Discours 2001 - Vendredi 7 septembre 2001


  AUX PARTICIPANTS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DE L'ORDRE DE SAINT-AUGUSTIN

Vendredi 7 septembre 2001



Révérend Prieur général!
Chers Pères de l'Ordre augustin!

1. C'est avec une joie profonde que je vous accueille, à l'occasion du Chapitre général de votre Ordre. J'adresse une salutation particulière au Prieur général, que je remercie de s'être fait l'interprète des sentiments cordiaux de toutes les personnes présentes. Je salue chacun de vous, Pères capitulaires, et j'étends ma pensée affectueuse à tout l'Ordre de Saint-Augustin, réuni spirituellement en ces jours autour de votre Assemblée. Cette rencontre revêt pour vous une importance particulière, car elle se situe au début d'un nouveau siècle et d'un nouveau millénaire, tandis que demeure encore vif le souvenir du grand Jubilé, qui a laissé une trace indélébile dans la vie et dans l'histoire de l'Eglise et du monde.

Tout au long de l'Année Sainte, il nous a été donné de faire l'expérience du Christ, "le même hier, aujourd'hui et à jamais" (He 13,8), de plus près ou, à travers les paroles mêmes de saint Augustin, pour nous "plus intime que notre propre intimité" (Confessions 3, 11). Cela a été une année d'intense contemplation du mystère de l'Incarnation, dans lequel s'est réalisé un extraordinaire "dialogue d'amour" entre Dieu et l'humanité. Saint Augustin écrivait à cet égard: "Celui qui était Dieu s'est fait homme, assumant ainsi ce qu'il n'était pas sans perdre ce qu'il était; et de cette façon, Dieu s'est fait homme. Dans ce mystère, trouve l'aide pour ta faiblesse et trouve en lui ce dont tu as besoin pour atteindre la perfection. Que le Christ te redresse en vertu de son humanité; qu'il te guide en vertu de sa divinité humaine, et qu'il te conduise à sa divinité" (Commentaire de l'Evangile de saint Jn 23,6).


2. Dieu est venu en aide à la radicale faiblesse humaine de l'homme, qui ressent en lui une inquiétude intérieure, étant parfois tendu, de façon inconsciente, vers quelque chose qui le transcende. Saint Augustin parvint à la rencontre avec Dieu précisément à travers les sentiers de l'inquiétude existentielle, ayant pour compagnons de route l'étude de la Parole de Dieu et la prière.
L'expérience d'Augustin ressemble à celle de nombreux contemporains et c'est pour cela que vous, chers Pères augustins, pouvez, à travers des formes modernes de service pastoral, les aider à découvrir le sens transcendant de la vie. Vous devrez être pour eux de sages accompagnateurs vers une foi plus personnelle et, dans le même temps plus communautaire, car c'est l'Eglise qui maintient vivante la mémoire du Christ. Saint Augustin écrivait: "L'Eglise parle dans le Christ et le Christ parle dans l'Eglise; le corps parle dans la Tête et la Tête parle dans le corps" (Commentaire du Ps 30, 2, 4).

Chers fils spirituels de saint Augustin! Apportez dans l'Eglise cet important service missionnaire, puisant au trésor sans fin de votre grand Maître des suggestions et des propositions pour une action apostolique renouvelée. Continuez à réfléchir sur ces thèmes, que vous avez commencé à aborder au cours du Chapitre général intermédiaire de 1998, célébré à Villanova aux Etats-Unis d'Amérique. Employez-vous avec sagesse à la révision des Constitutions et aux réformes juridiques et d'organisation de l'Ordre qui permettront une transmission plus claire du charisme augustinien. Toutefois, le devoir le plus important est de maintenir immuable et vivant l'héritage du message de doctrine et de vie de saint Augustin, dans lequel peut se retrouver l'humanité de toute époque, assoiffée de vérité, de bonheur et d'amour.


3. Saint Augustin, grand connaisseur du coeur humain, sait que dans le fond de l'inquiétude de la personne, il y a Dieu lui-même, "beauté toujours ancienne et toujours nouvelle" (Confessions 10, 27, 38). Dieu est présent à travers de multiples signes et de tant de façons, allant à la rencontre de sa créature assoiffée de transcendance et d'intériorité. Vous, chers Pères augustins, êtes les "pédagogues de l'intériorité", au service des hommes du troisième millénaire à la recherche du Christ. On n'arrive pas à Lui à travers un chemin superficiel, mais à travers la voie de l'intériorité. C'est toujours Augustin qui nous rappelle que ce n'est qu'en s'approchant de son centre de gravité intérieur que le contact avec la Vérité qui règne dans l'Esprit est possible (cf. De Magistro, n. 11, 38).

Pour arriver à cet objectif, à la fois point de départ et d'arrivée, comme le notait saint Augustin dans ses Confessions (cf. 1, 1, 1), un travail d'immersion en soi est nécessaire, de libération des conditionnements du monde extérieur, d'écoute attentive et humble de la voix de la conscience. Ici s'ouvre un vaste domaine pastoral bien connu de votre charisme.

Je voudrais, à cet égard, reprendre les paroles que mon vénéré prédécesseur, le Pape Paul VI, vous adressa un jour à l'occasion d'une rencontre semblable à celle d'aujourd'hui: "Il nous plaît de rappeler, encore, écrivait-il, un élément dans lequel on peut reconnaître un trait particulier, nous pourrions même dire, le génie de l'Ordre augustin, c'est-à-dire l'aptitude à accomplir l'apostolat intellectuel... Vous avez à disposition l'inestimable patrimoine doctrinal du saint, vous avez devant vous une tradition ininterrompue d'études, vous avez un instrument agile et moderne, qui est l'Institut patristique "Augustinianum" et vous ne pouvez donc renoncer à être activement présents dans le domaine religieux et culturel" (Lettre au Prieur général O.S.A. à l'occasion du Chapitre général, 14 septembre 1977).


4. Quelle moisson abondante le Seigneur vous confie-t-il! Si pour mener à bien cette mission, il faut une formation intellectuelle et pastorale adéquate, il est surtout indispensable de tendre vers la sainteté, c'est-à-dire être amoureux de Dieu et de son dessein éternel de salut.

Votre ordre a connu, au cours des siècles, une longue série de saints. Ces dernières années, j'ai eu la joie d'en ajouter d'autres. N'est-ce pas là un signe de vitalité spirituelle et un encouragement pour poursuivre dans cette voie? Que vous serve, entre autres, d'exemple le témoignage de foi et de charité de votre confrère, Mgr Anselmo Polanco, Evêque de Teruel, assassiné au cours des jours tourmentés de la guerre d'Espagne, au coeur du XXème siècle. Fidèle à sa devise épiscopale, il se donna avec joie pour les âmes de ses fidèles (cf. 2Co 12,15).

Je pense également au Père mexicain Elias del Soccoro Nieves, assassiné en haine de la foi en 1928 et élevé à la gloire des autels le 12 octobre 1997, et à la religieuse augustine, Mère Maria Teresa Fasce, qui a vécu à Cascia, l'un des lieux les plus emblématiques de votre spiritualité, lié à la mémoire de sainte Rita, témoin du pardon sans limite et de l'acceptation héroïque de la souffrance.
En regardant des modèles aussi lumineux, soutenus par leur intercession, avancez avec confiance vers l'avenir! Prenez le large! (cf. Lc 5,4).

Je vous répète ce que j'ai eu l'occasion d'écrire il y a quelques années à toutes les personnes consacrées: "Vous n'avez pas seulement à vous rappeler et à raconter une histoire glorieuse, mais vous avez à construire une grande histoire! Regardez vers l'avenir, où l'Esprit vous envoie pour faire encore avec vous de grandes choses" (Vita consecrata VC 110). En ces journées de travail, que Dieu vous inspire, avec la force de son Esprit, et que Marie, Mère du Bon Conseil, vous illumine et vous soutienne dans tous vos choix et décisions opportuns. Avec ce souhait, je vous donne volontiers, Révérend Prieur général, ainsi qu'aux Capitulaires et à tous les membres de l'Ordre augustin, une Bénédiction apostolique particulière.


  MESSAGE AU PRIEUR GÉNÉRAL DE L'ORDRE DES FRÈRES DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE DU MONT CARMEL À L'OCCASION DU 750ème ANNIVERSAIRE DU DON DU SCAPULAIRE




Au Révérend Père Joseph Chalmers
Prieur général de l'Ordre des Frères de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel

1. J'ai appris avec joie que le pluriséculaire Ordre des Frères de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel tient actuellement son Chapitre général, animé du désir de continuer à servir le Christ et l'Eglise dans une fidélité totale à son charisme propre et aux orientations du Magistère pontifical.
Une telle intention prend une signification particulière en ce début de nouveau millénaire, qui voit l'Eglise lancée courageusement vers l'avenir en gardant les yeux fixés sur le Christ - "l'Alpha et l'Oméga, le Premier et le Dernier, le Principe et la Fin" (Ap 22,13) - en s'efforçant d'accomplir fidèlement la mission que Lui-même lui a confié.

En outre, je ne peux pas ne pas souligner que le Chapitre général a lieu au cours de l'année commémorant le 750ème anniversaire du don du Scapulaire. En vue de ce Jubilé spécial, j'ai voulu envoyer, le 25 mars dernier, un message spécial à l'ensemble de la Famille du Carmel. Cette année marque également le VII centenaire de la naissance du grand Evêque carme saint André Corsini, montré justement comme exemple aux pasteurs et comme modèle de vie consacrée à tous les religieux et religieuses.

Alors que je m'unis spirituellement à cette Assemblée capitulaire pour invoquer sur ses travaux l'Esprit du Seigneur, je vous salue, Révérend Père, et je vous remercie du service que vous avez rendu à l'Ordre du Carmel et à l'Eglise au cours de ces six années. Avec vous, je salue également les participants au Chapitre général qui proviennent de différentes nations et, par leur intermédiaire, j'étends ma pensée affectueuse à l'ensemble de l'Ordre du Carmel.


2. Le thème de la réunion capitulaire est: Le voyage continue. La référence à l'expérience humaine du chemin est typique de la spiritualité carmélite. Depuis les premiers ermites établis sur le Mont Carmel, qui s'étaient rendus comme pèlerins sur la Terre du Seigneur Jésus, la vie est représentée comme une ascension vers la sainte montagne, qu'est Jésus-Christ notre Seigneur (cf. Missel Romain Prière de la Messe en l'honneur de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel, 16 juillet). Deux icônes bibliques très chères à la tradition du Carmel guident ce pèlerinage intérieur: celle du prophète Elie et celle de la Vierge Marie.

Le prophète Elie brûle de zèle pour le Seigneur (cf. 1R 19,10). Il se met en voyage vers le mont Horeb et, même s'il est fatigué, il continue de marcher jusqu'à ce qu'il parvienne à son but. C'est seulement au terme de son itinéraire difficile qu'il rencontre le Seigneur dans le murmure d'un vent léger (cf. 1R 19,1-18). En contemplant son exemple, les Frères de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel comprennent plus profondément que seul celui qui est entraîné pour écouter Dieu et pour interpréter les signes des temps est capable de rencontrer le Seigneur et de le reconnaître dans les événements quotidiens. Dieu parle de multiples manières, parfois à travers des réalités qui peuvent sembler insignifiantes.

L'autre icône est la Vierge Marie, que vous vénérez sous le titre de Soeur et Beauté du Carmel. La Madone se met en voyage pour rendre visite à une parente âgée, sainte Elisabeth. A peine a-t-elle reçu l'annonce de l'ange (cf. Lc 1,26-38), elle part généreusement, presque en courant par les sentiers de montagne (cf. Ct Ct 2,8 Is 52,7), ayant appris qu'Elisabeth avait besoin d'aide. Lorsqu'elle rencontre sa cousine, de son coeur s'élève un chant de joie: le Magnificat (cf. Lc 1,39-56). Chant de louange au Seigneur et témoignage de son humble disponibilité à servir ses frères. Dans le mystère de la Visitation, tout chrétien découvre le modèle de sa vocation. Que cela soit tout particulièrement le cas pour vous, réunis en Assemblée capitulaire pour donner à l'Ordre un nouvel élan ascétique et missionnaire. L'âme remplie de louanges pour le Seigneur dans la contemplation de son mystère, avancez joyeux sur les chemins de la charité, vous ouvrant à l'accueil fraternel pour être des témoins crédibles de l'amour miséricordieux du Verbe de Dieu qui s'est fait homme pour sauver le monde.


3. "Le voyage continue". Oui, très chers frères, votre voyage spirituel continue dans le monde d'aujourd'hui. Vous êtes appelés à relire votre riche héritage spirituel à la lumière des défis d'aujourd'hui afin que "les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent" soient "aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ" (Gaudium et spes GS 1), et de manière particulière, de tout carme.

En cette année où vous commémorez le 750ème anniversaire du don du Scapulaire, comment ne pas rendre encore plus vigoureux et plus ferme votre engagement à vous laisser revêtir du Christ (cf. Rm 13,14). Demandez à Marie, pleine d'attention et de délicatesse envers l'enfant Jésus (cf. Lc 2,7), de revêtir chacun d'entre vous de la sagesse et de l'amour de son divin Fils. Et vous, conscients de la mission que Dieu confie à votre Ordre, offrez au monde le témoignage de votre fidélité, pour que le Christ soit connu de tous et accueilli comme l'unique Sauveur de l'homme, hier, aujourd'hui et toujours (cf. He 13,8).

A cette fin, j'invoque sur vous l'abondance de la grâce divine. Que l'Esprit Saint, comme en une nouvelle Pentecôte, descende sur vous et vous illumine pour que vous puissiez discerner la volonté du Père céleste miséricordieux, de façon à être en mesure de parler aux hommes et aux femmes du monde dans les formes les plus adaptées et les plus efficaces (cf. Ac 2,1-13).

Avec ces sentiments, je vous donne de grand coeur la Bénédiction apostolique ainsi qu'aux frères capitulaires et à la Famille du Carmel tout entière, en implorant sur chacun de vous la protection maternelle de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel ainsi que l'intercession du prophète Elie et des nombreux saints et saintes de l'Ordre.

De Castel Gandolfo, le 8 septembre 2001


AU NOUVEL AMBASSADEUR DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE PRÈS LE SAINT-SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Jeudi 13 septembre 2001



Monsieur l'Ambassadeur,

Je suis heureux d'accepter les Lettres qui vous accréditent en tant qu'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire des Etats-Unis près le Saint-Siège. Vous commencez votre mission à un moment d'intense tragédie pour votre pays. En cette période de deuil national pour les victimes des attaques terroristes à Washington et à New York, je désire vous assurer personnellement de ma profonde participation à la douleur du peuple américain et de mes sincères prières pour le Président et les autorités civiles, pour tous ceux qui sont engagés dans les opérations de sauvetage et d'aide aux survivants, et de façon particulière pour les victimes et leur famille. Je prie pour que cet acte inhumain éveille dans le coeur de tous les peuples du monde une ferme résolution à rejeter la voie de la violence, à combattre tout ce qui sème la haine et la division au sein de la famille humaine, et à oeuvrer pour l'aube d'une nouvelle ère de coopération internationale inspirée par les idéaux suprêmes de la solidarité, de la justice et de la paix.

Au cours de ma récente rencontre avec le Président Bush, j'ai souligné ma profonde estime pour le riche patrimoine de valeurs humaines, religieuses et morales qui ont traditionnellement formé l'identité américaine. J'ai exprimé ma conviction selon laquelle la direction morale permanente de l'Amérique dans le monde est basée sur sa fidélité à ses principes fondateurs. L'engagement de votre nation en faveur de la liberté, de l'auto-détermination et de l'égalité des chances est fondé sur des vérités universelles héritées de ses racines religieuses. C'est de celles-ci que naissent le respect pour le caractère sacré de la vie et la dignité de chaque personne humaine faite à l'image et à la ressemblance du Créateur; la responsabilité partagée pour le bien commun; le souci de l'éducation des jeunes et de l'avenir de la société; et le besoin d'une gestion avisée des ressources naturelles accordées avec tant d'abondance par un Dieu généreux. En faisant face aux défis de l'avenir, l'Amérique est appelée à préserver et à appliquer les valeurs les plus profondes de son héritage national: la solidarité et la coopération entre les peuples; le respect pour les droits de l'homme; la justice, qui est la condition indispensable pour une liberté authentique et une paix durable.

Au cours du siècle qui s'ouvre devant nous, l'humanité a la possibilité d'accomplir de grands progrès face à ses ennemis traditionnels: la pauvreté, la maladie, la violence. Comme je l'ai dit aux Nations unies en 1995, nous avons la possibilité de voir qu'un siècle de larmes, le XXème siècle, est suivi au XXIème siècle par un "printemps de l'esprit humain". Les possibilités qui se présentent à la famille humaine sont immenses, bien qu'elles ne soient pas toujours apparentes dans un monde dans lequel trop de nos frères et soeurs souffrent de la faim, de la malnutrition et du manque d'accès aux soins médicaux et à l'éducation, ou subissent le fardeau de gouvernements injustes, de conflits armés, de déplacements forcés et de nouvelles formes d'esclavage humain. En saisissant les opportunités disponibles, prévoyance et générosité sont nécessaires, en particulier de la part de ceux qui ont la chance d'avoir reçu la liberté, la richesse et une abondance de ressources. Les questions éthiques urgentes soulevées par l'écart entre ceux qui profitent de la mondialisation de l'économie mondiale et ceux qui sont exclus de ces bénéfices exigent des réponses créatives et nouvelles de la part de toute la Communauté internationale. Je voudrais souligner ici ce que j'ai dit lors de ma récente rencontre avec le Président Bush: la révolution de la liberté dans le monde doit être complétée par une "révolution des opportunités", qui permettra à tous les membres de la famille humaine de jouir d'une existence digne et de partager les bénéfices d'un développement véritablement mondial.

Dans ce contexte, je ne peux manquer de mentionner, parmi tant de situations de détresse dans le monde, la violence tragique qui continue de frapper le Moyen-Orient et qui menace sérieusement le processus de paix commencé à Madrid. Grâce notamment à l'engagement des Etats-Unis, ce processus a suscité l'espoir dans le coeur de tous ceux qui considèrent la Terre Saine comme un lieu unique de rencontre et de prière entre les peuples. Je suis certain que votre pays n'hésitera pas à promouvoir un dialogue réaliste qui permettra aux parties impliquées de parvenir à la sécurité, à la justice et à la paix, dans le plein respect des droits humains et du droit international.

Monsieur  l'Ambassadeur, la prévoyance et la force morale que l'Amérique doit exercer au début d'un nouveau siècle dans un monde en mutation rapide exige une reconnaissance des racines spirituelles de la crise que les démocraties occidentales connaissent actuellement, une crise caractérisée par le développement d'une vision mondiale matérialiste, utilitariste et en définitive déshumanisante, tragiquement détachée des fondements moraux de la civilisation occidentale. Afin de survivre et de prospérer, la démocratie et les structures économiques et politiques qui l'accompagnent, doit être orientée vers une vision dont le coeur est la dignité conférée par Dieu et les droits inaliénables de chaque être humain, de sa conception à sa mort naturelle. Lorsque des vies, y compris celles des enfants à naître, sont soumises aux choix personnels d'autres, aucune autre valeur ni droit ne sera plus garanti, et la société sera inévitablement gouvernée par les intérêts particuliers et les commodités. La liberté ne peut être soutenue dans un climat culturel qui mesure la dignité humaine en des termes strictement utilitaires. Il n'a jamais été aussi urgent de renforcer la vision et la résolution morales essentielles pour maintenir une société juste et libre.

Dans ce contexte, mes pensées se tournent vers les jeunes d'Amérique, l'espérance de la nation. Au cours de mes visites pastorales aux Nations unies, et surtout de ma visite à Denver en 1993 pour la célébration de la Journée mondiale de la Jeunesse, j'ai pu constater personnellement les ressources de générosité et de bonne volonté présentes chez les jeunes de votre pays. Les jeunes sont certainement le plus grand trésor de votre nation. C'est pourquoi ils ont besoin avec urgence d'une éducation complète, qui leur permette de rejeter le cynisme et l'égoïsme et de croître dans leur pleine mesure en tant que membres de la communauté informés, avisés et moralement respon-sables. Au début d'un nouveau millénaire, les jeunes doivent avoir toutes les occasions de jouer leur rôle d'"artisans d'une nouvelle humanité, où les frères et les soeurs, membres d'une même famille, puissent vivre enfin dans la paix!" (Message pour la Journée mondiale de la Paix 2001, n. 22; cf. ORLF n. 51 du 19 décembre 2000).

Monsieur l'Ambassadeur, tandis que vous commencez votre mission en tant que représentant de votre pays près le Saint-Siège, je répète mon espoir que, en affrontant les défis du présent et de l'avenir, le peuple américain puisera aux ressources morales et spirituelles profondes qui ont guidé la croissance de la nation, et qui demeurent le signe le plus certain de sa grandeur. Je suis sûr que la communauté catholique américaine, qui a traditionnellement joué un rôle crucial dans la formation de citoyens responsables et dans l'aide aux pauvres, aux malades et aux personnes dans le besoin, sera activement présente dans le processus visant à définir la forme que prendra l'avenir de votre pays. Sur vous et sur votre famille, ainsi que sur tout le peuple américain, j'invoque les Bénédictions de joie et de paix de Dieu.


AUX PARTICIPANTS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DE L’INSTITUT DES FILLES DE SAINT-PAUL

Jeudi 13 septembre 2001


Très chères filles de Saint-Paul!

1. Je vous salue toutes avec joie, vous qui êtes venues à Ariccia pour célébrer le Chapitre général de votre Institut. Il s'agit d'une rencontre de "famille" importante, que vous souhaitez riche en communion et en espérance. Grâce à la présence de déléguées provenant des cinq continents, il met bien en lumière le visage désormais "universel" de votre Congrégation.

Je salue respectueusement la Supérieure générale, Soeur Giovannamaria Carrara, et ses collaboratrices directes. Je salue également chacune des capitulaires et, à travers elles, toutes les Filles de Saint-Paul, présentes dans cinquante nations du monde.

Je désire vous exprimer ma vive reconnaissance pour l'amour actif que vous nourrissez pour l'Eglise et pour l'engagement avec lequel vous vous efforcez de revivre l'esprit de l'Apôtre Paul en annonçant l'Evangile dans le vaste et complexe "aréopage" constitué par les moyens de communication sociale.


2. Depuis peu, vous avez commémoré la nuit singulière du début du XXème siècle au cours de laquelle le jeune Alberione, en prière devant Jésus-Eucharistie dans la cathédrale d'Alba, eut la révélation qui devait marquer par la suite toute sa vie d'apôtre et d'évangélisateur.

Il rappelait lui-même avec émotion cette expérience, quand une lumière mystérieuse émana de la Sainte Hostie, l'invitant à accueillir Jésus: "Venite ad me omnes" (cf. Mt 11,28). Cette nuit-là, il comprit mieux les désirs du Pape et les exhortations de l'Eglise à propos de l'authentique mission du prêtre. Il vit clairement les exigences qui dérivaient du devoir des chrétiens d'être des évangélisateurs et il comprit qu'ils devaient apprendre à utiliser les mêmes moyens que les adversaires de la foi utilisent souvent avec plus d'astuce et d'audace. Il se sentit alors comme poussé à se préparer afin de réaliser quelque chose de nouveau au service du Seigneur dans le domaine apostolique. Il se rendait compte de ses limites, mais, dans le même temps, les paroles du Divin Maître le rassuraient: "Vobiscum sum usque ad consummationem saeculi" (Mt 28,20). En contemplant l'Eucharistie, il perçut pleinement que Jésus dans le Très Saint Sacrement est toujours avec nous. En lui, nous trouvons la lumière, la nourriture, le réconfort pour triompher du mal et accomplir le bien.


3. A travers le Chapitre général, vous entendez idéalement revenir à ces moments extraordinaires de grâce. Le thème même de l'Assemblée capitulaire est en syntonie avec ce que vécut votre Fondateur au cours de cette mémorable nuit de prière: "De l'Eucharistie à la mission. Ensemble pour communiquer l'Evangile aujourd'hui". Il s'agit d'un argument qui vous conduit aux racines de votre vocation et ouvre votre esprit aux besoins de votre mission au service de la nouvelle évangélisation. Le Seigneur vous attire à lui: "Venez à moi, vous tous... ", pour ensuite vous confier un mandat missionnaire précis: "Allez, vers toutes les nations".

Allez "ensemble"! C'est ce qu'Il vous répète au cours des travaux capitulaires. Allez confiantes, parce que soutenues par l'Eucharistie, source de vie renouvelée, à laquelle vous pouvez puiser la lumière, la force, la grâce nécessaires à votre engagement missionnaire. De ce mystère suprême, vous pourrez tirer l'ardeur et l'enthousiasme pour annoncer l'espérance qui ne déçoit pas (cf. Ph Ph 1,20) aux hommes de notre temps avec des moyens toujours plus rapides et efficaces.


4. Dom Alberione, connaissant l'urgence qui caractérise votre mission, vous imaginait "Apôtres qui brûlent d'amour de Dieu par une intime vie spirituelle". Il vous voulait comme des soeurs toujours "en chemin", "porteuses du Christ et membres vivants et actifs de l'Eglise".

A travers le témoignage de sa vie, il vous a laissé un héritage spirituel qui se résume bien dans ces paroles qui sont les siennes: "Enracinez-vous dans l'Hostie. Appelez-vous toujours "Paulines". Jésus attira saint Paul, Paul greffé sur le Christ produisit les fruits du Christ..." (Exercices et Méditations, USA 1952, p. 168).

Mais pour devenir de véritables Apôtres du Christ, il faut que vous conserviez le regard fixé sur son visage (cf. He He 12,2). Que le Christ soit le centre de votre vie et de votre mission. Tendez à la sainteté! S'il vous arrivait, comme aux disciples de peiner sans succès (cf. Lc 5,4-6), transformez cette expérience apparemment frustrante en une précieuse occasion de prière et de maturation spirituelle. Les défis de notre époque sont multiples et les moyens à disposition pour les relever n'apparaissent pas toujours adaptés. Que les problèmes, les obstacles ne soient cependant pas pour vous une cause de découragement. Au contraire, qu'ils vous poussent à ouvrir votre coeur à la grâce divine afin que, fortes de la parole du Christ, vous puissiez diffuser, par votre présence et par votre action, la joie et la nouveauté de l'Evangile.


5. Très chères filles de Saint-Paul! Je vous suis reconnaissant pour le service que vous rendez à l'Eglise dans un domaine missionnaire complexe et vaste comme l'est celui des instruments de communication sociale. En cette époque caractérisée par la communication à l'échelle mondiale, il faut faire retentir avec vigueur le message du salut. Pour porter à terme cet engagement, la présence d'agents compétents, qui soient, dans le même temps, des témoins du Christ convaincus et crédibles, est plus que jamais nécessaire. Telle est votre vocation. Soyez fidèles au Christ en toute circonstance. Sachez être de véritables "Paulines", communiquant le Christ, dans une adhésion totale et docile aux enseignements et aux directives de l'Eglise.

Je vous répète, chères Filles de Saint-Paul, les paroles du Sauveur: "Duc in altum!" (Lc 5,4). N'hésitez pas à prendre le large dans l'océan sans limites de l'humanité d'aujourd'hui. Faites palpiter en vous le sentiment fougueux de saint Paul qui s'exclamait: "Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile!" (1Co 9,16). Que cette aspiration soit celle de toute votre existence. Le Seigneur est avec vous, il vous illumine et vous rassure continuellement dans l'Eucharistie.

Je souhaite de tout coeur que ces journées de réflexion et de rencontre vous aident à poursuivre avec plus d'élan votre itinéraire apostolique, en suivant les traces de Dom Giacomo Alberione, de votre co-fondatrice, Soeur Tecla Merlo, ainsi que de toutes les soeurs et de tous les frères qui vous ont précédés.

Je donne à toutes ma Bénédiction!

 


AUX PARTICIPANTS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DES MISSIONNAIRES DU TRÈS PRÉCIEUX SANG

Vendredi 14 septembre 2001



Aux membres de la XVIIème Assemblée générale de la Congrégation des Missionnaires du Très Précieux Sang

Avec affection dans le Seigneur, je souhaite la bienvenue à l'Assemblée générale des Missionnaires du Très Précieux Sang, en cette fête de l'Exaltation de la Sainte Croix. Il est véritablement heureux que nous nous rencontrions le jour où toute l'Eglise chante les louanges de la Croix du Christ et se réjouit de nouveau de la force du sang qui coule de "sa source dans les coins secrets de son coeur pour donner aux sacrements de l'Eglise la force de conférer la vie de grâce" (saint Bonaventure, Opusc. 3, 30)! Avec vous, je m'agenouille avec adoration face à ce flux infiniment précieux qui coule du côté transpercé du Christ, et je prie pour que votre Assemblée générale s'efforce d'assurer que la force de Son sang coule encore plus abondamment dans votre Congrégation pour le bien de la Rédemption du monde.

L'aube du nouveau millénaire est un temps de programme courageux (cf. Novo millennio ineunte NM 29); et il est donc bon que vous ayez choisi comme thème: "Le visage futur des missionnaires du Très Précieux Sang". Il s'agit d'un moment au cours duquel l'Esprit Saint appelle toute l'Eglise à une nouvelle évangélisation, et le Successeur de Pierre se tourne avec confiance vers les Missionnaires du Très Précieux Sang afin qu'ils jouent un rôle créatif et actif dans les efforts renouvelés de l'Eglise pour "faire de toutes les nations des disciples" (Mt 28,19), comme le veut le Christ. Dès le début, votre Congrégation a compris l'importance des paroles du Seigneur: Duc in altum! (Lc 5,4). Le commandement donné à Pierre semblait n'avoir aucun sens: celui-ci avait peiné toute la nuit et n'avait rien pris. Ainsi, à présent également, le Christ demande à l'Eglise d'aller dans des lieux où il semble n'y avoir que peu d'espérance de succès et de faire des choses qui semblent n'avoir aucun sens selon la logique conventionnelle. Le Seigneur nous demande d'abandonner nos idées et de placer au contraire notre confiance dans son commandement, car il sait qu'autrement, nous peinerons en vain.

Lorsque saint Gaspard del Bufalo fonda votre Congrégation en 1815, mon prédécesseur, le Pape Pie VII, lui demanda d'aller là où personne n'était allé et d'entreprendre des missions qui semblaient peu prometteuses. Par exemple, on lui demanda d'envoyer des missionnaires évangéliser les bandits qui, à cette époque, semaient la terreur dans la région située entre Rome et Naples. Certains que la requête du Pape était le commandement du Christ, votre Fondateur n'hésita pas à obéir, même si le résultat fut que de nombreuses personnes le critiquèrent d'être trop innovateur. Jetant ses filets dans les eaux profondes et dangereuses, il fit une pêche surprenante.

Deux siècles plus tard, un autre Pape demanda aux fils de saint Gaspard d'être non moins courageux dans leurs décisions et actions et d'aller là où d'autres ne pouvaient pas ou ne voulaient pas aller et d'entreprendre des missions qui semblaient avoir peu de chances de succès. Je vous demande de poursuivre vos efforts en vue d'édifier une civilisation de la vie, en protégeant toute la vie humaine, de la vie de l'enfant à naître à la vie de la personne âgée et malade, et de promouvoir la dignité de toute personne humaine, en particulier les plus faibles et ceux qui sont privés du droit qui leur revient de jouir des ressources de la terre. Je vous exhorte à poursuivre une mission de réconciliation tandis que vous oeuvrez en vue de réédifier les sociétés déchirées par la crise civile, notamment en réunissant les victimes et les auteurs des violences dans un esprit de pardon afin qu'ils puissent arriver à savoir que "ce sang [du Christ] est justement la raison la plus forte d'espérer et même le fondement de la certitude absolue que, selon le plan de Dieu, la vie remportera la victoire" (Evangelium vitae EV 25).

"Le visage futur des missionnaires du Très Précieux Sang" doit être le visage du Christ crucifié qui a versé son sang pour la vie du monde. Son visage est un visage de souffrance, car "pour rendre à l'homme le visage de son Père, Jésus a dû non seulement assumer le visage de l'homme, mais se charger aussi du "visage" du péché" (Novo millennio ineunte NM 25). Pourtant, de façon tout à fait mystérieuse, même dans les difficultés, Jésus n'a pas cessé de ressentir la joie qui vient de l'union avec son Père (cf. ibid., NM NM 26-27). Et, au moment de Pâques, cette joie a atteint sa plénitude lorsque la lumière de la gloire divine a brillé sur le visage du Seigneur Ressuscité, dont les blessures resplendissent pour toujours comme le soleil. Telle est la vérité sur ce que vous êtes, chers frères. Tel est le visage passé, présent, et futur des Missionnaires du Très Précieux Sang. Cela devrait être votre témoignage dans le monde.

Mais ce ne sera le cas que si votre mission jaillit des profondeurs de la contemplation, dans laquelle "le croyant apprend à reconnaître et à apprécier la valeur quasi divine de tout homme; il peut s'écrier, dans une admiration et une gratitude toujours nouvelles: "Quelle valeur doit avoir l'homme aux yeux du Créateur s'il a mérité d'avoir un tel et si grand Rédempteur!"" (Evangelium vitae EV 25). La contemplation du visage du Christ a été le premier héritage du grand Jubilé (cf. Novo millennio ineunte NM 15) et elle demeure pour toujours au sein de la mission chrétienne. C'est pourquoi une nouvelle évangélisation exige une nouvelle intensité de la prière. Je vous exhorte à faire de cela le centre de tous vos débats au cours de l'Assemblée générale, afin qu'en ces jours de grâce, vous ne cessiez de dire: "C'est ta face, Yahvé, que je cherche" (Ps 27,8 [26], 8).

Ce n'est pas un hasard si saint Gaspard del Bufalo a établi votre Congrégation le jour de la solennité de l'Assomption de la Vierge Marie. Il a vu dans la gloire de la Vierge le fruit merveilleux du sacrifice de son Fils sur la Croix. La Rédemption du Christ restaure de façon merveilleuse l'humanité dans la splendeur qui a été l'intention du Créateur dès le début; et cette splendeur doit être l'objectif de tout dessein et projet des Missionnaires du Très Précieux Sang. C'est pourquoi vous devez toujours vous tourner vers la "Femme! Le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête" (Ap 12,1). En vous confiant à la sollicitude bienveillante de Marie et à l'intercession de votre Fondateur, je vous donne avec joie ma Bénédiction apostolique en signe de miséricorde infinie en Celui "qui nous a lavés de nos péchés par son sang" (Ap 1,5).

 

Discours 2001 - Vendredi 7 septembre 2001