". Vous avez accueilli son image dans les casernes, dans les académies et dans les universités militaires, dans les hôpitaux, dans les polygones. Vous lui avez confié votre service, afin d'entrer dans le troisième millénaire affermis dans la foi.

Mes chers amis, que se poursuive "le matin de la résurrection" dont j'ai fait l'expérience au polygone près de Koszalin, il y a dix ans, au cours de ma visite en Pologne! Apportez avec joie aux hommes et aux nations, le message de paix et d'amour. Une preuve tangible de cette attitude est le don de la Caritas de l'Ordinariat militaire d'une ambulance à l'hôpital du Kosovo. Vous l'avez offert comme don de l'autel à l'occasion du grand Jubilé. Je vous remercie cordialement de ce beau geste qui a jailli du coeur des militaires.


4. Que dans votre pèlerinage vous accompagne l'exemple d'un soldat courageux, un homme juste et pieux: le centurion appelé Corneille. Ce fut lui qui reçut le baptême après la rencontre avec Pierre, et avec lui ses soldats et toute sa maison (cf. Ac 10,1-48). Après ce pèlerinage, je forme le voeu que vous retourniez à vos postes et dans vos familles renforcés spirituellement, prêts à rendre témoignage à l'Evangile et à la Croix. Prêts à demeurer fidèles au Christ en défendant "la justice et la paix".

Par votre intermédiaire, je salue toute l'Armée polonaise et la police et je vous bénis de tout coeur. Que Dieu vous récompense!


Dimanche 19 novembre 2000



Au terme de cette intense Journée jubilaire, je désire saluer les nombreux représentants des Forces armées et des Forces de police, venus ici de divers pays. J'étends de tout coeur mon salut aux fidèles présents ici ce soir sur la Place Saint Pierre.

Très chers frères et soeurs, merci de votre présence joyeuse et de votre fervente participation à la célébration d'aujourd'hui. L'Eglise est proche de vous! Puisse cette rencontre constituer pour chacun de vous un encouragement et un soutien dans vos intentions de bien et dans l'engagement généreux au service de la justice et de la paix.

Je vous souhaite à tous, ainsi qu'à vos familles, que la grâce de l'Année Sainte fasse grandir en chacun le désir d'un authentique renouveau spirituel et d'une solidarité sincère envers nos frères les plus nécessiteux.

Avec ces sentiments, je vous assure de mon souvenir constant dans la prière et je vous donne de tout coeur une Bénédiction spéciale.


AUDIENCE DU PAPE JEAN PAUL II AUX PARTICIPANTS AU PÈLERINAGE JUBILAIRE DE L'ÉGLISE SYRO-MALANKARE ET DE LA COMMUNAUTÉ DE L'INSTITUT PONTIFICAL SAINT JEAN DAMASCÈNE DE ROME

Lundi 20 novembre 2000


Cher Archevêque Baselios,
Chers pèlerins de l'Eglise syro-malankare,
Chers membres du personnel et étudiants de l'Institut pontifical Saint Jean Damascène,
Aux pèlerins de l'Eglise syro-malankare

1. Vous êtes venus, d'Inde et d'ailleurs, à Rome, pour célébrer le grand Jubilé de l'Année Sainte et votre prière auprès des tombeaux des Apôtres Pierre et Paul est un signe lumineux de la communion profonde qui est la nôtre dans le Christ.

Il y a soixante-dix ans, l'Archevêque métropolitain Mar Ivanios, l'Evêque Mar Theophilos et leurs compagnons entraient en pleine communion avec le Siège de Pierre, car ils étaient profondément convaincus de la vérité des paroles trouvées sous le dôme de la Basilique vaticane: Hinc una fides mundo refulget, "D'ici, la foi unique resplendit dans le monde". Ils comprirent que "l'Eglise est une, l'Eglise du Christ entre l'Orient et l'Occident" (Orientale lumen, n. 20); et ils savaient, en entrant en communion avec l'Eglise catholique, qu'"ils n'avaient en aucune manière l'intention de renier leur fidélité à leur tradition" (Ibid., n. 21). Au cours des années qui ont suivi leur décision, Dieu a répandu une abondance de bénédictions sur l'Eglise syro-malankare dans son oeuvre en vue de l'unité chrétienne.

Tandis que vous couronnez vos célébrations jubilaires en offrant le Saint Qurbana, je vous demande d'invoquer l'amour de Dieu sur les chrétiens des Eglises orientales, afin que, d'une façon nouvelle et plus profonde, ils puissent marcher "vers l'unique Seigneur, et donc les uns vers les autres" (Ibid., n. 28). Priez également pour que cette nouvelle découverte parmi les chrétiens de l'Est puisse être une bénédiction pour toute l'Eglise tandis que nous entrons dans le troisième millénaire.

Aux membres de l'Institut pontifical Saint Jean Damascène

2. Je suis particulièrement heureux d'accueillir le Recteur, les membres du personnel ainsi que les prêtres-étudiants de l'Institut pontifical Saint Jean Damascène au cours de cette année où, à l'occasion de la fête de votre saint Patron, vous célébrerez le soixantième anniversaire de l'Institut, établi par le Pape Pie XII. Rendons grâce aujourd'hui à Dieu pour les nombreuses grâces que ces années ont apportées.

Vos prêtres qui résident dans l'Institut proviennent des Eglises syro-malankare et syro-malabare, et vous êtes donc tous des fils de l'Apôtre saint Thomas, à l'oeuvre missionnaire duquel vous devez votre foi chrétienne. Vous êtes à juste titre fiers non seulement du riche héritage de vos Eglises, mais également de leur ferveur apostolique, de leur énergie pastorale et de leurs nombreuses vocations. Telle est la vitalité chrétienne que vous apportez avec vous à Rome, et en retour, l'Eglise de Rome vous offre ses dons. Ici, vous pouvez ressentir un sens plus profond de la mission spéciale du Successeur de l'Apôtre Pierre, le premier serviteur de l'unité de tous les fidèles du Christ. Ici, vous pouvez apprendre davantage ce que cela signifie d'appartenir à l'Eglise universelle, et vous pouvez connaître davantage la joie et la gratitude que cela suscite dans le coeur des chrétiens.

Chers frères évêques, chers amis dans le Christ, au cours de vos célébrations jubilaires, puissent les paroles du Psalmiste résonner profondément en chacun de vous: "Voyez! Qu'il est bon, qu'il est doux d'habiter en frères tous ensemble!" (Ps 133,1 [132], 1). Que la toute sainte Mère de Dieu, à travers laquelle la lumière s'est élevée au-dessus de la terre, vous guide avec certitude sur votre chemin de pèlerins. En signe de grâce et de paix dans son Fils divin, notre Seigneur Jésus-Christ, je vous donne cordialement ma Bénédiction apostolique.


  AUDIENCE AUX PARTICIPANTS AU PÈLERINAGE DU PATRIARCAT D'ANTIOCHE DES SYRIENS

23 novembre 2000


Béatitude,
Chers Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers pèlerins,

1. Je suis heureux de vous accueillir et de vous souhaiter la bienvenue. Je salue tout d’abord Sa Béatitude Ignace Moussa Ier, Patriarche d’Antioche des Syriens, les évêques, les prêtres, les religieux et religieuses, ainsi que tous les fidèles qui les accompagnent.

Depuis les origines du christianisme, les Apôtres Pierre et Paul sont intimement liés à Antioche. C’est d’ailleurs "à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de ‘chrétiens’" (Ac 11,26). Comment ne pas rappeler la figure de saint Ignace, évêque d’Antioche, qui a souffert le martyre à Rome et qui, dans sa Lettre aux Romains, affirmait que l’Église de Rome présidait à la charité ? Il avait aussi le souci de l'unité de l'Eglise, invitant les fidèles à ne former qu'un seul coeur et qu'un seul corps autour du Christ (cf. Lettre aux Magnésiens; 1, 6-7, Lettre aux Ephésiens, 4). Je suis donc heureux de vous accueillir au moment où vous accomplissez votre pèlerinage jubilaire.

2. L'Eglise d'Antioche a une vénération particulière pour son saint évêque Ignace, qui fait que tous les patriarches portent ce nom comme premier titre patriarcal, manifestant ainsi le même attachement au Siège de Pierre et souhaitant suivre l'exemple de leur illustre prédécesseur.

Un pèlerinage jubilaire est une occasion pour affermir son amour du Christ, l'unique Sauveur, et de l'Eglise. Je vous invite donc à puiser dans les sacrements, notamment dans la Pénitence et dans la divine Liturgie, "sommet et source" de la vie chrétienne (cf. constitution Sacrosanctum Concilium SC 10), la force spirituelle pour être toujours fidèles à l'enseignement des Apôtres et pour demeurer des témoins de la Bonne Nouvelle, par votre parole et par une vie quotidienne conforme au Christ. En effet, lorsque nous recevons son Corps, le Seigneur nous entraîne dans l'intimité de la relation trinitaire, pour que nous vivions de l'amour qu'il nous communique grâce à la force de l'Esprit Saint.

Je vous confie à l'intercession de la Mère de Dieu, la Théotokos, afin que, comme elle, vous soyez toujours dociles à la parole du Seigneur et que vous vous mettiez sans cesse en route pour servir vos frères, car servir Dieu et servir les hommes est le service unique de la charité. Lorsque vous rentrerez chez vous, dites à tous vos frères chrétiens dans vos diocèses que je suis proche d'eux par la prière et que je les encourage, sachant qu'ils ont parfois de dures épreuves à porter.

Que l'espérance du Christ habite le coeur de chacun ! A tous, j'accorde une affectueuse Bénédiction apostolique.




AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE L’UNION INTERNATIONALE DES JURISTES CATHOLIQUES

Vendredi 24 novembre 2000


Monsieur le Président,
Chers Amis,

1. Je suis heureux de vous accueillir, vous les membres de l'Union internationale des Juristes catholiques, au moment où vous réalisez votre jubilé et où vous êtes réunis pour votre assemblée plénière; je remercie votre Président, Monsieur le Professeur Joël-Benoît d'Onorio.

Je me réjouis de ce que l’Union internationale des Juristes catholiques mette en relation des juristes catholiques du monde entier, liés à des réalités non seulement politiques mais aussi traditionnelles et historiques très diverses; elle répond ainsi à sa vocation profonde et rappelle le caractère universel du droit. Ce n’est pas un hasard si votre revue porte le titre significatif de Juristes du monde entier. Le caractère catholique n’est cependant pas un signe de séparation et de fermeture, mais bien plutôt un signe d’ouverture et une manifestation du service que les juristes veulent rendre à la communauté humaine tout entière.

2. Il faut cependant reconnaître que le danger du particularisme pèse sur le droit. Si, d’une part, le particularisme agit légitimement pour sauvegarder le génie spécifique de chaque peuple et de chaque culture, bien souvent par ailleurs, dans la mesure où est perdue de vue l’unité essentielle du genre humain, il entraîne non seulement des séparations mais aussi des situations de fracture et de conflit injustifiées. Il est certain que l’approche même de l’étude et de la théorie du droit peut être légitimement différenciée, bien que la grande tradition scientifique du droit romain, à laquelle l’Église catholique elle-même a été extrêmement sensible au cours de son histoire, ait laissé une empreinte à laquelle aucun juriste, à quelque école qu’il appartienne, ne peut rester insensible. Mais avant même toute distinction entre les systèmes, les écoles et les traditions juridiques, un principe d’unité s'impose. Le droit naît d’une profonde exigence humaine, qui est présente en tous les hommes et qui ne peut se révéler étrangère ou marginale à aucun d’entre eux: il s’agit de l’exigence de justice qui est la réalisation d’un ordre équilibré des relations interpersonnelles et sociales, aptes à garantir qu’à chacun soit donné ce qui lui revient et qu’à personne ne soit ôté ce qui lui appartient.

3. L’antique et toujours inégalé principe de justice "unicuique suum" suppose en premier lieu que tout homme ait ce qui lui revient en propre et auquel il ne saurait renoncer: reconnaître le bien de chacun et le promouvoir constitue un devoir spécifique pour tout homme. L’ordre de la justice n’est pas un ordre statique mais dynamique, précisément parce que la vie des individus et des communautés est elle-même dynamique; comme le disait saint Bonaventure, non pas un ordo factus mais un ordo factivus, qui exige l’exercice continuel et passionné de la sagesse, que les Latins appelaient iurisprudentia, sagesse qui peut engager toutes les énergies de la personne et dont l’exercice constitue l’une des pratiques vertueuses les plus élevées chez l’homme. La possibilité de donner son dû non seulement au parent, à l’ami, au concitoyen, au coreligionnaire, mais aussi à tout être humain, simplement parce qu’il est une personne, simplement parce que la justice l’exige, cela est l'honneur du droit et des juristes. S’il existe une manifestation de l’unité du genre humain et de l'égalité entre tous les êtres humains, cette manifestation est justement donnée par le droit, qui ne peut exclure personne de son horizon sous peine d’altération de son identité spécifique.

Dans cette perspective, les efforts de la communauté internationale depuis quelques décennies pour proclamer, défendre et promouvoir les droits humains fondamentaux constituent la meilleure manière pour le droit de réaliser sa vocation profonde. C’est pourquoi les juristes doivent toujours se sentir les premiers engagés dans la défense des droits de l’homme car, à travers eux, c’est l’identité même de la personne humaine qui est défendue.

4. Notre monde a besoin d'hommes et de femmes qui, avec courage, s'opposent publiquement aux innombrables violations des droits, qui continuent malheureusement à bafouer des personnes et l’humanité. Pour leur part, les juristes sont appelés – et c’est là une des tâches de l’Union internationale des Juristes catholiques – à dénoncer toutes les situations où la dignité de la personne est méconnue ou les situations qui, bien que paraissant agir pour sa défense, l'offensent en réalité profondément. Trop fréquemment aujourd'hui, on ne reconnaît pas à la liberté de pensée et à la liberté de religion le statut juridique de droits fondamentaux qui est le leur; dans de nombreuses parties du monde, même à nos portes, les droits des femmes et des enfants sont bafoués de manière injustifiable. On note de plus en plus de cas où le législateur et le magistrat perdent la conscience de la valeur juridique et sociale spécifique de la famille, et où ils se montrent prêts à mettre sur le même plan légal d'autres formes de vie commune, qui engendrent de nombreuses confusions dans le domaine des relations conjugales, familiales et sociales, niant d'une certaine manière la valeur de l'engagement spécifique d'un homme et d'une femme, et la valeur sociale fondatrice d'un tel engagement. Pour bon nombre de nos contemporains, le droit à la vie, droit primordial et absolu qui ne dépend pas du droit positif mais du droit naturel et de la dignité de tout homme, est méconnu ou sous-estimé, comme s’il s’agissait d’un droit disponible et non essentiel; il suffit de penser à la reconnaissance juridique de l’avortement, qui supprime un être humain fragile dans sa vie prénatale au nom de l’autonomie de décision du plus fort sur le plus faible; à l’insistance avec laquelle certains cherchent aujourd'hui à faire reconnaître un prétendu droit à l’euthanasie, un droit de vie et de mort, pour soi-même ou pour un autre. Il est même des cas où le magistrat et le législateur prennent des décisions indépendamment de toute valeur morale, comme si le droit positif pouvait être à lui-même son propre fondement et faire abstraction des valeurs transcendantes. Un droit qui se détache des fondements anthropologiques et moraux porte en lui de nombreux dangers, car il soumet les décisions au pur arbitraire des personnes qui l'édictent, ne tenant pas compte de la dignité insigne d'autrui.

Pour le monde juridique, il importe de poursuivre une démarche herméneutique et de rappeler constamment les fondements du droit à la mémoire et à la conscience de tous, législateurs, magistrats, simples citoyens, car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement le bien de tel individu ou de telle communauté humaine, mais le bien commun, qui dépasse la somme des biens particuliers.

5. Le champ d’action des juristes est donc vaste et, en même temps, semé d'embûches. Pour leur part, les juristes catholiques ne sont pas dépositaires d’une forme particulière du savoir: leur identité catholique et la foi qui les anime ne leur fournissent pas de connaissances spécifiques d’où seraient exclus ceux qui ne sont pas catholiques. Ce que possèdent les juristes catholiques et ceux qui partagent la même foi, c’est la conscience que leur travail passionné en faveur de la justice, de l'équité et du bien commun s’inscrit dans le projet de Dieu, qui invite tous les hommes à se reconnaître comme frères, comme fils d’un Père unique et miséricordieux, et qui donne mission aux hommes de défendre tout individu, en particulier les plus faibles, et de construire la société terrestre, en conformité avec les exigences évangéliques. L’établissement de la fraternité universelle ne saurait certes être le résultat des seuls efforts des juristes; mais la contribution de ces derniers à la réalisation de cette tâche est spécifique et indispensable. Elle fait partie de leur responsabilité et de leur mission.

C'est dans cet esprit de service de vos frères que vous accomplissez votre pèlerinage jubilaire. Puisse l'Esprit saint vous assister dans votre tâche! Je vous confie à l'intercession de la Vierge Marie et de saint Isidore de Séville, qui fut un éminent juriste, et, de grand coeur, je vous accorde la Bénédiction apostolique, étendue à vos familles et à tous les membres de votre union internationale.


MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS DU LAÏCAT CATHOLIQUE


A mon Vénéré Frère le Cardinal James Francis STAFFORD
Président du Conseil pontifical pour les Laïcs

1. Les jours prochains se déroulera à Rome le Congrès du laïcat catholique, organisé par le Conseil pontifical pour les Laïcs, sur le thème "Témoins du Christ dans le nouveau millénaire". Il s'agit d'une initiative opportune qui, au cours du grand Jubilé, constituera pour les participants une occasion supplémentaire de croître dans la foi et dans la communion ecclésiale. En effet, à l'assemblée seront présents de nombreux laïcs, ainsi que des cardinaux, des évêques, des prêtres, des religieux et des religieuses, représentant de façon idéale tout le peuple des baptisés dans le Seigneur, les christifideles qui, entre les tribulations du monde et les consolations de Dieu (cf. 2Co 1,4), marchent vers la maison du Père. Le Congrès pourra ainsi constituer un moment de réflexion et de dialogue, de partage de la foi et de prière, qui s'insère bien dans le cadre des célébrations du Jubilé de l'Apostolat des Laïcs, dont le sommet sera la Messe sur la Place Saint-Pierre, le jour de la solennité de Notre Seigneur Jésus-Christ, Roi de l'univers.

A travers vous, je remercie le Conseil pontifical pour les Laïcs, qui a voulu promouvoir cette initiative encourageante, qui nous met à l'écoute de ce que l'Esprit dit à l'Eglise (cf. Ap Ap 2,7) à travers l'expérience de foi de tant de laïcs chrétiens, hommes et femmes de notre temps.


2. Le Congrès se rattache en esprit aux autres grands rassemblements de fidèles laïcs qui, au cours des dernières cinquante années, ont marqué des étapes importantes du chemin de promotion et de développement du laïcat catholique. Je pense, en particulier, aux Congrès mondiaux de l'apostolat des laïcs qui se sont déroulés à Rome, respectivement en 1951, en 1957 et en 1967, immédiatement après le Concile. Et je pense également aux deux Consultations mondiales du laïcat catholique, organisées par le Conseil pontifical pour les Laïcs à l'occasion de l'Année Sainte de 1975 et en préparation à la VII Assemblée générale du Synode des Evêques de 1987, dont j'ai recueilli les fruits dans l'Exhortation apostolique Christifideles laici.

A ce propos, l'Assemblée actuelle, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, "pourra servir à récapituler le cheminement du laïcat, depuis le Concile Vatican II jusqu'au grand Jubilé de l'Incarnation" (L'Osservatore Romano, 1-2 mars 1999, p. 5, ORLF n. 10, du 9 mars 1999). En partant d'un bilan de la réalisation des enseignements du Concile dans la vie et dans l'apostolat des laïcs, votre rencontre contribuera certainement à donner un élan renouvelé à leur engagement missionnaire. Une dimension essentielle de la vocation et de la mission du chrétien est de rendre témoignage de la présence salvifique de Dieu dans l'histoire des hommes, comme le dit à juste titre le thème du Congrès: "Témoins du Christ dans le nouveau millénaire".


3. Les dernières décennies du XXème siècle ont vu fleurir dans l'Eglise les semences d'un printemps spirituel encourageant. Comment, par exemple, ne pas être reconnaissant à Dieu pour la conscience plus claire que les fidèles laïcs - hommes et femmes - ont acquise de leur dignité de baptisés devenus "des créatures nouvelles"; de leur vocation chrétienne; de l'exigence de croître, dans l'intelligence et dans l'expérience de la foi, comme christifideles, c'est-à-dire comme de vrais disciples du Seigneur; de leur adhésion à l'Eglise?

Dans le même temps, cependant, dans un climat diffus de sécularisation, de nombreux croyants sont tentés de s'éloigner de l'Eglise et se laissent malheureusement gagner par l'indifférence ou cèdent à des compromis avec la culture dominante. Parmi les fidèles ne manquent pas non plus des attitudes sélectives et critiques à l'égard du Magistère ecclésial. Pour réveiller dans les consciences des chrétiens un sens plus vif de leur identité, il est donc nécessaire, dans le cadre du grand Jubilé, d'accomplir ce sérieux examen de conscience dont je parlais dans Tertio millennio adveniente (cf. TMA TMA 34). Il existe des questions essentielles que personne ne peut éviter: Qu'ai-je fait de mon Baptême et de ma Confirmation? Le Christ est-il vraiment le centre de ma vie? La prière trouve-t-elle sa place au cours de mes journées? Est-ce que je vis ma vie comme une vocation et une mission? Le Christ continue à nous rappeler: "Vous êtes le sel de la terre [...] Vous êtes la lumière du monde [...] Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux" (Mt 5,13 Mt 5,14 Mt 5,16).


4. La vocation et la mission des fidèles laïcs ne peuvent se comprendre qu'à la lumière d'une conscience renouvelée de l'Eglise "comme sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain" (Lumen gentium LG 1), et du devoir personnel d'adhérer plus solidement à celle-ci. L'Eglise est un mystère de communion qui a son origine dans la vie de la Très Sainte Trinité. Elle est le Corps mystique du Christ. Elle est le Peuple de Dieu qui, uni par la même foi, espérance et charité, s'achemine dans l'histoire vers la patrie céleste définitive. Et nous, en tant que baptisés, nous sommes des membres vivants de ce merveilleux et fascinant organisme, alimenté par les dons sacramentaux, hiérarchiques et charismatiques qui lui sont inhérents. C'est pourquoi, aujourd'hui plus que jamais, il est nécessaire que les chrétiens, illuminés et guidés par la foi, connaissent l'Eglise telle qu'elle est, dans toute sa beauté et sa sainteté, pour la sentir et l'aimer comme leur propre mère. Et dans ce but, il est important de réveiller dans tout le Peuple de Dieu le vrai sensus Ecclesiae, uni à l'intime conscience d'être Eglise, c'est-à-dire mystère de communion.

5. Au seuil du troisième millénaire, Dieu appelle les croyants, en particulier les laïcs, à un élan missionnaire renouvelé. La mission n'est pas un supplément de la vocation chrétienne. Au contraire, le Concile Vatican II rappelle que la vocation chrétienne est, de par sa nature, vocation à l'apostolat (cf. Apostolicam actuositatem AA 2). Le Christ doit être annoncé à travers le témoignage de vie et la parole, et, avant d'être un engagement stratégique et organisé, l'apostolat comporte la transmission reconnaissante et joyeuse à tous du don de la rencontre avec le Christ. Une personne, ou une communauté mûre du point de vue évangélique est animée par une intense passion missionnaire qui la pousse à rendre témoignage au Christ en toute circonstance et situation, dans chaque contexte social, culturel et politique. A ce propos, comme l'enseigne le Concile Vatican II: "La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu'ils ordonnent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c'est-à-dire engagés dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme tissée. A cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d'un ferment" (Lumen gentium LG 31).

Très chers frères et soeurs, l'Eglise a besoin de vous et compte sur vous! La promotion et la défense de la dignité et des droits de la personne humaine, aujourd'hui plus urgentes que jamais, requiert le courage d'individus animés par la foi, capables d'un amour gratuit et riche de compassion, respectueux de la vérité sur l'homme, fait à l'image de Dieu et destiné à croître jusqu'à la plénitude de Jésus-Christ (cf. Ep 4,13). Ne vous découragez pas face à la complexité des situations! Recherchez dans la prière la force de toute source apostolique; puisez dans l'Evangile la lumière qui oriente vos pas.

La complexité des situations ne doit pas vous décourager, mais doit en revanche vous inciter à rechercher avec sagesse et courage des réponses adaptées à la demande de pain et de travail et aux exigences de liberté, de paix et de justice, de partage et de solidarité.


6. Chers fidèles laïcs, hommes et femmes, vous êtes appelés à assumer, avec une disponibilité généreuse, votre part de responsabilité également en ce qui concerne la vie des communautés ecclésiales auxquelles vous appartenez. Le visage des paroisses, appelées à être accueillantes et missionnaires, dépend de vous. Aucun baptisé ne peut rester oisif. Participant à la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ et enrichis par de multiples charismes, les laïcs chrétiens peuvent apporter leur contribution dans le domaine de la liturgie, de la catéchèse, d'initiatives missionnaires et caritatives de divers genres. Certaines personnes peuvent aussi être appelées à assumer des charges, des fonctions ou des ministères non ordonnés, que ce soit au niveau paroissial ou au niveau diocésain (cf. Christifideles laici CL 14). Il s'agit d'un service précieux et, dans diverses régions du monde, toujours plus indispensable. Toutefois, il faut éviter le risque de dénaturer la figure du laïc en le dirigeant de façon excessive vers les exigences intra-ecclésiales. Il faut donc respecter, d'un côté, l'identité propre du fidèle laïc et, de l'autre, celle du ministre ordonné, alors que la collaboration entre fidèles laïcs et prêtres et, selon les cas et les modalités établies par la discipline ecclésiale, le remplacement des prêtres par des laïcs doit être effectué dans l'esprit de la communion ecclésiale, dans laquelle les tâches et les états de vie sont considérés comme complémentaires et s'enrichissent réciproquement (cf. Instruction sur quelques questions concernant la collaboration des fidèles laïcs au ministère des prêtres).


7. La participation des fidèles laïcs à la vie et à la mission de l'Eglise est exprimée et soutenue également par divers regroupements, dont vous représentez un grand nombre dans ce Congrès. A notre époque, en particulier, ils constituent un moyen significatif pour une formation chrétienne plus approfondie et pour une activité apostolique plus incisive. Le Concile Vatican II affirme: "Les organisations ne sont pas des fins en soi, mais elles doivent servir la mission de l'Eglise envers le monde. Leur valeur apostolique dépend de leur conformité aux buts de l'Eglise, ainsi que de la qualité chrétienne de leur témoignage et de l'esprit évangélique de chacun de leurs membres" (Apostolicam actuositatem AA 19). C'est pourquoi, dans le but de demeurer fidèles à leur propre identité, les regroupements de laïcs doivent toujours être confrontés aux critères d'ecclésialité dont j'ai parlé dans l'Exhortation apostolique Christifideles laici (cf. CL CL 30).

Nous pouvons aujourd'hui parler d'une nouvelle "saison d'association des fidèles laïcs" (Ibid. CL CL 29). Il s'agit de l'un des fruits du Concile Vatican II. Aux côtés des associations de tradition ancienne, et dignes d'éloges, nous observons une floraison vigoureuse et diversifiée de mouvements ecclésiaux et de nouvelles communautés. Ce don de l'Esprit Saint est un autre signe de la façon dont Dieu trouve toujours des réponses adaptées aux défis lancés à la foi et à l'Eglise à chaque époque de l'histoire. Il faut également remercier ici les associations, les mouvements et les regroupements ecclésiaux pour l'engagement dont ils ont fait preuve dans la formation chrétienne et pour l'enthousiasme missionnaire qu'ils continuent à apporter dans l'Eglise.


8. Très chers frères et soeurs! Au cours de ces journées, vous partagez des réflexions et des expériences, en établissant un bilan du chemin parcouru et en tournant votre regard vers l'avenir. En regardant vers le passé, vous pouvez clairement constater combien le rôle des laïcs est essentiel pour la vie de l'Eglise. Comment ne pas rappeler ici les persécutions que l'Eglise du vingtième siècle a subies dans de vastes régions du monde? C'est surtout grâce au témoignage courageux de fidèles laïcs, souvent vécu jusqu'au martyre, que la foi n'a pas été effacée de la vie de peuples entiers. L'expérience démontre que le sang des martyrs devient semence de confesseurs et, nous chrétiens, nous devons beaucoup à ces "soldats inconnus de la grande cause de Dieu" (Tertio millennio adveniente TMA 37).

Quant à l'avenir, il y a de nombreux motifs pour commencer le nouveau millénaire avec une espérance sûre. Le printemps chrétien, dont on peut déjà entrevoir de nombreux signes (cf. Redemptoris missio RMi 86), est perceptible dans le choix radical de la foi, dans l'authentique sainteté de vie, dans l'extraordinaire zèle apostolique de nombreux fidèles laïcs, hommes et femmes, jeunes, adultes et personnes âgées. La tâche de la génération actuelle est donc d'apporter l'Evangile à l'humanité de demain. C'est vous qui êtes les "témoins du Christ dans le nouveau millénaire", comme le dit le thème de votre Congrès. Soyez-en bien conscients et répondez avec une prompte fidélité à l'urgence de l'appel missionnaire. L'Eglise compte sur vous!

Je souhaite une bonne issue aux travaux de votre assemblée et, alors que j'invoque sur chacun la protection de Marie Reine des Apôtres et Etoile de la nouvelle évangélisation, je vous envoie de tout coeur, Monsieur le Cardinal, ainsi qu'à tous les participants, ma Bénédiction spéciale, que j'étends volontiers aux personnes qui vous sont chères et à ceux que vous rencontrez dans votre apostolat.

Du Vatican, le 21 novembre 2000



Discours 2000 - MESSAGE DU SAINT PÈRE AU RECTEUR MAJEUR DE LA SOCIÉTÉ SALÉSIENNE DE SAINT JEAN BOSCO