Discours 2001 - MESSAGE DU CARDINAL SODANO AU NOM DU SAINT PÈRE À L'ÉVÊQUE DE RIMINI À L'OCCASION DE LA XXIIème "RENCONTRE POUR L'AMITIÉ ENTRE LES PEUPLES"


MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AU SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DES FILS DE L'AMOUR MISÉRICORDIEUX




Au Révérend Père Maximiano LUCAS

Supérieur général de la Congrégation des Fils de l'Amour miséricordieux

1. J'ai appris avec joie que votre Famille religieuse célèbre cette année le 50ème anniversaire de sa fondation et c'est bien volontiers que je m'unis à l'action de grâce que vous élevez au Seigneur en une circonstance si heureuse.

Il y a cinquante ans, la Servante de Dieu Mère Speranza Alhama Valera, inspirée par le Seigneur, donna vie à votre Institut. Chers Fils de l'Amour miséricordieux, en rappelant ce jour avec émotion, vous élevez tous ensemble une louange à Dieu tout-puissant. Vous rappelant l'enseignement de votre vénérée Fondatrice, vous remerciez Celui "qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ" (Ep 1,3). Dans le même temps, unis en un seul coeur, vous entendez renouveler votre adhésion filiale au Magistère du Successeur de Pierre.


2. Cet anniversaire significatif rend non seulement grâce à Dieu, mais vous offre également l'opportunité de méditer sur le charisme spécifique qui vous caractérise. C'est ce que vous désirez faire au cours du Congrès qui se déroule en ces journées à Collevalenza sur le thème: "Les Fils de l'Amour miséricordieux et la fraternité sacerdotale". Ce thème, qui met bien en lumière votre mission et votre service aux prêtres, vous pousse à être partout de courageux et inlassables apôtres de la miséricorde divine.

Je vous souhaite donc, avec les paroles de l'Apôtre Paul, "que le Christ habite en vos coeurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l'amour. Ainsi vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance" (Ep 3,17-19). En effet, c'est son amour que vous devez diffuser; c'est sa grâce que vous êtes appelés à communiquer par tous les moyens à votre disposition.

"Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ" (Ep 2,4-6). Revenez souvent à ces paroles de l'Apôtre Paul aux Ephésiens. La vie d'un prêtre est "mystère de miséricorde". C'est ce que j'ai voulu rappeler dans la Lettre que j'ai envoyée, à l'occasion du Jeudi Saint de cette année, aux prêtres du monde entier.

Même si la mentalité contemporaine, plus que par le passé, semble vouloir mettre en marge de la vie et ôter du coeur de l'homme l'idée même de miséricorde, il faut proclamer sans relâche la gratuité absolue avec laquelle Dieu nous a choisis et nous aime. "Est miséricorde - ai-je observé dans la Lettre aux prêtres susmentionnée - la condescendance avec laquelle il nous appelle à oeuvrer comme ses représentants... le pardon qu'il ne nous refuse jamais" (n. 6).


3. Je me rappelle avec émotion du pèlerinage que j'ai eu la joie d'effectuer au sanctuaire de l'Amour miséricordieux à Collevalenza, il y a vingt ans. Ce fut mon premier voyage apostolique après l'attentat du 13 mai sur la Place Saint-Pierre. Je retourne à présent en pèlerinage spirituel à Collevalenza, où votre communauté se réunit pour les célébrations jubilaires. Je m'agenouille avec vous et je contemple le grand Crucifix suggestif, devant lequel de nombreux pèlerins s'arrêtent en prière.

Du coeur transpercé du Rédempteur jaillit la source infinie de l'amour miséricordieux. Dieu est "riche de miséricorde": que votre existence tout entière soit un chant élevé à ce mystère sublime de salut. Faites ressentir à ceux que vous rencontrez dans votre apostolat quotidien que le Père céleste est toujours "proche de l'homme, surtout quand il souffre, quand il est menacé dans le fondement même de son existence et de sa dignité" (Dives in misericordia DM 2).

Oui! Accueillez et diffusez l'amour du Seigneur, un amour qui comprend et qui renouvelle tout; un amour qui embrasse chaque homme et tout l'homme; un amour qui transforme la tristesse en joie, les ténèbres en lumière, la mort en vie. Dans un monde marqué par la solitude et par l'angoisse, il vous est demandé de faire resplendir la vérité et la chaleur de l'Amour divin, source de paix et d'espérance.


4. Très chers Fils de l'Amour miséricordieux! Pour un Institut religieux, cinquante années de vie ne sont pas beaucoup, mais elles constituent un objectif significatif. Au cours de ces journées, vous revenez en esprit à vos origines de façon opportune, afin de vous projeter avec un élan plus généreux vers l'avenir. L'Eglise compte sur vous! A l'aube d'un nouveau millénaire, elle vous demande de prendre le large avec confiance, en conservant le regard fixé sur le Christ.

Que la Mère du Verbe fait homme vous soutienne et soit à vos côtés. C'est à Elle, qui, dans sa totale disponibilité, a été "la servante du Seigneur" (Lc 1,38) et qui a fait de son existence un chant de louange et de bénédiction à l'immense tendresse de Dieu, que vous devez avoir recours avec la pieuse confiance qui caractérisait votre inoubliable Fondatrice.

Quant à moi, je vous assure de ma prière, alors qu'avec affection, je vous bénis, Révérend Père, ainsi que les membres de l'Institut et ceux qui font partie de votre famille spirituelle.

De Castel Gandolfo, le 11 août 2001


  MESSAGE AUX PARTICIPANTS AU RASSEMBLEMENT PROMU PAR LES PÈRES PASSIONNISTES



Au Révérend Père Ottaviano D'EGIDIO
Préposé général de la Congrégation de la Passion de Jésus-Christ

Cette année également se tiendra, à l'ombre du sanctuaire de Saint-Gabriel de la Vierge des Douleurs, le rassemblement promu par les Pères passionnistes, parvenu désormais à sa vingt-et-unième édition.

Je salue tous ceux qui y prennent part et tous ceux qui l'ont préparé avec soin. Je salue en particulier le Cardinal Agostino Cacciavillan, qui présidera la Célébration eucharistique solennelle le samedi 25 août. Spirituellement présent, je voudrais m'adresser à chacune des personnes présentes avec la confiance que je place dans leur enthousiasme de jeunes.

Chers jeunes garçons et filles! Le Christ vous demande d'être les acteurs, dans la société d'aujourd'hui, d'un profond renouveau religieux, centré sur la prière, sur la conversion personnelle et sur la recherche constante de la communion ecclésiale. Un grand nombre d'entre vous, en tant que catéchistes et animateurs de groupes, mouvements et associations, sont, à titre divers, engagés dans les paroisses et dans divers diocèses, en particulier dans le centre et le sud de l'Italie. Que votre action missionnaire vous rende toujours plus attentifs aux "signes" et aux "défis" de notre temps.

Votre rassemblement, qui a pour thème "Habite la terre et vis dans la foi; mondialisation ou homme mondial?" vous offre l'occasion de réfléchir sur l'un des thèmes les plus actuels. Le développement économique et technique moderne tend à faire de l'humanité un "village global" avec un réseau étroit d'échanges et de communications. Nous nous trouvons face à un tournant historique, qui doit cependant être guidé, afin qu'il ne se réalise pas au détriment de la dignité de l'homme et du bien commun. A cet égard, les chrétiens sont appelés à apporter leur contribution, en imprégnant ce processus complexe des valeurs évangéliques. Il est nécessaire de "mondialiser" la solidarité et l'amour, selon le commandement nouveau de Jésus. Chers jeunes, c'est à vous également qu'il revient de vous prodiguer par tous les moyens possibles pour édifier une civilisation et une culture inspirées par l'Evangile de la charité. L'avenir du monde repose en grande partie entre vos mains.

A cet égard, il me revient à l'esprit le commandement que j'ai confié aux jeunes du monde entier au cours de l'inoubliable veillée de Tor Vergata, à l'occasion de la Journée mondiale de la Jeunesse, lors du grand Jubilé de l'An 2000. Je disais: "A l'aube du troisième millénaire, je vois en vous les sentinelles du matin".

Je vous répète cette invitation, chers participants au rassemblement. Pour mener à bien cette tâche importante, suivez avec fidélité le chemin de formation de votre spiritualité typique, qui vous demande d'être des "pèlerins, des sentinelles et des témoins". Pèlerins à la recherche de Dieu, sentinelles qui veillent en préparant le retour glorieux du Seigneur ressuscité, témoins intrépides et courageux de son message de salut.

Sur cet itinéraire spirituel, que vous soutienne l'exemple de saint Gabriel de la Vierge des Douleurs, qui, de la grande Tente du Sanctuaire, vous protège. Que la Vierge Marie, Mère de l'Espérance et Etoile de la nouvelle évangélisation, vous guide toujours.

Avec ces sentiments, je vous donne de tout coeur, Révérend Père Préposé général, ainsi qu'au Cardinal Agostino Cacciavillan, aux organisateurs de la rencontre et à tous les jeunes qui participent au rassemblement, la Bénédiction apostolique.

De Castel Gandolfo, le 6 août 2001


MESSAGE AUX RELIGIEUSES FRANCISCAINES DE SAINT-ANTOINE À L'OCCASION DU CENTENAIRE DE LA FONDATION DE LEUR INSTITUT


A la Révérende Mère Maria Goretti MANZO
Supérieure générale des Religieuses franciscaines de Saint-Antoine

1. Avec une dévotion filiale, vous avez manifesté le désir de rencontrer le Successeur de Pierre au cours du Chapitre général de cette Fraternité, dont la date coïncide avec le centenaire de la fondation de l'Institut. En vous remerciant pour l'affection que votre présence manifeste, je vous salue, Révérende Mère, ainsi que le Conseil général qui vous assiste; je salue les Capitulaires réunies ici et je transmets, par votre intermédiaire, l'expression de ma reconnaissance paternelle à toutes les Religieuses franciscaines de Saint-Antoine qui sont engagées à oeuvrer pour le Seigneur dans diverses parties du monde. Très chères Soeurs, je vous encourage à continuer généreusement à "servir les frères les plus indigents, en vivant dans la pauvreté, dans la simplicité, dans l'humilité, dans la charité, dans le sacrifice, dans la prière et dans la joie, selon l'idéal de saint François d'Assise", comme le souligne votre Règle.

En commémorant le premier siècle d'existence de votre Famille religieuse, comment ne pas élever des sentiments de gratitude à Dieu qui, à travers son Esprit, vous a appelées dans l'humilité à suivre le Christ, pauvre, chaste et obéissant? Cet anniversaire particulier est une occasion propice pour renouveler votre témoignage d'amour et de fidélité au Seigneur et à l'Eglise, en réaffirmant votre adhésion sincère et totale à votre charisme.


2. Vous êtes nées pour servir les pauvres et les personnes dans le besoin. Chez celui qui frappe à vos portes en demandant une aide, un soutien et un réconfort dans les difficultés, c'est le Christ lui-même qui se fait présent et qui vous demande d'être écouté. C'est ainsi que votre fondatrice, la Mère Miradio Bonifacio, décédée il y a 65 ans, aimait à présenter votre apostolat. Combien de fois avait-elle recours à Jésus en invoquant avec confiance son saint nom! On peut dire que le nom de Jésus devint la source inépuisable de la charité et du bien qu'elle a accomplis.

Elle vous a également indiqué où rencontrer le Christ et tirer la lumière et le soutien pour pouvoir répondre aux nécessités des frères. C'est dans le mystère de l'Eucharistie que se cache la source de l'amour. Continuez donc à faire jaillir de l'adoration eucharistique chacun de vos élans et engagements apostoliques et missionnaires. Oeuvrez pour la gloire de Dieu en servant les plus pauvres et les personnes abandonnées. Que l'Eucharistie soit la source qui vous alimente et vous soutient et à laquelle vous avez recours chaque jour. Saint François, au charisme duquel vous vous inspirez, rappelle que "nous ne possédons ni ne voyons rien corporellement, dans ce monde, du Très-Haut lui-même, sinon le corps et le sang, les noms et les paroles à travers lesquelles nous avons été créés et rachetés de la mort à la vie" (Sources franciscaines 207/a).

A côté de l'amour pour le Très Saint Sacrement de l'autel, votre vénérée Fondatrice a voulu vous laisser une autre consigne particulière: la confiance inconditionnelle dans la Divine Providence. Elle attendait de Dieu tout soutien pour mener à bien les projets de charité que l'Esprit suscitait en son coeur. A Jésus, Rédempteur de l'humanité, elle puisait le style de vie et d'attention concrète à la personne et à toutes ses exigences qui en caractérisaient l'activité apostolique. En effet, elle s'efforçait d'oeuvrer pour la gloire du Seigneur, au service de ses frères, à travers une existence vécue dans l'amour total pour le Christ et son Eglise, et dans le dévouement sans réserve au service des frères.


3. Très chères Franciscaines de Saint-Antoine! Parcourez sans relâche et fidèlement la voie tracée par votre Fondatrice. L'Eglise compte également sur votre contribution pour annoncer le Christ aux hommes de notre temps. "La vie de l'Eglise - ai-je écrit dans l'Exhortation apostolique Vita consecrata - et la société elle-même ont besoin de personnes capables de se consacrer totalement à Dieu et aux autres pour l'amour de Dieu. L'Eglise ne peut absolument pas renoncer à la vie consacrée, parce que celle-ci exprime de manière éloquente son intime nature "sponsale"" (VC 105).

Que s'incarnent en vous les béatitudes évangéliques avec joie, simplicité et charité, dans une attitude d'abandon confiant à l'amour providentiel et miséricordieux de Dieu, selon l'idéal de saint François d'Assise. C'est ce qu'attend de vous le peuple chrétien, pour pouvoir croître dans l'adhésion inconditionnée à son divin Maître et Pasteur.

Soyez toujours unies par une communion fraternelle, soutenue par l'espérance qui ne déçoit pas (cf. Rm 5,5). Sensibles au commandement du Seigneur, qui envoie les disciples proclamer l'Evangile à tous les peuples, vous aussi, cultivez un profond souci missionnaire. Soyez partout des témoins de l'amour miséricordieux de Dieu.

Cherchez toujours du regard la Vierge immaculée, à laquelle je confie une nouvelle fois votre Famille religieuse, ainsi que ses objectifs. Que Marie, à laquelle s'adressait avec une dévotion humble et filiale votre Fondatrice, soutienne à travers sa puissante intercession, votre apostolat. Que vous protègent également les saints François et Antoine, ainsi que l'illustre foule d'amis de Dieu nés de l'arbre des frères mineurs.

Que vous accompagnent également mes voeux de paix et de bien, auxquels je joins une Bénédiction apostolique particulière.

De Castel Gandolfo, le 20 août 2001


  AUDIENCE AUX MEMBRES DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE LA FONDATION "PARDON CÉLESTINIEN"

Jeudi 23 août 2001



Vénéré frère dans l'Episcopat,
Mesdames et messieurs,

1. Je suis heureux d'accueillir en vous les membres du Jury du Prix international "Pardon célestinien". Vous avez voulu penser à moi comme premier récipiendaire de ce Prix lié à la mémoire de mon saint prédécesseur, Célestin V. En vous exprimant ma gratitude, je salue chacun d'entre vous, avec une pensée particulière pour Mgr Giuseppe Molinari, pasteur de l'Archidiocèse de L'Aquila, pour M. Biagio Tempesta, maire de la ville et pour le Président du Jury, M. Antonio Cicchetti que je remercie des paroles cordiales qu'il m'a adressées en votre nom à tous.

Je constate avec joie qu'au terme du grand Jubilé de l'An 2000, et presque pour en prolonger l'esprit en relation avec l'antique privilège concédé par saint Célestin V, vous avez créé ce Prix qui sera remis tous les ans à une personnalité qui se sera distinguée dans la promotion de la paix, de la réconciliation et de la solidarité. En effet, c'est à ces valeurs que se référa, voici près de 700 ans, le saint ermite du Morrone, Pietro Angelerio. Devenu Pape à une époque difficile de l'histoire de l'Eglise, il voulut, comme on peut le lire dans le règlement instituant le Prix, lier de manière indéfectible sa bien-aimée Abbaye de Collemaggio au don d'une indulgence plénière, de laquelle pouvait bénéficier tous les chrétiens "en respectant la simple règle d'une triple réconciliation: avec le Créateur, avec les créatures et avec eux-mêmes" (art. 2).


2. Le Prix "Pardon" contient un message en parfaite harmonie avec le courageux engagement de renouveau spirituel auquel est appelé l'Eglise en ce début de troisième millénaire. L'Indulgence accordée par Célestin V "universis Christi fidelibus" proposait en effet à la chrétienté de ce temps-là, marquée par de profondes divergences, le remède de la conversion humble et sincère au Christ. N'est-ce pas là la "thérapie" adaptée également pour les chrétiens d'aujourd'hui, tourmentés par des conflits toujours aussi graves?

Il y a dans le "Pardon" un contenu non seulement religieux, mais aussi culturel et social que le Prix que vous avez institué met clairement en évidence. Aux hommes de notre temps qui aspirent à la justice et à la solidarité, à l'amour et à la paix, il rappelle qu'il n'est pas possible de retrouver ces hautes valeurs morales universellement valables sans une solide référence à Dieu.


3. En recevant ce Prix, je forme des voeux afin que votre initiative contribue à maintenir vivante la mémoire de saint Célestin, mettant en lumière son enseignement spirituel avec ses conséquences sociales concrètes. Qu'elle puisse contribuer à répandre et à consolider une authentique culture de la paix et de la solidarité, fruit d'une réconciliation véritable et durable "avec le Créateur, avec les créatures et avec soi-même".

Avec ces sentiments, alors que j'invoque l'intercession de la Vierge Marie élevée au Ciel, vénérée dans la Basilique de Collemaggio à L'Aquila, de saint Jean-Baptiste et de saint Célestin V, je vous donne bien volontiers une Bénédiction apostolique particulière, à vous tous ici présents, à ceux qui vous sont chers et à toute la Communauté de L'Aquila.



AUX RECTEURS DES UNIVERSITÉS ET DES ÉCOLES SUPÉRIEURES POLONAISES

Jeudi 30 août 2001


Mesdames et Messieurs,

1. Je vous souhaite la bienvenue et je vous salue de tout coeur. Je suis heureux de pouvoir recevoir à nouveau les Recteurs Magnifiques des Ecoles supérieures polonaises. Je remercie le Professeur Woznicki, Président du Collège des Recteurs académiques des Ecoles polonaises, de son introduction et des paroles courtoises prononcées à mon égard.

Nos rencontres appartiennent déjà à une tradition et constituent d'une certaine façon un signe du dialogue qui a lieu entre le monde de la science et celui de la foi, Fides et ratio. Il semble que l'époque où l'on cherchait à opposer ces deux mondes soit définitivement terminée. Grâce aux efforts de nombreux groupes d'intellectuels et de théologiens, soutenus par la grâce de l'Esprit Saint, s'accroît toujours davantage la conscience que la science et la foi ne sont pas étrangères, mais ont en revanche besoin l'une de l'autre et se complètent mutuellement. Il me semble que le bon accueil de l'Encyclique Fides et ratio ait été précisément dicté par la conscience toujours plus profonde de la nécessité du dialogue entre la connaissance intellectuelle et l'expérience religieuse. Je rends grâce à Dieu pour chaque inspiration qui nous conduit dans cette direction.


2. Au cours de nos rencontres, j'ai déjà affronté divers thèmes concernant l'Université, les Ecoles d'études supérieures ou les Ecoles scientifiques en tant que milieux qui influencent profondément dans le temps l'existence de l'homme, de la société et de l'humanité. La conscience du rôle extraordinaire de l'Université et des Ecoles supérieures est toujours vive en moi et c'est pour cette raison que j'ai profondément à coeur ces institutions, afin que l'influence qu'elles possèdent sur le monde et sur la vie de chaque homme soit toujours bénéfique pour chaque milieu. Ce n'est qu'ainsi que l'Université et les Ecoles supérieures peuvent être à l'origine d'un progrès véritable, et non d'un danger pour l'homme.

Je me rappelle que, lorsqu'il y a plus de vingt ans j'ai écrit ma première Encyclique Redemptor hominis, ma réflexion était accompagnée de la question sur le mystère de la peur, dont l'homme d'aujourd'hui fait l'expérience. Parmi les diverses causes de celle-ci, il m'a semblé juste d'en souligner une: l'expérience d'une menace de la part de ce qui est le produit de l'homme, le fruit du travail de ses mains et, plus encore, du travail de son intelligence, des tendances de sa volonté. Il semble qu'aujourd'hui, au début du IIIème millénaire, cette expérience se développe encore. En effet, il arrive trop souvent que ce que l'homme réussit à produire, grâce aux possibilités toujours nouvelles de la pensée et de la technique, devienne source d'"aliénation": ce qui est produit échappe partiellement, si ce n'est entièrement, au contrôle de son créateur et se retourne contre lui (cf. Redemptor hominis RH 15). Les exemples de cette situation sont nombreux. Il suffit de citer les conquêtes dans le domaine de la physique, en particulier de la physique nucléaire, ou dans le domaine de la transmission de l'information, du processus d'exploration des ressources naturelles de la terre ou, enfin, des expérimentations dans le domaine de la génétique et de la biologie. Cela concerne malheureusement également des secteurs de la science qui sont davantage liés au développement de la pensée qu'aux moyens techniques. Nous connaissons les dangers qui sont nés au siècle dernier de la philosophie placée au service de l'idéologie. Nous sommes conscients de la facilité avec laquelle on peut utiliser contre l'homme, contre sa liberté et son intégrité personnelle, les succès obtenus dans le secteur de la psychologie. On constate toujours plus fréquemment des cas de destruction de la personnalité - en particulier de jeunes - qui sont provoqués par la littérature, l'art ou la musique, un contenu hostile à l'homme étant inscrit dans leur processus créateur.

En constatant les résultats du caractère "aliénant" de l'oeuvre pour son créateur, tant au niveau personnel que social, l'humanité se trouve, d'une certaine façon, à un carrefour. D'une part, il est clair que l'homme est appelé et doté par le Créateur afin de créer, afin de soumettre la terre. On sait également que l'accomplissement de cet appel est devenu le moteur du développement de divers secteurs de la vie - d'un développement qui devrait être placé au service du bien commun. D'autre part, cependant, l'humanité craint que les fruits de l'effort créatif puissent être dirigés contre elle-même, ou encore devenir des moyens de destruction.


3. Dans le contexte de cette situation, nous nous rendons tous compte que l'Université et chaque Ecole d'études supérieures, en tant que milieu qui promeut directement le développement des diverses sphères de la vie, joue un rôle clef. Il faut donc se demander quelle devrait être la forme intrinsèque de ces institutions, afin qu'un processus ininterrompu de création s'y accomplisse et que ses fruits ne soient pas source d'"aliénation", ne se retournent pas contre le créateur lui-même, contre l'homme.

Il semble qu'à la base du désir d'arriver à cette orientation de l'Université, se trouve la sollicitude pour l'homme, pour son humanité. Celui qui engage dans cet effort sa propre science, son talent et ses efforts, quel que soit le domaine de la recherche, du travail scientifique ou créatif, devrait se demander dans quelle mesure son oeuvre forme tout d'abord son humanité et, ensuite, si elle rend la vie humaine plus humaine sous tous ses aspects, plus digne de l'homme; et enfin si, dans le contexte du développement dont il est l'auteur, l'homme "devient-il véritablement meilleur, c'est-à-dire plus mûr spirituellement, plus conscient de la dignité de son humanité, plus responsable, plus ouvert aux autres, en particulier aux plus démunis et aux plus faibles, plus disposé à donner et à apporter son aide à tous?" (Redemptor hominis RH 15).

Cette orientation de la science, comprise au sens large, manifeste son caractère de service. En effet, la science, si elle n'est pas exercée avec le sens du service à l'homme, peut facilement devenir une élément d'appel d'offre économique, avec un désintérêt conséquent pour le bien commun, ou bien - pire encore - elle peut être utilisée pour dominer les autres et rejoindre les aspirations totalitaires des individus et des groupes sociaux. Voilà pourquoi les scientifiques mûrs, tout autant que les étudiants à leurs débuts, devraient se demander si leur désir légitime d'approfondir les mystères de la connaissance s'insère dans les principes fondamentaux de la justice, de la solidarité, de l'amour social, du respect des droits de l'homme, du peuple ou de la nation.

Du caractère de "service" de la science naissent des obligations non seulement à l'égard de l'homme ou de la société, mais également, et peut-être surtout, à l'égard de la vérité elle-même. Le scientifique n'est pas un créateur de la vérité, mais son explorateur. Elle se révèle à lui dans la même mesure où il lui est fidèle. Le respect de la vérité oblige le scientifique ou le penseur à faire tout son possible pour l'approfondir et, dans les limites du possible, pour la présenter avec exactitude aux autres. Certes - comme le dit le Concile - "les sociétés elles-mêmes ont leurs lois et leurs valeurs propres, que l'homme doit peu à peu apprendre à connaître, à utiliser et à organiser" et conséquemment à cela il faut reconnaître les exigences de méthode propres à chaque science et à chaque art" (Gaudium et spes GS 36). Toutefois, il faut se rappeler que l'unique recherche valable de la vérité est celle qui procède selon un examen méthodique, de manière véritablement scientifique et en respectant les normes morales. La juste aspiration à la connaissance de la vérité ne peut jamais négliger ce qui appartient à l'essence de la vérité: la reconnaissance du bien et du mal.

Nous abordons ici la question de l'autonomie des sciences. Aujourd'hui, on présente souvent le postulat de la liberté illimitée des recherches scientifiques. A ce propos, si d'une part - comme je l'ai dit - il faut reconnaître le droit des sciences à appliquer les méthodes de la recherche qui lui sont propres, on ne peut pas, de l'autre, être d'accord avec l'affirmation que le domaine des recherches elles-mêmes n'est sujet à aucune limitation. La limite est précisément indiquée par la distinction fondamentale entre le bien et le mal. Cette distinction s'accomplit dans la conscience de l'homme. On peut donc dire que l'autonomie des sciences finit là où la juste conscience du scientifique reconnaît le mal - le mal de la méthode, du résultat ou des conséquences. Voilà pourquoi il est si important que l'Université et les Ecoles supérieures de sciences ne se limitent pas seulement à transmettre le savoir, mais deviennent le lieu de la formation d'une juste conscience. C'est là en effet, et non dans le savoir que se trouve le mystère de la sagesse. Et "plus que tout autre, - comme le dit le Concile - notre époque a besoin d'une telle sagesse, pour humaniser ses propres découvertes, quelles qu'elles soient. L'avenir du monde serait en péril si elle ne savait pas se donner des sages" (Gaudium et spes GS 15).


4. Aujourd'hui, on parle beaucoup de la mondialisation. Il semble que ce processus touche également la science et n'ait pas toujours une influence positive. L'une des menaces liées à la mondialisation est une rivalité malsaine Il peut sembler aux chercheurs, de même qu'à tous les milieux scientifiques, que pour pouvoir être à la hauteur du marché mondial, la réflexion, les recherches et les expérimentations ne puissent pas être conduites uniquement en appliquant des méthodes justes, mais doivent être adaptées aux objectifs indiqués à l'avance et aux attentes d'un public le plus large possible, même s'il faut transgresser des droits humains inaliénables. Dans cette perspective, les exigences de la vérité laissent place à ce qu'on appelle les règles du marché. Cela peut facilement conduire à refuser certains aspects de la vérité, voire même à la manipuler, uniquement pour la rendre acceptable à l'opinion publique. Cette acceptation semble alors une preuve suffisante du caractère bien fondé de ces méthodes injustifiables. Il est difficile, dans cette situation, de sauvegarder ne serait-ce que les règles de base de l'éthique. S'il est donc juste et souhaitable qu'il existe une saine rivalité entre les centres scientifiques, elle ne peut pas avoir lieu au prix de la vérité, du bien et du beau, au prix de valeurs comme la vie humaine de sa conception jusqu'à sa mort naturelle, ou bien des ressources du milieu naturel. L'Université et chaque centre scientifique devrait donc, en même temps que la transmission du savoir, enseigner comment reconnaître clairement l'honnêteté des méthodes et également comment avoir le courage de renoncer à ce qui est techniquement possible, mais moralement condamnable.

Cette exigence ne peut être réalisée que sur la base de la clairvoyance, c'est-à-dire de la capacité de prévoir les conséquences des actes humains et d'être responsable des situations de l'homme, non seulement à l'heure actuelle, mais également dans le lieu le plus lointain du monde et dans un avenir indéfini. Un scientifique, tout comme un étudiant, doit toujours apprendre à prévoir le développement et les conséquences que ses recherches scientifiques peuvent avoir pour l'humanité.


5. Voilà quelques réflexions, quelques suggestions qui naissent de ma sollicitude pour l'orientation humaine des instituts à caractère universitaire. Il semble que la réalisation de ces propositions pourront avoir lieu plus facilement dans le cadre d'une étroite collaboration et de l'échange d'expériences entre les représentants des sciences techniques et humaines, y compris la théologie. Il existe de nombreuses possibilités de contact dans le cadre des structures universitaires déjà existantes. Je crois que des rencontres comme celles-ci ouvrent de nouvelles perspectives de coopération pour le développement de la science et pour le bien de l'homme et des sociétés entières.

Si j'aborde aujourd'hui cette question, c'est parce que "l'Eglise, animée par la foi eschatologique, considère cette sollicitude pour l'homme, pour son humanité, pour l'avenir des hommes sur la terre et donc aussi pour l'orientation de l'ensemble du développement et du progrès, comme un élément essentiel de sa mission, indissolublement liée à celle-ci. Et elle trouve le principe de cette sollicitude en Jésus-Christ lui-même, comme en témoignent les Evangiles. C'est pour cela qu'elle désire accroître continuellement en lui cette sollicitude, en relisant la situation de l'homme dans le monde d'aujourd'hui à la lumière des signes les plus importants de notre temps" (Redemptor hominis RH 15).

Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre présence et de votre volonté de collaborer au développement de la science polonaise et mondiale, que vous manifestez non seulement en des occasions aussi solennelles mais également dans votre vie universitaire quotidienne. Vous formez un milieu particulier qui - je l'espère - trouvera son équivalent dans les structures de l'Europe qui s'unit.
Je vous prie donc d'apporter à vos collaborateurs, aux professeurs, au personnel scientifique et administratif, ainsi qu'à tous les étudiants, mon salut cordial et l'assurance de mon souvenir dans la prière. Que la lumière de l'Esprit Saint accompagne tout le milieu des scientifiques, des intellectuels et des hommes de culture de Pologne! Que la Bénédiction de Dieu vous soutienne toujours!


  PAROLES DU SAINT PÈRE À L'ISSUE DE LA PROJECTION EN AVANT-PREMIÈRE DU FILM "QUO VADIS"

Jeudi 30 août 2001


1. Je désire exprimer ma plus vive reconnaissance à ceux qui ont rendu possible ce soir la vision en avant-première d'une oeuvre qui, sous de nombreux aspects, est véritablement significative. Je félicite tout d'abord le metteur en scène, M. Jerzy Kawalerowicz, et le producteur, M. Miroslaw Slowinski, d'avoir réalisé un travail d'une aussi grande envergure, qui révèle l'actualité du roman de Henryk Sienkiewicz, écrit il y a plus d'un siècle et qui lui valut le Prix Nobel en 1905.

Cette nouvelle adaptation cinématographique a été préparée à l'occasion de l'An 2000. Au cours du grand Jubilé, le Christ a dans un certain sens à nouveau traversé les routes de Rome et du monde entier. Et nous Lui avons répété les paroles de l'Apôtre Pierre, rapportées par saint Ambroise (Serm. c. Auxentium, 13): "Domine quo vadis? Seigneur, où vas-tu?". Jésus, comme à l'époque, nous a répondu: "Venio iterum crucifigi. Je viens pour être à nouveau crucifié". C'est-à-dire, je viens renouveler mon don de salut à tous les hommes, à l'aube du troisième millénaire. Dans cette perspective, l'intention du metteur en scène de reproposer la question de Pierre comme étant adressée à l'homme contemporain prend une profonde signification: "Quo vadis, homo? Où vas-tu, homme?". Vas-tu vers le Christ, ou suis-tu d'autres voies, qui te mènent loin de Lui et de toi-même?

Cette interrogation nous touche encore davantage, si l'on considère que le lieu dans lequel nous nous trouvons en ce moment est précisément celui où, il y a deux mille ans, eurent lieu certains faits racontés par le roman et le film Quo vadis?. Nous nous trouvons, en effet, dans la zone du cirque de Néron, où de nombreux chrétiens subirent le martyre, y compris saint Pierre. Un témoin muet de ces événements tragiques et glorieux est l'obélisque, ce même obélisque qui se trouvait alors au milieu du cirque et qui depuis le XVIème siècle se dresse au centre de la Place Saint-Pierre, coeur du monde catholique. Sur cet obélisque trône la Croix, comme pour rappeler que la terre et le ciel passeront, ainsi que les empires et les royaumes humains, mais que le Christ demeure. Il est le même: hier, aujourd'hui et à jamais.


Le Saint-Père poursuivait en polonais:

2. Je remercie profondément de cette soirée particulière toutes les personnes ici présentes, en particulier les producteurs du film: le metteur en scène Jerzy Kawalerowicz, les très bons acteurs et ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont contribué à la réalisation de cette oeuvre.

Une évaluation artistique du film sera effectuée d'ici peu par la critique. Je désire seulement remercier pour le respect avec lequel le film a été réalisé - du respect non seulement pour le chef-d'oeuvre de Sienkiewicz, mais surtout pour la tradition chrétienne, dont il est issu. On ne peut pas comprendre la situation actuelle de l'Eglise et de la spiritualité chrétienne si l'on ne revient pas aux événements religieux concernant les hommes qui, enthousiasmés par la "bonne nouvelle" sur Jésus-Christ, devinrent ses témoins. Il faut revenir à ce drame qui eut lieu dans leurs âmes, dans lesquelles s'affrontèrent la crainte humaine et le courage surhumain, le désir de vivre et la volonté d'être fidèle jusqu'à la mort, le sentiment de la solitude face à la haine impassible et, dans le même temps, l'expérience de la puissance qui naît de la présence proche et invisible de Dieu et de la foi commune de l'Eglise naissante. Il faut revenir à ce drame pour que la question suivante soit posée: Quelque chose de ce drame a-t-il lieu en moi? Le film Quo vadis? offre la possibilité de revenir à cette tradition d'épreuves émouvantes et il aide à se retrouver en elles.
Encore une fois, je vous remercie tous.


Le Saint-Père poursuivait en italien:

3. Je remercie à nouveau ceux qui ont offert et organisé l'avant-première de cette soirée, et je donne de tout coeur à vous tous et à vos proches une Bénédiction apostolique spéciale.




Septembre 2001



Discours 2001 - MESSAGE DU CARDINAL SODANO AU NOM DU SAINT PÈRE À L'ÉVÊQUE DE RIMINI À L'OCCASION DE LA XXIIème "RENCONTRE POUR L'AMITIÉ ENTRE LES PEUPLES"