Discours 2001 - Mardi 13 février 2001


LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE DU NOUVEL AMBASSADEUR D'AUTRICHE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Mardi 13 février 2001



Monsieur l'Ambassadeur,

1. Je vous prie d'accepter mes remerciements sincères pour vos paroles à l'occasion de la présentation de vos Lettres de Créance en tant qu'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République d'Autriche près le Saint-Siège. Tandis que vous commencez votre mission, je vous souhaite une cordiale bienvenue et je vous offre mes meilleurs voeux pour cette noble et importante tâche. Dans le même temps, je vous prie de bien vouloir transmettre mes salutations cordiales au Président fédéral.


2. Lorsque je pense à l'Autriche, mes pensées se tournent inévitablement vers les trois visites pastorales qui m'ont conduit dans votre pays bien-aimé au cours de mon pontificat. Outre les rencontres privées avec de nombreux représentants de la vie ecclésiale et sociale, je garde un souvenir particulièrement vif du cadre culturel qui caractérise la République alpine; mais celle-ci est également riche du trésor que le christianisme a engendré et qui doit être préservé et encouragé au cours du nouveau millénaire qui vient de commencer.

Cette tâche est d'autant plus urgente lorsque l'on considère la situation géographique de l'Autriche en Europe. Je voudrais souligner ce que vous avez mentionné dans votre discours: la chute du rideau de fer a également marqué un tournant quant au rôle que joue votre pays. L'Autriche est passé d'un pays de frontière à un "pays-pont". La ligne de séparation entre deux mondes s'est effacée et a laissé la place à un aréopage dans lequel l'Ouest et l'Est de l'Europe peuvent se rencontrer dans la paix.

Je constate avec satisfaction que l'Autriche devient de plus en plus consciente de sa responsabilité en tant que pays au coeur de l'Europe et, dans la mesure de ses possibilités, soutient activement l'expansion de l'Union européenne dans le sens d'une européisation de tout le continent. C'est également le désir du Saint-Siège, qui, en ce moment historique, appelle inlassablement à une "transformation culturelle" pour défendre et promouvoir la dignité de la personne humaine (cf. Evangelium vitae EV 95).


3. Quiconque se tourne vers l'Europe ne peut s'empêcher d'étendre également son regard au continent. La culture européenne est issue d'un enchevêtrement de nombreuses racines: il y a l'esprit de la Grèce ancienne, ainsi que l'Imperium Romanum avec ses peuples latin, slave, germanique et finno-ougrien. Lorsque la foi chrétienne parvint à Rome, l'Empire romain devint la base de son inculturation dans les peuples et, de cette façon, de son expansion effective. Le Corpus Christianorum s'est formé toujours plus comme une famille spirituelle d'Etats, composée de membres romains, germaniques et slaves, et qu'il est impensable d'imaginer sans les valeurs chrétiennes. Il a marqué ainsi de façon fondamentale le visage de l'Europe et a profondément influencé l'héritage occidental, qu'il nous revient de conserver vivant.

Précisément à une époque où le christianisme peut se retourner vers ses 2000 ans d'existence, nous avons le devoir important d'être non seulement les gardiens du passé, mais également les créateurs d'un avenir qui réveillera les espérances des peuples. Le projet de l'"Europe", en tant qu'ensemble, et les Etats individuels qui doivent y trouver leur place, se trouvent désormais à un carrefour: devenir un jardin luxuriant ou bien un étang marécageux. Je désire profiter de cette occasion pour souligner plusieurs domaines dans lesquels le Saint-Siège et l'Autriche peuvent poursuivre et approfondir leur collaboration éprouvée afin de préparer le terrain pour un jardin luxuriant.


4. Si le jardin doit fleurir, il doit être un lieu où la vie est encouragée. C'est pourquoi doit prévaloir dans nos sociétés une "culture de la vie". Quiconque affirme à juste titre que cette dignité personnelle est une possession inaliénable de chaque être humain ne peut avoir aucun doute sur le fait que cette dignité personnelle trouve son expression première et fondamentale dans le caractère inviolable de la vie humaine. Lorsque le droit à la vie n'est pas fermement défendu comme condition de tous les autres droits, toutes les autres références aux droits humains - à la santé, au logement, au travail, à la famille - demeurent vains et illusoires.

Nous ne pouvons nous résigner face aux nombreuses atteintes portées à la personne humaine en ce qui concerne son droit à la vie. Pour cette raison, l'Eglise soutient tout effort politique en harmonie avec le principe que j'ai exprimé dans mon premier message de Noël et qui demeure valable, aujourd'hui plus que jamais: "Pour Lui et en face de Lui, l'homme est toujours quelqu'un d'unique, d'absolument singulier, quelqu'un éternellement pensé et éternellement choisi, quelqu'un appelé et nommé par son propre nom" (Message Urbi et Orbi, 25 décembre 1978; ORLF n. 52 du 26 décembre 1978).


5. L'homme possède donc un droit à la vie à toutes les étapes de son existence, du moment de sa conception jusqu'à sa mort naturelle. Il conserve ce droit dans toutes les conditions dans lesquelles il se trouve: dans la santé ou la maladie, dans la perfection physique ou le handicap, dans la richesse et la pauvreté. C'est pourquoi, le fait que l'avortement soit autorisé au cours des trois premiers mois de la grossesse dans de nombreux pays européens, y compris l'Autriche, demeure une blessure sanglante dans mon coeur.

Ce qui s'applique au début de la vie s'applique également à sa fin: malheureusement, il semble que dans le débat croissant sur l'euthanasie, l'affirmation selon laquelle l'homme a reçu la vie comme un don devient de moins en moins répandue. Il devient donc toujours plus difficile de défendre le droit humain à mourir lorsque Dieu l'a décidé. La mort également fait partie de la vie. Quiconque prive une personne du droit à la vie au terme de son existence terrestre se prive, en ultime analyse, lui-même de sa vie, même s'il tente de dissimuler le crime de l'euthanasie sous le masque d'une "mort digne".

Enfin, c'est avec une profonde préoccupation que je voudrais mentionner la responsabilité qui découle de l'immense développement dans le domaine des sciences biologiques et médicales ainsi que des étonnants progrès technologiques qui y sont liés: aujourd'hui, l'homme est en mesure non seulement d'"observer" la vie humaine dès son commencement et au cours des premières étapes de son développement, mais également de la "manipuler" et de la "cloner".

A la lumière de ces immenses défis, j'encourage des "actions concertées" dans le but de "rappeler la culture aux principes d'un authentique humanisme, afin que la promotion et la défense des droits de l'homme puissent trouver un fondement dynamique et solide dans son essence même" (Christifideles laici CL 38).


6. Un jardin est en fleur lorsque plusieurs fleurs s'épanouissent ensemble. Cette image s'applique également aux personnes dans le jardin de la société. La société est le signe que les personnes sont appelées à vivre en communauté. Cette dimension sociale de l'existence humaine trouve son expression première et primordiale dans le mariage et la famille. En tant que berceau de la vie dans lequel les êtres humains naissent et grandissent, la famille représente la cellule de base de la société.

A travers ses initiatives pastorales, l'Eglise s'allie avec enthousiasme à tous ceux qui, à travers des décisions politiques, des mesures législatives ou des moyens financiers, soutiennent le mariage et la famille comme le lieu privilégié pour l'"humanisation" de l'individu et de la société. L'objectif de l'édification d'une "civilisation de l'amour" allant de pair avec une "culture de la vie", à travers le renforcement du mariage et de la famille, doit être poursuivi avec urgence, car les atteintes à la stabilité et à la fécondité du mariage deviennent de plus en plus diffuses, de même que les tentatives visant à relativiser le statut légal de cette cellule fondamentale de la société.

L'expérience montre que la stabilité des nations est encouragée avant tout par des familles florissantes. De plus, "l'avenir de l'humanité passe par la famille (Familiaris consortio FC 86). C'est pourquoi la famille exige un respect et une protection particulières de la part des autorités publiques. Le jardin de notre société redeviendra luxuriant lorsque les familles fleuriront à nouveau.


7. De plus, la famille représente un lieu particulier d'apprentissage. Elle n'est pas seulement le "sanctuaire de la vie" (Evangelium vitae EV 94), mais également une école de "charité sociale" miniature (Centesimus annus CA 10), qui, à grande échelle, est appelée "solidarité". Il ne s'agit "donc pas [d']un sentiment de compassion vague ou d'attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines. Au contraire, c'est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun; c'est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous (Sollicitudo rei socialis, n. 38). A cet égard, je voudrais rappeler un principe qui sous-tend tout ordre politique stable: plus les personnes sont sans défense dans la société, plus elles dépendent de la sollicitude et du soin des autres, en particulier de l'intervention de l'autorité de l'Etat.

C'est pourquoi je salue toutes les initiatives visant à promouvoir la famille et les politiques sociales caractérisées par l'allocation d'aides appropriées et des formes actives de soutien aux enfants et d'assistance aux personnes âgées, afin que celles ci ne soient pas séparés de leurs familles, et que les relations entre les générations soient ainsi renforcées. J'exprime également ma gratitude pour tous les efforts accomplis dans votre pays afin de créer des réseaux sociaux les plus étroits possibles pour les familles. Chaque fois que cela sera possible, l'Eglise les soutiendra avec joie à travers ses associations caritatives.

A cet égard, il faut dire que de nombreux besoins humains exigent bien plus qu'une aide matérielle; il s'agit souvent d'entendre des questions intérieures plus profondes. On pense également à la situation des migrants, des réfugiés, des porteurs de handicap et de toutes les personnes dans le besoin qui ne sont véritablement aidées que lorsqu'une aide fraternelle sincère est apportée aux côtés de mesures extérieures. C'est pourquoi je suis fermement convaincu qu'à l'avenir, l'Autriche continuera d'offrir sa solidarité généreuse et son amour actif du prochain et de celui qui est dans le besoin.

Ce souhait ne s'arrête pas aux frontières d'un pays. Il concerne tout le continent afin que, alors que l'Europe croît de façon toujours plus étroite, on puisse en mesurer également la croissance en fonction de sa capacité à promouvoir la solidarité entre les pays les plus riches et les plus pauvres.


8. Je ne peux conclure mes réflexions sans exprimer ma certitude que les relations amicales entre la République d'Autriche et le Saint-Siège, que vous avez soulignées à juste titre dans votre discours, se développeront de façon productive.

Dans notre contexte social actuel, marqué par une lutte dramatique entre la "culture de la vie" et "la culture de la mort", nous sommes liés par l'objectif commun, plus de dix ans après la transformation politique, de réaliser une transformation culturelle également, qui conduira à une mobilisation des consciences et instaurera de nouvelles priorités pour la volonté humaine: la primauté des êtres sur les choses (cf. Evangelium vitae EV 98). C'est le bien-être de la personne humaine qui doit être au centre de la préoccupation commune de l'Etat et de l'Eglise en oeuvrant ensemble en tant que partenaires dans la promotion de nobles valeurs et idéaux.

Monsieur l'Ambassadeur, tandis que je vous souhaite cordialement un bon séjour à Rome, je vous donne avec joie, ainsi qu'au personnel de votre Ambassade et à votre famille, ma Bénédiction apostolique.


  MESSAGE DU SAINT-PÈRE AU PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DE SAINT-VINCENT-DE-PAUL

Mercredi 14 février 2001




A Monsieur José Ramón Díaz-Torremocha,
Président de la Société de Saint-Vincent-de-Paul

1. A l’occasion de la réunion du Comité international de Coordination de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, je suis heureux de vous saluer, et par votre intermédiaire de saluer les membres du Comité international de Coordination et ceux du Conseil général international. Vous représentez une forme éminente de charité qui se réalise sur tous les continents, le service des pauvres qui est, comme aimait à le rappeler Monsieur Vincent, une manière de servir le Christ. Par son engagement quotidien, votre association constitue pour l’Eglise un rappel permanent de sa vocation à manifester l’amour préférentiel du Christ pour les pauvres.

2. Au cours du Jubilé de l’Incarnation, "grande a été la joie de l’Eglise, qui s’est adonnée à la contemplation du visage de son Epoux et Seigneur" (Novo millennio ineunte NM 1). Cette contemplation habite la vie, la prière et l’action de l’Église, l’invitant à faire sien le regard de tendresse et de compassion du Christ lui-même, qui rappelle à chaque personne la valeur de sa dignité et la place unique qu’elle occupe dans le coeur de Dieu: "Vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus Christ: lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté" (2Co 8,9). La vie spirituelle et l’action apostolique de Frédéric Ozanam, votre devancier que j’ai eu la joie de béatifier à Paris en 1997, ont été profondément marquées par cette contemplation du visage du Christ dans les pauvres. Une telle attitude spirituelle est essentielle pour vos engagements apostoliques et pour le dynamisme des Conférences. Ainsi, je vous encourage à être toujours dans le contact personnel avec les pauvres, à l’exemple de votre fondateur, des témoins de la charité ainsi que de la justice, qui contribuent au développement intégral des personnes.

3. "L’amour est inventif jusqu’à l’infini". Ces paroles de saint Vincent de Paul expriment merveilleusement cette réalité dans l’Eglise: l’Esprit suscite de nombreux charismes, pour que les communautés chrétiennes soient le signe de la tendresse infinie de notre Père des Cieux. En apportant votre pierre spécifique à la mission des Eglises particulières, "en pleine harmonie ecclésiale et en obéissance aux directives émanant de l’autorité des Pasteurs" (Novo millennio ineunte NM 46), vous participez à l’édification d’une société fondée sur l’amour et sur la solidarité. Par une collaboration active avec les diverses instances locales de coordination de l’apostolat de la charité, vous réalisez le vif désir qui enflammait le coeur du bienheureux Ozanam: embrasser le monde entier dans le filet de la charité. Dans cet esprit d’unité, les associations internationales de fidèles laïcs sont appelées à s’insérer de manière appropriée dans le tissu ecclésial; c’est pourquoi l’Eglise propose différentes formes de reconnaissance juridique, dans le respect des charismes et des diversités légitimes. Il est à souhaiter que la Société de Saint-Vincent-de-Paul, dont l’histoire est plus que centenaire, puisse poursuivre sa réflexion avec les autorités compétentes, dans les diocèses et au Saint-Siège, notamment avec le Conseil pontifical pour les Laïcs, en vue d'harmoniser ses fondements institutionnels et sa pratique avec sa réalité ecclésiale d'association internationale de fidèles laïcs qui cherchent la sainteté dans le service des pauvres.

4. Comme je le soulignais dans la récente lettre apostolique Novo millennio ineunte, l’heure est venue d’une "nouvelle imagination de la charité, qui se déploierait non seulement à travers les secours prodigués avec efficacité, mais aussi dans la capacité de se faire proche, d’être solidaire avec ceux qui souffrent" (NM 50). Je demande à la Vierge Marie de vous aider à trouver sans cesse de nouvelles voies pour l’amour des pauvres, afin que toute l’Eglise vive chaque jour cette charité de proximité, et je vous accorde de grand coeur la Bénédiction apostolique, que j’étends à tous les membres et amis de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.

Au Vatican, le 14 février 2001.

IOANNES PAULUS II


LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE DU NOUVEL AMBASSADEUR DU PÉROU PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Vendredi 16 février 2001



Monsieur l'Ambassadeur,

1. C'est avec un grand plaisir que je vous reçois en cet acte solennel de présentation des Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Pérou auprès de ce Siège apostolique, et je me réjouis de vous souhaiter une cordiale bienvenue au moment où vous commencez l'importante fonction que votre gouvernement vous a confiée. Je vous remercie de vos paroles courtoises et, en particulier, du salut de M. Valentín Paniagua Corazao, Président de la République, auquel j'exprime en retour, mes meilleurs voeux pour que son service au peuple péruvien, en ce moment de son histoire, aide chacun à progresser sur le chemin de la concorde, de l'entente mutuelle et de la paix.


2. Vous venez en tant que représentant d'un peuple qui, comme vous le rappelez, plonge ses racines dans l'histoire, étant le dépositaire d'un riche héritage culturel et moral. En effet, la civilisation inca, représentant la splendeur passée du Pérou, s'est amalgamée au fil des siècles avec la culture occidentale à partir de l'arrivée de l'Evangile, faisant des Péruviens un peuple profondément religieux, dans lequel le christianisme constitue une partie de son identité. Dans ce milieu, la foi et la religiosité ont produit des fruits excellents, parmi lesquels l'Eglise rend hommage aux saints Toribio de Mogrovejo et Martín de Porres, Juan Macías et Francisco Solano, à sainte Rose de Lima et à la bienheureuse Ana de los Angeles Monteagudo.

Vous avez également fait référence aux deux inoubliables voyages que j'ai accomplis dans votre pays, le premier en 1985 et le second, trois années plus tard, pour la clôture du Congrès eucharistique bolivarien. En ces deux occasions, j'ai eu la joie de rencontrer un peuple accueillant et ouvert, que j'ai encouragé à poursuivre le chemin entrepris, en mettant à profit toutes les ressources que possède l'âme péruvienne.


3. La contribution de l'Eglise, au cours des presque cinq cents ans de sa présence au Pérou, a été importante et généreuse, annonçant la Bonne Nouvelle à tous ses habitants. Ce service à l'homme péruvien apparaît de façon tangible, y compris dans la Constitution qui, dans son article 50, proclame que l'Eglise a joué un rôle "important dans la formation historique, culturelle et morale du Pérou". En effet, il n'est pas difficile de découvrir ces caractéristiques dans les moments significatifs de l'histoire péruvienne.

Vous avez également rappelé la présence de l'Eglise dans le domaine de l'éducation, avec la création d'écoles et d'universités, ainsi que dans celui de la santé et de l'assistance aux plus nécessiteux. L'épiscopat péruvien a la ferme intention de poursuivre cette voie, sur laquelle, comme je l'ai écrit récemment "il s'agit de poursuivre une tradition de charité qui a déjà revêtu de multiples expressions au cours des deux millénaires passés, mais qui aujourd'hui, requiert sans doute encore une plus grande inventivité" (Novo millennio ineunte NM 50).

A travers sa Doctrine sociale, l'Eglise contribue également au bien de la société. En effet, elle ne prétend pas résoudre les problèmes sociaux à partir d'un point de vue technique et administratif, propre à l'autorité civile, mais grâce à son sens de la personne, à la promotion de la solidarité et à l'attention aux plus faibles, elle cherche à contribuer à l'instauration d'une vie sociale meilleure.


4. La crise politique et institutionnelle que votre pays a vécue au cours des mois passés, à laquelle vous avez également fait référence, Monsieur l'Ambassadeur, a créé de nombreux problèmes pour le pays. J'ai suivi avec attention le développement des événements, en demandant au Seigneur que la vie des Péruviens n'en soit pas perturbée. A présent, il faut conjuguer les efforts, en laissant de côté les opinions partisanes afin que, grâce à la collaboration de tous, et avec honnêteté et bonne volonté, soit créé un climat de confiance, de justice réelle, de loyauté, de transparence, de respect mutuel, de paix et de liberté. De cette façon, le peuple péruvien pourra surmonter cette crise et retrouver les valeurs morales d'une société juste, équitable, solidaire et honnête, promouvant un Etat de droit dans lequel tous les citoyens se sentent coresponsables et participent à l'édification de la patrie et à la réalisation du bien commun.

C'est pourquoi il sera important de travailler pour améliorer la situation économique, en surmontant le fléau de la pauvreté engendrée par la dette extérieure et intérieure importante, qui doit être affronté par tous les acteurs de la vie sociale. En diverses occasions, j'ai fait référence à ce grave problème à l'échelle mondiale, souhaitant une remise, ou tout au moins une réduction significative, de la dette extérieure de la part des pays créditeurs, qui permettrait à ceux qui se trouvent dans ces conditions de considérer l'avenir avec optimisme, de promouvoir un développement adapté et d'atteindre le niveau de bien-être désiré.

Le retour à une démocratie normale doit inéluctablement être accompagné du rétablissement de principes moraux et éthiques authentiques. En effet, comme je l'ai répété de nombreuses fois, la vie politique doit respecter la vérité et les valeurs, car "une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l'histoire" (Centesimus annus CA 46).

Je désire également faire référence au processus de paix avec la nation-soeur de l'Equateur, avec laquelle un Accord a été signé, également favorisé par la coopération pleine d'abnégation des deux Conférences épiscopales. Il est indispensable, en surmontant toute tentation de retour en arrière, d'aller de l'avant dans un climat de coexistence propre aux pays qui sont unis par de multiples valeurs et en conformité avec la tradition pacifique de la région. Votre pays a également résolu les questions en suspens avec le Chili, en signant en novembre 1999 l'Acte d'exécution des clauses du Traité de Lima de 1929, à travers lequel le Pérou a manifesté sa volonté de concentrer ses efforts sur le développement et le bien-être de la société.


5. Pour conclure, Monsieur l'Ambassadeur, je forme les meilleurs voeux pour le bon déroulement de votre mission. Le Saint-Siège est disposé à accomplir tout ce qui peut être bénéfique au cher peuple péruvien et aux bonnes relations qui existent entre nous. Je demande au Seigneur, à travers l'intercession de Notre-Dame de l'évangélisation et de tous les saints péruviens, de vous assister dans l'exercice de vos fonctions, qu'il bénisse votre famille, vos collaborateurs, ainsi que les dirigeants et les citoyens de la noble nation péruvienne, pour lesquels je prie toujours avec une grande affection et estime.




AUX SERVANTES DE MARIE MINISTRE DES MALADES

Vendredi 16 février 2001



Chères soeurs,

1. Je suis heureux de vous recevoir aujourd'hui et de saluer cordialement la Révérende Mère générale, Soeur Josefa Oyarzábal, ainsi que ses Conseillères et ses autres collaboratrices dans la tâche de gouverner l'Institut et les Soeurs de la Communauté de Rome. Vous êtes venus à cette rencontre pleines de joie, en raison des diverses commémorations que vous célébrerez au cours de cette année: le 175ème anniversaire de la naissance de la Mère fondatrice, sainte María Soledad Torres Acosta, le 150ème anniversaire de la fondation de l'Institut et le 125ème anniversaire de son approbation pontificale. Il s'agit d'occasions propices pour rendre grâce au Seigneur qui "a jeté les yeux sur l'abaissement de sa servante" (Lc 1,48) et a voulu tracer, à travers ses dons, un itinéraire spirituel de sainteté, qui enrichit l'Eglise et est un ferment évangélique dans le monde. C'est pourquoi je m'unis à votre joie et je répète mon estime pour les personnes consacrées qui "ont contribué à manifester le mystère et la mission de l'Eglise par les multiples charismes de vie spirituelle et apostolique que leur donnait l'Esprit Saint, et ont aussi concouru par le fait même à renouveler la société" (Vita consecrata VC 1).


2. Je saisis cette occasion pour vous exhorter à être fidèles à votre charisme de fondation, car il s'agit d'une inspiration de l'Esprit Saint à travers votre Mère fondatrice. De fait, il faut constamment avoir recours à Lui pour reconnaître le don de Dieu et recevoir l'eau vive (cf. Jn 4,10) qui irrigue et rend fécond l'itinéraire historique de l'Eglise. Sainte María Soledad fut très attentive à l'Esprit, ouvrant tout son être à l'action salvifique et sanctifiante de Dieu (cf. Dominum et vivificantem DEV 58) lorsque, face à ce qui semblait une simple exigence d'assistance à son époque, elle découvrit l'appel à rendre témoignage de la présence du Royaume de Dieu dans le monde, à travers l'un de ses signes sans équivoque: j'étais "malade et vous m'avez visité" (Mt 25,36).

Bien que diverses circonstances aient changé depuis cette époque, le Christ continue à se manifester également aujourd'hui dans les nombreux visages qui nous parlent d'indigence, de solitude et de douleur. Il est donc nécessaire de conserver un profond esprit de prière, d'intimité avec Dieu, qui donne vie aux gestes du service spécifique que vous accomplissez, car "le Christ contemplé dans la prière est Celui-là même qui vit et qui souffre dans les pauvres" (Vita consecrata VC 82).

En outre, la particularité de votre principal dévouement, l'attention aux malades à domicile et gratuitement, possède un écho neuf à notre époque, où l'on cherche très souvent à occulter dans la vie quotidienne la réalité de la maladie ou de la mort. A travers ce service vous proclamez de façon très éloquente que la maladie n'est pas un poids insupportable pour l'être humain, et qu'elle ne prive pas le patient de sa pleine dignité de personne. Au contraire, elle peut se transformer en une expérience qui enrichit le malade et toute sa famille. De cette façon, en tendant la main à la personne qui souffre, votre mission se transforme également en une aide pour soutenir la force d'âme des proches et en un soutien subtil à la cohésion dans les foyers domestiques, où personne ne doit se sentir un poids.

Le charisme dont vous êtes les héritières vous projette donc vers un avenir où l'Eglise sera appelée "à poursuivre une tradition de charité qui a déjà revêtu de multiples expressions au cours des deux millénaires passés, mais qui aujourd'hui requiert sans doute encore une plus grande inventivité" (Novo millennio ineunte NM 50). Vous avez devant vous le défi d'une humanité dans laquelle un grand nombre de nos frères, en plus d'une aide efficace dans les moments délicats de leur vie, ont besoin, aussi et surtout, de respect, de proximité et de solidarité (cf. Ibid. NM NM 50).


3. Je vous exhorte donc à vivre les célébrations de cette année, au début d'un nouveau millénaire, comme une occasion providentielle pour revitaliser votre don personnel et vos oeuvres, qui sont déjà présentes en Afrique, en Amérique et en Europe. Vous savez bien que l'authentique renouvellement se produit quand "le don de soi au Seigneur Jésus est plus intérieur, la forme communautaire d'existence plus fraternelle, l'engagement dans la mission spécifique de l'Institut plus ardent" (Vita consecrata VC 72).

Je prie la Vierge Marie, Santé des Malades, de vous assister dans vos efforts et d'entrer avec vous dans les foyers domestiques pour montrer Jésus, le vrai Sauveur et Rédempteur de tout être humain à travers son sacrifice sur la Croix et sa résurrection glorieuse.

Alors que j'invoque l'intercession de sainte Soledad Torres Acosto en faveur de chacune de ses filles, je vous donne de tout coeur la Bénédiction apostolique, que j'étends avec plaisir à toutes vos soeurs, les Servantes de Marie Ministre des Malades.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DE YOUGOSLAVIE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Vendredi 16 février 2001



Chers frères dans l'épiscopat!

1. "Que notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, ainsi que Dieu notre Père, qui nous a aimés et nous a donné, par grâce, consolation éternelle et heureuse espérance, consolent vos coeurs et les affermissent en toute bonne oeuvre et parole" (2Th 2,16-17). A travers ces paroles de saint Paul aux chrétiens de Thessalonique, je vous salue cordialement, chers pasteurs de l'Eglise qui est en République fédérale de Yougoslavie. Vous êtes venus en visite ad limina Apostolorum, pour manifester votre communion catholique et votre attachement au Successeur de Pierre. Je remercie Mgr Franc Perko, Archevêque métropolitain de Belgrade, et Président de la Conférence épiscopale, des paroles courtoises qu'il a voulu m'adresser également en votre nom.

A travers vous, j'adresse une pensée reconnaissante aux prêtres, aux personnes consacrées et à tous ceux qui coopèrent avec vous dans l'oeuvre d'évangélisation. Que le Seigneur vous récompense tous abondamment, comme Lui-même l'a promis.

Au cours de ces derniers jours, j'ai pu avoir un entretien fraternel avec chacun de vous, et je vous suis reconnaissant pour les paroles d'espérance que vous m'avez transmises en ce qui concerne les Eglises que le Saint-Esprit vous a données à diriger, et, en tant que successeurs des Apôtres, à en préserver le dépôt de la foi (cf. Ac 20,28-31). Avec vous, j'élève une prière au Père, dont nous vient tout don excellent, toute donation parfaite (cf. Jc Jc 1,17), afin que le peuple croyant, dont vous êtes les pasteurs, sache accueillir favorablement toute occasion pour témoigner de la Bonne Nouvelle et apporter des fruits abondants de sainteté.


2. Ma rencontre avec vous me donne la possibilité de constater avec quel zèle et quelle disponibilité vous vous efforcez d'apporter une réponse adaptée aux exigences pastorales du moment actuel. Je vous exhorte à continuer avec courage, avec les prêtres, dans l'accomplissement de vos devoirs au service du Peuple de Dieu qui vit dans vos régions, en ne reculant devant aucune difficulté ni sacrifice. Je souhaite de tout coeur que le nouveau climat politique, qui s'est créé au cours des derniers mois, ouvre de nouvelles perspectives et offre de nouvelles possibilités pour l'accomplissement régulier des activités de la communauté catholique du pays.

Dans votre service, regardez toujours l'exemple du Bon Pasteur, le Seigneur Jésus-Christ. Lorsque la difficulté pourrait vous sembler vaine, prêtez l'oreille au Maître, qui vous répète à vous également: "Avance en eau profonde et lâchez vos filets pour la pêche". Faites alors vôtre, la réponse de Pierre: "Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ta parole, je vais lâcher les filets" (Lc 5,4-5).

Demeurez attentifs au souffle de l'Esprit Saint, et, avec vos communautés diocésaines, laissez-vous guider par Lui. Il ne cesse de donner en abondance des encouragements et des dons aux communautés et aux fidèles. Vous ne manquerez pas alors d'audace apostolique, de clairvoyance prophétique, de la sagesse nécessaire pour être des maîtres de vie et des pasteurs pleins de zèle à l'égard du troupeau qui vous a été confié.

3. Nous vivons un moment historique particulièrement riche de lumières et d'ombres. En franchissant le seuil du nouveau millénaire, à l'horizon de l'Eglise se profile un nouveau bout de chemin à parcourir avec une audace missionnaire. Tournons-nous avec confiance vers l'avenir, car lui aussi est illuminé par l'Evangile, "force de Dieu pour le salut de tout homme qui croit" (Rm 1,16). C'est précisément à nous, disciples du Christ, qu'il revient de diffuser ce message lumineux aux hommes, aux familles et à toute l'humanité du troisième millénaire.

La diversité des situations, dans lesquelles se trouvent vos communautés diocésaines, ne permet malheureusement pas, comme cela serait souhaitable, de programmer des activités pastorales communes dans chaque secteur. Mais cela ne vous empêche pas d'échanger vos expériences et de vous aider les uns les autres, en partant des réalités que vous avez déjà en commun. En unissant vos intentions et en évitant la dispersion des ressources disponibles et des forces de vos communautés diocésaines, tentez de coordonner vos efforts. Cela vous permettra d'apporter un élan supplémentaire à la nouvelle évangélisation, en faisant participer tous les hommes et les femmes de tout âge, les familles, les paroisses. Tout le Peuple de Dieu - prêtres, religieux, religieuses et fidèles laïcs - doit se sentir engagé de façon responsable, avec vous, dans la vaste oeuvre de l'évangélisation. Du Baptême jaillit pour chaque croyant l'appel à offrir dans l'Eglise sa contribution typique selon l'état de vie dans lequel il se trouve.


4. L'annonce de l'Evangile aura un plus grand impact si, comme il se doit, elle est accompagnée d'un témoignage de vie cohérent et fidèle au Christ, d'une recherche des moyens et des méthodes pastorales à adopter pour apporter des réponses adéquates aux défis de notre temps. Que les activités pastorales visent donc à susciter une adhésion fidèle au Christ et à son Evangile. Cet engagement pastoral donnera des fruits abondants s'il insiste sur la centralité de la Parole de Dieu et sur l'importance vitale des Sacrements. Telle est la voie de la croissance dans la foi, dans l'espérance et dans la charité; la voie de la sainteté à laquelle chaque croyant doit tendre chaque jour.

L'urgence de l'évangélisation exige une attention permanente à la formation des candidats au sacerdoce et à la vie consacrée. La formation permanente du clergé sur le plan théologique, liturgique et pastoral, est également nécessaire. Dans le même temps, il faut promouvoir une intense pastorale des vocations, soutenue par une prière constante, qui concerne et responsabilise toute la communauté ecclésiale.

Pour un renouveau de la vie religieuse dans le pays où vous vivez et oeuvrez, la valorisation de la saine dévotion populaire, les missions dans le peuple et tous les moyens pastoraux traditionnels, auxquels doivent être unis ceux qui correspondent aux exigences modernes, y compris l'utilisation des instruments de la communication sociale, peuvent vous être utiles. A la lumière de la Parole de Dieu et du Magistère de l'Eglise, sachez valoriser les expériences du passé et les nouvelles occasions d'annonce du salut.

Il faut en outre tenir compte de la nécessité d'inculturer l'Evangile dans les réalités de la vie quotidienne, car celui qui les accueille s'engage en vue de l'édification de la civilisation de l'amour et de la paix. Il s'agira également d'une contribution au développement de la culture et à son progrès constant. En effet, "la culture est une expression caractéristique de l'homme et de son histoire, au niveau individuel et collectif [...] être homme signifie nécessairement exister dans une culture déterminée" (Message pour la Journée mondiale de la Paix 2001, nn. 4-5; cf. ORLF n. 51 du 19 décembre 2000).

Je connais les circonstances dramatiques dans lesquelles vos populations se sont trouvées par le passé. Vous m'avez informé sur la situation difficile actuelle, en particulier en ce qui concerne la persistance de tensions politiques et sociales, qui risquent de se transformer en nouveaux conflits. Encouragez vos fidèles à ne pas céder à la tentation du recours à la violence.


5. Vénérés frères dans l'épiscopat! Demeurez unis entre vous; avec vos communautés, formez un seul coeur, une seule âme, persévérant dans la doctrine des Apôtres, dans la communion, dans la fraction du pain et dans la prière (cf. Ac 2,42 Ac 4,32). En dépit des difficultés, engagez-vous de toutes vos énergies dans le dialogue oecuménique, afin de poursuivre le chemin vers la pleine unité des disciples du Christ. Lui-même est avec nous et nous offre l'Esprit Saint pour nous conduire vers l'unité pour laquelle le Père a prié (cf. Jn 17,20-21) avant d'entrer "une fois pour toutes dans le sanctuaire [...] avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle" (He 9,12).
La voie de l'unité passe à travers le pardon cordial et la réconciliation sincère. C'est ainsi que s'ouvrira la voie vers l'unité tant nécessaire des disciples du Christ et que se préparera un avenir de paix et de progrès pour tous.

"Afin que tous soient un [...] afin que le monde croie" (Jn 17,21). L'unité des chrétiens est un don de Dieu qui exige notre engagement généreux et inconditionnel: "La prière du Christ nous rappelle qu'il est nécessaire d'accueillir ce don et de le développer de manière toujours plus profonde [...] C'est sur la prière de Jésus, et non sur nos capacités, que s'appuie notre confiance de pouvoir atteindre aussi dans l'histoire la communion pleine et visible de tous les chrétiens" (Lettre apostolique Novo millennio ineunte NM 48).

6. Que nous réconforte la certitude que Dieu fera croître ce que chacun de vous a semé (1Co 3,5-6), en dépassant de loin toute attente humaine.

Je vous confie, ainsi que vos prêtres et diacres, les religieux, les religieuses et les fidèles laïcs de vos Eglises à la protection maternelle de la Mère du Rédempteur. Que Marie, Aurore des temps nouveaux, vous obtienne le don de la fidélité à la mission reçue, le courage de poursuivre avec zèle l'annonce de l'Evangile et la joie du témoignage du Christ.

En vous assurant de mon souvenir constant dans la prière, je vous bénis de tout coeur.


Discours 2001 - Mardi 13 février 2001