Discours 2000 - Jeudi 21 décembre 2000

5. Très chers frères, que cette perspective de foi marque également constamment votre service particulier. Si le Christ soutient celui qu'Il a choisi comme Successeur de Pierre, il ne manquera certainement pas d'accorder sa grâce également à vous, qui avez reçu la tâche difficile de le seconder. Mais si le don est grand, la responsabilité d'y répondre de façon appropriée est également importante. La Curie romaine doit donc être un lieu dans lequel on respire la sainteté. Un lieu où ne doivent pas exister la compétition et l'esprit de carrière, un lieu dans lequel ne doit régner que l'amour pour le Christ, manifesté dans la joie de la communion et du service, en imitant Celui qui "n'est pas venu pour être servi, mais pour servir" (Mc 10,45).

6. J'ai voulu souligner cette référence essentielle au Christ à travers le pèlerinage en Terre Sainte, précédé par la commémoration d'Abraham "notre père dans la foi", dans la Salle Paul VI, et la visite dans divers lieux vétérotestamentaires de l'histoire du salut, en particulier sur le Sinaï. Comment oublier l'émotion de ces jours de mars, où il m'a été donné de revivre l'événement historique de la vie de Jésus dans ses moments fondamentaux, de la naissance à Bethléem à la mort sur le Golgotha? Au Cénacle, j'ai pensé à vous de façon particulière, très chers collaborateurs de la Curie romaine. Je vous ai tous emporté avec moi dans le souvenir et dans la prière. Cela a été une véritable "immersion" dans le mystère du Christ. Dans le même temps, cela a été une occasion de rencontre non seulement avec la communauté chrétienne, mais également avec la communauté juive et islamique. En manifestant mon estime à ces communautés, qui m'ont largement manifestée la leur en retour, j'ai pu goûter à l'avance la joie dont tous feront l'expérience, comme un reflet de la joie de Dieu lui-même, lorsque cette terre si sainte et malheureusement si déchirée trouvera finalement la paix. Nous voulons aujourd'hui manifester notre proximité à ceux qui souffrent de ce conflit épuisant, et nous invoquons Dieu afin qu'il apaise la violence des sentiments et des armes, et qu'il oriente les âmes vers des solutions adaptées pour une paix juste et durable.

7. Une merveilleuse icône de l'Année jubilaire demeure certainement le moment de prière oecuménique qui l'a caractérisée dès son début. Je me rappelle, nous nous rappelons tous avec émotion, de l'ouverture de la Porte Sainte à Saint-Paul-hors-les-Murs, le 18 janvier. Il n'y avait pas que mes mains qui poussaient cette porte, mais également celles du Métropolite Athanasios qui représentait le Patriarche oecuménique de Constantinople et celles du Primat de l'Eglise anglicane, George Carey. Nos personnes représentaient toute la chrétienté, affligée par les divisions historiques qui la blessent, mais à l'écoute, dans le même temps, de l'Esprit de Dieu qui la pousse vers la pleine communion.

Face aux difficultés persistantes du chemin oecuménique, il ne faut pas perdre courage. Nous devons croire que l'objectif de la pleine unité de tous les chrétiens est réellement possible, avec la force du Christ qui nous soutient. Quant à nous, à côté de la prière et du dialogue théologique, nous devons cultiver cette attitude spirituelle que, précisément lors de cette circonstance suggestive, j'ai indiquée comme le "sacrifice de l'unité". A travers ces paroles, je voulais évoquer la capacité de "changer notre regard, d'amplifier notre horizon, de savoir reconnaître l'action de l'Esprit Saint qui agit chez nos frères, de découvrir de nouveaux visages de sainteté, de nous ouvrir à des aspects inédits de l'engagement chrétien" (Homélie au cours de la solennelle célébration oecuménique, 18 janvier 2000; cf. ORLF n. 4 du 25 janvier 2000).

8. Avec une même ouverture d'âme, le Jubilé s'est placé dans le sillage du dialogue interreligieux qui, inauguré par le Concile Vatican II avec la Déclaration Nostra aetate, a accompli au cours de ces décennies, des pas significatifs. Je me rappelle en particulier de la prière à Assise, en 1986, et de celle sur la Place Saint-Pierre, l'année dernière. Il s'agit bien sûr d'un dialogue qui n'entend en aucune façon amoindrir l'annonce que nous devons faire du Christ, unique Sauveur du monde, comme l'a récemment réaffirmé la Déclaration Dominus Iesus. Le dialogue ne remet pas en discussion cette vérité essentielle pour la foi chrétienne, mais repose sur le présupposé que, précisément à la lumière du mystère révélé dans le Christ, nous pouvons saisir de nombreuses semences de lumière répandues par l'Esprit dans les diverses cultures et religions. C'est pourquoi, en cultivant ces semences dans le dialogue, il est possible de croître ensemble, également avec les croyants d'autres religions, dans l'amour de Dieu, dans le service à l'humanité, sur le chemin vers la plénitude de la vérité, à laquelle nous conduit mystérieusement l'Esprit de Dieu (cf. Jn 16,13).

9. Le grand Jubilé, en s'inspirant de ses origines bibliques lointaines, mais toujours vivantes, a également été une année de prise de conscience plus profonde de l'urgence de la charité, en particulier en ce qui concerne l'aide qui doit être apportée aux pays les plus pauvres. Ce n'est que dans le contexte d'un engagement inspiré par une solidarité "globale" que l'on peut trouver le remède aux risques liés à une économie mondiale qui tend à être privée de règles en ce qui concerne la protection des sujets les plus faibles. Dans ce sens, l'engagement de l'Eglise pour la réduction de la dette internationale des pays pauvres a eu une grande signification. Ce qui a été décidé par de nombreux parlements est sans aucun doute encourageant, mais il reste beaucoup à faire.

Je voudrais également remercier ici les responsables des pays qui ont accueilli mon appel répété à accomplir un "signe de clémence en faveur de tous les détenus". Je souhaite que le chemin commencé soit mené à bien. Au-delà de ces problèmes spécifiques, c'est tout le domaine de la charité que la réflexion jubilaire a présenté à nos yeux, en invitant tous les chrétiens à adopter une attitude de généreux partage. La charité demeure la consigne fondamentale pour le chemin qui nous attend. C'est à travers celle-ci que resplendit pleinement la vérité du Dieu-Amour, de ce Dieu qui "a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique" (Jn 3,16).

10. Pater misit Filium Salvatorem mundi: gaudeamus! Cette certitude a guidé les deux mille ans de l'histoire du christianisme. C'est encore à partir de celle-ci que nous devons recommencer, en ce début de millénaire. Repartir du Christ! Tel est le mot d'ordre qui doit accompagner l'Eglise au cours de son entrée dans le troisième millénaire. D'ici quelques jours, la Porte Sainte se refermera, mais plus que jamais, la Porte vivante, qui est le Christ lui-même, reste ouverte. Très chers collaborateurs de la Curie romaine, je suis certain qu'au cours de cette reprise du chemin, vous serez encore une fois disponibles et prêts. Il n'existe pas de pause dans le monde de l'esprit! Le secret de cet élan inépuisable est le Christ lui-même, que d'ici quelques jours, la liturgie nous fera contempler Enfant dans la Crèche. C'est à Lui que, par l'intercession de Marie, Mère de l'espérance, nous demanderons de nous envelopper de sa lumière et de nous soutenir sur le nouveau chemin.

En son nom, je vous embrasse tous avec affection et, en vous présentant mes voeux les plus cordiaux, je vous donne volontiers la Bénédiction apostolique. Joyeux Noël!

  





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