Discours 2001 - MESSAGE AU COLLOQUE ORGANISÉ POUR LA CÉLÉBRATION DU CENTENAIRE DE L’ORDINATION SACERDOTALE DE PÈRE CHARLES DE FOUCAULD


AUDIENCE AUX REPRÉSENTANTS DE L’INSTITUT DU PATRIMOINE NATIONAL POLONAIS À L'OCCASION DU 180ème ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DU POÈTE CYPRIAN NORWID

Dimanche 1er juillet 2001



Messieurs,

1. Je vous souhaite une cordiale bienvenue à tous. Votre présence à Rome et au Vatican accompagne les célébrations du 180e anniversaire de la naissance de Cyprian Kamil Norwid, l'un des plus grands poètes et penseurs de l'Europe chrétienne. Nous avons tous une grande dette à l'égard de ce poète - le quatrième barde - et nous voulons profiter de la circonstance pour l'honorer, tout au moins dans une certaine mesure. J'ai toujours considéré que le lieu où devrait reposer Cyprian Norwid est la crypte des grands poètes, dans la cathédrale de Wawel. Cela s'est avéré irréalisable, car il n'a pas été possible de retrouver et d'identifier les restes du poète. J'ai donc cherché d'autres moyens d'expression, afin de pouvoir d'une certaine façon réparer ce qui n'avait pas été accompli à l'égard de Norwid et que nous ressentons comme faisant partie de notre devoir collectif. Il est juste qu'au moins l'urne contenant la terre de la fosse commune où fut enseveli le poète, trouve à présent à Wawel la place qui lui est due dans sa patrie, car la patrie, écrivit Norwid: "est le lieu pour trouver le repos et mourir" (1).


2. Chers amis! Je suis très heureux de cette rencontre et je lui attribue une grande importance. C'est également pour cette raison qu'en m'y préparant, j'ai repris la lecture des écrits de Norwid et que j'ai parlé avec tous ceux qui, comme moi, apprécient Norwid. Ce dont je désire vous faire part est le fruit de l'échange d'idées avec eux. Je voulais payer honnêtement ma dette personnelle à l'égard du poète, à l'oeuvre duquel me lie une profonde intimité spirituelle, depuis les années du lycée. Au cours de l'occupation nazie, les pensées de Norwid soutenaient notre espérance placée en Dieu, et au cours de la période de l'injustice et du mépris, avec lequel le système communiste traitait l'homme, celui-ci nous aidait à persévérer dans la vérité qui nous avait été donnée comme tâche et à vivre dignement. Cyprian Norwid a laissé une oeuvre de laquelle émane la lumière qui permet de pénétrer plus profondément dans la vérité de notre "identité" humaine, chrétienne, européenne et polonaise.


3. La poésie de Norwid est née de sa vie difficile. Elle s'est formée à la lumière d'une profonde esthétique de la foi en Dieu et dans notre humanité en Dieu. La foi dans l'Amour qui se révèle dans la Beauté qui donne de l'"enthousiasme" au travail, ouvre la parole de Norwid au mystère de l'alliance, que Dieu établit avec l'homme, afin que l'homme puisse vivre, comme vit Dieu. Le chant sur la beauté de l'Amour et sur le travail, Promethidion, indique l'acte même de la création, dans lequel Dieu révèle aux hommes le lien qui unit le travail à l'amour (cf. Gn 1,28); l'homme naît et ressuscite dans l'amour qui accompagne le travail. Le lecteur doit réfléchir sur cette parole qui entraîne aussi loin. Le poète le savait très bien, lorsqu'il disait: "Le fils - l'ignorera, mais toi, petit-fils, tu te rappelleras" (2).


4. La force de l'autorité que Norwid revêt pour les "petits-enfants", provient de la croix. Avec quelle éloquence se révèle sa scientia crucis dans les paroles: "Ne te suis pas toi-même avec la croix du Sauveur, mais suis le Sauveur avec ta croix [...] Cela est finalement le secret d'un mouvement juste" (3). La scientia crucis permettait à Norwid d'évaluer les hommes selon leur capacité à souffrir avec le Sauveur, qui "est et qui sera la racine de toute vérité" (4). Les paroles avec lesquelles notre poète parla de la grandeur du bienheureux Pie IX, constituent l'un des plus beaux témoignages que l'homme puisse rendre à l'homme: "C'est un grand homme du XIXème siècle. Il sait souffrir" (5). Il est significatif que, selon Norwid, les crucifix ne devaient pas porter la figure du Christ, ils pouvaient ainsi indiquer de façon plus claire le lieu où doit se trouver un chrétien. En effet, seuls ceux en qui se déroule chaque jour le drame du Golgotha, peuvent dire: "la Croix est devenue une porte pour nous" (6).


5. Norwid n'enviait à personne les biens et les honneurs reçus. Sa pauvreté en Dieu resplendit à la fin d'une de ses poésies:

"Pour quelqu'un d'autre les lauriers et l'espérance,
pour moi: l'unique honneur est celui d'être un homme" (7).

L'honneur d'être un homme, difficilement concevable "sur la terre", est "plus compréhensible au ciel" (8), et le chemin qui conduit à celui-ci passe précisément à travers la porte de la croix. En la traversant, l'homme perçoit que la vérité de son "identité" d'homme le dépasse infiniment. C'est de celle-ci que provient sa liberté. "Tout prend vie de l'Idéal" (9). L'homme marche en pèlerin vers l'idéal, mais il le reçoit en don. "On attend et on rejoint dans le même temps la vérité" (10), car "l'humanité appartient à Dieu" (11). D'où l'immensité du travail face à la personne humaine qui, "créée à l'image et à la ressemblance" de Dieu, est appelée à devenir semblable à Dieu, ce qui n'est pas facile, car "la difficulté est grande précisément parce qu'elle est quotidienne" (12). Seuls les hommes sobres "dans les choses communes" sont capables de cela, et ils ne le sont que lorsqu'ils sont "enthousiasmés" par ce qui est "éternel" (13). Eux seuls ne se prosterneront pas face aux circonstances, et ils ne commanderont pas aux vérités de "rester derrière la porte" (14). Ce sont eux qui, en travaillant pour la vérité, comme on travaille pour gagner son pain, forment l'histoire. Ils brûlent la terre avec la conscience (15), et c'est la même "Vérité, Véronique des consciences" (16) qui essuie la sueur de leur "front pâle".


6. Norwid reconnaît avec insistance que sans héroïsme, l'humanité "humiliée sur son visage, repliée sur soi" cesse d'être elle-même. "L'humanité privée de la divinité se trahit elle-même" (17). L'ensemble de la société ne sera pas en mesure de s'opposer à la philosophie non-héroïque de notre époque qui la détruit, si en son sein ne se trouvent des personnes qui vivent l'interrogation de Norwid:

"Pour être national - être au dessus des nations!
Et pour être humain, pour cela
Etre surhumain... être double et un -pourquoi ?" (18).

L'homme est un prêtre, encore "inconscient et immature" (19), dont la tâche dans la vie est dès le début de jeter les ponts (ponti-fex) qui unissent l'homme à l'homme, et tous à Dieu. Les sociétés dans lesquelles disparaît ce caractère sacerdotal de la personne humaine sont mesquines. Cette pensée m'a toujours été chère. Je peux dire que dans une certaine mesure elle forme la dimension sociale de mon pontificat.

Norwid disait avec une grande douleur aux Polonais qu'ils ne seront jamais de bons patriotes, si auparavant ils ne travaillent pas en faveur du fait même d'être des hommes. En effet, pour pouvoir accomplir "cette tâche qui est d'être Polonais" (20), il ne faut pas être citoyen de la Pologne d'aujourd'hui (...) mais de celle qui appartient un peu au passé et beaucoup à l'avenir" (21). La Patrie, selon Norwid, se trouve dans un Avenir sans limites, si bien qu'on peut la trouver partout, même "aux limites de l'être" (22). Celui qui l'oublie, fait de la patrie une secte, et à la fin entre dans les rangs de ceux qui sont "grands! - dans les choses privées; dans les choses publiques? - des privés" (23). Tel est le commencement du chaos dans chaque société.

L'ordre de la nation vient de l'extérieur de la nation, et, en définitive, il provient de Dieu. C'est pourquoi, pour ceux qui aiment leur propre pays d'une façon aussi clairvoyante, car sacerdotale, le risque du nationalisme n'existe pas. "La nation est faite non seulement de ce qui la distingue des autres, mais de ce qui l'unit aux autres" (24). Nous connaissons par coeur, mais connaissons-nous en pratique, dans notre conscience, le contenu douloureux des paroles suivantes: "Aujourd'hui, le Polonais est un géant, mais l'homme dans le Polonais est un nain [...] Le soleil se lève sur le Polonais, mais ferme les yeux sur l'homme" (25)? Combien de problèmes polonais pourraient se résoudre autrement, si les Polonais avaient retrouvé dans leur conscience la vérité proclamée par Norwid que "la patrie est un engagement collectif" qui "de par sa nature se compose de deux parties: de ce qui lie la patrie à l'homme et de ce qui lie l'homme à la patrie" (26).

Ici, à Rome, dans le coeur de l'Eglise, dont Norwid écrivit qu'elle est "le plus antique citoyen dans le monde" (27), je répète avec émotion les paroles tirées de Moja Ojczyzna:

"Aucun peuple ne m'a racheté ou créé;
Avant le siècle je me rappelle de l'éternité;
La clef de David m'a ouvert la bouche,
Appelé homme la romanité" (28).


7. Cyprian Norwid fut l'homme de l'espérance. Grâce à celle-ci, il put vivre dignement sur cette terre, en dépit des conditions difficiles dans lesquelles il se trouvait. Il puisait l'espérance en Dieu à travers la prière, auquel il s'adressait avec des paroles puissantes, comme celles que le Sauveur lui-même nous a enseignées:

"Que ta volonté soit faite, non comme sur la terre
(Non comme cela est le plus commode... mais comme cela est le plus digne)" (29).

La prière "formait" la vue du poète de sorte qu'il devinait "les choses de Dieu sous leur enveloppe terrestre" (30). En priant, il travaillait pour l'Amour avec la conviction profonde que la voix de l'homme qui s'élève vers le ciel comme celle du Christ, est toujours exaucée (31).


8. Messieurs, veuillez accepter certaines pensées de Norwid, qui "ne sont pas nouvelles" (32), comme expression de mon hommage pour le travail du poète, et également de ma gratitude à votre égard pour le travail entrepris, afin que dans celui-ci se trouvent également les Polonais. Que chacun d'eux "qui pave la route jusqu'à Copernic", mette dans ce qu'il accomplit "son propre accent original" (33). Je souhaite à tous les Polonais, et de façon particulière à ceux qui apprécient l'oeuvre de Cyprian Norwid, que, à travers leur travail, s'accomplisse dans la société les dernières paroles du Fortepian Szopena: "Les galets sourds gémissent: L'idéal touche le pavé" (34).

Je vous bénis de tout coeur, en demandant en même temps à Celle que nous appelons Mater admirabilis, et que Norwid chantait de façon si belle dans la Légende et dans Litanie, de vous accompagner dans ce travail qui sert l'Eglise, l'Europe et la Pologne.

NOTES

(1) C. K. Norwid, Co to jest ojczyzna, in "Pisma wszystkie", VII, PIW 1971-1976, 50.
(2) Klaskaniem majac obrzekle prawice, II, 17.
(3) Cfr Motto di Promethidion - Bogumil, III, 431.
(4) Lettre à M. Trebicka, mai 1854, VIII, 213.
(5) Lettre à Jan Skrzynecki, mai 1884, VIII, 63.
(6) Dziecie i krzyz, II, 170.
(7) Odpowiedz Jadwidze Luszczewskiej, I, 323.
(8) Dumanie, I, I, 18.
(9) W pracowni Guyskiego, II, 194.
(10) Idee i prawda, II, 66.
(11) Lettre à Józef Ignacy Kraszewski, mai 1863, IX, 99.
(12) Kleopatra i Cezar, V, 54.
(13) Piec zarysów. III. Ruiny, III, 492-493.
(14) LXIX. Poczatek broszury politycznej)..., II, 99.
(15) Socjalizm, II, 19.
(16) Czlowiek, I, 274.
(17) Rzecz o wolnosci slowa, I, III, 564.
(18) Rzecz o wolnosci slowa. II, III, 569.
(19) Sfinks II, II, 33.
(20) Juliusz Slowacki, Notatki in "Dziennik z lat 1847-1848", in "Dziela", XI, Ossolineum 1959, 292.
(21) List do Konstancji Górskiej, juillet 1862, IX, 43.
(22) Fortepian Szopena, II, 144-145.
(23) Rozmowa umarlych. Byron, Rafael-Sanzio, I, 282.
(24) Znicestwienie narodu, VII, 86.
(25) List do Michaliny z Dziekonskich Zaleskiej, 14 novembre 1962, IX, 63-64.
(26) Memorial mlodej emigracji, VII, 86.
(27) Cf. Glos niedawno do wychodztwa polskiego przybylego artysty, VII, 7.
(28) Moja Ojczyzna, I, 336.
(29) /Badz wola Twoja.../, I,150.
(30) /O modlitwie/, VI, 618 e s.
(31) Cf. Monolog, I, 79.
(32) Sila ich, I, 172.
(33) Do Spartakusa (o pracy), VI, 641.
(34) Fortepian Szopena, III, 239.



MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS PROMU PAR L'ACADÉMIE PONTIFICALE POUR LA VIE



Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs!

1. C'est avec un vif sentiment de cordialité que j'adresse à chacun de vous mes salutations à l'occasion de cette rencontre d'étude promue par l'Académie pontificale pour la Vie dans le but d'examiner le délicat problème du caractère licite des xénogreffes. J'adresse une pensée particulière à Mgr Elio Sgreccia, Vice-Président de l'Académie et animateur de votre groupe.

La finalité de votre travail revêt avant tout un intérêt humain, car elle est inspirée par la nécessité de résoudre le problème de la grave insuffisance d'organes humains adaptés pour les greffes: on sait que cette insuffisance entraîne la mort d'un pourcentage élevé de malades inscrits sur les listes d'attente, qui pourraient être sauvés grâce à une greffe, prolongeant ainsi une vie encore valide et toujours précieuse.


2. Il est certain que la transplantation d'organes et de tissus de l'animal à l'homme comporte des problèmes nouveaux de nature scientifique et éthique. Vous y avez apporté une attention responsable et compétente, ayant à coeur dans le même temps le bien et la dignité de la personne humaine, les risques éventuels d'ordre médical, pas toujours quantifiables et prévisibles, l'attention envers les animaux, qui est toujours juste, même lorsque l'on intervient sur eux pour le bien supérieur de l'homme, être spirituel créé à l'image de Dieu.

La science dans ces domaines est un guide nécessaire et une lumière précieuse. La recherche scientifique doit toutefois se placer dans une juste perspective, en tendant constamment au bien de l'homme et à la protection de sa santé.


3. L'anthropologie et l'éthique, à leur tour, sont appelées à intervenir toujours plus afin d'offrir un éclaircissement nécessaire et complémentaire, en définissant des valeurs et des critères auxquels se conformer et en établissant dans le même temps les conditions d'harmonie et de hiérarchie qui doivent exister entre eux.

Comme il ressort clairement de votre présence et de la composition même de votre groupe, on constate que l'alliance entre la science et l'éthique enrichit les deux branches du savoir et les appelle à converger dans l'aide à offrir à l'homme et à la société.

Les précautions et les conditions claires de la pratique des xénogreffes, que vous avez soulignées, sont le fruit de ce dialogue et de cette convergence.


4. La réflexion rationnelle, confirmée par la foi, révèle que Dieu Créateur a placé l'homme au sommet du monde visible et dans le même temps, lui a confié le devoir d'orienter son chemin dans le respect de sa dignité, vers la poursuite du bien véritable de chacun de ses semblables.

C'est pourquoi l'Eglise offrira toujours son soutien et son aide à ceux qui cherchent le bien véritable de l'homme à travers l'effort de la raison, illuminée par la foi: "La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité". (Fides et ratio FR 1, Introduction).

En vous exprimant ma satisfaction pour le travail que vous accomplissez et pour l'effort que vous réalisez avec générosité et dans un esprit de service à l'humanité qui souffre, j'invoque sur vous, sur vos familles et sur les personnes avec lesquelles vous accomplissez vos recherches, les Bénédictions du Dieu de toute science et de toute bonté.

Du Vatican, le 1 juillet 2001.


AUX NOUVEAUX ÉVÊQUES NOMMÉS ENTRE LE 1ER JANVIER 2000 ET JUIN 2001

Jeudi 5 juillet 2001



Très chers frères dans l'épiscopat!

1. Je suis heureux de vous adresser une cordiale bienvenue, à vous tous, nouveaux Evêques, qui prenez part aux Journées d'étude promues par la Congrégation pour les Evêques. Je salue Monsieur le Cardinal Giovanni Battista Re, Préfet du dicastère, et je le remercie pour les paroles qu'il m'a adressées, se faisant l'interprète de vos sentiments et confirmant votre attachement et votre dévotion au Pape. J'exprime également ma reconnaissance au cher Père Marciano Maciel pour la bienveillante hospitalité que les Légionnaires du Christ ont réservée, en ces journées de prière, d'écoute et de réflexion, aux participants au Congrès.

L'initiative, qui réunit à Rome les Evêques de plus récente nomination, provenant de diverses parties du monde, mérite d'être soulignée avec reconnaissance. Chers frères dans l'épiscopat, vous êtes réunis à Rome pour une pause de communion fraternelle et d'approfondissement serein de certains thèmes et problèmes pratiques, qui interpellent le plus la vie d'un Evêque. Je suis certain que le fait d'avoir pu écouter le témoignage de certains Pasteurs qui sont Evêques depuis longtemps, ainsi que certains chefs de dicastères de la Curie romaine, est utile pour vous, qui avez reçu depuis peu la charge de ce ministère.


2. Je sais que votre rencontre a voulu être également et surtout un pèlerinage au tombeau de l'Apôtre Pierre, afin de consolider la communion collégiale entre vous et avec le Successeur de Pierre, que le Christ a voulue comme principe et fondement visible de l'unité de l'Eglise.
Pour ma part, je voudrais vous renouveler l'assurance de ma proximité spirituelle et vous confirmer dans la foi et dans la confiance en Jésus-Christ, qui vous a appelés et constitués Pasteurs de son peuple à notre époque.

La rencontre de ces jours-ci aura certainement été également un puissant événement de grâce qui a favorisé en vous une adhésion renouvelée à votre identité. Une occasion de repenser à la façon dont "raviver le don de Dieu" qui est en vous à travers l'imposition des mains, selon l'exhortation de l'Apôtre Paul à Timothée, sous la direction de l'"Esprit de force, d'amour et de maîtrise de soi" (cf. 2Tm 1,6-7).

Mes chers frères, vous êtes les Evêques du début du nouveau millénaire! Certes, nous vivons dans un monde difficile et complexe. La série de questions que vous avez soulevées ces jours-ci, au cours des rapports et des débats, en est la preuve. Le ministère de l'Evêque n'est pas un ministère à l'enseigne du triomphalisme, mais plutôt de la Croix du Christ. A travers le sacrement de l'Ordre, en effet, vous avez été configurés plus intimement au Christ. Aucune difficulté ne doit vous troubler, car le Christ est notre espérance (cf. 1Tm 1,1). Il marche à nos côtés hier, aujourd'hui et à jamais (cf. He He 13,8). Il est avec nous comme Pasteur suprême (cf. 1P 5,4). C'est Lui qui guide son Eglise vers la plénitude de la vérité et de la vie.


3. En accomplissant votre ministère, vous devez être animés par un profond esprit de service. Aujourd'hui plus que jamais, le rôle de l'Evêque doit être compris en termes de service. Le Décret conciliaire Christus Dominus nous rappelle: "Dans l'exercice de leur charge de père et de pasteur, que les évêques soient au milieu de leur peuple comme ceux qui servent" (CD 16). L'Evêque est le serviteur de tous. Il est au service de Dieu et, par son amour, également des hommes.
"L'Evêque serviteur de l'Evangile, pour l'espérance du monde": tel sera le thème de la Xème Assemblée générale ordinaire du Synode en automne prochain, sur la vie et le ministère des Evêques.

L'Evêque doit exercer sa fonction et son autorité comme un service à l'unité et à la communion. En tant qu'Evêques, nous sommes appelés à conduire le Peuple de Dieu sur les voies de la sainteté; pour cela, nous devons nous tourner vers le Christ comme vers notre modèle. Le succès de notre mission pastorale ne peut être mesuré en termes d'organisation bureaucratique ou de données statistiques: la sainteté se mesure selon d'autres critères.

Le devoir d'un Evêque est d'être un "signe vivant de Jésus-Christ" (Lumen gentium LG 21), signe de l'amour du Christ pour toute personne humaine. Notre efficacité à montrer le Christ au monde dépend en grande partie de l'authenticité de notre façon de suivre le Christ.

La sainteté personnelle est la condition de la fécondité de notre ministère en tant qu'Evêques de l'Eglise. C'est notre union avec Jésus-Christ qui détermine la crédibilité de notre témoignage de l'Evangile et l'efficacité surnaturelle de notre activité et de nos initiatives. Nous ne pouvons proclamer avec conviction "les richesses insondables du Christ" (Ep 3,8) que si nous conservons notre foi dans l'amour et l'amitié avec le Christ.


4. Vous qui venez tout récemment de recevoir l'ordination sacramentelle, ne manquerez pas de retourner souvent en esprit à ce moment émouvant, vous rappelant du triple "munus" qui vous a été confié: être des maîtres de la foi à travers l'enseignement de la vérité que vous avez reçue et que vous avez le devoir de transmettre avec fidélité; être des administrateurs des mystères de Dieu pour la sanctification des âmes; être des pasteurs et des guides du Peuple de Dieu, que le Christ s'est acquis travers son sang. Je souhaite de tout coeur que l'expérience vécue ces jours-ci puisse raviver en vous cet esprit de service qui trouve son modèle dans le Christ, Bon Pasteur.


5. Chers Evêques, le service apostolique, nous le savons bien, comporte des joies et des espérances, mais également des difficultés, des préoccupations et d'immenses défis pastoraux. Mais vous n'êtes pas seuls dans votre ministère, car vous êtes unis, en tant que Successeurs des Apôtres, au Pape, Successeur de l'Apôtre Pierre, à tous les membres du Collège épiscopal, et à tous les Evêques du monde. Les immenses défis qui s'ouvrent à nous sont également de grandes opportunités pour le moment présent.

En repensant à la riche expérience de l'Année jubilaire, qui a mis en évidence le plus grand besoin du Christ qui existe dans le monde, je voudrais vous confier à nouveau et de façon symbolique la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, qui trace les lignes du chemin de l'Eglise en cette nouvelle étape de l'histoire, en projetant son engagement vers de nouveaux objectifs apostoliques.
A vous aussi, je répète: "Duc in altum" (cf. Lc 5,4), avancez avec courage au large, les voiles déployées sous le souffle de l'Esprit Saint.

Pour ma part, je vous embrasse, et je vous assure de mon rappel constant à l'autel de Dieu, afin qu'il renforce le lien spirituel qui nous unit. Ensemble, continuons de travailler avec un élan renouvelé à l'édification du Royaume de Dieu, pour l'espérance du monde. La dimension véritable de votre succès consistera dans une plus grande sainteté, dans un service plus bienveillant envers ceux qui sont dans le besoin, aidant chacun "in caritate et veritate".

Confions à Marie, Mère de l'Eglise, les intentions mûries au cours de ces journées, afin qu'elle soit proche de vous à travers sa protection maternelle et qu'elle rende fécond chacun de vos efforts pastoraux.

Avec ces sentiments, je donne de tout coeur à chacun de vous une Bénédiction apostolique particulière, que j'étends volontiers aux communautés confiées à votre sollicitude pastorale.



AUX SOEURS ADORATRICES DU TRÈS SAINT SACREMENT

Vendredi 6 juillet 2001



Très chères Soeurs!

1. L'heureuse circonstance du XIVème Chapitre général de votre Institut m'offre l'occasion de vous adresser mon salut cordial, et d'exprimer à toutes vos Consoeurs ma reconnaissance pour le témoignage évangélique que vous apportez à travers votre activité.

Je salue avant tout la Révérende Soeur Camilla Zani, Supérieure générale et le Conseil général qui l'a assistée dans la direction de la Famille religieuse au cours de cette période. Je désire, en outre, faire parvenir une pensée affectueuse également à tous ceux qui, dans les divers domaines d'apostolat dans lesquels la Congrégation est engagée, bénéficient du témoignage généreux des Soeurs Adoratrices du Très Saint Sacrement. En effet, vous êtes présentes dans diverses parties du monde où, animées par le feu de la charité, vous vous placez au service du Corps du Christ, en particulier à travers ses membres qui souffrent le plus et qui en ont le plus besoin.

Le ministère de la miséricorde à l'égard des fils de Dieu touchés par des formes "anciennes" et "nouvelles" de pauvreté, constitue l'un des éléments qui caractérisent la présence de l'Eglise dans le troisième millénaire. En effet, "en restant aux paroles non équivoques de l'Evangile, dans la personne des pauvres il y a une présence spéciale [du Christ] qui impose à l'Eglise une option préférentielle pour eux" (Lettre apost. Novo millennio ineunte NM 49). Dans cet esprit, votre décision de centrer les réflexions de votre réunion capitulaire sur le partage du pain, de la Parole et de la mission, selon l'exemple du Christ qui, en voyant la foule affamée qui le suivait, prit pitié (cf. Mc 8,1-9), revêt une importance significative.


2. Toutefois, comment le disciple du Seigneur peut-il demeurer fidèle à cette vocation, s'il ne cultive pas un dialogue d'amour permanent et quotidien avec Lui dans l'écoute de la Parole de Dieu, dans la prière et dans la contemplation?

Le charisme spécifique qui distingue votre présence dans l'Eglise, selon la consigne qui vous a été laissée par votre Fondateur, consiste à adorer "avec l'amour le plus ardent le Très Saint Sacrement" et de puiser "en lui la flamme de la charité envers le prochain". Il ne s'agit pas seulement d'une orientation spirituelle, mais d'un programme de vie précis. Dans l'Eucharistie, le chrétien atteint une intimité spirituelle plus complète avec le Seigneur de la vie et, soutenu par Lui, s'élève à la contemplation de l'amour dans le mystère de la Très Sainte Trinité.

Quelle satiété de l'âme (cf. Lc 9,17) ressent-on au cours des heures intenses passées en adoration devant le Seigneur de l'histoire! C'est avec une telle conscience eucharistique que le bienheureux Spinelli vous recommandait: "Marchez dans la charité: que le feu de la charité s'allume enfin dans vos âmes, aimez votre Dieu et ne placez rien à son niveau ou au-dessus de Lui" (Circ.32).


3. Je souhaite de tout coeur que vos communautés sachent faire quotidiennement mémoire, devant l'Eucharistie, de cet héritage qui vous a été laissé par votre Fondateur. Ainsi, renforcées par la puissance du pain de vie, vous saurez maintenir vive la flamme de la charité au sein de votre Maison.

Que votre vie, comme le fut celle de votre Père, soit constamment rythmée par l'amour pour le Christ Eucharistie, par le service au pauvre, icône du Christ et par la pratique d'un pardon toujours généreux, instrument d'une union communautaire plus intense. Que l'Eucharistie, mémoire parfaite du sacrifice du Christ, soit le paradigme de vos existences personnelles.


4. Comme vous le savez, votre Fondateur eut également comme point de référence spirituel le binôme "berceau" et "croix". Il sut s'inspirer constamment du mystère de Bethléem et du Golgotha, en particulier dans les moments tourmentés de son existence, au point de vous enseigner que "la crèche et le calvaire sont la première et la dernière note, la première et la dernière page de ce poème immense, divin, ineffable d'amour et de sacrifice, qu'est toute la vie de Jésus-Christ" (Circ. 29).

Agissez ainsi vous aussi et communiquez à ceux que vous rencontrez ce même idéal de sainteté. A ce propos, comment ne pas apprécier les opportunités de rencontre et de dialogue qui vous sont offertes par la coopération avec les fidèles laïcs? Dans l'Exhortation apostolique Vita consecrata, je soulignais qu'"aujourd'hui, beaucoup d'Instituts, souvent en raison de situations nouvelles, sont parvenus à la conviction que leur charisme peut être partagé avec les laïcs" (VC 54), en particulier face aux défis de la modernité. Et je concluais en disant que "ces nouvelles expériences de communion et de collaboration méritent d'être encouragées" (VC 55), restant sauves la prudence et la conscience de la distinction des vocations et des devoirs dans l'Eglise.


5. Très chères soeurs! Soyez heureuses d'avoir choisi comme but de votre vie de rester en union intime avec le Rédempteur. Que l'énergie que vous recevez de la contemplation prolongée de l'Eucharistie transforme vos existences en offrande quotidienne au Christ.

A l'image de Marie, sachez méditer dans votre coeur le mystère du Fils (cf. Lc 2,51) et témoignez-en à tous ceux que la Providence vous fait rencontrer. Que l'exemple et l'intercession du bienheureux Francesco Spinelli vous incitent à unir votre sacrifice à celui de Jésus afin qu'"on ait la vie et qu'on l'ait surabondante" (Jn 10,10).

Que dans cet effort incessant, vous accompagne ma Bénédiction, que je vous donne de grand coeur, à vous ici présentes, à vos Consoeurs et à tous ceux qui font l'objet de votre sollicitude apostolique.

 


AUX PARTICIPANTS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DE LA SAINTE-FAMILLE DE NAZARETH



Vendredi 6 juillet 2001


Chères Soeurs de la Sainte-Famille de Nazareth!

1. Je vous salue cordialement à l'occasion de cette rencontre, qui se déroule au cours du XXIème Chapitre général de votre Congrégation. J'adresse une salutation particulière à la Mère générale, Soeur Maria Teresa Jasionowicz.

Vous représentez vos huit provinces religieuses qui incluent quinze pays, dans lesquels s'accomplit votre activité apostolique. Vous êtes venues à Rome, dans la Maison généralice, et aux tombeaux des saints Apôtres Pierre et Paul, pour réfléchir de façon responsable sur la situation actuelle de la Congrégation et pour préparer l'avenir. Dans cette perspective, vous entendez mettre à jour vos Constitutions et procéder à l'élection du nouveau gouvernement général.


2. Dans le "Message aux personnes consacrées", que j'ai adressé aux communautés religieuses dans le Sanctuaire de la Madone de Czestochowa, le 4 juin 1997, j'ai rappelé que "nous vivons une époque de chaos, de confusion et d'égarement spirituels, dans laquelle apparaissent des tendances libérales et de laïcisation; on efface souvent ouvertement Dieu de la vie sociale, [...] et, dans la conduite morale des hommes, se diffuse un dangereux relativisme. L'indifférence religieuse se répand. La nouvelle évangélisation représente un besoin urgent de notre époque [...] L'Eglise attend de vous que vous vous consacriez de toutes vos forces [...] en vous opposant à la plus grande tentation de notre temps, qui est celle de refuser le Dieu de l'Amour" (cf. ORLF n. 25 du 24 juin 1997).

Le monde d'aujourd'hui comporte de nombreuses menaces. Des hommes et des femmes, des couples mariés, des jeunes, des enfants, en font l'expérience. Toutefois, la famille semble la plus menacée! Il ne faut pas perdre courage. Plus les dangers sont nombreux, plus le besoin de foi, d'espérance, de charité, de prière et de témoignage de vie chrétienne est grand. Votre Congrégation veut offrir une réponse évangélique aux inquiétudes de l'homme contemporain. Je me réjouis de ce que, durant vos travaux capitulaires, vous entendez relire votre charisme religieux dans la perspective de la nouvelle évangélisation.


3. Votre Fondatrice, la bienheureuse Franciszka Siedliska, Marie de Jésus Bon Pasteur, que j'ai proclamée bienheureuse le 23 avril 1989, indiqua à votre communauté comme modèle de vie, la vie de la Sainte-Famille de Nazareth: je vous invite à juste titre à vous inspirer des exemples de Jésus, Marie et Joseph. Elle aimait qualifier l'incarnation du Fils de Dieu et la vie cachée de Jésus dans le mystère de la sainte Famille comme le royaume de l'Amour divin.

En formant une communauté religieuse d'amour, vous aidez les familles à s'opposer "à la plus grande tentation de nos temps", le refus du Dieu de l'Amour. Aidez les familles à s'ouvrir au Christ! Cela sera possible dans la mesure où votre vie de prière et votre témoignage seront imprégnés de façon particulière de sollicitude pour la famille. Grâce à votre service, puissent les familles retrouver dans la Famille de Nazareth le modèle de leur vie et de leur conduite. Que l'exemple de vos bienheureuses Consoeurs, les onze martyres de Nowogròdek, qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, offrirent leur vie pour libérer de prison des pères de famille, qui habitaient dans cette localité, soit pour vous d'un grand réconfort. J'exprime ma joie d'avoir pu les élever à la gloire des autels au cours des célébrations du grand Jubilé de l'An 2000, le 5 mars. Que le témoignage de votre vie et la fidélité à votre charisme soutiennent l'oeuvre d'évangélisation et l'édification, dans les familles, du Royaume de l'Amour de Dieu.


4. Le thème des travaux de votre Chapitre général est: la Loi de l'Amour comme appel à un don total de soi. Depuis de nombreuses années, vous vous efforcez de correspondre à cet appel à travers votre apostolat, dans lequel vous vous efforcez de coopérer avec le Christ et avec son Eglise. Témoignez de la loi de l'amour dans vos communautés et en particulier dans le service aux familles qui ont besoin de soutien spirituel et matériel, dans les conseils de la pastorale familiale, dans le service zélé des malades, parmi les porteurs de handicap, dans le travail paroissial, dans les écoles, dans les centres d'éducation, dans les foyers pour mères seules, parmi les personnes dans le besoin et les sans-abris, parmi les enfants, parmi les personnes égarées et indésirables.

Je profite de l'occasion de votre Chapitre général pour vous exprimer ma profonde satisfaction pour cet apostolat de l'amour, qui est l'annonce la plus efficace du Christ au monde de nos jours et la réalisation concrète de votre charisme religieux. Je vous confie ce Message, chères Soeurs réunies ici, afin que vous le transmettiez à toute la Communauté. Je prie le Seigneur afin que les Autorités de la Congrégation, élues au cours du Chapitre général, accueillent, dans l'esprit de ses indications, les nouveaux défis, afin que votre charisme - le royaume de l'Amour de Dieu - brille avec une splendeur encore plus grande dans vos communautés, dans l'Eglise et dans le monde. Que cela demeure le clair reflet de l'"Amour qui nous vient d'en-haut" (cf. Jn 1,8)!


5. Dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, j'ai adressé à tous les fidèles l'exhortation: Duc in altum - Avance au large! Aujourd'hui, avec les mêmes paroles, j'invite votre communauté "à faire mémoire avec gratitude du passé, à vivre avec passion le présent, à s'ouvrir avec confiance à l'avenir: "Jésus est le même, hier et aujourd'hui, il le sera à jamais"" (cf. n. 1). Dans l'esprit de cette Exhortation, je prie Dieu afin que la grâce de votre vocation religieuse porte d'abondants fruits spirituels.

Je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique à la Supérieure générale, aux participantes au Chapitre et à toute la communauté des Soeurs de la Sainte-Famille de Nazareth.



Discours 2001 - MESSAGE AU COLLOQUE ORGANISÉ POUR LA CÉLÉBRATION DU CENTENAIRE DE L’ORDINATION SACERDOTALE DE PÈRE CHARLES DE FOUCAULD