Discours 2001 - Samedi, 13 janvier 2001


À LA COMMUNAUTÉ DE L’"ALMO COLLEGIO CAPRANICA"

Lundi 15 janvier 2001



Monsieur le Cardinal,
Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
Très chers élèves de l'"Almo Collegio Capranica"!

1. Je suis heureux de vous accueillir au cours de cette audience spéciale, devenue désormais une tradition, à l'approche de la mémoire liturgique de sainte Agnès, votre patronne de manière particulière. J'adresse une pensée reconnaissante au Cardinal Camillo Ruini, Président de la Commission épiscopale préposée à la direction du Collège, pour les paroles avec lesquelles il s'est fait l'interprète des sentiments de toutes les personnes présentes. J'étends mon salut cordial aux Evêques de la Commission, au Recteur, Mgr Michele Pennisi, aux Supérieurs ainsi qu'à vous, très chers séminaristes de la Communauté du "Collegio Capranica". Celui-ci s'inscrit à juste titre parmi les plus antiques et illustres institutions consacrées à la formation spirituelle et théologique des prêtres du diocèse de Rome, et il est ouvert au service des diocèses d'Italie et d'autres pays.

Votre visite revêt cette année une signification particulière, car elle se déroule au lendemain de la conclusion du grand Jubilé, qui a laissé à toute la communauté chrétienne un grand héritage à recueillir et à faire fructifier, pour orienter ses pas dans le nouveau millénaire.


2. J'ai rassemblé les lignes essentielles de ce grand héritage et je les ai présentées à la réflexion de tous les croyants, en ce passage du siècle et du millénaire, dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte. J'ai souhaité signer le Document en présence de la communauté ecclésiale, au cours de la célébration liturgique solennelle qui a clôturé le Jubilé. J'ai à coeur, aujourd'hui, de rappeler cette Lettre à votre attention, en vous invitant à en faire l'objet de votre réflexion, afin d'en tirer l'inspiration pour votre chemin personnel et communautaire. En particulier, je désire vous recommander d'approfondir ce que je considère être le noyau essentiel de l'héritage du Jubilé: l'engagement de repartir du Christ. N'est-ce pas dans la contemplation du visage du Christ que se trouve le coeur de toute la formation humaine, culturelle et spirituelle à laquelle vous vous consacrez, en tant que candidats au ministère ordonné?

C'est précisément parce que vous êtes appelés à suivre de plus près le Maître, que vous êtes invités à demeurer d'assidus "contemplateurs de son visage" (Novo millennio ineunte NM 16). Vous pourrez ainsi être, à votre tour, des témoins et des guides pour les hommes et les femmes de notre temps, en devenant capables de les conduire à la découverte de la beauté et de la majesté du Christ.

"Nous voulons voir Jésus" (Jn 12,21): le désir exprimé par certains pèlerins grecs à l'approche imminente de Pâques est le même qui apparaît dans le coeur de beaucoup de nos contemporains. Comme Philippe et André (cf. Jn 12,22), vous devrez vous aussi savoir les guider, pour qu'ils fassent l'expérience directe du divin Maître. Cela suppose pour vous-mêmes une profonde communion avec Lui, grâce à une constante orientation de votre activité et de votre vie vers la personne du Christ. Plus votre regard restera fixé sur son visage, plus vous serez en mesure d'en suivre fidèlement les traces. Vous avancerez ainsi sur la voie de la spiritualité et vous connaîtrez la joie qui est propre aux authentiques ouvriers du Christ.


3. Repartir du Christ! Tel est votre programme en cette phase initiale du nouveau millénaire. Le Ressuscité est sans cesse présent et il oeuvre mystérieusement dans la communauté de ses disciples. Sa promesse: "Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20) constitue un réconfort permanent.

Très chers étudiants, dans cet effort, nous sommes soutenus par l'exemple et l'intercession d'un groupe innombrable de saints et de martyrs qui, au cours de vingt siècles d'histoire, sont restés fidèles au Christ. Combien d'entre eux ont apporté la gloire à notre vénérable Eglise de Rome! Parmi ceux-ci se trouve votre Patronne, qui vous est particulièrement chère, sainte Agnès, qui vécut et témoigna son adhésion personnelle au Christ à travers la virginité et le martyre.

Je vous confie à l'intercession céleste de cette martyre romaine, afin que vous soyez des contemplateurs assidus du visage du Christ. Que vous protège également Marie, Mère de l'Eglise, et qu'elle obtienne pour chacun de vous une année riche de fruits spirituels et culturels. Avec ces sentiments, je vous donne, à vous tous ici présents, ainsi qu'à vos supérieurs, à vos professeurs et à toute la communauté du "Collegio Capranica", une Bénédiction apostolique spéciale.


AUX MEMBRES DE LA DÉLÉGATION OECUMÉNIQUE DE L'ÉGLISE ÉVANGÉLIQUE LUTHÉRIENNE DE FINLANDE

Vendredi 19 janvier 2001



Excellence,
Chers amis de Finlande,

C'est pour moi une joie particulière de vous accueillir au Vatican si peu de temps après la conclusion du grand Jubilé de l'An 2000. Au cours de cette période particulière de grâce, de nombreuses personnes ont fait l'expérience d'un profond renouveau spirituel. Puisse le Seigneur nous accorder de commencer ce nouveau millénaire en ayant une confiance profondément enracinée dans le mystère salvifique de sa mort et de sa résurrection.

Je garde le souvenir vivant des grandes liturgies oecuméniques que nous avons célébrées au cours de l'Année Sainte. Parmi elles a eu lieu l'inauguration solennelle de la Semaine de Prière pour l'Unité des Chrétiens, avec l'ouverture de la Porte Sainte dans la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, où j'ai accueilli avec joie l'Evêque Ikka Kantola, de Turku, avec les membres de la délégation de l'Eglise évangélique luthérienne de Finlande, présents à Rome pour la fête de saint Henrik. Il y a eu également la commémoration des Témoins de la Foi au Colisée, avec la participation d'éminents représentants venus de toutes les parties du monde chrétien. Des événements comme ceux-ci expriment notre foi commune en Jésus-Christ, Seigneur de tous les temps et de tous les peuples, "le même hier, aujourd'hui et à jamais" (He 13,8).

Je suis heureux de savoir que sous la direction du Conseil oecuménique finlandais, les chrétiens en Finlande célèbrent le grand Jubilé ensemble, sur le thème: "Millénaire 2000 - Année de l'espérance". Au cours de cette année, la célébration du sept-centième anniversaire de la Cathédrale de Turku, à laquelle ont participé de nombreux délégués oecuméniques, a rappelé de façon éloquente notre histoire commune. Le Jubilé a également été l'occasion de garantir que les questions de justice à l'égard des pauvres et des exclus deviennent prioritaires non seulement pour les chrétiens en Finlande, mais pour la société finlandaise tout entière; et cela a également été un domaine dans lequel les chrétiens de votre pays ont oeuvré ensemble de façon efficace.

Tandis que nous entrons dans le troisième millénaire, nous sommes conscients du besoin de nous engager toujours plus profondément à la tâche de restaurer l'unité pleine et visible parmi les disciples de notre Seigneur Jésus-Christ, afin que la vérité salvifique de l'Evangile soit prêchée de façon plus efficace aux peuples d'Europe aujourd'hui. Puisse l'Esprit Saint nous guider tandis que nous renouvelons notre engagement à cette tâche.

Dans le souvenir heureux de ma visite dans votre pays bien-aimé, il y a onze ans, j'invoque sur vous et sur le peuple de Finlande une Bénédiction abondante de Dieu tout-puissant, "à lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen".



AUX PROFESSEURS ET ÉLÈVES DE L'INSTITUT PONTIFICAL DE MUSIQUE SACRÉE

Vendredi 19 janvier 2001



Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
Chers professeurs et élèves de l'Institut pontifical de Musique sacrée!

1. Je suis heureux de vous accueillir à l'occasion du 90ème anniversaire de votre Institut fondé par mon vénéré prédécesseur saint Pie X en 1910, et ayant son siège au Palais Saint-Apollinaire. Je repense à la visite que je vous ai rendue, le 21 novembre 1984, et je vous salue cordialement, vous tous ici présents. Je salue également la délégation de la Catalogne. Dans le même temps, je félicite les personnalités qui ont reçu le Doctorat "honoris causa" en raison des mérites acquis dans le domaine de la Musique sacrée.

J'exprime en particulier ma reconnaissance à S.Exc. Mgr Zenon Grocholewski, Préfet de la Congrégation pour l'Education catholique, et votre grand Chancelier, pour les voeux cordiaux que, en votre nom également, il a voulu m'adresser. En cette circonstance, je rappelle volontiers mon estime et ma reconnaissance pour le travail que vous accomplissez tous avec un sens de responsabilité et un professionnalisme apprécié.

En cette occasion, en revenant sur l'activité accomplie jusqu'à présent et en considérant les projets pour l'avenir, je rends grâce à Dieu pour l'oeuvre effectuée par l'Institut pontifical de Musique sacrée au profit de l'Eglise universelle. En effet, la musique et le chant ne sont pas une simple décoration ou un ornement se superposant à l'action liturgique. Ils constituent au contraire une réalité commune avec la célébration, en permettant l'approfondissement et l'intériorisation des mystères divins.

Je souhaite donc que vous tous - professeurs, disciples et amateurs de musique sacrée - puissiez croître jour après jour dans l'amour de Dieu "en chantant et célébrant le Seigneur de tout votre coeur" (cf. Ep 5,19) et en aidant les autres à faire de même.

Telle est, en effet, la mission spécifique que, dès le début, les Souverains Pontifes ont confiée à votre Institution de grand mérite. Je pense en particulier au Motu Proprio de saint Pie X, qui en 1903, du fait de sa sensibilité liturgique, souligna que la musique sacrée fait "partie intégrante de la liturgie solennelle, qui est la gloire de Dieu et la sanctification et l'édification des fidèles" (Inter sollicitudines, AAS 36, 1903, 332). Le fruit principal de cette Instruction fut la création, en 1910, de l'Ecole supérieure de Musique sacrée. A peine un an plus tard, saint Pie X approuva publiquement cette Ecole à travers le Bref Expleverunt desiderii, et le 10 juillet 1914, il lui conféra le titre de "pontificale".

Le Pape Benoît XV lui aussi, quelques jours après son élection au trône pontifical, le 23 septembre 1914, déclara qu'il considérait l'Ecole comme un héritage très précieux que lui avait laissé son prédécesseur et qu'il la soutiendrait et la promouvrait de la meilleure des façons. Il faut rappeler, en outre, le Motu Proprio Ad Musicae sacrae du Pape Pie XI, promulgué le 22 novembre 1922, dans lesquels il rappelait le lien particulier entre l'Ecole et le Siège apostolique.

A travers la Constitution apostolique Deus scientiarum Dominus, de 1931, l'Ecole, appelée Institut pontifical de Musique sacrée, entra au nombre des Instituts académiques ecclésiastiques, et, en tant que tel, poursuivit avec un engagement accru son activité louable au service de l'Eglise universelle. De nombreux étudiants, formés en son sein, devinrent à leur tour formateurs dans leurs nations respectives selon l'esprit originel voulu par saint Pie X.

Je voudrais, en cette circonstance, rendre hommage aux professeurs qui ont travaillé dans votre Institut pendant de nombreuses années, et, en particulier, aux Recteurs qui s'y sont consacrés entièrement, avec une mention particulière pour Mgr Higini Anglès, Président de 1947 à sa mort, survenue le 8 décembre 1969.


3. Le Concile oecuménique Vatican II, se plaçant dans la lignée de la riche tradition liturgique des siècles précédents, a affirmé que la musique sacrée constituait "un trésor d'une valeur inestimable qui l'emporte sur les autres arts, du fait surtout que, chant sacré lié aux paroles, il fait partie nécessaire ou intégrante de la liturgie solennelle" (Sacrosanctum Concilium SC 112).

En effet, depuis toujours, les chrétiens, suivant les divers temps de l'année liturgique, ont exprimé leur reconnaissance et leur louange à Dieu à travers des hymnes et des cantiques spirituels. La tradition biblique, à travers les paroles du Psalmiste, exhorte les pèlerins, arrivés à Jérusalem, à franchir les portes du temple en louant le Seigneur "par l'éclat du cor, par la danse et le tambour, par les cordes et les flûtes, par les cymbales sonores" (cf. Ps 150). Le prophète Isaïe, pour sa part, exhorte à chanter sur les harpes dans le temple du Seigneur, en signe de gratitude, tous les jours de la vie (cf. Is 38,20).

La joie chrétienne, que le chant manifeste, doit rythmer tous les jours de la semaine et retentir avec force le dimanche, "jour du Seigneur", marqué par un profond caractère joyeux. Un lien intime relie d'une part, la musique et le chant et, d'autre part, la contemplation des divins mystères et la prière. Le critère qui doit inspirer toute composition et exécution de chants et de musique sacrée est celui d'une beauté qui invite à la prière. Lorsque le chant et la musique constituent des signes de la présence et de l'action de l'Esprit Saint, ils favorisent, en un certain sens, la communion avec la Trinité. La liturgie devient alors "opus Trinitatis". Il est nécessaire que le "chant dans la liturgie" jaillisse du "sentire cum Ecclesia". Ce n'est qu'ainsi que l'union avec Dieu et la capacité artistique se fondent en une heureuse synthèse dans laquelle les deux éléments - le chant et la louange - imprègnent toute la liturgie.


4. Très chers frères et soeurs! Quatre-vingt dix ans après sa fondation, votre Institut, reconnaissant au Seigneur pour le bien accompli, désire tourner son regard vers les nouveaux horizons qui l'attendent. Nous sommes entrés dans un nouveau millénaire et l'Eglise est entièrement engagée dans l'oeuvre de la nouvelle évangélisation. Que votre contribution ne fasse pas défaut à cette vaste action missionnaire. A chacun de vous, il est demandé une étude académique rigoureuse, qui se double d'une attention constante à la liturgie et à la pastorale. A vous, professeurs et élèves, il est demandé de valoriser au mieux vos dons artistiques, en conservant et en promouvant l'étude et la pratique de la musique et du chant dans les milieux et à travers les instruments que le Concile Vatican II a indiqués comme privilégiés: le chant grégorien, la polyphonie sacrée, et l'orgue. Ce n'est qu'ainsi que la musique liturgique pourra accomplir dignement son devoir dans le cadre de la célébration des sacrements et, de façon particulière, de la Sainte Messe.

Que Dieu vous aide à accomplir fidèlement cette mission au service de l'Evangile et de la Communauté ecclésiale. Que Marie vous serve de modèle, elle qui sut élever à Dieu le Magnificat, le chant du véritable bonheur. Au cours des siècles, sur les paroles de ce cantique, la musique a tissé d'infinies harmonies et les poètes ont développé un recueil vaste et émouvant de louanges. Qu'à ces voix puisse également s'associer la vôtre, en exaltant le Seigneur et en exultant en Dieu le Sauveur.

Pour ma part, je vous assure de mon souvenir constant dans la prière et, tandis que je souhaite que l'année qui vient de s'écouler soit emplie de grâce, de réconciliation et de renouveau intérieur, je donne à tous avec affection une Bénédiction apostolique particulière.


AUX PARTICIPANTS AU SYMPOSIUM "À DIX ANS DE L'ENCYCLIQUE REDEMPTORIS MISSIO"

Samedi 20 janvier 2001




Très chers frères dans l'épiscopat,
Très chers frères et soeurs!

1. C'est avec une joie profonde que je vous accueille à l'occasion de votre Symposium fort intéressant, qui se tient dix ans après la publication de l'Encyclique Redemptoris missio. Je remercie ceux qui ont organisé ce Congrès et je salue chacun de vous avec affection. Je salue et je remercie en particulier S.Em. le Card. Josef Tomko pour les paroles courtoises avec lesquelles il a présenté cette rencontre.

Le présent Symposium, à l'aube du nouveau millénaire, entend mettre en lumière la valeur primordiale que l'évangélisation revêt dans la vie de la Communauté ecclésiale. En effet, la mission ad gentes est la première tâche confiée par le Christ à ses disciples. A ce propos, les paroles du divin Maître retentissent plus que jamais de façon éloquente: "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples [...] Et voici que je suis avec vous [...] jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,18-20). L'Eglise, se rappelant toujours du commandement du Seigneur, ne cesse de prendre soin de ses membres, de réévangéliser ceux qui se sont éloignés et de proclamer la Bonne Nouvelle à ceux qui ne la connaissent pas encore. "Sans la mission ad gentes, cette dimension missionnaire de l'Eglise serait privée de sa signification fondamentale et de sa réalisation exemplaire" (Redemptoris missio RMi 34).

Dès le début de mon pontificat, gardant tout cela à l'esprit, j'ai invité chaque personne et chaque peuple à ouvrir les portes au Christ. Ce désir missionnaire m'a poussé à entreprendre de nombreux voyages apostoliques, à conférer toujours davantage une ouverture missionnaire à toute l'activité du Siège apostolique et à favoriser un approfondissement doctrinal constant de la tâche apostolique qui revient à chaque baptisé. Tel est le contexte dans lequel est née l'Encyclique Redemptoris missio, dont nous célébrons le dixième anniversaire.


2. Lorsque j'ai publié cette Encyclique, il y a dix ans, c'était le vingt-cinquième anniversaire de l'approbation du Décret missionnaire Ad gentes, du Concile Vatican II. D'une certaine façon, l'Encyclique pouvait donc se présenter comme la commémoration de tout le Concile, dont le but fut de rendre plus compréhensible le message de l'Eglise et plus efficace son action pastorale afin de diffuser le salut du Christ à notre époque.

Il ne s'agissait cependant pas d'un texte simplement commémoratif et évocateur des intuitions conciliaires. En reprenant les grands thèmes trinitaires de mes trois premières Encycliques, j'entendais plutôt souligner avec vigueur l'urgence permanente pour l'Eglise d'accomplir son mandat missionnaire, et indiquer les nouvelles voies de sa réalisation au milieu des hommes de notre époque.

Je voudrais répéter ici ces motivations, car l'action missionnaire à l'égard des peuples et des groupes humains qui ne sont pas encore évangélisés demeure nécessaire, en particulier dans certaines régions du monde et dans des contextes culturels déterminés. Mais, à tout bien considérer, la mission ad gentes devient partout nécessaire au cours de ces dernières années, en raison des flux migratoires rapides et massifs qui conduisent des groupes non-chrétiens dans des régions à forte tradition chrétienne.

Au centre de l'activité missionnaire se trouve l'annonce du Christ, la connaissance et l'expérience de son amour. L'Eglise ne peut pas se soustraire à ce mandat explicite de Jésus, car elle priverait les hommes de la "Bonne Nouvelle" du salut. Cette annonce n'ôte pas l'autonomie propre à certaines activités, comme le dialogue et la promotion humaine, mais, au contraire, elle les fonde dans la charité qui rayonne et leur donne pour finalité de témoigner en respectant toujours les autres, dans le discernement attentif de ce que l'Esprit suscite en eux.


3. L'Année jubilaire vient de se conclure, ayant marqué pour l'Eglise un sursaut providentiel d'enthousiasme religieux. J'ai indiqué aux croyants de tout âge et de toute culture, dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, l'exigence de reprendre le large, en repartant du Christ. Il est clair que pour la mission ad gentes, cela requiert une nouvelle vigueur et un renouvellement des méthodes pastorales. Si chaque peuple et nation a le droit de connaître le joyeux message du salut, notre devoir principal est de leur ouvrir les portes vers le Christ, à travers l'annonce et le témoignage. Si, parfois, la proclamation de l'Evangile et l'adhésion publique au Christ sont impossibles pour diverses raisons, il reste toujours au chrétien la possibilité de collaborer à l'oeuvre du salut à travers la prière, l'exemple, le dialogue, le service humanitaire.

L'Eglise, enracinée dans l'amour trinitaire, est missionnaire de par sa nature, mais il faut qu'elle le devienne de fait dans toutes ses activités. Elle le sera si elle vit pleinement la charité que l'Esprit  diffuse  dans  le  coeur  des croyants et qui - comme l'enseignent les Pères - est "l'unique critère selon lequel tout doit être fait ou ne pas être fait, changé ou ne pas être changé. C'est le principe qui doit diriger toute action, et la fin à laquelle elle doit tendre" (ibid., NM NM 60).


4. Très chers frères et soeurs, dix années se sont écoulées depuis que, avec l'Encyclique Redemptoris missio, j'ai voulu mobiliser l'Eglise pour une mission ad gentes globale. Je répète à présent cette invitation, au début d'un nouveau siècle et d'un nouveau millénaire. Chaque Eglise particulière, chaque communauté, chaque association et groupe chrétien doit se sentir co-responsable de cette vaste action dans le lieu où il vit et où il oeuvre. En effet, il existe aujourd'hui dans l'Eglise pour tous les états de vie - pour les prêtres, le religieux, les religieuses, les laïcs - des possibilités inédites de coopération. Les situations qui mettent les fidèles du Christ en contact avec les non-chrétiens se multiplient. Il existe des organisations qui permettent d'oeuvrer, également au niveau international, pour sauvegarder les droits humains, pour promouvoir le bien commun et de meilleures conditions pour la diffusion du message du salut (cf. ibid., RMI RMi 82).

On ne doit cependant jamais oublier que la fidélité de l'évangélisateur à son Seigneur se trouve à la base de l'activité missionnaire. Plus la vie est sainte, plus cette mission devient efficace. L'appel à la mission est un appel incessant à la sainteté. Comment ne pas rappeler ce que, à ce propos, j'ai écrit dans l'Encyclique? "La vocation universelle à la sainteté - ai-je noté à l'époque et je le répète aujourd'hui - est étroitement liée à la vocation universelle à la mission: tout fidèle est appelé à la sainteté et à la mission" (ibid., RMI RMi 90). Ce n'est qu'ainsi que la lumière du Christ, qui se reflète sur le visage de l'Eglise, pourra également illuminer les hommes de notre époque.

Telle est la tâche principale du Successeur de Pierre, appelé à garantir et à promouvoir la communion et la mission universelle de l'Eglise. Tel est le devoir de la Curie romaine et des Evêques qui partagent avec lui un si grand ministère. C'est également une responsabilité à laquelle ne peuvent pas se soustraire les croyants de tout âge et de toute condition.

Très chers frères et soeurs, conscients de cette responsabilité, répondons nous aussi généreusement à cet appel incessant de l'Esprit Saint. Que Marie, Etoile de la nouvelle évangélisation, intercède pour nous et que les saints patrons Thérèse de l'Enfant-Jésus et François-Xavier nous aident, à travers leur exemple et leur protection.

Avec ces sentiments, je vous bénis volontiers, ainsi que le service ecclésial que vous accomplissez quotidiennement.



LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE DU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Lundi 22 janvier 2001


  Excellence,

Je suis très heureux de vous accueillir au Vatican et d'accepter les Lettres qui vous accréditent en tant qu'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République islamique d'Iran près le Saint-Siège. Les salutations cordiales que vous me transmettez de la part de Son Excellence le Président Seyed Mohammad Khatami me rappellent notre rencontre cordiale dans ces murs mêmes, il y a trois ans: dans l'esprit d'amitié et de respect qui a caractérisé la visite du Président au Vatican, je vous demande de lui transmettre mes meilleurs voeux et de l'assurer de mes prières pour sa personne et pour la nation.

Votre Excellence, vous avez souligné l'importance d'un véritable dialogue entre les cultures si l'on veut que les efforts des hommes et des femmes de bonne volonté à travers le monde puissent conduire à une ère durable de paix et de fraternité pour tous les peuples et toutes les nations. En effet, ce fut sur la proposition du Président Khatami que l'Assemblée générale des Nations unies déclara cette année 2001 "Année internationale du Dialogue entre les Civilisations". Ainsi, cette éminente institution internationale représentant la famille des nations a attiré l'attention sur le besoin urgent pour les personnes de reconnaître que le dialogue est le chemin nécessaire vers la réconciliation, l'harmonie et la coopération entre les différentes cultures et traditions religieuses. Telle est l'approche qui garantira que tous peuvent se tourner vers l'avenir avec sérénité et espérance.

Notre monde est composé d'un ensemble complexe et varié de cultures humaines. Chacune de ces cultures se distingue par son développement historique particulier et les caractéristiques qui en résultent, en font un tout organique et original. La culture, en effet, est une forme d'expression de l'homme tandis qu'il avance dans l'histoire; elle consiste, en substance, à "cultiver les biens et les valeurs de la nature" (Concile oecuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes GS 53). La culture contribue largement à ce que les personnes acquièrent un sens d'identité nationale et développent l'amour de leur pays: il s'agit de valeurs à promouvoir, non pas avec étroitesse d'esprit, mais avec respect et compassion pour toute la famille humaine. Comme j'ai eu l'occasion de le remarquer dans mon Message pour la Journée mondiale de la Paix 2001, des efforts doivent être accomplis pour éviter "les manifestations pathologiques qui apparaissent lorsque le sens de l'appartenance prend des accents d'exaltation de soi et d'exclusion de la diversité, qui se développent sous des formes nationalistes, racistes et xénophobes" (n. 6, cf. ORLF n. 51 du 19 décembre 2000).

C'est pourquoi la reconnaissance des valeurs présentes dans une culture doit être accompagnée comme il se doit par la reconnaissance que chaque culture, en tant que réalité typiquement humaine et conditionnée par l'histoire, possède obligatoirement des limites. Une telle conscience contribue à éviter que l'orgueil pour une culture ne devienne une forme d'isolement ou ne se transforme en préjugé contre d'autres cultures. L'étude attentive des autres cultures révèle que sous des divergences apparentes, se cachent d'importants éléments internes communs. La diversité culturelle peut alors être comprise au sein du contexte plus vaste de l'unité de toute la race humaine. C'est pourquoi, il devient moins probable que les différences culturelles se transforment en sources d'incompréhension entre les peuples et en cause de conflits et de guerres; il devient plus facile d'atténuer les revendications parfois exagérées d'une culture au détriment d'une autre. Dans le dialogue entre les cultures, les hommes de bonne volonté réalisent qu'il existe des valeurs communes à toutes les cultures car elles sont enracinées dans la nature même de la personne humaine. Il s'agit de valeurs qui expriment les traits les plus authentiques et distinctifs de l'humanité: la valeur de la solidarité et de la paix; la valeur de l'éducation; la valeur du pardon et de la réconciliation; la valeur de la vie elle-même.

Je suis heureux de noter que le Saint-Siège et les autorités iraniennes ont oeuvré ensemble afin de créer les opportunités d'un tel dialogue, non seulement en tant que promoteurs de diverses rencontres, mais également en tant que participants actifs. Je pense en particulier au Colloque promu de façon commune par le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux et le Secrétariat pour le Dialogue interreligieux de l'Organisation pour la Culture et la Communication islamiques, qui a eu lieu l'an dernier à Rome sur le thème du pluralisme religieux dans le christianisme et dans l'islam. Un autre Colloque, une fois de plus promu en commun par l'Organisation de la Culture islamique et par le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, est prévu à Téhéran cette année sur le thème de l'identité religieuse et de l'éducation des jeunes.

De plus, je désire exprimer ma reconnaissance pour les Conférences bilatérales que les autorités iraniennes promeuvent avec d'autres Eglises et communautés chrétiennes, dont la plus récente s'est tenue l'an dernier sur le thème: "L'islam et le christianisme orthodoxe". Un tel dialogue aidera certainement les gouvernements et les législateurs à préserver les droits civils et sociaux des personnes et des peuples, en particulier le droit fondamental à la liberté religieuse. C'est ce droit qui est le point de référence de tous les autres droits et qui devient d'une certaine façon une mesure de ceux-ci, car il concerne le domaine le plus intime de notre identité et dignité personnelles en tant qu'êtres humains. C'est pourquoi, même dans les cas où l'Etat garantit un statut juridique spécial à une religion particulière, il a le devoir de garantir que le droit de la liberté de conscience soit reconnu de façon légale et soit effectivement respecté pour tous les citoyens et les étrangers résidant dans le pays (cf. Message pour la Journée mondiale de la Paix 1998, n. 1). Si des problèmes surviennent, la façon concrète de préserver l'harmonie passe par le dialogue. Les dirigeants des nations ont le devoir particulier d'être clairvoyants, honnêtes et courageux en reconnaissant que tous les peuples possèdent les mêmes droits conférés par Dieu et la même dignité inaliénable et en oeuvrant avec dévouement pour le bien commun de tous.

A cet égard, le Saint-Siège compte sur le soutien des autorités iraniennes pour garantir que les fidèles catholiques d'Iran - présents dans cette région du monde depuis les premiers siècles du christianisme - jouiront de la liberté de professer leur foi et de continuer à faire partie de la riche vie culturelle de la nation. Bien que la communauté chrétienne représente une petite minorité dans la population totale, elle se considère comme véritablement iranienne et, après des siècles de coexistence aux côtés de ses frères et soeurs iraniens, elle se trouve dans une position unique pour contribuer à une compréhension et un respect encore plus grands entre les croyants chrétiens et les fidèles de l'islam partout dans le monde.

Monsieur l'Ambassadeur, j'ai évoqué ici quelques-uns des idéaux communs et des aspirations communes qui sont à la base de la relation croissante de respect et de coopération entre le Saint-Siège et la République islamique d'Iran. Je suis certain que votre fonction de représentant de votre gouvernement servira à renforcer les liens qui nous unissent déjà. En vous assurant de mon aide et de mon assistance dans l'accomplissement de votre noble mission, je prie pour que Votre Excellence, ainsi que le gouvernement et le peuple iranien que vous représentez, receviez les Bénédictions de Dieu tout-puissant.



AUX SOEURS AUGUSTINIENNES SERVANTES DE JÉSUS ET MARIE

Lundi 22 janvier 2001


  Très chères soeurs!

1. Je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui et de vous souhaiter une cordiale bienvenue, en conclusion des célébrations pour le 150ème anniversaire de la mort de Mère Maria Teresa Spinelli, Fondatrice de votre Congrégation religieuse. Je vous salue toutes avec affection. Je désire adresser une pensée spéciale à la Supérieure générale, Mère Atanasia Buhagiar, à ses conseillères et à ceux qui, à divers titres, composent le Comité d'organisation des fêtes du centenaire. A travers votre visite, vous entendez réaffirmer une sincère dévotion au Vicaire du Christ et une pleine adhésion à son magistère, dans l'esprit de votre fondatrice, qui vous a laissé en héritage la consigne d'une fidélité sans réserve au Successeur de Pierre.

Vous considérez, à juste titre, ce don extraordinaire avec une profonde admiration.

Née à Rome en 1789, et ayant choisi l'état religieux en 1827, elle sut devenir l'humble et généreuse imitatrice de sainte Rita da Cascia. Je suis certain que le réexamen des sources de sa spiritualité et de son oeuvre que vous avez effectué au cours de cette année saura susciter en chacune de vous, ses filles spirituelles, une vive conscience de la validité et de l'actualité de sa méthode apostolique. Vous pourrez ainsi offrir une contribution significative à l'engagement de la nouvelle évangélisation, qui concerne toute la Communauté ecclésiale.


2. A l'occasion de cet anniversaire significatif, votre intention est de réfléchir sur les intuitions charismatiques qui ont marqué la naissance de votre famille religieuse. Ce retour aux racines, que l'Eglise propose avec insistance aux Instituts religieux, n'est pas un retour nostalgique au passé. Il s'agit plutôt d'une reprise, à l'heure présente, avec un enthousiasme renouvelé, de l'engagement des origines, en conservant intact l'esprit des fondateurs, tout en effectuant les adaptations nécessaires que les nouvelles exigences du temps imposent.

L'Année Sainte vient de se conclure et, dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, j'ai voulu inviter l'Eglise à "prendre le large". C'est ce que je vous répète, très chères soeurs: il faut repartir du Christ! Tel est également pour vous l'engagement prioritaire.

Ne détournez pas le regard du visage du Seigneur: contemplez-le dans la prière incessante et servez-le à travers l'action caritative parmi les humbles et les indigents.

Que votre effort soit d'harmoniser la dimension contemplative et l'élan missionnaire, qui constituent les deux piliers fondamentaux de votre identité religieuse, selon le très bel exemple de Mère Spinelli.


3. Qui demeure en contact incessant avec le Seigneur est en mesure de mieux répondre aux attentes des hommes, en particulier de ceux qui sont en difficulté. "Le Christ contemplé dans la prière est Celui-là même qui vit et souffre dans les pauvres" (Vita consecrata VC 82). C'est ce que comprit parfaitement votre Fondatrice, qui en tira l'élan pour offrir la chaleur d'une famille à de nombreuses créatures privées de leur famille naturelle. Seul celui qui a personnellement rencontré le Christ peut parler de lui de façon convaincante au coeur de ses frères et les conduire à vivre une expérience si profonde de son amitié qu'ils s'en sentiront intérieurement touchés et transformés.

Votre Mère fondatrice et ses premières compagnes, imprégnées de spiritualité augustinienne, purent réaliser un modèle de communion marqué par celui de la première communauté apostolique. Vous devrez continuer à marcher vous aussi dans ce sillage, bien conscients que la centralité de la vie fraternelle exprimée dans la Règle d'Augustin d'Hippone, se résume dans le fait d'être réellement "cor unum et anima una in Deum"


4. Très chères soeurs! Vous êtes une partie vivante de l'Eglise, et votre Mère fondatrice aimait à répéter: "De tout coeur j'offre à Dieu ma vie pour me consumer au bénéfice de l'Eglise et des pauvres pécheurs". Suivez son exemple; marchez sur ses traces, en priant en communauté et chaque jour pour ceux qui se prodiguent pour la défense de la foi et la diffusion du message évangélique.

J'implore sur chacune de vous l'assistance permanente de la Sainte Vierge afin que, aidées par Elle, Mère et modèle de toute consécration, vous puissiez être fidèles à votre vocation.

Avec ces voeux, je vous donne de tout coeur une Bénédiction spéciale, ainsi qu'au Conseil général, aux membres de votre Famille religieuse et à ceux qui s'unissent à vous au cours de cet événement jubilaire significatif.


Discours 2001 - Samedi, 13 janvier 2001