Discours 2001 - Vendredi 30 novembre 2001


MESSAGE DU SAINT PÈRE À SA SAINTETÉ BARTHOLOMAIOS Ier, PATRIARCHE OECUMÉNIQUE, À L'OCCASION DE LA FÊTE DE SAINT ANDRÉ



À Sa Sainteté Bartholomaios Ier
Archevêque de Constantinople
Patriarche oecuménique

«Avec nous seront grâce, miséricorde et paix, de la part de Dieu le Père et de la part de Jésus Christ, le Fils du Père, en vérité et amour» (2Jn 1,3).

Par cette bénédiction de l'Apôtre Jean, je vous salue, Sainteté, ainsi que tous les membres du Saint Synode et tous les fidèles du Patriarcat oecuménique en cette joyeuse circonstance de la fête de saint André, apôtre et frère de Pierre. La délégation conduite en mon nom par notre frère le Cardinal Walter Kasper, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, assurera la participation fraternelle de l'Église de Rome. Elle s'unira à vous pour implorer du Seigneur «la stabilité des saintes Églises de Dieu et l'union entre tous» (Liturgie de saint Jean Chrysostome).

La fête de saint André, le premier des Apôtres à avoir été appelé par Jésus, nous rappelle constamment le mystère de la vocation chrétienne et le devoir d'annoncer la Bonne Nouvelle: «André, le frère de Simon-Pierre, était l'un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean et suivi Jésus» (Jn 1,40). La vocation chrétienne est intrinsèquement liée à la reconnaissance du Messie, désigné par le Baptiste: «Voici l'agneau de Dieu» (Jn 1,36) que les Apôtres ne cesseront de proclamer en paroles et par leurs actions, par leur vie et jusqu'au martyre comme Pierre et André.

De nos jours, les disciples du Christ sont appelés à proclamer d'une même voix l'annonce du salut. En célébrant conjointement André et Pierre, nous manifestons notre commune volonté de transmettre ensemble la foi apostolique aux hommes de notre temps, qui se laissent trop souvent prendre par une indifférence religieuse qui conduit à la perte du sens de l'existence. Dans un souci missionnaire, il nous est donc demandé un témoignage chrétien commun et fidèle «dans la vérité et dans l'amour». Les divisions qui persistent encore et l'acrimonie qui parfois se manifeste entre chrétiens affaiblissent la force de la prédication chrétienne, qui proclame l'amour de Dieu et du prochain. Mais j'ai confiance, car «le Seigneur a permis aux chrétiens de notre temps de pouvoir réduire le contentieux traditionnel» (Encyclique Ut unum sint UUS 49).

Je désire vous exprimer, Sainteté, toute ma gratitude pour la disponibilité que vous avez manifestée avec constance en répondant favorablement aux demandes de collaboration qui proviennent de l'Église catholique et en encourageant les initiatives des Églises orthodoxes qui prévoient la participation de l'Église de Rome. J'ai en particulier apprécié la nomination d'un Délégué fraternel du Patriarcat oecuménique à la récente Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques de l'Église catholique. Ce fut une nouvelle occasion de dialogue, d'échange fraternel et de connaissance réciproque.

L'Église catholique est prête à faire tout ce qui est en son pouvoir pour promouvoir le développement des relations avec les Églises orthodoxes. Les difficultés rencontrées ces dernières années par la Commission mixte internationale de dialogue théologique doivent être analysées et surmontées. Le dialogue doit retrouver son esprit positif initial et être animé par la volonté de résoudre les véritables problèmes. Il doit aussi faire preuve d’un certain enthousiasme que seules la foi et l'espérance théologales peuvent nourrir.

Selon l'invitation du deuxième Concile du Vatican (cf. Unitatis redintegratio UR 24), mettons notre espoir en Dieu pour que nous avancions dans la voie de l’unité et que le monde connaisse un avenir meilleur ! Ces derniers temps, le terrorisme et les guerres, avec tout le poids de mort et de désastre qu'ils portent en eux, ont engendré une anxiété qui paralyse les populations et bouleverse le cours normal de la vie civile. Pour implorer de Dieu sa protection sur tous les peuples et pour raviver la conscience des hommes, j'ai jugé opportun de convoquer tous les croyants à une journée de jeûne et de prière pour la paix, le 24 janvier prochain. Le Seigneur entendra l'invocation que, d'un seul coeur, nous élèverons pour le salut de l'humanité tout entière.

Dans l'imminence de la fête de l'Apôtre saint André, avant ce prochain rassemblement, élevons ensemble notre prière au Seigneur et faisons nôtre l'invitation que Jean, dans sa seconde Épître, adresse aux chrétiens d'Asie Mineure: «Aimons-nous les uns les autres» (2Jn 1,5). Nous marcherons ainsi dans l'amour et dans la vérité. Et la paix sera en nous tous.

Dans cette espérance, priant pour tous les membres de son Patriarcat, j’échange avec Votre Sainteté le baiser de paix, et je L’assure de mon affection fraternelle.

Du Vatican, le 22 novembre 2001.

IOANNES PAULUS II


 
Décembre 2001


AU NOUVEL AMBASSADEUR DE POLOGNE LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Lundi 3 décembre 2001




Excellence, Madame l'Ambassadeur,

Je vous souhaite une cordiale bienvenue au Vatican. Ce n'est pas la première fois que je le fais. J'ai eu plusieurs occasions de le faire auparavant, lors-que vous êtes venue ici en tant que Premier ministre du gouvernement de la République de Pologne, et par la suite, en tant que membre de l'Académie pontificale des Sciences sociales. Aujourd'hui, toutefois, mon salut revêt un caractère particulier. En effet, vous venez ici en tant qu'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Pologne près le Siège apostolique, pour remettre les Lettres de Créances de la part du Président, en vertu desquelles vous accomplirez votre mission. Je les accepte volontiers, en vous souhaitant que ce service de liaison entre la Pologne et le Saint-Siège soit efficace et fructueux et vous apporte satisfaction et joie.

Je vous remercie des paroles que vous m'avez adressées, avec lesquelles vous avez rappelé les éléments essentiels de la réalité actuelle de notre patrie, de l'Eglise et du monde. Il n'est pas possible de les présenter autrement que précisément dans le cadre d'une synthèse. Les destins de la Pologne, de l'Eglise et du monde sont liés entre eux de façon inséparable, ils s'entremêlent et se conditionnent réciproquement. Le processus de transformations sociales et économiques en Pologne, qui se poursuit depuis 1989, s'accomplit dans le cadre de changements positifs dans le monde, comme la construction de l'Union européenne ou l'élargissement de l'Alliance atlantique. D'autre part, les terribles opérations de guerre dans le Golfe persique, dans les Balkans ou en Afghanistan, l'impossibilité d'atteindre la paix au Moyen-Orient et les actes terrifiants de terrorisme, comme ceux accomplis à New York, qui révèlent le manque de stabilité de l'ordre politique et économique jusqu'à présent dominant, exercent une profonde influence sur le mode de penser et d'agir des Polonais.

Il semble toutefois que dans la situation politique complexe du monde, la Pologne soit en train de trouver sa voie de développement de l'Etat. A partir de 1989, indépendamment du développement des événements du monde, malgré des hauts et des bas, nous avons pu observer en Pologne un progrès constant du processus d'application de la liberté reconquise. Certes, les difficultés ne manquent pas. On ne peut toutefois pas oublier les importants succès des gouvernements qui se sont succédé et de la société tout entière dans l'édification d'un Etat souverain, d'un Etat de droit et d'un Etat de prospérité. Il faut souligner ici ce que l'on a réussi à accomplir dans le domaine des libertés politiques, de la liberté religieuse et de démocratisation de la vie sociale.

Je suis avec attention toutes les nouvelles qui nous parviennent de notre pays. Je me réjouis du fait que son développement économique se poursuive sans cesse. Dans le même temps, pourtant, je suis profondément touché par la pauvreté de nombreuses familles qui s'adressent au Pape pour obtenir de l'aide, ainsi qu'un soutien matériel et spirituel. Un grand nombre d'entre elles sont douloureusement frappées par le phénomène du chômage, du manque de possibilités de mettre en oeuvre leurs capacités, leur instruction et leur énergie en vue de l'édification d'un avenir qui réponde aux besoins et aux désirs. Je suis convaincu que le développement général de la vie publique en Pologne ouvrira à tous les citoyens de nouvelles perspectives et d'amples possibilités d'édifier un avenir digne et heureux. Je peux assurer que l'Eglise continuera à participer à cette oeuvre, conformément à sa mission et à ses devoirs.

Au cours de la présentation des Lettres de Créance de la part de M. l'Ambassadeur Stefan Frankiewicz, le 11 juillet 1995, j'ai dit que l'Eglise ne désire pour elle aucun privilège, ni aucune place particulière. Elle désire seulement jouir des droits qui lui sont dus pour accomplir sa mission spirituelle. Aujourd'hui, je peux dire plus encore. Je peux souligner que l'Eglise, en accomplissant cette mission, peut et désire poursuivre l'oeuvre de consolidation et de formation du patrimoine spirituel, culturel et social d'une nation qui depuis mille ans, est liée aux valeurs que porte en lui le christianisme. La signature du Concordat, en 1993, et sa ratification successive ont créé pour l'Eglise des possibilités d'engagement actif en faveur du bien de la nation. En dépit de l'opinion des personnes sceptiques, on a pu constater que le Concordat non seulement a contribué à améliorer la coopération de l'Eglise et des organes d'Etat en faveur du bien commun, en étendant les espaces de liberté des personnes et de la société, mais qu'il est également devenu un instrument oecuménique à l'égard d'autres Eglises et communautés confessionnelles en Pologne.

Dans le même esprit, l'Eglise désire être présente également dans le processus de préparation de la Pologne à son entrée dans l'Union europénne. Il est juste d'aspirer à ce que la Pologne occupe la place qui lui revient dans les milieux politique et économique des structures de l'Europe unie. Il faut toutefois qu'elle soit présente comme un Etat qui possède son propre visage spirituel et culturel, sa propre tradition inaliénable liée au christianisme depuis les origines de l'histoire. La Pologne ne peut se priver d'une telle tradition, d'une telle identité nationale. En devenant membre de la Communauté européenne, la République de Pologne ne peut perdre aucun des biens matériels et spirituels que les générations de nos ancêtres ont défendus au prix de leur sang. En défendant ces valeurs, l'Eglise veut être un partenaire et un allié de ceux qui gouvernent notre pays. L'Eglise, comme je l'ai dit au Parlement de la République, au cours de mon dernier pèlerinage dans notre Patrie "met en garde contre une réduction de la vision de l'Europe, qui la considérerait exclusivement sous ses aspects économiques et politiques, ainsi que contre une relation acritique avec un mode de vie consumériste. Si nous voulons que la nouvelle unité de l'Europe soit durable, nous devons la construire sur les valeurs spirituelles qui en furent autrefois le fondement, en tenant compte de la richesse et de la diversité des cultures, et des traditions de chaque nation. En effet elle doit devenir la grande Communauté européenne de l'Esprit". Je veux répéter une fois de plus que "l'expérience historique vécue par la nation polonaise, sa richesse spirituelle et culturelle, peuvent contribuer de façon efficace au bien commun de toute la famille humaine, en particulier à la consolidation de la paix et de la sécurité en Europe" (Varsovie, 11 juin 1999; ORLF n. 26 du 29 juin 1999).

La Pologne se trouve une fois de plus face à d'immenses défis fondamentaux pour la société présente et future. Je nourris l'espérance que l'Eglise et l'Etat, tout en conservant leur autonomie et leurs devoirs spécifiques, répondront de façon commune à ces devoirs. Je ne cesse de prier Dieu afin que ces efforts communs portent les fruits attendus à chaque Polonais et à toute la nation.
Je vous demande, Madame l'Ambassadeur, de transmettre mes salutations cordiales à Monsieur le Président et au Gouvernement de la République de Pologne. Conformément aux indications de saint Paul, je prie afin que les décisions et l'oeuvre de tous les responsables de la structure constitutionnelle de la République et de sa place sur la scène européenne et mondiale, soient dictées par la plus profonde sollicitude pour son bien et pour qu'elles engendrent sans cesse un tel bien.

A vous, Madame l'Ambassadeur, je souhaite une fois de plus que l'accomplissement de votre mission d'intermédiaire entre la République de Pologne et le Siège apostolique vous apporte satisfaction et joie, et serve au bien commun de tous les fils et filles de notre patrie bien-aimée.


AUX ÉVÊQUES DU HONDURAS EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Mardi 4 décembre 2001



Chers frères dans l'épiscopat,

1. Je suis heureux de vous recevoir aujourd'hui, à l'occasion de votre visite "ad limina", au cours de laquelle vous avez eu l'occasion, une fois de plus, de vous rendre en pèlerinage auprès des tombes des Apôtres Pierre et Paul, et de renouveler vos liens de communion avec l'Evêque de Rome et l'Eglise universelle. En outre, il s'agit d'une aide pour vivre la mission de guider la communauté ecclésiale du Honduras, que j'ai eu la joie de visiter en 1983.

Je remercie cordialement le Cardinal Oscar Andrés Rodríguez Maradiaga, Archevêque de Tegucigalpa et Président de la Conférence épiscopale, des paroles courtoises qu'il m'a adressées également au nom de ses frères évêques, que je salue en disant, avec l'Apôtre Paul: "A vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ" (Rm 1,7). Je vous demande, en retour, de transmettre mon salut affectueux aux membres de chaque communauté ecclésiale de votre pays bien-aimé.

Je me sens profondément uni à vous, au point de partager "les joies et les espérances, les tristesses et les angoisses" (Gaudium et spes GS 1) des citoyens du Honduras, en gardant encore à l'esprit la douleur et les inquiétudes face aux destructions causées par l'ouragan "Mitch" en octobre 1998, et, plus récemment, par la tempête tropicale "Michelle". Face à de telles catastrophes, vous avez cherché à soulager les souffrances de la population, déjà tant éprouvée par la pauvreté, et susciter en elle de nouvelles espérances. J'espère en outre que les nouveaux dirigeants politiques, récemment élus, pourront continuer l'oeuvre de véritable reconstruction nationale, en conduisant le pays vers un développement authentique, tout en respectant comme il se doit la dignité de la personne humaine et ses droits fondamentaux.


2. La commémoration prochaine du 500ème anniversaire de la première Messe célébrée sur la terre ferme du continent est également un motif de joie et d'espérance pour l'Eglise qui est au Honduras. Cet anniversaire doit être vécu comme une opportunité providentielle pour commencer un chemin nouveau, riche d'initiatives, en se rappelant toujours les paroles du Seigneur: "Je suis avec vous pour toujours" (Mt 28,20). Dans le document que vous avez publié pour cette commémoration, vous affirmez qu'"en gardant des souvenirs reconnaissants et des impressions encore fraîches des grands événements de spiritualité du grand Jubilé de l'An 2000, l'Eglise qui est en pèlerinage au Honduras élève son action de grâce à Dieu et invite avec une grande joie l'Eglise universelle à s'unir à elle dans les louanges à Dieu le Père, qui sauve à travers la foi dans son fils Jésus-Christ, constitué Seigneur de l'histoire par l'Esprit Saint. C'est ce qui nous laisse penser que notre territoire fut providentiellement choisi par Dieu afin que, le 14 août de l'an 1502, l'humble frère Alejandro y célèbre la première Messe, dans un lieu élevé et planté d'arbres que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de Baia de Trujillo" (Vème centenaire de la première Messe sur le continent américain, Tegucigalpa, 3 janvier 2001). Il s'agit d'une occasion propice pour analyser l'histoire de l'évangélisation de cette terre, qui appartient à l'histoire de votre nation, et qui contribuera à faire comprendre l'action providentielle du Seigneur, à envisager l'avenir avec espoir, à renforcer la foi et à donner une nouvelle impulsion à la vie ecclésiale sous tous ses aspects.

3. En tant que pasteurs, vous vous préoccupez sérieusement de la situation de pauvreté persistante au Honduras, bien que le pays possède un territoire fertile où ne manquent pas les ressources matérielles. Cela rappelle la nécessité d'améliorer l'ordre social, en promouvant une plus grande justice et des structures qui favorisent une plus juste distribution des biens, et surtout la nécessité d'éviter que quelques personnes détiennent de nombreuses ressources au détriment de la majorité. Lorsque des phénomènes de ce genre se produisent, aux difficultés économiques s'ajoute l'isolement des plus pauvres qui, enfermés dans leur monde, perdent l'espérance dans une société meilleure. C'est pourquoi le pays souffre lorsque les paysans se sentent laissés pour compte, les ethnies autochtones oubliées et les citoyens ayant besoin d'une plus grande protection, comme les enfants et les jeunes, abandonnés à leur sort.

Il est donc urgent de promouvoir la véritable justice, car "ignorer une telle exigence, ce serait courir le risque de faire naître la tentation d'une réponse violente de la part des victimes de l'injustice", c'est-à-dire "les populations exclues d'un partage équitable des biens originairement destinés à tout le monde" (Sollicitudo rei socialis, n. 10). Je désire rappeler à ce propos ce que j'ai dit dans l'Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in America: "L'Eglise doit être attentive aux cris des plus nécessiteux. Ecoutant leur voix, elle doit vivre avec les pauvres et participer à leurs souffrances" (). A ce propos, il faut promouvoir la diffusion du riche patrimoine de la Doctrine sociale de l'Eglise, à travers lequel les catholiques peuvent donner une impulsion et favoriser des initiatives visant à surmonter les situations de pauvreté et de marginalisation qui frappent tant de personnes. Il ne faut pas oublier que l'attention au domaine social fait partie de la mission évangélisatrice de l'Eglise (cf. Sollicitudo rei socialis, n. 41) et que "la promotion humaine doit être la conséquence logique de l'évangélisation, qui tend à la libération intégrale de la personne" (Discours d'inauguration de la IVème Conférence générale de l'épiscopat latino-américain, 12/10/1992, n. 13).

Sans oublier la contribution importante de l'Eglise dans ce domaine, je vous invite encore une fois, chers frères, à insister sur l'option préférentielle pour les pauvres, qui n'est ni exclusive ni excluante, en programmant des activités pastorales dans les villages et dans les zones rurales. Les personnes pauvres et marginalisées doivent ressentir la proximité particulière de leurs pasteurs, en se rappelant de ce que dit le psalmiste: "Heureux qui pense au pauvre et au faible" (Ps 40,2).


4. Un phénomène tout aussi préoccupant de nos jours, et que l'on perçoit également au Honduras, est une certaine désagrégation de la famille. Comme vous le soulignez dans vos rapports quinquennaux, il existe de nombreuses familles qui ne vivent pas selon les principes chrétiens. Indépendamment des circonstances qui conduisent à cette situation problématique, nous ne pouvons pas rester indifférents. A ce propos, j'ai écrit dans l'Encyclique Evangelium vitae: "S'il est vrai que "l'avenir de l'humanité passe par la famille", on doit reconnaître qu'actuellement les conditions sociales, économiques et culturelles rendent souvent plus difficile et plus laborieux l'engagement de la famille à être au service de la vie. Pour qu'elle puisse répondre à sa vocation de "sanctuaire de la vie", comme cellule qui aime et accueille la vie, il est nécessaire et urgent que la famille elle-même soit aidée et soutenue... Pour sa part l'Eglise doit promouvoir inlassablement une pastorale familiale capable d'amener chaque famille à redécouvrir sa mission à l'égard de l'Evangile de la vie" (EV 94). En outre, la destruction des foyers domestiques engendre des situations dramatiques comme celle des filles-mères ou des femmes abandonnées, qui doivent lutter pour subvenir aux besoins et à l'éducation de leurs enfants, ainsi que le problème des enfants de la rue; une multitude de faits devant lesquels l'Eglise et la société ne peuvent rester insensibles.

C'est pourquoi, il faut sensibiliser tous les milieux disponibles, y compris les moyens des communications sociales, dans le but de renforcer le mariage et la famille et faire face à certaines campagnes ou modes qui portent atteinte, de façon insidieuse, à l'institution familiale et à la vie elle-même.


5. Si l'on envisage l'avenir de l'humanité, il est d'une importance capitale d'offrir une éducation appropriée aux enfants et aux jeunes. La société du Honduras doit tenir compte du fait que l'éducation, qui est un droit fondamental de chaque personne, se trouve à la base du développement des individus et de la société elle-même. Comme je l'ai écrit dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix de 1999: "Comment ne pas être préoccupés en voyant que dans certaines régions parmi les plus pauvres du monde les occasions de formation diminuent en réalité peu à peu, surtout en ce qui concerne l'instruction primaire? [...] Quand on limite les occasions de formation, [...] on prépare des structures de discrimination qui peuvent avoir une incidence sur l'ensemble du développement de la société" (n. 8). Tous sont concernés par le domaine de l'éducation et il est donc nécessaire d'accomplir un effort commun. La contribution de l'Eglise au Honduras ne peut pas se limiter à quelques collèges. II faut ajouter aux écoles catholiques le témoignage des professeurs et des instituteurs chrétiens, dans le but d'assurer une formation adaptée aux génération futures.


6. La spiritualité de communion qui "incarne et manifeste l'essence même du mystère de l'Eglise" (Novo millennio ineunte NM 42) et qui constitue "le grand défi qui se présente à nous dans le millénaire qui commence" (Ibid., NM NM 43), doit être appliquée avec attention aux Eglises particulières, les pasteurs ayant la responsabilité de promouvoir l'harmonie entre tous et, de façon particulière, l'union des prêtres entre eux et autour de leur évêque. C'est pourquoi je vous invite vivement à tourner votre attention vers ceux qui sont vos principaux collaborateurs, sans épargner les efforts ni vous contenter d'un travail de gestion et d'organisation du clergé. La mission confiée à chacun exige une proximité, un contact personnel assidu, une cordialité et un encouragement, suivant l'exemple du Bon Pasteur qui appelle ses brebis "une à une" (Jn 10,3). Au Honduras, où souvent un grand nombre de fidèles est confié aux prêtres, parfois répartis dans des régions d'un accès difficile, et où un nombre considérable d'entre eux a quitté sa terre d'origine pour servir les communautés ecclésiales locales, les évêques doivent se prodiguer pour les accueillir, en les considérant comme des "fils et des amis" (Christus dominus CD 16).

Ces réflexions soulignent la valeur de la règle qui prescrit la résidence personnelle de l'Evêque diocésain dans son Siège (cf. CIC CIC 395), ainsi que l'urgence de sa stricte application. En outre, l'exemple sera ainsi donné afin que les prêtres et les autres collaborateurs de leur ministère pastoral se consacrent de tout coeur aux fidèles qui leur ont été confiés, en cherchant à faire en sorte que "le sens de la communauté paroissiale s'épanouisse, surtout dans la célébration communautaire de la messe dominicale" (Sacrosanctum concilium SC 42).


7. Un autre domaine dans lequel l'esprit de communion doit porter des fruits abondants dans chaque Eglise particulière est celui de la vie consacrée. Les divers Instituts et Sociétés sont les porteurs de leur propre charisme et doivent conserver fidèlement leur esprit de fondation, mais en tenant également compte du fait qu'il s'agit d'une "grâce qui ne concerne pas seulement un Institut, mais qui profite à toute l'Eglise" (Vita consecrata VC 49). Dans votre patrie, où les personnes consacrées jouent un rôle important dans les tâches d'évangélisation, il est nécessaire que ce type de vie "soit davantage estimé et promu par les évêques, les prêtres et les communautés chrétiennes" (Ecclesia in America ), en s'intégrant dans le même temps pleinement à l'Eglise particulière à laquelle ils appartiennent (cf. Ibidem ). C'est pourquoi, en coordonnant les divers efforts et initiatives, les pasteurs doivent proposer non seulement une plus grande efficacité dans l'action pastorale, mais également une croissance plus harmonieuse de la communauté ecclésiale, où il existe une diversité de charismes et de ministères, mais où le Seigneur est un seul et "opère tout en tous" (1Co 12,6).


8. Bien que l'on constate avec espoir une légère augmentation du nombre des séminaristes au Honduras, un effort généreux dans la promotion des vocations au sacerdoce et à la vie de consécration spéciale, continue à être urgent. C'est pourquoi, il faut non seulement prier avec insistance le Seigneur afin qu'"il envoie des ouvriers à sa moisson" (Mt 9,38), et que la vie exemplaire des prêtres et des personnes consacrées attire les nouvelles générations, mais il est également nécessaire d'intensifier une pastorale des vocations efficace (cf. Novo millennio ineunte NM 46).

A la pastorale des vocations correspond la tâche passionnante de susciter des interrogations profondes dans le coeur des jeunes et de les préparer à accueillir avec générosité l'invitation du Seigneur: "Viens, suis-moi" (Mt 19,21). Il ne faut pas éluder cette proposition de manière explicite et directe, mais il ne faut pas non plus oublier que la première réponse à la vocation n'est que le début du chemin. En effet, on perçoit toujours mieux l'importance décisive que revêtent pour l'Eglise un discernement attentif des vocations et une sérieuse formation spirituelle, humaine, théologique et culturelle des candidats au sacerdoce et à la vie consacrée. En aucun cas, le manque des vocations ne doit conduire à négliger l'examen de leur idonéité, qui, étant données les circonstances sociales et culturelles de notre époque, doit être, si possible, encore plus exigeant que par le passé.


9. La participation des laïcs à la vie ecclésiale du Honduras mérite une reconnaissance particulière. Je pense aux nombreux agents de pastorale et aux délégués de la Parole de Dieu, chargés de présider des célébrations appropriées le dimanche, dans des lieux où le prêtre ne peut pas être présent pour célébrer l'Eucharistie. Il ne faut pas non plus oublier les divers Mouvements ecclésiaux qui, à travers leurs charismes, enrichissent la vie du Peuple de Dieu. Les services que les fidèles offrent à l'Eglise sont sans aucun doute très précieux. Malgré cela, il faut éviter l'erreur de penser qu'ils peuvent remplacer les ministres ordonnés lorsque ceux-ci manquent. Il faut donner à ces agents de pastorale une solide préparation théologique dans la spiritualité de la communion, en mettant en évidence la différence entre le service ecclésial des fidèles laïcs et les ministères propres et exclusifs de l'Ordre sacré (cf. Lumen gentium LG 10 Christifideles laici CL 22).

Il faut inviter les laïcs engagés à collaborer de façon active et responsable à la catéchèse pour la première communion et pour la confirmation, ainsi qu'à la préparation des fiancés au Sacrement du Mariage. Il est fondamental que les paroisses offrent une éducation systématique dans la foi catholique, qui ne se limite pas à une préparation superficielle afin de recevoir les Sacrements de l'initiation chrétienne. Chaque fidèle a le droit de recevoir de la part de l'Eglise une formation approfondie dans la foi catholique, appropriée à son âge et à sa condition, pour se développer dans la foi. De plus, les carences qui existent dans ce domaine peuvent être l'un des motifs pour lesquels de nombreux fidèles s'éloignent et adhèrent à des sectes.


10. Chers frères, comme je l'ai déjà dit dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, nous avançons à nouveau à partir du Christ, en contemplant toujours son visage, en devenant des témoins de son amour pour avancer en eau profonde. Sur notre chemin plein d'espérance, nous cherchons à être toujours davantage avec Lui, afin d'être à nouveau envoyés pour annoncer son message salvifique à tous nos frères et soeurs.

J'implore sur chacun de vous la protection constante de la Vierge de Suyapa, afin qu'elle vous accompagne dans ces nouveaux défis pastoraux. Je lui confie également vos prêtres, les personnes consacrées, ainsi que tous les fils et toutes les filles du Honduras, et dans le même temps, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.



MESSAGE DU SAINT PÈRE À L’OCCASION DE L’ANNÉE INTERNATIONALE DU BÉNÉVOLAT




Chers Bénévoles,

1. Au terme de cette année que les Nations unies ont consacrée au bénévolat, je désire vous dire de tout coeur combien j’apprécie le dévouement constant avec lequel, en tout point du globe, vous allez à la rencontre des personnes frappées par la misère. Que vous agissiez individuellement ou au sein d’associations spécialisées, vous représentez, pour les enfants, les personnes âgées, les malades, les personnes en difficulté, les réfugiés et les persécutés, un rayon d’espérance qui perce les ténèbres de la solitude et qui encourage à vaincre la tentation de la violence et de l’égoïsme.

Qu’est-ce qui pousse un bénévole à consacrer sa vie aux autres ? C’est avant tout cet élan naturel du coeur qui incite tout être humain à aider son semblable. Il s’agit presque d’une loi de l’existence. Le bénévole ressent une joie qui va bien au-delà de l’action accomplie lorsqu’il parvient à donner gratuitement quelque chose de lui-même aux autres.

C’est précisément pour cela que le bénévolat constitue un facteur particulier d’humanisation : grâce aux formes variées de solidarité et de service qu’il promeut et qu’il met en oeuvre, il rend la société plus attentive à la dignité de l’homme et à ses multiples attentes. Par l’activité qu’il déploie, le bénévolat permet de faire l’expérience que c’est seulement en aimant et en se donnant aux autres que la créature humaine s’épanouit pleinement.

2. Le Christ, Fils de Dieu fait homme, nous communique la raison profonde de cette expérience humaine universelle. En manifestant le visage de Dieu qui est amour (cf. 1Jn 4,8), il révèle à l’homme que l’amour est la loi suprême de tout être. Au cours de sa vie terrestre, Jésus a rendu visible la tendresse divine, se dépouillant «lui-même en prenant la condition de serviteur. Il est devenu semblable aux hommes» (Ph 2,7) et «il s’est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait lui plaire» (Ep 5,2). En partageant jusqu’à la mort notre histoire terrestre, il nous a enseigné à «cheminer dans la charité».

En suivant ses traces, l’Église, au cours de ces deux millénaires, n’a pas cessé de témoigner de cet amour, écrivant des pages édifiantes grâce à des saints et à des saintes qui ont marqué l’histoire. Parmi les plus récents, je pense à saint Maximilien Kolbe, qui s’est sacrifié pour sauver un père de famille, et à Mère Teresa de Calcutta, qui s’est consacrée aux plus pauvres parmi les pauvres.

À travers l’amour de Dieu et des frères, le christianisme livre toute sa puissance libératrice et salvatrice. La charité représente la forme la plus éloquente d’évangélisation, car, répondant aux nécessités corporelles, elle révèle aux hommes l’amour de Dieu, providence et père, toujours rempli de sollicitude pour chacun. Il ne s’agit pas de satisfaire les seuls besoins matériels du prochain, tels que la faim, la soif, le manque de logement ou de soins médicaux, mais de l’amener à faire personnellement l’expérience de la charité de Dieu. Par le bénévolat, le chrétien devient témoin de cette charité divine ; il l’annonce et la rend tangible par des interventions courageuses et prophétiques.

3. Il ne suffit pas d’aller à la rencontre des personnes en proie aux difficultés matérielles : il faut en même temps répondre à leur soif de valeurs et d’explications profondes. Le type d’aide que l’on offre est important, mais le coeur avec lequel cette aide est procurée l’est plus encore. Qu’il s’agisse de micro-projets ou de grandes réalisations, le bénévolat est appelé à être dans tous les cas une école de vie, surtout pour les jeunes, contribuant à les éduquer à une culture de la solidarité et de l’accueil, ouverte au don gratuit de soi.

En s’engageant courageusement pour le prochain, combien de volontaires parviennent à découvrir la foi ! Le Christ, qui demande à être servi dans les pauvres, parle au coeur de celui qui se met à leur service. Il permet de faire l’expérience de la joie qu’il y a à aimer de manière désintéressée, c’est un amour qui est la source du vrai bonheur.

Je souhaite vivement que l’Année internationale du Bénévolat, au cours de laquelle de nombreuses initiatives et de nombreuses manifestations ont eu lieu, aide la société à valoriser de plus en plus les formes multiples de bénévolat, qui représentent un facteur de croissance et de civilisation. Souvent, les bénévoles remplacent et anticipent les interventions des institutions publiques, auxquelles il appartient de reconnaître de manière appropriée les oeuvres nées de leur courage et de les favoriser sans éteindre leur esprit original.

4. Chers Frères et Soeurs qui constituez cette «armée» de paix répandue en tout lieu de la terre, vous êtes un signe d’espérance pour notre temps. Là où apparaissent des situations de difficultés et de souffrance, vous faites fructifier les ressources insoupçonnables de don de soi, de bonté et même d’héroïsme qui sont dans le coeur de l’homme.

Me faisant le porte-parole des pauvres du monde entier, je veux vous dire merci pour votre engagement constant. Avancez avec courage sur votre chemin ; que les difficultés ne vous arrêtent jamais ! Que le Christ, Bon Samaritain (cf. Lc 10,30-37), soit pour chaque bénévole le modèle par excellence.

Imitez aussi Marie qui, se rendant «en hâte» chez sa cousine Élisabeth pour lui venir en aide, devient messagère de joie et de salut (cf. Lc 1,39-45) ! Qu’elle vous enseigne l’art de la charité humble et active, et qu’elle vous obtienne du Seigneur la grâce de le reconnaître dans les pauvres et dans ceux qui souffrent !

Avec ces souhaits, je vous accorde à tous et à tous ceux que vous rencontrez chaque jour sur les chemins du service de l’homme une particulière Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 5 décembre 2001.

JEAN-PAUL II




Discours 2001 - Vendredi 30 novembre 2001