Discours 2001 - Vendredi 16 février 2001


AUX PARTICIPANTS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DE L’ORDRE DES FRÈRES MINEURS CONVENTUELS

Samedi 17 février 2001



Très chers Frères mineurs conventuels!

1. C'est pour moi une grande joie de vous rencontrer aujourd'hui, à l'occasion de votre Chapitre général. J'adresse un salut particulier au frère Joachim Anthony Giermek, nouveau Ministre général, cent dix-huitième successeur de saint François, et je lui suis reconnaissant pour les paroles qu'il a voulu m'adresser en votre nom à tous. J'étends mon salut cordial au nouveau Conseil général, ainsi qu'au frère Agostino Gardin, qui a guidé l'Ordre au cours des six dernières années: je lui adresse ma reconnaissance pour ce qu'il a fait au cours de ces années au service de l'Eglise, que ce soit comme Ministre général de sa Famille religieuse ou comme Président de l'Union des Supérieurs généraux.

A travers vous, chers frères, je voudrais faire parvenir une pensée empreinte d'estime et d'affection à toutes vos communautés présentes sur les divers Continents. Au nouveau Ministre général et à son Conseil, je souhaite de tout coeur un service généreux et fécond dans la direction de toute votre communauté religieuse, en ce début du troisième millénaire chrétien.


2. Le Chapitre général, célébré quelque semaines après la conclusion du grand Jubilé, porte de façon particulière la marque du moment historique actuel. Dans la vie d'un Institut religieux, l'Assemblée capitulaire constitue une occasion importante de réflexion et de programmation, qui pousse ses membres à tourner leur regard en particulier vers l'avenir. En vous rencontrant, je me sens spontanément poussé à vous répéter l'invitation que j'ai adressée dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte à toutes les communautés ecclésiales: "Il est donc temps maintenant que chaque Eglise, en réfléchissant sur ce que l'Esprit dit au Peuple de Dieu durant cette année spéciale de grâce, et même durant la période plus longue qui va du Concile Vatican II au Jubilé, se livre à un examen de sa ferveur et trouve un nouvel élan pour son engagement spirituel et pastoral" (NM 3).


3. "Repartir du Christ" (cf. Novo millennio ineunte, c. III): tel doit être votre premier engagement, chers Frères mineurs conventuels. Ce n'est qu'en vous appuyant fermement sur le Christ qu'il vous sera possible de réaliser les divers programmes d'action que vous avez identifiés au cours de vos travaux capitulaires, pour répondre à des défis urgents et à des priorités apostoliques. Cet amour pour le Christ devra s'exprimer, en premier lieu, à travers la fidélité à la prière personnelle et communautaire, en particulier celle liturgique, qui a caractérisé votre Ordre dès ses débuts. En s'adressant au Chapitre général et à tous ses frères, saint François écrit: "C'est pourquoi je conjure autant qu'il m'est possible le Ministre général, mon seigneur, de faire observer par tous, de façon inviolable, la Règle, et que tous les clercs disent la messe avec dévotion devant Dieu, ne faisant pas attention à la mélodie de la voix, mais à la réponse de l'esprit; afin que la voix s'harmonise avec l'esprit et l'esprit s'accorde avec Dieu afin qu'ils puissent, à travers la pureté du coeur, plaire à Dieu" (Lettre au Chapitre général et à tous les Frères, 6, 51-53, in: Sources franciscaines). Votre vie fraternelle et votre mission évangélisatrice porteront des fruits abondants s'ils jaillissent d'une "communauté en prière" qui, au cours de la rencontre avec Dieu, trouve le sens et les énergies intérieures pour la fidélité quotidienne à ses engagements.


4. De la relation intense avec le Seigneur, vous puiserez une vigueur spirituelle pour le soin de la vie fraternelle. A cet égard, il s'agit d'être fidèle à votre charisme franciscain conventuel spécifique, qui a toujours vu dans le partage du chemin communautaire une caractéristique particulière propre au sein du vaste mouvement franciscain. Que vous encourage, à cet égard, ce que j'écrivais dans l'Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata, en soulignant la dimension théologique de la vie fraternelle vécue dans un esprit d'authentique communion: "La communion fraternelle, avant d'être un moyen pour une mission déterminée, est un lieu théologal où l'on peut faire l'expérience de la présence mystique du Seigneur ressuscité (cf. Mt 18,20)" (VC 42).

Le premier biographe du Poverello d'Assise lui-même, frère Thomas da Celano, présente le cadre de référence dans un certain sens idéal de l'Ordre, en décrivant le groupe des premiers compagnons de saint François comme pleins d'un amour non seulement joyeux, mais également animé par une véritable affection fraternelle (cf. Vie avant saint François d'Assise, 38, in: Sources franciscaines, 387.393). N'oubliez pas que "l'Eglise a réellement besoin de telles communautés fraternelles qui, par leur existence même, apportent une contribution à la nouvelle évangélisation, parce qu'elles montrent de façon concrète les fruits du "commandement nouveau" (Vita consecrata VC 45 cf. Novo millennio ineunte NM 43-45).


5. Au cours de votre Chapitre, est souvent ressorti l'appel à une spiritualité simple et intense, en un mot, franciscaine. Si vous êtes des hommes de profond dialogue avec Dieu, vous serez également témoins et maîtres d'une authentique spiritualité. Sauvegardez et promouvez donc la vie spirituelle, en vous rendant prêts à guider sur cette voie les fidèles qui font référence à vous. Notre époque montre des signes toujours plus évidents d'une profonde soif de valeurs, d'itinéraires et d'objectifs de l'esprit. Dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, que j'ai citée, j'observais: "Le fait que l'on enregistre aujourd'hui, dans le monde, malgré les vastes processus de sécularisation, une exigence diffuse de spiritualité, qui s'exprime justement en grande partie dans un besoin renouvelé de prière, n'est-il pas un "signe des temps?"" (NM 33).

Ce désir renouvelé vers le monde de l'Esprit devrait trouver une réponse valable et féconde dans vos communautés franciscaines. A travers l'écoute docile de la Parole de Dieu, accueillie personnellement et partagée dans la pratique traditionnelle de la lectio divina, et à travers l'exercice de la prière personnelle et communautaire, vous deviendrez de valides compagnons de voyage pour de nombreuses personnes désireuses de suivre le Christ et son Evangile "sine glossa". Vous répondrez ainsi aux demandes qui, de diverses façons, vous parviennent des hommes et des femmes de notre temps, et vous pourrez attirer les âmes de façon efficace sur des parcours de croissance spirituelle et de vitalité intérieure retrouvée.


6. La Providence vous offre de nombreuses occasions. Il suffit de rappeler le ministère d'accueil dans les divers sanctuaires confiés au soin de votre Ordre. Je pense par exemple à la basilique Saint-François d'Assise, que j'ai eu la joie de visiter à plusieurs reprises, où l'on se rend compte combien, aujourd'hui encore, le Poverello sait fasciner et attirer à Dieu d'innombrables foules de dévots.

Je pense également à la basilique Saint-Antoine de Padoue, grand fils spirituel de François d'Assise. Je ne peux pas non plus oublier le service pastoral précieux des Pénitenciers de la basilique vaticane, de grand mérite, qui notamment au cours du grand Jubilé, se sont prodigués avec un engagement et un dévouement louables pour accueillir des foules de pèlerins provenant de toutes les parties du monde. Je sais que de nombreux religieux de l'Ordre sont venus à Rome de divers pays pour être aux côtés des Confrères qui accomplissent d'ordinaire ce ministère aussi caché que nécessaire pour le bien des âmes.

Très chers Frères mineurs conventuels, continuez votre action avec le style populaire qui vous caractérise. Le peuple, au service duquel Dieu vous envoie, vous adresse la requête que les grecs venus à Jérusalem pour Pâque adressèrent à l'Apôtre Philippe: "Nous voulons voir Jésus" (Jn 12,21). C'est à vous qu'il revient de rendre visible, et je dirais même palpable, l'amour miséricordieux de Dieu: amour qui accueille et réconcilie, qui pardonne et renouvelle le coeur des croyants, en serrant dans un geste réconfortant chaque homme et chaque femme, tous fils de l'unique Père céleste.


7. Les indications jaillies des approfondissements des derniers jours ne manqueront certes pas d'aider l'Ordre à poursuivre son chemin sur les traces du Fondateur, en suivant fidèlement ses intuitions évangéliques. Avec un discernement prophétique, vous saurez adopter, à la lumière de l'Esprit, "les modalités qui conviennent pour conserver et actualiser, dans les différentes situations historiques et culturelles, son charisme et son patrimoine propres" (Vita consecrata VC 42), sans jamais manquer à la Règle de vie laissée par saint François.

Vous avez devant vous l'exemple héroïque de divers Confrères, qui au siècle passé, ont donné leur vie pour le Christ et pour son Eglise. Je me réfère aux sept Confrères polonais, parmi lesquels certains ont été collaborateurs de saint Maximilien Maria Kolbe, victime de l'idéologie nazie. J'ai eu la joie de les proclamer bienheureux, au cours des six dernières années. En regardant la foule lumineuse de saints et de bienheureux de votre Ordre, ne craignez pas de suivre le Seigneur avec un dévouement total. Que vous protège la Vierge Marie, "Notre Dame Sainte, Reine Très Sainte, Mère de Dieu" (Salut à la Vierge, 1, in Sources franciscaines, 259) et qu'elle vous aide à réaliser les propositions du Chapitre général.

Avec ces voeux, je donne volontiers à chacun de vous ici présents, à vos communautés de provenance ainsi qu'à tous les frères mineurs conventuels présents dans le monde, et aux laïcs qui collaborent avec vous dans vos diverses activités, une Bénédiction apostolique spéciale.



MESSAGE DU SAINT PÈRE AU DIOCÈSE DE ROME À L'ISSUE DU GRAND JUBILÉ


 

Très chers frères et soeurs,

Au terme du grand Jubilé, je désire m'adresser à vous à travers cette lettre dans laquelle, comme dans une conversation familière, je reviens sur certaines émotions suscitées par cette extraordinaire expérience de foi, d'amour et de conversion que nous avons vécue ensemble.

Rome ne pourra jamais oublier les innombrables files de pèlerins, provenant de toutes les parties de la terre, qui ont parcouru ses rues, ont prié dans les basiliques et dans les églises, en professant l'unique foi dans le Christ, Seigneur et Sauveur, sur les tombes des Apôtres Pierre et Paul et sur celles des martyrs.

Quant à eux, les pèlerins ne pourront pas oublier la chaleur de l'accueil joyeux et fraternel des familles, des communautés religieuses et des paroisses de cette merveilleuse ville, qui ont manifesté une fois de plus au monde leur vocation universelle et témoigné de leur façon de "présider à la charité de toutes les Eglises".


1. Gratitude

Je rends grâce avec vous au Seigneur pour toutes ces expériences. Il me revient à l'esprit, en particulier, certains événements qui ont marqué la vie du diocèse et qui ont été préparés et célébrés avec une profonde intensité spirituelle et un esprit de service généreux: le Jubilé diocésain, la semaine du Congrès eucharistique international, avec la suggestive procession de la basilique Saint-Jean à celle de Sainte-Marie-Majeure, le Jubilé des Familles, et surtout le Jubilé joyeux et enthousiasmant des jeunes, qui restera gravé profondément dans la mémoire de tous ceux qui ont eu la grâce d'y participer. Comme je l'ai écrit dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, il ne sera pas facile ni pour les jeunes eux-mêmes, ni pour les volontaires, les familles, les paroisses et les communautés religieuses qui les ont accueillis avec amitié et sympathie, d'effacer de leur mémoire cet événement dans lequel Rome est devenue "jeune avec les jeunes" (cf. NM NM 9).

Les grands événements jubilaires, mais également le déroulement quotidien non moins important de l'Année Sainte, ont pu s'accomplir de la meilleure façon possible grâce au dévouement et à l'engagement des prêtres, des religieux et des religieuses et de tant de fidèles du diocèse. Merci donc, Eglise de Rome, pour t'être ouverte à la grâce du Jubilé et pour avoir répondu à cette grâce avec tout l'élan de ton coeur!

J'adresse donc une pensée particulière aux volontaires, aux familles, aux paroisses et aux communautés religieuses, qui se sont consacrées avec enthousiasme et sacrifice à l'accueil des pèlerins et au service des plus pauvres, des personnes handicapées et des personnes qui souffrent. Je pense en particulier à tous ceux qui ont accueilli avec joie et un engagement responsable les innombrables jeunes de la Journée mondiale de la Jeunesse.


2. Un regard sur le passé...

Depuis la veillée de Pentecôte de 1986, désormais lointaine, le chemin de l'Eglise de Rome a été caractérisé et alimenté par une série d'importants engagements et rendez-vous. En premier lieu, le Synode pastoral, pour le plein accueil et la valorisation dans notre diocèse des enseignements du Concile Vatican II: la communion et la mission ont été les idées-maîtresses autour desquelles ont été axés les travaux du Synode, qui, dans son accomplissement même, a représenté une profonde expérience de communion. Le Livre du Synode demeure le point de référence et le "vademecum" de notre pastorale.

Puis, en la solennité de l'Immaculée de 1995, j'ai appelé l'Eglise de Rome à la grande "Mission dans la Ville", en préparation à l'Année Sainte et pour rendre concret l'engagement missionnaire pris par le Synode. Ici, l'idée-maîtresse a été celle du "Peuple de Dieu en mission" et en réalité tous - prêtres, diacres, religieux et religieuses et surtout de très nombreux laïcs - sont devenus, avec foi, courage et dévouement, des missionnaires auprès des familles, dans les écoles et dans les milieux de travail et un peu partout dans la Ville.

A suivi ensuite la merveilleuse expérience spirituelle du Jubilé, qui a fait croître la communion et la collaboration entre toutes les réalités, les vocations et les charismes dont notre diocèse est riche, et qui nous a apporté une preuve supplémentaire du nombre impressionnant de personnes et de familles, même au-delà de ceux qui participent habituellement à la vie de nos communautés, dans lesquelles sont encore présentes les racines de la foi et le désir de contact avec Dieu, ainsi que d'une vie qui n'est pas prisonnière des seules habitudes et intérêts terrestres.


3....pour projeter l'avenir

Nous pouvons donc regarder vers l'avant dans une attitude de foi et d'espérance chrétienne et, comme je l'ai écrit dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte (NM 1), "avancer au large" (cf. Lc 5,4), pour "vivre avec passion le présent" et "nous ouvrir avec confiance à l'avenir", dans la certitude que "Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et à jamais" (He 13,8): en effet, une ère d'évangélisation nouvelle et féconde de notre ville et du monde entier nous attend.

Tandis que nous remercions le Seigneur pour les dons reçus, nous nous interrogeons sur les meilleurs moyens de les faire fructifier ultérieurement, et, en particulier, nous recherchons les voies possibles et efficaces pour renouveler notre pastorale ordinaire, afin de la rendre missionnaire de façon stable et concrète. C'est à cet objectif qu'est consacré le grand "Congrès diocésain" que, répondant à mon invitation, vous avez programmé pour le mois de juin prochain et que vous préparez déjà dans les paroisses, dans les préfectures et dans les autres milieux ecclésiaux.

La Lettre apostolique Novo millennio ineunte offre le sillon fondamental pour la préparation et les orientations de ce Congrès, en indiquant les contenus décisifs pour la vie et le témoignage de la communauté chrétienne, à Rome comme dans d'autres parties du monde: chaque Eglise locale et de même l'Eglise de Rome, est appelée à "fixer les éléments concrets d'un programme - objectifs et méthodes de travail, formation et valorisation du personnel, recherche des moyens nécessaires - qui permettent à l'annonce du Christ d'atteindre les personnes, de modeler les communautés, d'agir en profondeur par le témoignage des valeurs évangéliques sur la société et sur la culture" (NM 29).

Mais il existe quelque chose d'encore plus important que la réflexion et la programmation pastorales et qui, seule, peut conférer à celles-ci et à toute l'activité apostolique leur juste orientation, fécondité et efficacité. Je veux parler, comme vous l'aurez déjà compris, de la contemplation du visage du Christ (cf. Novo millennio ineunte, II), qui devient prière, élan vers la sainteté, participation à la vie liturgique et sacramentelle, dont jaillit le ""haut degré" de la vie chrétienne ordinaire" (ibid., NM NM 31).

Frères et soeurs de l'Eglise de Rome, je vous recommande, toujours mais de façon particulière en ce temps au cours duquel nous opérons un discernement communautaire en vue des engagements futurs, d'accorder du temps à la prière et à l'écoute de la Parole de Dieu et de valoriser au maximum l'Eucharistie, en particulier le dimanche. Nos communautés "doivent devenir d'authentiques "écoles" de prière, où la rencontre avec le Christ ne s'exprime pas seulement en demande d'aide, mais aussi en action de grâce, louange, adoration, contemplation, écoute, affection ardente, jusqu'à une vraie "folie" du coeur" (ibid., NM NM 33). Que la redécouverte du sacrement de la Réconciliation, dont nous avons fait l'expérience au cours de l'Année Sainte, continue à présent et soit soutenue par des catéchèses adéquates ainsi que par la généreuse disponibilité des prêtres au confessionnal.


4. Communion ecclésiale

J'ai déjà souligné que le discernement pastoral doit avoir lieu dans un esprit de communion. En effet, la communion "incarne et manifeste l'essence même du mystère de l'Eglise" (ibid., NM NM 42). Il faut donc "faire de l'Eglise la maison et l'école de la communion" (ibid., NM NM 43): tel est le défi qui nous attend, "si nous voulons être fidèles au dessein de Dieu et répondre aussi aux attentes profondes du monde" (ibid. NM NM 43).

Il s'agit, surtout, de faire croître la "spiritualité de communion", qui nous aide à surmonter toute vaine recherche d'affirmation personnelle et à valoriser tous les charismes dont le Seigneur enrichit l'Eglise, en donnant "une âme aux éléments institutionnels, en proposant la confiance et l'ouverture pour répondre pleinement à la dignité et à la responsabilité de chaque membre du Peuple de Dieu" (ibid., NM NM 45).

Il existe de nombreuses façons et formes concrètes à travers lesquelles faire croître la communion dans notre diocèse, si riche d'expériences spirituelles et pastorales multiformes, mais il est décisif, à cette fin, que chaque paroisse et communauté religieuse, chaque réalité ecclésiale, mais aussi chaque baptisé et en particulier ceux qui ont les plus hautes responsabilités pastorales, se demandent avec sincérité: quelle contribution puis-je apporter à la croissance de la pleine communion dans l'Eglise? Comment puis-je collaborer afin que celle-ci devienne maison et école de communion?


5. Formation missionnaire

Sur la base de la communion réciproque, il sera plus facile de développer l'engagement de formation chrétienne dans une connotation typiquement missionnaire qui, au fil des années, devient toujours plus nécessaire. Dans le contexte social et culturel actuel, et en présence de tant de familles qui ne sont pas en mesure d'assurer la formation chrétienne de base de leurs enfants, ce sont en effet nos communautés ecclésiales, à commencer par les paroisses, qui doivent prendre en main l'itinéraire de formation, en partant des premières années de l'enfance puis sans interruption, jusqu'à la jeunesse, à la maturité et à la vieillesse.

Il s'agit de former des chrétiens authentiques et cela ne peut avoir lieu sans une profonde participation personnelle de la part des éducateurs et de ceux qui sont formés. Mais il s'agit également de conférer à tout cet itinéraire un caractère fortement missionnaire, à tel point de rendre le chrétien désireux et capable d'offrir un témoignage clair de sa foi, dans chacun des milieux dans lesquels se déroule sa vie. Ce n'est qu'ainsi que la "mission permanente" qui est notre grand objectif pastoral, pourra se réaliser de façon concrète, non seulement à travers des initiatives particulières, mais également et surtout dans le tissu quotidien de la vie de notre diocèse, avec ses multiples ramifications.


6. La pastorale des vocations

Si chaque chrétien reçoit du Seigneur sa propre vocation et a besoin d'une formation adéquate pour pouvoir y répondre, les vocations à la consécration particulière maintiennent toutefois leur valeur particulière, notamment celles au sacerdoce et à la vie consacrée. L'Eglise de Rome elle aussi, qui a pourtant reçu de Dieu au cours de ces dernières années le don de nombreuses ordinations sacerdotales, ressent aujourd'hui le besoin de "mettre en oeuvre une pastorale des vocations largement diffusée qui atteigne les paroisses, les lieux éducatifs, les familles, suscitant une réflexion plus attentive sur les valeurs essentielles de la vie, qui trouvent leur aboutissement dans la réponse que chacun est invité à donner à l'appel de Dieu, spécialement quand cet appel invite au don total de soi et de ses énergies pour la cause du Royaume" (Novo millennio ineunte NM 46).

Je demande à chaque croyant et à chaque instance ecclésiale, en particulier aux communautés de vie contemplative, d'intensifier leurs prières pour les vocations. C'est le premier engagement et le plus nécessaire. Celui-ci devra ensuite être suivi d'une attention particulière en vue de promouvoir, d'accompagner et de faire mûrir chaque vocation particulière. Il s'agit d'un devoir de tout le diocèse, dans lequel s'inscrit la responsabilité spécifique qui revient à nos séminaires diocésains, que je voudrais assurer de ma pensée constante et de mon souvenir spécial dans la prière.


7. Les chemins de la mission permanente

Le courage d'oser et la capacité de discerner devront s'exprimer en particulier dans la programmation et le développement des formes de mission que nous avons déjà expérimentées au cours de la Mission dans la Ville et qui doivent être à présent intégrées de façon opportune dans la pastorale ordinaire et également enrichies de nouvelles initiatives. Je pense en particulier aux choix et aux initiatives de base qu'ont été la visite aux familles - à laquelle a succédé la création de centres d'écoute de l'Evangile dans les maisons -, le témoignage missionnaire dans les milieux de vie et de travail, le dialogue à la lumière de la foi avec les instances culturelles présentes dans notre ville. Afin que ces choix trouvent un terrain et un soutien adaptés, il faut pourtant que la catéchèse, l'action liturgique et les diverses initiatives de nos communautés assument une physionomie plus clairement missionnaire, en mettant toujours au centre l'annonce de Jésus-Christ, unique Sauveur et en faisant correspondre à ce témoignage les questions, les préoccupations et les attentes dont est tissée la vie quotidienne de notre peuple.

Au moment même où l'engagement missionnaire pousse nos paroisses et les divers milieux ecclésiaux à sortir d'eux-mêmes pour proposer à tous la rencontre avec le Christ, nous sommes en contact avec les multiples souffrances et les formes de pauvreté, anciennes et nouvelles, présentes dans les maisons et les quartiers de Rome. C'est pourquoi pour nous aussi, a sonné "l'heure d'une nouvelle "imagination de la charité", qui se déploierait non seulement à travers les secours prodigués avec efficacité, mais aussi dans la capacité de se faire proche, d'être solidaires de ceux qui souffrent, de manière que le geste d'aide soit ressenti non comme une aumône humiliante, mais comme un partage fraternel" (Novo millennio ineunte NM 50). Sur cette frontière de la charité, le long de laquelle, au cours de toute sa vie, s'est engagée l'Eglise de Rome, je demande une présence commune et généreuse qui voit la participation de toutes les composantes ecclésiales.

Une attention permanente au vaste monde de la culture, dans ses multiples expressions, est tout aussi nécessaire. Ce "projet culturel orienté dans le sens chrétien" qui constitue l'une des grandes priorités de l'Eglise en Italie doit trouver également et de façon particulière à Rome des développements toujours plus concrets. Il ne s'agit pas seulement d'être présents dans les lieux plus spécifiquement consacrés à l'élaboration et à la communication de la culture, mais également de réussir à influer sur la mentalité et sur la culture à travers l'activité pastorale quotidienne. Il faudra également susciter chez chaque chrétien la conscience de la contribution que, à travers son travail, ses convictions et son style de vie, il peut apporter à la formation d'un milieu social plus chrétien dans la Ville.

Je n'ai pas besoin de souligner combien est importante, pour un engagement missionnaire "sur tous les terrains", la pastorale de la famille, en ce moment historique au cours duquel la famille elle-même, à Rome également, est en train de traverser une crise profonde et diffuse. C'est précisément pour cela que l'on ne peut se contenter d'une attention aux familles épisodique, ou limitée aux noyaux les plus proches et disponibles. Le visage maternel de l'Eglise doit au contraire, dans la mesure du possible, être présent dans toute unité familiale à travers l'oeuvre des pasteurs, mais également à travers le témoignage et la sollicitude de familles chrétiennes capables d'offrir "un exemple convaincant de la possibilité d'un mariage vécu de manière pleinement conforme au dessein de Dieu et aux vraies exigences de la personne humaine: de la personne, des conjoints et surtout de celle, plus fragile, des enfants" (Novo millennio ineunte NM 47).

La Journée mondiale de la Jeunesse, dans son déroulement et au cours de tout son travail de préparation, dans lequel s'est distingué le diocèse de Rome, nous a apporté la confirmation que ce serait une erreur impardonnable de manquer de confiance dans ce "don spécial de l'Esprit de Dieu" que sont les jeunes pour Rome et pour l'Eglise (cf. Ibid., NM NM 9). Nous avons pu nous rendre compte que de nombreux jeunes sont amoureux du Christ et savent surmonter la tentation insidieuse de séparer le Christ de l'Eglise. Ces jeunes peuvent et doivent devenir les premiers missionnaires pour leurs amis et les jeunes de leur âge: le nouvel élan apostolique que nous voulons conférer à toute la vie de notre Eglise exige de cultiver et de faire croître, à travers une attitude de confiance et une formation adéquate, leur capacité d'être des témoins authentiques et crédibles du Seigneur.


8. L'amour nous presse (2Co 5,14)

Chers frères et soeurs, les mois qui nous séparent du Congrès de juin vous permettront de vous mettre à l'écoute de l'Esprit qui parle à son Eglise et de vous écouter les uns les autres, ainsi que de découvrir ensemble les moyens les plus efficaces de rendre permanent l'engagement à la nouvelle évangélisation.

Nous savons bien pourtant que tout l'élan, l'énergie et le dévouement des évangélisateurs provient de la source qui est l'amour de Dieu, diffusé dans nos coeurs à travers le don de l'Esprit Saint. Cet amour embrasse, dans le Christ, tous nos frères en humanité, appelés comme nous à la foi et au salut. Elle embrasse en particulier chacun de ceux qui vivent dans cette grande ville, pauvres et riches, jeunes et personnes âgées, italiens et étrangers. Et avec eux elle embrasse la ville tout entière, au progrès humain et civil authentiques de laquelle, en tant que croyants dans le Christ, nous voulons apporter notre plus sincère contribution. Avant tout, apprêtons-nous donc à vivre la préparation du Congrès et tout ce qui suivra comme un acte d'amour.

Que la Très Sainte Vierge Marie, Salus Populi Romani, ainsi que les Apôtres Pierre et Paul et tous les saints et saintes de l'Eglise de Rome, nous soutiennent à travers leur intercession, afin que nous puissions, tous ensemble, réaliser avec fidélité et confiance la mission que le Seigneur nous confie.

En signe de ma grande affection, je donne à tous de tout coeur la Bénédiction apostolique, propitiatrice de la grâce et de la joie qui viennent de l'Esprit Saint.

Du Vatican, le 14 février 2001



AUX PRÉLATS DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE LA TURQUIE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Lundi 19 février 2001




Chers Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,

1. C’est avec joie que je vous accueille aujourd’hui pour votre visite ad limina apostolorum. Je remercie Monseigneur Louis Pelâtre, Vicaire apostolique latin d’Istanbul et Président de votre Conférence épiscopale, de ses paroles cordiales qui donnent un aperçu de la situation de l’Église dans votre pays, manifestant vos soucis de pasteurs, ainsi que les difficultés et les espérances de vos communautés. Il m’est impossible de parler de votre Église sans faire un retour aux sources de notre foi, aux premiers temps de l’évangélisation accomplie en Asie mineure par les Apôtres du Seigneur. Votre terre en effet a vu pousser les premiers bourgeons de l’Évangile : c’est là que l’Église a grandi, qu’elle s’est constituée et organisée autour d’évêques illustres comme saint Polycarpe de Smyrne et saint Ignace d’Antioche ; c’est là qu’ensuite la foi de l’Église s’est consolidée au cours des sept premiers conciles oecuméniques, à Nicée, Éphèse, Chalcédoine et Constantinople. Comment ne pas rappeler non plus tout le travail d’intelligence de la foi accompli par les Pères cappadociens, Basile, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse et Jean Chrysostome! Il y a là une richesse et un héritage communs à tous vos diocèses, de quelque rite qu’ils soient, qui sont une invitation, même dans les réalités modestes d’aujourd’hui, à mettre vos pas dans cette grande tradition d’accueil et de méditation de la Parole de Dieu, et de sanctification des personnes, pour la gloire de Dieu et l’annonce du salut en Jésus Christ.

2. J’ai été très heureux de m’associer par la prière à votre joie de pasteurs et à celle de tout le peuple chrétien lors des fêtes récentes qui ont eu lieu à Istanbul, en l’honneur du bienheureux Jean XXIII. J’ai apprécié le geste des Autorités turques qui ont voulu honorer ainsi la mémoire du "Pape ami des Turcs" en donnant son nom à la rue où se trouve le bâtiment historique de l’ancienne Délégation apostolique en Turquie et en organisant un large programme de manifestations culturelles autour de cet événement. Ces fêtes ont été marquées aussi par d’importantes célébrations religieuses; à ce propos, je désire saluer la participation fraternelle de Sa Sainteté Bartholomaios Ier, Patriarche oecuménique de Constantinople, de Sa Béatitude Mesrob II, Patriarche arménien d’Istanbul et du Métropolite Çeltin, Vicaire patriarcal des Syriens orthodoxes, des représentants d’autres Églises et Communautés ecclésiales, ainsi que la présence des représentants de la communauté juive et des autorités musulmanes; une telle participation des diverses composantes de la société turque manifeste le grand rayonnement de la personnalité du bienheureux et l’entente cordiale entre tous les habitants du pays, dans le respect des différentes croyances et pratiques religieuses. La communauté catholique de Turquie s’est aussi réjouie de l’importante participation à ces festivités d’Évêques représentant les Conférences épiscopales des pays d’Europe, rappelant ainsi les liens étroits de la Turquie avec l’Europe et le rôle positif que peuvent jouer les catholiques dans le continent. Puissent l’exemple et la prière du bienheureux et bon Pape Jean éclairer et stimuler votre ministère pastoral aujourd’hui!

3. Pour accomplir sa mission, l’Église qui est en Turquie a besoin d’affermir ses liens de communion avec l’Église universelle : c’est le sens profond de la démarche que vous accomplissez aujourd’hui à travers cette visite ad limina, qui est aussi une expérience de communion fraternelle entre vous, en vue de poursuivre le travail de collaboration au sein de votre Conférence épiscopale. Vous avez le souci d’entretenir et de développer des relations de bonne entente avec tous les habitants du pays, manifestant votre attention à toutes les personnes que vous rencontrez. De même, vous poursuivez, avec patience et détermination, le dialogue avec les pouvoirs publics; c’est ainsi que l’Église, en tant qu’institution et ensemble de communautés de fidèles, trouvera toujours davantage sa place dans la vie de la nation. En effet, la liberté de religion et de culte, qui est indissociable de la liberté de conscience, est un élément essentiel d’une bonne convivialité au niveau local. Tout État, aidé par tous ses habitants, est appelé à être vigilant en ce domaine, pour consolider les relations à l’intérieur du pays et pour affermir sa place dans le concert des nations et dans les relations multilatérales. Vous savez que c’est dans cet esprit que le Saint-Siège travaille, pour sa part, au rapprochement entre les peuples.

4. Depuis deux ans, votre Conférence épiscopale a lancé un projet de Rassemblement ecclésial, qui devrait se concrétiser prochainement par des rencontres tant au niveau diocésain que national. Je me réjouis de ce fruit de la concertation pastorale entre évêques et je vous encourage à poursuivre en ce sens: c’est une manifestation vivante de l’affectus collegialis, remis en valeur par le Concile Vatican II, qui permet de porter ensemble le souci de la mission par un soutien réciproque. Ce rassemblement donnerait, après l’année de grâce et de miséricorde du grand Jubilé, un nouvel élan et une ardeur renouvelée à vos communautés chrétiennes, souvent fragiles et dispersées, pour que l’Église qui est en Turquie avance dans le nouveau millénaire avec confiance et courage, suscitant des chrétiens "toujours prêts à s’expliquer, devant tous ceux qui leur demandent de rendre compte de l’espérance qui est en eux" (cf. 1P 3,15). Je vous encourage vivement à mener à bien ce grand projet, en veillant à ce que tous les membres de la communauté ecclésiale se sentent concernés, les prêtres, les religieux et les religieuses et surtout les laïcs qui doivent prendre une part de plus en plus active et responsable à la vie et à la mission de l’Église.

5. Il importe que l’Église du Christ soit vraiment insérée dans la vie de la société turque. Cela suppose tout un travail d’adaptation déjà largement entrepris au niveau de la liturgie, de la traduction de la Parole de Dieu et des instruments catéchétiques; cela implique aussi un investissement important, et vous y êtes engagés, pour que les prêtres, les religieux et religieuses venus en Turquie apprennent la langue du pays, son histoire, ses coutumes, sa culture. Ne faut-il pas aller plus loin encore et travailler, avec patience et sans se décourager, à faire naître auprès des jeunes catholiques de Turquie des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée? Dans la société d’aujourd’hui, si avide de satisfactions immédiates, il n’est pas facile de faire entendre l’appel du Christ à tout quitter pour le suivre, dans le don de soi, dans le célibat et la chasteté offerts par amour de Dieu et de ses frères. La jeunesse, comme vous avez pu le constater, ne manque pas de générosité et d’aspirations à un idéal; elle peut recevoir cet appel si elle trouve auprès d’elle des témoins disponibles et attentifs. Je vous encourage donc à redoubler d’efforts pour soutenir la pastorale des vocations, en trouvant ensemble les moyens les plus adéquats pour former les futurs prêtres de vos Églises, soit dans votre pays, soit en ayant recours à l’aide d’autres diocèses, notamment en Europe à laquelle votre pays est lié. Des structures locales pour le discernement des vocations et pour une première étape de la formation sacerdotale pourront sûrement donner un nouvel élan à la pastorale des vocations. Il est essentiel, en tous cas, que les jeunes qui pensent au sacerdoce puissent se rassembler de manière significative, pour mettre en commun leur recherche, leurs aspirations, leur découverte du Christ, avec l’accompagnement de formateurs disponibles. D’autre part, la vie de communauté, au séminaire, est essentielle pour leur apprendre à se construire humainement et dans la foi, pour unifier leur personne et leur vie dans l’intimité avec le Christ et pour apprendre à devenir des pasteurs de l’Église, conscients d’être membres d’un unique presbytérium.

6. L’avenir de l’Église et aussi de la société tout entière dépend, d’une certaine façon, des jeunes d’aujourd’hui. Je sais l’attention que vous portez, avec les adultes, aux réalités qu’ils vivent. Dans le Rassemblement ecclésial que vous préparez, ils auront à exprimer leurs espérances et leurs attentes. Vous contribuez déjà à l’éducation de la jeunesse turque, à laquelle participent les écoles catholiques, grâce à la compétence et au dévouement des congrégations religieuses qui les animent. Portez-leur à toutes les salutations et les encouragements du Pape. La formation des jeunes chrétiens est aussi l’objet de tous vos soins et je me réjouis des fruits de la collaboration entre communautés de rites différents, appelant les familles à s’engager toujours davantage aux côtés des pasteurs pour que les jeunes reçoivent l’enseignement nécessaire à une vie chrétienne solide. Puissent toutes les familles prendre mieux conscience de l’importance de la transmission de la foi aux générations plus jeunes, ce qui nécessite que les parents acquièrent eux-mêmes une bonne formation chrétienne et puissent éventuellement participer activement à la catéchèse!

7. L’effort d’approfondissement et de renouvellement que vous voulez entreprendre avec toute l’Église passe par une véritable formation des laïcs, car c’est souvent l’occasion pour eux d’un réveil profond de leur vie spirituelle et du sens de leur responsabilité ecclésiale. Une telle formation revêt une importance toute particulière pour vos communautés minoritaires: pour qu’elles puissent vivre le dialogue de la vie avec toutes les composantes de la nation, sans complexe et sans tentation de repliement sur soi, il importe que les fidèles soient bien formés, non seulement pour connaître la doctrine chrétienne mais aussi pour témoigner, par leur vie de prière, par leurs engagements, par leur participation à la réflexion sur les problèmes de société, d’une spiritualité et d’une foi vivantes.

8. Vos rapports quinquennaux soulignent souvent des difficultés concernant le mariage, dans une société où l’idéal chrétien de la fidélité et de l’indissolubilité est mal perçu. Il revient aux pasteurs de soutenir les familles chrétiennes dans leur vie quotidienne, car "c’est un très précieux témoignage qu’elles rendent au Christ face au monde, en s’attachant par toute leur vie à l’Église et en présentant l’exemple d’un foyer chrétien" (Concile oecuménique Vatican II, Apostolicam actuositatem AA 11). Des rencontres entre couples, comme cela a pu être fait dans le passé, sont des occasions précieuses de soutien mutuel pour leur vie conjugale et familiale. Ainsi les familles seront à même d’être des lieux d’éducation humaine, morale et spirituelle des jeunes.

9. Vous m’avez fait part des bons rapports qui existent entre frères chrétiens de différentes confessions, et je m’en réjouis. N’ayez pas peur de vous engager résolument dans la tâche oecuménique: c’est en approfondissant encore la connaissance mutuelle et en apprenant à travailler ensemble, chaque fois que cela est possible, que progresse l’unité, dont le chemin est nécessairement long. Tous les signes déjà accomplis pendant l’année jubilaire sont un encouragement pour de nouveaux progrès dans la marche commune vers la véritable unité. Au cours de l’année 2001, il nous sera donné de célébrer à une même date la fête de la Résurrection du Seigneur. Que ce soit un appel pour que, comme je l’ai écrit récemment, "l’échange de dons qui a enrichi l’Église du premier millénaire reprenne en plénitude. Puisse le souvenir du temps où l’Église respirait avec ‘deux poumons’ pousser les chrétiens d’Orient et d’Occident à marcher ensemble, dans l’unité de la foi et le respect des légitimes diversités, en s’accueillant et en se soutenant mutuellement comme membres de l’unique Corps du Christ!" (Novo millennio ineunte NM 48).

10. Vous vivez quotidiennement en contact avec l’Islam, à travers la culture du pays et par des rencontres avec des personnes. À partir de cette situation spécifique, vous avez acquis une tradition et une expérience du dialogue interreligieux, et vous en savez les exigences. Continuez vos efforts pour créer et favoriser des occasions de dialogue, dans la vie de tous les jours d’abord, sur les différents terrains de la rencontre des hommes qu’elle offre: l’école, qui rassemble des enfants et des jeunes de toutes croyances, les engagements de la vie professionnelle et de la vie sociale, le service de la solidarité et de l’entraide. C’est là que les croyants peuvent mieux se connaître et s’estimer dans un travail commun en faveur de la justice et de la paix, pour que naissent les germes d’une société vraiment fraternelle et respectueuse des démarches personnelles. Mais cela aussi s’accompagne de dialogues plus institutionnels, qui existent déjà. Je note avec intérêt les relations fructueuses établies entre l’Université d’État d’Ankara et l’Université pontificale grégorienne, ou les collaborations suscitées par la préparation des fêtes en l’honneur du Pape Jean XXIII. Au moment où la Turquie se prépare à nouer des liens nouveaux avec l’Europe, la vocation de la communauté catholique du pays apparaît encore plus claire. Le témoignage de la Bonne Nouvelle de Jésus Sauveur permet la rencontre des hommes et des cultures, et il montre que des ponts nouveaux peuvent se construire, au-delà des hostilités du passé et des mésententes ou des malentendus qui pourraient survenir. Cette volonté d’accueil et de réconciliation s’appelle le dialogue (cf. Concile oecuménique Vatican II, Gaudium et spes GS 92). Il prend aujourd’hui plus que jamais la forme du dialogue entre les cultures, qui est une exigence pour toutes les nations. Les différentes religions peuvent et doivent, elles aussi, apporter une contribution décisive en ce sens. L’ouverture réciproque de ceux qui appartiennent à diverses religions peut produire de grands bénéfices pour servir la cause de la paix et du bien commun de l’humanité (cf. Message pour la Journée mondiale de la Paix, 8 décembre 2000, n. 16).

11. Votre mission demanderait beaucoup de moyens apostoliques, en personnes et en biens matériels; je sais la pauvreté de vos diocèses et le manque de prêtres qui vous touche tous. Dans cette situation, je voudrais vous inviter d’abord à trouver force d’âme et encouragements dans la méditation des lettres de saint Paul, qui a connu des difficultés assez semblables aux vôtres et qui a sillonné tant de fois vos routes pour soutenir les communautés qu’il visitait. Puissiez-vous puiser aussi un nouvel élan dans l’appel que j’ai adressé à toute l’Église à l’issue du grand Jubilé de l’an 2000 et qui constitue comme un programme pour les années à venir. Nous devons avant tout nous engager avec davantage de confiance dans une pastorale qui donne toute sa place à la prière, personnelle et communautaire. Cela "signifie respecter un principe essentiel de la vision chrétienne de la vie: le primat de la grâce. Il y a une tentation qui depuis toujours tend un piège à tout chemin spirituel et à l’action pastorale elle-même: celle de penser que les résultats dépendent de notre capacité de faire et de programmer. [...] Nous faisons alors l’expérience des disciples dans l’épisode évangélique de la pêche miraculeuse: ‘Nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre’ (Lc 5,5). Tel est le moment de la foi, de la prière, du dialogue avec Dieu, qui ouvre le flot de la grâce et qui permet à la parole du Christ de passer à travers nous avec toute sa force: Duc in altum! Lors de cette pêche, il revint à Pierre de dire les mots de la foi : ‘Sur ton ordre, je vais jeter les filets’ (ibid.)." (Novo millennio ineunte NM 38). Permettez-moi, chers Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, de vous redire toute ma confiance avec les paroles mêmes du Seigneur : Duc in altum! avance au large! va plus profond!, pour bâtir une Église vivante, ouverte et confiante en son avenir, dans l’espérance et dans l’attente de l’abondante moisson que le Seigneur saura nous donner. Transmettez ma reconnaissance et mon salut affectueux aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, tant dévoués au travail apostolique, et aux laïcs de vos communautés, notamment les jeunes. L’avenir de l’Église en Turquie repose largement sur la fidélité de leur témoignage quotidien: qu’ils sachent combien l’Église les encourage et compte sur eux! Je les confie tous, ainsi que vos personnes et votre travail commun, à la protection de la Vierge Marie, la Bienheureuse Mère de Dieu et notre Mère. Je vous accorde de grand coeur la Bénédiction apostolique.



Discours 2001 - Vendredi 16 février 2001