Discours 2001 - Samedi 24 mars 2001


AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE PROMUE PAR LA COMMISSION DES ÉPISCOPATS DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE (COMECE)

Vendredi 30 mars 2001



Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat,
Très chers frères et soeurs!

1. Je suis heureux de vous adresser une cordiale bienvenue, à vous qui êtes venus à Rome à l'occasion de l'Assemblée plénière de printemps de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne. Je remercie en particulier Mgr Josef Homeyer, Evêque d'Hildesheim, pour les paroles cordiales qu'il m'a adressées en votre nom à tous. Je salue en outre les Représentants des Conférences épiscopales des Etats candidats à l'Union européenne et les Membres de la Présidence du Conseil des Conférences épiscopales d'Europe, qui prennent part à votre rencontre d'étude et de fraternité. J'adresse en outre une pensée aux prêtres, aux laïcs qui, avec générosité et compétence, coopèrent avec vous dans votre mission quotidienne.

La rencontre d'aujourd'hui, signe de la communion intense et profonde qui vous unit au Successeur de Pierre, me donne l'occasion de connaître de plus près les projets et les perspectives du travail de collaboration des Communautés ecclésiales européennes. Votre Commission se propose également d'affronter du point de vue pastoral les thèmes d'importance croissante liés aux compétences et à l'activité de l'Union européenne et de favoriser la coopération entre les Episcopats en ce qui concerne les questions d'intérêt commun.


2. Le processus d'intégration européenne, en dépit de certaines difficultés, poursuit son chemin et d'autres Etats demandent à s'associer à l'Union des Quinze. Cette consolidation progressive ne doit pourtant pas n'être qu'une réalité géographique et économique continentale, mais doit se présenter avant tout comme une entente culturelle et spirituelle, forgée à travers une union féconde de multiples valeurs et traditions significatives. L'Eglise continue d'offrir à cet important processus d'intégration sa contribution spécifique, dans un esprit de coopération. Mes vénérés prédécesseurs ont salué ce chemin comme un itinéraire sûr vers la paix et la concorde entre les peuples, y voyant une façon plus rapide d'atteindre le "bien commun européen".

J'ai moi-même, à plusieurs reprises, évoqué l'image d'une Europe qui respire avec ses deux poumons, non seulement du point de vue religieux, mais également culturel et politique. Je n'ai pas manqué, dès le début de mon ministère pétrinien, de souligner que la construction de la civilisation européenne doit se fonder sur la reconnaissance de "la dignité de la personne humaine et de ses droits fondamentaux, le caractère inviolable de la vie, la liberté et la justice, la fraternité et la solidarité" (cf. Discours aux participants au 76 rassemblement de Bergedorf sur le thème: "La division de l'Europe et la possibilité de surmonter cette situation" 17 décembre 1984, Insegnamenti de Jean-Paul II, VI [1984], 1607).


3. J'ai voulu également que soient consacrées à la mission de l'Eglise en Europe deux Assemblées spéciales du Synode des Evêques, celle de 1991 et celle de 1999. En particulier cette dernière, qui avait pour thème "Jésus-Christ vivant dans son Eglise, source d'espérance pour l'Europe", a rappelé avec vigueur la façon dont le christianisme peut offrir au continent européen une contribution déterminante et importante de renouveau et d'espérance, en proposant avec un élan renouvelé l'annonce toujours actuelle du Christ unique Rédempteur de l'homme.

L'Eglise trouve dans "la vertu du Seigneur ressuscité [...] sa force pour lui permettre de vaincre dans la patience et la charité les afflictions et les difficultés qui lui viennent à la fois du dehors et du dedans, et de révéler fidèlement au milieu du monde le mystère du Seigneur" (Lumen gentium LG 8). C'est dans cet esprit que vous aussi, chers frères et soeurs, êtes appelés à assumer votre tâche de réveiller et de cultiver chez les chrétiens européens l'engagement à témoigner de l'espérance évangélique. Dans ce but, une nouvelle ère missionnaire est nécessaire, qui fasse participer toutes les composantes du peuple chrétien. Votre Commission et les Episcopats du continent se consacrent de façon opportune à la formation religieuse et culturelle des fidèles et à l'accompagnement permanent des personnes qui, à tous les niveaux, sont responsables de l'unification européenne. En effet, la construction d'une nouvelle Europe, a besoin d'hommes et de femmes doués d'une sagesse humaine, d'un sens aigu de discernement, ancré dans une anthropologie allant de pair avec l'expérience personnelle de la transcendance divine.


4. Parfois apparaît dans le monde contemporain la conviction que l'homme peut établir lui-même les valeurs dont il a besoin. La société voudrait souvent déléguer la détermination de ses objectifs au calcul rationnel, à la technologie ou à l'intérêt d'une majorité. Il faut répéter avec force que la dignité de la personne humaine est enracinée dans le dessein du Créateur, de telle sorte que les droits qui en découlent sont sujets à des interventions arbitraires des majorités, mais doivent être conservés et reconnus par tous au centre de chaque dessein social et de toute décision politique. Seule une vision intégrale de la réalité, inspirée par les valeurs humaines éternelles, peut favoriser la consolidation d'une communauté libérale et solidaire.

L'être humain et ses exigences fondamentales doivent être l'objet constant de l'attention en particulier de ceux qui se consacrent au gouvernement, à l'élaboration des lois et à l'administration des affaires publiques. Dans ce domaine, l'Eglise ne manquera pas d'offrir sa contribution spécifique. Experte en humanité, elle sait que le premier devoir de toute société est de protéger la dignité humaine authentique et le bien commun qui, comme l'affirmait le Concile Vatican II, "comprend l'ensemble des conditions de vie sociale qui permettent aux hommes, aux familles et aux groupements de s'accomplir plus complètement et plus facilement" (Gaudium et spes GS 74).


5. Très chers frères et soeurs, afin que cet effort soit efficace, il doit être constamment précédé et accompagné par la prière. C'est du recours humble et confiant à Dieu que nous pouvons tirer la lumière et le courage indispensables pour communiquer aux frères l'Evangile de l'espérance et de la paix. Ce n'est qu'à partir du Christ et de son message de salut qu'il est possible de construire une civilisation de l'amour. Que la Vierge Marie, vénérée dans tant de sanctuaires sur le continent européen, vous soutienne dans votre action apostolique et missionnaire.

C'est avec ces voeux, que je vous encourage à poursuivre votre  service louable à la cause européenne, et que je vous bénis tous de tout coeur.

 

AUX ÉVÊQUES DU JAPON EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Vendredi 31 mars 2001



Chers Frères dans l'épiscopat,

1. En me réjouissant de "l'insondable richesse du Christ" (Ep 3,8), je vous souhaite la bienvenue, Evêques du Japon, à l'occasion de votre visite "ad limina Apostolorum", qui est un véritable pèlerinage dans l'esprit de communion avec l'Eglise universelle et le Successeur de Pierre. A travers vous, je salue toute la demeure de Dieu sur votre terre, et "je rends grâce à mon Dieu chaque fois que je fais mémoire de vous, en tout temps et dans toutes mes prières pour vous tous, prières que je fais avec joie; car je me rappelle la part que vous avez prise à l'Evangile" (Ph 1,3-4).

En l'Année du grand Jubilé, toute l'Eglise a loué les grâces infinies des deux mille ans depuis la naissance du Sauveur, et en vous saluant à présent, je ne peux manquer de louer Dieu pour l'héritage de la foi chrétienne qui s'est développée au Japon depuis le jour où saint François-Xavier a posé le pied sur vos rives. Les premiers missionnaires ont inculqué aux chrétiens du Japon un profond respect pour la majesté de Dieu, une grande estime pour la Rédemption, un fervent amour pour le Sauveur crucifié et un rejet résolu du péché. Ils ont fait appel au sens inné que votre peuple a du caractère transitoire des choses terrestres et du courage face à la mort, suscitant en eux un amour pour les choses du Ciel et pour l'éternité qui s'y trouve. Par conséquent, les premiers siècles du christianisme au Japon ont été marqués de façon indélébile par le courage et la fermeté de vos martyrs. Leur témoignage héroïque confère non seulement à votre passé la splendeur du Seigneur, mais il indique également le chemin de la vocation présente et future des chrétiens japonais.


2. Dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, j'ai réfléchi sur l'histoire de la pêche miraculeuse que nous trouvons dans l'Evangile de saint Luc (Lc 5,1-11). Duc in altum!: telles sont les paroles qui résonnent dans mon esprit tandis que je me souviens des grâces du grand Jubilé et que je pense à l'avenir auquel le Jubilé a été une excellente préparation. Non seulement au Japon, mais également dans de nombreuses parties du monde, les pasteurs peuvent ressentir ce que Pierre ressentit lorsque Jésus lui ordonna de lâcher les filets en eau profonde. Nous travaillons de toutes nos forces pour prendre quelque chose, mais parfois, nous avons l'impression que nous avons pris bien peu, sinon rien et que, du moins pour l'instant, il n'y a rien à prendre. Toutefois, Jésus dit: lâchez vos filets! La foi nous assure que le Seigneur connaît notre monde mieux que nous, qu'il voit dans les profondeurs des eaux de l'âme humaine et de la culture que vous êtes appelés à évangéliser.

L'histoire montre que les périodes qui semblent particulièrement difficiles pour la proclamation de Jésus-Christ et hostiles à son Evangile peuvent également être les plus fécondes. Il existe de nombreux signes d'une exigence diffuse de spiritualité (cf. Novo millennio ineunte NM 33). Le Christ nous appelle à "une oeuvre de reprise pastorale enthousiasmante" (ibid., NM NM 29). Avec imagination et courage, nous devons nous efforcer d'appliquer au monde actuel le programme éternel de l'Evangile et présenter à tous ceux qui nous écouteront la figure infiniment fascinante du Seigneur Jésus, et la vérité de son Evangile, "force de Dieu pour le salut de tout homme" (Rm 1,16).


3. L'inculturation nécessaire de la foi dans le cadre de la société japonaise ne peut être le résultat d'un programme ou d'une théorie préconçus, mais doit jaillir de l'expérience vécue de tout le Peuple de Dieu dans un dialogue permanent de salut avec la société dans laquelle il vit. En guidant ce dialogue, les Pasteurs de l'Eglise en Asie ont un devoir délicat et d'une importance vitale à remplir, dont l'Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Evêques a longuement traité, en offrant des lignes directrices que j'ai rappelées dans l'Exhortation apostolique Ecclesia in Asia. Les liens étroits entre la religion, la culture et la société font qu'il est particulièrement difficile pour les fidèles des grandes religions de l'Asie de s'ouvrir au mystère de l'Incarnation et de concevoir Jésus comme l'unique Sauveur. La proclamation du Christ exige donc des efforts attentifs et durables afin de traduire de façon précise les vérités de la foi dans des catégories plus facilement accessibles à la sensibilité asiatique et à la mentalité de votre peuple. Le défi consiste à présenter le "visage asiatique de Jésus" d'une façon qui soit en parfaite harmonie avec toute la tradition mystique, philosophique et théologique de l'Eglise.

La Bonne Nouvelle de l'amour de Dieu manifestée en Jésus-Christ représente une bonne nouvelle pour chacun, car elle concerne la signification de l'existence et du destin de l'homme. Comme le souligne le célèbre texte du Concile Vatican II, "le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné" (Gaudium et spes GS 22). A une époque où de nombreuses personnes ont une idée confuse du sens de la vie ou cherchent une lumière pour éclairer les nombreuses questions morales et existentielles qui les préoccupent, la vérité sur notre condition humaine représente la base essentielle pour édifier une culture et une société dignes de l'image de Dieu présente dans chaque homme et chaque femme. Lorsque l'on cherche à édifier le progrès et la prospérité sans référence à Dieu, provoquant ainsi des dommages inestimables à la dignité de la personne humaine, l'Eglise a le devoir de rappeler aux personnes ce qui est essentiel: la vérité, la bonté, la justice et le respect pour tous. Présenter cette réalité constitue une forme de solidarité fondamentale à l'égard de nos frères. Proclamer cela à la société est une véritable forme de charité pastorale.


4. En répondant aux aspirations de l'esprit humain, nous reposons entièrement sur la grâce de Dieu, tout en reconnaissant également le besoin d'un programme pastoral attentif et confiant (cf. Novo millennio ineunte NM 29). Les défis qui se présentent à votre ministère pastoral sont nombreux et complexes. Fort heureusement, aujourd'hui, le droit à la liberté religieuse est pleinement reconnu dans votre pays et l'époque de la persécution fait désormais partie du passé. Pourtant, des pressions d'un autre type ont commencé à troubler la foi et à mettre en cause votre ministère. Certains de ces défis sont communs à l'Eglise dans tous les pays développés, tandis que d'autres sont particuliers à votre pays.

Comme cela arrive si souvent, le bien-être apporte avec lui un ensemble de problèmes, dont les racines peuvent être trouvées dans le coeur de l'homme. Tandis que certains bénéficient du progrès matériel, d'autres sont marginalisés, sous des formes nouvelles et parfois particulièrement dégradantes. Lorsqu'une mentalité de consommation s'instaure, les personnes sont omnibulées par la préoccupation de l'"avoir" au détriment de l'"être". L'harmonie de l'esprit est fragmentée, et le résultat est l'insatisfaction et l'incapacité d'édifier des relations interpersonnelles et d'assumer un engagement d'amour généreux et de service aux autres. Combien de personnes, même parmi les plus aisées, sont menacées par le désespoir face au manque de signification dans leur vie, par la peur d'être abandonnées dans la vieillesse ou la maladie, par la marginalisation ou la discrimination sociale! Certaines des façons à travers lesquelles les personnes cherchent un soulagement sont extrêmement contre-productives et destructrices pour les personnes et la société: la violence, la toxicomanie et le suicide viennent immédiatement à l'esprit. Mais, en tant que pasteurs des âmes, vous êtes pleinement conscients de la vérité que saint Paul écrit aux Romains: "Où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé" (Rm 5,20). C'est la confiance que vous placez dans la grâce de Dieu qui vous transmet l'espérance et la force pour résoudre les défis qui se présentent à vous, et c'est la véritable charité pastorale qui vous presse à rassembler toutes les énergies des communautés qui sont confiées à votre sollicitude pastorale dans un vaste et généreux effort pour laisser l'Evangile imprégner de façon plus visible et concrète les conditions dans lesquelles vous vivez.


5. Dans le climat de prière qui entoure vos visites aux tombes des Apôtres, il sera peut-être plus facile de réaffirmer que le but de tout programme et activité pastorale est la sainteté selon les modèles des Béatitudes (cf. Novo millennio ineunte NM 31). L'appel à la sainteté, tout en s'appliquant de façon spécifique aux évêques, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, est, comme le Chapitre 5 de la Constitution Lumen gentium le souligne, un appel universel. Il existe divers ministères et divers rôles dans l'Eglise, mais cela ne peut signifier que certains sont appelés à la sainteté et d'autres pas. Toute personne baptisée est appelée à la sainteté de Dieu, et donc "ce serait un contre-sens que de se contenter d'une vie médiocre, vécue sous le signe d'une éthique minimaliste et d'une religiosité superficielle" (Novo millennio ineunte NM 31).

D'une certaine manière, la sainteté du clergé et des religieux est entendue comme un service aux laïcs, en leur permettant de progresser toujours plus sur la voie de la sainteté, afin qu'ils puissent remplir leur vocation baptismale. Des laïcs imprégnés des vertus chrétiennes à un degré héroïque n'est pas une nouveauté dans l'histoire de l'Eglise qui est au Japon. La liste de vos martyrs comporte les noms d'éminentes figures de laïcs, et lorsque les difficultés ont persisté pendant de longues périodes, ce sont les laïcs qui ont transmis une foi profonde d'une génération à l'autre. La vérité est que des Pasteurs saints produiront des laïcs saints, et parmi ces laïcs saints, naîtront des vocations au sacerdoce et à la vie religieuse dont l'Eglise a besoin en tout lieu et en tout temps. Nous devons conserver cette vision de complémentarité et de collaboration à l'esprit, afin que la relation entre le clergé et les laïcs reflète toujours plus la communion (koinonia) qui est la nature même de l'Eglise.


6. L'un des objectifs principaux de votre programme pastoral en union avec vos collaborateurs consistera à aider les communautés chrétiennes au Japon à devenir plus que jamais d'"authentiques écoles de prière", "où la rencontre avec le Christ ne s'exprime pas seulement en demande d'aide, mais aussi en action de grâce, louange, adoration, contemplation, écoute, affection ardente, jusqu'à une vraie "folie du coeur"" (Novo millennio ineunte NM 33). Une telle prière est plus qu'un réconfort et une force dans la vie du disciple: elle est également la source de l'évangélisation. C'est d'une nouvelle profondeur de la prière et de la contemplation que jaillira une "nouvelle évangélisation".

Un renouveau spécifique de l'activité et de la méthodologie pastorales est exigé dans les paroisses et les communautés qui sont transformées par un afflux d'immigrants, dont un grand nombre sont des catholiques. La plupart de ces frères et soeurs dans la foi connaissent des difficultés à s'adapter à des situations qui ne leur sont pas familières avec des ressources très limitées. Ils sont souvent sans amis, défavorisés du point de vue linguistique et culturellement étrangers, avec des conséquences négatives en ce qui concerne les possibilités de travail, l'éducation de leurs enfants et même les services nécessaires comme la santé et la protection légale. Nombreux sont ceux qui ne possèdent pas d'éducation religieuse et ont fortement besoin d'un soutien spirituel et matériel. Tous les efforts possibles doivent être accomplis afin de répondre à leurs besoins légitimes et de les intégrer dans la communauté catholique. L'Eglise ne peut que s'opposer à toute forme de discrimination et d'injustice, en oeuvrant avec détermination pour agir au nom de ceux qui sont exploités ou qui ne peuvent faire entendre leur voix.

Une "nouvelle évangélisation" au Japon signifiera également une ouverture réfléchie mais généreuse aux communautés et aux mouvements que l'Esprit Saint suscite dans l'Eglise en tant que fruit spécial du Concile Vatican II. C'est souvent dans ces groupes que les personnes, en particulier les jeunes, trouvent la ferveur spirituelle et l'expériene de la communauté qui les conduit à une rencontre personnelle avec le Christ et les rend à leur tour missionnaires du nouveau millénaire. Il est évident que ces communautés et mouvements doivent oeuvrer en union avec les évêques et les prêtres et en pleine harmonie avec la vie pastorale des Eglises locales. La tâche des Evêques consiste en ceci: "Tout ce qui est bon, retenez-le" (1Th 5,21).


7. Chers Frères dans l'épiscopat, la bonne semence a été plantée dans le sol fertile du Japon (cf. Lc 8,15). L'oeuvre de saint François-Xavier et des premiers missionnaires, qui a apporté un tel fruit dans le passé, continuera à porter des fruits abondants aussi longtemps que leur mémoire sera préservée et vénérée. Le témoignage des martyrs japonais ne cessera de montrer "la gloire de Dieu qui est sur la face du Christ" (2Co 4,6); la fidélité héroïque des chrétiens japonais qui ont conservé leur foi dans le secret pendant des siècles en dépit de la persécution et du manque de prêtres, représente certaine ment une garantie que la rencontre féconde entre la foi et la culture japonaise peut se réaliser aux niveaux les plus profonds de l'esprit et du coeur.

En vous confiant, ainsi que les prêtres, les religieux et tous les fidèles du Christ au Japon, à Marie, "Mère de la nouvelle création et Mère de l'Asie" (Ecclesia in Asia ), je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique en signe de grâce et de paix dans son Fils divin.

 


AUX MEMBRES DE L’INSTITUT DE L’ENCYCLOPÉDIE ITALIENNE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DE L'"ENCYCLOPÉDIE DES PAPES"

Samedi 31 mars 2001



Monsieur le Cardinal,
Monsieur le Président,
Messieurs les experts!

1. C'est avec plaisir que je reçois aujourd'hui de la Direction de la prestigieuse Encyclopédie italienne cette oeuvre exceptionnelle, imprimée de façon magnifique et réalisée à l'occasion du grand Jubilé de l'An 2000. Les trois volumes de l'Encyclopédie des Papes se présentent comme l'un des fruits culturels les plus significatifs de l'Année jubilaire. Merci de tout coeur pour ce don véritablement précieux.

Il s'agit d'une oeuvre exceptionnelle, réalisée par au moins 137 collaborateurs provenant d'environ douze pays, sous la direction de Maîtres éminents. Avec une discipline scientifique précise et une riche iconographie originale, l'Encyclopédie atteste de la surprenante continuité de la papauté à travers les événements de l'histoire. Elle offre, dans le même temps, un ample tour d'horizon sur les deux millénaires de christianisme qui viennent de s'écouler. C'est ce que souligne dans sa préface le Cardinal Paul Poupard, Président du Conseil pontifical de la Culture. Je lui adresse mes salutations cordiales, que j'étends au Président de la Treccani, en le remerciant des paroles cordiales qu'il m'a exprimées, ainsi qu'à toutes les personnes présentes qui ont participé de diverses façons à cette oeuvre.

Cette réalisation monumentale, considérée par les experts comme un matériel de référence incontournable, est destinée à apporter une contribution significative non seulement à l'histoire de l'Eglise, mais à la culture elle-même, à l'aube du troisième millénaire.


2. La papauté a marqué l'histoire de l'humanité, à partir de la vie d'un pêcheur inconnu de Galilée, Simon, fils de Jonas, auquel le Christ donna le nom de Pierre. Je suis son humble Successeur, dans une continuité bimillénaire qui n'a pas manqué d'épreuves très difficiles, allant jusqu'au martyre. Pierre fut avant tout un martyr, lui qui, versant son sang dans la capitale de l'Empire, fit de Rome le centre du christianisme. Cette Encyclopédie des Papes introduit le lecteur dans un monde qui, selon la volonté du Seigneur, trouve dans les Successeurs de l'Apôtre son point de référence constant, dans des conditions historiques diverses et parfois dramatiques. A travers la succession de tant de Pontifes provenant de lieux, de cultures et de styles de vie différents, la Papauté, tout en se renouvelant continuellement, a conservé son identité essentielle dans le développement historique de sa fonction.

L'Encyclopédie des Papes souligne également la relation historique et vitale qui lie la papauté de façon particulière à l'Italie, dans la réalisation d'un ministère véritablement universel tel que le ministère catholique. Ce lien est attesté par le très riche patrimoine artistique et culturel que Rome et l'Italie conservent, comme le témoigne de façon éloquente l'inculturation de l'Evangile.


3. Que le Seigneur vous récompense pour avoir voulu offrir aux lecteurs attentifs le fruit d'un travail précieux de recherche historique avec une rigueur méthodologique, une sérieuse analyse scientifique, un matériel bibliographique précis. Je me réjouis vivement du travail long et diligent accompli par la rédaction, conduit sur des bases sûres et sans aucune intention apologétique. Je remercie vivement les Organes de l'Institut de l'Encyclopédie italienne pour cette initiative éditoriale dont la haute valeur culturelle l'honore, et, tandis que je vous assure de mon souvenir dans la prière, je donne à tous mon affectueuse Bénédiction.

 

AUX PARTICIPANTS AU COURS SUR LE FOR INTERNE PROMU PAR LA PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE

Samedi 31 mars 2001


Monsieur le Cardinal,
Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
Chers séminaristes!

1. Cette rencontre annuelle traditionnelle est toujours pour moi un motif de joie particulière. L'audience accordée à la Pénitencerie apostolique, aux Pères pénitenciers des basiliques patriarcales de l'Urbs et aux jeunes prêtres et candidats au sacerdoce, qui participent au Cours sur le For interne organisé par la Pénitencerie, m'offre en effet l'occasion de m'entretenir sur les divers aspects du Sacrement de la réconciliation, si important pour la vie de l'Eglise.

Je salue tout d'abord le Cardinal-Pénitencier, en le remerciant des paroles courtoises qu'il vient de m'adresser au nom de tous. Je salue ensuite les membres de la Pénitencerie apostolique qui a pour tâche d'offrir les moyens de la réconciliation dans les cas les plus graves et les plus dramatiques du péché, ainsi que le conseil faisant autorité pour les problèmes de conscience, et l'indulgence, couronnement de la grâce conservée ou retrouvée du fait de la miséricorde du Seigneur. En outre, je salue les Pères pénitenciers qui vivent leur sacerdoce avec un généreux dévouement au ministère de la réconciliation sacramentelle, et les jeunes présents qui, bien que comprenant déjà le caractère éminent et indispensable de ce ministère, ont voulu approfondir leur préparation grâce à la participation au cours qui touche à présent à son terme. Enfin, ma pensée s'étend avec reconnaissance à tous les prêtres du monde qui, en particulier lors du récent Jubilé, se sont consacrés avec patience et conscience au précieux service de la confession.


2. A travers le Baptême, l'être humain est assimilé au Christ avec une configuration ontologique indélébile. Sa volonté reste cependant exposée à l'attrait du péché, qui est une rébellion à la très sainte volonté de Dieu. Cela a pour conséquence la perte de la vie divine de la grâce et, dans les cas extrêmes, également la rupture du lien juridique et visible avec l'Eglise: telle est la causalité tragique du péché.

Mais Dieu, "dives in misericordia" (cf. Ep 2,4), n'abandonne pas le pécheur à son destin. A travers le pouvoir accordé aux Apôtres et à leurs successeurs, il rend agissante en lui, s'il est repenti, la rédemption acquise par le Christ dans le mystère pascal. Telle est la merveilleuse efficacité du Sacrement de la réconciliation, qui guérit la contradiction produite par le péché et rétablit la vérité du chrétien en tant que membre vivant de l'Eglise, Corps mystique du Christ. Le Sacrement apparaît ainsi organiquement lié à l'Eucharistie, qui, mémorial du sacrifice du Calvaire, est la source et le sommet de toute la vie de l'Eglise, une et sainte.

Jésus est le médiateur unique et nécessaire du salut éternel.

A ce propos, saint Paul est explicite: "Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus homme lui-même" (1Tm 2,5). C'est de là que dérive la nécessité, en relation au salut éternel, des moyens de grâce institués par Jésus, qui sont les Sacrements. Il est donc illusoire et nuisible de prétendre régler ses propres comptes avec Dieu, en faisant abstraction de l'Eglise et de l'économie sacramentelle. Il est significatif que le Ressuscité, le soir de Pâques, dans un contexte semblable, ait conféré aux Apôtres le pouvoir de remettre les péchés et en ait déclaré la nécessité (cf. Jn 20,23). Lors du Concile de Trente, l'Eglise a solennellement exprimé cette nécessité à propos des péchés mortels (cf. sess. XIV, cap. 5 et can. 6 - DS 1679,170).

Le devoir des prêtres envers les fidèles et le droit de ceux-ci de recevoir des prêtres une correcte administration du Sacrement de la pénitence, trouvent ici leur fondement. C'est sur ce thème, sous ses divers aspects, que portent les douze Messages que j'ai adressés à la Pénitencerie apostolique, au cours de la période s'étendant de 1981 jusqu'à l'année dernière, en 2000.


3. La grande affluence des fidèles à la Confession sacramentelle, au cours de l'année jubilaire, a révélé combien ce thème - et en même temps celui des indulgences, qui ont été et qui sont une heureuse invitation à la réconciliation sacramentelle - est toujours actuel: les chrétiens ressentent ce besoin intérieur et se montrent reconnaissant, lorsque, avec une juste disponibilité, les prêtres les accueillent au confessionnal. C'est pourquoi, dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, j'ai écrit: "Mais l'année jubilaire, qui a été particulièrement caractérisée par le recours à la Pénitence sacramentelle, nous a délivré un message encourageant qu'il ne faut pas laisser perdre: si beaucoup de fidèles, et parmi eux notamment de nombreux jeunes ont accédé avec fruit à ce sacrement, il est probablement nécessaire [...] de le présenter et de le remettre en valeur" (NM 37).

Réconforté par cette expérience, qui représente une promesse pour l'avenir, je désire, dans le Message d'aujourd'hui, rappeler certains aspects particulièrement importants sur le plan des principes ainsi que de l'orientation pastorale. L'Eglise est, à travers ses ministres ordonnés, un sujet actif de l'oeuvre de la réconciliation. Saint Matthieu rapporte les paroles de Jésus aux disciples: "En vérité je vous le dis: tout ce que vous lierez sur la terre sera tenu au ciel pour lié, et tout ce que vous délierez sur la terre sera tenu au ciel pour délié" (Mt 18,18). De la même façon, saint Jacques lance une exhortation, en parlant de l'Onction des malades qui est elle aussi un sacrement de réconciliation: "Quelqu'un parmi vous est-il malade? Qu'il appelle les presbytres de l'Eglise et qu'ils prient sur lui après l'avoir oint d'huile au nom du Seigneur" (Jc 5,14).

La célébration du Sacrement de la pénitence est toujours accomplie par l'Eglise qui, à travers celui-ci, proclame sa foi et rend grâce à Dieu, qui en Jésus-Christ nous a libérés du péché. Il s'ensuit que, en ce qui concerne la validité ou le caractère licite du Sacrement lui-même, le prêtre et le pénitent doivent s'en tenir fidèlement à ce que l'Eglise enseigne et prescrit. Pour l'absolution sacramentelle, en particulier, les formules qui doivent être utilisées sont celles qui sont prescrites dans l'Ordo Paenitentiae et dans les textes rituels analogues en vigueur pour les Eglises orientales. Il faut absolument exclure l'utilisation de formules différentes.

Il est également nécessaire de garder à l'esprit la disposition du can. 720 du Code des Canons des Eglises orientales et du can. 960 du Code de Droit Canonique, selon lesquels la confession individuelle intégrale et l'absolution constituent l'unique mode ordinaire afin que le fidèle conscient du péché grave puisse se réconcilier avec Dieu et avec l'Eglise. C'est pourquoi l'absolution collective, sans la préalable reconnaissance individuelle des péchés, doit être rigoureusement encadrée par les normes canoniques formelles (cf. CCEO CIO 720-721 CIC 961 962  963).


4. En tant que ministre du Sacrement, le prêtre agit in persona Christi, au sommet de l'économie surnaturelle. Dans la confession sacramentelle, le pénitent accomplit un acte "théologal", c'est-à-dire dicté par la foi, en ressentant une douleur qui dérive de motifs surnaturels, liés à la crainte de Dieu et à la charité, dans le but de rétablir l'amitié avec Lui, et dans l'objectif du salut éternel.

Dans le même temps, comme il est suggéré par la formule de l'absolution sacramentelle, qui utilise les paroles suivantes: "Que Dieu... t'accorde le pardon et la paix", le pénitent aspire à la paix intérieure et, légitimement, il désire également la paix psychologique. Il ne faut toutefois pas confondre le Sacrement de la Réconciliation avec une psychothérapie. Les pratiques psychologiques ne peuvent pas remplacer le Sacrement de la pénitence, et encore moins être imposées à sa place.

Le confesseur, ministre de la miséricorde de Dieu, se sentira engagé à offrir aux fidèles, avec une entière disponibilité, son temps et sa patience compréhensive. A ce propos, le can. (CIC 980) du Code de Droit canonique établit que "s'il n'y a pas de doute pour le confesseur sur les dispositions du pénitent, et que celui-ci demande l'absolution, cette dernière ne sera ni refusée, ni différée"; le can. (CIC 986) oblige ensuite de façon précise les prêtres qui ont soin des âmes à écouter les confessions de leurs fidèles "qui rationabiliter audiri petant" (CIO 735 CIO 1). Cette obligation est l'application d'un principe général, tant d'ordre juridique que pastoral, selon lequel "les ministres sacrés ne peuvent pas refuser les sacrements aux personnes qui les leur demandent opportunément, sont dûment disposées et ne sont pas empêchées par le droit à les recevoir" (CIC 843,1). Et comme la "caritas Christi urget nos", le prêtre qui n'est pas chargé d'âmes se révélera lui aussi généreux à ce sujet et disponible. Dans tous les cas, il faut respecter la réglementation canonique à propos du lieu nécessaire et opportun pour entendre les confessions sacramentelles (cf. CCEO CIO 736 CIC 964.).

Le Sacrement est non seulement un acte de foi de l'Eglise, mais également un acte personnel de foi, d'espérance et, tout au moins à un stade initial, de charité du pénitent. La tâche du prêtre sera donc de l'aider à accomplir la confession des péchés, non pas comme une simple relecture du passé, mais comme un acte d'humilité religieuse et de confiance dans la miséricorde de Dieu.


5. La dignité transcendante qui rend possible au prêtre d'agir in persona Christi dans l'administration des Sacrements, crée en lui - restant toujours sauve pour le pénitent l'efficacité du Sacrement même si le ministre n'en était pas digne - le devoir de s'assimiler au Christ de façon à devenir pour le fidèle son image vivante: pour y parvenir, il est nécessaire que celui-ci, à son tour, s'approche fidèlement et souvent, en tant que pénitent, du Sacrement de la réconciliation.

La condition même de ministre in persona Christi donne au prêtre l'obligation absolue du secret sacramentel sur les contenus confessés dans le Sacrement, également au prix de la vie si cela est nécessaire. En effet, les fidèles confient le monde mystérieux de leur conscience au prêtre non pas en tant que personne privée, mais en tant qu'instrument, par mandat de l'Eglise, d'un pouvoir et d'une miséricorde qui n'appartiennent qu'à Dieu.

Le confesseur est le juge, le médecin et le maître pour le compte de l'Eglise. Comme tel il ne peut pas proposer "sa" morale ou son ascèse personnelle, c'est-à-dire ses opinions ou options privées, mais il doit exprimer la vérité dont l'Eglise est la dépositaire et la garante dans le Magistère authentique (cf. CIC CIC 978).

Au cours du Jubilé, pour les fruits spirituels duquel nous rendons grâce à Dieu, l'Eglise a commémoré le bimillénaire de la naissance parmi les hommes du Fils de Dieu, qui s'est fait homme dans le sein de Marie et qui a participé en tout, hormis le péché, à la condition humaine. Cette célébration a ravivé dans l'esprit des chrétiens la conscience de la présence vivante et agissante du Christ dans l'Eglise: "Christus heri et hodie, Ipse et in saecula". C'est précisément au service de ce dynamisme de la grâce du Christ que se place l'économie sacramentelle. Dans celle-ci la Pénitence, étroitement liée au Baptême et à l'Eucharistie, agit afin que le Christ renaisse et demeure mystiquement dans les croyants.

C'est de là que naît l'importance de ce Sacrement, dont le Christ a voulu faire don à son Eglise, le jour même de sa résurrection (cf. Jn 20,19-23). J'exhorte les prêtres de toutes les parties du monde à en devenir des ministres généreux, afin que la vague de la miséricorde divine puisse rejoindre chaque âme ayant besoin de purification et de réconfort. Que la Très Sainte Vierge Marie, qui à Bethléem donna physiquement le jour à Jésus, permette à chaque prêtre de réussir à engendrer le Christ dans les âmes, en devenant l'instrument d'un Jubilé sans fin.

Que la Bénédiction du Seigneur, qu'avec vous et pour vous, j'invoque dans une humble prière, descende sur ces aspirations et que la Bénédiction apostolique que je donne de grand coeur à tous en soit le gage.

Avril 2001



Discours 2001 - Samedi 24 mars 2001